Mayotte Hebdo n°1080

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LE MOT DE LA RÉDACTION

UN SEMBLANT D’ACCALMIE

Depuis la levée temporaire des barrages, les habitants de Mayotte vivent dans une accalmie qui est la bienvenue après des semaines de tensions sociales et des mois où les actes de violence n’ont fait qu’augmenter. Doit-on ce moment de paix au Ramadan ? Certainement. Il faut reconnaître que l’islam a toujours su apaiser les esprits à Mayotte, du moins durant un certain temps.

Cependant tout le monde reste vigilant. Chacun est conscient que la situation peut s’envenimer en une fraction de seconde, comme l’affirme le sénateur Thany Mohamed Soilihi. « C’est comme un incendie, on est sûrs que le feu est toujours en train de couver », a-t-il indiqué cette semaine lors d’une table ronde avec une délégation sénatoriale aux Outre-mer. Et il n’a pas tort. Les Forces Vives de Mayotte attendent des actions fermes et concrètes de la part du gouvernement. Dans le cas contraire, les barrages seront de retour.

Bonne lecture à tous,

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tchaks

LE MARCHÉ PAYSAN DE RETOUR À MAMOUDZOU

Durant le mois de ramadan, la ville de Mamoudzou organise à nouveau le marché paysan de la commune. Les agriculteurs peuvent donc vendre leurs produits sur le parvis de la MJC de Mamoudzou, tous les mercredis et samedis de 8h00 à 16h00 jusqu'au 10 avril 2024.

LA COMPAGNIE AÉRIENNE FLY-LI ARRIVE À

MAYOTTE

Fly-li, une des deux filiales ultra-marines de la compagnie aérienne croate ETF Airways, devrait proposer, à partir du mois d’avril, des vols régionaux au départ de Mayotte. C’est la concrétisation d’un an et demi de travail, main dans la main avec le conseil départemental, souligne Ali Omar, troisième vice-président de la collectivité en charge des transports. La filiale réunionnaise de la compagnie aérienne croate promet deux avions pour rejoindre La Réunion et Madagascar plus rapidement depuis Mayotte. Les contours de cette arrivée inattendue dans le ciel mahorais seront dévoilés au cours d’une conférence de presse au conseil départemental.

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RAMADAN : LE PRÉFET APPELLE À MODÉRER LES PRIX

« Il faut endiguer les dérives spéculatives et l’envolée des prix », lit-on dans une publication sur le compte Facebook du préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, ce mardi. En plein début de mois de ramadan, le représentant de l’État appelle l’ensemble des opérateurs économiques à la modération dans la fixation des prix, notamment ceux de première nécessité, fortement consommés pendant ce mois. Il aurait chargé la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités d’y travailler avec les acteurs économiques. L’an dernier, les prix étaient restés stables pendant la période du ramadan. Seuls quelques produits étaient devenus plus rares vers la fin du mois sacré pour les musulmans.

ISMAËL BOURA JOUERA POUR LES COMORES

Le footballeur mahorais Ismaël Boura a choisi de rejoindre l’équipe nationale des Comores pour la trêve internationale. Le natif de Bandrélé fera partie des Coelacanthes pour les deux prochaines rencontres contre l’Ouganda et l’Angola.

L’annonce a été faite par son club ESTAC Troyes.

L’EX-RECTEUR DE MAYOTTE GILLES HALBOUT A TROUVÉ UNE PLACE À MATIGNON

Gilles Halbout (ici avec l’ancien préfet de Mayotte, Thierry Suquet), recteur de l’académie mahoraise de juillet 2019 à décembre 2022, passe au cabinet ministériel du Premier ministre. Sa nomination a été officialisé en conseil des ministres, ce mercredi 13 mars. Le doctorant en mathématiques avait quitté l’île aux parfums pour l’académie Orléans-Tours. Plus proche de Paris, il avait intégré ensuite le comité de pilotage en charge d’une mission sur « l’exigence des savoirs » sur décision du ministre de l’Éducation nationale d’alors, Gabriel Attal. Ce dernier avait qualifié de « référence », dans une interview accordée au Monde, les travaux conduits par Gilles Halbout sur les fondamentaux à Mayotte. Visiblement, la confiance est réciproque puisque l’ex-recteur mahorais suit le chef du gouvernement à Matignon en tant que conseiller et chef du pôle éducation, enseignement supérieur, jeunesse et sports. Un poste qui était laissé vacant depuis un mois et la nomination de Bénédicte Durand à la présidence du Cnous (Centre national des œuvres universitaires et scolaires).

LU DANS LA PRESSE

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JEAN-PIERRE ROBIN: «MAYOTTE, L’UNE DES SIX FRONTIÈRES OÙ L’ÉCART DE NIVEAUX DE VIE EST LE PLUS ÉLEVÉ AU MONDE »

Publié sur le Figaro, par Jean-Pierre Robin, le 11/03/2024

Département le plus pauvre de France, l’île de Mayotte fait pourtant figure d’eldorado comparé à son voisin, l’archipel des Comores

Tout est relatif. Voici le département le plus pauvre de France, métropole et territoires d’outre-mer inclus. La richesse par habitant mesurée par le produit intérieur brut (PIB), n’y est que de 9 711 euros, contre 34.100 pour la moyenne nationale, soit 3,5 fois moins, selon les chiffres les plus récents de l’Insee.

Et pourtant l’île de Mayotte, le 101e département français depuis mars 2011 à l’issue d’un ultime référendum des Mahorais (ses habitants), fait figure d’eldorado comparé à son voisin, l’archipel des Comores et ses trois îles principales, distantes de 70 kilomètres à peine des côtes françaises. L’écart de niveau de vie, entre les deux territoires relevant d’États souverains distincts, est de 13, a calculé le géographe Stéphane Rosière. C’est l’une des six frontières où la discontinuité socio-économique est la plus accusée au monde. Dans son livre Frontières de fer. Le cloisonnement du monde (Éditions Syllepse)le professeur à l’université de Reims établit le classement suivant: «Le différentiel de PIB le plus élevé enregistré sur une barrière est celui qui sépare Israël et la bande de Gaza (1038 dollars/habitant): de 1 à 36 (avant l’attaque du 7 octobre et la guerre avec le Hamas, NDLR)… Il serait aussi de 35 entre l’Iran (PIB estimé à 20.000 dollars/ habitant) et l’Afghanistan. Le différentiel de niveau de vie est supérieur à 20 entre Arabie saoudite et Yémen. Il est de 13 entre l’Iran et le Pakistan, entre l’Afrique du Sud et le Mozambique, comme entre l’île de Mayotte (département français qui attire une forte

immigration clandestine comorienne) et les Comores»

Le rapport de la mission d’information du Sénat (octobre 2021) soulignait «que la moitié environ de la population résidente à Mayotte est étrangère. L’Insee estimait ainsi en 2019 à 48 % la part des résidents mahorais étrangers, dont la moitié en situation administrative irrégulière». L’île compte 310.000 habitants selon l’Insee, et sans doute bien plus, avertit la chambre régionale des comptes. Or 77 % vivent en dessous du seuil de pauvreté, pourtant très bas (160 euros par mois, contre 1 158 euros dans l’Hexagone).

De son côté, la population des Comores s’élèverait à 870 000 - estimation officielle du gouvernement - dont un tiers vivrait en France. Soit à Mayotte considérée comme la «quatrième île» de l’archipel, géographiquement et humainement, soit pour une faible part (1 500) dans l’île de La Réunion voisine, et surtout en France métropolitaine, principalement à Marseille. La Cité phocéenne est surnommée «la cinquième île de l’archipel»! Les niveaux de vie comparés avec le territoire métropolitain opèrent donc une double culbute, de 13 entre les Comores et Mayotte, puis de 3,5 pour les Comoriens s’établissant à Marseille où le PIB par habitant est 45 fois celui de leur terre natale.

