Mayotte Hebdo n°879

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LE MOT DE LA RÉDACTION Un pont entre l'île d'hier et celle de demain Mayotte, un territoire en pleine évolution, parfois tiraillé entre les repères d'un hier de plus en plus lointain, et les espoirs d'un demain encore flou. Mayotte, assise pour patienter sur un aujourd'hui bancal, faisant le grand écart entre la douleur et la sérénité. D'un côté, des situations de grande précarité qui mènent parfois à des phénomènes violents. La prostitution en est un. Une violence psychologique pour ces femmes – mais aussi parfois ces hommes – contraintes de vendre leur corps contre de l'argent, ou parfois même seulement en échange de services. Se nourrir, nourrir ses enfants, aider sa famille, se loger : autant de besoins primaires qui ont pourtant un coût qu'il faut assumer. Et, faute d'emplois, les solutions pour y parvenir sont limitées. Notre dossier de la semaine leur est consacré. De l'autre, des volontés et des savoir-faire, des gens qui entreprennent. C'est le futur de Mayotte qui

commence à se dessiner. L'île des initiatives, d'une économie porteuse, d'entreprises qui réussissent. Celle d'un marché de l'emploi florissant pour que, justement, d'autres n'aient plus à connaître de durs destins. La semaine dernière, les Trophées mahorais de l'entreprise ont récompensé ces porteurs de projets, pour les encourager, pour soutenir tout ce qui peut aider le territoire. Vous les retrouverez dans cette édition de Mayotte Hebdo. Et puis, enfin, il y a la tradition. Sans doute le pont à construire entre ces deux Mayotte – celle d'hier et celle de demain – afin que le territoire retrouve sa sérénité et sa confiance. C'est ce qu'espère en substance Younoussa Abaine, directeur de la médiation et de la cohésion sociale au Conseil départemental, qui fait l'objet, cette semaine, de notre grand entretien. Bonne lecture à tous, et restons confiants. Mayotte le mérite largement.

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COUP D’ŒIL DANS CE QUE J'EN PENSE

Laurent Canavate

Mayotte Hebdo n°641, vendredi 10 janvier 2014

Liberté, égalité, fraternité à Mayotte La devise de la France - Liberté, égalité, fraternité devrait être applicable à Mayotte, sans délai, sans indexation, sans attendre un décret d'application... Immédiatement ! Cette devise est le fondement de la nation. Elle marque l'attachement à un socle de valeurs communes. Elle cimente le vivre ensemble qui constitue l'idée même d'un territoire ou d'un pays. Aujourd'hui, les agressions sur les plages, les cambriolages quotidiens, la montée rapide et forte de la délinquance, sur cette petite île que l'on croyait protégée, marquent la fin de ce rêve. Il n'y a plus de liberté d'aller et venir en sécurité. Une pétition à destination du ministre de l'Intérieur (sur avaaz. org) est d'ailleurs à signer sur internet, qui a déjà rassemblé près de 2.000 signataires. Il y a des heures ou des quartiers "chauds" à éviter. Il y a des maisons et des bureaux qu'il faut barricader, protéger, surveiller, des nuits sans sommeil, des rencontres impromptues. Les prix des billets d'avion constituent aussi un frein à cette liberté de circuler. Avec la liberté d'opinion, la liberté d'association et la liberté de culte acquises ici, elle est indispensable. Pour ce qui est de l'égalité, l'indexation a même compensé l'éloignement et la cherté de la vie par une surrémunération des fonctionnaires. Pour les autres la vie n'est pas chère... Il reste l'égalité devant les aléas de la vie (la sécurité sociale), dont il convient d'aligner progressivement les niveaux de prestations avec ceux de nos concitoyens. L'égalité des citoyens devant l'éducation devrait pouvoir être garantie. Il s'agit là de la base du pacte social, avec l'égalité des chances au départ pour tous. Mais le niveau de l'éducation ne permet pas encore cette égalité, malgré les efforts en cours qu'il convient de renforcer. On parle encore ici de "générations sacrifiées". L'égalité devant la santé n'est pas assurée non plus avec les si nombreux spécialistes qui font défaut, qui ne se battent pas pour oeuvrer à Mayotte, mais dont l'île et ses habitants ont pourtant si cruellement besoin. L'attractivité de l'île est là aussi à améliorer rapidement

et par tous les moyens possibles pour pouvoir disposer ici de compétences importantes. Et la fraternité ? Cette valeur qui s'appuie sur le lien social, sur le respect des uns et des autres, sur une meilleure connaissance de chacun donc... La fraternité s'effrite. Les lieux de rencontres sont rares, inexistants. Le front de mer de Mamoudzou est abandonné aux déchets. Les rares bancs détruits font pitié et n'attirent pas les enfants et leurs parents. Les lieux publics, où les familles pourraient se rencontrer, se retrouver sont quasi-inexistants. Il ne reste que les mariages et les plages, celles qui sont "sécurisées" par les patrouilles des forces de l'ordre, celles - trop rares - qui sont aménagées. Faute de lieux publics, d'occasions de se rencontrer au cours de manifestations festives, les différentes communautés, les différentes classes sociales qui habitent cette île s'aperçoivent, se croisent parfois sur leur lieu de travail, dans les rues. C'est tout pour beaucoup ! L'individualisme, l'isolement croissant des plus anciens doivent être combattus. Il faut des lieux publics. Le respect, qui passe par une découverte mutuelle, est difficile à s'instaurer. Les préjugés sont là, bien présents, la méfiance s'installe, le racisme primaire couve, dans tous les sens. Il grossit comme un cancer laissé sans surveillance. Cela nuit clairement à Mayotte, et à tous ceux qui y vivent, aujourd'hui et demain. Une société éclatée, qui ne cultive pas son vivre ensemble, perd de son énergie, de ses compétences, de ses forces, de ses expériences. Faute de vivre ensemble, de valeurs communes, de projets et d'intérêts communs, il ne se dégage pas de projets d'envergure, d'ambitions communes fortes. Le bien public est accaparé par certains, à tour de rôle, mais il ne sert pas à engager de grands projets si nécessaires pour tous. Il est temps que Mayotte s'accepte telle qu'elle est, qu'elle accepte sa démographie actuelle, sa réalité, ses cultures et construise son avenir sur cette base qui évolue et qu'il faut rendre plus solide, en valorisant toutes ses forces, tous ses atouts. Défendre la devise de la République, c'est décider d'avancer ensemble, dans le respect de chacun, dans le respect de son origine, de ses croyances, de ses valeurs. Mais c'est aussi trouver ce qui nous rassemble : un projet d'avenir pour Mayotte. C'est une île qui mérite bien mieux que les quolibets des uns ou des autres, leurs aigreurs, leurs jalousies, leurs paris stupides ou leurs violences. Mayotte est une île qui dispose de potentiels, de richesses humaines, culturelles, historiques, une île qui est française et doit faire valoir ses droits, mais aussi prouver sa capacité à trouver sa place, à avancer forte et unie dans ce monde moderne.

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Le 101ème département

Ça y est ! Après des décennies de combat, Mayotte deviendra bientôt officiellement le 101ème département français. La consultation qui s'est tenue le 29 mars 2009 est sans équivoque : 95,24 % de la population s'est prononcée en faveur de la départementalisation. Un "oui" massif qui provoque des scènes de liesse. Les témoignages de soulagement sont nombreux, même si le résultat n'est pas une surprise. "C'est la victoire du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes", dira Ahmed Attoumani Douchina, président du Conseil général. Pour la veuve de Younoussa Bamana, Henriette Bamana ; "La France, c'est votre père, c'est votre mère". Quant aux hommes politiques nationaux, Nicolas Sarkozy qualifiera le moment "d'historique pour Mayotte et les Mahorais."

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Mayotte Hebdo n°422, vendredi 3 avril 2009.

Hellen : On a frôlé la catastrophe

Trois jours de "cauchemar" pour Mayotte : touchée de plein fouet par le cyclone Hellen, l'île a frôlé la catastrophe. "Il est rare que des systèmes se forment dans le canal du Mozambique, et habituellement Mayotte est protégée par Madagascar, car les cyclones naissent plutôt dans la zone des Maldives. De l’avis de tous, ce phénomène a été exceptionnel", soulignait le préfet d'alors, Jacques Witkowski, ajoutant que tous les modèles de calcul n’avaient pas pu permettre de prédire que la dépression deviendrait cyclone aussi vite. "Il s’agit du phénomène le plus violent enregistré depuis 1967", relevait-il.

IL Y A 5 ANS

IL Y A 10 ANS

SANS Z RENDE S U O V

Mayotte Hebdo n°653, vendredi 4 avril 2014.

GRAND CHOIX DE LEURRES

LA PHOTO D'ARCHIVE

Les petits commerçants inquiets face à l'octroi de mer Janvier 2014 : la panique s'empare des petits commerçants et des transitaires. En cause ? La mise en place de l'octroi de mer. Ils se réunissent donc au marché de Mamoudzou pour marquer leur inquiétude. Environ 300 commerçants entament une marche en direction de la préfecture avant de se rendre au Conseil général, où une délégation d’élus les reçoit. La profession représente plusieurs milliers de personnes, et les doukas sont évalués à 3000 sur l'île. Autant de familles qui vivent de cette activité.

PALMES AQUAGYM

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TCHAKS LE CHIFFRE

L'ACTION La réserve sanitaire sollicitée pour les PMI

Trente réservistes de la réserve sanitaire sont mobilisés à Mayotte du 6 avril au 30 juin – avec une possibilité de prolongement jusqu'au 21 septembre – pour apporter un appui au service de la Protection maternelle est infantile (PMI) dans ses missions de vaccination. Annoncée par la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, la réserve "est sollicitée en raison des difficultés structurelles de fonctionnement du service PMI, du risque sanitaire lié à la couverture vaccinale insuffisante et de la demande d’appui du Conseil départemental."

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C'est le nombre de projets mahorais retenus lors de la deuxième édition du Forum des projets Outre-mer, organisé par le ministère des Outremer le 29 mars dernier, qui permet de mettre en relation des porteurs de projets avec une alliance de 17 fondations d'entreprise. Les quatre projets sont ceux des associations Karibu Wadjemaza pour développer les activités de soutien à la parentalité, Oulanga na nyamba pour rénover un bateau ; France Alzheimer Mayotte pour développer un centre de téléconsultation ; et Narike M'sada, pour la mise en œuvre d'un projet d'éducation sexuelle. Les quatre organismes ont pu présenter leur projet et se faire connaître, pouvant ainsi prétendre à un accompagnement futur.

LA PHRASE "Nous devons, main dans la main, travailler à identifier des solutions pérennes"

Dans un courrier, la maire de Chirongui, Roukia Lahadji, s'inquiète de la rupture de contrat de délégation de service public engagé par le Sieam envers la Smae. Si elle dit comprendre le "combat" du président Moussa Mohamed Bavi, qui s'est vu refuser le partage à parts égales des bénéfices de la Smae par cette dernière, elle rappelle que les priorités doivent être les défis "colossaux" que représentent l'accès à l'eau à Mayotte : "Renforçons collectivement nos moyens de contrôle sur le délégataire, exigeons de lui le meilleur pour Mayotte, préparons ensemble le renouvellement du contrat d’affermage pour 2021 et battons-nous pour que les Mahorais puissent jouir de ce droit inaliénable d’accès à l’eau."

LA PHOTO DE LA SEMAINE Un logo pour Caribus Ça y est, en plus d'un nom, le futur réseau de transports en commune de la Cadema – Caribus – a un logo. "Par sa forme, le logo suggère le déplacement et la fluidité avec ses lignes courbes. Pour le lettrage, nous avons deux couleurs dominantes, le orange et le bleu. La couleur orange pour les valeurs positives qu’elle inspire, dynamisme, sécurité, optimisme et ouverture. Le bleu, qui tend vers le turquoise, pour le rêve, la sagesse et la sérénité. Elle représente notre océan Indien, notre lagon et notre beau ciel", a détaillé Zamir Saïd Ali, de l'agence International Advertising Company de Mamoudzou, qui a élaboré le logo. Le début des travaux de mise en place du réseau est prévu pour la fin de cette année.

AMÉNAGEMENT

Du nouveau à la barge Un nouveau pôle de transports à Mamoudzou, c'est pour bientôt. Mis en œuvre par le Conseil départemental, avec le concours de l'État, de la municipalité et de la Cadema, il prévoit une réorganisation des quais d'accès à la barge avec, notamment, le réaménagement des abords du marché, pour faciliter les déplacements des piétons et des véhicules. Objectif : "Faciliter les déplacements sur Mamoudzou et proposer une solution durable et viable pour désengorger les aces routiers."

BE R E V O R P LE Uvendza kaina adjali tsi uvendza Aimer sans risque n'est pas aimer.

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LE FLOP LE TOP Le foot mahorais s'exporte en Corse

Deux talents du football mahorais en route vers la Corse. Dany Assani, du club de Tsararano, et Kamal Fouad Dina, des Jumeaux de Mzouzia, vont en effet effectuer un essai au Gazélec Football Club Ajaccio du 21 au 29 avril prochain. Durant cette semaine, ils s'entraîneront avec les groupes U18 et U19. Une bonne nouvelle pour le football mahorais, qui fait suite çà une autre : un autre joueur originaire du 101ème département, Ilam Djailane, gardien du but formé au FC Labattoir, a signé un contrat avec le club d'Auxerre au mois de mars dernier.

