Mayotte Hebdo n°927

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DOSSIER

SMEAM,

MANQUE D’INGÉNIERIE OU DE VOLONTÉ ?

Dans ce dossier, le Syndicat mixte d’eau et d’assainissement de Mayotte est au premier plan. Forcément, puisque c’est bien cet organisme placé sous la houlette des élus communaux qui détient la compétence de la gestion de l’eau sur le territoire. Compétence ? Le mot fait parfois bondir les différentes sources que nous avons pu interroger tant la catatonie semble y avoir régné jusqu’à présent. « Il y a un manque de volonté politique, clairement. Et ici quand on s’affilie à une majorité, on devient muet et aveugle. On ne parle que quand c’est l’adversaire qui est au pouvoir. Je pense que les élus manquaient de compétence et il y a un manque d’ingénierie pour pousser derrière. Je ne parle pas forcément de diplôme mais d’activité… Ou ils partent ou ils se planquent », lance Mohamed Djanfar, l’élu de Chirongui qui siégeait au Smeam jusqu’en 2020 et pour qui le bureau du syndicat « faisait ses salades en internes plutôt que de se préoccuper des investissements ». « Oui les choses ont du mal à avancer, bien sûr qu’il y a une partie des agents qui ne fait rien, mais ceux qui sont motivés ne peuvent pas beaucoup plus avancer, on ne fait rien pour les garder ou les faire monter en compétence. Aujourd’hui, on compte les ingénieurs sur les doigts d’une main. On a eu des spécialistes, comme Monsieur Eau mais on les empêche de travailler. Ou ils n’avaient pas l’impression d’avancer ou en tant qu’agents ils ont mis leur nez là où il ne fallait pas. Au Smeam, on marche sur des œufs, il y a du passif un peu partout. » Ambiance. Ce qui, sur certains sujets essentiels comme la troisième retenue collinaire peut se révéler critique. Du côté de la Deal, on indique ainsi qu’un dossier de demande de déclaration d’utilité publique leur a bien été transmis en 2018. Mais qu’il se trouvait incomplet. Il avait alors été demandé au syndicat de revoir sa copie en l’abondant d’études. Depuis ? « On attend toujours », se désole notre source dans ce service de l’État. « Le dossier est entre les mains de la Deal », rétorque-t-on au Smeam…

L’ÉTAT

RESTE-T-IL À SA PLACE ?

Du côté du Smeam, la critique est quasi-systématique « comment peut-on rejeter la faute sur le Smeam alors que c’est l’État qui a la maîtrise de tous les investissements ? ». « L’État veut profiter de la faiblesse de cette institution pour se l’accaparer mais les élus ont dit non du coup tout est bloqué. Et ça bloquera toujours si ça ne change pas », considère encore Mohamed Djanfar en référence à la proposition d’appui technique de la Deal en 2019. « L’année dernière, le préfet a proposé au Smeam un appui en ingénierie pour l’assister dans le portage de ses investissements. Il n’y a pas eu de suite de donnée. Là on est dans le concret de ce qui freine car pour réaliser tous ces investissements, à un moment donné, il faut de l’opérationnel », livre de son côté une source du côté des services de l’État, tout en rappelant que déjà, la Deal était chargée de valider techniquement les dossiers du Smeam. La défiance règne entre le syndicat et la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal). En principe, le travail se doit d’être partenarial entre le Smeam, autorité de gestion, les services de l’État ainsi que les cofinanceurs tels que l’Agence française de développement et la Caisse des dépôts. Résultat, « Il faut que les travaux soient menés dans certaines conditions etc. Donc effectivement c’est peut-être vu comme de la contrainte mais nous nous sommes engagés dans cette démarche à travers le contrat de progrès (2018) qui nous lie tous et sur lequel nous nous sommes mis d’accord sur les travaux à réaliser », concède-t-on à la Deal. Et force est de constater, d’un côté comme de l’autre, que le partenariat n’a pas fonctionné, « faute de confiance », le Smeam craignant la prise de contrôle, l’autre partie considérant que la partie technique ne suivait pas. « Si l’Etat ne faisait pas confiance au bureau c’est aussi parce qu’il y avait beaucoup de manœuvres auxquelles personne ne comprenait rien sauf un tout petit cercle », livre également un ancien élu du syndicat. Qui déplore cette situation menant à ce que le syndicat soit complètement vidé de son caractère démocratique. « L’année dernière au même moment, il y avait tous les vendredis réunion à la préfecture entre le président, le préfet et la Deal. Tous les vendredis. Et nous, élus, on n’a jamais su ce qu’il s’y disait. On demandait des comptes rendus, rien. »

LE VERRE À MOITIÉ PLEIN LES

FINANCEMENTS SONT-ILS PRÉSENTS ?

Si, sur cette question, nombre d’acteurs du côté du Smeam regrettent de ne pas avoir la pleine gestion des ressources financières dédiées à l’eau, les financements n’ont jamais vraiment été ce qui pêchait dans cette affaire. À titre d’exemple, le plan urgence eau de 2017 était doté d’une enveloppe de 68 millions d’euros. Le contrat de progrès (2018-2020), signé entre le Smeam, les services de l’État et les cofinanceurs prévoit quant à lui 40 millions d’investissement par an, répartis équitablement entre la branche eau et la branche assainissement. Par ailleurs, les recettes d’exploitation perçues par le syndicat en 2019 s’élevaient à près de 11, 5 millions d’euros. Si tous ces postes ne se cumulent pas, ils illustrent toutefois la capacité de financement présente sur le territoire. En revanche tous les crédits alloués, en dehors de la maigre capacité d’autofinancement du Smeam, sont soumis à des réalisations dans des délais et des conditions relativement strictes.

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