Les Formes Curvilignes de SANAA - partie 2

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LES FORMES CURVILIGNES DE SANAA

Composition spatiale

II

Composition spatiale

L'espace fluide

Espace : (n.m.)

I.2. : (géométrie) Conception abstraite d’un milieu, dépourvue de tout contenu sensible.1

II.3. : Volume déterminé (espace occupé, espace occupable)1

L’espace, du point de vue architectural, se définit tridimensionnellement, il correspond au plan projeté en trois dimensions et dont les frontières se forment à partir des éléments cloisonnant l’espace physique et visuel. L’espace architectural est un vide dans lequel sont mis en tension/relation les objets qu’il contient. Cela passe par les usagers, les murs, les poteaux, ou encore les éléments de mobilier. L’espace se définit également comme un lieu où le corps est en mouvement. Il est vécu et ressenti.

“En poursuivant le plancher en porte-à-faux au-delà des poteaux de façon de balcons tout autour de la façade, on avance cette façade au-devant de la partie portante. Il n’y a plus aucune partie portante en façade [...]. La façade est entièrement libre.”2

La notion de plan libre formulé par Le Corbusier en 1927 renvoie à ce terme. Il explique à travers l’exemple de la maison Dom-Ino, son système d’architecture modulaire basé sur une structure poteaux-dalles qui permet de libérer l’ensemble du plan dans la construction des cloisons de délimitation des espaces, ainsi que d’en

1 Académie Française, 9e édition du dictionnaire de l'Académie Française

2 Le Corbusier (1927), Les cinq points d'une architecture nouvelle. FLC C3-16-111/ 114

3 Mohsen Mostafavi, Inorganic Architecture, El Croquis n° 155, page 249

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détacher la façade qui vient alors se placer en retrait de la structure porteuse.

Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa reprennent la pensée Corbuséenne dans le contexte de l’époque dans laquelle ils se trouvent.

“Nevertheless, like that of other masters of Japanese architecture such as Kunio Maekawa, who worked with Le Corbusier before returning to Japan, or Kenzo Tange, the work of SANAA is fundamentally shaped and influenced by modernist architecture. But also like these earlier figures, they have managed to develop a distinctly Japanese approach [...].”3

"Echanove Matias : "Could you tell me about particular encounters or experiences that have influenced your practice ?"

Nishizawa : "I have to say the classic Mies van der Rohe and Le Corbusier.""4

Fig.1 : Le système Dom-Ino, Le Corbusier, 1927

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En effet, les architectes modernes utilisent ce système de manière récurrente dans leurs projets, car il leur permet de créer et développer des espaces flexibles et d’imaginer une infinité de variations de composition. Dans le musée d’Art contemporain du XXe siècle de Kanazawa, les poteaux porteurs sont placés selon une grille réglée et en retrait de la façade. Elle apparaît alors comme une grande enveloppe continue et presque infinie.

A la différence de leur influence, Sejima et Nishizawa appliquent une dimension moderne au système de Le Corbusier. En effet, ce dernier ne cache en aucun cas la structure. Il révèle distinctement les porteurs et les dalles comme des éléments massifs primaires, avant d’ajouter le reste des éléments “libres” et secondaires tels que la façade ou les cloisons. Chez SANAA, ce contraste est plus dissout. Dans la plupart de leurs

Fig.2 : Musée de Kanazawa, Photographie du poteau en retrait de façade, Michele Nastasi, 2020

Fig.3 : Musée de Kanazawa, Photographie des galeries internes, Michele Nastasi, 2020

4 José Jaraiz Perez, El parque, espacios, limites y jerarquias en la obra de SANAA, 2012, page 23 (traduction anglaise de l'espagnol), https://oa.upm.es/39984/6/PEDRO_GARCIA_MARTINEZ_ANEXO. pdf

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projets, on suppose ce qui est d'ordre structurel, mais cette distinction n’est pas aussi claire à cause de l’extrême finesse des éléments porteurs. Dans le musée à Kanazawa, certains poteaux porteurs sont cachés entre deux parois opaques, tandis que les autres sont largement visibles depuis les galeries extérieures, ne rendant finalement visibles que certains poteaux qui brouillent la distinction entre primaire et secondaire (Fig.4). Les porteurs sont aussi fins que la façade elle-même, accentuant d’autant plus cet effet.

