Mayotte Hebdo n°880

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LE MOT DE LA RÉDACTION Intégration et évolution : les sens de Mayotte - "Il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas Mahorais", j'ai dit sympathiquement. - "Vous ? Bien sûr que si, vous vivez ici depuis plusieurs années et vous aimez l'île, donc vous êtes Mahorais", m'a alors répondu mon interlocuteur avec un sourire traduisant pour lui une franche évidence.

au sujet : les wazungus savent-ils réussir leur intégration à Mayotte ? Et puis, qu'est-ce, au fond, qu'une intégration réussie ? S'agit-il de se confondre les uns avec les autres ? Ou tout simplement de se respecter ? Vous trouverez des éléments de réponse dans quelques pages.

Cet échange, vécu de nombreuses fois, est sans équivoque : on devient Mahorais dès lors qu'on aime le territoire et qu'on tâche de participer à son essor. Cet état de fait a été confirmé par notre numéro 849 de juillet 2018, titré Wassi wa Maoré, dans lequel nous demandions à des anonymes croisés au grès de nos pérégrinations dans le département ce que voulait dire, justement, être Mahorais. Encore une fois, la réponse était la même : être Mahorais, c'était aimer Mayotte.

Intégration, oui, mais aussi évolution. Nous le répétons : Mayotte bouge sans cesse, et dans le bon sens. Nous avons à cœur de le faire savoir. Notre portrait est ainsi consacré à Fernand Keisler, premier officier pilote de ligne mahorais. Un modèle pour nos jeunes !

Mais pour aimer, encore faut-il faut s'intéresser. Et c'est là, parfois, que le bât blesse, tout au moins en apparence. Pour beaucoup de natifs de l'île, les métropolitains, les wazungus, ne s'intéressent pas assez – ou pas toujours – à cette île sur laquelle ils ont pourtant choisi de vivre, acceptant parfois de tout quitter en métropole. Vrai ? Faux ? Si les généralités n'existent pas, comme l'explique en substance le sociologue Faissoil Soilihi, que nous avons interviewé, les stéréotypes, eux, sont bel et bien là. À tort ou à raison. Et c'est justement ce que nous avons voulu savoir dans notre dossier de la semaine, consacré

Un environnement encore présent dans nos pages "magazine", puisque nous avons visité pour vous le centre d'enfouissement de Dzoumogné ainsi que le centre de tri de Longoni pour comprendre comment étaient traités nos déchets. Bonne lecture à tous.

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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE

Laurent Canavate

Mayotte Hebdo n°494, vendredi 22 octobre 2010.

Les Réunionnais sont très forts Ce jeudi, le Premier ministre François Fillon a signé avec le président du conseil régional de la Réunion Didier Robert une convention pour la réalisation et le financement d’infrastructures de transports pour l'île de la Réunion. Cette nouvelle convention engage l'État dans un projet d'investissement de 2,2 milliards d'euros ! L'Etat participera à hauteur de 869 M€, contre 829 M€ dans l'ancien protocole d'accord, soit 40 M€ supplémentaires, malgré la crise... Cet investissement va permettre d'engager la réalisation d'une nouvelle route du Littoral entre Saint-Denis et la Possession (à la place du tram-train abandonné), d'un réseau de transport en commun en site propre et le développement des aéroports de SaintDenis et Saint- Pierre. La colère et les manifestations récentes des entreprises et salariés du BTP, le poids des élus réunionnais, rassemblés autour du président UMP pour l'occasion, ont sûrement permis cette rallonge. Mais c'est surtout le montant global de ce projet, étalé sur plusieurs années, uniquement consacré au transport, qui peut faire rêver quand on sait depuis combien d'années Mayotte attend sa piste longue et comment ce projet s'enterre discrètement, ave c l ' a r r ivé e p ro ch a i n e d ' av i o n s d ' A i r Austral pouvant décoller sans rallongement. L'état des autoroutes réunionnaises est sans commune mesure avec les chemins cabossés de Mamoudzou et le bitume de la route des Tamarins a à peine eu le temps de sécher. Alors on peut se dire que les élus réunionnais sont forts, très forts pour négocier avec l'État…

Quand ici on traverse la piscine de Kawéni depuis quelques années, bien qu'il n'y ait que quelques mètres de goudron à rajouter… La situation est ici dramatique au regard du reste du territoire hexagonal et ultramarin. Les chiffres catastrophiques dans tous les secteurs le prouvent sans arrêt : niveau de vie, chômage, illettrisme, habitat insalubre, résultats scolaires, taux de remplissage des équipements publics, retards de paiement, déficit des communes, retraite… Ici, pour mettre en place un Pôle d'excellence, il a fallu se battre pour trouver un interlocuteur, un élu qui accepte de porter le projet avec l'État… Au dernier moment, cette semaine, Ouangani a accepté. Il faut dire qu'il s'agit d'un Pôle d'excellence autour de l'essence d'ylang et des plantes médicinales. Le conseil général devrait présenter ce lundi en session plénière son Plan pluriannuel d'investissement… On va peut-être y voir un peu plus clair après des années d'errance. L'espoir est peut-être au bout du tunnel pour l'avenir économique et social de Mayotte, après deux années de crise majeure. Il faut vraiment y croire pour ne pas baisser les bras. Peut-être suffit-il de descendre dans les rues, comme les Réunionnais, salariés et chefs d'entreprises ensemble, qui battent par ailleurs des records en terme de proportion de Rmistes, de contribution aux résultats du PMU ou de la Française des jeux… En tout cas, cette signature le prouve une fois encore : les Réunionnais sont très forts.

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Douanes : corruption généralisée

Un système de fraude généralisée est mis à jour par le parquet de Mamoudzou. En cause : des douaniers du port, des transitaires et des importateurs qui se livraient à un trafic de marchandises basé sur de fausses déclarations douanières et qui minoraient la valeur des marchandises importées. Un trafic qui avait cours à Mayotte "depuis toujours". Au total, 27 personnes sont mises en examen, dont huit douaniers présumés corrompus. Le préjudice pour la Collectivité est énorme, mais le vice-procureur d'alors estimait que le préjudice pour la Collectivité n'était pas évaluable "car on ne sait pas vraiment ce qu'il y avait dans ces container. Sûrement des centaines de milliers d'euros qui auraient pu servir à refaire les routes ou construire des écoles".

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Mayotte Hebdo n°423, vendredi 10 avril 2009.

Rwanda : itinéraire d'un rescapé

Madi est un de ceux qu'on appelle ici "les Africains." Vendeur à la sauvette du côté du marché de Mamoudzou, le jeune homme vit de la revente des oignons, des songes ou des litchis selon les saisons, en concentrant le courroux des vendeurs du marché couvert, qui l'accusent, lui et les autres "africains" de concurrence déloyale. Un quotidien fait aussi de cache-cache avec la police nationale. Mais Madi a un lourd destin derrière lui : il en effet un des rescapés du génocide rwandais de 1994 et a pris la fuite vers Mayotte quelques années plus tard. Là bas, il a perdu toute sa famille. "Il faut que j’oublie la vie que j’avais avant", se résigne-t-il en confiant : "Je croyais les Hutus méchants, et c’est à cause d’un Tutsi que je suis là", en faisant allusion au président Paul Kagamé.

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Mayotte hebdo n°654, vendredi 11 avril 2014.

GRAND CHOIX DE LEURRES

LA PHOTO D'ARCHIVE À Mamoudzou, 1 200 m3 de déchets ramassés

Juin 2013 : la mairie de Mamoudzou organise un grand nettoyage de la commune avec le soutien d'organismes publics et privés, et des associations villageoises. Durant deux jours, 15 000 personnes se mobilisent pour libérer la capitale de ses nombreux déchets. Une opération d'envergure qui permet de collecter 1 200 m3 de déchets, dont 10 m3 d'emballages ménagers.

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TCHAKS L'ACTION Des infirmiers formés à la vaccination

Afin de pallier le manque de médecins à Mayotte, une session de formation des infirmiers et puéricultrices de la Protection maternelle et infantile (PMI) a été mise en place à la Direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DJSCS). Ambition : permettre aux personnels de santé d’effectuer des vaccinations sans la présence d’un médecin afin d’améliorer la couverture vaccinale des enfants sur le territoire. Celle-ci est en effet insuffisante, de nombreux enfants n'étant pas correctement protégés contre les maladies infantiles, au risque d’entraîner une recrudescence d’épidémies.

LE CHIFFRE

449 000 000

C'est, en euros, le montant du budget prévisionnel du Conseil départemental de l'année 2019. Il est composé de 284 millions pour le budget de fonctionnement et de 165 millions pour le budget d'investissement. Voté mardi 9 avril par les élus départementaux, il a toutefois été critiqué par le Conseil économique, social et environnemental de Mayotte (Cesem), qui reprochait à l'institution le "peu d'informations mises à disposition [pour] lui permettre une analyse circonstanciée." Le viceprésident en charge des finances et du développement économique et touristique, Ben Issa Ousséni, a salué les "efforts de gestion" menés par le Conseil départemental.

LA PHRASE "C’est un pari qui est en train de prendre forme. Nous devons préparer l’avenir, notre avenir"

Le vice-président du Conseil départemental en charge des Affaires sociales, Issa Issa Abdou, se félicite du projet du Département d'ouvrir une classe préparatoire en médecine dès septembre prochain. "Nous avons déjà organisé des réunions et nous allons continuer entre l'ARS et le rectorat", a-t-il précisé. Objectif : permettre aux étudiants de l'île de mieux préparer leurs études de médecine, le numerus clausus de ce cursus, excluant de fait les étudiants mahorais. "Nous souhaitons former de futurs médecins mahorais qui resteront à Mayotte pour construire le futur", a affirmé l'élu.

LA PHOTO DE LA SEMAINE Et voici la future façade maritime de Mamoudzou Ça y est, on sait à quoi ressemblera la façade maritime de la capitale après la réorganisation de la gare maritime de Mamoudzou, liée à la mise en place du réseau de transport en commun Caribus et à celui porté par le Conseil départemental. Au programme : un nouvel embarcadère / débarcadère, la création d'une plage urbaine derrière le marché, une nouvelle gare maritime, mais aussi… un projet de front de mer devant le port de plaisance "qui vise à aménager un espace piéton allant de la pointe Mahabou au port de plaisance", un vieux serpent de mer qui n'a toujours pas vu le jour. Souhaitons que cela soit, cette fois, une réalité.

HEXAGONE

Un peu de Mayotte en Gironde Les mbiwi résonneront en Gironde, le 27 avril prochain. À l’occasion de la première édition de la journée interculturelle à la Maison d’activités culturelles de Pessac, des Mahorais présenteront leur île aux curieux – via l’association étudiante Mayotte Gironde ainsi que plusieurs partenaires. Les ultramarins feront vivre leur territoire grâce à des animations interculturelles, des expositions d’artisanat, de photographies, mais également des dégustations gastronomiques, des défilés de créateurs et des jeux.

BE R E V O R P LE Hairi ya mutru udjiusa raha na uusiwa. Il vaut mieux se laisser tomber qu'être renversé.

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LE FLOP LE TOP Plus de France Ô dès l'an prochain

Des stagiaires poissonniers à Arcachon

Onde de choc dans le monde de l'audiovisuel public, avec l'annonce de la disparition de la chaîne France Ô, dédiée aux outre-mer, dès 2020. "Couper le signal dès 2020, c’est risquer de faire disparaître les Outre-mer des écrans", alertent les rapporteurs de la délégation sénatoriale aux Outre-mer pour une juste présence des Outre-mer dans l’audiovisuel public, Jocelyne Guidez et Maurice Antiste. Dans son rapport d’information adopté mardi 9 avril, les sénateurs dressent un état des lieux sans appel : les grandes chaînes de télévision publique se sont depuis longtemps exonérées de leur cahier des charges en matière de représentation de la population française. Pour preuve : en 2017, les outre-mer ne sont apparus que deux fois sur France 2 en prime time, pour des émissions consacrées à l'ouragan Irma, qui a touché Saint-Martin.

