



10 Introduction Stéphane Tarroux
14 Michel Collot L’Arbre dans tous ses états
22 Laurent Fabre Arborescens
32 Œuvres
140 Éléments biographiques
L’atelier de Pierre-Luc Poujol ouvre sur un parc planté de pins, dont la couverture se prolonge vers un bois attenant. La vue élargie offre moins un cadre que la présence des arbres mise à distance par le regard. Déjà s’accomplit dans la relation à l’espace la première étape vers une méthode qui a peu de rapport avec les attentes propres à la représentation. L’arbre est depuis près de quinze ans le centre même d’un travail que Pierre-Luc Poujol mène à bien par séries. Dix parmi les plus récentes sont réunies pour l’exposition «Arborescences». À travers les soixante-dix œuvres se dessinent les toutes dernières étapes d’un parcours artistique où les techniques – acrylique, charbon – et les modalités de création – dripping, dessin, installations et volumes – se diversifient sans jamais épuiser leur figure centrale, toujours envisagée comme motif en devenir.
Pierre-Luc Poujol revendique son admiration pour les peintres américains à l’origine de l’abstraction lyrique. La gestualité, qui donne à la trace le statut d’expérience unique, de fait impossible à reproduire, est au cœur de sa pratique. De la main au corps tout entier, le geste n’est guidé par aucun plan ni étude préparatoire. Il provient d’une nécessité intérieure qu’une série permet d’identifier comme L’Appel de la forêt. Dans sa traduction française, le titre emprunté à Jack London mobilise un lieu de l’imaginaire des contes. Mais le titre original du roman, The Call of the Wild, fait de l’appel l’émanation d’une puissance obscure et brutale, ambivalente, tout à la fois et indifféremment destructrice et créatrice. L’Appel de la forêt résonne dans l’œuvre tout autant que dans le corps du peintre et au cœur de notre monde
Ne faut-il pas voir précisément à la source du dripping la volonté suivante: produire un geste maîtrisé qui ménage un équilibre entre la liberté des possibles et la violence de la pulsion instinctive?
Pierre-Luc Poujol tient toutefois à maintenir un lien référentiel avec le réel, fût-ce une relation ténue. Dans la série Écorces, une résille n’est pas sans rappeler l’apparence irrégulière de la peau des arbres. La surface de la toile N°637 appartenantà la série Empreintes est également structurée à la manière d’une grille. Elle a pour fonction de faire percevoir la vibration – et donc la matérialité – de la lumière comme au travers d’un feuillage. Sans l’avoir planifié ou recherché, et malgré une connaissance de la peinture qui ne lui fait rien ignorer
de ses courants et de ses enjeux contemporains, réapparaissent dans son travail les techniques développées par les artistes de la nonfiguration en réaction aux excès gestuels des peintres américains. Comme Roger Bissière, il pourrait déclarer non sans humour: «J’ai horreur de tout ce qui est systématique 1 », tant il tient à varier les approches pour saisir l’arbre non seulement comme motif, mais aussi comme phénomène. La série des Looking up opère la synthèse de ces recherches en y ajoutant une dimension immersive qui appelle à faire retour vers le monde.
Par le moyen de la relation analogique, Pierre-Luc Poujol invite àobserverla profonde–maisnormalementimplicite–unitéduvivant dans lequel il est lui-même inclus. Très répandues dans son travail, les formes organiques et biomorphiques font ainsi apparaître d’étonnantes équivalences plastiques entre extérieur et intérieur, entre le corps et le monde. L’œuvre N° 513 en donne sans doute l’une des plus éclatantes manifestations: tout un réseau de lignes enchevêtrées innerve littéralement la surface comme autant de branches ou d’artères déployées devant un arrière-plan lumineux. Les arbographies poussent plus loin les similitudes: placées sur des négatoscopes, deux images invitent à observer les nervures à la manière des ramifications d’un végétal, mais aussi d’un système osseux atteint de fractures (N°622), de l’entrelacement des vaisseaux d’un organe, précisément d’un poumon (N°635), d’un réseau neuronal ou d’un système nerveux (N°657). Si l’arbographie n’aborde pas la question de la santé de la nature dans sa frontalité, comme pourrait le faire un travail militant, elle est indissociable d’une inquiétude ou du sentiment d’un danger.