Au musée à Toledo, la courbe est utilisée pour apporter une variation à un plan orthogonal. Elle permet d’isoler chacune des pièces les unes des autres, rendant leur disposition flottante. Cette disposition créée des espaces interstitiels dont certains sont accessibles. La transparence permanente rend le repérage difficile pour le visiteur qui doit alors simplement se laisser déambuler dans le pavillon. Dans le cas du Rolex Learning Center, la courbe varie topographiquement, permettant grâce au système du plan libre de Le Corbusier, de libérer un seul et même espace continu, séparé par des limites souples. La pente qui remonte ou

Fig.4 : Plan du musée de Kanazawa, zoom sur l'organisation structurel du musée, dessin des auteurs

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la toiture qui descend agissent comme des parois de séparations fluides. Il y a une volonté de créer une continuité du paysage et une fluidité du mouvement qui passe par la conception d’espaces plus ou moins flottants. Au Rolex Learning Center, la courbe varie topographiquement, permettant grâce au système repris par Le Corbusier de libérer un seul et même espace homogène et continu, séparé par des limites invisibles. En effet, elles ne sont pas physiques. Ce sont les courbes définies au sol qui bloquent le passage de la vue et du son. C’est justement les jeux de niveau et des éléments secondaires comme la moquette au sol qui permettent de délimiter les espaces autant visuellement que phoniquement.

Fig.6 : Glass Pavilion, Iwan Baan, 2010
Fig.8 : Rolex Learning Center, Iwan Baan, 2010
Fig.7 : Glass Pavilion, Iwan Baan, 2010

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“L’expérience d’un milieu est celle de l’intériorité, de la concavité, mais pas selon une succession de pièces [...]. L’expérience d’un milieu est celle d’un continuum, d’une “substance” dans laquelle les formes ne sont pas perceptibles comme ci qu’elles étaient géométriquement pures et régulières, comme si qu’elles résultaient d’une stéréotomie.”5

Si les architectes modernes ont permis de libérer l’espace de la fragmentation grâce au plan libre, SANAA parvient à atteindre ce continuum spatial varié grâce à la fluidité de la courbe. Un milieu, comme l’explique Jacques Lucan, est un espace flottant continu. On le retrouve aussi bien dans le Rolex Learning Center, mais également dans des projets comme le musée d’art contemporain de Kanazawa. Ici, le plan est un sol continu et plat, sur lequel (et à partir d’une grille), les différentes pièces sont disposées les unes à côté des autres sans hiérarchie, à distance équivalente. “L’eau n’est pas tant un espace qu’un milieu”6 . En effet, Jacques Lucan revient sur une analogie d’Ito quant à l’espace associé à l’aquarium ; un milieu aquatique dans lequel les algues (dans le cas du musée : les pièces) se déplacent et existent à travers un espace homogène qu’est le vide. Cela nous amène à parler de ce que Kazuyo Sejima appelle de “courbe expérientielle”.

5, Jacques Lucan, Composition, non-composition, Architecture et théories, XIXe-XXe siècles, page 575, 2009

6 Ibidem

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“I think that around the time of the 21st Century Museum of Contemporary Art in Kanazawa and the Toledo Museum of Art Glass Pavilion we were thinking about curves that were flowing and speedier. Now our curves may be a bit more gradual and natural. The word may be “experiential” curves. Formally, they may not stand out, but i think when you experience them they can be felt.”7

Une architecture de l’expérience, comme Sejima l’entend, s’attache à l'interaction et la relation entre l’usager et le bâtiment. L’espace est ici un lieu de connexions et de rencontres, dans lequel chacun est libre de ses mouvements et où la courbe est ressentie de manière différente. L’espace est un milieu dénué de toute vérité structurelle afin d’accentuer la présence du corps comme un élément qui permet à chacun des bâtiments d’exister.