Pour réduire l’immigration clandestine, «il faut lutter contre l’attractivité sociale et administrative» avait diagnostiqué, en

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août 2022, Gérald Darmanin lors d’un voyage dans l’océan Indien. Et, s’y étant de nouveau rendu le mois dernier, le ministre de l’Intérieur annonçait «une décision radicale, qui est l’inscription de la fin du droit du sol à Mayotte dans une révision constitutionnelle, que choisira le président de la République»

Cela suffira-t-il à endiguer les flux migratoires à Mayotte des Comoriens, dont le chef de l’État, Azali Assoumani, dénonce rituellement, lors de l’Assemblée annuelle de l’ONU, «qu’elle a été soustraite à la souveraineté des Comores»? Rien n’est moins sûr.

Migrations économiques

«C’est oublier que l’attractivité de Mayotte est d’abord géographique et économique», réplique François Héran, professeur au Collège de France (chaire «Migrations et sociétés»), dans un entretien à France Culture du 25 février. Géographique: la circulation à bord des barques traditionnelles, les célèbres «kwassa-kwassa», a toujours été intense dans l’archipel qui constitue une communauté de langue. Et l’attractivité est plus encore économique du fait de la disparité de développement, les Comores restant l’un des vingt pays les plus pauvres de la planète selon le FMI. Alors que les géographes s’accordent à identifier dans le monde 60 «barrières frontalières», érigées pour cause d’insécurité (trafics, immigration clandestine, terrorisme), la construction de tels murs obéit de plus en plus à des raisons économiques. Les premières barrières, dressées après la fin de la guerre froide, quand les échanges de toute nature ont bondi,

l’ont été en Californie, à la frontière mexicaine, et en Espagne face au Maroc. Le niveau de vie est en moyenne sept fois plus élevé aux États-Unis qu’au Mexique et de douze fois plus en Espagne qu’au Maroc, selon les chiffres du professeur Rosière. Que les disparités de développement encouragent le déplacement des personnes, les Français eux-mêmes le vivent quotidiennement dans l’Hexagone, et de deux façons. Tout d’abord il se trouve que Paris, le plus riche de tous les départements avec un revenu médian de 29.739 euros par an (Insee), est limitrophe de la Seine-Saint-Denis, dont le revenu est le plus bas de tous (19.020 euros). Or près d’un tiers des résidents du «93» ayant une activité professionnelle viennent chaque jour travailler à Paris, où, plus généralement, 59 % des emplois sont occupés par des non-parisiens. Second exemple de mobilité, les habitants de la région du Grand Est, dont le PIB par tête est près de quatre fois inférieur à celui du Luxembourg limitrophe, et deux fois et demie moindre qu’en Suisse, deux terres d’accueil particulièrement attractives pour les transfrontaliers. Ainsi l’agglomération de Longwy, victime emblématique de la désindustrialisation française et à la frontière du Luxembourg, a 60 % de sa population active qui fait la navette quotidienne pour travailler dans le Grand-Duché (enquête de la Caisse des dépôts). Au total 430.000 Français, soit 1,4 % de toute la population active nationale, franchissent chaque jour les frontières du pays (3 000 kilomètres, dont plus de 750 pour le Grand Est). Tout est relatif.

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Quelle place l’islam à Mayotte

À MAYOTTE, L'ISLAM OCCUPE UNE PLACE PRÉPONDÉRANTE LES COUTUMES, LES TRADITIONS ET LES VALEURS LIEUX DE RASSEMBLEMENT IMPORTANTS, OÙ LA COMMUNAUTÉ DES ÉVÉNEMENTS RELIGIEUX ET RENFORCER LES LIENS CORANIQUES SONT DES LIEUX D’ENSEIGNEMENT RELIGIEUX L’ISLAM À MAYOTTE JOUE ÉGALEMENT UN RÔLE CENTRAL TERRITOIRE, CONTRIBUANT À FAÇONNER

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place pour Mayotte ?

PRÉPONDÉRANTE DANS LA VIE QUOTIDIENNE, FAÇONNANT VALEURS DE LA POPULATION. LES MOSQUÉES SONT DES COMMUNAUTÉ SE RÉUNIT POUR PRIER, CÉLÉBRER LIENS SOCIAUX. LES MADRASSAS ET LES ÉCOLES RELIGIEUX ET DE SAVOIR-VIVRE POUR LES ENFANTS. CENTRAL DANS LA STRUCTURATION SOCIALE DU FAÇONNER SON IDENTITÉ UNIQUE.

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Interview

« Les cadis apportent les valeurs éthiques et morales »

LES CADIS SONT LES RÉFÉRENTS RELIGIEUX À MAYOTTE. LES MUSULMANS DE L’ÎLE SUIVENT LEURS RECOMMANDATIONS, LEUR DEMANDENT DES CONSEILS, ET SE RÉFÉRENT À EUX EN CAS DE CONFLITS. CEPENDANT, DEPUIS LA DÉPARTEMENTALISATION DU TERRITOIRE, LES FONCTIONS DES CADIS ONT ÉTÉ AFFAIBLIES. LA JUSTICE MUSULMANE N’A PLUS DE VALEUR JURIDIQUE. LE GRAND CADI DE MAYOTTE, MAHAMOUDOU HAMADA SAANDA, ET SON ÉQUIPE TRAVAILLENT POUR REPLACER LES CADIS AU COEUR DE LA SOCIÉTÉ MAHORAISE.

« LA LAÏCITÉ NE S’APPLIQUE PAS À MAYOTTE »

Mayotte Hebdo : On a l’impression que l’islam est de moins en moins pratiqué par les jeunes à Mayotte. Comment expliquez-vous cela ?

Mahamoudou Hamada Saanda : Aujourd’hui si à Mayotte les jeunes ont de moins en moins envie de pratiquer l’islam c’est à cause de l’éducation qu’ils ont reçu. De plus, de nos jours on ne vit plus de la même façon qu’avant. Il y a plus de libertés et chacun fait ce qu’il veut. Les adultes n’ont plus d’autorité sur les plus jeunes. Avant, la société éduquait les enfants. Si un adulte voyait un jeune trainer, il lui disait d’aller à la mosquée ou à l’école coranique. Maintenant, plus personne ne

se mêle de l’éducation des enfants d’autrui. Le choni (école coranique) était une école de vie, on apprenait l’islam, à lire le coran, mais on apprenait aussi à vivre ensemble, à respecter les autres.

Mais on constate aussi qu’il y a des jeunes qui s’intéressent à la religion musulmane. Ils vont aux madrassas (école musulmane), ils sont beaucoup plus avisés. Il ne faut pas les oublier. Le problème c’est que la population a explosé et le nombre de structures est insuffisant. Il y a beaucoup de jeunes sans encadrement et ce sont eux qui sont dans les rues, ce sont eux qui sont médiatisés et donc forcément on ne voit qu’eux.

M.H. : Comment le conseil cadial travaille pour donner envie aux jeunes de pratiquer leur religion ?

M.H.S. : Cela commence par les parents, c’est leur responsabilité. Ils doivent

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Propos recueillis par Raïnat Aliloiffa
DOSSIER

inciter leurs enfants à pratiquer et ils doivent donner l’exemple.

Pour notre part, nous travaillons beaucoup avec les madrassas. On donne des cours de parentalité car on met l’accès sur l’éducation. Il est important de travailler avec les parents.

Les cadis apportent les valeurs éthiques et morales à destination des parents et des enfants. Si tous les établissements scolaires et les communes ouvraient leurs portes aux cadis on pourrait mener des ateliers de sensibilisation et de parentalité pour améliorer les choses. Les cadis ne peuvent pas tout faire seuls, mais avec les partenariats nécessaires on peut avancer.

M.H. : Comment collaborer avec les écoles si la République est laïque ?

M.H.S. : La laïcité ne s’applique pas à Mayotte parce que la loi de 1905 n’a pas été rendue applicable sur notre territoire. Ce qui s’applique ici c’est le décret Mandel de 1939. Le premier article indique que dans les territoires où la loi de 1905 ne s’applique pas, c’est une autre loi qui entre en vigueur. De plus, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel a deux décisions de 2013 et 2017 qui rappellent que la loi de 1905 ne s’applique pas dans l’ensemble de la République.

