

«Toute cette expérience, au demeurant, ne recompose à ce jour qu’une enfance “autre”, dont l’homme et l’écrivain prétendront s’arracher encore à dessein d’autres Ophir et pour, enfin, de plus illuminés retours.» Jean-Philippe Salabreuil 1
La première fois que j’entrais dans l’atelier d’Orsten Groom, je fus saisi par sa vitalité, le nombre impressionnant d’œuvres qui manifestait une pensée en mouvement. Elles nous appelaient à les suivre, d’un trait à l’autre, d’une couleur à l’autre, d’un tableau à l’autre. Cette énergie traduisait un dessein mental se déployant, dont l’invitation, l’appel étaient impérieux. Son origine était-elle la richesse étonnante des couleurs? Les jaunes orangés, les vermillons, les verts pourrissants, ou les roses ou, plutôt, un rose à ce point particulier que l’inventeur, en matière de beaux-arts, Philippe Marin décida de créer : ROSE GROOM – couleur extra-fine à l’huile – Série 2 – PW4, PR83, PR112. Il ne s’agissait pas d’un geste conceptuel comme le bleu d’Yves Klein, déposé le 12 mai 1960 à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) sous l’enveloppe Soleau n° 63476 au nom d’IKB; néanmoins, ce rose est un rose «déposé», un rose sombre, volontairement impur, entre la chair, le sang, la poudre. Il qualifie, pour moi, le nom d’Orsten Groom. Ce rose est «insituable» si ce n’est sous ce nom…
1. Jean-PhilippeSalabreuil, LeChemin, inL’Inespéré NRF Gallimard,Paris, 1969, p.123.
Sa présence «entre-deux» creuse le tableau. Elle ne vient pas vers nous, mais nous attire, vers le fond de la toile. Cette couleur est celle d’Edgar Allan Poe qui, en pleine ville, la faisait apparaître grâce à la surprise, une forme de déroute. Je l’associe au rose des sculptures métalliques et tubulaires de Franz West qui surgissent dans l’espace, comme des organes internes s’échappant du corps pour nous apostropher. Ce rose se répand et baigne un autoportrait du peintre accueillant le personnage d’Orsten Groom, hétéronyme de l’auteur devenu peintre ou s’envisageant comme tel. Il fixe et demande à la peinture de l’inventer.
La peinture d’Orsten Groom, éminemment vivante, ne choisit pas le rouge du sang ou le jaune du soleil mais ce rose singulier pour s’emparer du tableau. Ce rose sourd de l’arrière-plan et circule dans STENTOR, en de complexes croisements de teintes. Il inonde la part centrale du tableau EXOPULITAÏ. Il est diffus et vaporeux comme un nuage dans BAN, où il reçoit le lit, bleu et lévitant, d’un enfant.
Orsten Groom parle rarement des ingrédients de la peinture qui sont son lexique. Il pense avec la vue et va où les couleurs l’emmènent. Son rose est, chez lui, cette couleur qui révèle, par sa nature abstraite, une lumière nocturne, le souffle continu de la nuit. Son univers est entre rêve et sommeil. C’est en ce «lieu» que se libère et s’aiguise sa pensée. La richesse des tons, des couleurs, nous emporte comme un tapis volant. Parcourue d’une infinité de lignes, NIGDZIE vibre comme la surface d’une peau. Elle met en jeu l’apparition d’un espace physique interne supposé qui, paradoxalement, se retourne en une surface se dépliant devant nous. À ce sujet, je crois, Paul Valéry en dit long dans L’Idée fixe ou Deux hommes à la mer. Orsten Groom ne cite qu’une seule phrase de ce texte, mais il faut aller un peu plus loin pour découvrir l’étonnante correspondance entre les conceptions de l’écrivain et du peintre :
«[…] À propos de surface, est-il exact que vous avez dit ou écrit ceci : Ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, c’est la peau?
— C’est vrai.
— Qu’entendez-vous par là?
— C’est simpliçissime. Un jour agacé que j’étais par ces mots de profond et de profondeur
[…]
— Je parie que vous aviez lu quelque article sur Pascal.
— Je ne tiens pas ce pari. Pas plus que celui de Pascal.
— Et alors?
— Eh bien ce sont des inventions de la peau! Nous avons beau creuser Docteur, nous sommes… ectodermes.
— Oui mais… il y a des prolongements.
— Nous poussons jusque dans les viscères… mais de ce côté nous n’avons pas des appareils très perfectionnés. Rien qui ne ressemble aux combinaisons de mécanismes, à l’étalement de sensations qui se
Nautilus
GXXI - 2010
Métal, bois, peinture à l’huile et lance-flammes H.190×L.60×P.45cm
CourtesyTemplon, Paris – Brussels – New York
GXXI
Techniques mixtes sur toile 210×310cm
Courtesy Templon, Paris – Brussels – New York
ORBE
GXXI
Techniques mixtes sur toile 120×120cm
Collection particulière
ORBE
GXXI
Techniques mixtes sur toile 120×120cm
Collection particulière
FORT-DA [série CHROME DINETTE]
GXXI
Techniques mixtes sur toile 160×215cm
CourtesyTemplon, Paris – Brussels – New York
JEROBOAM
[série CHROME DINETTE]
GXXI
Techniques mixtes sur toile 160×215cm
Diskus
DORA MAAT
[série CHROME DINETTE]
GXXI
Techniques mixtes sur toile 160×215cm
Diskus