Mayotte Hebdo n°1060

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Cabinet d’expertise comptable, recherche un/une gestionnaire de paie. Vous effectuerez le recueil et le traitement des informations sur les salariés.

Vous établirez la paie, traiterez les éléments destinés aux organismes extérieurs.

Vous avez des connaissances sur la législation sociale en général et des règles spécifiques à Mayotte.

Vous avez un DUT gestion des entreprises et des administrations ou un BTS comptabilité et gestion des organisations.

- Lieu de travail : MAMOUDZOU

- Type de contrat : CDD/CDI selon profil

- Salaire : à convenir selon profil

- Formation : Bac+2 ou équivalent Comptabilité Exigé ou DUT gestion des entreprises

- Maîtrise des logiciels spécifiques de paie (quadrapaie apprécié)

Envoyez CV + lettre de motivation par mail : henri@cabinet-moi.com Poste à pourvoir rapidement

MOI RECHERCHE UN/UNE GESTIONNAIRE DE PAIE

LE MOT DE LA RÉDACTION

L’ESPOIR FAIT VIVRE

Les jours passent et se ressemblent à Mayotte. L’eau se fait rare dans les robinets, mais également en magasin. Les actes de violences se multiplient. Et les Mahorais sont toujours aussi résilients. Mais jusqu’à quand ? Quand est-ce que la population parlera d’une même voix pour dire stop à tout cela ? Les mobilisations de 2011 et 2018 contre la vie chère et l’insécurité semblent bien loin. Une grève illimitée est annoncée à partir de la semaine prochaine, par un grand nombre de syndicats, mais son retentissement jusqu’au plus haut sommet de l’Etat n’est pas garanti. Les Mahorais se mobiliseront-ils pour dénoncer les maux de Mayotte ? Personne n’en est certain. Une journée de grève signifie une diminution de salaire, et avec l’inflation, beaucoup ne peuvent se permettre ce luxe. Quoi qu’il en soit, il est nécessaire que cette belle île aux parfums trouve son salut rapidement. Cela passera certainement par la jeunesse qui est déterminée à prendre son destin en main. Qu’ils vivent à Mayotte ou à l’étranger, ces jeunes contribuent au rayonnement du territoire à travers le monde.

PROPOSENT UNE FORMATION AU BREVET PROFESSIONNEL DE LA JEUNESSE, DE L’EDUCATION POPULAIRE ET DU SPORT A DIEPPE en MÉTROPOLE

La formation d’une durée de 14 mois, alternant formation théorique et stage, permet de se présenter au Brevet Professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS) et de travailler ensuite dans des structures auprès de tout type de public pour encadrer des activités de découverte, d’animation et d’éducation.

Il faut être titulaire d’une attestation de formation relative au secourisme (PSC1, AFPS, PS1 ou 2, AFGSU 1 ou 2, SST) en cours de validité et justifier d’une expérience d’animateur professionnel (ou non) d’une durée minimale de 200 heures.

Début de la formation : 16 janvier 2024.

Renseignement :

Auprès de l’IFCASS au 02.35.82.67.18 et sur son site Internet www.ifcass.fr

Auprès de LADOM au 02.69.61.51.28 et sur son site Internet www.ladom.fr

www.facebook.fr/ifcass

Conditions d’entrée : Être inscrit au Pôle Emploi / avoir au moins 18 ans/ Avoir un foyer fiscal à Mayotte dont le quotient familial est inférieur à un montant qui vous sera communiqué par LADOM / Ne pas avoir bénéficié d’une autre aide à la mobilité dans l’année / Satisfaire aux épreuves de sélection.

PROPOSE UNE FORMATION TITRE D’ASSISTANT DE VIE AUX FAMILLES A DIEPPE en MÉTROPOLE

La formation d’une durée de 6 mois permet d’obtenir le titre d’assistant de vie aux familles et, ensuite, de travailler au domicile notamment auprès des personnes âgées. Aucune condition de diplôme n’est requise pour s’inscrire. Il faut néanmoins réussir l’épreuve orale.

Début de la formation : 11 janvier 2024 – Inscriptions jusqu’au 10 novembre 2023

Inscription sur le site Internet de l’IFCASS www.ifcass.fr

Renseignement :

Auprès de l’IFCASS au 02.35.82.67.18 et sur son site Internet www.ifcass.fr

Auprès de LADOM au 02.69.61.51.28 et sur son site Internet www.ladom.fr

www.facebook.fr/ifcass

Conditions d’entrée : Ces formations peuvent être accompagnées dans le cadre de la continuité territoriale sous réserve d’être inscrit au Pôle Emploi / d’avoir au moins 18 ans / d’avoir un foyer fiscal à Mayotte dont le quotient familial est inférieur à un montant actualisé chaque année / de ne pas avoir bénéficié d’une autre aide à la mobilité dans l’année / réussir les épreuves de sélection.

3 • Mayotte Hebdo • N°1060 • 06/10/20 23

tchaks

De l’eau en sachet distribuée au collège de M’gombani

Ce lundi matin, une opération de distribution d’eau potable en sachet a eu lieu au collège de M’gombani, à Mamoudzou. Cette distribution a eu lieu à la suite de difficultés concernant la qualité de l’eau, induite potentiellement par les travaux de raccordement de l’établissement scolaire au chemin de l’eau. Pour faire face à cette non-conformité détectée en milieu de semaine dernière, une « expérimentation a été lancée pour faire en sorte que l’on puisse distribuer de l’eau potable », explique le préfet de l’eau Gilles Cantal. Au total dans la matinée, 1.400 sachets d’eau potable produite par l’unité de potabilisation de l’unité des Formations civiles de la Sécurité civile ont été distribués. Mais les élèves ont fini par faire une bataille d’eau géante au sein de l’établissement scolaire.

La série réalisée par Jacqueline Guez promet de belles surprises aux téléspectateurs qui la suivent depuis le début. Cette deuxième saison est pleine de rebondissements. Après le visionnage des premiers épisodes à l’avant-première, au cinéma Alpajoe, ce lundi soir, le public était conquis. Tout le gratin mahorais et les partenaires ont fait le déplacement pour soutenir la réalisatrice mais également les acteurs, ainsi que l’équipe de tournage. Le premier épisode de la deuxième saison sera diffusé le 9 octobre prochain, sur Mayotte la 1ère.

Démolition de bangas à côté du stade Bamana à Mamoudzou

Ce mardi 3 octobre, la deuxième opération de décasage de l’année dans Mamoudzou a eu lieu aux abords du futur stade de Bamana, suite à l’arrêté préfectoral du 23 juin dernier. Les services de la préfecture de Mayotte ont procédé à la destruction de 18 habitations insalubres en tôles, qui abritaient 14 familles françaises ou étrangères en situation régulière. Cinq d’entre elles, soit une vingtaine de personnes, ont accepté la solution d’hébergement proposée par la préfecture. Ce mardi, les neuf autres avaient soit déjà quitté leur logement, soit étaient présentes lorsque les agents et les associations sont arrivés, vers 6h. Des solutions d’hébergements notamment à Tsoundzou, sont assurées par les associations Coallia et Mlezi Maoré. Ces familles seront logées pour une durée de six mois renouvelables, et auront un accompagnement social.

4 • Mayotte Hebdo • N°1060 • 06/10/20 23
La deuxième saison de Colocs présentée en avant-première

Grève illimitée dès ce lundi

A la suite du préavis de grève intersyndical, déposé par une grande majorité de syndicats à Mayotte, aucun accord n’a été trouvé à l’heure actuelle. De ce fait, la grève illimitée annoncée à partir du 9 octobre prochain, aura lieu. L’intersyndicale pointe les «conditions de vie extrêmement difficiles à Mayotte » : insécurité, dégradation des services publics et cherté de la vie. Elle demande une augmentation de l’indexation. Elle réclame également une eau potable et la résorption de la crise de l’eau à Mayotte.

Dessin de l’artiste Phil qui illustre bien la situation de la crise de l’eau à Mayotte

5 • Mayotte Hebdo • N°1060 • 06/10/20 23

LU DANS LA PRESSE

Chaque semaine, découvrez le regard porté sur l’actualité locale à travers la presse nationale ou régionale

DES BIDONVILLES AUX CENTRESVILLES : « MAYOTTE A SOIF »

Restriction de l’eau, fermeture de classes, factures

Mamoudzou, Mayotte (976) – « On veut de l’eau. » Pancarte dans une main, bouteille vide dans l’autre, des centaines de manifestants convergent vers le centre de Mamoudzou, ce mercredi 27 septembre 2023. Objectif : dénoncer la gestion de la crise de l’eau et ses responsables. « Il faut choisir entre le champagne pour quelques-uns et l’eau potable pour tous » , peut-on lire sur plusieurs affiches. La phrase est de l’homme politique burkinabé et héros africain décédé Thomas Sankara, qui résonne avec justesse pour la population mahoraise, soumise à un manque de ressources inédit. Mayotte est concernée par des pénuries depuis 2016. Le rythme des coupures s’est intensifié et ne laisse désormais que deux jours d’eau courante par semaine. Écoles, hôpitaux, foyers : tout le monde est concerné. En cause, une sécheresse sans précédent, doublée d’un grave manque d’anticipation des pouvoirs publics. En fond, il y a aussi des scandales à répétition, mêlant absence de suivi et détournement de fonds.

« Maintenant c’est dur pour tout le monde. C’est triste. » Fazdati (1) a 20 ans et habite à 30 kilomètres au sud du chef-lieu, dans un village précaire, haut perché où la plupart des maisons n’ont pas l’eau courante. Les sévères restrictions des dernières semaines révèlent en réalité la précarité d’une partie de la population. Au moins un tiers des habitations n’a pas d’eau courante.

Le quotidien de l’île impacté

« Fermez votre compteur d’eau plusieurs jours d’affilée et vous verrez ce que ça fait ! » s’énerve Racha Mousdikoudine, coordinatrice du

mouvement Mayotte a soif, à l’initiative du rassemblement. Depuis juillet et le début de la crise, son domicile sur les hauteurs du quartier des Badamiers, en Petite-Terre, n’est quasiment plus alimenté en eau. Elle est contrainte de remplir des bassines en contrebas. « On vit avec nos excréments sans pouvoir tirer la chasse d’eau. » Après plusieurs jours coupés, l’eau qui arrive dans les robinets des maisons est bien souvent marron et non potable à la réactivation du réseau.