Cette expérience recherchée est propre à chaque individu, c’est un ressenti. L’espace nous enveloppe. Il engage le corps même à le ressentir et à nous procurer certaines émotions personnelles au sein d’une atmosphère commune.

“I was interested in making that kind of space, a kind of park, like the concept of the Japanese park. A park allows different types of people to stay in one space at the same time. Different kinds of people and different generations can be together in the same space. In addition, in a park you can join a big group but at the same time, somebody could be next to you

7 Kazuyo Sejima, dans l'interview To The Space Where A People Is Free, Japan Architects n°97, page 4

8Kazuyo Sejima, Liquid Playgrounds (Extrait de conversation), El Croquis n° 121-122, page 23

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alone, reading a book or just drinking juice. I like that feeling, or that character for public buildings.”8

La notion de parc de Sejima comme nous l'avons expliqué plus tôt, tend à le comprendre comme un espace homogène dans lequel c’est l’usager qui va lui même distinguer ce qui est du public ou de l’intime. C’est encore une fois une expérience caractérisée sur la dimension personnelle de chacun. Les architectes, en concevant ces espaces travaillent avec la limite entre l'action de l'architecte et celle de la population qui redéfini l'usage d'un lieu. Réfléchir à la fluidité d'un espace dans le cas de SANAA, c'est penser à la manière dont il sera parcouru, utilisé, mais aussi la part de non-définition qui doit être laissée pour permettre au projet d'exister dans le quotidien des usagers.

Fig.9 : Iwan Baan, Espaces non-définis du Rolex Learning Center, 2010

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Outil de composition : la grille

Pour en arriver au bâtiment fini, le studio adopte une démarche méthodique, où le processus de construction fonctionne selon un aspect sériel. Les architectes testent de nombreuses options toutes différentes les unes des autres à travers le dessin schématique et la maquette. L’objectif est de produire une infinité de variations de projet afin d’en tester toutes les solutions possibles, et avant d’adopter celle qui leur semble juste. Chaque réunion fixe les prochaines discussions autour de nouvelles maquettes qui leur permettent de débattre constamment grâce à une démarche toujours constante.

En effet, la figure schématique ou diagrammatique, est un moyen rapide d’esquisse que les architectes utilisent en parallèle des plans dessinés à l’ordinateur. Ce dispositif presque banal et dont le recours se fait habituellement en première phase de réflexion, se retrouve dans le cas de SANAA comme un élément omniprésent jusqu’à la phase finale. Aussi abstrait qu’il soit, le diagramme fonctionne de pair avec l’utilisation de la grille. Il est en effet courant d'y avoir recours pour tester l’efficacité de la composition du projet et des relations entre les programmes. Cependant, il reste habituellement un outil représentant un idéal qu’il convient de réadapter ensuite à la réalité de l’environnement du projet. Au contraire, il semble que chez SANAA, une quantité d’efforts soit faite pour que le dessin diagram-

Fig.1 : Les experimentations de composition autour de la grille pour le musée d'Art contemporain du XXIe siècle de Kanazawa

a : Maquettes d'étude, El Croquis n°99, page 213

b : Maquettes d'étude, El Croquis n°99, page 211

c Croquis d'étude de composition du musée d'Art contemporain du XXIe siècle de Kanazawa, Japan Architects n°97

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Outil de composition : la grille

matique soit fonctionnel, au point qu'il puisse prendre vie et donner sa forme au projet.