L’arbographie est obtenue par la technique de l’empreinte, qui suppose en principe, comme paradigme assumé, la répétition du même par contact direct. Le principe est appliqué au sens littéral pour l’œuvre N°626, dont le châssis brisé et la face entoilée portent la marque de l’impact d’un arbre au moment de sa chute sur le sol. Georges Didi-Huberman soulève la question de l’ambivalence de l’empreinte: elle est en réalité une image dialectique, qui induit aussi bien la présence que l’absence de son référent. Par la vertu de cette présence-absence ou de cette non-présence, l’empreinte
1. Roger Bissière,« J’aihorreur detout cequiest systématique», In Roger Bissière, cat.d’exposition, Eindhoven, Amsterdam, 1957.
N°630
Série Arborescences
2023
Technique mixte, acrylique sur toiles, branches d’arbres, aiguilles de pin, cendres végétales
574×130cm
Collection particulière
suggère le sentiment de la vitalité autant que de la disparition. La série Arborescences pousse l’audace jusqu’à employer les matériaux organiques issus de la destruction des arbres: la cendre appliquée avec des branchages devient le pigment principal du N°630, œuvre monumentale restituant un pin à l’échelle 1, mais fragmentée dans sa composition. La cendre devient la substance de l’empreinte qui apparaît comme une version négative d’un positif existant autrefois, dépouillé de sa force vitale. Les installations N°678 et Résilience sont la transposition des mêmes ambitions dans l’ordre de la troisième dimension. Elles poursuivent sur un autre plan l’intention immersive des Looking up et des arbographies (N°622 et 635) accompagnées de sons, en sollicitant la perception de la totalité du corps et de nos sens.
La méditation que l’arbre soulève a changé de nature: il arrivait que, sur les collines d’Italie, la ville soit oubliée pour jouir de la seule silhouette des pins et du sentiment d’éternité qu’ils inspirent. Temples, palais, ruines, tout le décorum renaissant ou romantique nous invitait à répéter la rêverie conventionnelle sur le transitoire de notre existence, puis, plus philosophiquement, sur la question de l’être: «Vois: les arbres sont !»,s’écriele je lyrique de Rilke.
À l’orée des années 1990, Michel Serres publiait Le Contrat naturel : comme acteur majeur, évacué dans les querelles entre puissances, la nature devait retrouver sa place au centre du jeu. Loin des polémiques, mais habité par notre conscience contemporaine, Pierre-Luc Poujol invite à placer l’arbre au cœur d’une expérience retrouvée et renouvelée de la nature, puissance d’autant plus menaçante qu’elle est menacée. Face au néant de l’au-delà, il redéfinit les fins et les moyens de son art pour se situer à l’écoute de la vérité de la seule immanence.
N°19
Série Écorces
2009
Technique mixte, acrylique sur toile 180×60cm
Collection particulière
N°434
Série L’Appel de la forêt
2020
Technique mixte, acrylique sur toile 200×200cm
N°610
Série Empreintes
2023
Technique mixte, acrylique sur bâche 200×300cm
N°596
Série Empreintes
2023
Technique mixte, acrylique sur bâche 200×500cm
N°600
Série Arborescences
2023
Technique mixte, acrylique sur toile, branches d’arbres, aiguilles de pin 195×130cm
N°606
Série Arborescences
2023
Technique mixte, acrylique sur toile, branches d’arbres, aiguilles de pin 160×160cm
Quadriptyque
Collection particulière
N°628
2023
Installation«Résilience»
N° 682, 683, 684, 685, 686, 687, 688, 689, 690, 691
Série Arsin
2024
Bois brûlés sur platine en acier 200×30×30cm
Pierre-Luc Poujol est né en 1963 au cœur des Cévennes.
En 1984, il entame de brillantes études aux arts appliqués de Bordeaux d’où il sort major de promotion (Premier prix de dessin, premier prix de perspectives, premier prix de croquis).
Après avoir partagé son temps entre la France et les États-Unis pendant plusieurs années, il installe définitivement en 2018 son atelier dans le Sud de la France, près de Montpellier.
Influencé par les racines paysannes de son grand-père agriculteur et bercé par l’environnement spirituel de son père pasteur, Pierre-Luc Poujol développe très tôt une sensibilité au monde et à la nature qui l’entoure.
Dès ses premiers travaux sur l’écorce, il sonde l’âme des arbres, s’en approche au plus près à l’aide de ses techniques de projection et de dripping. L’artiste ne cesse cependant de tenter des expériences en dialogue constant avec la matière et le support. Progressivement, il diversifie ses approches artistiques, alliant dorénavant des outils singuliers (branches d’arbres) qu’il a su créer et des médiums organiques qu’il récolte (cendres, écorces...).
Artiste impliqué, il devient au printemps 2022, le premier ambassadeur de l’ONG française Cœur de Forêt pour laquelle il prête sa voix et ses pinceaux en faveur de la préservation de notre biodiversité.
