Mayotte Hebdo n°1075

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LE MOT DE LA RÉDACTION

FAIRE DES SACRIFICES

Cela fait trois semaines que les Forces Vives de Mayotte se mobilisent pour dénoncer l’insécurité et l’immigration clandestine qui asphyxient l’île. Trois semaines que les routes sont bloquées, pour faire réagir l’Etat. Trois semaines que l’économie du territoire tourne au ralenti, que les magasins se vident, et que les habitants sont confinés chez eux, et pourtant on ne voit pas la lumière au bout du tunnel. Les manifestants veulent un médiateur qui représentera l’Etat avant de commencer toute discussion. Mais pour l’instant c’est silence radio du côté de Matignon et de l’Élysée. Les Mahorais se sentent abandonnés par la France qu’ils aiment tant. Ils réalisent qu’ils ne sont pas la priorité du gouvernement. Pourtant, l’actuel premier ministre a reconnu que la situation à Mayotte serait inacceptable dans un département de l’hexagone. Alors qu’attend-il pour réagir ? La population, bien qu’elle soutienne en grande majorité le mouvement de mobilisation, commence à s’épuiser. Les esprits s’échauffent, mais les Forces Vives de Mayotte sont déterminées à intensifier les blocages. Même si elles se font gazer par les gendarmes lorsqu’elles manifestent. Le préfet, qui est sur son départ, semble submergé et n’apporte aucune réponse satisfaisante aux yeux des manifestants. Les élus, qui étaient aux abonnés absents durant les deux premières semaines du mouvement, sortent petit à petit de leur silence mais ne sont pas écoutés par les organisateurs de la mobilisation. Il semble bien que cette fois-ci les Mahorais soient déterminés à se faire attendre, quitte à faire des sacrifices. Bonne lecture à tous.

Raïnat Aliloiffa

TOUTE L’ACTUALITÉ DE MAYOTTE AU QUOTIDIEN Le premier quotidien de Mayotte Diffusé du lundi au vendredi, Flash Infos a été créé en 1999 et s’est depuis hissé au rang de 1er quotidien de l’île. Lu par plus de 12.000 personnes chaque jour, Flash infos vous permet de suivre l’actualité mahoraise (politique, société, culture, sport, économie, etc.) et vous offre en plus un aperçu de l’actualité de l’Océan Indien et des Outremers.

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le sTade de Tsoundzou 1, une pierre pour l’avenir

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première parution : juillet 1999 — siret 02406197000018 — édition somapresse — n° Cppap : 0921 y 93207 — dir. publication : Laurent Canavate — red. chef : romain Guille — http://flash-infos.somapresse.com

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Les appeLs à projets de L'europe

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Première parution : juillet 1999 - Siret 02406197000018 - APE 5813Z - Édité par la Somapresse - Directeur de publication : Laurent Canavate - http://flash-infos.somapresse.com

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Agression à TsimkourA

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Trois jeunes condamnés, donT un cousin de la mariée

Quinze arTisTes aTTendus sur scène pendanT Trois jours

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Rien à déclaReR pouR cet habitant de chiRongui

les 82 chambRes de l’hôtel ibis style livRées

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tchaks Gabriel Attal veut rétablir l’ordre public à Mayotte Ce mercredi 7 février, lors de la session des questions au gouvernement, Olivier Marleix, le président du groupe les Républicains à l’Assemblée nationale a interpellé le premier ministre Gabriel Attal sur la crise que traverse Mayotte depuis maintenant trois semaines. « Quand votre gouvernement prendra les mesures à la hauteur pour mettre un terme au flux migratoire venu des Comores et désormais de la corne de l’Afrique ? » a demandé le député de droite. Il a également interrogé le chef du gouvernement sur la loi Mayotte, la modification du droit du sol dans le département et une opération Wuambushu « puissance quatre ». Gabriel Attal a reconnu que « si cette situation que vivent les Mahorais était vécue dans un département de l’hexagone, on en entendrait parler matin, midi, soir dans les médias. » Mais malgré l’insécurité qui étouffe l’île et qui pousse la population à tout bloquer, la priorité pour le gouvernement est de « rétablir l’ordre public et permettre la reprise des activités. » Il invite les collectifs à communiquer avec les élus et les représentants de l’État. Une réponse qui ne satisfait pas le député LR Mansour Kamardine. « Je regrette que le Premier Ministre Attal continue à nous payer de mots, plutôt que de répondre à l’urgence de la situation par l’action. Je lui demande, de nouveau, de mobiliser le gouvernement et les moyens de l’Etat immédiatement, pour empêcher qu’un département français entier bascule dans le chaos », a-t-il indiqué.

Antoine Schwartz est le nouveau commissaire à la vie des entreprises Déjà présent à la préfecture de Mayotte en tant que chargé de cohésion sociale, Antoine Schwartz est nommé commissaire à la vie des entreprises et au développement productif (CVEDP). Celui-ci a pour mission de veiller à la mise en œuvre des politiques de l’État en faveur des entreprises d’Outre-mer. « Il est en particulier chargé d’accompagner les entreprises sur leurs problématiques de financement liés à leurs projets d’investissement et à leur cycle d’activité, d’accompagner les entreprises qui rencontrent des difficultés économiques conjoncturelles ou structurelles, de contribuer à l’émergence de projets stratégiques et de soutenir le développement de la dimension internationale des entreprises », détaille la préfecture de Mayotte.

Les élèves mahorais au ski 24 collégiens de la classe de neige du collège Nelson Mandela de Doujani se sont envolés direction les Alpes à Villard-de-Lans (Isère). Ils ont chaussé les skis pour la première fois, le lundi 5 février. Pendant cinq jours, ils alternent entre les pistes et la visite de la région. « Il y a eu les premières glissades pour nos petits mahorais qui ont tous trouvé le ski très dur. Mais après deux heures de cours, l'équilibre et le chasseneige ont été maîtrisés », raconte Lionel Ussereau. Les jeunes mahorais sont accompagnés de deux moniteurs ESF (école française de ski). Les élèves de troisième ont découvert la luge. Une activité qu’ils trouvent « beaucoup plus facile que le ski ! ».

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Le Sidevam alerte sur les risques du blocage des collectes Le service de ramassage des ordures ménagères est perturbé depuis le début du mouvement de protestation qui bloque les routes de l'île. Ce lundi, le Syndicat intercommunal d'élimination et de valorisation des déchets de Mayotte a demandé dans un communiqué à ce que la circulation des camions de collecte soit permise. Car le blocage a engendré de “gros dépôts de déchets dans certaines communes de Mayotte” et qu'en plus de la gêne qu'ils occasionnent, ces amas de détritus présentent “des risques réels de développement de maladies”. Le syndicat recommande également à la population de continuer à bien conditionner les déchets dans des sacs poubelles avant de les déposer dans les points de collecte. La nouvelle charte de bonne conduite aux barrages des Forces vives de Mayotte autorise normalement aux camions de ramassage des déchets de passer les barrages. Les prochains jours indiqueront si cet engagement est tenu ou non.

Les sorties pontes reviennent pour Oulanga na Nyamba En février, l'association de préservation des tortues marines Oulanga na Nyamba remet en place les sorties d'observation de pontes de tortues. Les lundi 12, mardi 13, mercredi 14, mardi 27, mercredi 28 et jeudi 29 février, il est possible d'accompagner l'association à 19h30 pour voir une ponte. Des suivis scientifiques sont aussi prévus mardi 6 et 20 février. Pour réserver une de ces sorties, il est possible de contacter l'association par mail à l'adresse françois-elie.paute@ oulangananyamba ou de se rendre sur le site internet de l'association, www.oulangananyamba.com, et sélectionner la rubrique “observer une ponte”.

Kick-boxing : Maxime Rochefeuille devient champion de France Combattant du Maore boxing, le club de kick-boxing de Majicavo-Lamir, Maxime Rochefeuille est devenu champion de France de low-kick, ce week-end, à Bondy (Seine-Saint-Denis). Le Réunionnais, qui exerce la profession de policier à Mayotte, s’impose en finale contre Clément Cariou en catégorie moins de 86 kilogrammes.


LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

MAYOTTE OU LES SYMPTÔMES D’UNE SOCIÉTÉ FRAGMENTÉE ET DÉSORGANISÉE Publié par Nicolas Roinsard, sur AOC Media, le 7 février 2024

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a promis une loi pour Mayotte, département le plus pauvre de France, rapidement suivi par son ministre de l’Intérieur qui envisage même une réforme constitutionnelle en matière de droit du sol… La politique sécuritaire et répressive menée depuis plusieurs années n’a pas pourtant en rien permis de résorber l’insécurité. Au contraire, les recherches démontrent qu’elle tend à l’aggraver. « Imaginez-vous un département français sans eau courante depuis quatre mois, où des militaires distribuent chaque jour des packs d’eau, où la moindre intervention du SAMU est désormais escortée la nuit par des forces de l’ordre, où il est interdit d’organiser des compétitions de football parce que des jeunes s’entretuent en marge des matchs, où les policiers, eux-mêmes, dénoncent “la politique du chiffre” qui ne mène nulle part, où des élus défilent pour réclamer “l’état d’urgence”, où un maire organise dans sa ville une prière pour la paix parce qu’il n’y a plus que la religion pour tenter d’apaiser, et où il faudrait chaque année construire des dizaines d’écoles tellement la démographie est folle. Bienvenue à Mayotte, le 2 janvier 2024 ! » Les mots choisis par le journaliste de France Inter, Maxence Lambrecq, pour introduire son édito politique du 2 janvier 2024 résument assez bien le sentiment communément partagé d’une crise permanente dans le 101e département français. « Crise sociale », « crise migratoire », « crise sécuritaire », « crise de l’eau » ou encore « crise sanitaire » : l’île de Mayotte aurait de quoi occuper à elle seule l’agenda du ministre de l’intérieur et des Outre-mer ! Gérald Darmanin avait d’ailleurs prévu de s’y rendre ce week-end mais une autre crise, celle des agriculteurs, l’a retenu à Paris. Sa visite à Mayotte était pourtant très attendue. Des « collectifs de citoyens » tiennent des barrages depuis environ trois semaines pour réclamer le démantèlement d’un camp de réfugiés africains, érigé sur le terrain de football de Cavani à Mamoudzou. Quelques semaines plus tôt, l’île observait une série d’émeutes et de violences juvéniles particulièrement marquante. En marge d’un colloque sur les Outre-mer qui s’est tenu à Paris le 1er février, le ministre a tenu à rassurer les élus mahorais : «L’autorité de l’État va se mesurer non pas simplement en nombre de policiers et gendarmes supplémentaires, mais au changement de droit, sans doute très profond, qu’il faut pour empêcher la venue de ces personnes à Mayotte. » Le changement de droit, c’est celui de la nationalité et plus précisément le droit du sol appliqué à Mayotte. Alors que ce dernier

a déjà fait l’objet d’une révision en 2018, le nouveau projet – qui suppose une réforme constitutionnelle – prévoit de durcir de nouveau les conditions de la naturalisation : pour qu’un enfant né de parents étrangers sur le sol mahorais puisse obtenir la nationalité à l’âge adulte, il lui faudra prouver que ses deux parents étaient en situation régulière « plus d’un an avant sa naissance ». Cette annonce ne surprend guère. Elle s’inscrit dans le droit fil des politiques migratoires et sécuritaires menées à Mayotte depuis une vingtaine d’années et dont les résultats sont pourtant peu probants. L’opération « Wuambushu » lancée au printemps 2023 en est une illustration. Poursuivant un objectif conjoint de lutte contre la délinquance et l’immigration irrégulière, cette opération militaro-policière est regardée aujourd’hui avec amertume par les élus et la population locale qui observent a contrario une recrudescence des violences juvéniles sur le territoire. Des violences aux ressorts multiples qui ne sauraient être attribuées aux seuls enfants d’étrangers de même que leur traitement social ne saurait s’épuiser dans une seule politique répressive.