La femme de 34 ans et ses bénévoles rassemblent les pièces administratives de manifestants, pour poursuivre la Société mahoraise des eaux (SMAE), filiale de Vinci. L’un des premiers objectifs de l’événement est d’imposer l’annulation des factures, qui continuent de gonfler malgré les coupures. Plus loin, l’entrepreneuse et personnalité médiatique, Jane Jaquin, a du mal à répondre à toutes les sollicitations. Dès l’annonce des coupures de 48h, elle a lancé le visuel : « Mayotte a soif » , sur ses réseaux sociaux. Elle en a ensuite fait des t-shirts, que de nombreuses personnes portent aujourd’hui. « Mon quotidien, c’est de stresser car je n’ai plus de linge propre. » Jane Jaquin s’est également résignée à se couper les cheveux pour limiter sa consommation d’eau et de produits. Elle, la présentatrice emblématique du rendez-vous capillaire mahorais, l’émission Cheveux chéris. Un choix qu’elle dit « écologique et économique »

Des institutions en sous-France

« J’ai mis quatre heures pour récupérer une seule bouteille lors d’une distribution » , s’indigne un

6 • Mayotte Hebdo • N°1060 • 06/10/20 23
Par Cyril Castelliti , Gregoire Mérot pour Street Press. Publié le 03/10/2023
exubérantes, eau non potable… Mayotte s'enfonce dans une crise de l'eau aux conséquences dramatiques dans les quartiers les plus précaires.

jeune homme. Il y a les gestes perturbés du quotidien, mais aussi la nécessité d’eau potable. À Mayotte, un département où 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté, le pack de six bouteilles d’eau affiche des prix exorbitants : entre cinq et 10 euros. Alors le ministre délégué chargé des Outre-mer, Philippe Vigier – qui vient de débarquer en catimini pour une visite de deux jours –, a promis la distribution d’eau en bouteille. Une première action déployée en priorité par le gouvernement, qui en a commandé plus de cinq millions. Mais pour ce manifestant, les démarches sont trop compliquées et les queues infinies. Le calvaire continue dans les écoles. « On avait déjà des conditions d’hygiène et d’accueil déplorables. Là, c’est catastrophique » , déplore le secrétaire général de la CGT Educ’action Mayotte, Bruno Dezile, qui n’a pas attendu la crise de l’eau pour tirer la sonnette d’alarme. Les collèges et les lycées sont censés être raccordés en eau malgré la pénurie. « Mais elle n’est pas potable » , dénonce-t-il. Leurs alertes sont restées sans réponse : « Il a fallu mettre la pression sur le rectorat pour fermer les établissements lorsqu’ils n’étaient plus alimentés. »

« L’hôpital a soif » , s’indigne Echati M’chami, syndicaliste CGT au sein du Centre hospitalier de Mayotte (CHM), le seul de l’île. Le service de maternité périphérique est impacté par le manque d’eau. « On a commandé des citernes, mais leur eau n’est pas potable. Chez les patients, on assiste à une augmentation de diarrhées aiguës et des infections dermatologiques… » Un drame particulièrement visible dans les quartiers précaires.

La crise de l’eau permanente

Fazdati dévisse le bouchon d’un jerrican bleu. Elle est de corvée d’eau, un exercice éprouvant et périlleux auquel se plient tous les jours les habitants de son village de Mtsamoudou. Il faut grimper un coteau pour arriver dans son quartier : une trentaine de cases en tôle surplombant un terrain de foot aride, qui ne semble plus avoir connu un brin d’herbe depuis des siècles. La vingtenaire fait le plein à la borne fontaine, avant de rejoindre sa maison, une centaine de mètres plus loin.

Une très fine minorité des maisons voisines a l’eau courante ou l’électricité. « Ici, ça a toujours été la galère. » Fazdati emprunte une longue côte rocailleuse pour retrouver sa mère, Hadidja (1). Les deux femmes déversent le précieux liquide dans la réserve familiale : une citerne de 150 litres, qu’il faut remplir toutes les semaines pour la consommation des sept membres de la famille (2).

La mère de famille habite là depuis plus de 20 ans. « Avant, nous avions un arrangement avec des voisins qui habitent des maisons en dur : ils étaient d’accord pour qu’on se branche chez eux et on partageait la facture. » Mais en 2016, Mayotte connaît sa première grande crise de l’eau et les robinets des particuliers, particulièrement dans le sud de l’île, sont à sec plusieurs jours d’affilée. « À cette époque, beaucoup disaient que c’était de notre faute. » Hadidja et sa famille sont Comoriens, comme la plupart des habitants des bidonvilles de l’archipel français. Une communauté historiquement stigmatisée et victime de racisme. «

Ça a créé des tensions. Alors les habitants ont arrêté de nous fournir » . La matriarche s’adosse au poteau de sa terrasse, dernière amélioration en date de la petite maison en tôle. Après un silence, elle confie à quel point leur quotidien s’est compliqué.

Pendant plusieurs années, les habitants du village se débrouillent comme ils le peuvent : certains captent directement l’eau d’une rivière sans doute polluée ; les plus vaillants se fournissent à une lointaine borne fontaine, qui nécessite plusieurs heures pour s’y rendre et en revenir, tous les jours. Pendant un temps, d’autres puisaient des seaux dans une source au pied du quartier. Elle est désormais tarie.

Les bulldozers

« C’était très dur, alors les mamans ont décidé de s’organiser pour réclamer une borne plus proche » , se rappelle Hadidja. « C’était en quelle année déjà… ? » « 2020-ti ! » répond une autre maman depuis sa maison, derrière les tôles brûlantes. Cette même année, l’Agence régionale de santé (ARS) et le Syndicat des eaux décident de l’installation de dispositifs payants d’accès à l’eau potable près des quartiers défavorisés, dans l’espoir de stopper la propagation de maladies oubliées en Europe. La peste, le choléra ou la fièvre jaune restent endémiques dans le département le plus pauvre de France.

Le récit local veut que les mamans aient obtenu, à force d’acharnement, l’installation de la borne. « Ça a été un soulagement » , raconte la mère. « C’était encore fatigant » , répond sa fille, qui lui remémore les heures de queues perdues en plein cagnard. Aujourd’hui, l’attente était moins longue. Le mois dernier, les autorités ont installé cinq robinets supplémentaires – appelés des rampes d’eau potable – pour enrayer la consommation de l’eau des rivières, non traitée ou stagnante.

Des conditions qui restent précaires, mais auxquelles les habitants n’ont pas d’autres choix que de s’en accommoder. Surtout que le quartier est désormais menacé de démolition par la préfecture de Mayotte. « On va devenir quoi ?! » Hadidja a peur. Si l’eau s’est arrêtée de couler partout dans l’île, les bulldozers continuent à démolir les bidonvilles dans le cadre de l’opération Wuambushu, dont les objectifs ne sont pas atteints. « C’est terrible, c’est ma vie qui s’effondre, tout ce qu’on a construit, même si ce n’est pas beaucoup. » Lancée en mai dernier par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, la gigantesque opération de lutte contre l’immigration illégale a provoqué l’expulsion de milliers de sans-papiers et la destruction de bidonvilles. La matriarche tranche : « Je crois que je préfère mourir de soif. »

1) À la demande de la famille, les prénoms ont été modifiés.

(2) La consommation moyenne des ménages modernes mahorais est de 95 litres d’eau par jour et par personne. Selon Solidarités international, ONG spécialisée dans l’accès à l’eau, la consommation dans les quartiers précaires de Mayotte représente quant à elle 15 litres d’eau quotidiens par personne. Les rampes d’eau, régulièrement dénoncées par une partie de la population comme un accès indu et une source de gabegie hydrique qui, en 2022, représentaient 1% de la consommation de l’île.

7 • Mayotte Hebdo • N°1060 • 06/10/20 23

Ces Mahorais qui réussissent ailleurs

LORSQUE L’ON VIENT DE MAYOTTE, IL N’EST PAS TOUJOURS

ÉVIDENT D’IMAGINER UNE VIE EN DEHORS DU TERRITOIRE FRANÇAIS. LA PLUPART DES MAHORAIS QUI ONT QUITTÉ LEUR

ÎLE VIVENT À LA RÉUNION OU EN FRANCE MÉTROPOLITAINE.

ET POURTANT, CERTAINS ONT OSÉ ALLER BIEN AU-DELÀ DES FRONTIÈRES FRANÇAISES AFIN DE VIVRE DE NOUVELLES AVENTURES. AUJOURD’HUI, LES MAHORAIS SONT INSTALLÉS DANS LES QUATRE COINS DU MONDE, MÊME S’ILS NE SONT PAS REPRÉSENTÉS MASSIVEMENT. DANS CE DOSSIER, NOUS VOUS PROPOSONS UNE SÉRIE DE PORTRAITS DE MAHORAIS, SOUVENT JEUNES, QUI ONT FAIT LE PARI DE VIVRE À L’ÉTRANGER. CERTAINS SONT DANS DIFFÉRENTS PAYS EUROPÉENS, D’AUTRES EN AMÉRIQUE ET PUIS UNE PARTIE SUR LE CONTINENT AFRICAIN. ILS INSUFFLENT UN ÉLAN D’ESPOIR À

CEUX QUI HÉSITENT ENCORE À TENTER L’AVENTURE.

8 • Mayotte Hebdo • N°1060 • 06/10/20 23
DOSSIER
9 • Mayotte Hebdo • N°1060 • 06/10/20 23

JULIA DAKA FIGURE AU CLASSEMENT 2023 DES 30 UNDER 30 DU MAGAZINE FORBES AFRIQUE.

JULIA DAKA, PREMIÈRE MAHORAISE AU CLASSEMENT DU FORBES AFRIQUE

RÉCEMMENT MISE EN LUMIÈRE PAR LE MAGAZINE FORBES AFRIQUE, JULIA

DAKA A UN PARCOURS HORS DU COMMUN. ENFANCE ENTRE MAYOTTE ET LA RÉUNION, MANNEQUINAT, ARCHITECTURE, PRODUCTION ARTISTIQUE, PHILANTHROPIE… LES CORDES NE MANQUENT PAS À L’ARC DE LA MAHORAISE.