Onze stagiaires originaires de Mayotte, de La Réunion et de Martinique suivent actuellement et pour dix semaines une formation de poissonnier, d’écailler et de traiteur chez Bassin Formation, le deuxième centre de formation en poissonnerie de France, situé vers Arcachon, nous apprend TVBA (La Télévision du Bassin d’Arcachon). Ce stage, initié par Opcalia sous le patronage du ministère de l’Outremer vise à pallier le manque de formation dans ces domaines, notamment à Mayotte.

ILS FONT L'ACTU Ahmed Ali Mondroha

Reconduction du directeur généra de la Société immobilière de Mayotte (SIM) dans ses fonctions, mercredi 3 avril, par le conseil d'administration de la société. Ahmed Ali Mondroha, deuxième mahorais à exercer cette fonction, a succédé à Mahamoud Azihary au mois de juin 2015. Il est reconduit dans ses fonctions pour une durée de trois ans.

Christophe Castaner

Le ministre de l'Intérieur en visite officielle à Mayotte du dimanche 14 au mardi 16 avril. Aucun programme n'avait encore été fourni à l'heure où nous bouclions cette édition, mais Christophe Castaner pourrait faire des annonces concernant l'équivalent de l'opération Harpie – mis en place en Guyane et associant gendarmerie et armée contre l'orpaillage – à Mayotte, et qui viserait, chez nous, à lutter contre l'immigration clandestine.

BALADE

Sans oublier… Kylian, jeune mahorais

de 10 ans, a remporté le concours d'éloquence de Lormont, en Gironde, dans la catégorie des écoles primaires. L'écolier a pris la parole devant un millier de personnes ainsi que devant un jury composé de 16 personnalités, présidé par l'écrivaine Natacha Appanah. Kylian avait été désigné "messager" par sa classe afin de porter haut l'art de la rhétorique. Pari gagné !

SONDAGE

Randonnée à Bandrélé Depuis le week-end dernier, une nouvelle randonnée existe à Mayotte. Le sentier des crêtes a en effet été inauguré par la municipalité de Bandrélé sur les hauteurs du village. Financé en grande partie par l'Union européenne, il complète l'offre touristique et de loisirs de l'île. Le long des 7,4 kilomètres du parcours, des bornes et de QR codes renseignant sur la faune et la flore, mais aussi de tables de pique-nique et de farés pour se détendre, ont été mis en place.

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À LA RENCONTRE DE...

Houdah Madjid

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FERNAND KEISLER

OFFICIER PILOTE DE LIGNE ORIGINAIRE DE PAMANDZI EN PETITE-TERRE, FERNAND KEISLER EST LE PREMIER OFFICIER PILOTE DE LIGNE MAHORAIS. UN OBJECTIF QU'IL A ATTEINT EN TRAVAILLANT D'ARRACHE-PIED, FAISANT AINSI LA FIERTÉ DES SIENS MAIS AUSSI DE TOUT MAYOTTE. L'EMBARQUEMENT EST IMMÉDIAT. Du haut de ses 28 ans, Fernand Keisler comptabilise aujourd'hui 1500 heures de vol à son compteur. L'officier pilote de ligne (OPL) chez Ewa Air depuis deux ans, se délecte à survoler la région. Après son baccalauréat scientifique au lycée de PetiteTerre, Fernand Keisler s'envole pour l'Hexagone, où il entame une première année en faculté de physique chimie à Montpellier (34). L'année suivante, il réalise que ce cursus ne lui correspond pas. "C'était pas les études qui m'emmèneraient au métier de pilote de ligne", explique le passionné de l'aviation civile depuis son plus jeune âge. Plusieurs options s'offrent à lui dont l'intégration de l'École nationale de l'aviation civile (ENAC), sise à Toulouse, mais son choix ne portera pas sur celle-ci. "J'aurais beau être très bon, elle ne me garantissait pas de finir aux commandes d'un avion". Fernand Keisler se tourne alors vers une autre formation dans le domaine, à sa charge. Avec sa copine de l'époque, devenue aujourd'hui son épouse, ils entament la formation de stewart et d'hôtesse de l'air à Montpellier. "On a très vite compris qu'il fallait améliorer notre niveau d'anglais", confie-t-il. À deux, ils sillonnent l'Europe et privilégient les pays anglophones comme l'Angleterre. En 2013, le couple rentre à Mayotte. Attentif à l'aviation civile du côté de son île, Fernand Keisler propose à son épouse de postuler chez Ewa Air qui a vu le jour la même année. De son côté, il opte pour la Slovénie afin d'effectuer une formation EASA qui délivre une licence de pilote de ligne reconnue en Europe. La formation se déroule au sein de la compagnie nationale slovène, Adria Airways. "Le sérieux de la compagnie m'a fait faire la formation chez eux", souligne Fernand Keisler. Outre la pratique de la langue anglaise, le théâtre d'opération sur place

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Premier officier pilote de ligne mahorais

À tout juste 28 ans, Fernand Keisler est le premier officier pilote de ligne mahorais. Après avoir silloné les quatre coins du monde, il prend désormais les commandes pour survoler son île.

CE QU'ILS EN DISENT Dhoirfat, compagne de Fernand Keisler

"Il est très pédagogue" "Fernand est un passionné dans le sens où il arrive à transmettre l'envie de le suivre. Au début j'étais professeure d'espagnol, il a tout fait pour que j'aime aussi sa passion. Aujourd'hui , je suis cheffe de cabine chez Ewa Air depuis quatre ans. Il est très pédagogue. Il arrive à bien expliquer les choses, finalement on se dit que ce n'était pas si dur que ça".

s'avère être "fabuleux" dixit l'officier pilote de ligne. En effet, le temps de vol entre les différentes destinations voisines et la capitale slovène, Ljubljana, est relativement court : dix minutes de survol de l'Autriche et de l'Italie. "Survoler Venise était le quotidien de l'ensemble des élèves pilotes", se souvient le jeune officier pilote. "Mon objectif était de rejoindre la compagnie Ewa Air" La formation obtenue en Slovénie délivre le titre de pilote de ligne - ATPL - mais ne qualifie pas le type d'avion. En effet, la formation comprend plusieurs licences à acquérir : la première licence de

pilote de ligne permet un vol local autour de Mayotte, par exemple. "Pour partir plus loin, une validation en anglais est requise", souligne Fernand Keisler. Piloter un avion gros porteur requiert la licence multi-enging. Pour transporter des passagers, la licence des pilotes privés ATPL est nécessaire. "Chacune de ces formations sont indépendantes", indique-t-il avant d'ajouter : "Toutes les licences obtenues pour permettre de rejoindre l'aviation civile sont appelées Zéro to ATPL. Elles ne permettent pas de piloter tous les avions", met en garde l'officier pilote de ligne. Une qualification type est alors requise. Chose qu'il a effectué en sortant de l'école, se focalisant sur les avions ATR (Avions de Transport Régional). Un choix stratégique : "mon

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"J'AI TOUJOURS LES YEUX RIVÉS AU NIVEAU DU LAGON, À CONTEMPLER LE BLEU TURQUOISE" objectif était de rejoindre la compagnie Ewa Air qui disposait de cet appareil". Fernand Keisler passera sa formation à Toulouse en 2016. Une formation réalisée dans des simulateurs de vol chez ATR, et qui est ensuite validée par des tours de piste avec l'avion réel, effectué cette fois à Copenhague. "Il faut comprendre qu'un pilote de Boeing 787 ne peut piloter un ATR à moins qu'il passe une qualification type et inversement", explique celui qui a regroupé tous les critères pour postuler chez Ewa Air. Une chance pour le jeune officier pilote de ligne qui s'estime heureux d'être au service de son île et d'avoir atteint son objectif : intégrer la compagnie Ewa Air qui favorise un recrutement local. Quid de la piste longue ? Pour ou contre la piste longue ? L'avis d'un officier pilote de ligne intéresse davantage. "La piste n'est pas plus dangereuse qu'il y a dix ans", indique Fernand Keisler. "Il y a dix ans on accueillait des Boeing 777 qui sont beaucoup plus gros que les 787".

La piste longue, oui il est pour. "Vous aurez beau avoir une piste de 5km de long, cela n'empêchera pas un avion d'interrompre son approche parce que la piste est mouillée par exemple. La piste longue serait intéressante à Mayotte pour que les avions puissent faire des vols directs. C'est une question de meilleure technologie". Une autre réalité de notre desserte aérienne est le "prix du pétrole très cher" explique Fernand Keisler qui fait parallèlement référence au directeur de la compagnie low cost French Bee, qui avait déclaré ne pas pouvoir rentabiliser ses vols avec son Airbus A330 à Mayotte. "Corsair a également abandonné", rappelle l'officier pilote de ligne. "La piste de Mayotte n'est pas dangereuse comme le laisse entendre beaucoup de gens. En revanche une piste plus longue permettrait d'arriver sur une piste plus confortable". En effet, les pistes d'atterrissage sont classées par niveau de compétences de A à C, celle de Dzaoudzi est classée dans la catégorie B. Elle suscite une formation supplémentaire afin de pouvoir s'y poser. Découvrir la région Si tout au long de sa formation jusqu'à l'accession de son métier, Fernand Keisler a eu à sillonner les quatre coins du monde, il n'en demeure pas moins que Mayotte reste sa destination favorite. Dans la région il a déjà survolé les îles de La Réunion, la Grande Comore, Anjouan, Madagascar mais aussi les villes de Pemba, Dar es Salam et bien d'autres. Aucune ne remplace Dzaoudzi. "J'ai toujours les yeux rivés au niveau du lagon, à contempler le bleu turquoise", confie-t-il. Actuellement en formation, à La Réunion, puis à Paris, Fernand Keisler sera bientôt de retour dans le ciel mahorais. De temps à autres, il aiguille la jeunesse quant à sa profession. "Ce que je leur explique avant tout, c'est que ce métier n'est pas inaccessible. Quand on veut on peut". n

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CE QU'ILS EN DISENT Brigitte Keisler, mère de Fernand Keisler

"Fernand est déterminé" " S'il a envie de faire quelque chose, il le fait jusqu'au bout. Fernand est quelqu'un de déterminé. Quand il tient à quelque chose, il ne lâche pas".

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LE DOSSIER

BLAN

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NCS

Si les communautés métropolitaine et mahoraise se côtoient et se respectent sans difficultés à Mayotte, il serait faux de prétendre qu'elles partagent l'essentiel de leurs centres d'intérêts. Si quelques métropolitains ont, il est vrai, embrassé la culture et le mode de vie local, beaucoup ont la réputation de ne vivre qu'entre eux et de ne s'intéresser qu'au lagon, aux opportunités professionnelles, et à l'exotisme que leur procure l'île. Vrai ? Faux ? Et si, au fond, ces deux communautés n'avaient tout simplement pas encore achevé de se rencontrer ?