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Mahamoudou Hamada Saanda, le grand cadi de Mayotte, affirme que l’islam peut être la solution aux problèmes de Mayotte.

Il y a beaucoup de confusion sur la question de la laïcité à Mayotte. On veut nous imposer la vision métropolitaine de la laïcité. Beaucoup ne savent même pas ce qu’est que la laïcité. La conception qu’on a de ce principe aujourd’hui est contraire à la République car il ne s’agit pas de nier les religions mais de respecter toutes les religions. Par exemple, en Alsace, tous les établissements scolaires ont l’obligation de mettre une heure de cours d’enseignement de faits religieux. Ensuite les parents sont libres d’inscrire leurs enfants. Et cela est possible car là-bas s’applique le droit local et c’est aussi le cas à Mayotte. On peut très bien mettre en place un dispositif

« SUPPRIMER LES CADIS C’EST RENIER L’HISTOIRE DE MAYOTTE »

d’enseignement moral dans les écoles. Il n’y a aucun problème juridique mais c’est une question de bon vouloir de nos décideurs. On en a déjà parlé aux maires mais ça n’avance pas.

M.H. : Quelles sont vos fonctions en tant que grand cadi de Mayotte ?

M.H.S. : Je n’ai pas de limites. Je ne dors quasiment pas. Je rencontre des gens au quotidien. En tant qu’autorité religieuse musulmane, toute question qui concerne l’islam relève de ma compétence. Et dans l’islam, il n’y a aucun sujet pour lequel il n’y a pas de réponse.

M.H. : Autrefois, les musulmans de Mayotte consultaient les cadis en cas de conflits de voisinage ou familiaux. Est-ce encore le cas aujourd’hui ?

M.H.S. : Oui. Et certains passent devant le juge et viennent tout de même me voir après. Il faut comprendre que depuis des années 2010, les cadis n’ont plus la fonction juridictionnelle, c’est-à-dire que la justice musulmane a été démantelée. Les cadis ont perdu la compétence de dire le droit, et pourtant le droit local n’a pas disparu. Ce dernier est même garanti par

la Constitution, c’est pour cela qu’on n’a pas pu le faire disparaître. En France, on est tous nés soit sous le régime du droit commun, soit sous le régime du droit local. Il est écrit sur l’extrait de naissance. En fonction de cela, quand on a affaire avec la justice, on peut demander au juge d’appliquer le droit commun ou le droit local. Mais peu de personnes le savent. Et ici le droit local correspond à l’application des principes musulmans. Avant la réforme de 2010 on pouvait choisir de passer devant le tribunal judiciaire ou devant le cadi. Mais aujourd’hui tout a été fait de telle sorte que le justiciable du droit local aille vers le droit commun. Normalement quand le juge fait face à quelqu’un qui relève du droit local, il doit automatiquement lui demander sous lequel il souhaite être jugé, sous peine d’irrégularité de la procédure s’il ne le fait pas. Le législateur a reconnu à moitié l’incompétence du juge à se prononcer sur le droit local. L'article L 522-3-1 du code de l'organisation judiciaire indique que le magistrat peut consulter qui il veut sur les questions de droit local.

Au sortir de cette réforme, les cadis ont gardé un rôle de médiateur social. Sauf que le législateur n’a pas précisé de quelle type de médiation sociale il s’agit. Il a donné la compétence au conseil départemental d’organiser cette mission, donc aujourd’hui on est dans un flou total. On ne sait pas ce qui se cache derrière ce terme de médiation sociale.

M.H. : Combien de personnes viennent vous voir tous les ans ?

M.H.S : Pour l’année 2023 on n’a pas encore les chiffres, mais en 2022 plus de 8000 personnes ont consulté les cadis. C’est un chiffre en hausse depuis 2018.

M.H. : Certains pensent qu’il faudrait dissoudre le conseil cadial. Qu’avez-vous à leur répondre ?

M.H.S. : Supprimer les cadis c’est renier l’histoire de Mayotte, c’est abolir l’esprit du traité de cession de Mayotte à la France. Le traité de cession de Mayotte à la France n’est-il pas rédigé au nom du très clément ? Or la seule divinité connue sous cette appellation c’est Allah. L’acceptation de la formule religieuse en préambule du traité témoigne non seulement de la

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DOSSIER

reconnaissance mais aussi du respect de l’identité religieuse des Mahorais.

Certes, toute organisation systémique peut dysfonctionner, surtout si on n’en veut plus, mais les hommes sont aussi doués pour évoluer lorsque les conditions sont discutées et co-construites sans intention de l’une des parties de dominer l’autre. Le contexte social actuel est une des conséquences du démantèlement de la justice musulmane, couplée bien sûr avec une immigration clandestine non contrôlée. Supprimer les cadis c’est renier l’identité mahoraise. Et renier son identité c’est disparaître, alors vouloir abattre le conseil cadial est irresponsable.

« ON PEUT ÊTRE FRANÇAIS ET PRATIQUER SA RELIGION. CE N’EST PAS INCOMPATIBLE »

M.H. : Quel rôle jouent les cadis dans la lutte contre l’insécurité ?

M.H.S : Nous nous inscrivons dans une démarche partenariale pour pouvoir mutualiser les compétences. Il faut reconnaître les compétences des uns et des autres. Pour notre part, nous sommes garants des valeurs morales, de la religion, de la tradition. Nous connaissons le code culturel, car beaucoup l’ignorent.

On est là pour donner des outils aux partenaires afin de lutter contre ce phénomène. L’islam est la solution. Il y a un chercheur du centre nationale de la recherche scientifique (CNRS), qui s’appelle Mohammed Marwan et il a écrit un livre qui s’intitule « les sorties de délinquance » , et la religion fait partie de l’un des moyens qui permettent de sortir de la délinquance car elle permet d’instaurer un cadre. Les jeunes apprennent à respecter les autres, à se sociabiliser. La religion ce n’est pas que les prières mais c’est aussi l’art de bien vivre. On peut être français et pratiquer sa religion. Ce n’est pas incompatible.

M.H. : Quel avenir envisagez-vous pour les cadis dans la République ?

M.H.S. : Il faut redonner une place au cadi au sein du tribunal de grande instance de Mayotte. Aujourd’hui les décisions des cadis n’ont pas de valeur juridique mais on peut très bien émettre des procès verbaux de médiation pour un meilleur accès au droit local devant le tribunal de grande instance concernant les relations conjugales, parentales, la filiation, le patrimoine, le foncier, la médiation des les conflits sociaux, les mouvements sociaux.

Nous envisageons aussi des missions de médiations préventives contre la radicalisation et la délinquance juvénile auprès des familles, des établissements scolaires, de la protection judiciaire de la jeunesse. On peut aussi jouer un rôle dans la politique publique de santé, comme on l’a fait durant le Covid. On peut mettre en place des actions concrètes pour la population. On fait déjà tout cela mais il faut le formaliser pour avoir les financements nécessaires pour mieux accompagner la population. L’apport des cadis dans la société mahoraise est incontestable.

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Le conseil cadial travaille sur un projet pour permettre aux cadis de travailler avec les instances judiciaires et les établissements scolaires.

DOSSIER

Mayotte : un islam hybride

L’ÎLE

AUX PARFUMS

PRÉSENTE

DES

SPÉCIFICITÉS

EN

MATIÈRE DE RELIGION QUI SE CONCILIENT AUX PRINCIPES DE LA RÉPUBLIQUE. ELLE ADAPTE SON PASSÉ AU MONDE D’AUJOURD’HUI ET SES INSTITUTIONS. MAIS CETTE ADAPTATION EST TOUJOURS EN RÉFLEXION, NOTAMMENT SUR LA PLACE DES CADIS DANS LA SOCIÉTÉ QUI POURRAIT ÊTRE « DÉPOUSSIÉRÉE ».