ILS FONT L'ACTU Ibrahim Soibahadine Ramadani

Le président du Conseil départemental va mieux. Évasané à La Réunion le week-end dernier suite à un malaise intervenu lors de l'inauguration d'une exposition au MuMA, il a depuis fait savoir que son état de santé s'améliorait : "Il est vrai, j’ai été victime d’un malaise ce week-end, mais je tiens à vous rassurer, mon état de santé est stable, et je serais bientôt parmi vous. J’entame ma convalescence en toute sérénité, car, et c’est un principe de la fonction publique qui m’est cher, je sais l’entier dévouement des équipes du Conseil départemental à assurer la continuité de service", a-t-il déclaré par voir de communiqué.

SCIENCE

Les commémorations du référendum perturbées

Cela devait être une célébration, cela a tourné au pugilat. Samedi 30 mars, un maoulida shengue organisé dans le cadre des commémorations du référendum de 2009 a viré au règlement de comptes. Les membres d'un collectif de citoyens ont en effet hué les élus et responsables locaux pendant leurs discours. En cause : le projet d'évolution institutionnelle porté par le Conseil départemental et le sénateur Thani Mohamed Soilihi. Ce dernier a d'ailleurs été particulièrement visé. "C'est pourtant pour cela que vous avez voté en 2009. (…) Rien ne vous empêche de vous lancer en politique pour améliorer les choses", a-t-il répondu en substance, et en shimaoré, à l'assemblée qui l'invectivait.

Annick Girardin

La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, sera en visite à Mayotte du 20 au 23 avril, précédent le président de la République, Emmanuel Macron qui avait annoncé venir au mois de juin lors du Grand débat tenu avec les maires ultramarins. La venue de la ministre, presque un an après l'annonce de son Plan Mayotte, devrait permettre de dresser un premier bilan des actions menées dans ce cadre, mais également d'enclencher la poursuite des annonces faites, avec notamment la mise en place de l'équivalent de l'opération Harpie menée en Guyane depuis 2008, associant gendarmerie et armée, et qui, dans le cas de Mayotte, concernerait la lutte contre l'immigration clandestine.

SONDAGE

Des volcanologues à Mayotte Jusqu'au 10 avril, Andrea Di Muro, chercheur de l’Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise, et Lucia Gurioli, physicienne, membre de l’équipe de volcanologie du Laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand sont de nouveau à Mayotte afin de poursuivre leur mission scientifique débutée en décembre dernier. Objectif : le suivi de la composition et de la température des émissions gazeuses de Petite-Terre, l'identification des sources de ces fluides et la détection tout changement potentiel, notamment en relation avec l’activité sismique en cours ; mais aussi la reconstruction de l'activité éruptive et de sa variabilité spatiale et temporelle.

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MAYOTTE ET MOI

Romain Guille

ABDOUL ALI ABDOU HÉRITAGE À LA MAHORAISE

DANS LA FAMILLE PAPA JOE, ON A LE SENS DES AFFAIRES, MAIS AUSSI LE RYTHME DANS LA PEAU. ENTREPRENEUR ET MUSICIEN DANS L’ÂME, ABDOUL ALI ABDOU A SUIVI LES TRACES DE SON PÈRE EN REPRENANT PENDANT PLUSIEURS ANNÉES LES CLÉS DU MYTHIQUE 5/5, À PARTIR DU DÉBUT DES ANNÉES 2000, ET EN SE LANÇANT DANS UNE CARRIÈRE MUSICALE. UN HÉRITAGE MULTIPLE, SUR FOND D’INDÉPENDANCE ET DE DÉPARTEMENTALISATION, DONT IL SE DIT FIER. Très attaché au territoire, "Joe Fils", comme aime être appelé Abdoul Ali Abdou, passe pourtant une grande partie de son enfance en région parisienne. "Mes parents m’ont envoyé vivre chez ma tante entre 1988 et 2001", confie-t-il en se revoyant sauter dans l’eau depuis le front de mer. Un déchirement nécessaire, indispensable, pour côtoyer les bancs du système scolaire. Toutefois, son lien sentimental avec son île natale repart de plus belle au cours des vacances estivales de 2001. "Je devais ensuite repartir en métropole pour commencer un BTS en comptabilité, mais mon frère Hakim, instituteur à l’époque, n’arrivait plus à jongler entre son activité professionnelle et la gestion du 5/5." Son nom sort alors du chapeau pour reprendre l’affaire familiale. "Je n’y connaissais rien, je quittais à peine le lycée", admet-il. "Je n’avais aucune visibilité sur l’avenir." Mais son amour pour Mayotte le persuade de tenter sa chance. L’aventure dure finalement jusqu'à l’an dernier, avant que le quarantenaire ne décide de passer la main à son petitfrère, Willah, fraîchement diplômé d’une formation en hôtellerie à l’île Maurice. La musique comme héritage… Pas de doute, l’entreprenariat fait partie intégrante de son quotidien, mais la musique représente une véritable échappatoire, voire même un équilibre entre sa vie professionnelle et personnelle. Un autre héritage de son père. Sa rencontre avec Patrick Prat sonne comme un déclic. Il y a six ans, les deux amis montent un groupe composé d’une dizaine de musiciens, et sillonnent depuis l’île aux parfums au

rythme de leurs chansons. "Nous avions même mis en place une salle de répétition", évoque fièrement le chanteur. S’il se sent beaucoup plus à l’aise derrière le micro, Joe Fils possède également quelques talents cachés à la guitare, qu’il dévoile une fois réuni en petit comité. "Je gratte un peu, mais je ne suis pas un pro ! Je préfère exploiter ma voix", sourit-il. Passionné de musique mahoraise électrique, le fils de Papa Joe espère tourner plusieurs clips prochainement et ainsi sortir son album, qui traîne depuis des lustres dans le tiroir. … mais aussi la départementalisation Son goût pour la France, Joe Fils le doit à son père, mais aussi à sa grand-mère, Moinecha Moumini, deux fervents défenseurs d’une Mayotte française. Néanmoins, il a conscience que tout ne se passe pas comme prévu. "Avec la départementalisation, nous pensions couper les ponts avec nos frères comoriens, sauf que ce statut est en réalité un appel d’air ! Mais nous assumons ce choix, même si l’indépendance peut sembler être une illusion. Ni Paris, ni Rome ne se sont construits en un jour", relativise-t-il. Cet héritage, il souhaite tout de même le transmettre à ses quatre enfants. À ses yeux, pour que le territoire obtienne une place légitime dans l’océan Indien, mais aussi une certaine tranquillité, il est indispensable que la nouvelle génération poursuive le combat commencé par leurs aïeux. "Ne nous décourageons pas trop vite, ne crions pas au loup à longueur de journée." Lui, il compte bien défendre ses racines et son histoire jusqu’à son dernier souffle, que ce soit en musique, ou dans le cadre de ses activités professionnelles.n

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MAYOTTE ET MOI

ABDOUL ALI ABDOU

MON ENDROIT FAVORI « Ce sont définitivement les plages, et plus particulièrement celle de l’îlot Mtsamboro. Je l’ai découverte il y a cinq ou six ans lors de ma première excursion. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte de la beauté offerte par le territoire : les baleines, les dauphins, les paysages similaires à Nosy Be de Madagascar, etc. Ce sont généralement des activités "réservées" aux wazungus, car nous, les Mahorais, préférons rester sur la terre ferme en temps normal. Disons qu’il a fallu que je m’évade une fois pour comprendre tout ce que l’île aux parfums pouvait nous offrir."

MON MEILLEUR SOUVENIR À MAYOTTE "En septembre 2001, quand le service culturel de la ville a organisé un hommage musical à mon père, Joe, sur le parking à côté du cinéma. De nombreux artistes locaux sont venus apporter leur pierre à l’édifice et ont chanté en son honneur en interprétant et en reprenant ses plus grands tubes. En toute modestie, mon papa était alors considéré comme un Dieu vivant de la musique. C’était un évènement très triste, car il venait de nous quitter, mais également très joyeux pour ses fans, dans le sens où nous l’avions enregistré et retransmis à la télévision."

MON ŒUVRE PRÉFÉRÉE

"Je n’ai pas d’œuvre proprement dit en tête, mais j’ai une affection toute particulière pour la culture ancienne, qui nous a été laissée et transmise par nos ancêtres. Par exemple, j’aime me rendre aux cérémonies animistes, comme le rumbou, qui se déroulent à la pointe Mahabou au moins une fois par an à la mémoire du Sultan Andriantsouli, qui a vendu Mayotte à la France. Nous faisons appel à nos ancêtres, pour qu’ils nous protègent et nous entourent. Ce rendez-vous commence tard, mais il regroupe des habitants venus des quatre coins de l’île. C’est un bel exemple de cohésion sociale !"

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MA PHOTO MARQUANTE "Sans aucun doute, un cliché de Zéna M’Déré et Younoussa Bamana lors de la proclamation d’appartenance de Mayotte à la France en 1976. L’Histoire et le combat de cette île me passionnent, je suis un fervent défenseur de la départementalisation. Cette photo représente énormément à mes yeux, elle fait partie du patrimoine et ne doit jamais être oubliée par nos futures générations."

MA BONNE IDÉE POUR MAYOTTE

"La première idée qui me vient à l’esprit est l’allongement de la piste de l’aéroport, qui est à mon sens indispensable pour le développement économique, commercial et touristique de Mayotte. Aujourd’hui, avec ce monopole aérien, nous sommes pris en otage ! Cette piste longue est nécessaire, car elle permettrait d’ouvrir des portes et des opportunités. D’autres territoires voisins, beaucoup plus petits que le nôtre, ont des pistes internationales, alors pourquoi pas nous ? Cette situation ne pourra pas continuer indéfiniment, il est grand temps que « le pays » prenne son envol."

UNE NOUVELLE ACTIVITÉ DANS LA RESTAURATION SCOLAIRE À Mayotte, la restauration scolaire reste encore trop peu présente, mais s’avère être "une activité en pleine expansion, qui va se libéraliser", explique Abdoul, dans le milieu depuis 2016. "Il y avait une possibilité, j’ai décidé de prendre la balle au bond." L’enjeu est de taille et le défi coriace : changer les comportements alimentaires et faire évoluer les mœurs. Aujourd’hui, l’entrepreneur et ses cinq salariés fournissent des produits équilibrés (jus, lait, biscuit emballés individuellement) en camion frigorifique sur Dzaoudzi-Labattoir, Mamoudzou et Koungou. Les parents d’élèves et/ou les agents spécialisés des écoles maternelles se chargent ensuite de la distribution. "Il y a plusieurs consignes très strictes à respecter, comme la chaîne du froid. Nous avons donc fait installer des frigos dans les établissements", insiste-t-il. S’il souhaite se rapprocher des producteurs locaux pour proposer des fruits de saison, ce n’est actuellement pas possible pour une simple et bonne raison : les quantités produites à l’échelle du territoire ne sont pas suffisantes pour livrer les 7 000 à 8 000 écoliers ! Le seul recours reste donc la grande distribution. L’autre grande difficulté est la lenteur administrative. En travaillant avec des collectivités, les délais de paiement peuvent s’éterniser : "Parfois, il y a entre 60 et 120 jours de retard", regrette-t-il. "Nous devons supporter cela alors que les sommes pourraient être réinvesties si nous étions payés en temps et en heure." Au grand dam de l’alimentation des enfants et de l’emploi.

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LE DOSSIER

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NE HISTOIRE

Plus qu'ailleurs, le phénomène est tabou. La prostitution à Mayotte est pourtant tout aussi répandue. Précarité aidante, des jeunes femmes – mais aussi des hommes parfois – se prostituent pour assurer les besoins primaires du quotidien : se nourrir, nourrir ses enfants, se loger. Une tendance inquiétante en tout point, car si des questions d'ordre sanitaire se posent bien évidemment, cette prostitution touche aussi de plus en plus d'adolescentes qui, contre de l'argent ou des cadeaux, monnayent leurs corps.

DE SOUSOUS Et puis, existe aussi la problématique du tourisme sexuel. Notre voisine, Madagascar, est bien connue pour les nombreuses filles de joie qui y pratiquent le plus vieux métier du monde. De quoi tenter les hommes d'ici, qui n'ont que quelques centaines de kilomètres à parcourir pour s'offrir une ou plusieurs d'entre elles. Un portrait de la prostitution sur le territoire, c'est ce que propose Mayotte Hebdo cette semaine.


LE DOSSIER

Houdah Madjid, Lyse Le Runigo, Solène Peillard.