« Au début, on pense que c’est une blague. » C’est la première réaction qu’a eu Julia Daka quand les journalistes de Forbes Afrique l'ont contactée pour la faire figurer dans le classement des « 30 under 30 », connu pour mettre en lumière trente personnalités de moins de trente ans. Une pensée qui est revenue à la charge lorsqu’ils lui ont indiqué qu’elle serait peutêtre en couverture du magazine. Et pourtant. En juin dernier, la mannequin et architecte réalise que ce n’est pas une plaisanterie quand elle découvre son visage en Une. « Je suis encore en train d’assimiler la nouvelle, livre Julia Daka.

C’est comme si, d’un coup, tu venais d’absolument rien et que tu t’asseyais sur le toit du monde pour contempler des années de travail qui sont, en un instant, validées par un des plus gros magazine économique et culturel du monde. »

Première Mahoraise à apparaître dans ce classement, Julia Daka regrette que cela n’ait pas été fait avant : « Je me dis que ça aurait dû être le cas depuis très longtemps, car j’ai rencontré des

PARTIR DE RIEN

Peu auraient pu prévoir que la jeune Mahoraise se hisserait ainsi dans ce genre de magazine. Née à Mayotte, elle part pour La Réunion à l’âge de cinq ans, où elle connaîtra une très grande précarité avec sa famille. « Je ne garde pas vraiment de souvenir particulier de Mayotte. Juste les goûts, les odeurs, et ma nounou qui habite toujours dans la même rue et que je vois à chaque fois que je reviens », se remémore Julia Daka, qui reviendra néanmoins à chaque vacances d’été sur son île natale pendant son enfance. Un jour, alors qu’elle vient de finir le lycée, elle participe à un concours de beauté pour devenir égérie d’une marque. Si elle s’arrête aux finales du concours, l’aventure ne fait que commencer pour la jeune femme. La photographe russe Elena Iv-Skaya l’a repérée à cette occasion et lui propose de faire des tests photo. « Les quinze premières photos qu’on a faites ensemble ont fini par faire le tour du monde », se souvient Julia Daka. Elle fait alors la couverture du magazine New African Woman et son visage se retrouve jusque dans le métro de Londres.

ENTRE LE MANNEQUINAT ET L’ARCHITECTURE

Mahorais et des Mahoraises tout aussi talentueux que moi et qui n’ont pas réussi à être repérés. Qu’il ait fallu attendre 2023 pour atteindre un classement Forbes, je trouve ça très bizarre. »

Alors que le champ des possibles dans le mannequinat s’ouvre pour la Mahoraise, elle part à Paris avant tout pour devenir architecte, son rêve d’enfance. Elle réussit à intégrer l’Institut supérieur des arts appliqués, ses études financées par le département de Mayotte. C’est pendant cette période qu’elle réalise le projet d’architecture dont elle est le plus fière : une loge viticole sous la forme d’une loge-lit à Châlons-en-Champagne, qu’elle réalise pendant une université d’été en 2017.

10 • Mayotte Hebdo • N°1057 • 15/09/20 23 PORTRAIT
Marine
Gachet
« AU DÉBUT, ON PENSE QUE C’EST UNE BLAGUE »

« Je me dis que j’ai cette micro-cabane dans les vignes que je peux retourner voir », commente l’architecte, qui continue le mannequinat en même temps.

Depuis, Julia Daka a créé son propre studio de production créative. « On se concentre sur la direction artistique, la scénographie, des choses plus petites et rapides à faire que des projets en architecture. On vient en aide à des marques en les mettant en relation avec des sujets plus sociaux, solidaires ou culturels. »

UNE FORTE ATTACHE AUX MAHORAIS

Cette carrière internationale lui permet de s’enrichir de cultures très différentes, par les gens qu’elle rencontre, mais aussi par les voyages qu’elle fait. Parmi les pays qui l’ont le plus marquée, on retrouve les Etats-Unis. « J’ai

beaucoup aimé New-York, car tout le monde vient d’ailleurs, les rencontres se font naturellement et on finit par arriver dans des endroits assez hauts rapidement. Et puis, à Los-Angeles, on a l’impression que rien n’est impossible » Mais Mayotte ne reste jamais loin de l’esprit de Julia Daka. En 2020, elle crée l’association Sadaka pour venir en aide aux enfants mahorais et d’Afrique de l’Est, en les initiant à différentes formes d’art. « C’est un projet que j’avais en tête depuis longtemps. C’est pendant le Covid, quand j’ai vu l’injustice s’installer trop fort que je l’ai concrétisé. C’est à nous, jeunes Mahorais qui vivons en métropole ou ailleurs de donner les réponses aujourd’hui, car on a tout ce qu’il faut pour », défend celle qui reste très attachée à la population, à l’histoire et la culture de son île natale.

11 • Mayotte Hebdo • N°1057 • 15/09/20 23
Crédit photo : Renaud Labelle

ABASSE TWALAL HAROUNA AU CANADA COMME À LA MAISON

LE TRENTENAIRE NE COMPTE PLUS LES ANNÉES PASSÉES AU QUÉBEC. CET ANALYSTE DE DONNÉES INFORMATIQUES A CONSTRUIT TOUTE SA VIE DANS LE PAYS DU GRAND NORD ET IL A RÉCEMMENT CRÉÉ UNE ASSOCIATION AFIN DE PERMETTRE AUX ÉTUDIANTS MAHORAIS DE TENTER L’AVENTURE CANADIENNE.

12 • Mayotte Hebdo • N°1058 • 22/09/20 23
PORTRAIT

Le Canada, il en rêvait et il l’a fait. À la fin de ses études, Abasse Twalal Harouna décide de quitter tout ce qu’il a toujours connu pour partir vers l’inconnu. « Je suis passé par un programme vacancestravail. Je suis parti avec ma copine sans connaître personne, avec nos valises et 3000€ pour nous deux » , raconte-t-il. Le jeune couple est immédiatement séduit par le Québec et décide de s’installer pour une longue durée. « C’est l’envie de découvrir de nouvelles aventures et de sortir de ma zone de confort qui m’ont poussé à le faire » , continue-t-il. Certain de son choix de vie, il demande rapidement sa résidence canadienne. Twalal devait rester dans son pays d’accueil seulement un, mais douze ans plus tard il y vit encore et il y a fondé sa famille. « Aujourd’hui je suis fier de dire que je suis un citoyen canadien. J’ai eu mes deux enfants ici, j’ai une maison. Toute ma vie est ici maintenant. » Et même s’il se dit très attaché à Mayotte, il n’envisage pas d’y retourner. « Je veux que mes enfants grandissent ici car la qualité de vie est meilleure. Et puis l’approche d’enseignement est différente de celle de la France et je la trouve plus intéressante » , affirme le père de famille.

PERMETTRE AUX AUTRES MAHORAIS DE DÉCOUVRIR LE CANADA

Lorsque Twalal et sa compagne arrivent sur cette terre de l’Amérique du nord, ils cherchent leurs compatriotes Mahorais mais constatent qu’il n’y en a pas. « Pourtant, il y avait des Comoriens, des Malgaches, des Mauriciens, des Réunionnais, mais pas de Mahorais et ça m’a surpris » , se souvient-il. C’est la raison pour laquelle, il y a trois ans, il décide de créer l’association « Mobilité Mayotte Québec » . À travers ce dispositif, en partenariat avec plusieurs institutions dans le département, il permet aux étudiants Mahorais de partir étudier au Québec. C’est sa façon de contribuer au rayonnement de son île à distance. « Si je ne faisais rien pour Mayotte, je serais malheureux. Je reste toujours connecté à mon pays.» Il est la preuve que même si l’on est loin, il est toujours possible d’apporter sa pierre à l’édifice. Selon Abasse Twalal Harouna, voyager est un cadeau qu’il faudrait s’offrir afin de découvrir le monde et vivre de nouvelles aventures. « J’aimerais dire aux jeunes de ne pas avoir peur. Osez rêver ! Et donnez-vous les moyens de réaliser vos rêves. Ne laissez personne vous dire que vous ne pouvez pas » , clamet-il. L’informaticien est ravi d’avoir sauté le pas, mais si c’était à refaire « je l’aurais fait plus tôt parce que quand on est jeune on peut faire des erreurs. Alors que lorsque je suis arrivé, je ne me suis pas donné le droit à l’erreur » , précise-t-il. Et les parents ont un rôle à jouer dans tout cela. « Ils doivent soutenir les projets de leurs enfants au lieu de créer de la peur. C’est ce qui les empêche d’aller aussi loin » affirme le franco-candien. Grâce à son association, il espère insuffler un peu de chaleur au Québec avec les Mahorais qui s’y installent petit à petit.

Le franco-canadien travaille dans le domaine de l’informatique en tant qu’analyste de données. Il a changé plusieurs fois de métier sans rencontrer de difficultés et c’est l’une des raisons pour lesquelles il aime son deuxième pays. « Lorsque je me suis installé au Québec, je voulais m’exprimer et créer et c’est ce que j’ai trouvé. J’ai pu faire différents métiers car tout est simplifié, comparé à la France. »

13 • Mayotte Hebdo • N°1058 • 22/09/20 23
« SI JE NE FAISAIS RIEN POUR MAYOTTE, JE SERAIS MALHEUREUX »
« NE LAISSEZ PERSONNE VOUS DIRE QUE VOUS NE POUVEZ PAS »

YASMINA SAID

MOINDJIE, INGÉNIEURE POUR UNE MARQUE DE MONTRES EN SUISSE

UNE CARRIÈRE D’INGÉNIEURE EN MÉCANIQUE EN SUISSE, C’EST LA VOIE QU’A PRISE YASMINA SAID MOINDJIE, QUI A GRANDI À MAYOTTE. APRÈS SES ÉTUDES ENTRE LA RÉUNION ET LA MÉTROPOLE, ELLE DÉCIDE DE S’INSTALLER À FRIBOURG PUIS À GENÈVE.

14 • Mayotte Hebdo • N°1060 • 06/10/20 23 PORTRAIT
Marine Gachet
Yasmina Said Moindjie est ingénieure mécanique.