L’explosion de la délinquance juvénile au cours des vingt dernières années À Mayotte, la rubrique « faits divers » de la presse régionale ne manque pas de sujets. Les faits de délinquance et les procédures judiciaires qui leur sont liées lui fournissent une matière permanente. Dénoncée par les élus qui en appellent à une plus grande intervention de l’État, redoutée par la population qui s’inquiète pour son intégrité physique, sondée par les Métropolitains qui projettent de venir s’installer et travailler, la montée de l’insécurité civile ne relève pas d’un fantasme, loin s’en faut. Deux chiffres permettent d’en prendre la mesure : on comptabilisait 813 faits constatés de délinquance en 1998 contre 11 920 en 2022, selon la Préfecture de Mayotte. En l’espace de

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25 ans, les faits ont été multipliés par près de 15 pour une population qui a doublé sur la même période. Une des caractéristiques de cette délinquance, outre qu’elle est le fait d’une population essentiellement juvénile et masculine, renvoie aux violences qui très souvent l’accompagnent. On y enregistre une surreprésentation des homicides (5 ‰ à Mayotte contre 1 ‰ en France métropolitaine), des vols avec violence (4,5 ‰ contre 1,1 ‰) et des coups et blessures hors cadre familial (4,1 ‰ contre 2 ‰). Ainsi, pour l’année 2022, les faits constatés se concentrent pour l’essentiel autour des atteintes aux biens (5 237) et des atteintes volontaires à l’intégrité physique (4 861). On retrouve, parmi ces dernières, les violences gratuites caractéristiques des règlements de compte entre bandes rivales qui défraient régulièrement la chronique. Ces bandes répondent à une géographie très précise : elles se forment à l’échelle de quartiers que l’on rebaptise pour l’occasion (Gaza, Vietnam, Gotham, La Favela, Bagdad, Soweto, Sarajevo, etc.), de communes et, depuis peu, de l’île dans son ensemble (Watoro vs Terroristes). Bien qu’elles soient fortement attachées à un territoire, elles ne luttent pas pour le contrôle du trafic de stupéfiants comme on l’observe bien souvent dans l’Hexagone. Ici, les causes sont tout aussi diverses que futiles, l’enjeu étant avant tout de préserver la réputation du groupe et l’honneur de ses membres ; un affront entraîne mécaniquement une réponse dans un cercle sans fin. Parmi les jeunes qui s’adonnent à ces violences, certains sont tout à fait intégrés par ailleurs : ils sont scolarisés, ils font du sport en club, ils participent aux fêtes villageoises et religieuses, etc. Le fait même d’habiter un quartier ou une commune les inscrit dans des régimes d’obligation : participer aux règlements de compte entre bandes rivales fait partie de l’expérience socialisatrice masculine. La poussée de violence observée sur le territoire en fin d’année – les élus évoquent à ce sujet un « Novembre noir » – renvoie précisément à ces conflits entre bandes qui se règlent

bien souvent sur la chaussée, occasionnant au passage le caillassage des automobilistes et des forces de l’ordre. La situation a continué de s’embraser courant décembre. Les émeutes se sont propagées sur plusieurs communes et quartiers de l’île : Dembeni, Tsararano, Tsoudzou, Kaweni, Majicavo, Coconi, Kahani, etc. Elles ont donné lieu à deux homicides : un premier par arme à feu le 10 décembre, un second par arme blanche cinq jours après. Le dimanche suivant, des bagarres ont éclaté en marge de deux matchs de football, l’un à Ouangani, l’autre à Tsingoni. Bilan : plusieurs blessés, un jeune dans le coma envoyé au centre hospitalier de La Réunion, un autre décédé de ses blessures. Ce bref tableau de la délinquance et des violences juvéniles suffit à planter le décor. On comprend aussi le sentiment d’insécurité qui gagne la population mahoraise : il est déclaré par une personne sur deux, contre une sur dix en France métropolitaine. Un sentiment qui motive des réactions, parfois violentes à leur tour. On a vu fleurir ces dernières années des comités de vigilantisme qui, à l’occasion, recourent eux-mêmes à la force pour attraper et mater des jeunes étiquetés comme délinquants. En marge du mouvement social qui a paralysé l’économie mahoraise pendant près de deux mois au printemps 2018, des milices se sont formées pour capturer des étrangers supposés en situation irrégulière et parmi eux des jeunes soupçonnés de faits de délinquance. Pour beaucoup, immigration et insécurité vont en effet de pair à Mayotte. En prétendant « faire le boulot de l’État », ces collectifs qui agissent en dehors de tout cadre légal mettent le pouvoir central au pied du mur. L’opération « Wuambushu » s’inscrit, de fait, dans une reprise en main de la question sécuritaire par l’État. Si l’objectif annoncé sur le front de la lutte contre la délinquance a globalement été rempli – 49 « chefs de bandes » auraient été appréhendés sur les 50 identifiés – ce bilan laisse songeur. Au-delà des épisodes récents de violence, la délinquance a continué de progresser sur les onze premiers mois de l’année 2023 (le bilan final n’a pas encore été communiqué).

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LU DANS LA PRESSE La délinquance juvénile à Mayotte n’est pas portée par quelques « têtes » qu’il suffirait de neutraliser pour enrayer le phénomène. Son ampleur et sa progression sont à la mesure des logiques d’exclusion vécues par de larges fractions de la jeunesse, française ou étrangère.

Des jeunesses surnuméraires Deux logiques président à la construction de jeunesses surnuméraires à Mayotte. La première est économique et renvoie à la question sociale : quelle place la société mahoraise offre-t-elle à sa jeunesse dans un contexte de chômage de masse et de forte croissance démographique ? La seconde est juridique et renvoie à la question migratoire : quel sort réserve-t-on plus singulièrement aux jeunes nés de parents étrangers dans un contexte de forte répression de l’immigration ? Chacune de ces logiques produit des effets en termes de passages à l’acte et de carrières déviantes. En premier lieu – et c’est une donnée trop rarement commentée – on ne saurait comprendre l’accroissement de la délinquance juvénile sans avoir à l’esprit le poids démographique de la jeunesse et sa position dans l’espace social : les moins de 25 ans représentent 60 % de la population (contre 30 % en France métropolitaine) et subissent simultanément des niveaux de déscolarisation, de chômage et de pauvreté particulièrement élevés. Autre donnée trop souvent occultée : les processus d’exclusion qui affectent des pans entiers de la jeunesse mahoraise (et précédemment des autres jeunesses ultramarines) sont aussi le produit d’une gouvernementalité postcoloniale qui opère des effets de classement et de division sociale extrêmement prononcés. Quatre segments de l’action publique jouent ici un rôle manifeste : les politiques éducatives, les politiques de développement économique, les politiques sociales et les politiques migratoires. Le droit à l’instruction publique est relativement récent à Mayotte. Il s’est imposé au gré de l’évolution statutaire de l’île et de son intégration progressive au sein de la République. Mayotte a connu successivement les statuts de colonie (1841-1946), territoire d’outre-mer (1946-1975), collectivité territoriale de la République (19762001), collectivité départementale (2001-2011) et département depuis le 31 mars 2011. La scolarisation obligatoire des enfants de plus de six ans date de 1986, et l’ouverture des écoles maternelles ne s’est généralisée qu’à partir de 1993. Ainsi, on comprend les faibles taux de scolarisation de la population qui étaient encore enregistrés au recensement de 2012 avec un habitant sur trois parmi les plus de

15 ans qui n’avait jamais été scolarisé (contre 2 % en métropole), et un jeune sur cinq parmi les moins de 30 ans. Si la scolarisation est aujourd’hui la norme, des efforts restent à consentir pour soutenir la réussite éducative. Les conditions d’accueil et d’enseignement sont très éloignées des standards nationaux : classes surchargées, surreprésentation des enseignants contractuels et de moindre qualification, imposition du français quand les enfants ont été socialisés dans leur langue maternelle (shimaore et kibushi principalement), etc. Les difficultés rencontrées dans les apprentissages se mesurent par des taux d’illettrisme et de décrochage scolaire particulièrement élevés. Les évaluations réalisées en 2015 dans le cadre des journées « Défense et citoyenneté » indiquent que plus de la moitié des Mahorais âgés de 17 et 18 ans étaient en situation d’illettrisme contre 3,6 % de leurs homologues métropolitains. À la même époque, parmi les Mahorais âgés de 20 à 24 ans, 30 % n’étaient pas allés au collège. Au total, trois Mahorais sur quatre âgés de 15 ans ou plus sont sortis du système scolaire sans aucun diplôme qualifiant, contre 28 % dans l’Hexagone. Ces ressources en négatif pèsent de facto sur leurs chances d’insertion professionnelle dans une économie portée aujourd’hui par des emplois publics et qualifiés. Le développement économique induit par la départementalisation de Mayotte repose pour l’essentiel sur des mesures de mises à niveau de l’administration publique, dans les secteurs en particulier de l’éducation, la santé, l’équipement, les services administratifs et l’action sociale. Ainsi, sur 13 200 emplois créés entre 2009 et 2018, 8 400 sont attribuables à la fonction publique d’État. Compte tenu du faible niveau général de qualification de la population, une part significative des emplois publics est occupée par des Métropolitains ainsi que par une fraction diplômée de la population mahoraise, plus souvent embauchée dans les collectivités locales (communes et Conseil départemental). En 2018, le taux d’emploi était de 23 % pour les natifs de l’étranger, 38 % pour les natifs de Mayotte et 80 % pour les natifs de France métropolitaine. Le taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) s’établit à 34 % et celui des jeunes de 15 à 25 ans avoisine les 50 % (Enquête Emploi 2022). Des mesures qui sous-estiment le phénomène de privation d’emploi : beaucoup ne sont pas comptabilisés comme chômeurs car ils ne remplissent pas les critères de disponibilité et de recherche d’emplois. Ainsi, pour 27 000 personnes au chômage au sens du BIT, l’INSEE recense 33 000 personnes supplémentaires sans emploi et