DÉNI DE RACOLAGE À MAYOTTE, LA PROSTITUTION RESTE UN SUJET TABOU. PRISES AU PIÈGE D'UNE CONJONCTURE SOCIOÉCONOMIQUE DIFFICILE, CERTAINES FEMMES VENDENT LEUR CORPS ET PROPOSENT DES FAVEURS SEXUELLES EN ÉCHANGE D'ARGENT OU DE MATÉRIEL. MAIS, RATTRAPÉES PAR LES MORALES TRADITIONNELLES ET RELIGIEUSES, ELLES NE SE RECONNAISSENT PAS POUR AUTANT COMME DES PROSTITUÉES. "Il n'y a pas de prostituées ici, on est juste là pour les sous", rectifie d'emblée Salinata*, rencontrée un soir de semaine à l'amphidrome de Mamoudzou. Une poignée d'hommes qui se tient à quelques mètres vient pourtant de la désigner ainsi, sans équivoque. "Oui, elles, ce sont des prostituées, elles sont là tous les soirs", confirme l'un d'entre eux dans un léger sourire, pointant le groupe de femmes qui l'entoure, sans détailler davantage. En effet, à voir la population qui stationne sur ce terrain en travaux, à peine éclairé par la lumière faiblarde de quelques réverbères et les phares des engins de chantier des ouvriers d'une entreprise du BTP qui s'activent à proximité, la question peut se poser. Le site est pourtant réputé pour être un point de rendez-vous quotidien de la prostitution à Mayotte. Mais le racolage y est nettement plus discret qu'ailleurs : l'amphidrome de Mamoudzou n'est pas le bois de Boulogne. Postée entre deux voitures garées le long de l'embarcadère, Salinata attend les clients. Sa tenue ne laisse rien deviner de son activité : un legging et un tee-shirt ample recouverts d'un long kishali rose qu'elle maintient d'une main crispée juste au-dessous des paupières inférieures, n'offrant rien de plus à voir de son corps qu'une silhouette trouble et des sourcils froncés. Immédiatement chapitrée en langue locale par d'autres jeunes femmes – le visage, là aussi, soigneusement dissimulé – qui lui demandent de ne pas s'adresser à des journalistes, elle prend la fuite dès que nous l'approchons, et s'éloigne presque en courant de l'autre côté du parking. À faible allure, une camionnette de police fait irruption sur le terrain, passe devant les filles sans s'arrêter avant de se diriger vers le stop en direction de Kawéni. Clients, passants, proxénètes ? À intervalle régulier, une voiture s'arrête pour déposer ou embarquer une ou deux de ces femmes au visage entièrement voilé. L'une d'entre elles, en sortant, échange quelques

mots en shimaoré avec un petit homme à casquette d'une cinquantaine d'années. "Vous les connaissez, ces dames ?", lui demande-t-on. "Non, non je les connais pas", répond-il, quand bien même tout dans son comportement et dans l'échange qu'il vient d'avoir indique le contraire. Client, passant ou proxénète ? Autant de questions qui resteront sans réponse ce jeudi soir. "Vous pensez qu'elles seraient d'accord pour raconter leur histoire? C'est anonyme. Nous ne voulons pas leur créer de problèmes". Puis, après un moment de latence : "Je ne suis pas sûr qu'elles voudront parler", puis : "Je ne pense pas que je veux qu'elles parlent". Et enfin : "Vous voulez quoi, que ça s'arrête, ce qu'il se passe là ?" Le mystérieux quinquagénaire ira finalement poser la question directement aux filles, sans plus de succès. Elles étaient une demi-douzaine, ce jeudi soir. Certaines errant nonchalamment entre les voitures tout en bavardant, tandis que d'autres partaient dans les véhicules d'inconnus pour revenir quelques minutes plus tard. Aucune d'entre elles n'a souhaité raconter son histoire. Après plusieurs tentatives d'approche infructueuses, l'une des plus farouches finira par nous demander de quitter les lieux, lançant des invectives et exigeant "le respect" car "ici, il n'y a pas de prostituées". Dont acte. "En parler oui, mais pas seule" Pour autant, certaines en conviennent et ne s'embarrassent pas de formules alambiquées pour éviter de prononcer le mot interdit. Dans une rue quelques encablures de l'amphidrome, nous reconnaissons un autre groupe de trois femmes, dont Claudia* avec qui nous avons pu échanger en amont. La quarantaine bien avancée, elle est arrivée de Madagascar il y a 22 ans. Elle assume, sans honte ni fierté, elle est "prostituée". Un moyen auquel cette mère célibataire a recours avant tout pour subvenir aux besoins de son fils. "La vie est dure maintenant à Mayotte. Avant, quand je venais d'arriver, ce n'était pas comme ça", se souvient-elle. Claudia se positionne généralement au niveau de la BFC de Mamoudzou à des heures tardives. En

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souhaitant s'entretenir plus longuement avec elle au sujet de son activité, elle rechigne pourtant : "C'est vrai, je suis une prostituée, mais je ne suis pas la seule", explique-t-elle, en faisant référence à celles de l'amphidrome. "Je veux bien en parler, oui, mais pas seule". Claudia ne comprend pas le silence de ses "collègues". D'autant plus que d'autres, souvent plus jeunes et originaires de Madagascar, sont bien visibles. Des femmes qui se positionnent sur les trottoirs, ou aux abords de certains ronds-points de la périphérie de Mamoudzou, les soirs de fin de semaine. En y regardant de plus près, l'automobiliste attentif peut observer à Mayotte des scènes qui rappellent les images d'Épinal de la prostitution métropolitaine. Juchées sur

profil unique. Aussi, certaines ont-elles un toit, voire un emploi, même précaire, et peuvent être entourées malgré l'isolement dans lequel les place leur situation. Telles ces mères célibataires qui se livrent à des faveurs sexuelles afin d'arrondir leurs fins de mois et de subvenir aux besoins de la famille. Les mêmes qui refusent de se voir comme des prostituées et estiment plutôt se livrer à des "échanges économico-sexuels" de manière très anodine. Pour ces femmes, la sexualité se résume à un simple service, et non pas à une activité professionnelle à part entière. C'est en tout cas ce qui ressort d'une étude menée conjointement avec l'Instance régionale d'éducation et de promotion de la santé (Ireps) à Mayotte en 2013, sur laquelle

leurs hauts talons, elles arborent mini-jupes et maquillage outrancier, racolant ouvertement le passant, sans laisser place au doute. Bien loin des femmes voilées de l'amphidrome, dont la pudeur apparente semble plus en phase avec les codes d'une société traditionnelle où le poids de la religion contraint parfois à l'hypocrisie.

se fonde la déléguée régionale aux droits des femmes, Noera Moinaécha Mohamed. "Nous sommes arrivés à la conclusion qu'à l'époque, on était surtout sur des échanges économico-sexuels. Donc des personnes qui, parce qu'elles avaient besoin d'acheter un sac de riz pour se nourrir, acceptaient de se donner pour des faveurs sexuelles", explique-t-elle. Un phénomène de paiement en nature qui se poursuit encore aujourd'hui, et n'est toujours pas assimilé, par ces femmes en grande précarité, à de la prostitution en tant que telle. n

"Échanges économico-sexuels" En matière de prostitution, plusieurs réalités se superposent. De même, celles (et ceux) qui la pratiquent n'ont pas un

*Noms d'emprunt.

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LE DOSSIER

Houdah Madjid

NAIMA

"J'AI MIS DU TEMPS À RÉALISER QUE JE DEVENAIS UNE PROSTITUÉE" À 25 ANS, NAIMA* EST MAMAN D'UN GARÇON DE DIX ANS. AYANT ARRÊTÉ L'ÉCOLE AU COLLÈGE APRÈS SA GROSSESSE, L'HABITANTE DE TRÉVANI ORIGINAIRE DE KOUNGOU N'A JAMAIS TRAVAILLÉ. LES ÉCUEILS DE LA VIE L'ONT MENÉ PETIT À PETIT À SE PROSTITUER DURANT QUELQUES ANNÉES POUR SUBVENIR À SES BESOINS ET À CEUX DE SA FAMILLE. DEPUIS UN PEU PLUS D'UN AN, NAIMA A PRIS UN NOUVEAU TOURNANT : ELLE NE FRÉQUENTE PLUS SES CLIENTS ET SUIT UNE FORMATION PROFESSIONNALISANTE DANS L'ESPOIR DE TROUVER RAPIDEMENT UN EMPLOI. Mayotte Hebdo : Dans quel environnement social avez-vous évolué ? Naima : Je suis née dans une famille modeste de cinq enfants. Nous avons toujours vécu avec très peu de moyens, mais mon père qui travaillait dans les champs a toujours pu nous nourrir. J'ai toujours aidé mes parents. J'allais à la campagne avec mon père et au marché avec ma mère pour revendre les fruits et les légumes. Je n'ai pas vraiment eu d'éducation religieuse. Ma grand-mère faisait la prière, ma mère aussi, mais pas mon père. Moi je crois en Dieu, mais ne suis pas pratiquante. MH: Comment êtes-vous arrivée à la prostitution ? N : J'ai mis du temps à réaliser que je devenais une prostituée. Pour moi, ce que je faisais n'était pas de la prostitution. J'étais plus une maîtresse. Je ne pensais pas en arriver là. J'étais dans une période triste de ma vie. J'avais arrêté l'école, je venais d'avoir un enfant. Avec ma famille on vivait difficilement. Mon père, qui est vieux, n'allait plus à la campagne. Avec un bébé c'était encore plus compliqué. Un enfant rend heureux, mais il faut s'en occuper. Des fois je n'avais pas de couches. Je donnais à manger à mon enfant et préférais me sacrifier. Mon grand-frère travaille, mais ne peut pas nourrir toute la famille. Je voulais trouver une solution et ne pas embêter mes parents. La plus facile c'était celle-là. C'est des amies à moi qui me disaient que de temps

en temps des hommes leur donnaient des sous en échange de "quelques caresses". Je pensais que ce n’était rien. MH : Quelle est la définition d'une "prostituée" selon vous ? N : Pour moi, une prostituée c'est une fille qui "fait la pute". Elle vend son corps. C'est ce qu'on dit aussi dans nos villages. Dans notre tradition c'est ça. Les filles qui font ça sont très mal vues et c'est humiliant pour les familles. Ici, tu ne peux pas faire la pute ouvertement. Ça ne passe pas. MH: Qui étaient vos clients ? N : C'était tout le monde. Tous ceux qui pouvaient me donner de l'argent. Une fois, j'ai même eu un jeune homme qui voulait être dépucelé. "Faire de lui un homme", il m'avait dit en shimaoré. C'est une amie qui l'avait dirigé vers moi. Il m'avait donné 100 euros. C'est sa famille qui l'avait envoyé pour le préparer à une vie "d'homme", ne le voyant jamais avec une fille. Des fois c'était des relations rapides avec un homme de passage, je pouvais avoir 50 euros, des fois 20. Je prenais vraiment ce que je pouvais avoir. Je n'avais pas de clients tous les jours, alors je ne pouvais pas me permettre de ne rien prendre du tout. MH : Pourquoi ne jamais avoir fixé de tarifs ? N : Je n'ai jamais donné de tarifs aux hommes qui venaient me voir parce que je sais qu'on ne m'aurait jamais donné le montant exact. Je

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prenais ce qu'on me donnait parce que j'avais besoin d'argent, c'est tout. Une fois que tu commences, tu es embarquée dans ce monde. Tu ne peux plus t'arrêter, c'est de l'argent facile et il faut nourrir ton enfant et aussi aider ta famille. Même si ce n'était pas beaucoup, 50 euros en une journée me permettait d'acheter à manger pour la semaine. Je n'étais pas régulière. J'avais des clients de temps en temps. C'est peut-être pour ça aussi que je ne me considérais pas comme une prostituée. MH : Où et comment se déroulait la prise de rendez-vous ? N : Ça pouvait être n'importe où, surtout dans les coins de Koungou et Trévani. Dans un buisson au milieu de la nuit, à l'intérieur ou derrière une voiture en soirée. Je n'ai jamais été chez le client. C'était toujours la nuit, car la journée je me faisais discrète et j'étais avec mon fils. Il y a toujours quelqu'un qui te prévient quand il y a un client. Généralement, c'était des amis ou la famille des clients. On nous mettait en contact. Les hommes mariés m'appelaient sur mon téléphone, les autres, eux, n'avaient pas de formalités particulières. Je recevais un appel et sortais de chez moi pour retrouver le client. MH : Avez-vous songé à trouver une aide financière de manière différente ? N : Aujourd'hui, j'ai honte de dire ça, mais je n'ai pas cherché loin. Je n'ai pas voulu continuer à aller dans les champs, à galérer. Les gens t'aident des fois en te donnant quelques trucs, mais ils ne peuvent pas t'aider toute ta vie. Je voulais de l'argent sur le moment. Se former, tout ça, ça prend beaucoup de temps. Après, il faut espérer trouver un boulot. Je n'avais pas le temps pour tout ça moi. MH : Avez-vous déjà été en danger ? N : Non. Mes clients ne m'ont jamais frappée. Je faisais ce qu'on me disait de faire sans réfléchir. Ils étaient juste là pour s'amuser avec moi et repartir. J'ai souvent eu les mêmes clients. Je les connaissais. Ma seule peur était d'attraper des maladies. Durant mes cinq années de prostitution, il m'est arrivé d'avoir des rapports non protégés. Sur les conseils d'une amie, j'allais voir une gynécologue à l'hôpital de temps en temps pour être sûre que tout allait bien. MH : Votre famille est-elle au courant de votre ancienne activité ? N : Non et je ne veux pas qu'elle sache ce que j'ai fait. J'ai des grandes sœurs, mariées et avec des enfants. Mon grand-frère serait déçu aussi. Peut-être qu'on ne voudrait plus de moi à la maison. Je serai la honte de la famille si ça se savait. MH : Comment vivre avec ce lourd secret au quotidien ? N : Le plus dur c'était de faire comme si je ne connaissais pas les hommes quand je les croisais dans la rue. Je mentais aussi à ma famille, en leur disant que j'avais eu des sous en allant vendre des fruits aux marchands, ou bien que j'avais aidé une amie dans des travaux. Je n'étais pas la même à la maison que le soir avec les clients. Une fois à la maison

