DOSSIER
Solène Peillard
TÉMOIGNAGES
DES POMPIERS POUR NOUS SAUVER, MAIS QUI POUR SAUVER LES POMPIERS ?
À M'TSAPÉRÉ, À COMBANI, ET RÉGULIÈREMENT À KAHANI… DEPUIS PEU, LES ATTAQUES VISANT DÉLIBÉRÉMENT LES SAPEURS-POMPIERS, EN INTERVENTION OU AU SEIN MÊME DE LEUR CASERNE, SE RÉPANDENT À TRAVERS TOUTE L'ÎLE. POUR L'HEURE, CES AGRESSIONS N'ONT ENCORE FAIT AUCUN BLESSÉ GRAVE. MAIS POUR COMBIEN DE TEMPS ?
Leur maison brûle. Ou plutôt leurs casernes, leurs véhicules, leurs collègues. Depuis le mois de mai, les agressions de sapeurs-pompiers se multiplient à une vitesse inédite à travers toute l'île. Encore le week-end dernier, les soldats du feu de Kawéni ont été attaqués à M’barazi-M’tsapéré, où des cases en tôle avaient pris feu. Une fois arrivés sur place, les secouristes ont été encerclés par une bande, avant qu'une pluie de pierre ne s'abatte sur eux. La raison ? Le délai d'intervention. 12 minutes. Trop long au goût des assaillants. La réalité ? Les soldats du feu ont dû tirer 500 mètres de tuyau sur un terrain escarpé et inaccessible, sinon à pied. Ce soir-là, trois pompiers seront légèrement blessés. Mais le traumatisme qui les ronge, lui, s'alourdit semaine après semaine. "C'est de pire en pire. À chaque nouvelle journée, on se demande comment ça va se passer." Koutoubou Abdou Madi
s'interrompt, le temps de se racler la gorge. "Excusez-moi, c'est encore très difficile d'en parler. Vous savez, je n'arrête pas de faire des cauchemars depuis la dernière fois…" La dernière fois, c'est cette nuit entre le 10 et le 11 mai. Celle où une cinquantaine d'individus ont fait irruption dans la caserne de Kahani, en empruntant le portail qui ne se fermait plus depuis alors des mois. "Ils étaient armés, ils avaient des machettes avec eux. C'était clair, ils auraient pu nous tuer", souffle douloureusement le doyen des lieux. Ici, tout le monde le surnomme "Le père". Dans le métier depuis presque 30 ans, il est celui qui écoute, qui conseille, qui rassure. Mais difficile de remonter le moral des troupes depuis que celles-ci sont attaquées au sein même de leur lieu de vie. "Quand ils sont arrivés dans la caserne, tout le monde s'est mis à courir pour se mettre à l'abri en allant s'enfermer dans plusieurs pièces, tout au fond", retrace Le père, la voix
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M ay o t t e H e b d o • N ° 9 2 5 • 2 8 / 0 8 / 2 0 2 0