ME NEIGE ? 13

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LE DOSSIER

Geoffroy Vauthier

UNE RENCONTRE ENCORE INABOUTIE PARMI LES COMMUNAUTÉS QUI VIVENT À MAYOTTE, CELLE DES MÉTROPOLITAINS. TOUJOURS PRÉSENTS, MAIS JAMAIS LES MÊMES, LEUR ENGAGEMENT POUR L'ÎLE APPARAÎT SOUVENT SUPERFICIEL ET TEINTÉ D'INTÉRÊTS PERSONNELS. SI CERTAINS RECONNAISSENT NE PAS S'INTÉRESSER D'ASSEZ PRÈS À MAYOTTE, D'AUTRES REGRETTENT QUE CELA NE SOIT PAS SI SIMPLE DE LE FAIRE. "Franchement, je finis ma dernière année et bassi" : la phrase a le mérite d'être claire. Après trois années passées à travailler dans le secteur privé mahorais, Anthony est formel : Mayotte, "Il en a soupé." La raison ? Une île "qui stagne" et où "rien n'avance" à cause à de "politiques inactifs et corrompus qui jettent la faute sur les autres." Cerise sur le gâteau : "La population, qui pourrait pourtant avoir plus, préfère ne rien dire, car il y a toujours quelqu'un de la famille qui bénéficie du système." Le jugement parait dur, mais il est pour partie responsable du départ du trentenaire. S'y ajoutent une île "belle mais très petite et pas mise en valeur", des "billets d'avion trop chers", et "peu d'activités en dehors de la plage, des quelques bars et des voulés." C'est pourtant avec enthousiasme qu'Anthony avait posé ses pieds à Mayotte en 2015. Il s'en souvient encore : "Très sincèrement, je n'avais pas envisagé de venir un jour ici. J'ai juste suivi un ami qui venait s'y installer. Je n'avais pas de boulot en métropole, je me suis dit "pourquoi pas", tout simplement." Les premiers pas sont concluants, il y restera trois ans, dont "une année de trop", estime-t-il. Le mouvement social du début d'année 2018 aura achevé d'émousser l'attrait que l'île provoquait chez le jeune cadre : "J'aurais dû partir plus tôt, pour rester sur une bonne image. J'aurais préféré me dire que je partais trop tôt que trop tard." Trois ans, c'est la limite au-delà de laquelle on considère les métropolitains comme des "anciens" à Mayotte. Il faut dire que le turn-over est grand chez les wazungu. Parmi ces "anciens", Damien, professeur

titulaire de collège, qui achève ces quatre années de mutation en juin prochain. Il ne s'en cache pas : "Je venais d'avoir mon concours et entre un poste en Corrèze et un poste à Mayotte, mon choix a été vite fait." La possibilité d'une expérience lointaine, mais aussi l'attrait des primes. Là encore, le professeur est honnête : "Pour mettre de l'argent de côté, c'est idéal, on ne va pas se mentir. On a des salaires ici qu'on n'aurait jamais en métropole." De quoi encourager le lointain déménagement. À l'aube de sa cinquième année mahoraise, Damien a d'ailleurs choisi de prolonger encore un an ici. Les raisons ? Les mêmes que celles qui l'ont fait venir ici : défaut d'autres possibilités et rémunération attrayante. Moins "anciens" qu'Anthony et Damien, Clémence et Romain n'auront, eux, pas fait de vieux os sur l'île aux parfums. Au bout d'un an en effet, la première, infirmière débutante en "réa-néonat" (service de réanimation néonatale et néonatologie, ndlr), et malgré l'intérêt qu'elle portait à l'île, choisissait de faire demi-tour et de rentrer en métropole. Son discours tenait alors en quelques mots : l'impossibilité de faire correctement son travail dans un CHM réputé saturé. Ça, le ras-le-bol de devoir être vigilante à chacune de ses sorties, et le manque d'activités culturelles. Romain, lui, même âge, même profession, mais arrivé en 2016 à Mayotte, n'aura lui non plus pas prolongé son contrat. Si l'île lui a bel et bien plu, il n'avait plus intérêt à y rester au bout d'un an. "Je suis content d'y être venu, mais un an c'était suffisant", confie celui qui est en Guyane depuis l'année dernière. Il détaille : "Cela m'a permis d'affiner mon expérience et de voyager

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dans l'océan Indien." Et ? Et c'est tout. Mayotte est pour lui aussi, "une île toute petite où il n'y a pas grand-chose à faire. Une fois qu'on connait bien le lagon, on tourne un peu en rond", explique-t-il. Et puis, entre les anciens et les "néo-arrivants", il y a ceux qui restent deux ou trois ans. Le temps de "profiter à fond" comme l'explique Marion, 26 ans. Infirmière, elle apprécie son travail, le fait de pouvoir voyager, mais aussi le lagon qu'elle fréquente assidûment chaque week-end, passant d'une sortie bateau à un bivouac festif, d'un voulé à une échappée au mont Choungi. Mayotte, elle l'aime et en poste régulièrement des photos sur les réseaux sociaux, "pour montrer à mes amis de métropole pourquoi on y est bien." À l'issue de ses trois ans, "la limite", selon elle, elle repartira toutefois en métropole. Elle aura prise "sa dose d'exotisme" comme elle le dit en rigolant. "Les populations ne se mélangent pas trop"

Voyages, lagon, exotisme, argent, expérience, etc. : mais où est donc l'attrait entre populations là-dedans ? "C'est pas faux", répond pour sa part Sylvain, lui aussi sur le départ, reconnaissant qu'il aura finalement bien peu retenu de la culture mahoraise de ces trois années et demie ici. "C'est vrai qu'on [les wazungus] ne s'intéresse peut-être pas assez aux Mahorais eux-mêmes", confie-t-il. "On est souvent invités à des mariages ou à des voulés, mais en dehors de ça, il faut reconnaître que les deux populations ne se mélangent pas trop", concède-t-il. Un manque d'intérêt au quotidien envers ce qui fait

Les wazungu vus par les Mahorais

Parce que les wazungu aussi véhiculent des stéréotypes, en voici un exemple, à tort ou à raison. Par Toianti Madi "Personnellement, je trouve qu’à Mayotte, les mzungus ne se mélangent pas avec nous autres. Ils ne restent qu’entre eux. Pourtant, ils devraient apprendre à nous connaitre, s’intégrer à notre culture puisqu’ils viennent volontairement sur notre île. Il faut qu’ils nous acceptent tels que nous sommes et qu’ils apprennent à vivre avec nous, car nous ne vivons pas comme des métropolitains." Chad, 38 ans

l'essence de l'île ? "Je ne dirai pas ça, rattrape-t-il, mais nous n'avons pas le même mode de vie." Il cite quelques exemples : "Nous on apprécie d'aller boire un verre après le boulot, manger dehors parfois, faire des virées sur le lagon, faire la fête dans des bars. Or, s'il y a bien des jeunes Mahorais comme ça, qui ont vécu en métropole et qui traînent d'ailleurs souvent avec nous, la plupart n'ont pas les mêmes activités. Les habitudes de vie ne sont pas les mêmes, ça n'aide pas à se rencontrer au quotidien, en dehors du travail. Il nous est par exemple arrivé de proposer à des collègues ou connaissances de partager un repas ou un verre, mais ils

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"NOUS N'AVONS PAS LES MÊMES FAÇONS DE FAIRE NI LES MÊMES FAÇONS D'ÊTRE" Les wazungu vus par les Mahorais

Parce que les wazungu aussi véhiculent des stéréotypes, en voici un exemple, à tort ou à raison. Par Toianti Madi "À Mayotte on ne s’en rend peut être pas compte, mais on se soumet trop au mzungu, en ce sens où on donne encore l’aspect d’une île colonisée. Dans certaines administrations, quand un Mahorais vient demander des choses, on le fait patienter et tourner en rond. Mais dès lors que c’est un mzungu, il est tout de suite pris en charge, et presque traité comme une personne très importante, un roi. Ils profitent de cela. Quand ils arrivent à Mayotte, la plupart nous regardent de haut et ne nous mettent pas du tout sur un pied d'égalité. Nous sommes à la limite d'être incapables et fainéants pour eux. Je n’ai rien contre les wazungus de manière générale, mais cela serait bien qu’ils nous accordent plus de considération et de respect. Qu’ils viennent ici en s’adaptant à notre quotidien, à notre culture tout en s’intégrant à leur nouvelle vie ici, qui est différente d'ailleurs." Soibou, une trentaine d'années

ont refusé poliment. Ce n'est pas un problème en soit, c'est juste comme ça." Une opinion complétée par sa compagne, Alexandra : "C'est vrai que je me vois plus à la plage ou à faire des randonnées le weekend que m'inscrire dans une association de mbiwi. C'est sympa à voir, mais ce n'est pas ce qui me porte pour autant. En revanche, peutêtre pourrions-nous faire l'effort de nous y intéresser plus, d'aller plus souvent nous mêler aux évènements qui font la vie traditionnelle de Mayotte. Malheureusement, ce n'est pas toujours simple." "Pas toujours simple", une remarque que détaille la trentenaire : "Il y a la barrière de la langue qui peut se poser. J'ai parfois essayé de discuter avec des mamas lors de mbiwi que je m'arrêtais regarder. Mais beaucoup ne parlant pas le français, les échanges ne sont pas faciles. On nous fait comprendre qu'on est les bienvenus, mais à part quelques sourires sincères, la communication a tôt fait d'être limitée." Un premier pas de fait, donc, mais qui reste superficiel et qui n'est pas si facile à renouveler. C'est ce que regrette Alexandra : "Il n'y a pas de grands évènements mis en place pour se rencontrer les uns et les autres, pour discuter un peu plus en profondeur, pour échanger sur des choses que nous pourrions avoir en commun." Des possibilités de rencontres limitées Ce constat, Alain-Kamal Martial le fait également. Docteur en littérature française et francophone, également organisateur du Grand séminaire de Mayotte (GSM976), qui tâche de déterminer des pistes de développement pour l'île en respectant sa culture et son essence, l'homme regrette le manque de valorisation de la culture locale : "Le nouvel arrivant s'installe dans son petit quartier en arrivant ici, dit bonjour à deux ou trois voisins, mais cela s'arrête là, car nulle part il peut rencontrer la culture mahoraise, son expression artistique contemporaine, sa réflexion, pour pouvoir avoir des éléments de connaissance." En cause, selon lui, des politiques de valorisation culturelle décidée… par des fonctionnaires métropolitains parfois coupés des réalités locales. "Certains

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Des intégrations réussies

passent quatre ans à Mayotte, mais ne parlent pas un mot de shimaoré, constate-t-il. Ils ne comprennent pas comment fonctionne la société, se disent que leur culture parisienne ou strasbourgeoise est plus importante que la culture mahoraise et qu'ils vont nous apprendre à bien vivre, ne vont pas essayer de comprendre comment le peuple pense et comment il s'est construit à travers le temps. Ceux-là ne connaissent pas le Mahorais alors qu'ils vivent ici. " Un manque d'intérêt présumé envers le territoire qui briderait les possibilités de rencontre : "Des responsabilités sont données à des gens de métropole qui restent sur leurs certitudes au lieu de faire en sorte que le service public serve à faire se rencontrer le Mahorais et celui qui arrive, qui peut par ce biais avoir des éléments de connaissance. Pour ces métropolitains qui ont un pouvoir de décision dans la culture ou la recherche, ce qui est à Mayotte n'est pas ce qu'il faut connaitre. Ainsi, on voit souvent des gens arriver de très loin pour étudier la culture mahoraise, comme si c'était une forme d'anthropologie précoloniale dans laquelle des gens sont dépêchés pour aller étudier des sociétés bizarres. On voit aussi beaucoup d'artistes venant de l'extérieur. Quant à la littérature mahoraise, elle est très peu défendue. Finalement, on n'appuie pas ce qui se fait à Mayotte. Les artistes locaux ont donc des difficultés pour s'exprimer, montrer ce qu'ils font, pour faire connaître leurs réflexions, pour relayer leurs discours en expliquant leur culture, et donc pour permettre à ceux qui viennent d'ailleurs de comprendre l'île." Une méconnaissance historique Une culture locale qu'il juge peu promue et mise en avant, qui serait donc une des sources de communautarisation de la société, car pour le chercheur, ce n'est pas tant l'adhésion pleine et entière à la culture locale que sa compréhension et son respect qui est signe d'une intégration réussie. Il développe : "Aujourd'hui, l'intégration à Mayotte ne concerne pas seulement les métropolitains, mais aussi les autres communautés. Ce n'est plus une question de couleur, car Mayotte est devenue une île cosmopolite. L'intégration

Pour Alain-Kamal Martial, docteur en littérature française et francophone et spécialiste des études postcoloniales, la question de l'intégration n'est pas seulement à rattacher aux métropolitains. Il l'explique : "Je prendrai des cas simples : Vincent Schublin (voir notre portrait en page suivante), Frédéric d'Achery, et d'autres wazungus qui sont nés ici, qui connaissent bien Mayotte et les Mahorais. À partir du moment où il y a cette réalité, cette connaissance, les personnes sont intégrées et reconnues comme mahoraises. La population mahoraise s'est construite à partir de ces valeurs. Au XIXème siècle par exemple – avec l'histoire de la canne à sucre – ceux qui sont arrivés à Mayotte ont construit avec une base, la culture arabo-swahilie et la culture bantoue, qui s'est mélangée ensuite avec la culture de la République. Aujourd'hui, si la question du sang peut se défendre, donc, il faut aussi défendre la personne qui est née ici, qui y a son domicile et s'y est intégrée : le Mahorais d'adoption. Car à l'inverse, il y a beaucoup de jeunes mahorais qui ne sont pas intégrés, car ils ne connaissent pas l'histoire et la culture de leur île. Cela nourrit parfois la violence dans les familles. Il y a un autre cas d'intégration, qui concerne les personnes immigrées qui font l'effort de comprendre ce territoire. Regardez dans les clubs de foot à travers l'île : on y trouve beaucoup de jeunes comoriens, des Malgaches, et ils ont bien réussi à s'intégrer, ils s'entendent bien avec les communautés villageoises. La notion de l'intégration ne repose donc pas sur la question de l'origine métropolitaine, mais se pose pour toutes les communautés qui n'arrivent pas ou ne font pas l'effort de comprendre et respecter les coutumes locales. Il ne s'agit pas de dénaturer sa culture d'origine pour s'intégrer, mais de comprendre celle d'ici pour la respecter."