« Plus de 8.000 personnes ont consulté les cadis. C’est un chiffre en hausse depuis 2018 » , détaille le Grand cadi, Mahamoudou Hamada Saanda. Autrefois juge, médiateur et régulateur de la vie sociale et familiale, le cadi continue certes d’occuper une place importante pour une population à majorité musulmane à Mayotte mais ne remplit désormais plus que son rôle de médiateur. La justice cadiale, basée sur le droit coutumier musulman et malgache, mise en place entre le XIVème et le XVIème siècle, a progressivement disparu jusqu’à être supprimée en 2010 (ordonnance du 3 juin). Le statut de département acquis en 2011 « impose la transformation de l’organisation administrative et judiciaire de l’île, afin de l’aligner sur le régime de droit commun », lit-on dans un rapport d’information déposé au Sénat en 2012. Mais les lois et règlements peuvent être adaptés, selon l’article 73 de la Constitution, « aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». Excepté sur tout ce qui concerne : la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral, liste le texte.

À Mayotte, finis les tribunaux des cadis, place au droit commun. Terminées les compétences judiciaires et notariales dont ils disposaient : les cadis conseillent. Et le conseil cadial, officiellement créé par délibération du 13

avril 2018, passe aux mains du Département, sous l’égide du directeur général adjoint des affaires sociales. Mais des réflexions sur le devenir de ce conseil se profilent toujours.

UN RÔLE FORT QUI LAISSE PLACE À L’AMBIGÜITÉ

« Je pense que si on dit que les cadis c’est ringard c’est que toute la société est ringarde », défend Soula Saïd-Souffou, conseiller départemental du canton de Sada et Chirongui. « L’essentiel des Mahorais n’a pas renoncé à son droit personnel » [statut personnel de droit local] », avance-t-il. Ce droit c’est ce qui permet, sur la base de l’ordonnance de 2010, d’être jugé différemment, uniquement, sur l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et les libéralités. L’article 75 de la Constitution pose même comme principes : « Les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé […] Ce statut ne peut en aucun cas constituer un motif pour refuser ou limiter les droits et libertés attachés à la qualité de citoyen français. » Il se perd en revanche, par exemple, pour un enfant dont les deux parents n’auraient pas ce statut. Et la renonciation est irréversible. Sauf que pour traiter le droit local, « les juges ne sont pas compétents et appellent les cadis. C’est ridicule », réagit le conseiller qui ne comprend pas cet « entêtement » à « laisser de côté » les cadis. « Ils pourraient intervenir sur les questions d’héritage, successions, mariages… Ce qui relève de la vie intime. Et ça pourrait désengorger les

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reportage
Audrey Margerie

tribunaux. On pourrait aussi leur donner des compétences pour organiser les pèlerinages », déclare celui qui avait déposé en mars 2023, une motion relative à la « Redéfinition et l’adaptation des missions du conseil cadial aux nouveaux défis de la société mahoraise » Une délégation partie en janvier en Alsace et Moselle « Il faut dépoussiérer », énonce le septième vice-président, Madi Moussa Velou, du canton de Dembéni qui le répète depuis son installation à son poste. « On ne peut pas laisser le Département seul financer le conseil cadial. Le tribunal, la préfecture, l’Agence régionale de santé (ARS), le rectorat en sont les précieux utilisateurs. L’ARS pendant les crises sanitaires va voir les cadis, la justice pour juger le droit local va voir

les cadis, le conseil départemental, la préfecture font appel à lui… », liste-t-il. Depuis 2021, les partenaires, dont le tribunal, mais aussi le centre hospitalier de Mayotte, l’ARS, la préfecture, le Rectorat, seraient inclus dans ces réflexions. « On a posé les bases mais rien n’est fait. Honnêtement je ne sais pas sous quel format le conseil peut évoluer, ni sous quel statut. Ça va bouger mais on ne peut dire non plus que ça va changer », reste-t-il flou, tout en ajoutant que « dès que ce sera plus clair, on passera sûrement en séance le projet de réflexion pour un travail de transparence et de partage »

Un rapport d’information est en train d’être étudié par le conseil départemental, lequel ne souhaite pas encore

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communiquer dessus. Une délégation, constituée du conseil cadial et d’un chargé de mission nommé par le président, s’est rendue du 14 au 21 janvier de cette année en Alsace et en Moselle, en métropole, qui répondent, comme Mayotte, à autre régime spécifique, en-dehors de ce dont dispose la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905. À Mayotte, c’est la loi de 1901, relative au contrat d’association, ainsi que les décrets « Mandel » de 1939, qui prévalent.

« L’équipe est revenue rassurée », rapporte Soula Saïd-Souffou qui craint la disparition du conseil cadial si la voie choisie est de faire sortir le conseil de la tutelle du département. « Ce serait l’acte 1, puis son autonomie, puis le fait de le laisser être en difficulté financière jusqu’à sa propre dissolution. Je connais la musique », argumente-t-il. Il milite pour qu’il soit directement placé sous la tutelle du

président du conseil départemental plutôt que du directeur général adjoint des affaires familiales comme actuellement.

CONFUSION DANS L’EDUCATION

Là où il n’y a pas débat, c’est à l’école. « On fait souvent une confusion à Mayotte. Il y a des spécificités mais qui ne touchent pas l’école. La laïcité scolarité n’a pas d’aménagement particulier » , rend compte Anli Boura, coordinateur de l’équipe académique valeurs de la République (EAVR). « On est en train d’œuvrer pour l’appliquer totalement », dit-il. Car si « l’institution est assez intelligente » pour laisser porter le salouva et le kishali, habits traditionnels de Mayotte, « ça ne concerne pas tous les tissus sur la tête » « Or ces dernières années, on voit l’introduction d’autres tissus qui portent une autre conception de l’Islam, à

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coloration fondamentaliste », détaille-t-il en évoquant le voile : le hijab voire le niqab. Des tissus à ôter dans l’enceinte de l’établissement scolaire. « Il faut absolument faire la distinction avec nos tissus traditionnels pour ne pas faire le jeu des extrêmes. Non, à Mayotte, on n’a pas porté le voile pendant longtemps », martèle-t-il. Sur ce point, le vice-président, Madi Moussa Velou, est convaincu que les cadis ont un rôle à jouer afin de contrecarrer « la montée en puissance de l’islamisme »

« Pour le moment c’est un effet de mode, ce n’est que purement vestimentaire », reprend le réfèrent des valeurs de la République. « Mais on ne peut pas oublier que c’est porteur d’une idéologie que les adultes connaissent et dont ils connaissent les dangers », nuance celui qui relie cette mode à ce qui est véhiculé par les réseaux sociaux. « Beaucoup de jeunes filles portent le hijab mais ne font pas la prière le midi », illustre-t-il, vigilant mais pas alarmiste pour autant. « Dans l’Hexagone, il y a des enfants porteurs d’une défiance de la République. Ici, il n’y en a pas, on l’a choisie et on l’aime. On est dans une académie pacifiée où il

n’y a pas de de confrontation avec des projets de vie, de société », appuie-t-il, tout en précisant que les discussions avec la famille amènent souvent à « une voie de sortie » Vestige de l’école coranique (plusieurs années de cours théoriques sur l’Islam), le madrassa, permet une éducation de l’Islam aux enfants, en-dehors de l’école, souvent plus tôt le matin. « Les parents sont libres de donner une éducation religieuse, des valeurs autres, mais les règles de la République doivent être respectées », pose-t-il comme cadre. Même s’il craint une « simplification » de l’éducation au Coran, là où l’école Coranique initiait ses élèves pendant plusieurs années.

Hormis dans l’enceinte d’un établissement scolaire, la religion a donc encore toute sa place à Mayotte. Comme dans la fonction hospitalière, où officie encore un représentant du culte musulman. Ou dans d’autres domaines de la société avec lesquels le conseil cadial reste en lien. Un rôle indirect et officieux qui pourrait encore évoluer.