Bien que trouvant ses inspirations dans l’architecture japonaise traditionnelle, la grille est également profondément ancrée dans la société moderne. L’aspect minimaliste et abstrait souvent associé à leur travail ne constitue pas une forme de rejet du monde moderne, mais représenterait en fait leur propre lecture de celui-ci et comment leur architecture en tire parti. Stan Allen1, plutôt que de qualifier l’architecture de SANAA de minimaliste ou diagrammatique comme c’est souvent le cas, les qualifie d’architectes réalistes. Il explique que si le réalisme est souvent associé à des considérations pittoresques, le réalisme du studio prend forme dans le monde contemporain auquel il se rattache. Leur abstraction et la pureté de leur architecture ne serait alors que le reflet de la société moderne, aussi abstraite et impersonnelle. Avec une telle abstraction, Sejima et Nishizawa mettent en place un tableau vide que les usagers viennent remplir en ternissant la pureté de l’espace pour lui donner réellement vie. Cette vision prend donc à contre-courant l’idée habituelle de leur travail qui pourrait donner l’impression qu’ils cherchent simplement à créer une architecture pure en dépit du contexte. Au contraire, elle prendrait en compte les concepts traditionnels de forme et d’espaces de l’architecture moderne pour les remodeler et les adapter à leur lecture du monde contemporain. Fruit de cette architecture moderne du XXe siècle, la

1 Stan Allen, SANAA's Dirty Realism, The SANAA Studios 20062008, Learning From Japan : Single Story Urbanism, Lars Müller Publishers, Baden, 2010

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Outil de composition : la grille

grille orthogonale a été créée pour venir s’opposer aux éléments de composition de l’architecture classique, faite d’axes principaux et secondaires, de symétries, et de règles de compositions hiérarchisées. La grille prend donc une dimension démocratique en mettant tout le monde au même niveau, et définit les espaces non pas en les hiérarchisant comme dans l’architecture classique mais en les organisant selon les rapports fonctionnels qu’ils entretiennent.

SANAA réemploie la grille comme outil de base de construction et de composition de leurs projets, en allant au-delà avec l’emploi de forme curvilignes. Bien que certains projets comme le Grace Farms ne donnent pas l’impression qu'ils ont été imaginés avec cet outil, la grille est cependant présente, mais de manière plus ou moins claire. Elle est dans d’autres projets plutôt sous-jacente. Au sein de leur travail, elle appartient à une logique spatiale extensive qui ne connaît pas de limites. Elle permet de mettre en relation des éléments en série et à répétition, et est utilisée de manière aussi diverses et variées que l’est leur processus de conception de projet. En effet, les hypothèses de processus de construction de la forme et de la courbe nous permettent, comme dans le musée à Kanazawa, de distinguer facilement et distinctement la grille. Cependant, elle est souvent utilisée autrement et déformée, ce qui ne nous permet pas encore aujourd’hui de pouvoir définir définitivement et d’affirmer le processus de construction. La grille prend alors la forme :

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Outil de composition : la grille

• d’une “simple” grille (telle qu’elle est décrite par les architectes modernes) directement utilisée dans la composition des pièces

Dans le plan du musée d’art contemporain du XXIe siècle de Kanazawa, certaines pièces en périphérie sont coupées par l’enveloppe circulaire.

“La grille porte en elle de s’étendre de façon homogène et continue, puisqu’elle peut potentiellement se développer sans limite, all over.”2

Dans ce cas, la grille est en effet utilisée de manière extensible, qui s’étend au-delà des limites, presque à l’infini. Les pièces sont des boîtes de sous-programmes qui définissent des salles d’expositions. Elles possèdent une infinité de variations sur la base d’un carré ou d’un rectangle, et rendent la grille clairement visible. Entre espaces publics d’expositions et espaces privés de stockage ou de bureaux, les boîtes sont répétées dans des tailles infiniment variées sans pour autant être hiérarchisées. En effet, la grille tel que l’énonce Jacques Lucan, permet de se détacher de toute centralisation donc de hiérarchisation. Une centralisation qui aurait pourtant pu exister du fait du plan circulaire du musée. Le cercle induit un point central autour duquel gravitent une infinité de points pour former un cercle. Ce point central qui aurait pu accueillir l’espace le plus important du projet, se situe pourtant dans un espace de circulation. La courbe est dans le cas de ce projet, détachée de la grille de composition. Elle leur permet de brouiller et effacer ces hiérarchies que certains éléments comme la forme pourrait donner naturellement.