avec ma famille, j'oubliais tout de ce que je faisais la nuit. J'étais une autre personne. MH : Quel a été le déclic pour mettre fin à votre activité ? N : La seule fois où je me suis absentée avec un client dans la journée, c'était pour un rapport de 10 minutes, j'ai retrouvé mon fils blessé en revenant. Il était encore petit et venait de se réveiller de sa sieste. Il s'est blessé en tombant et avait la bouche en sang. J'ai eu très peur quand j'ai vu tout ça. Je me suis dit que je ne laisserai plus jamais seul. J'ai pris les sous que j'avais et l'ai emmené à l'hôpital. On lui a recousu la lèvre. MH : Dans quel état d'esprit êtes-vous aujourd'hui ? N : J'ai honte. Parce que j'étais perdue. Je ne me rendais pas compte et j'ai mis du temps à réaliser ce que je faisais. Je regrette parce que je n'ai pas écouté ce que nous disent nos aînés, de vivre avec sa famille et de s'accrocher à nos traditions. Ça fait bientôt un an, que je n'ai plus personne qui vient me voir pour des faveurs sexuelles. J'ai encore des fois quelques difficultés, mais je ne veux plus d'argent sale. MH: Comment vous reconstruisez-vous ? N : Pour aller mieux, il faudrait que je déménage. Que je quitte Mayotte. La maison, le village, tout me rappelle de mauvais souvenirs. Je veux partir d'ici et construire une nouvelle vie avec mon fils. Aller dans un village où personne ne me connaît et où je pourrai travailler loyalement. En attendant ce jour, si Dieu le veut, je reste avec ma famille. Je les aide comme je peux et passe beaucoup de temps avec mon fils. J'ai commencé une formation, j'espère que la suite se passera bien. MH : Avez-vous consulté une association, un psychologue ou même parlé à quelqu'un pour un suivi, pour vous aider ? N : Non, je n'ai jamais pensé à aller voir un psychologue. Quand ça ne va pas, chez nous on passe d'abord par des cérémonies au village. Les plus croyants demandent de l'aide à Dieu. Les autres, les membres de ta famille, te diront qu'on "t'a fait quelque chose", c'est à dire jeter un mauvais sort pour que je devienne une prostituée. Je préfère m'en sortir seule. Parler avec vous, dans le journal, c'est déjà beaucoup pour moi. MH : Quel conseil donneriez-vous pour lutter contre la prostitution ? N : Je dirais aux jeunes, aux jeunes femmes surtout, de ne jamais faire ce que moi j'ai fait. J'ai beaucoup souffert psychologiquement et souffre encore aujourd'hui. J'ai très honte. Peut-être que j'en souffrirai toute ma vie. Je regrette et ne souhaite à personne de vivre ça. Il faut qu'elles aillent à l'école et qu'elles finissent leurs études pour trouver un travail et s'en sortir. Ne jamais jouer avec son corps. Après, on ne se reconnaît plus, on est détruites. *Nom d'emprunt

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LE DOSSIER

Houdah Madjid

MONCEF MOUHOUDHOIRE DIRECTEUR DE NARIKÉ M'SADA

"LA QUESTION DE LA PRÉCARITÉ SOCIALE EST CENTRALE" MONCEF MOUHOUDHOIRE DIRECTEUR DE L'ASSOCIATION DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LES HÉPATITES ET LE VIH SIDA, NARIKÉ M'SADA, NOUS EN DIT PLUS QUANT À LA PROSTITUTION DANS LE 101ÈME DÉPARTEMENT FRANÇAIS, LE PLUS PAUVRE DE FRANCE. UNE PRÉCARITÉ SOCIALE QUI A UN LIEN DIRECT AVEC LE PHÉNOMÈNE DE PROSTITUTION. "Il faut se mettre d'accord sur la définition du terme prostitution", indique d'emblée Moncef Mouhoudhoire à la tête de l'association Nariké M'sada qui œuvre dans la prévention et la lutte contre les hépatites et le VIH Sida ! "Il y a prostitution dès le moment où il y a un rapport sexuel en échange de quelque chose. Que ce soit de l'argent ou du matériel. Si on s'en tient à cette définition là, il y a du monde à Mayotte". Ce dernier explique que la file active du Centre hospitalier de Mayotte est représentative de toute la population mahoraise et "il y a de tout. De la personne la plus connue à la prostituée". La prévention aux hépatites et VIH Sida quant à elle, reste la même pour tout le monde explique le directeur. En effet, les mots d'ordre restent les mêmes : "se protéger d'une part et protéger les autres". Le contexte social très précaire est une des raisons principales qui motivent la prostitution explique Moncef Mouhoudhoire. "Les officiels disent que 84% de la population vivrait sous le seuil de pauvreté, ça veut tout dire". S'ajoute à cela, le coût de la vie très élevé à Mayotte, qui crée notamment des situations de vulnérabilité et pousse les concernés à "faire des choses qu'ils n'ont pas envie de faire. Il s'agit de situations d'urgence". Une dépendance économique qui concerne les migrants, mais aussi les Mahorais, "une réalité", souligne Moncef Mouhoudhoire. "Il ne s'agit pas que des clandestins. C'est là où il

ne faut pas se voiler la face. La précarité sociale à Mayotte touche tout le monde". Les prostituées sont-elles plus sujettes à contracter le VIH ? "Elles ne sont pas plus sujettes à attraper le VIH que leurs clients qui sont pour la plupart mariés. À partir de là, qui est le plus sujet ?". Pour le directeur, Mayotte c'est l'histoire "d'une sexualité en réseau dans un circuit fermé". De leur côté, les pouvoirs publics aimeraient identifier des "populations clés", en d'autres termes des "populations à risque". Chose quasi improbable à Mayotte selon le directeur, qui estime que toute la population mahoraise est à risque. "Ces termes ont leur sens en métropole, mais pas dans des territoires comme le nôtre". Et d'ajouter : "La précarité sociale impacte directement la contamination au VIH à Mayotte". D'où la Déclaration de Mayotte signée en novembre 2018 par 17 communes et trois communautés de commune qui s'engagent auprès de Nariké M'sada à contribuer à mettre fin à l'épidémie du Sida sur le territoire. "Dans cette Déclaration nous avons mis en exergue le contexte social qui est à Mayotte. Pour nous, il y a un lien très clair". Prostitution masculine "La prostitution n'est pas que féminine", dixit par ailleurs le directeur de Nariké M'sada qui ajoute que "personne ne se présente en tant que prostitué(e) [dans leurs locaux]". Les langues se délient lors d'entretiens laissant

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ainsi deviner leur prostitution. Ces cinq dernières années ont connu une recrudescence de prostitution masculine avec l'émergence d'une classe moyenne a indiqué Moncef Mouhoudhoire. Un lien fort avec la société de consommation où "des jeunes hommes et des moins jeunes se prostituent" pour répondre à leurs besoins. En effet, des femmes ayant une certaine "indépendance économique consomment", explique le directeur. Chose qui n'existait pas avant. "La prostitution mène au tourisme sexuel" "Les plus connus se rendent à Madagascar. Les femmes elles à Dubaï. Là-bas aussi, elles ont un certain pouvoir économique", souligne Moncef Mouhoudhoire. "Elles sont en dehors du territoire et aspirent à plus de liberté". Il est également à noter le cas de métropolitains avec les jeunes femmes ou hommes. Dans toutes les conjonctures énoncées, "il y a toujours cette question de précarité sociale", indique-t-il. "C'est des choses qu'on ne nous a pas raconté, mais que nous avons observé. La question de la précarité sociale est centrale. Là, il s'agit du VIH, mais elle est présente dans d'autres thématiques". n

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LE DOSSIER

Solène Peillard

PROSTITUTION

LA JEUNESSE AUSSI

LE PHÉNOMÈNE PREND DE L'AMPLEUR DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES. DANS LE 101ÈME DÉPARTEMENT, DE PLUS EN PLUS D'ADOLESCENTES MONNAYENT DES FAVEURS SEXUELLES EN ÉCHANGE DE SOMMES SOUVENT DÉRISOIRES, D'UN TÉLÉPHONE PORTABLE, D'UN PANIER DE COURSES, D'UN DOCUMENT SIGNÉ. CERTAINES DE CES PETITES TRAVAILLEUSES N'ONT QUE 12 ANS, ET FONT AINSI VIVRE LEUR FAMILLE.

Elles ont 40 ans, parfois 15, et même moins. Elles sont Mahoraises, Comoriennes, Malgaches, ou encore Africaines du continent. Ce qu'elles font, non, ce n'est pas de la prostitution, du moins c'est ce qu'elles disent. Cinq, dix, quinze ou vingt euros, des passes à la va-vite, derrière le marché couvert, dans la mangrove. De quoi simplement acheter un sac de riz pour nourrir leurs enfants ou un nouveau téléphone portable à exhiber devant leurs copains dans la cour de récré. Un fantasme réalisé, et voilà que certains hommes acceptent même de signer

des papiers officiels. Dans l'intimité des rues sales et étroites, aux comptoirs des boîtes de nuit, sur les plages reculées, tout se négocie. Si la prostitution est le plus vieux métier du monde, à Mayotte, elles sont de plus en plus jeunes à vendre leurs corps aux plus offrants. En 2013, la docteure en sociologie Françoise Guillemaut entreprend une étude sur le sujet, inédite sur le territoire. Le résultat est sans appel : "Les échanges économico-sexuels (à distinguer de la prostitution de rue, ndlr) concernent probablement au moins la moitié des personnes

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de 15 à 17 ans", conclut l'épais rapport de 140 pages, alors que sur l'île aux parfums, 65 % de la population est âgée de moins de 17 ans et demi.

de leur famille", renchérit la déléguée régionale. Les proches savent, mais ils en profitent. Alors, faute d'alternative, ils ferment les yeux.

Des courses, du cash, des attestations d'hébergement Six ans plus tard, la situation semble toujours aussi préoccupante. "Depuis plusieurs années, c'est un phénomène dont on entend beaucoup parler", s'inquiète Moinaecha Noera Mohamed, la déléguée régionale aux droits des femmes. "On a identifié des lieux où, à des heures précises de la journée, lors des pauses ou après les cours, certains messieurs se font plaisir avec ces jeunes filles". Parfois même, de très jeunes filles. Certaines d'entre elles n'ont pas plus de 12 ans, assure Pierre Sadok, président de l'association Solidarité Mayotte. Plus de 50 % des femmes prises en charge par l'association, dont des mineures de 16 ans, se prostituent pour pouvoir survivre, coincées entre une situation administrative incertaine et une extrême précarité financière. "C'est de plus en plus banalisé", constate, la voix grave, Djamael Djalalaine, le directeur général de l'Association départementale pour la condition féminine et aide aux victimes (Acfav). Des prostituées qui ne prononcent jamais ce mot, la structure engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes en voit passer chaque jour. À elles seules, elles constituent 20 % du public reçu par l'association. La grande majorité d'entre elles sont âgées de 14 à 30 ans. Évidemment, les passes n'ont lieu ni sous le toit familial, lorsqu'il existe, ni aux vu et au su des parents. Mais ceuxci sont-ils vraiment dupes lorsque leur fille ramène à la maison un plein panier de courses, du cash, parfois même "des attestations d'hébergement, des reconnaissances de paternité", égraine Djamael Djalalaine. Quand l'enfant fait vivre le foyer, "les parents sont souvent complices". "Certaines jeunes filles se prostituent même pour payer les soins médicaux

"Si t'as des sous, on peut te sucer !" Parallèlement, un autre phénomène émerge. Dans les cours de récréation, les jeunes filles dans la fleur de la puberté jalousent celles qui ont de plus beaux vêtements, de plus beaux téléphones. Elles rêvent des mêmes mais ne peuvent pas se les offrir. Or, Mayotte intègre elle aussi la société de consommation. Le sexe même y devient une marchandise qui se vend et s'achète. "Aujourd'hui, c'est devenu tellement facile de se faire 20 euros en échange d'une fellation", constate amèrement Moinaecha Noera Mohamed. Tellement facile, et presque tellement commun. Il est 16h un lundi, lorsque deux lycéennes à la sortie des cours arrêtent un automobiliste aux abords du centre commercial de Mamoudzou. L'une passe la tête par la fenêtre ouverte de la portière passager. "Monsieur, si t'as des sous, on peut te sucer !", rient-elles, décomplexées. Impassible, l'homme continue sa route. Seul. Les gamines aussi, hilares. "Entre 14 ans et 25 ans, beaucoup de jeunes filles se prostituent pour s'acheter des habits, du parfum, des ordinateurs, des smartphones... Certaines sont prêtes à tout pour un smarthphone !", témoigne le directeur de l'Acfav. L'association reçoit certaines de ces mêmes jeunes filles, après qu'elles ont été victimes de violences. "Quand un homme achète [à une adolescente] un téléphone à 800 euros, il pense qu'elle lui appartient, parfois il s'y attache. Mais la fille, elle, elle passe à autre chose, alors...", raconte Djamael Djalalaine, en laissant sa phrase en suspens. Paradoxalement, plus le client paie, plus le corps perds de sa valeur. Celui qui a l'argent, ici l'homme, est celui qui impose, insulte et frappe. Et souvent, c'est aussi celui qui décide si le rapport est protégé ou non. n

Aucun accompagnement vers la porte de sortie Dans le 101ème département, "il n'y a encore aucune structure qui accompagne les parcours de sortie de la prostitution", déplore Moinaecha Noera Mohamed. C'est pourquoi la déléguée territoriale aux droits des femmes promet de solliciter bientôt l'association de l'Amicale du nid, connue à l'échelle nationale pour le travail qu'elle mène dans ce domaine, afin d'étudier l'aide qu'elle pourrait déployer ici. Déjà, en 2013 et 2014, l'Instance régionale d'éducation et de promotion de la santé avait lancé un dispositif inédit, dont le but était de sensibiliser un petit groupe d'adolescents, qui ont ensuite pu à leur tour sensibiliser leur entourage. "On a pensé que le message passerait mieux si c'était des jeunes qui s'adressaient à d'autres jeunes, qu'ils seraient plus à même de se confier qu'avec des adultes", se souvient Moinaecha Noera Mohamed. "Apparemment, ça a plutôt bien fonctionné". Le dispositif se répète l'année suivante, jusqu'à ce que le planning familial prenne le relais. Son action, "Belles de nuit", permet aux animatrices de la structure d'aller directement à la rencontre des publics "en situation prostitutionnelle". Autour d'un café et de gâteaux, la parole se libère et des préservatifs sont distribués à chacune. Mais pour aller plus loin, la déléguée aux droits des femmes s'est associée avec la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale pour étudier la mise en place d'une commission dédiée. "L'idée, c'est d'avoir vraiment une structure qui les accompagne vers la sortie, dans le soutien et surtout dans la dignité, de la même manière que si elles avaient été en métropole". En ce sens, l'Acfav a signé, en 2018, une convention avec l'organisme social et solidaire Tifaki Hazi, qui s'est engagé à proposer des missions d'intérim à des femmes ayant été victimes de violences. Des prostituées, "mais pas seulement", insiste le directeur général. Avant de conclure : "Il faut proposer des solutions à ces femmes, sans quoi elles finiront toujours par y revenir". Ces femmes dont certaines, en situation irrégulière, ne pousseront jamais les portes d'un commissariat pour déposer plainte contre un "client" violent, par crainte d'être reconduites aux frontières.