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LE DOSSIER

Les wazungu vus par les Mahorais

Parce que les wazungu aussi véhiculent des stéréotypes, en voici un exemple, à tort ou à raison. Par Toianti Madi "Je trouve que la plupart des wazungu de Mayotte sont très hautains envers les Mahorais. Certains d’entre eux s’intègrent toutefois bien et sont très ouverts d’esprit et curieux de la culture mahoraise. Ça, c’est vraiment bien, car ils nous montrent de l’intérêt. D’autres en revanche sont très hypocrites et ne viennent à Mayotte que pour profiter, que ce soit pour les salaires qui sont beaucoup plus élevés qu’en métropole, ou pour les primes qu’ils reçoivent lorsqu’ils acceptent de venir s’installer et travailler sur l’île. Ils profitent également d’avoir des postes à hautes responsabilités alors qu’ils ne sont parfois pas qualifiés, tout en regardant le Mahorais de haut ! Le mieux aujourd’hui, je pense, serait qu’ils arrêtent de nous considérer comme des colonisés, car c’est en quelque sorte ce que certains pensent toujours." Roubouanti, 23 ans

concerne toute personne qui arriverait et qui ne maîtriserait pas une langue locale, qui ne maîtriserait pas non les codes de la société, qui ne connaîtrait pas la culture ni les mœurs et habitudes des Mahorais, qui sont autant des afro-descendants de Mayotte, des Indiens de Mayotte, des wazungus de Mayotte qui y sont nés ou qui y sont arrivés suffisamment tôt pour s'ancrer dans l'île, et justement y être intégrés. S'intégrer, c'est donc parler une des

langues de Mayotte, connaître sa culture" (lire aussi notre encadré). Et qui dit culture, dit aussi histoire : "C'est aussi comprendre les Mahorais et leur choix. Car il ne faut pas l'oublier : dans l'identité mahoraise, il y a cette singularité qui a voulu que, malgré sa géolocalisation et son identité africaine et musulmane, l'île a voulu rester française. S'intégrer, c'est connaître tout ça. Pas forcément y adhérer, mais au moins le respecter." Des a priori dans les deux sens Sylvain, lui, est professeur contractuel au lycée. Arrivé il y a deux ans, il a été surpris de ce qu'il a trouvé ici. "On a souvent présumé que j'étais riche parce que j'étais professeur et que je pouvais être professeur parce que j'étais blanc. Or, c'est plus compliqué que cela. On ne peut pas nous reprocher de venir travailler à Mayotte alors que l'île manque encore de compétences et que l'on essaye justement de faire en sorte que des jeunes soient formés pour l'avenir", explique-t-il. Des remarques "pas bien méchantes" mais "de plus en plus présentes", qui révèlent pour lui des a priori également présents "de l'autre côté." Il reprend : "Forcément, cela pose un contexte de méfiance, et même de défiance de temps en temps. Ce n'est pas encore bien grave, mais il faut faire attention, car je trouve que l'ambiance de tolérance entre les uns et les autres qu'il y avait il y a encore quelque temps est en train de reculer." Pour autant, il constate également que les wazungus ne se montrent pas "suffisamment solidaires et intéressés par les Mahorais." L'exemple qui lui vient à l'esprit est celui de la grande marche citoyenne tenue en avril 2016, suite à l'agression et au décès d'un père de famille métropolitain : "Dans la foule, il y avait énormément de Mahorais, qui se sont montrés d'une solidarité sans faille, sans établir de différences. Mais quelques semaines plus tard, alors qu'une marche avait été organisée en soutien d'un jeune mahorais agressé, bien peu de métropolitains s'étaient déplacés." Une représentativité moindre qu'il déplore, tout comme les "leçons que donnent certains métropolitains sur la façon dont les Mahorais doivent se comporter."

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Les wazungu vus par les Mahorais

Parce que les wazungu aussi véhiculent des stéréotypes, en voici un exemple, à tort ou à raison. Par Toianti Madi "Les wazungu de Mayotte sont particuliers. Ils nous prennent comme des moins que rien, j’ai l’impression qu’ils n’ont pas de considération pour nous. Ils viennent à Mayotte pour travailler et se permettent de beaucoup de choses. Une fois, suite à une simple dispute, mon frère s’est fait virer de son travail. Et à cause de qui ? D'un mzungu !" Nasmi, une quarantaine d'années

Et de reconnaître "en faire certainement autant sans le vouloir. On applique sans doute des codes de métropole ici alors que, justement, nous ne sommes pas en métropole. La façon de travailler est différente, les loisirs aussi, la façon de vivre également. C'est ce qui peut être déstabilisant

"S'INTÉGRER, CE N'EST PAS FORCÉMENT ADHÉRER, MAIS AU MOINS RESPECTER" quand on arrive. On est en France, et pourtant tout est très différent. Comment se comporter au mieux sans changer pour autant ? La réponse n'est pas évidente. Le territoire n'est pas toujours simple à appréhender, car nous n'avons pas tous les mêmes façons de faire ni les mêmes façons

d'être." Et, tout en réfléchissant, de conclure : "mais c'est sans doute en faisant l'effort de comprendre pourquoi chacun est comme il est que cela peut devenir enrichissant. On ne fonctionnera jamais totalement pareil, mais avec un peu de volonté des uns et des autres, on peut s'entraider et s'apprécier, se compléter." Il semble en effet que mahorais et métropolitains ne se sont pas encore rencontrés totalement, se contentant jusque là de se fréquenter cordialement. "C'est vrai, regrette Alain-Kamal Martial, et c'est malheureux, car tout le monde est perdant.Ce que nos anciens ont réussi à faire de grand, c'est justement se rencontrer à partir d'un projet politique. Ils ont su mettre en danger certains éléments de leurs identités pour faire émerger quelque chose de fort. Nous, aujourd'hui, dans une société moderne et de communication, si cette rencontre se reproduisait en mettant en avant l'élément mahorais, nous produirions aussi quelque chose de fort, parce que nous aurions à la fois cet apport de l'Europe, de l'Occident, et cette part de culture arabisée, bantoue, asiatique, propre à Mayotte. La culture de cette île est la plus ancienne des départements d’outre-mer français, car la Martinique, La Réunion, la Guadeloupe, et la Guyane ne sont peuplées des populations actuelles que depuis le XVIème siècle. Si nous arrivons à échanger ensemble, et a exporter notre culture, alors le résultat sera très grand." n

Les wazungu vus par les Mahorais

Parce que les wazungu aussi véhiculent des stéréotypes, en voici un exemple, à tort ou à raison. Par Toianti Madi

"Ce que j’apprécie chez les wazungus de Mayotte, c’est leur ponctualité. Mais je trouve qu’ils nous prennent trop souvent de haut. Ils viennent sur notre île et se croient supérieurs à nous. Que ce soit dans le domaine professionnel ou d'autres. C’est comme les professeurs : ils ne viennent ici que pour les primes, le reste leur est égal. Je pense qu’ils devraient plutôt s’intégrer et arrêter de se différencier." Hervé, 19 ans

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LE DOSSIER

Geoffroy Vauthier

FAISSOIL SOILIHI

SOCIOLOGUE ET CONSULTANT EN STRATÉGIE

"IL FAUT IDENTIFIER UN OBJECTIF COMMUN" SOCIOLOGUE, FAISSOIL SOILIHI, L'AFFIRME : IL N'EST PAS INDISPENSABLE DE PARTAGER LE MÊME MODE DE VIE POUR SE COMPRENDRE ET ÉCHANGER, MAIS SEULEMENT D'IDENTIFIER UN SENS COMMUN, UN OBJECTIF À PARTAGER, POUR APPRENDRE À SE CONNAÎTRE. ENTRETIEN. 20•

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Mayotte Hebdo : Selon-vous, les métropolitains sontils porteurs, eux aussi, de stéréotypes ? Faissoil Soilihi : Aucune personne ne peut se détacher de ses propres a priori. Cela voudrait dire qu'elle n'a pas de culture. Le fait d'avoir une trajectoire sociale qui a été nourrie d'une forme d'acculturation et de socialisation implique qu'il y ait des a priori, des prises de position, et parfois de l'idéologie lorsque cela va plus loin. Mais il faut voir les choses de façons claires : si l'on porte un jugement sur les wazungus, alors on tombe nousmêmes dans le piège. MH : Ils ont pourtant parfois l'image de personnes ne s'intéressant que trop peu en profondeur au territoire, de par le peu de temps que beaucoup y passent. Le turn-over est bien connu… FS : Qu’est-ce qui amènerait une personne à quitter sa terre, les siens, son histoire, sa trajectoire, pour aller à l'autre bout du monde, quand bien même s'agit-il d'un territoire français ? Là, on peut avoir plein de justifications possibles. Tout se résume donc autour de l'objectif que chaque personne se donne : "Je vais à Mayotte parce que j'ai un emploi", "Je vais à Mayotte parce que j'ai besoin de changer d'air", "Je vais à Mayotte parce que j'aime apprendre des autres", etc. Ce qui veut dire que l'on ne peut pas obliger un mzungu à vouloir apprendre des Mahorais. Il faudrait que lui-même se dise que parce qu'il veut apprendre des autres, son expérience sociale sera meilleure. Mais c'est aussi à nous de travailler là-dessus. La question ici, et pour tout le monde, est surtout "Comment faire pour quitter son champ de socialisation ?" Par exemple, aller voir ce qui se fait sur le plan culinaire, artistique, et dans bien des domaines. Il y a des wazungus qui, parce qu'ils ne veulent pas mal vivre leur expérience sociale sur le territoire et rester sur des a priori, repartir avec les mêmes schémas construits en partant de ParisCharles de Gaulle, vont aller voir les autres et faire avec eux. Lorsqu'on quitte sa zone de confort et que l'on va à la rencontre d'une autre culture, on se met en danger pour s'enrichir, pour aller rechercher d'autres valeurs alternatives ou contradictoires avec la façon dont on se représente le monde. C'est là que l'on peut parler d'intelligence. L'intelligence, ce n'est pas le fait de tout savoir, mais la capacité à pouvoir mettre en lien des éléments qui, au départ, étaient des éléments distincts. MH : Diriez-vous que ces deux communautés se comprennent ? Ou bien qu'elles ne se sont pas encore rencontrées ? FS : Oui, elles se comprennent, mais selon les espaces qu'elles partagent, selon les besoins dont chacun se revendique. Il y a des endroits où Mahorais et wazungu