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qui souhaitent travailler. Alors que Mayotte détient le plus fort niveau de chômage au niveau national, paradoxalement l’île est très peu dotée de dispositifs de soutien tels que les emplois aidés et les contrats d’insertion. Le modèle de développement déployé à Mayotte a donc pour effet de diviser fortement la population avec, d’un côté, des personnes qui accèdent à une condition salariale protégée (qui plus est pour les fonctionnaires qui bénéficient d’une majoration de leur traitement égale à 40 %) et, de l’autre, une masse d’individus qui en est durablement exclue. Ces inégalités sont par ailleurs faiblement compensées du fait du report ou de la moindre application des lois sociales en vigueur dans les autres départements français. La part des transferts sociaux alloués aux ménages mahorais est environ trois fois moindre que celle enregistrée à l’échelle nationale. Par conséquent, les inégalités entre ménages y sont quatre fois plus prononcées qu’en France métropolitaine et trois habitants sur quatre vivent en deçà du seuil de pauvreté national. En référence au revenu médian calculé à Mayotte, le seuil de pauvreté local se situe à 160 euros par mois. Quatre habitants sur dix se situent en dessous de ce seuil, tandis que les prix à la consommation sont 10 % supérieurs à ceux enregistrés dans l’Hexagone. Il faut donc se représenter la traduction concrète de ces quelques données chiffrées. Pour beaucoup, le quotidien est saturé par la quête de quelques ressources monétaires et/ou alimentaires. Les stratégies de survie s’articulent principalement autour d’une économie agraire d’autosubsistance, de l’économie informelle, des solidarités privées, des quelques revenus sociaux récemment instaurés et de la petite délinquance, essentiellement juvénile. Les données ethnographiques que j’ai collectées auprès de jeunes délinquants révèlent le vide institutionnel auquel ils font face dès qu’ils quittent le système scolaire. Le manque d’opportunités d’emploi, de dispositifs d’aide sociale, de programmes d’animation socioculturelle, d’insertion et de formation professionnelle dessine les contours de ce qu’ils dénomment eux-mêmes « la galère », marquée par une oisiveté quotidienne propice à l’engagement dans des actes délictueux : cambriolages, rackets, vols à l’arraché, usagers-dealers, etc. Les pratiques déviantes répondent ainsi à des logiques cumulées de survie économique, de lutte contre l’oisiveté et de tension sociale : le niveau de revenus et de consommation des nouvelles classes moyennes nourrit chez les jeunes désœuvrés un certain conformisme frustré. Elles sont par ailleurs renforcées par des effets de groupe (beaucoup d’entre eux appartiennent à une bande régie en partie par cette économie délictuelle) et le niveau de paupérisation connu dans leurs familles respectives composées, bien souvent, d’une mère isolée et de ses enfants : non seulement ils ne peuvent y trouver un soutien financier, mais beaucoup participent à l’économie familiale en y injectant une part des ressources tirées de leurs méfaits. Ces logiques de relégation et les obligations de survie qui leur sont attachées sont exacerbées pour les jeunes de nationalité étrangère. Ces derniers composent avec une politique migratoire particulièrement répressive qui a pour effet de précariser leur existence et celle de leurs parents. Celle-ci s’est durcie au gré de l’intégration politique de Mayotte

et de l’accroissement de l’immigration, essentiellement comorienne : la part des étrangers dans la population totale est passée de 15 % en 1990 à 41 % en 2007 et 48 % en 2017. C’est là tout le dilemme auquel est confronté l’État français : le développement de Mayotte creuse l’écart avec les îles comoriennes voisines et soutient les projets migratoires dans un espace archipélagique marqué de longue date par la circulation de ses habitants et les mariages inter-îles. Dans l’impossibilité d’obtenir un visa, les candidats à l’émigration deviennent, une fois qu’ils ont posé le pied à Mayotte, des « clandestins » soumis à la traque des forces de l’ordre. Les nombreuses reconduites à la frontière orchestrées tous les ans (entre 20 000 et 23 000 en moyenne annuelle) produisent des ruptures familiales et alimentent le phénomène des mineurs isolés sur le territoire. On en dénombre entre 3000 et 5000 selon les sources, avec des profils hétérogènes qui vont de l’isolement total au recueil, pérenne ou temporaire, par un tiers lui-même soumis à des conditions de vie souvent dégradées. Les manquements manifestes de l’Aide sociale à l’enfance sur le plan à la fois matériel et éthique contribuent à maintenir cette « enfance en danger », la situation d’isolement constituant dès lors une des portes d’entrée dans les bandes délinquantes dans une perspective de survie économique et de protection. Parallèlement à la politique du chiffre visant à expulser en masse les « sans-papiers », l’État français durcit ses frontières en adoptant tout un ensemble de dérogations qui rongent le droit des étrangers et le droit de la nationalité. Passant outre le principe de l’indivisibilité de la République, la loi « Immigration maîtrisée, droit d’asile effectif et intégration réussie » du 10 septembre 2018 a ainsi entériné une révision du droit du sol pour le seul territoire de Mayotte : pour qu’un enfant né de parents étrangers puisse obtenir la nationalité française à l’âge adulte, il faut à minima qu’un de ses parents soit en situation régulière en France depuis au moins trois mois avant sa naissance. La loi s’applique pour les enfants nés après la date de son entrée en vigueur mais aussi pour tous ceux qui sont nés avant et qui sont encore mineurs, grevant ainsi toute chance de naturalisation et d’une intégration plus assurée. Dans un contexte de forte politisation de la question migratoire, les mesures répressives à l’endroit des étrangers trouvent aussi des relais dans la société civile. Dans bien des cas, les mineurs en sont les premières victimes. Beaucoup d’entre eux rencontrent par exemple des obstacles quant à leur scolarisation. Les mairies qui sont en charge de l’inscription des enfants résidant dans leur commune et soumis à l’obligation scolaire prennent parfois certaines libertés en exigeant des pièces administratives qui n’ont pas lieu d’être, en particulier le titre de séjour du ou des parents. Selon la Défenseure des droits, ce sont environ 15 000 enfants qui n’auraient pas accès à une scolarité classique. Une étude réalisée sous l’égide de l’Université de Nanterre estime que le nombre d’enfants non scolarisés est compris entre 5 379 et 9 575 selon la méthode de calcul retenue. Vécue de manière particulièrement violente par les intéressés, la non-scolarisation des mineurs d’origine étrangère se présente, de fait, comme une porte d’entrée vers une chaîne d’exclusions[1]. Pour ceux qui parviennent

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LU DANS LA PRESSE à maintenir leur cursus scolaire sans encombre, les risques de déscolarisation s’intensifient à l’âge de 16 ans, marquant la fin de l’obligation scolaire. En dehors de l’accès à l’éducation, les enfants de « sans-papiers », en particulier, se voient privés de tout droit. Ils se trouvent dans l’impossibilité de signer un contrat de travail, de bénéficier des services de la Mission locale, de suivre une formation, de disposer d’une couverture maladie, etc. Les processus cumulatifs de relégation (scolaire, sociale, juridique, économique, etc.) vécus par les jeunes d’origine comorienne les amènent progressivement à intégrer l’étiquette de « surnuméraire » qui leur est renvoyée. Cette dynamique a pour effet de fédérer des jeunes stigmatisés et d’alimenter, au fil du temps, leur inclination vers des comportements déviants. Si la délinquance d’appropriation répond d’abord à l’impératif de survie économique, les agressions et autres actes de vandalisme témoignent d’une volonté affirmée de retournement de la violence vis-à-vis d’une société et d’une nation perçues comme hostiles. Le racket des automobilistes qui se rendent au travail, le caillassage des bus scolaires, les rixes aux abords des collèges et lycées sont autant de délits orchestrés à l’endroit d’un monde qui leur est fermé. Les affrontements réguliers contre les forces de l’ordre, un signe de défiance vis-àvis de l’autorité d’un État de droit qui produit leur marginalisation sociale. Le sentiment de rage et d’injustice fréquemment exprimé dès l’adolescence puis à l’âge adulte traduit, en creux, le principe de clôture du groupe déviant sur lui-même. La violence sociale subie depuis leur enfance se transforme en une violence à la fois auto-administrée (conduites à risques, addictions, etc.) et renvoyée aux autres (agressions, vols avec menace, etc.). À cet égard – et les données récentes qui attestent d’une progression de la délinquance et des violences juvéniles sont là pour appuyer notre propos – on peut se demander si les objectifs conjoints de durcissement des frontières nationales et de lutte contre la délinquance ne sont pas quelque peu antinomiques. Les professionnels de la Protection judiciaire de la jeunesse, par exemple, observent les effets particulièrement délétères de la révision locale du droit du sol dans leur travail de prévention de la délinquance à l’endroit des jeunes nés à Mayotte de parents étrangers. Alors que ces derniers ont grandi en nourrissant l’espoir d’une naturalisation à l’âge adulte, ils sont nombreux à apprendre aujourd’hui qu’ils ne peuvent prétendre qu’au titre de séjour, dont on sait les difficultés d’obtention. Désabusés par cette politique d’inimité, certains y renoncent et intègrent leur label juridique : ils sont étrangers et demeureront à jamais des surnuméraires

à Mayotte, avec toutes les conséquences que cette condition juridique implique en termes de carrière déviante. En cela, si le nouveau projet de durcissement du droit du sol annoncé par le ministre vise à réduire l’immigration à long terme, il aura un effet plus immédiat : celui de grossir les rangs des surnuméraires…

Le déclin des institutions coutumières Si la délinquance est symptomatique des processus de marginalisation sociale qui affectent les fractions dominées de la jeunesse (sans engagement scolaire, sans diplôme, sans emploi, sans papiers, sans tuteurs, etc.), elle témoigne également de la transformation rapide et brutale de la société mahoraise et de ses effets en termes de désorganisation sociale. Les institutions coutumières qui concouraient hier à la fabrique d’une société intégrée ne sont plus aussi opérantes, tandis que les nouvelles institutions exogènes liées à la mise aux normes françaises de la société locale ne le sont pas encore totalement. La déviance juvénile semble en être l’un des symptômes les plus prégnants alors qu’elle était quasi inexistante jusqu’au début des années 1990. Les jeunes, moins nombreux, était alors très encadrés dans leurs villages respectifs. Ils faisaient partie intégrante d’un système de classes d’âge (shikao) qui organisait des travaux collectifs et renforçait les liens au sein des promotions (hirimu). Ils étaient au contact étroit des maîtres coraniques (fundi wa shioni) qui assuraient tout à la fois leur socialisation religieuse et l’apprentissage des règles du vivre-ensemble. Ils étaient sous le contrôle de la famille élargie et des adultes du village qui disposaient d’un droit de regard et de sanction à l’endroit des enfants circulant dans l’espace public. Ce fort contrôle social canalisait ainsi la plupart des comportements. Sous l’effet de l’accroissement démographique, d’une ouverture croissante sur le monde occidental et des mesures d’assimilation qui accompagnent la départementalisation, les institutions coutumières ont perdu de leur force. Bénéficiant d’un niveau de scolarisation plus élevé que celui de leurs parents et grandsparents, les nouvelles générations remettent en question les rapports sociaux fondés traditionnellement sur l’âge et le savoir spirituel. L’éducation partagée cède la place à une éducation parentale, défaillante dans de nombreuses familles : d’un côté, des mères isolées et fragilisées tant dans leurs rôles éducatifs que matériels ; de l’autre, des pères absents en raison des politiques migratoires répressives (expulsion du père étranger et «

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sans-papiers ») et de la fragilité des liens d’alliance au sein des familles matrifocales (père de nationalité française qui a quitté le domicile familial). Les relais éducatifs tels que l’oncle maternel (zama) ou la tante paternelle (ngivavi) qui étaient couramment mobilisés en cas de séparation et/ou de difficultés parentales le sont plus rarement aujourd’hui. Si elles n’ont pas totalement disparu, les pratiques de placement des enfants chez un apparenté sont aujourd’hui plus difficilement vécues par les intéressés qui y voient une forme d’abandon et non de régulation. Cette situation peut être source de conflits et, par la suite, de rupture familiale. Les transformations contemporaines de la famille et de la communauté villageoise s’accompagnent ainsi d’une crise de la transmission et de l’autorité. Ceci est particulièrement vrai des milieux sociaux les plus modestes et allophones (et ils sont nombreux) qui peinent à saisir les nouvelles formes de socialisation juvénile et le rôle joué par les institutions républicaines dans l’éducation et la protection des mineurs. La notion « d’enfant du juge » (mwana wa jugi), devenue courante à Mayotte, illustre de façon exemplaire la méconnaissance de ces institutions et l’affaiblissement de la position d’autorité des adultes. Évoquant tour à tour la justice des mineurs et le droit des enfants, cette expression consacre l’idée selon laquelle les adultes ne sont plus autorisés à « redresser » les jeunes qui s’écartent des normes morales et sociales au risque d’être convoqués sinon condamnés par la justice de droit commun. Les châtiments corporels ont longtemps été un « outil éducatif » parmi d’autres ; en leur absence, beaucoup se sentent dépourvus de moyens d’action. L’éducation et le pouvoir de sanction à l’endroit des « enfants difficiles » relèvent dès lors de la seule compétence de l’État (sirkali). Un État que l’on se représente comme tout-puissant – colonial hier, garant des institutions républicaines aujourd’hui – et qui appelle la soumission de ses sujets. Le déclin des institutions coutumières, c’est en quelque sorte le prix à payer d’une intégration française qui a longtemps été réclamée dans une visée séparatiste avec les Comores[2] et dont on découvre aujourd’hui les effets.