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LE DOSSIER

Geoffroy Vauthier

MADAGASCAR "JE T'AIME JUSQU'À L'AÉROPORT" À QUELQUE 400 KILOMÈTRES À PEINE DE NOUS, MADAGASCAR. SI LE PAYS EST UNANIMEMENT RECONNU POUR LA BEAUTÉ DE SES PAYSAGES ET LA QUALITÉ DE SON ACCUEIL, IL EST AUSSI UN DES PAYS LES PLUS PAUVRES DU MONDE. CONSÉQUENCE : LA PROSTITUTION Y EST TRÈS RÉPANDUE ET FAIT DE LA GRANDE ÎLE UNE ANNEXE DE MAYOTTE POUR CE QUI EST DU TOURISME SEXUEL.

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Il est 21h dans les rues de Tananarive, la capitale malgache. Dans le centre-ville, un des plus insécuritaires de l'océan Indien, les agents de sécurité payés par la municipalité escortent les noctambules d'un bar à l'autre. Parmi eux, le Manson est un des lieux les plus prisés. Ce soir-là, l'établissement est en effet bondé. Malgaches, mais aussi Mahorais natifs de l'île aux parfums et "vazaha" (blancs, ndlr) : la mixité y est réelle. En cette période de vacances de Noël en effet, les touristes français, et en particulier de Mayotte, n'y sont pas rares. Nous en faisons partie. Plusieurs centaines de personnes occupent chaque mètre carré du bar. L'ambiance est chaude, au sens propre comme au figuré. Chaude, mais aussi oppressante : à peine arrivés dans le bar, les regards féminins se portent sur nous avec insistance. Il s'agit essentiellement de jeunes femmes, âgées de 20 à 30 ans. Certaines d'entre elles nous sourient, d'autres au contraire tentent une moue affligée pour susciter l'attendrissement. Objectif : rejoindre le bar où nous pourrons commander une bière fraîche. "Bonjour vazaha", "Tu es beau", "Tu m'offres un verre ?" : autant de sollicitations ouvertement affichées. Certaines s'accompagnent même de caresses sur les avant-bras, dans le bas du dos, voire sur les fesses, tentatives désespérées de retenir le chaland qui s'est montré désintéressé. Audace déstabilisante dans un établissement qui n'est pourtant pas un lupanar. Il n'y a d'ailleurs pas, à Madagascar, de lupanar, juste des lieux où des jeunes femmes en quête de clients viennent essayer d'en trouver. Dans ce pays classé 158ème sur 188 au classement de l'Indice de développement humain, la prostitution est un moyen comme un autre de survivre et le tourisme sexuel, bien que réprimé – en tout cas sur le papier – par la justice malgache, y est florissant. Évidemment, les clients s'en défendent. Il faut dire que la prostitution est ici dissimulée sous le maquillage de la séduction. Et chacun préfère se réfugier derrière. C'est le cas de Rémi, la trentaine. Le Français ne vit pas à Mayotte, mais en métropole. Cela ne l'empêche pas de venir régulièrement à Madagascar : huit fois en six ans. - "Les filles y sont jolies et faciles", se réjouit-il après s'être enquiert de faire notre connaissance, devinant que nous vivions à Mayotte. - "Faciles ? Tu veux plutôt dire payantes ?", lui répondons-nous. Avec un rire se voulant complice, il préfère nuancer le propos : "C'est vrai, mais ce n'est pas comme de la prostitution." Pourtant, à l'issue des nuits qu'il passe avec des jeunes femmes, Rémi concède laisser un peu d'argent : "C'est elles qui viennent nous chercher [les hommes], nous séduire", justifie-t-il en expliquant : "Elles font tout pour nous tenter, et la question de l'argent arrive souvent après. Je laisse ce que je veux, et si elle donne un prix, elle est aussi partante pour négocier." Il s'agit donc bien d'un rapport tarifé ? "Oui bien sûr, mais c'est vrai qu'on n'en a pas l'impression, c'est plus naturel, on a l'impression d'être séduit. Ce n'est pas comme une fille de bord de route par exemple, ce que je ne ferai jamais."

À Mayotte, certains ne font pas secrets de leur attrait pour cette sexualité facile. Le discours est souvent le même. Un client d'une trentaine d'années, cadre d'une entreprise privée de l'île, me le tenait également, un soir autour d'un verre amical. "C'est de la prostitution, oui, mais c'est tout de même différent. Là, il y a au moins un rapport de séduction avant, ou quelque chose qui y ressemble. La fille passe la nuit avec toi aussi, elle ne part pas juste après s'être envoyée en l'air. Il y en a certaines avec qui j'ai gardé contact d'ailleurs, et qui demande à me voir quand je vais en vacances là-bas. Je leur fais aussi des cadeaux, on se balade, ce n'est pas juste du sexe", argumentait-il. "Je t'aime jusqu'à l'aéroport" Séduit, ou plutôt être séduit : le mot est dit. Le discours revient souvent dans les paroles de ces clients, préférant se focaliser sur le "simili-attrait" qu'il provoque que sur la réalité des faits. C'est ce que les jeunes femmes concernées ont bien compris. Ici, pas question de tarif de passe, ou d'afficher ouvertement quoi que ce soit. Si tout est dans la parole et les regards, la subtilité, elle, n'en est pas pour autant au rendez-vous. "Tu es beau vazaha", me répète-t-on encore. Amusement flatté, j'engage la conversation en lui offrant un verre, sans évidemment souhaiter quoi que ce soit de plus. "Je veux te connaître", poursuit-elle en mettant la main sur mon torse. Dans mon dos, je sens des mains passer, et de l'autre côté du bar, plusieurs regards brûlants me sont lancés : d'autres filles tâchant d'attirer mon attention. Elles sont belles, jeunes, et disponibles sans difficulté. Je repense à Rémi, rencontré quelques minutes avant, et à une des ces phrases en particulier : "Jamais je n'aurais des filles aussi belles en France", nous avait-il dit. Je demande à la fille : - "Et s'il devait se passer quelque chose entre nous, j'imagine que c'est payant ?" - "On verra après pour ça, ce n'est pas que l'argent qui compte. Tu donnes ce que tu veux donner." Je lui offre un deuxième verre poliment et me retire de la conversation en la remerciant. - "Tu t'en vas ?" - "Oui, mais si tu as besoin d'argent je t'en donne contre rien" - "Non non, c'est bon", dit-elle un peu tristement. Mais tristement de quoi ? À quelques mètres, notre voisin de comptoir s'agace. Il vit à Mayotte, nous le reconnaissons. Lui aussi est avec une fille, mais en cherchant vraisemblablement une compagne pour la nuit. "Tu ne veux pas faire l'effort, au moins, de faire semblant d'être attirée ? Si c'est juste pour l'argent, autant me le dire directement", lui reproche-t-il. Il a l'air surpris. Mais pourquoi l'être ? Chacun semble pourtant connaître la célèbre expression "Je t'aime jusqu'à l'aéroport" souvent entendue et qui tourne en dérision le jeu d'acteurs de ces filles. Chacun sait ce qu'il en est réellement.

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LE DOSSIER

30 000 ariarys En ressortant du bar, nous décidons de prolonger la soirée dans un autre lieu recommandé par les habitués des nuits de la capitale. Le Glacier se trouve quelques centaines de mètres plus bas dans la rue. Il n'y a pas grand monde, juste quelques clients partageant un verre au comptoir ou sur une table. Au fond, une pièce dans laquelle se trouvent trois jeunes femmes. L'une d'entre elles danse pour ses amies de manière délurée. En nous voyant, elles nous proposent de nous assoir avec elles. Ouvertement tentatrices, elles posent les mains sur nos cuisses. Et c'est reparti. "Tu es très chic", lâche l'une d'entre elles. Je n'en ai pourtant pas l'impression : arrivé l'après-midi même à Tananarive, je n'ai pas eu le temps de me changer. Je suis en bermuda troué et en t-shirt. Mal rasé, pas coiffé, en somme : rien de très "chic." Je lui fais la remarque en rigolant. "Moi je te trouve quand même très chic", insiste-t-elle. Nous faisons mine d'être intéressés par cette mascarade. Je renouvèle ma question, posée plus tôt dans la soirée : "Mais s'il se passe quelque chose, j'imagine que c'est payant ?" Même réponse : "Oui mais on verra ça plus tard. Mes copines peuvent aussi venir si vous voulez", tente-t-elle de nous convaincre. - "C'est combien ?", demandons-nous. - "Disons dans les 30 000 ariarys" Trente mille ariarys : l'équivalent de 7,50 euros pour une fille, 21,50 euros pour les trois : le prix de trois paquets de cigarettes à Mayotte, d'un resto de moyenne gamme, de deux recharges téléphoniques, d'un beau carton de mabawas pour le voulé du dimanche. Nous leur payons leurs consommations, leur donnons 30 000 ariarys chacune, et quittons les lieux en les laissant là. En sortant, un client nous dit : "Vous savez, elles préfèrent les jeunes comme vous que les vieux vazaha avec qui elles couchent parfois. Leurs nuits en sont plus agréables." De retour à l'hôtel, la pancarte affichée à l'entrée – "Les filles ne sont pas admises dans les chambres des clients" – prend tout son sens. Vieux vazaha et jeunes femmes De" vieux vazaha", il en a été question quelques jours plus tard, alors que nous avions changé d'hôtel pour monter en gamme. Au petit-déjeuner, dans la salle de réception de l'établissement, quelques Européens d'âges murs déjeunaient, chacun accompagné d'une jeune femme. Quand bien même l'amour n'a pas d'âge, difficile ici de croire en un

quelconque coup de foudre ou amour partagé. Le genre de scène courante, pour ne pas dire quotidienne, chez nos voisins. Dans son dernier livre, Instinct de survie à Madagascar, dans lequel il raconte des scènes de vie vécues dans la Grande île, l'écrivain Nassur Attoumani a lui aussi été confronté, comme de nombreux visiteurs de l'île, à ce genre de scène. Il la décrit : "Un jour à Antsirabe, dans la Bank Of Africa, j'attends, au guichet, mon tour pour échanger mes euros en ariary. À deux clients de moi, bob crème sur la tête, lunettes vitreuses, polo blanc, un garamaso (homme de race blanche) octogénaire est à un autre guichet. Appuyé sur sa canne, il recompte les billets de banque qui viennent de lui être remis. Ses mains tremblent légèrement. Après avoir rangé son argent dans sa mallette noire puis bloqué celle-ci sous son aisselle gauche, il tourne le dos au comptoir et nous dévoile son visage fripé. Une sorte de fanon prolonge son double menton. Ses lèvres retombent en accent circonflexe renversé. À la manière dont sa bouche ne cesse de remuer, j'ai l'impression qu'il mâchonne un chewing-gum. Debout devant lui, derrière la ligne jaune tracée au sol, une jeune Malgache fait tournoyer un trousseau de clés autour de son index droit, à la manière d'un pistoléro qui s'entraîne avant d'affronter un bandit dont la tête est mise à prix. Ses lèvres esquissent un large sourire lorsque le vieux garamaso obèse avance vers elle. Sans fausse honte, elle lui plaque un baiser sonore sur la bouche. Comme il peine à se mouvoir, la viavy (fille) récupère la canne de son compagnon d'une main et de l'autre, elle le tient par le bras comme on tient une serviette remplie de dossiers compromettants. Gênés peut-être ou choqués comme moi, les clients baissent le regard devant ce simulacre d'amoureux qui passent leur chemin car ils n'ont rien à dire. Barbouillés de honte, ils semblent ne pas voir ces simagrées passionnelles qui se déroulent sous leurs yeux. (…) Ce phénomène de gérontophilie n'est pas un cas isolé à Madagascar. Dans les villes touristiques où j'ai séjourné, j'ai vu des séniors vazaha câliner sensuellement des filles à peine échapper de l'adolescence. Cette pratique n'indigne personne. Jamais je n'ai entendu un policier verbaliser qui que ce soit. Bien au contraire, cela constitue le Radeau de la Méduse pour les milliers de naufragés économiques qui peinent à remplir de riz leur marmite." Des vazaha, oui, mais pas seulement. Des Mahorais natifs de l'île y sont régulièrement aperçus eux aussi en bonne compagnie, vautrés dans les canapés de boîtes de nuit malgaches, bouteilles de whisky sur la table. À propos d'une jeune fille de joie de DiégoSuarez, également réceptionniste dans un