C’est à Petite-Terre que Yasmina Said Moindjie voit le jour. Sa scolarité se passe sans encombre entre l’école Jadessiane et le collège Zena M’Déré. Au lycée, elle déménage à Sada. C’est là que ses professeurs vont susciter chez elle l’envie de devenir ingénieure. « J’était plutôt forte en maths et en physique et mes professeurs m’ont donné une définition du métier d’ingénieur qui m’a donné envie de faire ce métier : une personne capable de transformer une idée en service ou en objet » , se souvient celle qui était alors une grande adepte du lagon et des sorties en bateau.

Le Bac en poche, elle part pour trois ans en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) à La Réunion. C’est à ce moment-là qu’elle découvre que c’est l'ingénierie mécanique qui l’intéresse le plus. « J’aime bien car on peut toucher les équations, c’est assez explicite car elle se traduisent concrètement. Si une équation définit que quelque chose tourne, on peut le voir » , détaille-t-elle.

DÉPART POUR LA SUISSE

Elle part ensuite à l’Université de technologie de Compiègne, en métropole, et se spécialise dans la mécanique puis en production intégrée et logistique. En clair, la spécialité qui permet de savoir superviser toutes les étapes de fabrication d’un objet. La jeune femme s’épanouie dans cette école, puis effectue plusieurs stages en métropole. Quand vient le moment de réaliser son stage de fin d’étude, elle choisit de partir à l’étranger. Son choix s’arrête sur la Suisse, à Fribourg, où elle part travailler dans une entreprise qui fabrique des moteurs à gaz et à diesel utilisés pour les engins de chantier, agricoles ou les bateaux de pêche. « À l’issue de mon stage, je suis restée un an en contrat

là-bas. J’aime beaucoup la vie en Suisse, la qualité des conditions de travail et le niveau de vie » , ajoute Yasmina Said Moindjie.

C’est ainsi qu’à l’issue de cette année, elle choisit de rester pour travailler à Genève dans une autre entreprise, Chopard, qui fabrique des montres de luxe et des bijoux. « C’était un peu dur de passer des moteurs aux montres » , plaisante celle qui a commencé son nouvel emploi en septembre. Là aussi, son travail consiste à superviser la fabrication, vérifier qu’il y ait les bonnes machines, les bons outils, rédiger les étapes de fabrication… « Par exemple, je dois indiquer à l’opérateur quelle visse monter avant l’autre » , détaille la jeune femme.

DES PAYSAGES MAGNIFIQUES

Un des points forts de la Suisse qui a convaincu Yasmina Said Moindjie de rester sont ses randonnées. « Je faisais beaucoup de randonnées à La Réunion et même à Mayotte, tous les dimanches avec ma mère. Ici ce n’est pas de la verdure tropicale, mais la nature et les cascades sont magnifiques » , décrit-elle. Au-delà de ça, la Mahoraise estime que cette expérience à l’étranger lui a apporté une véritable ouverture sur le monde : « Je pratique l’anglais, j’ai commencé l’allemand. Je me suis ouverte à différentes cultures et manières de penser, de travailler. Cela m’a sortie de ma zone de confort, ce qui fait qu’aujourd’hui je m’adapte facilement à toute personne et tout environnement. »

Néanmoins, Yasmina Said Moindjie pense revenir vivre un jour sur son île natale. « À long terme je pense que je vais rentrer, quand je commencerai à fonder une vie de famille. J’aimerais bien que mes enfants grandissent à Mayotte, et qu’après ils voyagent bien sûr ! »

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La jeune femme aime particulièrement la Suisse pour ses randonnées et ses paysages.

KAMILIA RACHIDI : LONDRES, UN RÊVE ÉVEILLÉ

DEPUIS BIENTÔT TROIS ANS, KAMILIA RACHIDI TRAVAILLE DANS LES BUREAUX DE LA MULTINATIONALE FRANÇAISE LACTALIS, À LONDRES. À SES DÉBUTS, ELLE N’AVAIT QUE LES BASES DE LA LANGUE DE SHAKESPEARE, MAIS CELA N’A PAS ÉTÉ UN FREIN POUR ELLE. AUJOURD’HUI, ELLE VIT SON RÊVE ET ENCOURAGE SES COMPATRIOTES MAHORAIS À FAIRE DE MÊME.

Kamilia Rachidi a toujours été convaincue d’une chose : elle voulait apprendre l’anglais. Elle a bien évidemment eu des cours de langue dans le secondaire, mais elle souhaitait aller plus loin. « Ce que j’avais appris n’était pas suffisant. Je voulais améliorer mon anglais parce que je savais que c’était très important dans mon domaine de travail et même pour la vie de tous les jours » , raconte-t-elle. Pourtant après une licence en biologie puis un master en agroalimentaire, spécialisée en analyse sensorielle, une opportunité s’offre à elle et elle rentre travailler à Mayotte en tant que chargée de mission agro-alimentaire car cela correspondait exactement à ce qu’elle avait étudié. Elle s’épanouit pleinement dans ce premier travail, mais son rêve d’apprendre l’anglais ne s'essouffle pas, bien au contraire. Au bout de trois ans, elle décide de participer au programme Erasmus + organisé par le centre de formation Daesa à Mayotte. Kamilia renonce à la sécurité de l’emploi et en 2020, elle s’engage pour six mois à travailler dans une école maternelle à Londres. «C’était un travail complètement différent de mon domaine, mais l’objectif était d’apprendre la langue et d'être en immersion dans le pays d’accueil » , explique-t-elle. Cependant, au bout de trois mois, la crise de la Covid-19 chamboule tout et la jeune femme est confinée dans une ville qu’elle connait à peine. Cela ne l’empêchera pas d’aller au bout de ses engagements. Elle prend un réel plaisir à vivre outre-Manche et décide de postuler pour intégrer le groupe Lactalis en tant que spécialiste en analyse sensorielle. « J’avais amélioré mon anglais mais je n’avais pas non plus un très haut niveau et pourtant j’ai été prise », rappelle-t-elle fièrement. Passionnée par son métier, elle affirme « adorer » son travail. « Je fais de l’analyse sensorielle, c’est une science qui étudie les caractéristiques d’un

produit en se basant sur les 5 sens. Je m’assure que les produits en magasin répondent à nos attentes qualité et à celles des consommateurs » , explique-t-elle. Kamilia parle très bien cette langue maintenant, et elle en est fière car elle a atteint son objectif. Elle reconnaît cependant que tout n’a pas été facile, mais elle n’a jamais voulu baisser les bras. « Il ne faut pas penser qu’il faut avoir un super niveau d’anglais pour partir. J’ai appris sur le tas parce que je n’avais pas le choix. Il fallait que je communique avec les gens. »

« OSEZ, N’AYEZ PAS PEUR ! »

Aujourd'hui Kamilia Rachidi s’est intégrée à la vie londonienne. Elle encourage ceux qui rêvent de nouvelles aventures à passer le cap. « Osez, n’ayez pas peur ! Il ne faut pas se mettre de frein. Et la langue ne doit pas être une barrière qui vous empêche de partir », martèlet-elle. En osant, la scientifique a réalisé son rêve, mais elle fait également connaître Mayotte à des personnes qui ignoraient son existence. « Les Anglais ne connaissent pas du tout, alors je leur montre sur la carte. Je leur parle de Mayotte et ils me demandent ce que je fais à Londres. Ils ne comprennent pas que je puisse quitter une belle île où il fait chaud pour vivre à Londres, là où il fait froid et il pleut » , sourit-elle. Pour le moment, Kamilia n’a pas le mal du pays, mais elle sait qu’elle retournera chez elle tôt ou tard, afin de contribuer également au développement du département. « Pour moi, l'Angleterre est une expérience. Je pense qu’il y a beaucoup de choses à faire à Mayotte et ça m’intéresse d’y retourner, mais je ne sais pas quand ça se fera » reconnaît-elle. En attendant, elle ne refuse pas l’idée de vivre dans un autre pays étranger. Elle se dit ouverte à toute proposition.

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PORTRAIT
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« IL NE FAUT PAS SE METTRE DE FREIN »

LE FOOTBALLEUR EL FARDOU BEN

NABOUHANE FOULE

LES PELOUSES EUROPÉENNES

ON NE PRÉSENTE PLUS EL FARDOU BEN NABOUHANE, LE JOUEUR DE FOOT QUI FAIT RAYONNER MAYOTTE À L’ÉTRANGER. PREMIÈRE LIGUE DES CHAMPIONS AVEC L’OLYMPIAKOS, ATTAQUANT VEDETTE DE L’ÉTOILE ROUGE DE BELGRADE, CAPITAINE DE L’ÉQUIPE DES COMORES LORS DE LA COUPE D’AFRIQUE DES NATIONS (CAN) 2021… LE FOOTBALLEUR MAHORAIS A SU SE FAIRE UNE PLACE AU-DELÀ NOS FRONTIÈRES.

Du haut de ses trois ans, El Fardou Ben Nabouhane avait déjà commencé à dompter le ballon rond à Barakani, commune qui l’a vu naître. Puis c’est à Passamainty, dans son village maternel, qu’il a grandi. Une enfance durant laquelle le football a parfois pris la place de l’école coranique, admet El Fardou Ben Nabouhane, qui se souvient être arrivé plusieurs fois en retard en cours, le temps de finir un match avec ses amis. « C’était l’insouciance de l’enfance » , se rappelle le joueur, qui rêvait déjà, alors, de jouer la Ligue des Champions. Et il voyait juste.

À dix ans, il s’envole pour La Réunion et rejoint la JS Saint-Pierroise. Là, il joue dans toutes les catégories, jusqu’à rejoindre l’équipe première du club à l’âge de 15 ans. Un an plus tard, un autre départ attend l’adolescent : à 16 ans, il est recruté par le Havre Athletic Club, avec lequel il signe son premier contrat en tant que joueur professionnel. L’aspirant champion évolue ensuite dans différents clubs de métropole.

« À CE MOMENT-LÀ DE MA CARRIÈRE, JE VOULAIS MIEUX »

Mais les opportunités qui l’intéressent ne sont pas sur les pelouses françaises. « Mon objectif était de rester professionnel, et on ne me proposait pas de meilleure opportunité que ce que j’avais déjà eu. À ce moment-là de ma carrière, je voulais mieux, et on m'a proposé un club en Grèce » , explique le joueur de 34 ans, qui a alors un objectif en tête : intégrer le plus grand club grec, l’Olympiakos. Mais

pour cela, il doit d’abord faire ses classes. C’est ainsi qu’il rejoint le club grec PAE Veria.