« Occupons-nous de notre jeunesse avant qu’elle ne s’occupe de nous ! » Ce pourrait être le mot de la fin. Cette assertion, entendue à maintes reprises chez des élus mahorais, témoigne de l’enjeu d’une intégration de la jeunesse qui pour l’heure fait défaut. Elle exprime, en creux, le lien que nous avons rappelé ici entre insécurité sociale et insécurité civile. Si la lutte contre la délinquance exige un certain équilibre entre mesures éducatives et mesures répressives, elle ne saurait faire l’économie de la question sociale qui recoupe, ici, la question générationnelle. Qu’ils aient la nationalité française ou non, la plupart des jeunes qui résident aujourd’hui à Mayotte y sont nés et/ou y ont grandi. Leurs préoccupations sont des plus triviales : aller à l’école, obtenir un diplôme, trouver un travail. À cela s’ajoute, pour les étrangers nés sur le territoire, l’obtention de la naturalisation à l’âge adulte, clé de voûte de toute autre forme d’insertion. Tout en communiquant sur les efforts financiers sans précédent déployés aujourd’hui dans l’île, les gouvernements successifs adoptent pourtant un même

type de gouvernance marqué par un alignement différé des droits et une dépense publique par habitant bien inférieure à celle enregistrée à l’échelle nationale. La démographie et la situation dégradée sur le plan sécuritaire appellent, à notre sens, une plus grande intervention publique dans les domaines de l’éducation, l’aide sociale à l’enfance, la prévention spécialisée, la protection judiciaire de la jeunesse, la lutte contre la pauvreté, l’insertion et la formation professionnelles. « Occupons-nous de notre jeunesse avant qu’elle ne s’occupe de nous ! », c’est aussi un appel politique à l’adresse de la société civile afin que celle-ci (re)prenne part à la production de la société. Pour les uns, qui convoquent un passé « où l’on vivait en paix », il s’agit de réactualiser certaines des institutions coutumières qui participaient des équilibres sociaux antérieurs. Considérés comme des « juges de paix », les cadis qui ont perdu leur pouvoir judiciaire et notarial en 2010 sont aujourd’hui remis au-devant de la scène pour prévenir la délinquance. Plusieurs communes ont signé une convention avec le Département et le Conseil cadial pour formaliser plus avant cette fonction de prévention et de médiation. Dans la même veine, certains appellent à un renforcement de l’éducation coranique qui a perdu du terrain face à l’école laïque. Dans les représentations émiques, la non-fréquentation de l’école coranique accroît sensiblement, en effet, les risques de basculer dans la délinquance. Pour les autres, il ne s’agit pas tant de revenir à un ordre ancien, perçu comme dépassé, mais plutôt de créer les conditions d’une nouvelle forme d’encadrement social de la jeunesse, plus en phase avec ses besoins immédiats. Ainsi en est-il des nombreuses associations de quartier qui se sont créées ces dernières années. Avec, en toile de fond, un objectif affiché de lutte contre la déscolarisation et la délinquance, ces associations s’efforcent de soutenir les différentes étapes des trajectoires juvéniles : aide aux devoirs et mise à disposition de salles informatiques, animation socioculturelle, stages et contrats d’insertion, médiation avec les administrations et le service public de l’emploi, etc. Portées par des adultes natifs de leur quartier d’implantation, elles fonctionnent le plus souvent avec un effectif de deux ou trois salariés, quelques services civiques et de nombreux bénévoles, dont certains sont eux-mêmes anciens délinquants. Leur mot d’ordre est d’apporter de l’aide aux jeunes en difficulté sans dépendre des secours de l’État et des collectivités. Au regard de l’ensemble des processus d’exclusion qui affectent la jeunesse mahoraise, ce retour du collectif initié par des associations de quartier peut sembler insignifiant à bien des égards. Néanmoins, il révèle une énergie sociale agissant en marge d’une action publique jugée insuffisante et/ou quelque peu décalée par rapport aux réalités du territoire. Examiner et questionner le sens de cette dynamique associative revient à explorer simultanément la dimension conflictuelle d’une société en partie dépossédée de son organisation sociale et les systèmes d’actions (re) construits en réponse à cette désorganisation. NDLR : Nicolas Roinsard a récemment publié Une situation postcoloniale. Mayotte ou le gouvernement des marges aux éditions du CNRS.

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DOSSIER

île bloquée, peuple oublié

BLOQUER LES ROUTES EST LE SEUL MOYEN QU’A TROUVÉ LE COLLECTIF DES FORCES VIVES DE MAYOTTE POUR SE FAIRE ENTENDRE. MAIS AU BOUT DE TROIS SEMAINES DE BLOCAGE, LES ENTREPRISES ENREGISTRENT DÉJÀ DE GROSSES PERTES ÉCONOMIQUES. LES SOIGNANTS SONT FORTEMENT LIMITÉS DANS LEURS DÉPLACEMENTS ET NE PEUVENT PAS S’OCCUPER DE LEURS PATIENTS CONVENABLEMENT. ET LES ÉLÈVES ET ÉTUDIANTS S’INQUIÈTENT POUR LEUR AVENIR. TOUS ESPÈRENT UNE SORTIE DE CRISE RAPIDEMENT, MAIS LE FUTUR PROCHE NE SEMBLE PAS SI SEREIN. LES FORCES VIVES DE MAYOTTE N’EN DÉMORDENT PAS ET DURCISSENT LEUR MOUVEMENT CHAQUE JOUR. MÊME SI BEAUCOUP COMPRENNENT ET PARTAGENT LES REVENDICATIONS DES MANIFESTANTS, ILS NE PARTAGENT PAS FORCÉMENT LES MÉTHODES EMPLOYÉES.

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DOSSIER

Raïnat Aliloiffa

TÉMOIGNAGE

« C’EST TRÈS DIFFICILE DE TRAVAILLER DANS CES CONDITIONS »

LES VOIX DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ S’ÉLÈVENT DE PLUS EN PLUS CONTRE LES RESPONSABLES DES BARRAGES QUI NE LEUR FACILITENT PAS LE PASSAGE. POURTANT, LEUR MISSION EST CRUCIALE, ILS DOIVENT SOIGNER LES MALADES EN TOUTES CIRCONSTANCES. SI LES SOIGNANTS LIBÉRAUX PEUVENT CIRCULER PLUS OU MOINS LIBREMENT DANS LE CADRE DE LEUR FONCTION, CE N’EST PAS LE CAS DES AGENTS DU CENTRE HOSPITALIER DE MAYOTTE QUI DÉSESPÈRENT SOUVENT À REJOINDRE LEUR LIEU DE TRAVAIL.

« LES PATIENTS NE PEUVENT PLUS ÊTRE TRAITÉS CORRECTEMENT » « Traverser les barrages et rejoindre la PetiteTerre sans barge c’est compliqué voire impossible actuellement. » Ce sont les propos d’Anfouwat, infirmière à l’hôpital Martial Henry à Pamandzi. Depuis le début du mouvement qui bloque l’île, elle a beaucoup de difficultés à se rendre au travail. Elle habite en Grande-Terre, elle doit donc traverser plusieurs barrages et prendre la barge avant d’arriver à destination. Et c’est parfois mission impossible. En effet, les employés du centre hospitalier de Mayotte ne figurent pas sur la charte établie par le collectif des Forces Vives de Mayotte qui indique qui peut circuler. Une situation incompréhensible pour Anfouwat. « Je trouve cela scandaleux et inadmissible ! Pour moi c’est un gros problème et ça décrédibilise le mouvement. Il n’y a aucune cohérence à laisser les ambulances et les malades rejoindre l’hôpital et ne pas laisser les soignants. Qui va les soigner alors là-bas ? », S’interroge-t-elle. Ce à quoi répond le collectif des Forces Vives de Mayotte sur leurs réseaux sociaux : « Le CHM a mis en place un dispositif par voie maritime et des navettes. » Contactée par nos soins, la direction de l’hôpital explique que les navettes de bus ont été mises en place

depuis la crise Covid. Elle confirme qu’à cela s’ajoutent des bateaux qui emmènent leurs agents au travail mais « il y a du filtrage et ils (les barragistes) laissent passer qui il veulent. » Un constat partagé par la professionnelle de santé qui travaille à l’hôpital Martial Henry. « Bien que je sois une soignante du CHM, il faut souvent négocier le passage. Même si on montre notre badge, parfois on ne nous laisse pas passer », raconte-t-elle. Elle n’est pas la seule à en témoigner puisque sur les réseaux sociaux, plusieurs agents de l’unique hôpital du département affirment la même chose. Et les conséquences se font ressentir au sein de l’organisation des services de l’établissement qui est déjà en sous effectifs. « Mes collègues enchaînent les heures supplémentaires… Les patients ne peuvent plus être traités correctement par manque de personnel. Les services tournent au ralenti », assure l’infirmière. Cette dernière a décidé de ne pas se rendre au travail tant que la situation n’évoluera pas. Il n’y aura pas de répercussion sur son salaire mais elle devra rattraper toutes ses heures.

UN LAISSEZ-PASSER POUR LES LIBÉRAUX

Contrairement aux soignants du CHM, les libéraux font partie de la charte qui décrit les règles à suivre durant le mouvement. En théorie, ils peuvent circuler librement, en pratique c’est le parcours du combattant pour certains, à l’exemple de Charline qui

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« JE ME FAIS AGRESSER VERBALEMENT » est infirmière libérale. Elle couvre la zone de Mamoudzou jusqu’à Hajangoua. Deux barrages lui font obstacles, celui de Passamainty et celui de Tsararano. « Il y a des jours où on me laisse passer facilement et d’autres où j’ai beaucoup de mal. Je dois parfois négocier et supplier pour qu’on me laisse aller travailler », explique-t-elle. Celle qui réside à Mayotte depuis cinq ans a dû annuler plusieurs rendezvous car elle n’a pas pu se rendre aux domiciles de ses patients. « C’est compliqué pour eux car certains n’ont plus de médicaments… Si je ne travaille pas, mes patients n’ont pas leurs traitements. Je fais des soins vitaux donc si je ne vais pas travailler ces gens-là risquent de mourir. » Charline se dit angoissée à chaque fois qu’elle doit faire sa tournée car elle ignore ce qui l’attend. Les automobilistes qui font la queue tous les jours en espérant pouvoir passer, ne comprennent pas toujours pourquoi elle dépasse tout le monde. « Je me fais agresser verbalement par ceux qui attendent et par les barragistes », déclare-t-elle. La présentation de sa carte professionnelle et la vignette visible sur le tableau de bord de sa voiture n’y changent rien. « S’il y a une charte qui est mise en place, il faut la respecter. Je n’ai pas à supplier pour passer les barrages. » Cette situation a un impact sur son moral, la jeune femme se dit épuisée mentalement. « Quand je finis ma journée, je suis vidée. C’est très difficile de travailler dans ces conditions », dénonce-t-elle.

UN SOUTIEN CONDITIONNÉ

Malgré tout cela, les deux infirmières soutiennent le mouvement. Chacune comprend les revendications du collectif des Forces Vives de Mayotte car, comme l’ensemble des résidents de l’île, elles ne supportent plus le climat pesant et dangereux qu’il y a à Mayotte

depuis des années. « On arrive tous à bout de cette insécurité et des problèmes de l’île. Il est clair qu’il faut agir, mais je ne soutiens pas les propos qui sont tenus envers les étrangers », souligne Charline. Et Anfouwat d’ajouter, « je comprends totalement le mouvement et je faisais partie des premiers à le soutenir. Mais ce que je déplore c’est le fait de ne pas laisser les soignants du CHM passer. » Aux dernières nouvelles, la direction du centre hospitalier de Mayotte essaye de négocie avec le collectif des Forces Vives afin de faciliter le passage aux agents de l’hôpital.