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hôtel, Nassur Attoumani raconte : "Pour arrondir ses fins de mois, elle aussi fréquente assidûment les bars et les boîtes de nuit pris d'assaut, chaque nuit, par les juilletiste et aoûtiens mahorais qui envahissent Diégo-Suarez pendant les vacances scolaires. La grande majorité d'entre eux sont enseignants de métier, agents municipaux ou simples salariés. Des associations cultuelles, toutes subventionnées par le Conseil général de Mayotte se rendent à Majunga, à NosyBe ou à Diégo-Suarez pour soi-disant y faire des échanges, chacune dans sa discipline. (…) Comme j'ai pu le constater de visu, après quelques canettes de THB, là-bas à Madagascar, certains élus municipaux mahorais se comportent pareils à des adolescents lors de leur premier rendez-vous galant. Aucune pudeur envers les filles. Aucun respect envers les locaux. L'euro leur monte au nez car leurs portefeuilles parlent pour eux. "C'est la première fois que de ma vie que je suis millionnaire. Millionnaire en ariary, alors je ne vais pas me gêner", se vante un gros monsieur rencontré un soir, au Nosy-Be Hôtel à Diégo-Suarez, en compagnie de deux jeunes demoiselles. À Mayotte, ce monsieur travaille comme agent de sécurité dans un grand magasin de Kawéni. Comme tous ses collègues, son salaire ne dépasse jamais le SMIC, mais il mène grand train à Madagascar." Constat identique de notre côté lors d'un deuxième séjour à Madagascar, cette fois à Diégo-Suarez, l'année suivante. Les bars ne manquent pas dans la ville, mais le plus connu d'entre eux est certainement le Taxi Bé, également présent dans d'autres localités de la Grande île. Là aussi, les filles arrondissant leurs fins de mois appâtent sans trop de mal le mâle de Mayotte, toutes origines confondues. Nous avions, un soir, sympathisé avec un groupe de jeunes mahorais en séjour ici et occupant une chambre dans le même hôtel que nous. Chacun d'entre eux avait, à l'issue de la soirée, ramené une fille dans la chambre, sans faire mystère le lendemain de l'objet de la soirée. Ainsi va Madagascar, pays aux nombreux atouts, mais dont la pauvreté condamne une partie de la jeunesse à une prostitution qui dit à peine son nom. Parmi ces filles, certaines ont des compagnons, et l'une d'entre elles confiait d'ailleurs sans difficulté que ce dernier était au courant et encourageait même la pratique. Argent facile pour une survie assurée au moins quelque temps. Qu'importe le prix. En ligne de mire : vivre mieux, se nourrir ou arrondir ses fins de mois. Briller un peu. Se faire remarquer pour certaines et, qui sait, trouver un homme pour rejoindre Mayotte. n *Instinct de survie à Madagascar, éditions Orphie, 11,50 euros.

Des réseaux liés à l'immigration clandestine ? La rumeur est connue : il existerait un réseau de prostitution entre Mayotte et Madagascar, par lequel des filles seraient amenées sur le territoire en échange de quelques centaines d'euros et/ou de faveurs d'ordre sexuel. Dans son livre Instinct de survie à Madagascar, l'auteur mahorais Nassur Attoumani en parle, rapportant un échange qu'il a eu avec une jeune femme malgache à l'occasion d'un de ses voyages. Elle décrit : "Il y a des garamaso (hommes blancs, ndlr) qui viennent ici, à Nosy-Be, en bateau. Ils t'emmènent à Mayotte avec 1000 €, mais si tu paies 800 €, ils acceptent aussi. Il faut alors faire le ménage dans le bateau et tout ce qu'ils te demandent durant la traversée. Pas besoin de carte d'hébergement, ni de visa, ni de passeport. C'est ce que m'a dit une copine qui travaille maintenant à Mayotte. Ils te débarquent toujours la nuit sur une plage. Mais moi je suis prête à tenter l'aventure." Sept mois plus tard, l'écrivain raconte l'avoir recroisé à Mamoudzou : "Dans le voilier, raconte-t-elle, pendant une semaine, nous étions six filles malgaches pour deux garamaso. Moi je voulais à arriver à Mayotte." "Les Grands Comoriens en parlent aussi souvent, mais il est impossible d'obtenir des noms", complète Nassur Attoumani, contacté par nos soins. Un ou des réseaux de prostitution pourraient donc être liés à l'immigration clandestine, en provenance de Madagascar ou des Comores. Du côté de la préfecture, on n'infirme ni ne confirme l'existence d'un réseau en particulier, mais la possibilité est prise au sérieux. Ainsi, dans le cadre du Groupe d'enquête contre l'immigration clandestine (Gelic), mis en place au mois de juin dernier sous la direction du souspréfet Julien Kerdoncuf, s'il "n'existe pas de volet spécifique sur la prostitution en tant que tel, des enquêtes sont en cours sur des filières sur lesquels il existe des soupçons de prostitution, soit pour payer le trajet, soit pour alimenter des réseaux de prostitution sur place. Un travail judiciaire est en cours, en lien avec les unités d'enquêtes traditionnelles."

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ENTRETIEN

Geoffroy Vauthier

"L'ISLAM DE MAYOTTE DOIT ÊTRE PROTÉGÉ" YOUNOUSSA ABAINE, DIRECTEUR DE LA MÉDIATION ET DE LA COHÉSION SOCIALE AU CONSEIL DÉPARTEMENTAL 26•

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Nomination du grand Cadi et médiation sociale, nécessité de préserver l'islam mahorais, besoins en infrastructures religieuses : la Direction de la médiation et de la cohésion du Conseil départemental prend à cœur ses missions, et se satisfait d'être aujourd'hui reconnue comme nécessaire au bien-être de la société. Entretien avec son directeur, Younoussa Abaine. Mayotte Hebdo : Le Grand Cadi doit être nommé prochainement. Où en est-on de son recrutement, et quand les Mahorais connaîtront-ils son nom ? Younoussa Abaine : Les choses ont beaucoup avancé. Le Département a mis en œuvre toute son administration pour que le Grand Cadi puisse être nommé au cours de ce mois d'avril, sauf évènement imprévu. Mais toutes les démarches sont engagées pour que son nom soit connu, au plus tard, à la fin du mois. On est déjà au mois celui de Miraj, et les mois sacrés du ramadan et du pèlerinage arrivent. La population souhaite savoir qui sera ce responsable religieux pour qu'il puisse communiquer sur ce qu'il convient de faire durant ces mois là, sur les adorations, etc. La population a besoin de son référent religieux. MH : Le projet d'évolution institutionnelle porté par le Conseil départemental propose de créer un Haut conseil cadial, qui aurait une mission générale de médiation dans les affaires sociales de la vie mahoraise. Comment la Direction accueille-t-elle cette possibilité ? YA : Très bien, car les cadis ont joué un rôle important dans la société mahoraise depuis 1841 en particulier, mais aussi bien avant puisqu'ils étaient déjà des autorités respectées. Mais leurs compétences avaient été réduites sur le plan institutionnel. Or, le constat actuel de la délinquance et de la violence, a amené le Département à réfléchir, et à observer qu'il manquait quelque chose à ces jeunes-là. Redonner un rôle aux Cadis, qui sont des autorités à la fois administratives et religieuses, est important. Elles doivent apporter leur contribution à l'apaisement de la société.

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ENTRETIEN

"IL Y A UNE DÉGRADATION DE LA SOCIÉTÉ QUI EST INQUIÉTANTE"

Comme aujourd'hui, il s'agirait d'un rôle de médiation sociale, d'encadrement. Les institutions ont cherché à faire en sorte que les cadis puissent avoir leur place. Le travail que notre Direction a fait ces trois dernières années, notamment avec sa mise en place, a permis de comprendre que les cadis avaient une responsabilité à prendre dans la société. Le procureur de la République et le président du Tribunal ont d'ailleurs reconnu qu'ils avaient un rôle à jouer dans la société, et qu'ils ne peuvent pas s'y substituer. La Justice punie, réprimande, mais elle ne peut pas prévenir, éduquer, ce n'est pas son rôle, contrairement aux cadis. Ils n'ont pas le monopole du cœur, évidemment, mais leur contribution, leurs paroles, leur morale, à apporter. Partout dans le monde, on refait appel au fait religieux, qu'il s'agisse du christianisme, de l'islam ou du judaïsme. Les religieux sont conviés dans de nombreuses conférences, car nous comprenons que c'est tous ensemble que l'on peut construire quelque chose. Au Conseil de l'Europe, les cadis ont été invités deux fois, en 2016 et 2017, avec d'autres religions, parmi 150 invités, religieux ou pas, ministres, hauts responsables, etc., car les défis du monde actuel demandent à ce que toutes les expertises soient réunies. Nous estimons donc que ce projet d'évolution institutionnelle est le bon moment à saisir pour intégrer ce Conseil cadial et reconnaître sa valeur. Nous avons un projet à présenter au gouvernement pour définir les missions qui seront celles de ce Haut conseil cadial. MH : Il y a quelques mois se tenaient les Assises de l'islam de France, pour lesquelles des ateliers s'étaient tenus à Mayotte. Il y était déjà question de mieux encadrer l'islam de Mayotte. Qu'en est-il ? YA : Nous vivons dans un territoire français, et il a besoin d'une autorité politique impartiale et reconnue, l'État, mais aussi d'une autorité religieuse efficace. Chacun de son côté doit travailler pour la cohésion du territoire. Les cadis, en particulier, dans leur rôle, ont démontré que ce territoire doit être contrôlé également au niveau religieux. Nous sommes dans une île où des gens rentrent malgré tout ce qui est mis en place. Nous ne sommes donc pas totalement préservés de l'arrivée de personnes arrivant d'Afrique ou des pays arabes, par exemple. Il faut donc que les cadis puissent maîtriser – à travers leur mission responsable du culte – le territoire de la République, et contrôler ce qui se passe dans le milieu religieux : ce que les imams ou fundis enseignent, si ils sont qualifiées pour ou pas, quelles sont leurs compétences, etc. À Mayotte, nous sommes de rite chaféite, un islam apaisé et tolérant qui acceptent l'implication des confréries. La maîtrise et la mise en place de cet enseignement est donc importante, et c'est une volonté du Conseil départemental.

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MH : L'islam de Mayotte est-il menacé ? YA : Il y a une inquiétude, oui. L'islam permet à chacun d'approfondir sa connaissance. Le prophète Mohamed a dit qu'il était possible d'enrichir son savoir même en Chine, pour encourager le développement des connaissances générales, car les musulmans n'ont pas besoin que du savoir religieux, mais aussi de la science au sens large. De fait, aujourd'hui à Mayotte, nombreux sont ceux qui vont étudier ailleurs. Mais quand ils reviennent, ils doivent appliquer la politique religieuse que l'on souhaite à Mayotte. Ce n'est pas toujours le cas. Certains ici disent qu'ils n'acceptent que le Coran. Or, le Coran a été remis au prophète, c'est un message envoyé à une personne. Si vous reconnaissez le message, mais pas la personne et son importance, vous n'êtes pas dans l'islam. Celui qui prétend avoir toutes les compétences pour interpréter seul le Coran, sans tenir compte des imams, n'est pas musulman. Ils existent à Mayotte. On a mis trop de temps à maîtriser cela, ce qui a laissé la place à ces délinquants. C'est pour cela que nous organisons des conférences, débats et séminaires sur le sujet. L'islam de Mayotte doit être protégé est doit être un exemple pour la République. Ces trois dernières années, nous avons travaillé dur pour en démontrer les spécificités. Des conférenciers internationaux sont venus et ont remarqué eux aussi à quel point il était riche et tolérant et à quel point il devait servir d'exemple. MH : Dans les Assises de l'islam de France étaient aussi prévus différents projets, comme la création d'un Institut mahorais de finances islamiques ou la construction de trois nouvelles mosquées s'apparentant à des complexes – puisqu'il était question que des commerces, lieux de restauration, chambre mortuaire, chambres d'hôtes, etc. intègrent les projets. Quand pourraient-ils voir le jour ? YA : Nous avons été concrets, avec une expertise des besoins précise. C'était une volonté du président. Pour la première fois, nous avons travaillé sur ces problématiques. Mayotte la musulmane mérite également d'avoir des infrastructures dignes de ce nom. L'islam est notre patrimoine commun, comme les autres religions s'il faut parler de religion, mais aussi comme d'autres choses. Il faut des instruments de qualité pour valoriser ce patrimoine universel. Et puis, puisque nous voulons former des imams et préserver l'islam de Mayotte, il faut que cela soit fait dans des infrastructures de qualités, avec des professionnels qualifiés. Quel est le remède contre la barbarie du terrorisme ? C'est la connaissance. Quand les gens ne sont pas bien formés, ils interprètent mal

