ASSAINISSEMENT DÉCENTRALISÉ
ÉVALUATION DE LA REMONTÉE DU NIVEAU DE LA NAPPE PHRÉATIQUE
Jean-Sébastien Grenier Ing., MBA Directeur de projet et associé Équipe Indigo jsgrenier@equipeindigo.com
e traitement des eaux usées par infiltration dans le sol constitue une approche à favoriser en assainissement décentralisé. À cet effet, la caractérisation du site et des sols est un incontournable afin d’évaluer la possibilité d’infiltrer les eaux usées dans le sol. Parmi les contraintes liées au site, une mauvaise estimation de la conductivité hydraulique du sol naturel en place constitue une cause fréquente de défaillance des installations septiques. Un autre élément extrêmement important à considérer, et qui est également souvent à l’origine de défaillances des installations septiques, est l’évaluation du niveau de la nappe phréatique et, en particulier, l’évaluation théorique de la remontée du niveau de la nappe. Une mauvaise évaluation de cette remontée peut entraîner une épaisseur de sol naturel non saturé insuffisante à un traitement efficace, une contamination des eaux souterraines et des résurgences d’eau usée non traitée.
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Peu importe le type d’installation retenu pour infiltrer les eaux usées dans le sol, il est important de maintenir en tout temps une épaisseur de sol naturel non saturé afin de s’assurer que le sol joue son rôle épuratoire. Par exemple, pour un lit d’infiltration, une épaisseur de sol de 90 cm doit être maintenue entre le niveau d’application des eaux et le niveau de la nappe phréatique après remontée. Avant d’évaluer la remontée de la nappe, il convient d’estimer la profondeur de la nappe avant remontée, soit le niveau au temps zéro. L’installation de piézomètres permet d’évaluer la profondeur de la nappe ainsi que son gradient hydraulique, mais puisque les mesures de niveau dans les piézomètres ne donnent qu’un portrait instantané au moment des lectures, il est essentiel de procéder à une estimation du niveau maximum moyen des eaux souterraines (NMMES). Il est reconnu que le NMMES constitue la référence pour établir l’épaisseur minimale de la couche de terrain naturel utilisé comme terrain récepteur.
Simulation : remontée de nappe de 85 cm pour un champ de polissage
NIVEAU MAXIMUM MOYEN DES EAUX SOUTERRAINES (NMMES) L’infiltration d’un volume d’eau important sur une superficie définie entraîne une remontée du niveau d’eau de la nappe sous la surface d’application des eaux. Ce phénomène est particulièrement important lorsque le gradient hydraulique est égal ou inférieur à 1,0 %. Le modèle de Hantush (1967) est le plus couramment utilisé pour calculer la remontée théorique du niveau de la nappe. Pour les gradients hydrauliques plus élevés, on recommande une approche fondée sur la loi de Darcy. Le modèle de Hantush comprend cinq paramètres principaux à évaluer, soit la conductivité hydraulique du sol, l’épaisseur initiale de la nappe, le taux de charge hydraulique, les dimensions du lit d’infiltration et le débit spécifique du sol. La conductivité hydraulique est déterminée lors de l’étude de caractérisation des sols par différentes méthodes reconnues telles que l’essai de conductivité hydraulique in situ et la corrélation entre la texture et la perméabilité d’un sol. L’épaisseur initiale de la nappe correspond à la distance entre la couche imperméable ou le roc et la hauteur initiale de la nappe. Le taux de charge hydraulique (en L/m2*jour) et les dimensions du lit d’infiltration sont fonction du type d’élément épurateur. Le débit spécifique, quant à lui, correspond à la fraction des pores d’un sol où l’eau peut s’évacuer de manière gravitaire et il est fonction du type de sol. Afin de comprendre l’importance de la remontée, une simulation simple a été réalisée en considérant l’implantation d’un champ de polissage dans un sol perméable (3,0 x 10-3 cm/s) pour un débit de 10,0 m3/jour. Pour ces conditions, la remontée de la nappe au centre de la surface d’application est d’environ 85 cm, ce qui est considérable dans le contexte où une épaisseur de sol perméable non saturé de 30 cm est nécessaire pour l’implantation d’un champ de polissage. Une mauvaise évaluation de la remontée pourrait donc faire en sorte que le champ de polissage se retrouve complètement submergé et dysfonctionnel en peu de temps. Le paramètre qui a la plus grande influence sur la remontée est la perméabilité. Par exemple, pour les mêmes conditions mentionnées ci-dessus, un champ de polissage serait tout simplement impossible pour un sol peu perméable (2,0 x 10-4 cm/s) et la remontée serait de 31 cm dans un sol très perméable (1,0 x 10-2 cm/s). Pour le concepteur, les seules marges de manœuvre sont les dimensions du lit d’infiltration et le taux de charge hydraulique. Ce dernier peut avoir une influence très importante à ne pas négliger.
NMMES : transition entre les couches de sol brune et grise avec traces d’oxydoréduction
CONCLUSION L’évaluation du niveau de la nappe et de sa remontée est un paramètre essentiel et incontournable lors de la conception de systèmes de traitement des eaux usées par infiltration dans le sol. Une mauvaise évaluation de ces paramètres peut entraîner une contamination des eaux souterraines, des résurgences d’eau usée non traitée et une installation dysfonctionnelle. n
20 LE MAGAZINE DE L’EAU AU QUÉBEC SOURCE VOL. 16 N O 1 HIVER 2020
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