se retrouvent, que ce soit dans le milieu professionnel, que ce soit dans un bar, dans un restaurant, etc. Ils peuvent ne pas manger ensemble, mais ils partagent le même espace. Toujours est-il que, de plus en plus, le temps joue aussi un rôle important, au-delà des espaces. Le temps, c'est la manière dont les générations de Mahorais qui reviennent sur le territoire reprennent un certain nombre d'aptitudes culturelles qu'ils ont eu à pratiquer ailleurs. Ce qui veut dire qu'ils se rejoignent avec les wazungu sur des habitudes culturelles que ces derniers essayent de revivre ici. Il y a des pratiques, des habitudes, qui font que les wazungus et certaines franges de la population mahoraise se retrouvent. Elles permettent à ces deux populations de se retrouver. MH : Doit-on comprendre que la rencontre est en train de se faire ? FS : Bien évidemment. Mayotte est en train d'évoluer. Avec les crises que l'on connait aujourd'hui et leur nombre dans un laps de temps si court, il faut comprendre une chose : le besoin en matière d'infrastructures, de politiques culturelles, de politiques éducatives, sanitaires, économiques, etc. est réel. Cette rencontre entre les deux communautés se fait sur la base de ces revendications. Elles constituent des espaces qui permettent de dire "À Mayotte nous avons besoin de plus de santé, d'économie, d'être libre, de nous exprimer, d'avoir des dirigeants qui soient des visionnaires, etc." In fine, cela veut dire qu'il y a un besoin de sécurité. On dit la chose suivante : "On ne veut plus seulement de la protection donnée depuis 1841, mais aussi de la sécurité." Ce sont deux choses différentes. Dans la sécurité, il y a cette recherche du vivre-ensemble. Que ce soit entre les cultures, les populations, il y a cette recherche de mouvement qui permet de nous sécuriser. C'est ce qui fait la différence avec la notion de protection, qui s'apparenterait à quelqu'un qui construirait un fort pour se protéger. La sécurité, elle, est une recherche d'équilibre, comme une personne pédalant sur un vélo : à un moment donné le pied droit est en haut, mais à un autre le pied gauche reprend le dessus, et ainsi de suite. C'est ce que l'on recherche ici. MH : Finalement, même si on a l'impression qu'il n'y a pas tant de partage que cela, nous serions donc déjà dans ce mouvement, dans cette recherche de but commun ? FS : Exactement. Il faut rechercher l'équilibre, et on ne peut pas l'avoir tant qu'on ne nous dit pas quelle ligne suivre. Ce n'est pas une loi, ce n'est pas quelque chose de répréhensible ou d'interdit, c'est quelque chose qui doit s'inscrire dans la dynamique collective. À Mayotte, on

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"IL Y A UNE RECHERCHE DE VIVRE ENSEMBLE" parle de stratégie, mais le but n'est pas encore connu. Qu’est-ce qui serait le mieux pour ce territoire de par sa position géographique, géologique, sa culture, son passé, etc. ? C'est cela que l'on doit déterminer : un but commun, pour mettre tout le monde dans cette dynamique là. Les Mahorais et les wazungus apprendront alors à mieux se connaître. Dès lors, chaque fois qu'il y aura des désaccords, on pourra se rattacher au but commun, la démarche initiale. MH : Vous parliez de désaccords et de crise. Justement, si les rapports entre les deux communautés sont globalement bons, on sent parfois des crispations lors des crises sociales. Les a priori des uns et des autres ressortent plus facilement. Le métropolitain est celui qui a l'argent d'un côté, le Mahorais est celui qui fait toujours grève de l'autre, etc. C'est l'absence de but commun qui provoque ces réactions ? FS : Imaginez que l'on identifie clairement ce but commun, et que l'on distribue les tâches à chacun sur la base de ce qu'il sait faire. À partir de là, toutes les justifications qui émaneraient d'une forme d'idéologie préconçue sur l'autre n'auront pas de place. Lorsqu'on reste sur des revendications qui

consistent à dire qu'on aime plus Mayotte que les autres, on ne va rechercher que des critères qui émanent de la nature de l'autre. Et là forcément, on ne peut voir que des formes de désaccords, soumises à une forme de jugement. Des traits au niveau des personnes identifiées vont être utilisés comme des éléments justifiant le fait que telle ou telle personne doit être jugée comme ci ou comme ça. En revanche, lorsque les tâches ont été distribuées, quel que soit le comportement ou le jugement moral que l'on porte sur untel ou untel, la seule chose exigée, c'est le résultat. C'est le savoir-faire et le savoir de chacun qui intéresse. Le jugement qui émanerait des valeurs culturelles ou identitaires n'a plus lieu d'être. Chacun dépend de l'autre. C'est ce à quoi il faut parvenir. Cela dit, identifier un objectif ne fera pas tout. Il faudra aussi distribuer les tâches selon les compétences des uns et des autres pour éviter les frustrations. Une fois d'accord là-dessus, il restera juste à réguler. Il pourra y avoir des conflits, oui, mais celui qui tient la manette pourra dire "Stop" aux conflits subjectifs – qui consistent à avoir des jugements interpersonnels – dans un champ où l'on demande plutôt d'avoir des conflits dits objectifs, des conflits sur la manière de réaliser les choses. La manière de faire plutôt que la manière d'être. Il faudrait qu'on y arrive. MH : Vous défendez en ce sens la notion de management interculturel. De quoi s'agit-il ? FS : C'est un instrument utilisé par beaucoup, inspiré des anthropologues, pour travailler sur un certain nombre de territoires comme Mayotte, à 8 000 kilomètres de Paris sur le plan géographique, mais aussi culturel. Aujourd'hui, avec les évolutions que l'on connait et les crispations dont nous avons parlé, on ne peut pas avoir une approche consistant à appliquer les mêmes mécanismes de management qu'en métropole. Personne n'est gagnant dans cette affaire-là. Celui qui fait ainsi aura plus de travail au final et il devra être en permanence derrière ses employés, car il n'aura pas leur confiance, et ils n'auront pas gagné la sienne. Cela ne peut pas fonctionner ainsi, cela ne peut que ramer.

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Par exemple, il y a des gens qui travaillent dans une entreprise à des postes de petits subordonnés, alors qu'ils sont des chefs dans leur village, et ont la mentalité qui va avec. Parce qu'on n'a pas demandé à la personne qui elle était chez elle, on s'empêche de développer des capacités humaines que l'on pourrait exploiter pour le bien de l'entreprise. Le salarié qui est dans ce cas ne peut pas se sentir concerné. In fine donc, il se dit que ce qui l'importe, c'est son équilibre familial, et donc de percevoir un salaire. Un savant sénégalais, Cheikh Amadou Bamba, disait que l'équilibre de la société pouvait se retrouver autour de trois niveaux liés au concept du travail, qui est un concept universel. La première définition qu'il donne du travail est le salaire, la rétribution, le khasbou – hisabou en maoré, le décompte. On oblige ces gens à s'arrêter à ce sens-là du travail, au niveau de la contribution-rétribution, alors que si l'on connait la valeur du collaborateur dans d'autres espaces que celui du travail, on peut le mobiliser sur d'autres choses. On peut l'amener vers le sens dans le travail à mener, au-delà la rétribution. Cheick Amadou Bamba parle de l'enseignement que l'on donne en retour de l'action qui a été accomplie. Lorsqu'on amène cette même personne vers le sens du travail, on l'incite lui-même à faire des heures supplémentaires sans qu'il demande quoi que ce soit en échange. C'est la deuxième définition. À Mayotte, il a rupture sur le plan culturel et sur le sens à donner au travail commun à réaliser, donc on s'arrête au premier niveau, le khasbou, alors qu'il faut arriver au sens donné au travail, au-delà de la rétribution. Une fois qu'on sera parvenu à donner du sens à l'action du travail, le troisième niveau arrivera : khadima, avoir de la bienveillance, travailler pour l'intérêt général, dépasser ses propres besoins personnels imminents et travailler pour le collectif. C'est à cela que les managers ou les personnes qui viennent à Mayotte pour diriger doivent être sensibilisés. La question à se poser est "Comment partir de la notion d'individualisme pour arriver à celle de collectivisme ?" La manière de se représenter ce processus est différente en France métropolitaine, à Mayotte, en Angleterre, en Espagne, etc. Il faut donc s'approprier celle qui convient pour parvenir à mobiliser les personnes dans l'intérêt du collectif. De la même manière qu'à l'échelle de la société tout entière, il s'agit de dépasser ses propres besoins pour trouver un but commun. MH : Revenons-en donc à la question des communautés. Finalement, wazungus et Mahorais n'ont pas nécessairement à confondre leurs modes de vie, mais simplement à se retrouver autour d'un objectif commun clair ?

"ON NE PEUT PAS DEMANDER À UN MZUNGU DE DEVENIR MAHORAIS" FS : Oui, on ne peut pas demander à un mzungu de devenir Mahorais, et réciproquement. Il ne faut pas chercher la petite bête, la façon dont chacun se représente l'autre, mais aller sur des choses simples et objectives. Comme ont dit, la meilleure façon d'identifier un traitre c'est de le mettre à l'œuvre. Alors, distribuons les tâches à tout le monde et on verra qui s'engagera ou pas, qui est de bonne volonté ou pas, mais uniquement sur la base de la contribution. Toutes les sociétés qui ont réussi à vivre avec plusieurs cultures, sur un temps très long parfois, ont compris cela. Il n'y aura plus de crispations entre wazungu et mahorais en situation de crise si, au préalable, un objectif commun a été trouvé et que les tâches ont été distribuées, tout simplement parce qu'il n'y aura plus de crise. n

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LE DOSSIER

Houdah Madjid

Crédit photo : Nayl-Ah photography - Le salouva vous va si bien

GWENAËLE MAANDHUI MAFÉDA

"JE N'AI JAMAIS VOULU RETOURNER EN MÉTROPOLE"

PROFESSEURE D'ARTS PLASTIQUES ET ARTISTE-PEINTRE GWENAËLE MAANDHUI "MAFÉDA", COMME ELLE AIME S'APPELER, EST ARRIVÉE À MAYOTTE EN 1995. TRÈS VITE, ELLE S'ÉPREND DE CETTE ÎLE AUX COULEURS VIVES ET AUX TRADITIONS CHALEUREUSES. LA QUITTER EST INENVISAGEABLE. C'est l'amour qui l'a amené à Mayotte. Alors du côté de Nîmes, Gwenaële Maandhui rencontre son compagnon qui lui fera découvrir quelques années plus tard son île natale. "J'ai adoré Mayotte", se rappelle-t-elle en poursuivant : "Je n'ai jamais voulu retourner en métropole". Pourquoi cette fascination pour l'île ? "Ce qui m'a plu c'est la simplicité et la mentalité des habitants. La gentillesse, les sourires, j'ai eu l'impression qu'il y avait de la joie partout. Même les gens qui souffrent gardaient le sourire". Des attitudes que l'artiste-peintre ne retrouvait pas en métropole. Et d'ajouter : "À la sortie de la barge le vendredi, tous ces salouvas, toutes ces couleurs, c'est magnifique". Les valeurs familiales de la société mahoraise comme l'entraide ou l'union, l'ont également touché, en lui rappelant "la chance" qu'elle avait d'évoluer au sein "d'une famille idéale et respectueuse". Shimaoré, msindzano et tenue traditionnelle Sur la toile, impossible de passer à côté de photos ou de vidéos de Gwenaële en pleine action à l'occasion d'évènements culturels. Tantôt en salouva et msindzano, tantôt en pleine danse traditionnelle, Gwenaële Maandhui porte la culture mahoraise jusqu'au bout des pieds. Celle qui se déhanche sans difficulté sur du m'biwi regrette néanmoins de ne pas maîtriser certaines danses traditionnelles mahoraises comme le wadaha. "Quand je suis arrivée, je me suis intéressée aux danses de Mayotte. Dès que je pouvais, j'allais dans les m'biwi. Il y avait des cours dispensés à

la gendarmerie. Je m'étais inscrite pour apprendre les danses traditionnelles". Aujourd'hui encore, l'artiste-peintre se rend régulièrement dans les debaa et maoulida shengué. Pour parfaire son intégration, Gwenaële souhaiterait parler couramment le shimaoré. "Je connais quelques mots, quelques phrases, mais n'arrive pas à avoir des conversations. C'est mon regret. J'espère y arriver un jour". "Mayotte a beaucoup changé" "Souvent, les métropolitains disent que Mayotte a changé. Surtout ceux qui ont connu Mayotte avant et qui sont revenus quelques années plus tard". C'est le cas pour elle aussi, tant en positif qu'en négatif : santé, magasins et loisirs plus nombreux, nouvelles technologies, la liste des changements est longue. Et s'y ajoute la nouvelle génération de Mahorais, "qui arrive avec de plus en plus de diplômes et qui crée des entreprises". Autant d'éléments suffisants à son bien-être en dépit de l'insécurité qui sévit sur le territoire. Un regard positif qu'elle doit à son mari. "Avant, il n'y avait pas beaucoup de métropolitains donc ils se mélangeaient plus facilement". Nettement plus nombreux aujourd'hui, Gwenaële remarque leur intégration en baisse à Mayotte. En cause : le temps passé sur l'île, qui limite la possibilité de lier des amitiés durables. Une rotation continue qui s'avère difficile pour elle : "Il y a une réelle difficulté par rapport à ça. Je préfère donc rester avec des Mahorais qui restent ici car je sais que les amitiés vont perdurer". n

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VINCENT SCHUBLIN

"SI TU N'AIMES PAS MAYOTTE, TU PARS" VINCENT SCHUBLIN, CHEF D'ENTREPRISE MULTI-CASQUETTES SURNOMMÉ LE "MAHORAIS BLANC" EST ÉTABLI À MAYOTTE DEPUIS 1979. L'ÎLE, IL L'A VUE SE TRANSFORMER, CHANGER DE PAYSAGE ET DE COULEURS SELON SES HUMEURS. CELUI QUI PARLE AUSSI SHIMAORÉ PORTE SON SURNOM À LA PERFECTION. MAYOTTE FAIT PARTIE DE LUI.