les textes et se comportent différemment des préceptes des textes. L'islam est une religion de paix. Par amour pour l'humanité tout entière, le prophète était prêt à concilier avec tous les partis. C'est pour cela que les cadis sont si importants aujourd'hui : parce qu'ils sont des médiateurs qui portent en eux ce même amour de l'humanité que le prophète. Les projets que vous citez sont toujours valables. Les premières études de faisabilité pourraient avoir lieu bientôt. Il faut impulser cette politique dynamique de valorisation du patrimoine. Nous allons aussi accompagner certaines associations, la mise aux normes des mosquées puisque beaucoup d'entre elles – sur les 350 que compte l'île –, ne le sont pas alors qu'elles accueillent du public et qu'elles peuvent être utilisées en cas de force majeure pour abriter des personnes. Idem pour les madrassas, qui doivent pour certaines être sécurisées puisqu'elles accueillent des enfants. Dans les trois à cinq ans à venir, nous allons essayer de faire émerger tous ces projets, car Mayotte en a besoin. Notre projet, c'est de faire en sorte que les gens qui veulent apprendre l'islam puissent le faire, dans les 10 ans à venir, à Mayotte même. On a vu les conséquences que peuvent avoir des départs à l'étranger. MH : En attendant, quels sont les autres projets portés par votre Direction ? YA : En termes de prévention de la délinquance, nous avons un service études et partenariats. Dans les projets de prévention de la délinquance, le Département a délibéré récemment pour mettre en place un partenariat avec les communes de Mayotte. Dans ce cadre-là, nous allons réfléchir à comment lutter contre la délinquance et comment sécuriser nos agents lorsqu'ils sont en médiation. Un partenariat devrait être signé avec huit ou neuf communes pour commencer, avant que l'ensemble des municipalités nous sollicite. Nous avons la chance d'être une structure présente dans chacune d'entre elles. Cette proximité facilite notre travail. Ce partenariat se fait aussi avec l'Éducation nationale qui, au moment des violences scolaires, avait fait appel aux cadis. Ils pourront aller dans les établissements sensibiliser les élèves et prévenir la violence. Mayotte, l'État, le Conseil départemental dépensent beaucoup d'argent pour la scolarisation des jeunes mahorais. Il faut que ces jeunes en comprennent l'enjeu et qu'ils préparent leur avenir au lieu de faire autre chose. Enfin, un partenariat est également en cours d'élaboration avec la Justice. Notre rôle est désormais reconnu. Il faut désormais agir, car le temps ne joue pas en notre faveur. Il y a une dégradation de la société qui est inquiétante. Quand il n'y a plus le respect des institutions, cela ne peut pas marcher. n

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ÉVÈNEMENT

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TROPHÉES MAHORAIS DE L'ENTREPRISE

UNE SEPTIÈME ÉDITION DES PLUS RÉUSSIES SAMEDI SOIR SE TENAIT LA CÉRÉMONIE DE REMISE DES PRIX DES TROPHÉES MAHORAIS DE L'ENTREPRISE. UNE SEPTIÈME ÉDITION À LAQUELLE PARTICIPAIENT LES ACTEURS ÉCONOMIQUES – MAIS PAS SEULEMENT – DU TERRITOIRE. DE L'AVIS DE TOUS : UN ÉVÈNEMENT DES PLUS RÉUSSIS QUI A PERMIS, ENCORE UNE FOIS, DE METTRE À L'HONNEUR CEUX QUI FONT LE DÉVELOPPEMENT DE MAYOTTE. Dans son discours de clôture, le préfet délégué du gouvernement, Dominique Sorain, se rappelait l'édition 2018 des Trophées mahorais de l'entreprise (TME), un des premiers évènements auquel il avait participé peu après son arrivée à Mayotte : "Il y a un peu moins d'un an, j'étais à cette même soirée parmi vous (…). Nous venions de sortir d'une crise très forte et prégnante dans l'île. (…) Et il y a eu le petit miracle de cette soirée (…). Des récompenses avaient été attribuées, le dynamisme des entreprises apparaissait, cela montrait qu'il y avait une forte volonté d'entreprendre sur l'ensemble du territoire. Cette volonté se traduit à nouveau aujourd'hui. (…) On a besoin de montrer ce qui marche pour avancer, pour développer le territoire." Un discours de clôture résumant cette septième édition des TME, organisés par la Somapresse, et dont la cérémonie de remise des prix s'est tenue samedi soir au Régiment du service militaire adapté (RSMA) de Combani. Ladite cérémonie, débutée à 19h30 et à laquelle participaient quelque 300 invités et décideurs locaux – notamment des acteurs économiques, a permis cette année encore de récompenser sept entreprises et entrepreneurs, sur 35 nominés, pour la confiance et l'engagement dont ils témoignent au territoire. Entreprise dynamique, citoyenne, manager de l'année, jeune entreprise, bâtisseur

de l'année, entreprise de l'économie sociale et solidaire, et prix spécial du jury : sept trophées - auxquels s'ajoute un Prix spécial du jury - ont en effet été décernés sous les applaudissements du public, heureux de participer à la cérémonie. Parmi ces nombreux invités, outre le préfet de Mayotte, les deux sénateurs Thani Mohamed Soilihi et Abdallah Hassani, le vice-président du Conseil départemental en charge des finances et du développement économique et touristique, par ailleurs président de l'Agence de développement et d'innovation de Mayotte (Adim), Ben Issa Ousséni ; la maire de Chirongui et présidente de la Chambre régionale de l'économie sociale et solidaire, Roukia Lahadji ; le patron de l'entreprise MIM, président de l'Union maritime de Mayotte et ancien lauréat, Norbert Martinez ; la première dauphine de Miss prestige, Mariam Hassani ; ou encore le chef du service régional de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) de Mayotte, Djamel Mekkaoui. Ce dernier a d'ailleurs ouvert la cérémonie avec un panorama de l'économie à Mayotte. "On reste trois fois et demi plus pauvre par habitant qu'en métropole, mais on est sur une tendance de fond plutôt positive", a-t-il soulevé en poursuivant : "Une cérémonie qui met à l'honneur [les entreprises] aujourd'hui a tout

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son sens. C'est d'autant plus important ici, que notre chômage s'élève à 35 %. (…)" De l'avis de tous, donc, un évènement qui a tout son sens pour accompagner le développement économique d'une île au potentiel réel. Une bonne ambiance Mais, au-delà de l'importance que revêtent les TME pour les entrepreneurs, l'évènement est aussi l'occasion d'échanger et de tisser des liens entre décideurs. Le tout dans une ambiance chaleureuse. Buffet préparé par les jeunes du RSMA, musique avec l'orchestre de jazz Ad Lib,

ou encore défilé mettant en avant les créations d'Amida et Salima Zily, gérantes de la boutique de prêt-à-porter Uvaga : plusieurs animations ont égayé la soirée. Citons également la performance du peintre Marcel Séjour, qui a réalisé en direct et en 1h30 un tableau destiné à être mis en vente à la fin de la soirée. Organisées par le Lions Club Mayotte Lagon, les enchères ont atteint 1050 euros, qui seront reversés à l'association Deux mains pour les enfants ainsi qu'à l'École du civisme Frédéric d'Achery. n

LE PALMARÈS DE L'ÉDITION 2019 DES TROPHÉES MAHORAIS DE L'ENTREPRISE

ENTREPRISE ENTREPRISE ENTREPRISE CITOYENNE INNOVANTE DYNAMIQUE Digo Environnement, qui transforme l'huile de moteur en énergie verte et en biocarburant.

May Bio, première boutique proposant des produits bio à Mayotte.

Madora, enseigne de parfumerie/beauté.

JEUNE MANAGER ENTREPRISE ENTREPRISE DE L'ANNÉE DE L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIBÂTISSEUR PRIX SPÉCIAL DAIRE DE L'ANNÉE DU JURY John & Okama's, traiteur proposant des pâtisseries britanniques, mais aussi des thés asiatiques.

Said Bastoi, repreneur et directeur de La maison des livres et de Bureau Vallée.

Yes We Cannette, épicerie éco-solidaire.

municipalité de Chirongui, pour son pôle culturel.

Mohamed Naoioui, gérant bureau étude CET.

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Photos : DJ Mike

TROPHÉES MAHORAIS DE L'ENTREPRISE

PAROLES DE LAURÉATS

ILS SONT SEPT À AVOIR REMPORTÉ UNE RÉCOMPENSE POUR CETTE SEPTIÈME ÉDITION DES TROPHÉES MAHORAIS DE L'ENTREPRISE. POUR CHACUN D'ENTRE EUX, IL S'AGIT D'UNE RECONNAISSANCE OU D'UN COUP DE PROJECTEUR IMPORTANT POUR LEUR ACTIVITÉ. VOICI LES LAURÉATS DE LA CÉRÉMONIE.

ENTREPRISE INNOVANTE Nassur Maliki, gérant de MayBio. "Cette récompense, c'est la reconnaissance du bio à Mayotte et des produits de Mayotte. Et ça représente une prise de conscience : il est nécessaire de consommer différemment aujourd'hui, de consommer responsable, notamment vis-à-vis du lagon. C'est pourquoi nous allons bientôt proposer un système de vrac, sans emballages, sans papier kraft, mais avec des bocaux en verre pour limiter les déchets et l'usage du papier kraft unique. Il y a aussi l'aspect nutritionnel, on a des problèmes de cholestérol, des jambes amputées à cause du diabète, des problèmes d'obésité qui augmentent tous les ans à Mayotte. Il faut se rendre compte que c'est un problème qui concerne tout le monde (…) Il faut proposer des alternatives. J'ai aussi pour ambition de voir des producteurs à Mayotte qui produisent bio, mais ils ont peur de produire en quantité parce qu'ils ont peur des pertes . J'ai déjà prévenu quelques producteurs, nous avons mis ensemble des programmes en fonction des saisons (…) Après ça, il faut aussi que nous ayons des oeufs en plein air à Mayotte. Ce sont toutes ces choses-là que je veux mettre en avant avec le magasin bio."

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MANAGER DE L'ANNÉE Saïd Bastoi, gérant de Bureau Vallée à Mayotte, repreneur et directeur de La maison des livres. "Les Trophées mahorais de l'entreprise sont un évènement très important pour le territoire, car cela valorise ceux qui entreprennent, ceux qui ont le courage de créer de la richesse et de prendre des risques, parce qu'il faut savoir que prendre des risques ce n'est pas donné à tout le monde, c'est stressant, ce sont des investissements qui coûtent parfois très cher et quand on se trouve dans une situation comme celle-ci, avec une belle récompense, ça ne peut que nous encourager et encourager d'autres aussi à créer de la richesse. Et d'oublier un peu ce côté "fonctionnaire" qui a été développé ici. En pensant que la réussite passe par la fonction publique, aujourd'hui ces évènements valorisent l'entrepreneuriat et les entrepreneurs et ça contribue à ce que beaucoup de Mahorais s'y intéressent. Le territoire en a besoin. Tout passera forcément par la création de richesses à travers les entreprises. Le mot d'ordre doit être lancé pour que tout le monde soit sensibilisé, même les pouvoirs publics, et se lance."

JEUNE ENTREPRISE Aïna et Rouhania Kamardine, gérantes de John & Okama's. "Merci d'organiser cet évènement qui met en lumière tous les entrepreneurs de l'île, merci à tous nos clients qui nous soutiennent depuis le début (…) merci à nos parents qui nous soutiennent, et merci à toutes les structures qui accompagnent les jeunes entrepreneurs comme Créa' Pépites, la BGE, le Cabinet mahorais de conseil, merci à tous ceux qui soutiennent les femmes entrepreneurs qui se lancent et qui nous permettent d'être ce territoire sur lequel il y a le plus de femmes entrepreneuses (…) L'idée de John et Okama's est née parce qu'on est des filles très gourmandes. On a grandi dans une famille dans laquelle la nourriture est toujours quelque chose qui réunit tout le monde et puis, de nos voyages, de nos expériences, on a un peu rapproché nos deux univers. Moi je suis un peu plus gourmande (que ma soeur, ndlr) donc pour moi c'était plus la pâtisserie et elle le thé, le voyage au Japon, la culture nippone, etc. On avait dans l'idée depuis longtemps de créer un salon de thé, et nos deux univers étaient complémentaires. Et puis Mayotte, c'est tout petit, les billets d'avion sont chers, donc nous voulions faire un peu voyager les gens ici. Il n'y a pas de difficulté particulière à être une femme entrepreneure, c'est quelque chose en plus. Je pense qu'on vit les mêmes difficultés que tous les entrepreneurs qui sont par exemple des difficultés de financements, pour trouver un local, recruter, se développer, etc."

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TROPHÉES MAHORAIS DE L'ENTREPRISE

PRIX SPÉCIAL DU JURY Mohamed Naoioui, gérant du bureau d'études CET. "Je suis très ému, je me souviens mon premier trophée je l'ai eu en 1994, j'étais encore jeune - et peut être dynamique c'était à Genève et comme le billet coûtait tellement cher je n'avais pas pu venir récupérer mon trophée. Aujourd'hui je suis très fier. Je viens d'arriver, mais je vois monsieur le préfet, le directeur de la Dieccte, Madame le maire, sénateur…, je dirais, comme Madora, merci à tous d'être présents, alors maintenant je vais récupérer mon cadeau et… partir !"