AVEC LE TRANSPORT DE SOIGNANTS, « JE VIS LES BARRAGES EN DIRECT » Dans le secteur de la santé, les pharmacies ne sont pas en reste. Elles ne sont plus approvisionnées et contrairement aux barrages de 2011 et 2018, selon Carla Baltus, la présidente du Medef Mayotte, les délinquants s'ajoutent aux difficultés de circuler pour les soignants. « Tous les matins, je vis les barrages en direct », nous apprend celle qui est également gérante d'une compagnie de transports qui comprend des chauffeurs hospitaliers. Des agents du Centre hospitalier de Mayotte (CHM) partent des quatre coins de l'île pour les y amener et les ramener chez eux. « Quand il y a des barrages de délinquants, on ne passe pas. On attend. Ils sont fatigués, épuisés. Dans leur travail où il faut de la vigilance, ça peut les exposer aux erreurs médicales. Les infirmiers et aides à domicile ne peuvent pas passer... Je me pose la question si les gens ont bien conscience de tout ça. On parle souvent de l'économie mais pas des victimes : les personnes âgées, les handicapés… »

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DOSSIER

TRIBUNE

INFIRMIERS : « N’OUBLIONS PAS LA SANTÉ DE NOS MALADES »

ATTENTIF AUX MOUVEMENTS SOCIAUX QUI PARALYSENT UNE PARTIE DE L’ÎLE, LE SYNDICAT NATIONAL DES INFIRMIERS ET INFIRMIÈRES LIBÉRAUX DE MAYOTTE (SNIIL976) APPORTE SON SOUTIEN À LA MOBILISATION. IL RAPPELLE CEPENDANT LA NÉCESSITÉ DE POUVOIR EXERCER LEUR MÉTIER SANS ENTRAVE POUR « GARANTIR UNE OFFRE MINIMALE DE SOINS ».

« Nous exprimons par la présente action une entière compréhension concernant les revendications et adressons notre soutien quant aux différentes manifestations actuelles dans l’île. C’est une réponse aux conditions extrêmement difficiles que l’île endure depuis plusieurs mois, s’aggravant de manière significative au fil des années. Les incidents tels que jets de pierres, vols et agressions diverses ont créé un environnement où les déplacements sont devenus dangereux, plongeant la population dans un état de traumatisme et de désœuvrement. Donc, nous le répétons, nous soutenons le mouvement en cours. Mayotte est en souffrance, et cette souffrance est également présente dans de nombreux foyers mahorais, certes de manière différente. Celle de la dépendance physique et/ou psychologique, et nous nous devons de veiller à ne pas compromettre la sécurité de nos patients en raison de l’absence de soins. Nous attirons l’attention des manifestants, n’oublions pas la santé de nos malades présents aux quatre coins de l’île, ainsi que les professionnels de santé qui se mobilisent jour et nuit afin de les soigner. Le système de santé de Mayotte est en soins palliatifs avec un hôpital fonctionnant en mode dégradé, faute de professionnels de santé en nombre suffisant. Ainsi, permettre la circulation des professionnels de santé, en particulier des infirmiers libéraux, permettra de garantir une offre minimale de soins, évitant ainsi des situations dangereuses pour tous. Cancéreux, dialysés, insuffisants cardiaques, pulmonaires, victimes d’AVC, patients nécessitant des pansements pour escarres, la

liste est longue. Ce sont autant de souffrances qui nécessitent une intervention, celle d’un infirmier ou d’une infirmière. Certains soins sont plus urgents que d’autres et, en tant qu’infirmiers à domicile, nous nous engageons en toute conscience à assurer la continuité des soins. Cela implique que, sauf en cas d’alerte rouge cyclonique, nous devons nous rendre auprès de nos patients, quelles que soient les circonstances.

« FACILITER LE PASSAGE »

Nous appelons donc le collectif des Forces Vives de Mayotte, la population et les responsables des barrages à prendre en considération l’impératif de faciliter le passage des infirmiers libéraux. Nous entendons déjà dire : « Si un jour vous vous faites agresser, vous ne pourrez plus soigner ». Oui, c’est vrai, et de nombreux soignants ont été agressés dans l’exercice de leurs fonctions, mais nous demeurons présents. Chacun d’entre nous a très certainement un proche nécessitant des soins. Alors posez-lui la question : « Comment vas-tu aujourd’hui ? » Et dans cet esprit de solidarité et de responsabilité envers la santé de la communauté, vous pourrez lui répondre : « Ne t’inquiète pas, même si tout le monde ne comprend pas que nous agissons pour le bien de tous, nous allons faciliter le passage des infirmiers ». Oui, nous vous soutenons, et oui, nous sollicitons votre compréhension et le soutien de tous pour garantir la continuité des soins de nos parents et enfants. » Le syndicat national des infirmiers et infirmières libéraux de Mayotte

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DOSSIER

Audrey Margerie

REPORTAGE

ÉCONOMIE ENTRAVÉE : « ON AJOUTE DE LA CRISE À LA CRISE »

MALGRÉ LA CONVICTION DU BIEN-FONDÉ DU MOUVEMENT DES FORCES VIVES À MAYOTTE, BEAUCOUP EN PAIENT DÉJÀ LE PRIX ET S'ATTENDENT À UN SURCOÛT SI LES BARRAGES PERSISTENT. DES DIRECTEURS D'ENTREPRISES TÉMOIGNENT DE CES IMPACTS ET PARTAGENT LEURS SOLUTIONS.

« Le magasin est vide. » Sophiata Souffou tient une quincaillerie à Chirongui. À cause des barrages, elle n'arrive plus à approvisionner ses stocks. « C'est vraiment grave pour l'activité économique car les travailleurs qui se déplacent sont ceux qui alimentent les entreprises dans le secteur de l'alimentation, des commerces. » Or, « les gens ont toujours besoin de manger », contraste-t-elle. Ces manques créent, selon elle, des tensions dans son village. Notamment pour le gaz. « Même si je dis que je n'ai plus rien, il y a la queue », citant les 200 personnes qui attendaient mardi devant son magasin. « Les cuisines ne sont plus équipées pour chauffer au bois sec et au charbon comme on le faisait anciennement. »

« QUAND EST-CE QU'IL Y AURA UNE TRANQUILLITÉ ÉCONOMIQUE POUR LES COMMERÇANTS ? »

Si son magasin avait du stock sur les deux premières semaines de contestation, elle n'a désormais plus grand chose pour poursuivre l'activité. Une partie de son personnel est en congé, une autre en chômage partiel. « Je sais que la violence [en référence à l'insécurité contre laquelle se battent les Forces vives] n'arrange pas les affaires mais il faut aussi penser aux besoins de la vie qui continue. Entre la violence quotidienne et les barrages quotidiens, quand est-ce qu'il y aura une tranquillité économique pour les commerçants ? » Sur un échantillon de 90 adhérents, Carla Baltus, présidente du Mouvement d'entreprises de France (Medef) à Mayotte et, en tant que telle, représentante du patronat, informe que, « dans le meilleur des cas », 25 % arrivent à travailler. « L'économie est totalement paralysée. » Quasiment 100 % des travailleurs du BTP auraient arrêté l'activité car ils ne peuvent traverser les barrages. Les clients de l'hôtellerie désistent leurs réservations tandis que ceux des restaurants désertent les établissements. « Des commerçants n'arrivent pas à récupérer leur marchandise au port » et, donc, à la revendre. Un manque qui pourrait être difficile à combler, estime-t-elle, à l'approche de moments aussi importants dans un chiffre d'affaire que la SaintValentin et du Ramadan.

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Samedi 3 février, quelques camions d'approvisionnement pouvaient encore rouler ici, à Passamaïnty, pour passer le barrage. Depuis le congrès des Forces Vives déroulé dimanche, le mouvement s'est durci.

CIRCULATION VERROUILLÉE, APPROVISIONNEMENTS BLOQUÉS ET STOCKS SATURÉS « C'est dramatique », poursuit celle qui a fait le point avec 60 de ses adhérents lundi. « Il y a des chefs d'entreprise qui sont totalement démoralisés. Il y a des risques de perte d'emplois. Beaucoup d'acteurs du privé n'ont pas pu payer les salaires de janvier », déroule-t-elle. « On nous propose le chômage partiel qui paie à 60 % mais est-ce que les travailleurs l'accepteront ? On ajoute de la crise sur de la crise. » Et si l'activité continue, comme celle de sa compagnie de transports, il faut encore pouvoir être payé. Difficile, remarque-t-elle, quand les collectivités, les mairies sont fermées et ne peuvent donc traiter les factures. « Si vous n'avez pas une banque qui croit en vous, ça peut vite devenir compliqué. »

À cela, il faut ajouter les surcoûts liés au stockage des marchandises au port qui ne peuvent être acheminées sur l’île, ou ne peuvent plus arriver jusqu'à Mayotte, car « le fret est saturé », indique la présidente. Safdar Ballou est à la tête de quatre magasins de vente d'appareils électroménagers sur l'île. Un bateau est en route vers Mayotte pour livrer une cargaison. « Mais je ne vois pas où on va la mettre », réagit-il. Depuis le début des barrages, il chiffre sa perte à 90 % sur le chiffre d'affaires. « Les clients ne peuvent pas venir et nous on ne peut pas livrer. » L'enseigne Ballou représente une soixantaine de salariés, une partie de ses magasins est fermée. « On sort de la période post-Covid, on est encore en crise de l'eau... Il faut que ça s’arrête. » Sa société distribue normalement

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DOSSIER

Safdar Ballou, gérant de L'enseigne Ballou, aurait préféré un blocage plus court mais plus intense et commun avec le monde économique pour interpeller le gouvernement sur la crise à Mayotte au sujet de l'insécurité.

« L'ÉCONOMIE EST TOTALEMENT PARALYSÉE » une quarantaine de quincailleries. « On est en train de tuer des familles mahoraises », se désole-t-il.

« ON AURAIT PU S’ASSOCIER » « Sur le fond de la lutte, on est tous d'accord. On vit l'insécurité au quotidien. Mais sur la forme on fait du mal à l'économie mahoraise », poursuit ce chef d'entreprise qui dénonce l'ampleur et la durée de ces blocages. Il y avait, selon lui, d'autres manières d'agir. Comme le fait de s'inspirer des blocages des agriculteurs en métropole. « Le monde économique aurait pu s'associer aux Forces vives et tout bloquer, ensemble, 48 heures. Ça aurait eu un retentissement plus conséquent. On donne nos

revendications et on impose un délai pour nous répondre », propose-t-il. C'est d'ailleurs ce qu'il aurait déjà exprimé auprès de certains membres, en 2011 et 2018, lors des anciens blocages. « On ne se rend pas compte des conséquences. Trop c'est trop. Il faut une reprise lundi. » Mais aussi, juge-t-il, un retour du dialogue avec le préfet, représentant de l'état à Mayotte. « Certains entrepreneurs ne vont pas se relever », appuie la présidente du Medef Mayotte, qui n'hésite pas à parler de la situation dans les médias, comme ce mercredi matin, au micro de France Inter, afin d'obtenir ce fameux médiateur que réclament la population et le Département.