La vie du jeune homme change alors du tout au tout : nouveau pays, nouvelle langue. C’est d’ailleurs là-bas qu’il apprend l’essentiel de l’anglais qu’il connaît aujourd’hui. « Maintenant, je vois l’importance que cela a eu dans ma carrière » , souligne rétrospectivement celui qui a depuis fouler les terrains de plusieurs pays. Après deux bonnes saisons, El Fardou Ben Nabouhane se fait remarquer et signe enfin avec l’Olympiakos pour une durée de trois ans. Mais alors qu’il touche son rêve du bout des crampons, une grave blessure vient ternir le tableau. « Au moment où je signe, je me blesse et doit rester six mois sans jouer. » Un souvenir amer. À son retour de convalescence, il est prêté à l’APO Levadiakos pendant six mois, puis au Paniónios GSS pendant un an, ce qui lui permet de reprendre confiance en son jeu. « Là-bas, j’ai rencontré un coach qui a changé ma vie et ma carrière, Vladan Milojevic. » El Fardou Ben Nabouhane recroisera la route de Vladan Milojevic, mais en attendant, il effectue une très bonne saison avec Paniónios. Cette performance lui vaut de jouer enfin avec l’Olympiakos, qui ne sera pas déçu. Et pour cause : « Début de saison, je joue, je marque et on se qualifie pour la Ligue des Champions ! »

L’enfant en rêvait, l’adulte l’a fait. El Fardou Ben Nabouhane se souvient qu’il y a toujours cru, et que c’est cette confiance en lui qui l’a amené à ce moment précis. «

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Marine Gachet

Tout ce dont je rêvais était enfin là. C’est ce qui m’est venu à l’esprit en foulant la pelouse et en entendant la fameuse musique. Se dire qu’on est face aux joueurs qu’on regarde depuis toujours à la télévision, c’est incroyable. » Il en profite pour affirmer qu’avec travail, confiance en soi et persévérance, tout est possible, que ce soit dans le foot ou ailleurs.

S’ADAPTER AU FROID POUR POURSUIVRE SON BUT

Après cet accomplissement, son chemin a bifurqué vers la Serbie pendant cinq ans. C’est le coach Vladan Milojevic, devenu entre-temps entraîneur là-bas, qui lui propose de rejoindre l’Étoile rouge de Belgrade. « J’ai accepté sans hésiter car c’est quelqu’un que j’admire. » Si l’adaptation au climat froid est compliquée lorsqu’il arrive en plein hiver, le rêve du mahorais va jouer les prolongations : cette fois, la Ligue des Champions, il va la jouer comme titulaire à tous les matchs. Une qualification historique pour le club, qui n’avait pas participé à ce championnat depuis 20 ans. « On joue contre Paris, Liverpool, Naples, donc des gros clubs.

Liverpool gagne cette année-là. Se dire qu'on a joué contre les vainqueurs, c’est juste énorme. En plus je suis un grand supporter de Liverpool, donc c’était incroyable de jouer ces matchs » , décrit El Fardou Ben Nabouhane.

D’autres matchs d’envergure attendent le joueur. En 2021, il est capitaine de l’équipe des Comores lors de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) : « Le fait d’y être, c’était quelque chose d’extraordinaire. Sachant que c’était la première CAN du pays. »

En janvier dernier, le footballeur est parti rejoindre un climat plus clément, à Chypre, après avoir signé avec l’Apoel Nicosie. Malheureusement, il s’est gravement blessé en fin de saison et est actuellement en convalescence. Ce nouveau pays lui rappelle Mayotte, avec ses plages et son beau temps. Quand on lui demande s’il envisage un jour de revenir vivre sur son île natale, le joueur est partagé. D’un côté sa mère, toujours à Mayotte, ses proches, le ciel bleu, ses souvenirs d’enfance et la nourriture mahoraise, de l’autre, la Serbie, pays dans lequel il envisage de retourner à l’avenir, où il a fondé sa famille et dont il a obtenu la nationalité.

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El Fardou Ben Nabouhane a joué pour l’Étoile Rouge de Belgrade de 2018 à 2023. Photo : courtoisie de El Fardou Ben Nabouhane Le joueur de 34 ans a dû s'adapter à différents climats. Photo : courtoisie de El Fardou Ben Nabouhane

NILDA CHADHOULI PROMEUT LA CULTURE

MAHORAISE AU KENYA

NILDA CHADHOULI TRAVAILLE ACTUELLEMENT POUR L’ALLIANCE FRANÇAISE DE MOMBASA. DE MAYOTTE AU KENYA, EN PASSANT PAR PARIS ET LA TANZANIE, LA JEUNE MAHORAISE DE 26 ANS REVIENT SUR SON PARCOURS ET SUR LA FAÇON DONT ELLE A VÉCU CES DIFFÉRENTES EXPÉRIENCES À L’INTERNATIONAL.

« Je suis une personne de nature plutôt réservée, un peu dans sa bulle. Depuis, je suis vraiment sortie de ma zone de confort. » C’est ainsi que, depuis le Kenya, Nilda Chadhouli décrit ce qu’elle retire de son expérience à l’étranger. La jeune femme nait à La Réunion, puis vient vivre à Mayotte pendant quatre ans. Elle part ensuite en métropole jusqu’à ses quinze ans, puis revient sur l’île aux parfums. Vivant alors à Sada, elle garde précieusement le souvenir de son passage au club de handball local, Haima. « On avait gagné la coupe de Mayotte » , se souvient la Mahoraise de 26 ans.

Puis vient le temps de partir de l’île pour poursuivre ses études. Elle va à Paris, où elle suit une licence en langues étrangères appliquées à la Sorbonne. Un cursus pendant lequel elle étudie notamment l’anglais et l’espagnol, et qui laisse dès lors présager l’attrait de la jeune femme pour les autres contrés. Puis, elle continue ses études dans le domaine de la communication, à l’ISEE Business School, près de Nanterre. « Là, j’ai pu faire des stages à l’étranger : à Liverpool en Angleterre et à Barcelone en Espagne » , complète Nilda Chadhouli. Deux expériences qui font naître chez elle l’envie de travailler hors de France.

« J’AI EU UN RAS LE BOL GÉNÉRAL »

Puis, les bouleversements en 2020 liés à la pandémie de Covid-19 la poussent à prendre la décision de partir pour de bon.

« J’ai eu un ras le bol général, cela faisait cinq ans que j’étais à Paris, j’avais envie de voir autre chose » , justifie celle qui, fraîchement

diplômée, peine à ce moment-là à trouver un emploi.

Si elle se met à chercher un travail en Europe, la tâche est compliquée sans expérience. Puis, elle entend parler d’une offre de volontariat de solidarité internationale (VSI) auprès de l’Association franco-zanzibarite (AFZ), en Tanzanie, qui, comme une Alliance française, promeut l’apprentissage du français et organise des événements en lien avec la culture locale. Une destination qu’elle n’avait pas vraiment envisagée au premier abord. « Je ne connaissais vraiment pas la Tanzanie, encore moins Zanzibar, si ce n’est ce qu’on peut en voir sur les cartes postales et les réseaux sociaux. Je n’avais aucune idée de l’environnement dans lequel j’allais être envoyée, mais j’ai quand même tenté ma chance » , explique Nilda Chadhouli.

Si l’expérience professionnelle lui plaît et lui apprend beaucoup de choses, la vie là-bas est plus compliquée. « Vivre à Zanzibar en tant qu’étranger n’est pas facile, et encore moins quand on est une femme noire et musulmane. J’ai été victime de beaucoup de harcèlement, les rapports homme-femme sont très compliqués. Ce n’était pas non plus facile de créer des liens avec les locaux. Ça a été l’une de mes plus grandes déceptions » , regrette la jeune femme qui, avant de partir, pensait que les similarités culturelles entre

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Marine Gachet
« VIVRE À ZANZIBAR EN TANT QU’ÉTRANGER N’EST PAS FACILE »

Zanzibar et Mayotte lui permettraient de s’intégrer plus aisément.

Elle tient une année là-bas, à travailler pour la communication de l’AFZ, cadre dans lequel elle fait venir des artistes mahorais en Tanzanie. Elle réussit ensuite à obtenir le même poste à l’Alliance française de Mombasa, au Kenya. Là, elle assure les mêmes missions de promotion de la coopération entre Mayotte et le pays, gagne en expérience rapidement, mais cette fois, dans une meilleure ambiance. « Ici cela se passe très bien. La population est très mélangée, il y a beaucoup de musulmans, de chrétiens, de bouddhistes, donc chacun vit sa religion et sa culture comme il l’entend. Les gens sont beaucoup plus ouverts. Quand ils voient un étranger, ils sont très curieux : ils veulent tout de suite en apprendre plus sur lui et lui faire découvrir leur culture et leurs coutumes » , décrit la jeune Mahoraise, qui vit là-bas depuis un an et demi.

SORTIR DE SA ZONE DE CONFORT

Son contrat doit prendre fin dans un an. Si elle n’a encore aucune idée d’où elle se trouvera à l’issue de son séjour au Kenya, une chose est sûre : elle ne compte pas rentrer en métropole. « Je vais chercher un poste similaire en Afrique anglophone, donc plutôt à l’est. Si je n’arrive pas à trouver, je miserai sur le Canada » , projette-t-elle.

Une expérience internationale qu’elle souhaite donc prolonger. « Cela m’apprend beaucoup de choses et me sort de ma zone de confort. Je veux dire aux autres jeunes Mahorais qu’il y a beaucoup d’opportunités à l’étranger, il ne faut pas laisser la langue être une barrière. Ce sont des expériences vraiment enrichissantes » , assure Nilda Chadhouli. Mais ce périple prendra fin un jour. La jeune femme se donne encore deux ou trois ans pour accumuler le plus d’expérience possible avant de revenir à Mayotte, où se trouve sa famille et dont la culture lui manque.