2 Jacques Lucan, Précisions sur un état présent de l'architecture, 2015, page 41

Fig.2 : Plan du musée d'Art contemporain du XXIe siècle de Kanazawa, Composition du projet, dessin des auteurs

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Outil de composition : la grille

• d’une grille déformée

En effet, il arrive qu’elle soit quasi imperceptible lorsque l’on regarde certains projets, mais en essayant de la faire réapparaitre, on parvient finalement à comprendre les logiques de construction. C’est le cas dans le projet du Grace Farm Cultural Center. La forme du projet est construite selon un diagramme, où chacun des espaces se placent en fonction de la topographie du site. Les pièces fermées sont positionnées sur les zones de plat, puis reliées par une courbe étroite le long de la pente. Dans ce cas-là, l’usage de la grille n’intervient pas dans la construction de la forme. Cependant, lorsque l’on essaie de reconstruire cette grille dans le bâtiment en se servant du dessin des poutres en toitures, auquel on ajoute des courbes traversant le projet longitudinalement, et en divisant en quatre chacune de ces poutres, on obtient une grille déformée. Ce maillage correspond au placement des poteaux et au dessin des pièces. Il permet également de comprendre comment les architectes passent du diagramme abstrait à la forme finie, où la ligne s'épaissie, se déforme, puis se gonfle et se dégonfle.

: Plan du centre culturel Grace Farm, Composition du projet, dessin des auteurs

Fig.3

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Outil de composition : la grille

• De plusieurs grilles sous-jacentes de composition Du cercle parfait jusqu’à la courbe mathématiquement complexe, on remarque une grande évolution de la construction de la courbe chez SANAA. En effet, la Flower House est composée d’une multitude d’arcs de cercles, créés à partir de cercles parfaits et définis à partir des points de grilles sous-jacentes. Ces grilles non visibles ont simplement permis d’assembler tous ces cercles et de les découper en différents arcs se rejoignant pour former ce que les architectes n'avaient encore jamais expérimenté : la fleur. C’est à partir de là que la grille s’est multipliée et s’est déformée pour atteindre des courbes de plus en plus organiques pour créer des projets qui en viendraient finalement à représenter de manière littérale cette nature (la rivière).

Lorsque l’on se penche plus en détail sur les dessins produits, on remarque que certains points de rotation des cercles sont parfois légèrement décalés par rapport aux trois grilles définies. En effet, on comprend qu’il existe une grille de base, mais la marge d’erreur ne nous permet pas d’affirmer dans certains cas comme celui de la Flower House, que la grille est un outil de base récurrent dans chaque projet.

0 10

: Plan de la Flower House, Composition du projet, dessin des auteurs

Fig.4

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Outil de composition : la grille

• d’une grille de composition structurelle Jusqu’ici, SANAA a toujours réalisé des séries d’actions pour s’écarter de la grille traditionnelle. Bien qu’ils l’aient utilisé comme un élément de composition des espaces jusqu’ici, le studio continue de développer différentes méthodes dans le processus de construction de la courbe et du plan cette fois-ci en utilisant la grille comme un élément de construction de la structure, à partir de laquelle les espaces viendront se créer. En effet, lorsque l’on tente de superposer la grille au plan du Glass Pavilion, on remarque que ni les pièces publiques ni les espaces tampons ne se superposent à la grille. Dans le cas de ce projet, la grille est utilisée horizontalement pour permettre de définir la structure des poutres horizontales cachées dans la toiture. Ces poutres reposent sur les poteaux également cachés dans les cloisons opaques de certains sous-programmes, qui soutiennent également les contreventements des poutres.