"Ceux qui viennent pour le pognon ne restent pas", déclare d'emblée Vincent Schublin, Alsacien arrivé à Mayotte il y a de cela 40 ans. Certainement un des plus "anciens", dira-t-on. "Le petit métro" de l'époque qui n'avait jamais pris l'avion et n'avait pas vu beaucoup "de gens de couleur" débarque avec son père pour motifs professionnels. Un hasard pur. Vincent Schublin étudiera à Mayotte de la 6ème à la terminale avant de partir poursuivre ses études en métropole. Aussitôt fini, il revient sur son île. "C'était un choc profitable", se rappelle ce dernier. Ses amis de l'époque, "les petits Mahorais ont tous grandi et ont aujourd'hui quasi tous des postes à haute responsabilité ou dans la politique". La seule différence entre ces enfants et ceux de l'Hexagone était la couleur de peau et la langue reconnaît le Mahorais blanc. "La couleur de peau, je n'en ai plus fait cas. Pour moi c'était mes camarades de jeu, mes camarades de classe". Et inversement. Le shimaoré quant à lui, il l'apprend sur le tas. "J'arrive à me faire comprendre et comprends tout", mais Vincent Schublin regrette son vocabulaire limité, "la langue mahoraise étant très riche". "On te fera toujours comprendre que t'es pas d'ici" Même après 40 ans à Mayotte, "on te fait toujours ressentir que t'es métro", indique le chef d'entreprise. "Oui, t'es le Mahorais blanc, t'es converti [à l'islam], mais on te fera toujours comprendre que t'es pas d'ici". "L'intégration se fait petit à petit et se fait surtout par acceptation", dixit Vincent Schublin marié à une

Mahoraise et père de 13 enfants, tous métissés mahorais, chose dont il est fier. Son ancrage total à la culture mahoraise s'effectuera en 2013, date de sa conversation à l'islam. "Ça a changé par rapport aux anciens. Pour eux c'était la marche ultime d'intégration". Une décision prise par conviction : "Il me fallait un choix de vie", explique celui qui a été catholiquement baptisé petit et qui "ne croyait pas trop en Dieu". Il embrasse l'islam par facilité, mais aussi pour "son amour pour Mayotte". Un honneur pour les anciens de l'accueillir en qamis et en kofia à la mosquée. Mayotte on l'aime ou on la quitte "J'ai plus aucun repère en métropole", déclare Vincent Schublin. "Là je reviens d'un séjour à La Réunion, je suis déphasé", confie-t-il. "C'était sympa, j'ai vu des choses modernes, mais je ne me sens bien que chez moi". Au sujet de l'intégration des métropolitains à Mayotte, le chef d'entreprise ne mâche pas ses mots : "Mayotte on l'aime ou on ne l'aime pas. Si tu n'aimes pas Mayotte, tu pars". Discours qu'il martèle également aux néo-arrivants. Certains partent, finissent par revenir et restent, d'autres ne s'intègreront jamais. Il réitère, "ceux qui viennent pour l'argent ne restent jamais. À l'époque, je me souviens que des métropolitains arrivaient et n'achetaient absolument rien. La cantine qui servait au déménagement servait également de table", déplore celui qui souhaiterait les voir découvrir davantage cette "culture tellement riche, cette gentillesse et ce partage", qui règnent ici. n

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Houdah Madjid

"QUELLES ACTIONS POUR AMÉLIORER NOTRE ÎLE ?" ROZETTE YSSOUF, PSYCHOLOGUE

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Lundi dernier, à Paris s'est tenu le lancement de la "Trajectoire 5.0" pour le développement durable dans les outre-mer. Une initiative qui s'inscrit notamment dans les objectifs du Livre Bleu des Assises des outre-mer. Membre de l'Équipe projets ultramarins (EPUM), la psychologue mahoraise Rozette Yssouf aborde les cinq axes de direction à suivre plus particulièrement pour Mayotte mais aussi les axes d'amélioration à mettre en place tout en tenant compte de la psychologie mahoraise. Mayotte Hebdo : Vous avez assisté au lancement de la Trajectoire 5.0 à Paris, projet relatif au développement durable en outre-mer, quel était votre mission ? Rozette Yssouf : Nous avons décidé avec certains membres de l'équipe nationale EPUM (Équipe projets ultramarins, ndlr) de suivre les projets, même après les Assises des Outre-mer. Nous restons à l'affût des évènements comme celui-là en lien avec l'outre-mer. Nous étions utiles pendant, mais aussi après. MH : Les axes "Zéro carbone", "Zéro déchet", "Zéro polluant agricole" étaient évoqués. Qu'en est-il ressorti ? RY : L'objectif était de mettre en place des ambitions en commun en termes de développement durable. En outre-mer les ressources sont variées et abondantes : soleil, mer, fleuves, vent, biomasse et tout le potentiel géothermique des territoires. On peut proposer des énergies renouvelables notamment grâce à la loi de transition énergétique de 2015. Il a été question de faire des choix ambitieux, de repenser le mode de production, d'opter pour un mode de transport doux, d'adapter nos normes de construction aux enjeux climatiques. La problématique des déchets doit également être prise en compte avec le tri. Encore plus à Mayotte. Les déchets doivent être mieux pris en charge afin d'éviter certaines maladies et la dégradation de l'environnement de vie comme la pollution des eaux, des sols et de l'air, dégradation des paysages et du patrimoine, prolifération des moustiques porteurs de virus tel que la dengue ou le chikungunya. À Mayotte par exemple, les femmes lavent leur linge dans la rivière. Que pourrait-on proposer pour pallier ça ? Il faut procéder à de la prévention, encore et encore.

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ENTRETIEN

"IL FAUT ÉGALEMENT AIDER LA POPULATION À S'ADAPTER AU MONDE OCCIDENTAL ET MODERNE"

L'objectif, "Zéro polluant agricole" prend également son sens à Mayotte. Il est nécessaire de diversifier l'activité des exploitations et de renforcer les programmes de recherche et de développement en utilisant des méthodes de biocontrôle par l'usage de biocides naturels et par une nouvelle approche de la mécanisation. Toujours se poser la question : qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer notre île ? MH : "Zéro vulnérabilité face au changement climatique", serait un axe récent à Mayotte. La population mahoraise est-elle moins avertie que les autres départements ultramarins plus exposés aux évènements naturels comme l'ouragan Irma par exemple ?

RY : Dans le cas de l'axe Zéro vulnérabilité, face au changement climatique il s'agit de protéger, informer les habitants en mettant en place des dispositifs d'alerte et de protection robustes. Gaël Musquet, membre de l'EPUM, est spécialisé dans l'anticipation, la prévision et la prévention des catastrophes naturelles. Il organise des préventions auprès des enfants via des alertes catastrophes naturelles émises à la radio. Il souhaiterait venir dans les îles pour entraîner les populations en cas de tsunami, par exemple. Il souhaitait se rendre à Mayotte, mais faute de moyens, il ne viendra pas. Il déplore le manque d'intérêt des élus et de Paris pour ces alertes aux catastrophes naturelles. Il ne se sent pas soutenu politiquement alors qu'il le faudrait. Son projet consistait à venir deux fois par an, dans les trois océans, pour faire de la prévention. Ça serait une bonne idée de se doter de cette radio pour prévenir les gens à Mayotte aussi. MH : L'objectif "Zéro exclusion" est-il réellement applicable à Mayotte avec sa conjoncture socioéconomique spécifique ? RY : L'Outre-mer est une terre d'exception et non d'exclusion. La lutte porte sur toutes les formes d'exclusion et de discrimination dans tous les domaines. L'accès au logement, l'éducation de qualité, politique de l'emploi et des formations, prévention en santé et accès aux soins, rénovation urbaine équilibrée, etc. Il s'agit du désenclavement des territoires ultramarins. Mayotte a des priorités en termes d'éducation, de formation et d'insertion des jeunes pour éviter "la fuite des cerveaux", comme on dit si bien. Il faut également aider la population à s'adapter au monde occidental et moderne tout en préservant nos coutumes, cultures et traditions. S'ajoute à cela, l'accès aux soins de qualité et la sécurité des Mahorais. Et que faisons-nous de la problématique centrale : l'immigration ? L'impuissance face à ça est un frein au développement de Mayotte.

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MH : De par votre profession, pensez-vous pouvoir aider davantage la population mahoraise à se rapprocher de cet objectif "Zéro exclusion" ? Quel aspect devons-nous travailler à Mayotte ? RY : Il est important d'aider les jeunes à acquérir plus d'autonomie dans tous les domaines. Il faut également changer l'éducation traditionnelle. Même traitement pour tout le monde, égalité des sexes, etc. Faire aussi de la prévention sur les violences conjugales et la maltraitance. Il est important de trouver sa place dans la société, trouver ses repères, savoir qui on est pour savoir où l'on va. Plus particulièrement les jeunes qui se retrouvent entre deux cultures. Un entre-deux qui semble dur à vivre. Cela favorise les problèmes psychiques, le manque d'estime de soi, de confiance et d'affirmation de soi. MH : Vous travaillez régulièrement avec la jeunesse mahoraise en métropole, notamment lors de voyages pédagogiques. Est-ce un moyen de leur redonner confiance, d'abord en eux, puis aux autres, pour ensuite les préparer à un avenir plus certain à Mayotte ? RY : Dernièrement, nous avons été en Belgique avec un groupe de jeunes Mahorais qui ont pour ambition de réussir leurs études, d'aller jusqu'au bout pour revenir à Mayotte. Ils ont ça en tête. À Mayotte, malheureusement, il n'y a pas suffisamment de moyens pour faire revenir tous les jeunes en leur offrant un emploi adapté. C'est une chose qui les frustre. Ils ne se sentent pas à leur place pour pouvoir contribuer au développement de leur île. J'ai prévu un dispositif particulier d'accompagnement pour aider les jeunes à s'affirmer. Ce n'est pas simple de mettre en place des ateliers de confiance en soi. Il faudrait collaborer avec les institutions et les associations. Nous devons travailler ensemble pour faire évoluer la jeunesse mahoraise donc Mayotte. MH : Quels autres aspects auriez-vous souhaité voir traités ? RY : J'ai l'impression qu'on est beaucoup sur le matériel, le financier, mais on oublie que ces jeunes qui sont le futur de Mayotte, manquent d'encadrement. Quand ils viennent en métropole, ils sont perdus. Il faut les aider à s'adapter à un monde qui ne fonctionne pas comme le leur. Il y a un trouble de l'identité. Ils se cherchent dans un monde où ils ne sont pas compris. Ils finissent par avoir du mal à se projeter dans l'avenir, professionnellement parlant. On est sur des problématiques identitaires, elles aussi existentielles. MH : Auriez-vous aimé voir ces problématiques identitaires traitées plus spécifiquement lors des Assises d'outre-mer ?