L’INCIDENCE DE LA RELIGION DANS LA JUSTICE

« Un certain nombre d’autopsies ne sont pas réalisées car il y a une telle pression de famille à enterrer les corps le plus rapidement possible que le parquet décide de surseoir », indique Thierry Lahalle, médecin légiste et directeur de l’unité médico-légale de Mayotte, basée à Mamoudzou, au centre hospitalier de Mayotte. Une information que nous avait confirmé le procureur de la république. Car si c’est au médecin qui constate le décès d’émettre ou non un obstacle médical (si incohérence), la décision de réaliser une autopsie revient ensuite au parquet. « Les réseaux sociaux sont très rapides. Quand j’entend parler d’un mort, je me dis « tiens, on va faire une autopsie ». Et on se rend compte qu’aucun corps ne vient. Je ne saurais pas le quantifier mais ce n’est pas exceptionnel », renseigne le directeur. Le Grand cadi, Mahamoudou Hamada Saanda, questionné sur la question, nous a répondu : « L’autopsie est autorisée dans l’Islam. Il n’interdit aucunement d’appliquer les méthodes qui permettent de faire justice. Même si la personne est enterrée, on peut déterrer le corps pour mener une enquête. Ce qui pose un problème c’est de laisser le corps à la morgue. Si le médecin peut faire l’autopsie le jour-même, il n’y a pas de souci. Car on a besoin de laver rapidement le corps et de l’enterrer. »

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Reportage

L’évolution de l’islam à Mayotte

L’ISLAM A TOUJOURS EU UNE PLACE CENTRALE À MAYOTTE. ELLE RÉGIT LE QUOTIDIEN DES MUSULMANS DE L’ÎLE QUI PRATIQUENT UN ISLAM MODÉRÉ. MAIS FORCE EST DE CONSTATER QU’AU FIL DES ANNÉES, LA RELIGION EST DE MOINS EN MOINS PRATIQUÉE. ON NOTE UN DÉCLIN DE L’ISLAM AU PROFIT D’UN MODE DE VIE PLUS MODERNE.

Mahatsara Saïd (dit Zico) est responsable de la plus grande mosquée de Labattoir, reconstruite et agrandie il y a moins de 10 ans. Elle est située en plein centreville, à deux pas de l'hôtel de ville de Dzaoudzi-Labattoir. Elle fut auparavant, un centre d'études coranique réputé à travers tout Mayotte, dirigé par feu cheikh Ibrahim Subra. Plusieurs générations se sont succédé ici pour apprendre le dahira, mais aussi différents ouvrages qui forgent l'identité musulmane. La tolérance et le

« LES GÉNÉRATIONS ACTUELLES NE SONT PLUS DANS LA RELIGION »

respect ont été la marque de fabrique de cette école coranique. Une vraie ruche où la vie des plus jeunes et des adolescents rimait avec bien-être, épanouissement et encadrement. Une fois de retour de l'école publique et laïque, une prise en charge était assurée avec la bénédiction des familles. Les aînés s'occupaient des plus jeunes et l'ensemble était placé sous la surveillance d'adultes encadrants sous l'œil vigilant et attentionné du grand maître Ibrahim Subra. Cette ambiance bon enfant apportait une cohésion d'ensemble que le public pouvait constater à l'occasion de diverses manifestations de portée locale

ou territoriale porte drapeau de cette école de la vie. Mahatsara Saïd, est nostalgique de ce passé, pas si lointain que cela, et ambitionne de relancer une dynamique similaire pour dynamiser la vie de la cité autour des valeurs jadis enseignées par le cheikh Ibrahim Subra avec le concours de quelques-uns de ses disciples. Un travail de longue haleine nécessitant un très grand investissement physique et moral de chaque instant. « Les générations actuelles ne sont plus dans la religion » , confie-t-il. « Je ne saurai vous dire par qui ni comment, mais elle a été bradée à la modernité et avec elle tout ce qui constituait le socle de notre identité et de nos traditions ancestrales. En lieu et place, des choses nous sont imposées tous les jours, et on nous écrase avec des valeurs nouvelles qui ne sont pas et n'ont jamais été les nôtres »

DES ÉCOLES CORANIQUES PRIVATISÉES EN DEHORS DE TOUTES RÈGLES

Outre la disparition des dahiras, moulidis et autres cérémonies religieuses, Mahatsara Saïd dénonce ce qu'il appelle la privatisation du Coran. Il fustige l'implication profonde de personnalités issues de l'immigration comorienne. Il détaille son argumentaire, « depuis la disparition de nos anciens, plus personne n'a à cœur d'organiser ces moments de communion et de partage de nos us et coutumes religieuses. Même pour célébrer les mariages, les gens ont maintenant recours à du folklore étranger introduit depuis les Comores » . Et à Mahatsara Saïd de poursuivre son

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SIAK
DOSSIER
« ON NOUS ÉCRASE AVEC DES VALEURS NOUVELLES QUI NE SONT PAS ET N'ONT JAMAIS ÉTÉ LES NÔTRES »

réquisitoire, par une série de questions. Comment a-ton pu laisser privatiser les écoles coraniques en dehors de toutes règles ? Comment les familles peuvent-elles continuer à confier l'éducation spirituelle de leurs enfants à des individus qui n'ont jamais enseigné auparavant et qui s'autoproclament maître coranique du jour au lendemain ? « C'est de cette manière que l'école coranique a perdu son rôle central dans la société et que les

valeurs qu'elle porte tendent à disparaître complètement. À croire que cela soit fait volontairement pour faire table rase de l'identité mahoraise » .Dans cette direction, il incrimine en premier lieu les quelques Mahorais qui ont poursuivi un parcours d'enseignement dans les universités arabes. Selon lui, ils refusent de faire profiter leurs connaissances acquises à leurs communautés respectives, par manque d'ambition à l'égard de Mayotte. Cette privatisation de l'enseignement coranique toucherait même des évènements importants tels que les tahaliles, des cérémonies religieuses hautement importantes (entrant dans le cadre des funérailles d'un musulman) ne devant faire l'objet d'aucun marchandage.

LA RELIGION A-T-ELLE ENCORE UNE PLACE DANS LA VIE DES MAHORAIS

Balancée entre son désir d'intégration et d'assimilation à la nation française, Mayotte serait-elle en passe

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Mahatsara Saïd (dit Zico) est responsable de la plus grande mosquée de Labattoir.

DOSSIER

À Mayotte, les écoles coraniques avaient un rôle central dans l’éducation des enfants.

de perdre sa culture musulmane ? Quelle place occupe la religion dans la vie des Mahorais à l'heure actuelle ? Une question ô combien importante tant le nombre de changements importants ont façonné la société locale au cours des cinq dernières décennies. Des changements qui se poursuivent et bouleversent les équilibres traditionnels et les fondements de la société. Le prix à payer pour avancer dans la modernité pour les uns, le revers de la médaille pour d'autres, quoi qu'il en soit. Le sujet n'échappe pas aux commentaires des acteurs de la société mahoraise bien qu'il soit habituellement abordé loin des passions.Une des conséquences irrémédiables est une perte importante de la place de la tradition (us et coutumes

africains et malgaches) et une régression considérable de la pratique de la religion, chez les plus jeunes en particulier.