: Plan du Glass Pavilion de Toledo, Composition du projet, dessin des auteurs

Fig.5

Open storage 2

Primary exhibition 1

2 Open storage 1

Hotshop 2 Hotshop 1 Hall & lampwork Technical spaces 5 10 15 20 25

Fig.6 : Plan du Glass Pavilion de Toledo, Placement de la structure et des pièces selon la trame structurelle, dessin des auteurs

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Outil de composition : la grille

Si nous en revenons à ce que disait Jacques Lucan à propos de la grille, cela signifierait que SANAA cherche à effacer toute hiérarchie entre les éléments.

“I do not think that we always try to erase hierarchy. We are not interested in creating a non-hierarchy but in making a new one, which is different from the existing hierarchy.” 3

En effet, Ryue Nishizawa explique qu’ils ne cherchent pas une non-hiérarchie, mais plutôt une nouvelle forme de hiérarchie. Une citation floue qui semblerait pourtant être en contradiction avec leurs projets. Si l’on se penche sur chacun des plans analysés jusqu’ici, il semblerait qu’il n’existe aucun élément, aucun espace dominant qui permettrait de comprendre que le bâtiment fonctionne essentiellement autour. Bien que la structure pourrait apparaître comme quelque chose de massif car c’est elle qui permet au bâtiment d’exister, elle semble chez SANAA être un élément qu’on ne montre pas, dissout dans l’espace, caché et dissimulé dans les murs ou la toiture. Les espaces sont traités de la même manière : ils sont tous indépendants et bénéficient du même traitement matériel. Ils sont traités de manière analogue même s' ils sont dédiés à des fonctionnalités différentes.

Et cela s’accentue également par la monochromie retrouvée à chaque projet. Dans le cas du musée à Kanazawa par exemple, les cages d’escaliers sont traitées de la même manière que les salles d’expositions. Les murs sont lisses, uniformes et blancs. La lumière

3 Ryue Nishizawa, Liquid Playgrounds (fragment from a conversa- tion), Cristina Diaz Moreno et Efrén Garcia Grinda, El Croquis n°121122, page 25

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Outil de composition : la grille

naturelle est homogène et reflète sur les parois. Une architecture dans laquelle tout est mis en tension par des relations entre le corps, les objets et l’espace.

Cette non-hiérarchisation trouve aussi son penchant graphique dans la ligne. Lorsque l’on observe les plans publiés par les architectes (Fig.7), un même trait sert à l’ensemble du dessin. Une ligne délimite à la fois les murs porteurs et les cloisons, les fenêtres, jusqu’à l’objet de mobilier, la topographie, ou encore l’indication du débattement des portes. Ici, on parle de non-hiérarchisation graphique. Un choix qui s’est d’autant plus affirmé à partir de la fin des années 1990, où le passage à l’informatique à rendu le dessin numérique sans échelle. La ligne numérique possédait alors une taille unique, une couleur de calque. Elles n’instaurent aucune hiérarchie avant l’impression. De ce fait, les architectes ont commencé à produire des dessins de plus en plus simples, épurés et sans détails précis. Des dessins finalement presque schématiques, qu’ils souhaitaient retrouver aussi bien en plan qu’en volume. La ligne bidimensionnelle est alors passée en trois dimensions. En effet, l’architecture de SANAA est si fine et légère, que la maquette en papier apparaît comme la transposition parfaite des murs du projet construit, à l’échelle de la maquette. L’épaisseur de la feuille, sa transparence et sa souplesse tendent à accentuer cette non-hiérarchie qui s’étend jusque dans la représentation graphique et matérielle.

Fig.7 : Plan du Rolex Learning Center, Non-hiérarchisation des lignes, Olivier Meystre, Images des microcosmes flottants, Nouvelles figurations architecturales japonaises, 2017, page 135

: Plan du Rolex Learning Center, Placement de la structure et des pièces selon la trame, dessin des auteurs

Fig.8

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