ENTREPRISE CITOYENNE Mohamed Ahmed, patron de Digo Environnement. "J'ai eu l'idée en 2018 de récupérer les huiles de restauration. Il n'y a aucune autre entreprise à Mayotte qui récupère les huiles alimentaires usagées de la friture des restaurateurs. De ce fait, les restaurateurs ont du mal à gérer leurs huiles et celles-ci vont dans le lagon. C'est ce qui est vraiment contraignant pour notre lagon puisque c'est l'un des plus beaux au monde. Si on continue comme ça, Mayotte sera l'un des plus mauvais du monde et le plus gros déchet dans notre océan Indien. Le concept est très simple, je collecte les huiles alimentaires usagées, je les filtre moi-même, je les valorise et les transforme en biocarburant. La matière finie permet de produire de l'électricité à EDM et de rouler avec des moteurs diesel (…) Moi, en tant que natif de Mayotte, je ne veux pas que Mayotte soit un lagon de déchets alimentaires, de canettes et autres… Je veux que Mayotte soit une vitrine économique, écologique et touristique pour l'avenir de nos enfants et pour demain (…) Le trophée je vais l'exposer dans mon entreprise pour que mes enfants sachent que leur père a travaillé dur pour créer une entreprise dans l'environnement."

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ENTREPRISE DYNAMIQUE Marcel Rinaldi (représenté par Laurent Bruant), gérant de Madora, enseigne de parfumerie/beauté. "C'est un immense honneur en même temps qu'une belle récompense pour tous nos collaborateurs et aussi pour moi personnellement que de recevoir cette gratification, qui récompense un travail intense de tous les jours. Je remercie donc logiquement tous les membres de notre équipe et de nos enseignes qui se donnent sans compter au quotidien et contribuent ainsi à la réussite et au dynamisme de notre activité. Je remercie aussi tous nos partenaires, nos banques, nos fournisseurs, les prestataires et les nombreuses marques qui nous soutiennent et nous accompagnent dans toutes nos initiatives. Je n'oublie pas les artisans et les entreprises mahoraises pour leur disponibilité de tous les instants, qui n'hésitent pas à bouleverser leur planning et à répondre à toutes nos urgences. Merci à Somapresse et à toute son équipe pour cette septième mise à l'honneur des entreprises mahoraises et pour l'organisation de cette soirée. C'est réconfortant aussi pour nous, entrepreneurs de Mayotte, d'être de temps en temps mis à l'honneur et valorisés dans l'évolution de notre belle île (…) Je remercie ma femme Maya car en plus de manager avec moi cette entreprise, elle me supporte tous les jours."

ENTREPRISE DE L'ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE Yes We Canette, épicerie et laverie éco-solidaires. "L'aventure associative, c'est vraiment quelque chose qui fait monter les émotions par tous les extrêmes. C'est faire vivre une structure avec des moyens parfois très contraints et néanmoins des missions de plus en plus importantes. Protéger notre lagon, c'est un défi et un honneur, et justement les collectivités sont là, de plus en plus impliquées pour nous permettre de réaliser nos missions (…) Aujourd'hui Yes we can nette, c'est la protection environnementale, mais aussi, de donner les moyens à tous les habitants de protéger le lagon, de ne pas forcément culpabiliser les publics, mais au contraire d'être impliqués pour être, eux aussi, acteurs de l'environnement. C'est une laverie solidaire où les personnes peuvent ne plus polluer les rivières et venir laver leur linge en toute dignité. Et ce pour un tout petit prix, ça nous y tenons et ce sont aussi des épiceries éco-solidaires, les personnes viennent dans nos épiceries et apportent des emballages, des canettes, et grâce à ça, ils ont un panier alimentaire beaucoup moins cher. On a encore beaucoup à faire alors qu'on a un lagon à protéger, qui est un vrai joyau pour l'île et on se pose justement la question de la banque alimentaire et des épiceries solidaires qui ne sont pas encore présentes dans l'île et qui pourraient donner un élan supplémentaire à toutes nos démarches."

BÂTISSEUR DE L'ANNÉE

Mairie de Chirongui, pour son pôle culturel Des impératifs ont dû amener Roukia Lahadji, maire de Chirongui, à quitter la cérémonie avant l'annonce du résultat de la catégorie "Bâtisseur de l'année." C'est le pôle culturel de la commune, avec une salle de cinéma qui a remporté le trophée. Jouissant d'une position géographique stratégique, puisque situé au carrefour du Nord et du Sud, ce Pôle culturel entend permettre aux habitants de l'île aux parfums d'avoir accès à des festivals, des expositions, des débats ou encore des concerts dans des conditions de confort optimales.

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Photos : DJ Mike

TROPHÉES MAHORAIS DE L'ENTREPRISE

LA SOIRÉE EN IMAGES

PARCE QUE LES TROPHÉES MAHORAIS DE L'ENTREPRISE SONT AUSSI UNE BONNE OCCASION DE SE CROISER, DE SE REVOIR, DE DISCUTER, D'ÉCHANGER, DE TISSER DU LIEN, OU TOUT SIMPLEMENT DE PASSER UN BON MOMENT, VOICI QUELQUES EXTRAITS EN IMAGES D'UNE CÉRÉMONIE DES PLUS RÉUSSIES.

Parmi les partenaires de l'évènement : la parfumerie Madora qui, comme chaque année, a offert aux dames invitées un sac cadeau contenant des produits de beauté.

À l'animation de la soirée : Denise Harouna, brillante dans sa tenue de soirée.

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C'est le groupe Jazz Ad Lib qui a animé musicalement la soirée de son jazz dansant.

Parmi les animations, un défilé de la boutique de créations Uvaga, dont les mannequins d'un soir posent ici.

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TROPHÉES MAHORAIS DE L'ENTREPRISE

Le sénateur Thani Mohamed Soilihi et la maire de Sada, Anchya Bamana, invités de la soirée.

Le sénateur Abdallah Hassani a remis le trophée de l'Entreprise citoyenne à Digo Environnement.

La 1ère dauphine de Miss Prestige, accompagnée de Némati Toumbou-Dani, première femme gendarme de Mayotte, fervente défenseur du patrimoine local et présidente du comité Miss Prestige Mayotte.

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Yes We Can Nette, un des lauréats de la soirée, avec le sénateur Thani Mohamed Soilihi et une partie de l'équipe de la Chambre régionale de l'économie sociale et solidaire, présidée par la maire de Chirongui, Roukia Lahadji (à gauche).

Le préfet délégué du gouvernement Dominique Sorain assistait à sa deuxième édition des Trophées mahorais de l'entreprise.

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LE CAHIER EMPLOI & FORMATION

LE MÉTIER DE LA SEMAINE AMBULANCIER L'AMBULANCIER RÉALISE LE TRANSPORT SANITAIRE OU L'ACCOMPAGNEMENT DE PERSONNES VERS LES STRUCTURES DE SOINS SELON LES RÈGLES D'HYGIÈNE, DE CONFORT ET DE SÉCURITÉ. IL PEUT TRANSPORTER DES PERSONNES EN CONDITIONS D'URGENCE ET PRATIQUER LES GESTES DE SECOURS, AINSI QU'ACCOMPLIR DES OPÉRATIONS OU MISSIONS ANNEXES. ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL

- Entreprise de transport sanitaire - Etablissement médical (hôpital, clinique, etc.) - Organisation humanitaire - Service spécialisé d'urgence médicale

COMPÉTENCES

- Intervenir à bord d'une ambulance de secours et de soins d'urgence (ASSU) - Intervenir à bord d'un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) - Conduire une ambulance - Intervenir à bord d'un véhicule de catégorie D (véhicule sanitaire léger -VSL- destiné au transport en position assise) - Préparer le matériel médico-technique et apporter une assistance technique (positionnement, immobilisation, ventilation, etc.) à l'équipe médicale pour un transport d'urgence - Assurer une maintenance de premier niveau - Réaliser l'entretien du matériel - Mettre en place des actions de gestion de ressources humaines

ACCÈS AU MÉTIER

FORMATION

- Cet emploi/métier est accessible avec le diplôme d'État d'Ambulancier pour la conduite d'ambulance. - Le permis B d'au moins 2 ans, complété par une autorisation préfectorale d'aptitude à la conduite d'ambulance sont obligatoires. - Les permis C, C1, D, D1 (précédemment C ou D) complétés par une formation spécifique sont requis pour la conduite de véhicules de type fourgon (Unités Mobiles Hospitalières). - Une attestation de formation est requise pour le poste d'auxiliaire ambulancier. - Des vaccinations prévues par le Code de Santé Publique sont exigées. - L'agrément de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales -DDASS- est obligatoire pour exercer en tant qu'artisan

TÉMOIGNAGE

HOUNA BOINA ALI, 18 ANS ATTEINTE D'UNE MALFORMATION DU VISAGE, LA JEUNE FILLE A PU BÉNÉFICIER D'UN ACCOMPAGNEMENT PROFESSIONNEL AUPRÈS DE L'ASSOCIATION MESSO, DANS LE CADRE DE SA CELLULE INSERTION À L'EMPLOI DES PERSONNES EN SITUATION DE HANDICAP.

"Je m’appelle Houna Boina Ali. J’ai une malformation du visage. Après la validation de mon CAP Agent d’hygiène, je suis venue dans l’association Messo pour avoir un accompagnement spécialisé au vu de ma situation. J’ai suivi plusieurs stages, dont un à l’aéroport en tant qu’agent d’hygiène. Ma venue ici m’a apporté beaucoup de bonheur, car j’ai pu apprendre beaucoup de choses que je ne connaissais pas avant et j’ai pu acquérir davantage d’expérience professionnelle suite aux stages que j’ai effectués grâce aux accompagnateurs. Aujourd’hui, j’attends une réponse pour un CDD au CCAS de la commune d’Acoua".

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LES OFFRES D'EMPLOI RESPONSABLE DE SERVICE (H/F)

PÔLE EMPLOI - DT MAYOTTE 976 - MAMOUDZOU Contrat à durée indéterminée Durée du travail 35h horaires variables Salaire : Annuel de 39100€ OFFRE N° 5922716*

AGENT / AGENTE D'ENTRETIEN/ PROPRETÉ DE LOCAUX

ASSISTANT STATISTICIEN (H/F)

ADMINISTRATION PUBLIQUE GÉNÉRALE 976 - MAMOUDZOU Contrat à durée déterminée - 12 Mois CUI - CAE 20h horaires normaux Salaire : 7.57€ brut/heure OFFRE N° 085PWQR*

VICE RECTORAT DE MAYOTTE 976 - MAMOUDZOU Contrat à durée déterminée - 12 Mois Durée du travail 35h horaires normaux Salaire : Mensuel de 2100.00€ sur 12 mois OFFRE N° 085PTRX*

OUVRIER POLYVALENT / OUVRIÈRE POLYVALENTE D'ENTRETIEN DES BÂTIMENTS

OUVRIER POLYVALENT SERVICE PARC AUTOMOBILE ET LOGISTIQUE (H/F)

OUVRIER POLYVALENT SERVICE CADRE DE VIE H/F

ADMINISTRATION PUBLIQUE GÉNÉRALE 976 - DZAOUDZI Contrat à durée déterminée - 12 Mois CUI - CAE Durée du travail 20h horaires normaux Salaire : 7.57€ brut/heure OFFRE N° 085KXZG*

ADMINISTRATION PUBLIQUE GÉNÉRALE 976 - DZAOUDZI Travail intérimaire - 12 Mois CUI - CAE 20h horaires normaux Salaire : 7.57€ brut/heure OFFRE N° 085KXMG*

ADMINISTRATION PUBLIQUE GÉNÉRALE 976 - DZAOUDZI Contrat à durée déterminée - 12 Mois CUI - CAE Durée du travail 20h horaires normaux Salaire : 7.57€ brut/heure OFFRE N° 085KXJZ*

* voir site Pôle emploi

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L’association MESSO aide à la lutte contre l’exclusion et accompagne socialement la population fragilisée : jeunes en décrochage scolaire, jeunes sous-main de justice, jeunes en situation de handicap. MESSO met en place des titres professionnels, des formations qualifiantes, ainsi qu’une action spécifique de formation à destination des personnes en situation de handicap (IEPH). 4 PÔLES D’ACTION : 1 - action sociale 2 - contribution au développement économique 3 - formation et insertion professionnelle 4 - contribution au développement durable Association Messo 85 route nationale de M’Tsapéré 97600 Mamoudzou - 0269 62 18 23 secretariat.direction@messo.fr

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FI n°4516 Lundi 1er avril 2019 St Hugues

Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - Édition Somapresse - N° CPPAP : 0921 Y 93207 - Dir. publication : Laurent Canavate - Red. chef : Lyse Le Runigo - http://flash-infos.somapresse.com

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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 contact@mayotte.hebdo.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@mayottehebdo.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédacteur en chef Geoffroy Vauthier Rédactrice en chef adjointe Houdah Madjid

# 879

Couverture :

La prostitution à Mayotte.

Journalistes Ichirac Mahafidhou Lyse Le Runigo Hugo Coeff Romain Guille Solène Peillard Ornella Lamberti Correspondants HZK - (Moroni) Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Comptabilité Catherine Chiggiato comptabilite@mayottehebdo.com Secretariat Annabelle Mouhamadi Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0121 I 92960 Site Internet www.mayottehebdo.com

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En action pour le logement. Le logement, c’est 1/3 de votre budget. Agir pour le logement, c’est agir pour votre pouvoir d’achat.

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RE T E N N° 879 • 05/04/2019


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