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Nilda Chadhouli a fait des études d’anglais et d’espagnol à la Sorbonne

MALIKA SALIM, « LA SEULE LIMITE C’EST NOUS »

À 29 ANS, MALIKA SALIM A ATTEINT SES OBJECTIFS ET ELLE EST ALLÉE BIEN AU-DELÀ. ELLE VIT À BRUXELLES DEPUIS NEUF ANS. ELLE A COMMENCÉ EN TANT QU’ÉTUDIANTE INFIRMIÈRE ET ELLE EST AUJOURD’HUI CADRE DE SANTÉ. UNE OPPORTUNITÉ INESPÉRÉE QUI LUI FAIT CROIRE QUE TOUT EST POSSIBLE TANT QUE L’ON S’EN DONNE LES MOYENS.

La professionnelle de santé a effectué toute sa scolarité à Mayotte. Après l’obtention de son baccalauréat scientifique, elle s’installe à Lille et s’inscrit dans une classe préparatoire médicale et paramédicale, dans l’optique de devenir sage-femme. Mais elle échoue au concours pour intégrer l’école de sage-femme. Loin de baisser les bras, elle réfléchit à une alternative. « J’entendais parler de la Belgique et du système d’étude d’infirmier. Il n’y a pas de concours comme en France, et c’est ce qui m’a poussée

Je suis une formation de trois ans pour avoir le diplôme nécessaire, mais l’avantage ici c’est que l’on peut avoir le poste et passer la formation en parallèle » , indique-t-elle. Et en aucun cas elle n’échangerait sa place.

« SAUTER SUR L’OPPORTUNITÉ »

à partir » , raconte-t-elle. Malika s’installe donc à Bruxelles pour ses études, sans envisager d’y rester une fois qu’elle aura fini. Mais au bout des trois ans de formation et l’obtention de son diplôme, la suite des choses coule de source pour elle. « Je me suis demandée si je devais rester ou pas, et puis finalement je me sentais bien là où j'étais alors j’ai décidé de rester » , explique-t-elle. Neuf ans plus tard, elle y est encore. Elle qui ne pensait pas vivre à Bruxelles aussi longtemps, ne ressent plus le besoin de rentrer en France. Il faut reconnaître que sa carrière professionnelle, commencée en 2017, a rapidement évolué. Après avoir exercé durant près de cinq ans en tant qu’infirmière, elle a pris une toute nouvelle tournure. « Depuis bientôt un an, je suis cadre de santé. C’est une belle opportunité pour moi.

Selon Malika Salim, « vivre à l’étranger n’était pas un rêve » mais elle n’a « pas eu peur de sauter sur l’opportunité » . Et elle encourage tous ceux qui rêvent de vivre ailleurs, de franchir le pas. « On a tendance se mettre trop de limites alors que la seule limite c’est nous » , clame-t-elle. La Mahoraise se dit changée depuis qu’elle est sortie de sa zone de confort en France. « En partant, cela m’a permis de grandir et de ne plus avoir peur. Les peurs sont parties au fur et à mesure sans que je ne m’en rende compte.» Cependant, elle sait pertinemment qu’un grand changement comme celui qu’elle a fait peut être source d’angoisse et de doutes. Elle recommande alors aux personnes qui veulent partir de bien se renseigner sur le pays d’accueil. « C’est rassurant et on réalise que c’est possible », assure-t-elle. Après avoir passé près d’une décennie en Belgique, la jeune femme n’oublie pas son île natale. « Au fond de moi je sais que je retournerai à Mayotte pour mettre mes compétences au service de notre territoire. Mais je ne sais pas quand…» Quoi qu’il en soit, qu’elle y retourne maintenant ou dans quelques années, Mayotte aura toujours besoin de professionnels avec de l’expérience comme elle.

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« ON A TENDANCE SE METTRE TROP DE LIMITES »
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TATIANA ANFFAN : CHERCHER SA PLACE AU CANADA

APRÈS AVOIR GRANDI PUIS TRAVAILLÉ EN TANT QUE PROFESSEUR DE LYCÉE À MAYOTTE, TATIANA ANFFAN A DÉCIDÉ DE PLIER BAGAGE POUR LE CANADA, POUR LE SIMPLE PLAISIR DE VOYAGER. UN PROJET QUI RÉSULTE D’UN LONG QUESTIONNEMENT IDENTITAIRE ET RÉPOND À UN BESOIN DE SORTIR DU SCHÉMA TRADITIONNEL.

L’angoisse commence à monter pour Tatiana Anffan, qui, d’ici quelques semaines, s’envolera pour le Canada. «

J’ai toujours été attirée par l’Amérique du Nord, notamment pour la culture autour des mouvements de lutte afro-américains » , explique la Mahoraise de 26 ans, qui a pris la décision, il y a quelques mois, de quitter Mayotte pour partir découvrir le monde.

Tatiana Anffan naît et grandit à Bandrélé. À 17 ans, comme la plupart des jeunes de l’île voulant poursuivre des études, elle quitte le département. Elle découvre alors la ville de Lyon, en Métropole. Là, elle commence des études de géographie. « Je voulais devenir urbaniste » , se rappelle la jeune femme. Mais, une fois sa licence obtenue, elle poursuit ses études avec un Master de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF), pour devenir professeur, sur les conseils de ses parents. « Mes parents voulaient que j’ai la sécurité de l’emploi. Il y avait une logique voulant que j’ai un travail sûr pour pouvoir rentrer pour contribuer à l’économie de Mayotte » , détaille Tatiana Anffan. Enseigner au collège n’était donc pas une vocation pour elle.

TROIS HEURES DE ROUTE CHAQUE MATIN

Pour les recherches de son mémoire de Master, en plein Covid, elle revient à Mayotte pendant quatre mois. Un séjour qu’elle décide de prolonger. En 2020, elle fait sa première rentrée en tant que professeur au lycée Younoussa Bamana. « Je me levais à 4h du matin pour venir en cours à 7h depuis Bandrélé. Entre les corrections, la préparation de mes cours et les embouteillages, je n’avais plus de vie personnelle » , décrit l’ancienne professeure, qui prenait soin

« JE VEUX CASSER LE SCHÉMA »

d’adapter chacun de ses cours à l’Histoire de Mayotte.

D’un côté, elle découvre de très bons élèves, respectueux et bienveillants, de l’autre, le monde de la violence. « J’ai vu des sabres dans mon lycée. J’apprenais à vivre avec, mais j’étais tout le temps stressée avant de venir au travail, déplore Tatiana Anffan, qui a perdu un de ses élèves à cause de ces violences. J’étais à la fois professeur, sœur, gendarme et assistante sociale. »

Le choc est rude pour la jeune femme. Pour sa deuxième rentrée, la jeune professeure arrive à changer d’établissement pour un lycée plus proche de chez elle. Mais l’expérience ne la convainc toujours pas. « Je me suis rendue compte dès les six premiers mois de mon retour à Mayotte que je voulais repartir » , admet-elle. Pendant plusieurs mois, elle ne se sent pas à sa place, en prise avec un réel conflit identitaire : « À Lyon, il y avait du racisme, ce qui me donnait envie de rentrer chez moi. Et à Mayotte, il y avait le patriarcat et le harcèlement de rue. J’avais l’impression d’avoir ma place nulle part. »

Alors, il y a cinq mois, elle a acheté un aller simple pour le Canada. « J’ai réfléchis longuement à qui j’étais et à ce que je voulais vraiment faire dans la vie, et la réponse qui

24 • Mayotte Hebdo • N°1060 • 06/10/20 23 PORTRAIT
Marine Gachet
« LA RÉPONSE QUI M’EST VENUE, C’EST DE VOYAGER »

m’est venue, pour l’instant, c’est de voyager. » En novembre, elle s’envolera pour une durée indéterminée. « J’ai un visa vacances-travail (PVT) qui me permet de rester deux ans là-bas. Je ne veux pas être juste une touriste. Je compte rester au moins un mois dans chaque grande ville » , détaille celle qui a déjà trouvé un logement chez l’habitant pour son premier mois à Montréal.

La globe-trotteuse a vendu toutes ses affaires et réussi à économiser assez pour financer elle-même cette aventure, en voyageant simplement. Elle compte en effet faire du couchsurfing (pratique consistant à dormir sur un canapé chez l’habitant), et acheter un van pour ses déplacements et pour camper en été. « Avec mon visa, je pourrais faire des petits boulots, cela me permettra aussi de découvrir une autre facette du pays. »

« JE TROUVE ÇA TRÈS COURAGEUX DE SA PART »

Tatiana Anffan raconte que, jusque-là, une bonne partie de son entourage n’a pas l’air convaincue par ce changement de vie. Nykaya Anffan, sa petite sœur, admet avoir été un peu sceptique au début. « Mais après, je me suis dit que c’était un projet ambitieux, sachant qu’elle ne connait pas le pays et qu’elle part seule en tant que femme. Elle est courageuse. Je trouve que c’est intéressant qu’elle puisse partir à l’aventure pour voir de nouveaux

mondes » , confie la professeure des écoles de 22 ans, qui habite à Bandrélé.

« On me demande si j’ai au moins un travail là-bas, si je n’ai pas peur d’abandonner mon confort. Je veux justement casser ce schéma » , affirme Tatiana Anffan, déterminée, comme le souligne sa sœur. En effet, Nykaya Anffan la décrit volontiers comme une femme indépendante : « Elle est un peu bornée et depuis quelques temps, elle n’écoute qu’elle. Ça peut paraître égoïste, mais en même temps c’est une force : sachant que depuis qu’elle est petite elle a toujours vécu pour les autres et sa famille, voir que maintenant elle ne s’écoute qu’elle, je trouve ça très courageux de sa part. » Il est trop tard pour revenir en arrière : le périple a déjà commencé. En juillet, Tatiana Anffan a passé un mois à Madagascar. Puis, elle s’est rendue dans les Alpes pour faire de la randonnée, avant de partir trois semaines en Andalousie, en Espagne. Puis elle est allée de Lille à Londres à vélo. « Les pistes cyclables là-bas étaient dangereuses, décrit-elle en riant. Mais c’était un vrai plaisir de retrouver la vie culturelle d’une grande métropole. » Puis, retour en Espagne, cette fois pour voir Madrid, Grenade et Cordoue.