Expositions personnelles
2023
«The Art of living», Hugo Gallery, New-York (États-Unis)
Maison de la Région Occitanie, New-York (États-Unis)
«Symbiose», Galerie Ida Médicis, Paris (France)
2022
Galerie Ariel Jakob, Paris (France)
«Résonance», Galerie Ida Médicis, Paris (France)
Culture Inside Gallery, Luxembourg (Luxembourg)
2021
Galerie Le Confort des Étranges, Toulouse (France)
«Résonances», Église Saint Jean Baptiste, Castelnau-le-Lez (France)
Nezhakanouni gallery, Marbella (Espagne)
«The Forest call», Galerie Ida Médicis, Paris (France)
2020
Culture Inside Gallery, Luxembourg (Luxembourg)
«Voyage à Giverny», Galerie Ida Médicis, Paris (France)
2019
Culture Inside Gallery, Luxembourg (Luxembourg)
Galerie Ida Médicis, Paris (France)
2018
«Between the lines», Galerie Ida Médicis, Paris (France)
Galerie Acabas, Gstaad (Suisse)
Galerie Maxanart, La bastide Clairence (France)
2017
Culture Inside Gallery, Luxembourg (Luxembourg)
Art Bastion Gallery, Miami (États-Unis)
Galerie Diptyk, Nantes (France)
Galerie Maxanart, La bastide Clairence (France)
2016
“Dripping emotions”, Galerie MeltingArt, Lille (France)
Culture Inside Gallery, Luxembourg (Luxembourg)
Galerie Acabas, Paris (France)
Galerie ELV, Knocke (Belgique)
Ricart Gallery, Miami (États-Unis)
2015
“Action dripping”, galerie My Contemporary, Paris (France)
Galerie Audrey Marty, Saint Malo (France)
“Between the lines”, Ricart Gallery, Miami (États-Unis)
Galerie Acabas, Paris (France)
2014
Galerie Acabas, Paris (France)
«Entre les lignes», galerie 13, Montpellier (France)
Galerie Melting Art, Lille (France)
Culture Inside Gallery, Luxembourg (Luxembourg)
2013
Exposition sous le patronage de l’ambassade de France au Luxembourg, Culture Inside Gallery, Luxembourg (Luxembourg)
S&D Gallery, Londres (Royaume-Uni)
Galerie Acabas, Paris (France)
Exposition au Pavillon M, «Marseille-Provence, capitale européenne de la culture, Marseille (France)
2012
Galerie Acabas, Paris (France)
Siège BNP, Nanterre (France)
2011
Exposition privée, Doha (Qatar)
Galerie Acabas, Paris (France)
2024
«Arborescences», Pierre-Luc Poujol, Musée Paul Valéry Sète (France)
2020
«VoyageàGiverny», Pierre-Luc Poujol, Musée Paul Valéry Sète (France)
Musée Paul Valéry, Sète (France)
Région Occitanie - Pyrénées / Méditerranée, Montpellier (France)
Ville de Divonne les Bains (France)
Ville de Castelnau-le-Lez (France)
Siège BNP Paribas Cardiff, Paris (France)
Siège FDI Groupe, Montpellier (France)
Art Bastion, Design District, Miami (États-Unis)
Évêché de Montpellier (France)
Expositions collectives
2018
«Dripping energy», Pulse, Miami (États-Unis)
2017
«Sur un arbre perché», Domaine de Restinclières (France)
Galerie Maxanart, La bastide Clairence (France)
2016
Art Bastion Gallery, Miami (France)
St’Art, Strasbourg (France)
2015
Ricart Gallery, Miami (France)
«Scope»,Bâle(Suisse)
«Scope»,Miami(États-Unis)
2014
Ricart Gallery, Miami (France)
2011
BMAC Gallery, Brooklyn (États-Unis)
Ward Nasse Gallery, New-York (États-Unis)
Galerie Hors Champs, Paris (France)
2010
Galerie de Médicis, Paris (France)
2002
Lauréat du concours international pour la création de la bouteille officielle de Châteauneuf-du-Pape
2000
Lauréat du concours international pour la création de l’identité visuelle «Bethléem 2000» sous le haut patronage de l’Unesco et du gouvernement palestinien.
Artistes d’Occitanie, «Les 30 artistes 2022», Artistes de France, 2021, 145 p.
Catalogue d’exposition, «Voyage à Giverny, Pierre-LucPoujol», Musée Paul Valéry, 2020, 39 p.
Pierre-Luc Poujol, «Betweenthelines», Artelite, 2016, 168 p.
«La bible de l’art abstrait», éditions Le Livre d’art, 2012-2013, 167 p.
«Pierre-lucPoujol», Artélite, 2011, 40 p.