SAUVER LA PLACE DE LA RELIGION DANS LA SOCIÉTÉ MAHORAISE

La religion a-t-elle une place aujourd'hui dans la société mahoraise sans de telles circonstances ? La réponse variera incontestablement selon l'angle par lequel la question se pose, la clé se trouvant d'abord au sein du cocon familial, selon le niveau de vie des uns et des autres, mais également du degré d'instruction et la prise de conscience des parents. Entre ceux qui préfèrent privilégier les clés d'une réussite sociale et professionnelle - quitte

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« L’ÉCOLE CORANIQUE A PERDU SON RÔLE CENTRAL DANS LA SOCIÉTÉ »

à brader les fondamentaux religieux -via une école de la République qui préconise des valeurs et des idéaux propices à une certaine vie matérielle et matérialiste ; et ceux qui estiment qu'elle doit être reliée, dès le plus jeune âge, à un complément spirituel qui ne peut être qu'un apport positif non négligeable. Cela, au regard des insuffisances et des incohérences de la vie laïque et moderne. Quoi qu'il en soit, pour l'heure, la religion musulmane demeure l'un des socles

de la société mahoraise quelque soit les coups de boutoir dont elle est la cible. La réalité quotidienne nous démontre sans cesse les failles que l'absence de religion creusent dans l'évolution sociétale à Mayotte. Considérés (par les tenants du progressisme) il n'y a pas encore si longtemps comme vecteurs d'archaïsme, les enseignements appliqués de l'islam sur le territoire, s'avèrent pourtant indispensables en ces périodes troublées d'insécurité profonde et d'incivilités sans précédant. Au point que personne n’arrive à s'interroger sur l'utilité d'un concordat à négocier avec la République pour un rééquilibrage nécessaire et profitable à l'avenir et l'identité du 101ème département français. Une idée qui émerge lentement du fait que les raisons avancées pour sa justification sont multiples et variées, avec parfois, des connotations politiques, anti-assilassionnistes et anti-immigration.

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DOSSIER

Témoignage

Des jeunes en quête de leur foi

ON DIT SOUVENT QUE LES JEUNES MAHORAIS SONT EN PERDITION, QU’ILS NE RESPECTENT PAS LA RELIGION DANS LAQUELLE ILS SONT NÉS. POURTANT, CERTAINS PRATIQUENT L’ISLAM ET CHERCHENT PAR TOUS LES MOYENS À RENFORCER LEUR FOI. NOUS AVONS RENCONTRÉ QUELQUES-UNS D’ENTRE EUX.

Ben* âgé de 22 ans et Soumaya Hadjy Mamode, 24 ans, ont grandi dans des familles musulmanes croyantes et pratiquantes. Ils ont appris à faire la prière dès leur plus jeune âge. Ils sont allés à la madrassa (école musulmane). L’islam a une place prépondérante dans leurs vies respectives. « La religion guide mes actions. Faire la prière, lire le Coran, font partie de ma vie quotidienne », affirme Ben. Aujourd’hui, ce dernier est très impliqué dans la pratique de sa religion, mais il reconnaît que cela n’a pas toujours été le cas. « Lorsque j’étais plus jeune, j’accomplissais ces actes car mes parents m’obligeaient à le faire », ajoute-t-il en admettant que désormais il est pratiquant par choix et non plus par obligation. Quant à Soumaya, elle se décrit comme croyante et non pratiquante. « J’aimerais l’être un peu plus mais mon rythme de vie prend le dessus et je ne me

« LA RELIGION GUIDE MES ACTIONS »

donne pas le temps de faire la prière par exemple. » Elle fait tout de même le ramadan, et ce mois sacré est pour elle l’occasion de renforcer sa foi. « L’islam a une place importante dans ma vie et je fais de mon mieux pour être une bonne musulmane, mais c’est vrai que je pourrais en faire plus », continue Soumaya. Si cette dernière vient d’une famille pratiquante, ce n’est pas le cas d’Erika Soulaimana. La sienne est musulmane mais ne pratique pas la religion. « Je n’avais pas de

modèle dans mon entourage. On croyait en dieu mais sans plus », raconte la jeune femme de 24 ans. C’est grâce à une révélation qu’elle a eue il y’a trois ans, qu’elle entame un processus de quête personnelle et se renseigne sur sa religion. « Au mois de février 2021 j’ai eu le déclic et j’ai voulu me consacrer à ma relation avec Allah », ajoute-t-elle. Aujourd’hui, Erika est non seulement croyante mais également pratiquante.

« CELA M’ARRIVE D’AVOIR UNE BAISSE DE FOI »

Malgré son train de vie qui ne lui permet pas de vivre sa religion comme elle le souhaite, Soumaya Hadjy Mamode affirme qu’elle n’a « jamais eu de doute » sur celle-ci. Et elle souhaite inculquer les valeurs de l’islam à ses futurs enfants. « Une chose est sûre, ils seront musulmans. Ils grandiront dans la religion et je ferai en sorte pour qu’ils la pratiquent », soutient la jeune femme. Même son de cloche pour Erika qui met un point d’honneur à ce que sa progéniture soit pieuse. Ben, est un peu plus mitigé. « Cela m’arrive d’avoir une baisse de foi. J’ai la flemme de faire la prière, mais je me ressaisis en écoutant des rappels sur la mort », admet-il. Et s’il a des enfants, il souhaite les élever dans le respect de l’islam, mais il adaptera cette éducation avec la société moderne. Pour l’heure, aucun des trois n’a pu faire le pèlerinage à la Mecque pour des raisons financières, mais ils espèrent tout pouvoir accomplir ce pilier de l’islam, pour renforcer leur foi.

*souhaite garder son anonymat

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Raïnat Aliloiffa et Karima Attoumane
« « JE N’AVAIS PAS DE MODÈLE DANS MON ENTOURAGE »
« L’ISLAM A UNE PLACE IMPORTANTE DANS MA VIE ET JE FAIS DE MON MIEUX POUR ÊTRE UNE BONNE MUSULMANE »
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LE TRAITEMENT DES CARCASSES PASSE À LA VITESSE SUPÉRIEURE

Les véhicules laissés à l’abandon sur le bord des routes mahoraises sont une réelle source de pollution. Mais se débarrasser de ces déchets particulièrement dangereux est loin d’être facile. Grâce à une nouvelle machine, Caza Pièces Auto accélère le rythme de traitement depuis novembre.

Capots rouillés, pneus crevés, pare brises brisés, pare-chocs décrochés : c’est le spectacle qu’offrent les carcasses de voitures abandonnées sur le bord des routes de Mayotte. « Sur l’ensemble de l’île, on estime qu’il y a à peu près 3.000 véhicules hors d’usage (VHU) actuellement, sachant que chaque année, entre 1.500 et 2.000 s’ajoutent », estime Moos Boina, dirigeant de Caza Pièces Auto. Ces véhicules hors d’usage (VHU), sont des déchets particulièrement dangereux et compliqués à traiter. « Les différents fluides (huiles, essence, N.D.L.R.) se déversent dans le sol et peuvent aller jusqu’à la nappe phréatique contaminer l’eau », explique-t-il, depuis le cimetière de carcasses caché à proximité du rond-point de Dzoumogné, dans la commune de Bandraboua.

Mais il n’est pas possible d’enlever ces véhicules de la voie publique sans autorisation. Les VHU font partie des seuls déchets qui sont la propriété de quelqu’un.

Si la plaque d’immatriculation est toujours sur le véhicule, la police municipale doit d’abord identifier le propriétaire. « On fait d’abord une verbalisation si le véhicule est abandonné quelque part, puis on va envoyer un courrier au propriétaire en lui donnant un délai pour enlever ce véhicule. Si ce n’est toujours pas enlevé, on envoie une mise en demeure, et au bout de la troisième fois, on enlève le VHU », liste Minihadji Mourtadhoi, directeur général

adjoint à la mairie de Bandraboua et chargé de coordination de la police municipale. Vingt voitures compactées en une heure Caza Pièces Auto est le seul centre VHU agréé de l’île. L’entreprise se charge d’aller récupérer les véhicules à bord de camions dédiés, puis les emmène dans son centre, situé à Longoni. C’est là que les voitures abandonnées sont dépolluées, à coup d'extractions de moteur, de batterie et de siphonnages d’essence, de gasoil, d’huile, de liquide de refroidissement. « On passe en moyenne trente minutes à dépolluer une voiture », précise Moos Boina. Sans ça, les carcasses ne pourraient pas être exportées. En effet, ces matières étant inflammables, leur transport est très délicat. Elles partent plutôt chez différents exécutoires qui les traitent spécifiquement.