UNE BOUÉE DE SECOURS ET UN BATEAU Pour préparer une bouée de secours aux entreprises, le Medef Mayotte a formé une intersyndicale avec la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), l'Union des entreprises de proximité (U2P),

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Carla Baltus, présidente du Medef Mayotte, fait partie d'une intersyndicale créée dans ce contexte de blocages afin de demander des aides économiques à l'état pour les entreprises. Sophiata Souffou n'a désormais plus grand chose dans son magasin pour poursuivre son activité.

la Fédération mahoraise du bâtiment et des travaux publics (FMBTP), l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), la Chambre de commerces et de l'industrie (CCI) et la Chambre de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte (Capam). Elle vise à faire des propositions à l'état : la demande d'un chômage partiel qui paie à 100 % au lieu des 60 en vigueur, la mise en place d'un fonds de solidarité comme en métropole et à La Réunion au moment des Gilets Jaunes, la possibilité de décaler le paiement des charges sociales ou encore, un accompagnement des banques sur la trésorerie afin de payer les factures et crédits d'impôts en attendant que la situation se rétablisse. Quant au mouvement de protestation, Carla Baltus espère du côté des Forces Vives de la patience dans la mise en place de mesures concrètes par le gouvernement dans le cas où il y en ait, « car tout ne se fera pas d'un coup ».

« CERTAINS ENTREPRENEURS NE VONT PAS SE RELEVER » Et si en plus d'une bouée, on imaginait un bateau ? La patronne de la quincaillerie de Chirongui, Sophiata Souffou, est persuadée que sur le long terme, un bateau sur l'océan Indien qui formerait des jeunes aux métiers de la mer, comme la pêche, et de sécurisation pour contrôler les allers et venues des kwassas, serait un atout économique. « Mayotte a beaucoup d'avantages à apporter au pays. Avec le canal du Mozambique, on peut se rapprocher du marché africain et européen », explique-t-elle. « La population metropolitaine est vieillissante. Nos jeunes peuvent devenir une lumière », assure celle qui accueille dans son entreprise des stagiaires et des alternants. « Il faut faire confiance à cette jeunesse. Un jeune qui dérape à l'école montre autre chose dans un espace professionnel. »

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DOSSIER

Marine Gachet

ÉDUCATION

L’APPRENTISSAGE FACE AUX BARRAGES

FACE AUX ROUTES BARRÉES, LES CHEMINS DE L’ÉCOLE ONT DU S’ADAPTER. LES COURS À DISTANCE PAR VISIOCONFÉRENCE SE SONT IMPOSÉS ET LEURS LIMITES, RAPIDEMENT RÉVÉLÉES. CHACUN S’ADAPTE NÉANMOINS POUR TROUVER DES SOLUTIONS, ET POUR TRAVERSER LA CRISE, ET POUR EN SORTIR.

« Je vais réviser à la mosquée parce que de 9h à 12h, il n’y a pas beaucoup de gens là-bas. Cela me permet d’avoir un temps ou personne n’est là et durant lequel je peux être concentrée. » Cette parade, Soraya l’a mise en place pour surmonter la difficulté que représente pour elle le suivi des cours à distance. Car depuis le début du mouvement social qui bloque l’île, les études ne sont plus assurées en présentiel à l’Université de Mayotte. Le remplacement de l’amphithéâtre par l’écran s’est imposé comme solution pour traverser cette crise.

« JE NE VOIS PAS COMMENT ON PEUT ASSURER LES COURS EN VISIOCONFÉRENCE »

« Une grande partie des étudiants n’a pas accès à internet », rétorque néanmoins Djasmine Saïd, présidente de l’Union étudiante de Mayotte. Si cette dernière arrive à se connecter, ce n’est malheureusement pas le cas de tous ses pairs.

DE LA 4G POUR LES ÉTUDIANTS Consciente de cette limite au suivi des cours à distance, l’université a noué un partenariat avec SFR afin que les étudiants puissent avoir la 4G nécessaire à leur apprentissage pendant les blocages. « On ne peut pas donner des clefs 4G aux étudiants, alors l’idée c’est qu’ils puissent charger leurs lignes directement », explique le président de l’Université de Mayotte, Abal-Kassim Cheik Ahamed, qui insiste sur l’importance pour l’ensemble de l’équipe éducative de faire perdurer l’apprentissage malgré les barrages. Ce dernier espère que ce type de collaboration pourra se faire avec d’autres opérateurs, afin que le plus d’étudiants possible puissent avoir accès à internet.

Une initiative saluée par Issia*, étudiante en troisième année de licence de droit: « Pendant le Covid, beaucoup d’étudiants n’avaient pas la possibilité de se connecter. Là, les choses ont nettement changé, l’université met en place des solutions. » Du côté du rectorat, on encourage le travail à distance. « Aucun risque ne doit être pris pour rejoindre votre lieu de travail en cas de barrages. Une organisation de travail à distance est préférable », donne pour consigne le recteur de l’académie de Mayotte, Jacques Mikulovic, dans une lettre adressée à l'ensemble du personnel de l'académie ce mercredi, ajoutant que les espaces numériques de travail (ENT) et la télévision doivent être mobilisés. Cédric*, professeur au lycée professionnel de Kawéni, à Mamoudzou, qui compte ses élèves présents en classe sur les doigts d’une main depuis le début de la crise, craint néanmoins pour leur apprentissage. « Je ne vois pas comment on peut assurer les cours en visioconférence. Une grande partie de mes élèves n’a pas internet ni d’ordinateur dans leurs foyers. Parmi ceux qui ont des téléphones, beaucoup n’ont pas la 4G avec », constate celui dont un grand nombre de collègues ne peuvent plus se rendre sur leur lieu de travail. Anticipant cette inquiétude, le recteur de l’académie de Mayotte a recommandé aux élèves et au personnel de se rendre dans les établissements scolaires les plus proches de chez eux, quand cela est possible, pour pouvoir accéder à des outils informatiques.

« ON NE PEUT PAS PRÉPARER NOS CANDIDATURES EN MASTER »

Et quand internet est disponible, il y a les problèmes de connexion. « Quand je suis dans

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Le personnel de l’université, dont son président Abal-Kassim Cheik Ahamed, et les étudiants au moment de la rentrée universitaire en août dernier. Image d’archive.

le cours, je vais parfois être déconnectée pendant cinq minutes. Et même si les professeurs acceptent de revenir sur le cours pour moi, parfois ça se déconnecte tellement que c’est moi qui n’ose plus redemander encore une fois de recommencer », regrette Soraya, qui étudie en deuxième année de licence en lettre moderne à l’université. Aux problèmes de connexion s’ajoutent ceux de concentration, que cette dernière ne cherche pas à dissimuler : « D’habitude je reste étudier toute la journée à l’université, car chez moi il y a ma famille, il y a du bruit, je suis plus distraite. » Les barrages n’entravent pas seulement les chemins de l’école, mais aussi celui des stages. On nous confie en effet que ces derniers sont obligatoires dans certains cursus d’études supérieures. Or, les stagiaires, bloqués, redoutent de ne pas pouvoir valider leur année. C’est également toute l’organisation qui se retrouve perturbée. « Il y a des rattrapages qui devaient avoir lieu en janvier. Les délibérations ont été retardées et on attend encore les résultats du premier semestre », regrette Rayane*, étudiant. « Pour ceux en troisième année, c’est compliqué, car ils ont besoin de ces résultats pour leurs candidatures de master qui commencent fin février début mars », alerte Djasmine Saïd. Cette situation est cause de stress pour Issia : « Ça m’inquiète énormément car nous, les étudiants à Mayotte, on est déjà défavorisés, on est écartés de la liste des masters. Là on ne peut pas préparer nos candidatures et ça fait vraiment peur. » Le président de l’université a bien conscience de cette problématique et reconnaît le retard qui a été pris. Regrettant une situation hors-normes, il se veut néanmoins rassurant. « Nous avons une plateforme en ligne sur laquelle nous allons pouvoir déposer les résultats. Nous faisons au mieux pour pouvoir apporter ces éléments dans les prochains jours. Et nous faisons tout afin de maintenir la communication avec les étudiants », insiste

Abal-Kassim Cheik Ahamed, qui précise que la plateforme de candidature aux masters ouvre le 29 février.

« UN CENTRE POUR LES MINEURS QUI COMMETTENT DES HORREURS »

Si des solutions pour traverser la crise semblent se dessiner pour ceux qui vont en cours, ces derniers ne manquent pas d’idées pour sortir durablement de celle-ci. « On devrait construire un centre pour les mineurs qui commettent des horreurs afin qu’ils prennent vraiment conscience de ce qu’ils font », propose Issia. Pour Rayane, tant que la situation de pauvreté dans l’Union des Comores ne sera pas réglée, il y aura toujours de l’immigration clandestine à Mayotte et des défis pour le 101ème département français : « Il faut que la France ait une politique efficace et collaborative avec les dirigeants comoriens, et ne plus soutenir ceux actuellement au pouvoir, illégitimes. » Ce dernier estime également qu’il faut que l’État français mette les moyens nécessaires pour que Mayotte soit un département à égalité avec les autres au niveau de la loi et de son application. Cédric, notre professeur de Kawéni, originaire de La Réunion, relève d’autant plus les inégalités de traitements que subit le territoire mahorais. « Tout est différent », commente celui qui peine à trouver un exemple. « Quand à La Réunion, des immigrés clandestins, souvent originaires du Sri Lanka, arrivent, ils sont directement reconduits. Ce n’est pas le cas ici », comparet-il. Selon lui, il faudrait également mettre fin au titre de séjour territorialisé pour réduire la pression migratoire sur Mayotte. « Je vois certains de mes élèves qui, à 18 ans, ne peuvent pas poursuivre leurs études ailleurs que sur l’île à cause de cela », dit-il. Enfin, se concentrer sur les jeunes est également primordial pour lui, qui estime que la délinquance est en partie due à une jeunesse laissée à l’abandon.

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DOSSIER

Marine Gachet

TÉMOIGNAGES

DIALOGUE ENTRE GÉNÉRATIONS EN QUÊTE DE SOLUTIONS

JEUNES COMME MOINS JEUNES TRAVAILLEURS SONT TOUT AUTANT IMPACTÉS PAR LE MOUVEMENT SOCIAL QUI SECOUE L’ÎLE. NOUS AVONS ÉCHANGÉ ENTRE UN FILS ET SON PÈRE SUR LES SOLUTIONS QU’ILS PERÇOIVENT POUR SORTIR MAYOTTE DES CRISES QU’ELLE TRAVERSE.

« Pour mon travail c’est compliqué, il n’y a pas de salaire du coup. C’est soit on pioche dessus soit sur mes congés payés, et je ne veux pas les prendre. Pour janvier ça va parce que j’ai pu travailler, mais pour le mois de février, je n’ai pas fait un seul jour de travail », décrit Liam*, qui devrait passer désormais quatre barrages pour se rendre sur son lieu de travail, à Mamoudzou. Un salaire alimentaire qui va manquer au jeune vendeur de 26 ans qui est aussi en difficulté du côté de sa seconde activité. Également auto-entrepreneur, il se retrouve bloqué. « Je ne peux pas me déplacer sur les chantiers. Niveau sous, ça va être compliqué », déplore-t-il. Pris dans cette tourmente, Liam regrette le manque d’implication de l’Etat pour trouver des moyens de sortir de la crise : « Les solutions, ce n’est pas qu’elles manquent, mais l’État doit prendre ses dispositions et assumer que l’île de Mayotte est en difficulté. » Les différentes générations d’accordent là dessus. On entend le même son de cloche du côté de son père, Ibrahim*, 60 ans : « L’Etat doit prendre ses responsabilités ». Travaillant dans le domaine du BTP, ses chantiers à lui aussi se retrouvent bloqués. Coincé à Hajangoua, il ne peut plus travailler non plus. « Avec les moyens qu’à la France, on est pas capable de contrôler les frontières à Mayotte ? Chacun doit faire son boulot », indique-t-il à l’adresse des élus et du gouvernement, interpelés sur l’insécurité et l’immigration clandestine depuis des années par la

population et depuis plus de deux semaines par les barragistes. Ibrahim dénonce une situation qui empire d’année en année et qui ne reçoit pas de réponse efficace.