Pour raconter ses voyages et montrer aux jeunes mahorais qu’il est possible de vivre d’une autre manière et qu’il n’y a pas qu’un seul schéma de vie, Tatiana Anffan a créé un compte Instagram, Maora_trip. « Ça permettra aussi à mes proches de voir que je suis toujours en vie ! » , plaisante l’aventurière.

25 • Mayotte Hebdo • N°1060 • 06/10/20 23

GECKO, LE NOUVEAU MAGAZINE DE LA BIODIVERSITÉ DE L’OCÉAN INDIEN EST LANCÉ

Portée par l’association Les Naturalistes de Mayotte, en partenariat avec l’Agence française de développement (AFD), la nouvelle revue Gecko est à la fois un outil de vulgarisation scientifique et d’échanges. Elle servira surtout à mettre en évidence la richesse de la biodiversité de l’océan Indien et ses enjeux face au réchauffement climatique.

Ce n’est pas la première fois que les Naturalistes de Mayotte se lance dans la publication. Il y a quelques années, l’association environnementale avait édité pendant sept ans Univers Maoré. L’aventure avait pris fin après seize numéros, faute de financement. Cette fois-ci, le semestriel à l’esthétique soignée et qui a pris le nom de Gecko espère connaître meilleur sort.

Qu’est-ce qu’on y trouve ? Une soixantaine de pages où se mêlent un dossier en lien avec la quinzième conférence des Nations-Unies sur la biodiversité, des portraits de scientifiques et d’activistes, des interviews ou des reportages. Le magazine, qui sortira deux fois par an, « permet de faire un état des lieux de la biodiversité de la région, ses menaces et se enjeux », précise Michel Charpentier, le président des Naturalistes, lors d’un point-presse, vendredi matin. On y trouve aussi des pistes pour la restauration et la conservation de la biodiversité. « Il y a un objectif de transmission de connaissances par l’intermédiaire des experts, de scientifiques ou de gestionnaires d’espaces naturelles », poursuit le président d’association.

Et Mayotte, on en parle ?

Forcément, le territoire mahorais figure sur une partie des pages, au milieu des pays

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Alexis Duclos
# 01 AOUT 2023 - JANVIER 2024 DOSSIER Des îles vivantes en 2030 ZOOM SUR La
PORTRAIT Shaama
France : 6,90 EUROS // Maurice : 350 MUR // Seychelles 104 SCR // Madagascar 35 000 MGA // Comores 3500 FC
nouvelle exploration de Jean-Louis Etienne
Sandooya, activiste pour le climat Le premier numéro de Gecko revient sur la quinzième édition des Nations unies sur la biodiversité, dont l’objectif est de garder « les îles vivantes d’ici 2030 ».

voisins. Il y a par exemple le travail de l’association Gepomay (Groupe d’études et de protection des oiseaux de Mayotte) pour protéger le crabier blanc, l’une des espèces endémiques de l’île, ou la tentative de lutte contre la prolifération des rats sur l’îlot Mbouzi.

Où le trouver ?

Les 2.000 exemplaires du premier numéro ont été envoyés aux acteurs de l’environnement de la région concernée par la publication, à savoir, Mayotte, les Comores, les Seychelles, Maurice, Madagascar et La Réunion. Cette première publication servira ainsi à faire connaître l’outil dans la région et provoquer ainsi des premiers abonnements (possible via l’adresse mail abonnement@ revue-gecko.com). Dès le deuxième numéro, dont le dossier sera sur l’érosion côtière, devrait se retrouver en kiosques.

Pourquoi l’ouvrir à tout le sud de l’océan Indien ?

C’est une condition imposée par le financeur, l’Agence française de développement, qui est présente dans toute la région. Il s’agit, en effet, de l’un des sept sous-projets de son programme Varuna Biodiversité. « Toute cette zone fait partie de l’un des 36 points chauds de la planète. C’est-

à-dire qu’elle est reconnue pour sa biodiversité exceptionnelle, mais également menacée », rappelle Michel Charpentier, qui espère influer sur les politiques publiques pas toujours soucieuses de l’environnement.

Qui écrit les articles ?

Pour le premier numéro, les Naturalistes assurent une partie des textes, tandis que d’autres ont été confiés à des acteurs de l’environnement pour qu’ils puissent parler de leur travail. A terme, ce sont eux qui alimenteront le magazine, tandis que Solène Peillard, salariée de l’association mahoraise, assurera le secrétariat de rédaction pour que le langage des scientifiques soit adapté au plus grand nombre. Un site internet, www.revue-gecko. com, est déjà sorti et se veut le prolongement à la fois réactif et interactif du magazine.

Comment il se finance ?

L’AFD en assure le financement pour au moins six numéros et un hors-série. Mais pour Michel Charpentier, c’est clair, il faudra que d’autres organismes pour prendre le relais, car l’abonnement ou la vente aux numéros ne pourront suffire. Le Département de Mayotte, l’État ou l’Europe pourraient ainsi être mis à contribution pour ce magazine déjà unique à l’échelle régionale. n

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Solène Peillard, secrétaire de rédaction du magazine et salariée des Naturalistes de Mayotte, Michel Charpentier, le président des Naturalistes, et Anne-Gaëlle Chapuis, directrice adjointe de l’AFD à Mayotte, ont annoncé officiellement la sortie du premier numéro, ce vendredi.

UNE ÎLE EN TRAVAUX

LE CENTRE COMMERCIAL YLANG YLANG À COMBANI OUVRE SES PORTES

LE PROJET DE CRÉATION DU CENTRE COMMERCIAL YLANG YLANG DE COMBANI AVAIT DÉBUTÉ EN FIN D’ANNÉE 2021, AVEC LE LANCEMENT DES TRAVAUX. EN MAI 2022, LA POSE DE LA PREMIÈRE PIERRE AVAIT EU LIEU, MARQUANT LE LANCEMENT OFFICIEL DU PROJET. L’INAUGURATION DE CE CENTRE COMMERCIAL DE 7.000 M3 S’EST DÉROULÉE, CE MERCREDI. L’OUVERTURE DES PREMIÈRES ENSEIGNES, DONT CARREFOUR MARKET, C’TAM ET MR BRICOLAGE, EST PRÉVUE CE JEUDI MATIN.

Imaginé et porté par l’opérateur immobilier CBo Territoria, le centre commercial Ylang Ylang à Combani ouvre ses portes, ce jeudi matin. Installé dans la commune de Tsingoni, ce pôle d’activité tertiaire est placé au cœur du territoire, au croisement des axes routiers reliant le sud au nord et l’est à l’ouest. Son implantation stratégique permettra de désengorger Mamoudzou et de proposer une offre de services aux habitants du centre. Ce mercredi matin, parties-prenantes, élus et entrepreneurs s’étaient réunis pour célébrer l’inauguration en grande pompe de ce nouveau centre commercial.

1

7 BOUTIQUES

Ce centre commercial tant attendu accueillera in fine 17 enseignes. L’ouverture de ces magasins permettra de mettre à disposition des habitants un ensemble de services et de commerces variés. « Je suis convaincu que l’avenir du développement de Mayotte se joue aujourd’hui au centre de l’île », lance fièrement le président du conseil départemental, Ben Issa Ousseni. Ainsi,

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Agnès
Jouanique
L’enseigne Carrefour Market, au cœur du projet de centre commercial, ouvre dans une cellule d’environ 2.000 m2.

aux côtés de Carrefour Market, les enseignes C’Tam, Mr Bricolage, SFR, Bébé 9 et Canal+ lèveront leurs rideaux dès ce jeudi matin. Par la suite, des ouvertures successives de boutiques interviendront dans les semaines à venir : Sketchers, Okaïdi, OVS, Orange, Océan’Or, Beauty Succes, The Body Shop et Burger Yatrou.

24

MOIS DE TRAVAUX

Le chantier, réalisé par le groupe Colas, avait démarré en fin d’année 2021. En mai 2022, s’était tenue la pose de la première pierre, marquant symboliquement le lancement de la construction. « Deux ans, ça peut paraitre long, mais en réalité, c’est très court pour les travaux que nous avons menés », explique Géraldine Neyret, directrice générale de CBo Territoria. C’est ce mercredi que les travaux du centre commercial ont officiellement pris fin. « La réalisation de ce projet marque la détermination de la municipalité à doter cette commune des infrastructures de développement », note le maire de Tsingoni, Hamada Issilamou. Cette première phase de travaux, comprenant le centre commercial, le local de stockage et le parking de 165 places représente un budget de plus de 24 millions d’euros.

130 EMPLOIS

Avec son ouverture, le centre commercial a un effet direct sur l’emploi local. En effet, ce projet a permis la création de 130 emplois directs et « alimente le cercle vertueux du développement économique », affirme la directrice générale. Environ une quinzaine de salariés proviennent de la commune de Tsingoni. Une force pour la zone et la jeunesse du secteur. Pour le maire de la commune, « ces emplois sont autant de familles qui retrouveront avec une activité professionnelle, l’équilibre de vie indispensable »

CINQ HECTARES

Au global, le projet de pôle économique pensé par l’opérateur réunionnais s’étend sur cinq hectares. A la suite de cette première tranche, d’autres bâtiments verront le jour dont la construction d’un bâtiment de 1.130 m² pour Pôle emploi et d’un immeuble de bureaux de 2.100 m². Le premier bâtiment de cette deuxième phase devrait être livré d’ici quelques mois.

UNE CERTIFICATION

Le développement économique généré au travers de ce projet ne s’est pas fait au détriment des enjeux environnementaux. Un travail collaboratif avec l’entreprise Colas a été mené par CBo Territoria pour viser une certification environnementale internationale, qui « salue les procédés constructifs », précise Géraldine Neyret. Ce centre commercial répond à « une ambition environnementale », lance Sabry Hani, secrétaire général de la Préfecture de Mayotte, qui a souligné les choix réalisés lors de la conception des bâtiments, des équipements et sur la gestion des déchets.

Environ 130 personnes étaient présentes à l’inauguration du centre commercial Ylang Ylang de Combani.