Avant novembre, l’entreprise devait également séparer toute la ferraille du reste pour envoyer le métal chez Enzo Recyclage, qui s’occupait alors de le compacter. Mais depuis novembre dernier, Caza Pièces Auto s’est dotée d’une presse qui lui permet de sauter cette étape, avec l’accompagnement de l’État. « On met la voiture dépolluée dans la presse, qui compacte tout : métal, plastique et autre », décrit le gérant qui ajoute que cette nouvelle machine peut former environ une vingtaine de cubes de voitures par heure. Avec ce nouveau rythme, Moos Boina espère

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Marine Gachet

pouvoir endiguer le problème de la présence des VHU sur le territoire.

Tout traiter localement à l’avenir

Les cubes sont ensuite disposés dans des conteneurs, qui partent en direction de La Réunion, la plupart du temps, ou de l’Hexagone. Car, pour l’instant, les dernières étapes du traitement ne se font pas à Mayotte, mais plutôt dans ces territoires, dotés de broyeurs. Il s’agit d’une machine qui, avec un système d’aimants, arrive à séparer le métal et les différentes matières. Ce tri pointu permet ensuite de réutiliser et revendre les matériaux. Pour l’instant, le sol mahorais ne dispose pas encore de broyeur, d’où l’exportation des VHU. Mais cela est dans les projets à court terme de Caza Pièces Auto et

de son gérant, qui ont obtenu l’aide de l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) pour l’achat et de la Direction de l'environnement, de l'aménagement, du logement et de la mer de Mayotte (Dealm) pour le volet administratif : « Aujourd’hui, on est soumis à la convention de Bâle assurant le contrôle des mouvements transfrontaliers des déchets dangereux, ce qui fait qu’on doit demander des autorisations aux différents pays sur lesquels les navires transporteurs seront susceptibles de passer, et ces démarches prennent énormément de temps. Heureusement, les services de l’État nous ont assoupli ces démarches en attendant qu’on ait le broyeur. Avec cette machine, cela nous permettra de tout traiter localement. » n

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Caza Pièces Auto a quatre camions à sa disposition pour enlever les véhicules hors d’usage (VHU) des routes ou de la nature. Caché à proximité du rond-point de Dzoumogné, à Bandraboua, il y a un cimetière d’environ 300 voitures. Les fluides des voitures se déversent dans la nature et polluent les sols. Moos Boina, dirigeant de Caza Pièces Auto, dans son centre, à Longoni.

DESSINER MAYOTTE 3/3

AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE.

Le troisième et dernier ouvrage que nous identifions, à l’heure actuelle, comme un beau livre fait de dessins de l’île aux parfums s’intitule Mayotte. Carnet de voyage. Il est publié aux éditions Komedit en 2021. Avant le projet de dessins, il y a un projet de famille initié par Perrine Thaller Rigaldies :

« J’ai eu la chance de découvrir Mayotte au cours d’une mission professionnelle. Sous le charme, j’ai immédiatement eu à cœur de partager cette expérience avec mon mari dès la mission suivante. Très vite, l’idée d’un voyage en famille a semblé évidente. En secret, nous avons échafaudé le projet et pris les billets. La surprise a été annoncée à nos enfants via notre WhatsApp familial avec cinq petites tortues bonbon Haribo photographiées sur le sable et en guise de légende : ‘L’océan Indien nous attend’.

» (p. 3)

Perrine Thaller Rigaldies ressemble moins à Gaston qui fait le tour des outre-mers français qu’à Jérôme Agostini d’abord venu à Mayotte pour raison professionnelle. En ce sens, ils relèvent tous les deux de la catégorie que nous appelons « écrivain mzungu », car ce sont des wazungu venus à Mayotte, non pas pour l’écrire, mais pour la dessiner. Toutefois, là où Jérôme Agostini reste seul, Perrine Thaller Rigaldies invite son mari et ses trois enfants qui deviennent co-auteurs du livre intitulé Mayotte. Carnet de voyage et signé Perrine, Emmanuel, Pia, Andéol et Irène Thaller Rigaldies. Dans l’avant-propos intitulé « Partir », ce sont moins les détails du voyage que l’importance du dessin qui nous intéresse : « Et surtout, le sac à dessin est le plus important de nos bagages. Depuis toujours ou presque (dès quatre ans au pied de la tour de Pise) le dessin fait partie de

nos voyages. Observer, apprendre à regarder, faire sien un décor, une ambiance, une lumière, un détail, chacun accorde du temps à cette technique avec la technique de son choix (crayon, aquarelle…). Il arrive que le temps nous manque ou l’envie de revoir des images arrive plus tard, alors le croquis saisi sur le vif devient dessin, les photos nous aidant à redécouvrir certains détails. » (p. 3)

Pour la famille Thaller Rigaldies, le dessin est un rituel qui accompagne le voyage. Le contenu du sac à dessin n’est pas précisé. Cette pratique est aussi une discipline étant donné qu’il permet d’acérer le regard, de la rendre sensible au détail. Lorsque la famille est pressée, le dessin laisse place au croquis ou à la photographie. C’est enfin une école de la sensibilité, sensibilité à la lumière et aux ambiances.

L’esthétique de l’ouvrage se rapproche de celle de Gaston. En effet, rares sont les dessins qui envahissent la page. Il n’y a pas véritablement de tableaux comme chez Jérôme Agostini. La page n’est pas non plus remplie comme chez Gaston. Sur fond blanc, les dessins dialoguent avec des textes. Un certain équilibre est respecté qui empêche de faire du dessin une simple illustration du texte. Les dessins en question apparaissent souvent comme des détails. Ainsi, lorsqu’il est question de l’arrivée à Mayotte, la page, intitulé « Karibu ! Les parfums et les couleurs » (page 4), on trouve un croquis de l’entrée du nouvel aéroport de Mayotte ainsi que celui du buste d’un homme portant un collier de fleurs. Le ticket jaune dont les piétons ont besoin pour prendre la barge dans le sens du retour est, comme chez Gaston, introduit (p. 37). Les dessins ne sont jamais signés, d’une

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LITTÉRATURE
LISEZ MAYOTTE

façon personnelle, par l’un des membres de la famille. Il s’agit, comme le titre l’indique, d’une œuvre collective.

Un détail esthétique attire enfin notre attention, l’absence de cadre. En effet, les dessins de la famille Thaller Rigaledies n’ont pas de fin. Ils apparaissent souvent, soit comme des croquis inachevés qui pourraient se prolonger, œuvre ouverte selon l’un des critères esthétiques de Wölfflin ou alors comme des dessins que le temps dévore, qui s’effacent progressivement. Le dessin apparaît alors comme une sorte de conquête de la couleur sur le néant. C’est encore peut-être un clin d’œil à l’horizon ainsi qu’à notre champ de vision. Il est une ligne où le regard s’arrête et le peu que nous voyons s’oppose à l’immensité de ce que nous ne voyons pas.

L’un des derniers moments clefs du voyage et le tour du lac Dziani :

« Un rêve d’aquarelliste. En faire le tour [du lac Dziani] est incontournable, multipliant les points de vue [sic]. Cela exige

cependant un peu de temps et un minimum de précautions : pas une zone d’ombre sur ce sentier accidenté, plus qu’une balade, c’est une petite randonnée de presqu’une heure. » (p. 41)

Là où les impressionnistes posent leur chevalet au même endroit, mais à des heures différentes pour saisir un même lieu, les aquarellistes proposent de déplacer sans cesse le chevalet pour peindre ce joyau vert sous toutes les facettes. Cette technique, appliquée ici à un lieu en particulier, a vocation à s’appliquer, de façon métonymique, à Mayotte en général, car la peinture d’un lieu est infinie.

Perrine, Emmanuel, Pia, Andéol et Irène Thaller Rigaldies, Mayotte. Carnet de voyage, Moroni, Komedit, 2021.

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Avis de marché – directive générale, régime ordinaire

Section 1 - Acheteur

1.1 Acheteur

Nom officiel : Communauté d'Agglomération de DembéniMamoudzou (976).

Forme juridique de l’acheteur: Organisme de droit public, contrôlé par une collectivité locale

Activité du pouvoir adjudicateur: Services généraux des administrations publiques.