« NOUS SOMMES UN DÉPARTEMENT, IL FAUT APPLIQUER LES RÈGLES DÉPARTEMENTALES » « Concernant l’immigration clandestine, des dispositions fermes doivent être prises pour qu’il y ait un dialogue avec l’Union des Comores », estime le fils de son côté. « Car même si on amène tout le matériel possible et ferme les frontières, dès lors qu’un kwassa en difficulté est sur les eaux françaises, on ne peut pas laisser les gens dans la mer. Il faut avoir une position ferme et envoyer le message que Mayotte n’est pas une île de transition, il faut qu’on ai les infrastructures pour renvoyer ces personnes, avoir les accords adéquats avec tous les pays concernés, car on ne pourra pas accueillir tout le monde. » Pour le père, la fin du titre de séjour territorialisé est nécessaire. « Et il n’y a pas besoin de loi Mayotte. Nous sommes un département, il faut appliquer les règles départementales. Pourquoi La Réunion ou l’Alsace n’ont pas de loi spécifique ? Chacun doit faire son job, la décentralisation, on la connait depuis 1981 », indique celui qui ne s’étonne pas de voir les barrages se soulever en ce moment. « Les élus ont failli à leur mission, la population a pris le relais et c’est logique, la

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Les travailleurs des différents générations sont bloqués depuis le début du mouvement.

nature a horreur du vide. Les élus doivent jouer leur rôle de représentants légitimes de la population. » Pour une réponse adaptée à l’insécurité, Liam estime qu’il faudrait par exemple des centres et des foyers adaptés pour les jeunes. « Mais l’Etat n’investit pas. Il y a des associations qui s’en occupent, mais sur cent jeunes elles peuvent en prendre deux », regrette celui qui déplore également que les pelotons envoyés à Mayotte depuis la métropole ne puissent pas s’adapter aux problématiques locales. « Il y a les coupeurs de route, les banga, la forte immigration. C’est complexe. Il nous faut des unités spécialisées, entraînées et composées de gens locaux pour pouvoir encadrer et aider les jeunes. » L’insécurité inquiète le père de famille pour ses enfants : « Le plus petit, il va à l’école. Vous imaginez, vous, de voir des gendarmes devant les collèges ? Est-ce qu’on voit ça ailleurs ? On doit pouvoir aller à l’école et aller travailler en sécurité. » Ibrahim craint que la défaillance de l’Etat en matière de sécurité pousse les Mahorais à commencer à se défendre eux-mêmes. « Or Mayotte est pacifique, nous voulons rester en paix dans le girond français. »

DES BARRAGES D’ANNÉES EN ANNÉES

pour me rendre au travail. Cela me permettais de faire des économies, mais maintenant c’est vraiment difficile », déplore Ben*, 40 ans, agent de sécurité dans le sud de l’île. Ce dernier était également présent lors des barrages de 2011 et de 2018. Pour lui, c’est une histoire qui se répète. « Je pense qu’il n’y a pas de grande différence, c’est la même chose. À ce moment là, Mayotte était asphyxiée comme maintenant. » À la lumière des barrages précédents et pour sortir de cette crise, il pense que l’unité et le dialogue sont absolument nécessaires : « Il faut que les Mahorais, les Mzungu, les Anjouanais échangent tous ensemble. Ça concerne tout le monde. » De son côté, Omar*, un habitant du nord de 40 ans qui avait participé aux barrages de 2018, se souvient qu’à ce moment là, il y avait surtout un seul barrage pour toute cette partie de l’île, à Longoni. « L’ambiance était bonne enfant, comme en manifestation », se rappelle-t-il. En 2024, il y en a davantage et Omar n’y est pas encore allé : « Cette fois-ci, je peux être en télétravail, alors j’en profite pour m’occuper des enfants. » Comme beaucoup entendu et revendiqué par les Forces vives de Mayotte, la fin du titre de séjour territorialisé s’avère nécessaire pour Omar. *prénoms d’emprunt.

« Je souffre beaucoup de la situation par ce que je traverse plusieurs barrages. Avant j’utilisais mon propre véhicule

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Karama Youssouf

L’OPÉRATION MAJI LAISSE DES TRACES DANS LA NATURE

Alors que la distribution massive de 14 millions de bouteilles d’eau potable a été une bouée de sauvetage pour les habitants de Mayotte touchés par la crise de l'eau, la situation environnementale prend un tournant inquiétant. Les pluies bienvenues, censées apporter la vie et la vitalité à l'île, déversent les restes de l’opération Maji sur les plages et les rivières.

Lundi 29 janvier, dix agents et un encadrant technique de Wenka culture ont ramassé seize sacs de bouteilles d’eau vides dans la zone centrale de Kawéni vers la caserne des pompiers. Le directeur de l’association, Saïd Omar, dit avoir remarqué et signalé la prolifération de ces bouteilles. « Il y avait beaucoup de bouteilles Australine (une marque d’eau de source distribuée aux habitants au début de l’opération Maji) dans les quartiers », constate celui qui a repris les opérations de ramassage en mai 2023. D e p u i s l e 2 0 n ove m b re 2 0 2 3 , l a distribution de bouteilles d’eau est étendue à toute la population. Au total, il y en a eu 14 millions qui ont été données à tous les foyers de l’île. Afin de limiter les déchets, les autorités ont mis en place une règle incitative dans le processus de distribution, une bouteille pleine est donnée en échange d'une bouteille vide rapportée aux points de distribution. Cette mesure vise à encourager le recyclage assuré par l’organisme Citéo, mais les résultats varient d'une commune à l'autre. Avec 7.000 mètres-cube de bouteilles récupérées, il est évident que la règle de l'échange ne garantit pas un retour à 100 %. Selon Christophe Lotigié, préfet de l'eau, « il est de 80 % dans une partie des communes, 50 % dans les moins bonnes ». Quid du reste alors ? Saïd Omar dit avoir alerté les autorités compétentes, mais « on ne nous a pas écoutés ».

Un ruissellement de plastique Ces bouteilles d’eau délaissées par les habitants sont désormais transportées jusqu'aux plages. Les côtes proches des villages, comme la plage de Majicavo Koropa, jadis entourées de mangroves florissantes, voient peu à peu leur disparition au profit d'une présence envahissante de plastique. Dans un effort conjoint pour sensibiliser à la crise de l’eau qui sévit actuellement, le rectorat de Mayotte organise une journée de ramassage le 14 février, en collaboration avec les collèges volontaires de l’île. Il est prévu que chaque collège sélectionne environ soixante élèves pour participer au ramassage dans les zones avoisinantes. Selon Phillipe Mocand, directeur du schéma industriel et outre-mer de Citéo, partenaire du projet, « l’objectif est de sensibiliser au geste de tri et du respect de l’environnement ». Une fois les déchets triés, ils seront expédies à l’Hexagone. Une autre étape est également prévue pour le 15 février avec une exposition en présence du préfet de Mayotte. Différentes thématiques liées à la gestion de la crise de l’eau et au déchet seront présentées au collège de Kwalè, en particulier, la gestion des bouteilles d’eau qui ne cessent de croître. L’enjeu de taille, à la crise de l’eau, il ne faudrait pas que se succède une crise environnementale. n

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La plage de Koungou est submergée par les déchets plastiques, dont des bouteilles récemment distribuées.

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LITTÉRATURE

LISEZ MAYOTTE

CINQ FEMMES (4/6)

AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE. La troisième nouvelle des Cinq femmes (2006) d’Abdou Salam Baco s’intitule : « La Femme qui croyait avoir trouvé le grand amour ». Le lecteur s’attend alors à une histoire qui repose sur une illusion et se termine sur une déception. Mais si telle est la trame, là n’est pas l’intérêt du texte. En effet, la nouvelle commence bien comme une bluette : « Je ne peux même pas décrire ce que je ressentais à ce moment précis. Mais je vais quand même essayer de le faire. Assise là à contempler le lagon, aux côtés de ce garçon que j’aimais davantage de jour en jour, avec Rossy qui nous caressait les oreilles de ses mélodies mielleuses, je sentais tout le bonheur envahir mon être. » (p. 82) Deux jeune gens seuls dans une voiture, au bout d’une jetée, face à la mer, écoutent de la musique. Cette dernière est celle de l’artiste malgache Paul Bert Rahasimanana et le morceau écouté n’est pas cité. Nous rappellerons la discographie de l’artiste avant 2006 pour indiquer ce qui était disponible pour les amoureux : Madagascar (1988), Island of Ghosts (1991), One Eye on the Future, One Eye on the Past (1992), Madagascar Spirit (1993), Bal Kabosy (1994), Léra (1996), Aoira (1998), Laô ! (2000) et Lehibe ny Ankizy (2001), Gasy’car (Tsarabest of Rossy) (2002). Mais dans cette nouvelle musicale, c’est le détail suivant qui attire notre attention : « Rossy s’était tu. Issa se leva pour changer de cassette, l’appareil n’était pas autoreverse ; il choisit de mettre une cassette de GuyGuy Fall, un jeune artiste congolais bourré de talent. Issa connaissait mon faible pour la musique congolaise. Ce n’est pas ce qu’on peut appeler de la musique romantique, mais c’était de la bonne musique africaine, qui avait aussi son charme. Dans sa voix grave et rauque, un peu nasillarde, GuyGuy Fall, l’Ambassadeur, conseillait aux

gens d’avoir de l’espoir tant qu’ils vivaient encore, et leur rappelait qu’on appréciait le vrai bonheur après l’avoir perdu. » (p. 83) L’ambiance sonore du texte n’est pas qu’un fond. Et dans le passage de la musique romantique à la musique africaine, nous voyons une façon pour le narrateur de dire que le texte est plus qu’une nouvelle sentimentale et Sandy pas seulement une amoureuse. La soirée romantique se termine comme on peut le penser : « Ce qui se passa ensuite fait partie de mon jardin secret » (p. 84). Pourtant, la nouvelle plaide pour une forme de liberté sexuelle. Que le lecteur sensible s’abstienne de la lecture de la citation à venir : « Assise là en face d’Issa, je pensais à cette fille grand-comorienne qui a été expulsée de l’île parce que les policiers l’avaient surprise en train de faire une pipe à son copain dans la rue, à M’gombani justement. Attentat à la pudeur. C’est ce qu’ils prétendaient. Mais quel mal y avait-il à faire une pipe à son copain dans la rue, le soir ? » (p. 80) La dernière question étant rhétorique, une réponse n’est pas vraiment attendue. Ce qui nous intéresse au premier chef dans cette nouvelle est qu’elle constitue l’un des textes du recueil où le féminisme est le plus visible. En effet, il ne s’agit plus d’une histoire d’homme vue par une femme, mais d’une histoire de couple, et peut-être plus encore de l’histoire de cette femme, comme en témoigne son problème principal : « Mais en même temps, une femme diplômée pose problème aux mecs d’ici, même ceux qui sont diplômés, je dirais même surtout eux. Je vois moi, avec mon pauvre CAP ‘petite enfance’, je dérange beaucoup ; le moindre écart de comportement de ma part, on dit que c’est parce que je suis une intellectuelle, alors que, parce que je n’ai jamais vraiment saisi le sens de ce mot, je