RY : On a parlé des spécificités de chaque territoire dans ses cultures, son potentiel humain, matériel et financier, mais on ne parle pas forcément du potentiel psychique. C'est dans la normalité, par exemple, pour un jeune de se poser des questions sur son identité, une fois arrivé à l'adolescence. En métropole il y a des structures adaptées avec des psychologues. Il y a un encadrement. À Mayotte, la Maison des ados les aide, mais nous n'avons pas toutes ces structures-là. À Mayotte, la période d'adolescence est banalisée. Un enfant passe d'enfant à adulte. C'est une période de crise dans notre société.

"MAYOTTE A DES PRIORITÉS EN TERMES D'ÉDUCATION, DE FORMATION ET D'INSERTION DES JEUNES" MH : Quel est le frein économique spécifique au territoire qui ralentit son développement ? RY : Il y a beaucoup de freins au développement de Mayotte. C'est tout de suite plus compliqué que sur les autres départements d'outre-mer. Je pense à la question de la gestion du département au regard de ce qui s'est passé dernièrement avec la justice et les élus. Les Mahorais se posent beaucoup de questions après. Comment l'île est-elle gérée au niveau des élus et des projets ? La population n'a plus confiance en ses élus ni en rien. Elle se méfie. n

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MAGAZINE

Solène Peillard

ITINÉRAIRE D'UN DÉCHET MAHORAIS IL Y A SIX ANS, LE TRAITEMENT DES DÉCHETS COMMENÇAIT ENFIN À S'INSTITUTIONNALISER À MAYOTTE, VIA LA CRÉATION DU CENTRE D'ENFOUISSEMENT DE DZOUMOGNÉ ET D'UN CENTRE DE TRI AUX NORMES À LONGONI. PLONGÉE AU CŒUR DE CES DEUX INSTALLATIONS.

Le Sidevam a ramassé 64 741 tonnes de déchets sur les trottoirs mahorais en 2017, exception faite de Mamoudzou, où la collecte est assurée par la société Star. Il y a encore peu, toutes ces ordures rejoignaient les cinq décharges officieuses de l'île, avant d'être brûlées à ciel ouvert. Aucune de ces structures ne bénéficiaient d'autorisation d'exploiter. Autrement dit, elles ne répondaient à aucune norme, aucun encadrement sanitaitre, alors que la combustion des détrituts est l'une des méthodes d'élimination les plus polluantes .

C'est pourquoi en 2014, un an après l'inauguration du centre de tri géré par la Star (voir pages suivantes), le centre d'enfouissement des déchets voit le jour à Dzoumogné, site choisi pour la composition argileuse de ses sols et son éloignement des villages, le plus proche se situant à un km et demi de là. Le plan d'élimination des déchets ménagers et assimilés, le PEDMA, contraint alors toutes les décharges de Mayotte à fermer. Quatre d'entre elles sont progressivement transformées en quais de transfert, dont le dernier en date, à Kahani, a été inauguré le 1er avril dernier. Ces plateformes collectent les ordures ménagères non recyclables – qui représentent à elles seules 90 % des dépôts –, les encombrants, les déchets industriels dits "banals" car non dangereux, les déchets de démolition et les déchets verts, avant qu'ils ne soient transféré à Dzoumogné. L'ISDND – pour "Installation de stockage des déchets non-dangereux" – receuillera ces ordures jusqu'en 2044. En moyenne, 60 000 tonnes y sont déversées chaque année. "Pour l'instant, on reçoit le volume qui était prévu, mais on compacte mieux que prévu", commente Ludovic Barthelemy, l'ingénieur en charge du site. Ce qui signifie que l'exploitation de l'ISDND pourrait s'étendre au-delà des 30 ans initalement fixés, jusqu'à ce que le "gros trou de Mayotte" atteigne sa capacité maximale, soit 2 millions de m3. Lorsque ce chiffre sera atteint, la membrane étanche qui recouvre les neuf hectares de vallée où sont entreposées les ordures, sera refermée "à la manière d'un gros sac poubelle", simplifie Ludovic Barthelemy. Ce "gros sac" sera ensuite enfoui à deux mètres de profondeur, afin d'en limiter les fuites. Quand les déchets créent des déchets D'ici là, il ne suffit pas de déverser les détrituts dans les alvéoles prévues à cet effet : il faut aussi

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encadrer leur impact sur l'écosystème environnant. Ici, les déchets en produisent d'autres. En saison des pluies, l'eau s'accumule dans les casiers, du fait de leur revêtement 100 % étanche. En ruisselant entre les déchets, elle se charge de bactéries, de résidus chimiques et matières organiques, jusqu'à devenir ce que l'on appelle du lixiviat. Ce liquide fermenté, souillé au point d'en devenir noir, doit impérativement être dépollué avant d'être rejeté dans la nature. Alors, des tuyaux qui courent sur les neuf hectares des parcelles de stockages captent ce lixiviat avant de l'envoyer dans un bassin dédié. Par l'oxygénation, les matières organiques et azotées peuvent s'y dégrader biologiquement. Ensuite, l'eau est envoyée à la station d'épuration directement implantée sur le site. Là, commence la seconde phase du traitement : d'abord, le lixiviat et les matières solides en suspension sont séparés par un processus de microfiltration. Puis, un traitement de finition appelé "osmose inversée" permet de bloquer les derniers éléments les plus fins, supérieurs à un nanomètre. À l'issue de ce traitement, l'eau traitée n'est plus composée qu'à "100 % d'H2O", promet Jean-Luc Delmas, directeur général de la Star, également en charge de l'ISDND via sa filiale Star Urahafu. Ainsi, sur dix litres traités, neuf sont rendus au lagon. Il ne reste alors plus que les eaux de process qui elles, sont arrosées sur les déchets stockés, pour booster leur production de biogaz, né du processus de décomposition. Sur le modèle du site de Sainte-Suzanne à La Réunion, 21 puits installés sur le site récupèrent ces émanations chargées à 40 % de méthane, ensuite acheminées vers une torchère où sont éliminés presque la totalité des polluants. Ceux-ci, après avoir été liquéfiés, rejoignent eux-aussi la station d'épuration. Le biogaz quant à lui, sert

ensuite de combustible au moteur à explosion également implanté sur le site, qui tourne pour l'instant, quelques heures par semaine et permet déjà, après un passage dans le transformateur de l'ISDND, d'injecter 20 kv dans le réseau d'EDM. D'ici le mois de juin, suffisamment de gaz aura été récolté pour permettra à cette infrastructure d'atteindre 50 % de ses capacités de production, dont le total s'élève à un mégawatt. De quoi fournir en électricité 6 à 10 000 habitants. Selon Jean-Luc Delmas, le plein potentiel de l'installation devrait être atteint "d'ici trois ans", le temps que la décomposition des déchets produisent assez d'énergie. Et après ? Cette énergie justement, continuera d'être valorisée même après la fin de l'exploitation du site. "Pendant 30 ans supplémentaires, les déchets continueront de produire du gaz et du lixiviat", développe l'ingénieur Ludovic Barthelemy. Ces déchets, eux, resteront là, enfouis, laissant peu à peu la végétation nouvelle les recouvrir, comme c'est déjà le cas pour la première alvéole déjà remplie et renfermée. Mais les exploitants l'assurent : totalement érmétique, cette poche géante et pleine d'ordures ne devrait pas impacter la biodiversité à l'issue de l'exploitation. Où iront les déchets lorsque, dans quelques dizaines d'années, l'ISDND sera totalement rempli, et ne pourra par conséquent plus les recueillir ? Il est encore trop tôt, semble-t-il, pour que cette question ne trouve une réponse. Mais si Mayotte opte de nouveau pour l'incinération des déchets, cette fois instutionnalisée, cela coûterait aux collectivités "entre 450 et 750 euros la tonne", assurent de concert Ludovic Barthelemy et Jean-Luc Delmas. Ce qui, au-delà de la pollution environnementale générée, se répercutera évidemment sur le montant des impôts locaux. n

DE LA COLLECTE À L'ENFOUISSEMENT Le site de stockage s'étend presque à perte de vue. Pourtant, "On sait où se trouve chaque déchet", assure Ludovic Barthelemy, responsable d'exploitation. Et pour cause : chaque camion qui assure le transport des ordures entre l'un des quais de transfert et l'ISDND fait l'objet d'un contrôle rigoureux. À leur arrivée sur le site, les véhicules passent d'abord un portique de contrôle de non-radioctivité des chargements. Ils sont ensuite pesé sur un pont-bascule, afin de quantifier le tonnage de déchets à déverser. Puis, un agent administratif contrôle le chargement pour s'assurer que son contenu est bien admissible à l'enfouissement, et conforme à la fiche d'identification que doivent obligatoirement remplir tous les producteurs de déchets (collectivités, entreprises, etc.). Ce formulaire permet de renseigner la nature des ordures à déposer, leur volume, leur provenance... Une fois ces formalités passées, le conducteur du camion achemine le tout jusqu'au casier en cours d'exploitation, ou dans le récent espace dédié aux déchets verts – qui sont ensuite revalorisés en compost ou broyés en paillage afin d'être revendus aux agriculteurs locaux. Dernière étape avant de quitter le site, le camion est une nouvelle fois pesé à vide, pour vérifier la conformité du tonnage indiqué et du tonnage réel.

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LES ROUAGES DU RECYCLAGE

DES AMAS DE CANETTES, DE BOUTEILLES VIDES EN PLASTIQUE OU EN VERRE, UNE VALLÉE DE CARTONS INDUSTRIELS ET MÉNAGERS, ETC. : DANS L'ENCEINTE PRINCIPALE DU CENTRE DE TRI DE LONGONI, LE SEUL DE L'ÎLE À RÉPONDRE AUX NORMES NATIONALES ET EUROPÉENNES, LES DÉCHETS RECYCLABLES EXTRAITS DES BORNES TRI'O PAR CAMIONS-GRUES ATTENDENT DE REJOINDRE LEUR CHARIOT RESPECTIF. CEUX-LÀ N'IRONT PAS À DZOUMOGNÉ, PUISQU'ILS PEUVENT ÊTRE REVALORISÉS. Dans l'entrepôt, les tas d'ordures sont constitués en fonction du type de matériau, comme recueillis dans les bornes de tri. Les plastiques et les métaux seront bientôt placé dans un convoyeur, qui les amènera jusqu'au girotri. Dans cette unité de tri multipostes en forme de soucoupe volante, deux à trois agents s'affairent face à un tapis roulant, dont ils peuvent adapter la vitesse. Un à un, ils placent les déchets qui défilent sous leurs yeux dans les bacs adéquats : ferraile ; aluminium et acier (les deux étant séparés mécaniquement via un gros aimant) ; verre ; carton ; PET et PEHD (deux types de plastique triés cette fois à la main) et refus de tri, dénomination donnée aux déchets non recyclable qui sont, par erreur ou méconnaissance, placés dans les bornes de tri. Ces déchets là repartiront en direction de l'ISDND. Les autres atterrissent directement dans des chariots de trois m3 à la sortie du girotri, avant d'être compactés en balle de 350 kg pour le métal, et de 2 à 300 kg pour le plastique, afin d'en faciliter le transport. Le premier matériau sera envoyée en Inde, tout comme le carton. Le plastique ira, lui, en Malaisie et le verre

en Afrique du Sud. C'est là le grand paradoxe du recyclage : pour limiter la production de nouveaux déchets, processus polluant et énergivore, ceux déjà existants doivent, pour être revalorisés, être envoyés par container à l'autre bout du monde. Le tri sélectif ne cartonne pas En 2013, l'arrivée des bornes de tri sélectif à Mayotte marquait une petite révolution dans la gestion locale des déchets. À l'époque, la Star Mayotte espérait y récolter un volume de 15 kg de déchets triés par habitant et par an. Mais dans les faits, en 2018, chaque Mahorais a déposé dans les Tri'O seulement 1,2 kg d'ordures ménagères recyclables en moyenne, contre 75 kg pour un métropolitain. "Il y a une vraie baisse du geste de tri ici", s'inquiète Jean-Luc Delmas, le directeur général de la Star, qui estime qu'aujourd'hui, 25 % des produits recyclables sont encore jetés dans la poubelle traditionnelle. "Pour ce qui est de la collecte verre, canette et bouteille plastique, nous arrivons à peine à 300 tonnes par an". Pis, selon lui, la plupart des entreprises et institutions locales, y compris celles dédiées à l'environnement, ne trieraient pas leurs déchets, alors qu'elles y sont légalement obligées depuis 2016.