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LISEZ MAYOTTE « Ô MIROIR AUX ALOUETTES, J’AI PEUR DE TON ÉCLAT CAPTIEUX » (P. 16)

ABDOU SALAM BACO

AGRÉGÉ DE LETTRES MODERNES ET DOCTEUR EN LITTÉRATURES FRANCOPHONES, CHRISTOPHE COSKER EST L’AUTEUR DE NOMBREUX OUVRAGES DE RÉFÉRENCE SUR LA LITTÉRATURE DE L’ÎLE AUX PARFUMS, NOTAMMENT UNE PETITE HISTOIRE DES LETTRES FRANCOPHONES À MAYOTTE (2015) DONT IL REPREND, APPROFONDIT ET ACTUALISE, DANS CETTE CHRONIQUE LITTÉRAIRE, LA MATIÈRE.

La deuxième nouvelle de La Belle du jour (1996) s’intitule « Un Black à SaintÉtienne » . Le titre du texte bref combine un personnage désigné par sa couleur de peau et un nom de lieu. Dans le texte francophone, le choix du terme black interpelle. Il peut se substituer, étant donné l’origine du personnage, à Mahorais, et du point de vue du vocabulaire de la pigmentation, au « neutre » noir et à l’injurieux « nègre » . Il rappelle aussi le goût de l’auteur pour les écrivains américains comme James Baldwin, Chester Himes ou encore Richard Wright. Le mot est d’ailleurs réutilisé par le couple central de la nouvelle :

« Rassure-toi, je ne suis pas gêné du tout ; mais un ‘black’ vient difficilement du

pôle nord, reconnais-le, se défendit Nellie. – Un black, comme tu le dis si bien, peut très bien venir du Canada, ou encore des États-Unis, n’est pas ? Et pourtant, ce ne sont pas des pays spécialement chauds, pas vrai ? » (p. 51)

Ce dialogue inaugure celui où les deux personnages brisent la glace. Le désir dépasse bientôt ce que d’aucuns parfois appellent la « barrière de la couleur » Derrière le dialogue érotique se cache un dialogue plus philosophique qui réinterroge les catégories utilisées comme préjugés.

Le but du titre nous semble être de créer une antithèse. Le personnage

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LITTÉRATURE

est là où on ne l’attend et sa présence dans ce paysage est peut-être problématique :

« Ici, comme partout en France, l’Étranger comprenait très vite qu’il était de trop. D’aucuns osaient parfois le dire ouvertement, d’autres le faisaient comprendre par de simples gestes, ou à travers des regards suggestifs. Impossible d’échapper, quand on a le malheur d’avoir le phénotype différent de celui des autochtones, à la plus dégradante des bassesses humaines : le racisme. Mais la Ricamarie, de par les origines modestes de ses habitants, avait la réputation d’être une cité accueillante. » (p. 42) Dans la citation, on ne retrouve pas le mot black, mais il est présent sous le terme « étranger » , derrière l’expression « phénotype différent » ainsi que par rapport à la norme autochtone. On notera aussi que la nouvelle se situe entre Saint-Étienne et sa banlieue où le personnage vit : La Ricamarie. Ce que l’extrait qui précède illustre, ce sont l’ensemble des micro-agressions dont Étienne Achille et Lydie Moudileno parlent dans leurs Mythologies postcoloniales (2018). L’ouvrage est sous-titré, de façon révélatrice « Pour une décolonisation du quotidien » :

« Pour les personnes non-blanches et autres minorités de France, le quotidien ne peut pas être banal. Ou en tout cas, il ne le restera pas longtemps, tant les traces d’idéologies et d’imaginaires racialisés persistent dans les produits du quotidien qui prétendent signifier la francité, ou montrer ce qu’être français veut dire. S’il est rassurant de penser, avec Michel de Certeau, que le quotidien réaffirme la capacité de résistance des sujets, le quotidien est aussi un lieu de violences où l’insulte, la stigmatisation, l’interpellation, et la discrimination constituent des armes qui opèrent certes sur le registre de l’infime, mais avec une efficacité dévastatrice. Le racisme dit ‘ordinaire’ est fait de la répétition de ces microagressions dans l’espace public, professionnel et familial. » (p. 11-12)

Mais la nouvelle, pour pessimiste qu’elle puisse être, ne commence pas mal. Le personnage principal, appelé Shorty, cherche à nouer une

intrigue amoureuse avec Nellie, Stéphanoise rencontré dans un bar où elle sert les clients. Et cette idylle sera un succès qui colore la nouvelle d’érotisme. Mais cette trame amoureuse ne doit pas masquer la difficulté à vivre du personnage ainsi que ce qui constitue l’important de la nouvelle.

Parmi ces enjeux importants, il en est un d’ordre intellectuel. Le personnage est là pour étudier, dans un pays où il ne trouve pas ce qu’il cherche : « Shorty lisait beaucoup, surtout les biographies des grands hommes politiques négro-africains ou afro-américains ; mais il avait une passion pour la littérature dite étrangère en Métropole, et tout particulièrement la littérature caribéenne. L’ouvrageréférence de Fidel Castro, L’Histoire m’absoudra, n’avait pas de secret pour lui. Mais dans cette petite librairie, le choix était plutôt limité. Il se dirigea vers le rayon « Revues », mais il n’y avait ni Jeune Afrique ni Africa international, alors il sortit. » (p. 37)

Comme dans la nouvelle qui précède, les références intellectuelles sont nombreuses. Shorty est donc un double de Koussou ou plutôt, au fil des nouvelles se construira un profil intellectuel qui n’est pas sans rapport avec celui d’Abdou Salam Baco. On y repère alors le thème de l’éternel étudiant : « Et bien [sic], je prépare une thèse de sociologie à l’Université de Lyon II ; autrement dit, je suis un éternel étudiant, mentit Shorty. » (p. 52)

31 • Mayotte Hebdo • N°1060 • 06/10/20 23

AVIS D'APPEL PUBLIC A LA CONCURRENCE

GIPEAM

M. Adrachi VELOU - Directeur par intérim

8 Rue de l'Hôpital - 97600 Mamoudzou

web : https://www.marches-publics. info

SIRET 13002956400015

Groupement de commandes : Non

L'avis implique un marché public

Objet : marché de communication 2023 pour la fourniture d'objets promotionnels de l'Europe à Mayotte dans le cadre du programme opérationnel FEDER FSE+ 20212027

Réference acheteur : Gipeam/2023/ com

Type de marché : Fournitures

Procédure : Procédure adaptée ouverte

Technique d'achat : Sans objet

Lieu de livraison : 8 Rue de l'Hôpital

97600 Mamoudzou

Classification CPV :

Principale : 32570000 - Matériel de communications

Forme du marché : Prestation divisée en lots : non

Les variantes sont exigées :Non

Valeur estimé hors TVA : 25 000,00

euros

Conditions de participation

Justifications à produire quant aux qualités et capacités du candidat : Aptitude à exercer l'activité professionnelle : Liste et description succincte des conditions :

- Copie du ou des jugements prononcés, si le candidat est en redressement judiciaire.

- Formulaire DC1, Lettre de candidature _ Habilitation du mandataire par ses co-traitants. (disponible à l'adresse suivante : http://www.economie.gouv.fr/daj/ formulaires-declaration-du-candidat)

- Formulaire DC2, Déclaration du candidat individuel ou du membre du groupement. (disponible à l'adresse suivante : http://www.economie.gouv. fr/daj/formulaires-declaration-ducandidat)

- Si l'attributaire est établi en France, les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu'il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales

ou un état annuel des certificats reçus Capacité économique et financière : Liste et description succincte des critères de sélection, indication des informations et documents requis :

- Déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les fournitures, services ou travaux objet du marché, réalisés au cours des trois derniers exercices disponibles.

- Déclaration appropriée de banques ou preuve d'une assurance pour les risques professionnels.

Référence professionnelle et capacité technique : Liste et description succincte des critères de sélection, indication des informations et documents requis :

- Déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du candidat et l'importance du personnel d'encadrement pour chacune des trois dernières années.

Marché réservé : NON

Réduction du nombre de candidats : Non

La consultation comporte des tranches : Non

Possibilité d'attribution sans

négociation : Non

Visite obligatoire : Non

Critères d'attribution : Offre économiquement la plus avantageuse appréciée en fonction des critères énoncés dans le cahier des charges (règlement de la consultation, lettre d'invitation ou document descriptif).

Renseignements d'ordre administratifs : service de la communication

Tél : 06 39 99 41 06

L'intégralité des documents de la consultation se trouve sur le profil d'acheteur : Oui

Présentation des offres par catalogue électronique : Exigée

Remise des offres : 25/10/23 à 12h00 heure locale de l'acheteur au plus tard, (soit le 25/10/23 à 11h00 heure de Paris au plus tard.)

Envoi à la publication le : 02/10/23 Les dépôts de plis doivent être impérativement remis par voie dématérialisée.

Pour retrouver cet avis intégral, accéder au DCE, poser des questions à l'acheteur, déposer un pli, allez sur https://www.marches-publics.info.

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VOTRE NOUVEAU CENTRE COMMERCIAL À COMBANI

OUVERTURE LE 5 OCTOBRE

Retrouvez-vos enseignes préférées :

MAGAZINE D’INFORMATION NUMÉRIQUE HEBDOMADAIRE

Edité par la SARL Somapresse au capital de 20 000 euros

7, rue Salamani

Cavani M’tsapéré

BP 60 - 97600 Mamoudzou

Tél. : 0269 61 20 04 redaction@somapresse.com

Directeur de la publication

Laurent Canavate canavate.laurent@somapresse.com

Directeur de la rédaction

Mohamed El Mounir dit “Soldat” 0639 69 13 38 soldat@mayottehebdo.com

Rédactrice en cheffe

Raïnat Aliloiffa

# 1060

Couverture : Portraits - Ces mahorais qui réussissent ailleurs

Journalistes

Raïnat Aliloiffa

Alexis Duclos

Saïd Issouf

Agnès Jouanique

Marine Gachet

Direction artistique

Franco di Sangro

Graphistes/Maquettistes

Olivier Baron, Franco di Sangro

Commerciaux

Cédric Denaud, Murielle Turlan

Comptabilité

Catherine Chiggiato comptabilite@somapresse.com

Première parution

Vendredi 31 mars 2000

ISSN : 1288 - 1716

RCS : n° 9757/2000

N° de Siret : 024 061 970 000 18

N°CPPAP : 0125 Y 95067

Site internet www.mayottehebdo.com

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