Section 2 - Procédure

2.1 Procédure

Titre: Travaux de curage et d’entretien des réseaux et ouvrages eaux pluviales sur le territoire de la CADEMA.

Description : Travaux de curage et d'entretien des réseaux et ouvrages eaux pluviales sur le territoire de la CADEMA

Type de Procédure : Ouverte.

Procédure accélérée : NON.

2.1.1 Objectif

Nature du marché: travaux

Nomenclature principale (cpv): 45113000.

2.1.2 Lieu d’exécution

Adresse postale : CADEMA Boulevard Halidi Sélémani.

Ville: Mamoudzou.

Code postal: 97600.

Code NUTS: FRY50.

Pays: FRANCE.

2.1.3 Valeur

2.1.4 Informations générales

Informations complémentaires du marché: Les candidats ont la possibilité de soumettre des offres pour tous les lots. Pour chaque lot, il s'agit d'un accord cadre à bon de commande multi-attributaires ( 2 titulaires maximum, sous réserve d'un nombre suffisant de candidats et d'offres Chaque lot sera attribué à 3 opérateurs économiques (sous réserve d'un nombre suffisant d'offres)..

Base juridique : Directive 2014/24/ EU

2.1.5 Conditions de passation des marchés

Le soumissionnaire doit présenter des offres pour tousLots.

Nombre maximum de lots pour

lesquels un soumissionnaire peut présenter une offre : .

Nombre maximum de lots pour lesquels des marchés peuvent être attribués à un soumissionnaire : 1.

2.1.6 Motifs d'exclusion

Informations complémentaires du marché: Les candidats ont la possibilité de soumettre des offres pour tous les lots. Pour chaque lot, il s'agit d'un accord cadre à bon de commande multi-attributaires ( 2 titulaires maximum, sous réserve d'un nombre suffisant de candidats et d'offres Chaque lot sera attribué à 3 opérateurs économiques (sous réserve d'un nombre suffisant d'offres)..

Section 5 - Lot

5.1 LOT N° : LOT-0001

Identifiant interne: Curage.

Titre: Travaux de curage et d’entretien des réseaux et ouvrages eaux pluviales sur le territoire de la CADEMA.

Description: l'exécution de travaux de curage et d’entretien des réseaux et ouvrages eaux pluviales sur le territoire de la CADEMA. Les travaux seront réalisés suivant les bons de commande et bordereaux des prix unitaires pour chaque lot géographique A, B, C, D, E, F, G et H..

5.1.1 Objectif:

Type de marché : travaux.

Classification CPV: 45113000.

5.1.2 Lieu d'exécution:

Lieu d’exécution: SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE DE LA CADEMA.

Ville: Mamoudzou.

Code Postal: 97600.

Pays: France.

5.1.3 Durée estimée:

5.1.4 Renouvellement:

5.1.5 Valeur

Valeur maximale de l’accord-cadre: 225000 EUR.

5.1.6 Information General

Les noms et qualifications professionnelles du personnel affecté à l’exécution du marché doivent être indiqués: Non requises

Le marché est financé au moins partiellement par des fonds de l’Union européenne: Projet de passation de marchés non financé par des fonds de l’UE.

5.1.7 Achats stratégiques

Objectif de l’approvisionnement stratégique: env-imp.

Approche de réduction des impacts environnementaux: pollu-prev. Approche de réduction des impacts environnementaux: La prévention et

la réduction de la pollution

Objectif social promu : Accessibilité pour tous

5.1.8 Critères d'accessibilité

5.1.9 Les critères de sélection

Type : Autre.

Nom : VOIR RC.

Description : Chaque candidat se verra attribuer une note globale sur /100. Les critères sont notés sur 100. Prix de prestation 40% Valeur technique 60%.

5.1.10 Critères d'attribution

Critère Prix :

Nom : Voir RC.

Description : Voir RC.

5.1.11 Documents de marché

Pas de restriction en matière d’accès aux documents.

Langues dans lesquelles les documents de marché sont officiellement disponibles : français.

5.1.12 Conditions du marché public

Date limite de réception des offres : 19/04/2024 à 12:00.

Soumission électronique : Requise Adresse pour la soumission : https:// www.marches-securises.fr.

Catalogue électronique : Requise Langues dans lesquelles les offres ou les demandes de participation peuvent être présentées : français.

Une signature ou un cachet électronique avancé ou qualifié [tel que défini dans le règlement (UE) no 910/2014] est requis.

Soumission électronique : Non autorisée

Date limite jusqu’à laquelle l’offre doit rester valable : 180 Jour À la discrétion de l’acheteur, tous les documents manquants relatifs au soumissionnaire peuvent être transmis ultérieurement.

Conditions de présentation : Conditions du marché : Facturation électronique : Requise La commande électronique sera utilisée.

5.1.15 Techniques

Accord-cadre, avec remise en concurrence

Nombre maximum de participants : 3. Un système d’acquisition dynamique est impliqué : 3. Pas de système d’acquisition dynamique

5.1.16 Informations complémentaires, médiation et révision Organisation chargée des procédures de recours : ORG-0001 Organisation qui fournit des informations sur le cadre réglementaire général qui, en matière de protection

de l’environnement, est applicable au lieu où la prestation doit être réalisée : ORG-0001

Organisation qui fournit des informations sur le cadre réglementaire général qui, en matière de protection du travail et de conditions de travail, est applicable au lieu où la prestation doit être réalisée : ORG-0001

Organisation qui fournit des informations complémentaires sur la procédure de passation de marché : ORG-0001

Organisation qui fournit un accès hors ligne aux documents de marché : ORG-0001

Organisation qui reçoit les demandes de participation : ORG-0001 Organisation qui traite les offres : ORG-0001

Section 8 - Organisations

8.1 ORG-0001

Nom officiel : Communauté d'Agglomération de DembéniMamoudzou (976).

Numéro d’enregistrement (SIRET) : 2000604570013.

Adresse postale : Hôtel de Ville de Mamoudzou, BP 01 - Rue du Commerce.

Adresse postale : Hôtel de Ville de Mamoudzou, BP 01 - Rue du Commerce.

Ville : Mamoudzou MAYOTTE. Code postal : 97600.

Pays : FRANCE.

Point de contact: le Président Rachadi SAINDOU.

Adresse électronique: bm.ahmed@ cadema.yt.

Téléphone: +33 269639100.

Adresse internet: https://www. marches-securises.fr.

Profil de l’acheteur: https://www. marches-securises.fr.

Section 11 - Informations relatives à l’avis

11.1 Informations relatives à l’avis

Identifiant/version de l’avis :d8856bd0-2f3f-44df-a4af75b6f146cde6

Type de formulaire : Mise en concurrence.

Type d’avis : Avis de marché –directive générale, régime ordinaire. Date d’envoi de l’avis : 08/03/2024 à 17:26.

Langues dans lesquelles l’avis en question est officiellement disponible: français.

28 • Mayotte Hebdo • N°1080 • 15/03/20 24
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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE

Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros

7, rue Salamani Cavani M’tsapéré

BP 60 - 97600 Mamoudzou

Tél. : 0269 61 20 04 redaction@somapresse.com

Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@somapresse.com

Directeur de la rédaction

Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com

Rédactrice en cheffe

Raïnat Aliloiffa

# 1080

Couverture : Quelle place pour l'islam à Mayotte

Journalistes

Raïnat Aliloiffa

Alexis Duclos

Saïd Issouf

Marine Gachet

Audrey Margerie

Direction artistique

Franco di Sangro

Graphistes/Maquettistes

Olivier Baron, Franco di Sangro

Commerciaux

Cédric Denaud, Murielle Turlan

Comptabilité

Catherine Chiggiato comptabilite@somapresse.com

Première parution

Vendredi 31 mars 2000

ISSN : 1288 - 1716

RCS : n° 9757/2000

N° de Siret : 024 061 970 000 18

N°CPPAP : 0125 Y 95067

Site internet www.mayottehebdo.com

29 • Mayotte Hebdo • N°1080 • 15/03/20 24
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