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ne me suis jamais considérée comme telle, loin de là ; seulement, comme j’aime bien discuter avec les garçons autre chose que la drague ou la baise, ils me prennent pour une intellectuelle, et ils se méfient de moi. Mais je m’en fous. » (p. 88) Cette citation problématise ce que signifie être intellectuel à Mayotte. Peut-on être intellectuel si, ironiquement, on ignore le sens de ce mot ? La définition endogène ici proposée est la possession de titres scolaires. Est intellectuel celui qui a un diplôme. Une personne nantie d’un CAP « petite enfance » ne paraîtra sans doute pas, à beaucoup de lecteurs, une intellectuelle. Mais il s’agit surtout ici de cerner le rapport de Mayotte aux diplômes. Tant que le titre de noblesse scolaire est rare à Mayotte, il suscite la méfiance. Si l’on repense le problème dans une optique féministe, l’intellectuelle est une diplômée qui fait peur aux hommes et une femme capable de parler d’autre chose que de sexe. Nous indiquons aussi en filigrane l’une des constantes du texte, à savoir la volonté d’appeler un chat un chat en recourant à un langage dont la verdeur se lit dans les citations qui précèdent. Nous terminerons cette chronique en revenant au titre de la nouvelle : « « La Femme qui croyait avoir trouvé le grand amour ». Car l’auteur met

en scène la griserie liée au sentiment amoureux, illusion vraie tant qu’elle dure : « J’oubliai dans quel pays je vivais ; j’oubliai les tracas que me causaient les sales cons de mon travail ; j’oubliai que je vivais dans un pays où les gens avaient le cœur qui brûlait de méchanceté comme le soleil du désert ; j’oubliai que la vie était une succession de tracas, un drame qu’il fallait vivre avec sérénité ; j’oubliai les inégalités qui rendaient malade notre société ; j’oubliai enfin qu’Issa était un garçon, et que les garçons étaient conçus pour faire souffrir les filles. Oui, j’oubliai tout cela pour ne penser qu’à la présence d’Issa à mes côtés, et à ce qui allait se passer, peut-être ce soir, entre lui et moi. Bref, j’étais heureuse, et je voulais que cet instant s’éternisât. » (p. 82) L’ u n e d e s hy p o t h è s e s q u i s o u s - t e n d c e t t e chronique est que l’auteur projette un certain nombre des préoccupations qui lui sont propres dans les personnages, masculins ou féminins, qui deviennent alors des miroirs. Dans la citation qui précède, on trouve les problèmes dont l’amour n’est pas la solution, mais le contrepoids, la compensation qui permet une mise en oubli. Christophe Cosker

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AVIS DE MARCHÉ - SERVICES

Avis de marché – directive générale, régime ordinaire Section 1 - Acheteur 1.1 Acheteur Nom officiel : Ville de Ouangani (MIPP - 976). Forme juridique de l’acheteur: Organisme de droit public Activité du pouvoir adjudicateur: Services généraux des administrations publiques. Section 2 - Procédure 2.1 Procédure Titre: ACCORD CADRE DE SERVICE D'ENTRETIEN D'ESPACES VERTS, D'ÉLAGAGE ET D'ABATTAGE D'ARBRES. Description: Il s'agit d'un accord cadre de prestations d'entretien d'espaces verts, d'élagage et d'abattage d'arbres sur l'ensemble du territoire de la commune de Ouangani (les abords du réseau routier communal, établissements scolaires, bâtiments administratifs communaux, établissements publics communaux, terrains de sports, jardins floraux de la ville, jardin rustique sommairement aménagé, places publiques, cimetières communaux, parkings publics ainsi que tout autre espace du domaine public ou privé de la commune dont le besoin pourrait survenir. Identifiant interne: OUA-2024-S001. Type de Procédure: Ouverte. Procédure accélérée: NON. Principales caractéristiques de la procédure: ACCORD CADRE DE SERVICE D'ENTRETIEN D'ESPACES VERTS, D'ÉLAGAGE ET D'ABATTAGE D'ARBRES : LOT 01-Entretien d'espaces verts ; LOT 02-Élagage et abattage d'arbres. 2.1.1 Objectif Nature du marché: services. Nomenclature principale (cpv): 77310000. 77211400. 77341000. 45111220. 2.1.2 Lieu d’exécution Adresse postale: MAIRIE DE OUANGANI. PLACE ZAKIA MADI. Ville: OUANGANI. Code postal: 97670. Code NUTS: FRY50. Pays: FRANCE.

2.1.3 Valeur Informations complémentaires du marché: 860000 EUR. Informations complémentaires du marché: 860000 EUR. 2.1.4 Informations générales Base juridique : Directive 2014/24/EU 2.1.5 Conditions de passation des marchés Le soumissionnaire doit présenter des offres pour tousLots. Nombre maximum de lots pour lesquels un soumissionnaire peut présenter une offre : . Nombre maximum de lots pour lesquels des marchés peuvent être attribués à un soumissionnaire : 1. 2.1.6 Motifs d'exclusion Section 5 - Lot 5.1 LOT N° : LOT-0001 Identifiant interne: LOT1. Titre: Entretien d'espaces verts. Description: Prestations d’entretien des espaces paysagers, ainsi que des opérations de désherbages manuel ou à l’aide de techniques alternatives, ainsi que certaines opérations de création de fausses de plantations.... 5.1.1 Objectif: Type de marché: services. Classification CPV: 77310000. 45111220. Quantité: 1 MTK. 5.1.2 Lieu d'exécution: Lieu d’exécution: MAIRIE DE OUNAGANI. PLACE ZAKIA MADI. Ville: OUANGANI. Code Postal: 97670. Pays: France. 5.1.3 Durée estimée: Date de début: 01/04/2024. Date de Fin: 31/03/2025. 5.1.4 Renouvellement: Nombre maximal de renouvellements: 3. 5.1.5 Valeur Valeur (hors TVA): 360000 EUR. Valeur maximale de l’accord-cadre: 360000 EUR. 5.1.6 Information General Les noms et qualifications professionnelles du personnel affecté à l’exécution du marché doivent être indiqués: Exigence dans le demande de participation Le marché est financé au moins partiellement par des fonds de l’Union européenne: Projet de passation de marchés non financé par des fonds de l’UE. 5.1.7 Achats stratégiques Approche de réduction des impacts environnementaux: none. 5.1.8 Critères d'accessibilité 5.1.9 Les critères de sélection Nom: Déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires

concernant les prestations objet du contrat, réalisées au cours des trois derniers exercices disponibles. Utilisation de ce critère: Utilisés L’acheteur se réserve le droit d’attribuer le marché sur la base des offres initiales sans autre négociation.. 5.1.10 Critères d'attribution Justification de la non-indication de la pondération des critères d’attribution : Les critères d'attribution sont détaillés dans le Règlement de consultation disponible à l'adresse du profil acheteur : https://www.marches-securises.fr/. 5.1.11 Documents de marché Pas de restriction en matière d’accès aux documents. Langues dans lesquelles les documents de marché sont officiellement disponibles : français. 5.1.12 Conditions du marché public Date limite de réception des offres : 04/03/2024 à 12:30. Soumission électronique : Requise Adresse pour la soumission : https:// www.marches-securises.fr/. Catalogue électronique : Non autorisée Langues dans lesquelles les offres ou les demandes de participation peuvent être présentées : français. Soumission électronique : Non autorisée Date limite jusqu’à laquelle l’offre doit rester valable : 120 Jour À la discrétion de l’acheteur, certains documents manquants relatifs au soumissionnaire peuvent être transmis ultérieurement. Conditions de présentation : Date/heure : 05/04/2024 à 12:00. Conditions du marché : Facturation électronique : Requise Le paiement électronique sera utilisé. 5.1.15 Techniques Accord-cadre, sans remise en concurrence Nombre maximum de participants : 1. Un système d’acquisition dynamique est impliqué : 1. Pas de système d’acquisition dynamique 5.1.16 Informations complémentaires, médiation et révision Organisation chargée des procédures de médiation : Tribunal Administratif de Mayotte Organisation chargée des procédures de recours : Tribunal Administratif de Mayotte Organisation qui fournit des informations complémentaires sur la procédure de passation de marché : ORG-0001 Organisation qui fournit un accès hors ligne aux documents de marché : ORG0001 Organisation qui fournit des précisions

concernant l’introduction des recours : Tribunal Administratif de Mayotte 5.1 LOT N° : LOT-0002 Organisation qui fournit des informations complémentaires sur la procédure de passation de marché : ORG-0001 Organisation qui fournit un accès hors ligne aux documents de marché : ORG0001 Organisation qui fournit des précisions concernant l’introduction des recours : Tribunal Administratif de Mayotte Section 8 - Organisations 8.1 ORG-0001 Nom officiel : Ville de Ouangani (MIPP - 976). Numéro d’enregistrement (SIRET) : 20000885200010. Département : 976. Adresse postale : PLACE Zakia MADI. Adresse postale : PLACE Zakia MADI. Ville : Ouangani. Code postal : 97670. Pays : FRANCE. Point de contact: YOUSSOUF AMBDI. Adresse électronique: mipp-conseil@ laposte.net. Téléphone: +33 269621530. Adresse internet: https://www.villeouangani.yt/. Profil de l’acheteur: https://www. marches-securises.fr. 8.2 ORG-0003 Nom officiel : Tribunal Administratif de Mayotte. Numéro d’enregistrement (SIRET) : 13000503600012. Département : Mayotte. Adresse postale : Les Hauts du Jardin du Collège. Ville : MAMOUDZOU. Code postal : 97600. Pays : FRANCE. Point de contact: Monsieur le Président. Adresse électronique: greffe.tamayotte@juradm.fr. Téléphone: +33 026961185. Adresse internet: http://mayotte.tribunaladministratif.fr/. Url d'échange d'informations: http:// mayotte.tribunal-administratif.fr/. Section 11 - Informations relatives à l’avis 11.1 Informations relatives à l’avis Identifiant/version de l’avis :1676ed4b7bc8-45c1-9c8e-671f9ac058ba Type de formulaire: Mise en concurrence. Type d’avis : Avis de marché – directive générale, régime ordinaire. Date d’envoi de l’avis: 01/02/2024 à 17:27. Langues dans lesquelles l’avis en question est officiellement disponible: français.

AVIS DE MARCHÉ - SERVICES

GIPEAM M. Adrachi VELOU - Directeur par intérim 1 rue du receveur Madi Combo lotissement Mlezi, 97680 Tsingoni SIRET 13002956400015 Référence acheteur : 202401300831

L'avis implique un marché public Objet : Achat d'ordinateurs portables Procédure : Procédure adaptée Forme du marché : Prestation divisée en lots : non Critères d'attribution : Offre économiquement la plus avantageuse appréciée en fonction des critères

énoncés ci-dessous avec leur pondération 70% Valeur technique 30% Prix Remise des offres : 16/02/24 à 20h00 heure locale de l'acheteur au plus tard, (soit le 16/02/24 à 18h00 heure de Paris au plus tard) Envoi à la publication le : 01/02/2024

Les dépôts de plis doivent être impérativement remis par voie dématérialisée. Pour retrouver cet avis intégral, accéder au DCE, poser des questions à l'acheteur, déposer un pli, allez sur https://www.marches-publics.info

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MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros 7, rue Salamani Cavani M’tsapéré BP 60 - 97600 Mamoudzou Tél. : 0269 61 20 04 redaction@somapresse.com Directeur de la publication Laurent Canavate canavate.laurent@somapresse.com Directeur de la rédaction Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com Rédactrice en cheffe Raïnat Aliloiffa

# 1075

Couverture :

île bloquée, peuple oublié

Journalistes Raïnat Aliloiffa Alexis Duclos Saïd Issouf Marine Gachet Audrey Margerie Direction artistique Franco di Sangro Graphistes/Maquettistes Olivier Baron, Franco di Sangro Commerciaux Cédric Denaud, Murielle Turlan Comptabilité Catherine Chiggiato comptabilite@somapresse.com Première parution Vendredi 31 mars 2000 ISSN : 1288 - 1716 RCS : n° 9757/2000 N° de Siret : 024 061 970 000 18 N°CPPAP : 0125 Y 95067 Site internet www.mayottehebdo.com

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