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DÉCHETS HOSPITALIERS ET MÉDICAMENTS Seringues, pansements usagés, membranes de dialyse, déchets anatomiques non identifiables... Autant de Dasri – déchets d'activités de soins à risques infectieux – issus du CHM qui jusqu'en 2007, étaient éliminés simplement par combustion dans un trou à l'air libre, polluant ainsi sols et atmosphère. Mais désormais, un espace leur est dédié au sein du centre de tri, où ils sous soumis à une procédure bien particulière. Les Dasri sont d'abord prétraités à l'eau chaude. Cette pasteurisation permet ainsi d'éliminer tous les germes pathogènes. Puis, les déchets hospitaliers sont finement broyés avant d'être enfouis, stériles, à Dzoumogné. Les médicaments périmés ou inutilisables sont quant à eux contraints de rejoindre la métropole où ils seront incinérés dans une structure dédiée.

COMBUSTIBLES DE KWASSA Les combustibles saisis lors d'interception de kwassa transitent eux aussi à Longoni, du moins en partie. Les volumes usagés sont directement détruits en Petite-Terre, au sein de la centrale des Badamiers. Mais il n'est pas rare que des réserves d'essence soient embarquées à bord des frêles cannots de pêche lors de leur traversée. Ces combustibles-ci sont temporairement stockés à Longoni, où une cuve les maintient à une température inférieure à 25 degrès. Au-delà de ce point d'éclair, les matières ainsi conservés émettent un mélange gazeux très inflammable. Leur ré-utilisation après saisie est strictement interdite, puisque la composition de ces combustibles échappe à tout contrôle. C'est pourquoi ils sont ensuite envoyés en métropole.

HUILES USAGÉES Minérales ou synthétiques, les huiles usagées comme les huiles de vidange, les huiles moteur ou les huiles de circuit hydraulique, sont particulièrement nocives pour l'environnement. Concernant leur traitement dans les Outre-mer, éloignés des points d'élimination, l'État assume aujourd'hui intégralement la prise en charge de ces substances à l'échelle locale. À Mayotte, la Star assure tout le transport, le stockage et l'export de ces matières, depuis le garage jusqu'au dépôt pétrolier, avant que les huiles ne regagnent elles-aussi la métropole où elles seront soit détruites en cimenteries, soit recyclées. Problème : le régime de financement ultramarin porté par l'Ademe prendra fin au plus tard courant 2021. Après quoi, le directeur général de la Star, craint que ce service ne devienne payant pour les Ultramarins. Selon lui, beaucoup seraient alors tentés de deverser leurs huiles usagées dans le lagon pour ne pas avoir à payer un professionnel. "Environnementalement, ce serait un massacre", lâche Jean-Luc Delmas.

DÉCHETS DANGEREUX : DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES Le centre de tri de Longoni est également habilité à la collecte et aux conditionnements des déchets industriels spéciaux (DIS) et dangereux, comme les batteries ou les piles. Ces dernières peuvent être revalorisées si envoyées en métropole, mais à Mayotte, "une grande partie d'entre elles partent encore dans la nature, où une seule pile suffit à polluer un mètre cube de terre", déplore Adrien Fabas, responsable entreprise et DIS de Star Mayotte. Sur les 30 à 40 tonnes de ces petits objets à avoir été importés à Mayotte, seuls 700 kilos ont à ce jour été collectés. Du côté des batteries, les filières officieuses et gratuites de démantelement implantées à Madagascar et aux Comores notamment font de l'ombre au centre de tri, pourtant habilité à les récolter pour les envoyer, là encore, en métropole, comme prévu par la convention de Bâle, traité international dont le but est de cesser l'envoi de déchets dangereux des pays développés vers d'autres pays plus pauvres. À ce propos, Insidens, premier laboratoire de recherche, conseil et formation spécialisé dans le développement durable, installé à Paris, Mayotte et La Réunion s'interrogeait : "Ne serait-il pas possible de mettre en place des exceptions à Mayotte pour à la fois traiter nos déchets suivant des règles du jeu fixées par le Code de l’Environnement mais dans la zone de l’Océan indien (où des infrastructures aux normes existent) et donc réduire notre impact environnemental ?", peut on lire sur un article posté il y a un an sur le blog de la structure.

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LE CAHIER EMPLOI & FORMATION

LE MÉTIER DE LA SEMAINE AGENT IMMOBILIER L'AGENT IMMOBILIER EFFECTUE LA GESTION LOCATIVE ET ADMINISTRATIVE D'UN PORTEFEUILLE DE BIENS IMMOBILIERS DANS LES DOMAINES DE L'ENTRETIEN, DU NETTOYAGE, DE L'HYGIÈNE ET DE LA SÉCURITÉ TECHNIQUE NOTAMMENT. IL VEILLE À LA COHÉRENCE ET À LA QUALITÉ DES SERVICES RENDUS AUX CLIENTS ET AUX BONNES RELATIONS AVEC LE BAILLEUR. IL DONNE ÉGALEMENT UN PREMIER NIVEAU D'INFORMATION AUX DIFFÉRENTS INTERLOCUTEURS (LOCATAIRES, PRESTATAIRES, PERSONNELS DE PROXIMITÉ, ETC.) ET PEUT ÊTRE AMENÉ À RECRUTER OU FORMER DU PERSONNEL DIT DE "PROXIMITÉ", COMME DES GARDIENS, DES AGENTS D'ENTRETIEN OU DES AGENTS D'IMMEUBLE. ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL

- Agence et syndic immobilier - Organisme de logement

COMPÉTENCES

- Intervenir dans le domaine de la gestion immobilière - Réaliser un état des lieux - Estimer le coût de travaux immobiliers - Diagnostiquer des anomalies dans la prévention des risques - Réaliser une visite de contrôle - Suivre et mettre à jour des systèmes d'information (équipements, compteurs, etc.) liés aux interventions sur le site - Sensibiliser les gardiens, agents d'entretien, agents d'immeuble aux consignes de sécurité, d'entretien, de collecte des déchets - Mettre en place des actions de gestion de ressources humaines - Réaliser la gestion administrative du personnel - Coordonner l'activité d'une équipe

ACCÈS AU MÉTIER

FORMATION

Ce métier est accessible avec un diplôme de niveau Bac+2 (BTS/DUT) dans le secteur de l'immobilier ou du commerce. Il est également accessible avec un diplôme de niveau Bac (général, professionnel, technologique, etc.) dans le secteur de l'immobilier ou du commerce complété par une expérience dans le secteur.- Des vaccinations prévues par le Code de Santé Publique sont exigées.

TÉMOIGNAGE

ANLI SAYAF, 22 ANS

ATTEINT D'UNE SURDITÉ SÉVÈRE BILATÉRALE, ANLI SAYAF A PU BÉNÉFICIER D'UN ACCOMPAGNEMENT PROFESSIONNEL DE LA PART DE L'ASSOCIATION MESSO, DANS LE CADRE DE SA CELLULE INSERTION À L'EMPLOI DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP.

"J'ai un bac en économie et social que j’ai obtenu au lycée Younoussa Bamana, à Mamoudzou. Je suis atteint d’une surdité sévère bilatérale, et cela fait six mois que je suis accompagné par les membres de l’association Messo. J’ai ainsi pu apprendre à utiliser des logiciels de bureautique, à écrire des CV et des lettre de motivations. J’ai aussi appris à animer et organiser une animation sportive avec des personnes en situation de handicap. C’était la première fois et cela m’a beaucoup plu. J’aimerais, à terme, devenir secrétaire ou assistant administratif : c’est l’une des raisons qui m'ont poussé à suivre une formation. Juste avant de l'intégrer, ma situation n’était pas au point, mais suite à cette formation, on m’a aidé à faire les démarches qu’il fallait pour effectuer des stages qui me permettraient d’avoir plus d’expérience professionnelle et d'acquérir plus de compétences. Aujourd’hui, je suis heureux d’être venu faire cette formation à Messo, car j’ai beaucoup appris et en ce moment même, j’attends de signer un CDD avec une entreprise."

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LES OFFRES D'EMPLOI RESPONSABLE DE CENTRE DE PROFIT

CONSEILLER (ÈRE) CONJUGAL (E) ET FAMILIAL (E) (H/F)

ANIMATEUR-TRICE DE PRÉVENTION (CAT. C/B) (H/F)

AIDE CUISINIER (H/F)

EMPLOYÉ POLYVALENT DE RESTAURATION (H/F)

DIRECTEUR DSPMI (H/F)

SECRÉTAIRE MÉDICAL / MÉDICALE

976 - MAYOTTE Entreprise située à Mayotte spécialisée dans la négoce de matériaux de construction, recrute pour une de ses entités, un Directeur d'activité / Responsable de centre de profit

AD976 - 976 - SADA

Accueil personnalise¿ de toute femme, homme ou couple faisant appel aux compétences du centre de planification.

AD976 - 976 - SADA

Contribuant au projet global du Planning Familial au côté des salariées et de l'équipe des volontaires

QUINTON MARIE - 976 - PAMANDZI Effectue l'entretien et le nettoyage de la vaisselle, des équipements de cuisine (batterie, chambre froide, sols, ...) dans un restaurant commercial ou de collectivité

ÔTÉ GRILL - 976 - PAMANDZI Prépare et assemble des produits (pain, viennoiseries), des plats simples chauds ou froids (sandwichs, salades, glaces, ...) et en effectue la vente

CONSEIL GENERAL - 976 - MAYOTTE Participer à la définition et à la mise en œuvre des orientations stratégiques en matière de santé publique Organiser des services à la population en matière de santé publique

976 - MAMOUDZOU Accueil des patients, enregistrement et suivi des dossiers médicaux au moyen du logiciel médecin, gestion de la salle d'attente, encaissement, gestion de la facturation à la sécurité sociale,...

* voir site Pôle emploi

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L’association MESSO aide à la lutte contre l’exclusion et accompagne socialement la population fragilisée : jeunes en décrochage scolaire, jeunes sous-main de justice, jeunes en situation de handicap. MESSO met en place des titres professionnels, des formations qualifiantes, ainsi qu’une action spécifique de formation à destination des personnes en situation de handicap (IEPH). 4 PÔLES D’ACTION : 1 - action sociale 2 - contribution au développement économique 3 - formation et insertion professionnelle 4 - contribution au développement durable Association Messo 85 route nationale de M’Tsapéré 97600 Mamoudzou - 0269 62 18 23 secretariat.direction@messo.fr

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En 2019, déclarer ses revenus est obligatoire et en ligne c’est mieux

AVEC LE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE JE DOIS ENCORE DÉCLARER MES REVENUS ?

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Oui, cette année, entre avril et juin.

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0 809 401 401


MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier Rédactrice en chef adjointe Houdah Madjid

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Couverture :

Les wazungu à Mayotte

Journalistes Ichirac Mahafidhou Lyse Le Runigo Hugo Coeff Romain Guille Solène Peillard Ornella Lamberti Correspondants HZK - (Moroni) Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan, Thomas Lévy Comptabilité Catherine Chiggiato compta@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site internet www.mayottehebdo.com

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T R O P E S S PA S E D U T É É MOBILIT UN COUP DE

S T N A I D U T É S E POUCE POUR L

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Crédits photos : iStock (PeopleImages) / Responsable éditoriale : Laura Bourgninaud / Conception graphique : Com’Sud / Edition : janvier 2018

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POUR QUI ? nt(e) (titulaire du BAC), êtes âgé(e) dia Mayotte. Vous êtes étu s et résidez à n a 6 2 e d s in de mo

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