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Mondialisation et enseignement du français, par Pouria Amirshahi

Monsieur Pouria AMiRSHAHi1

Député de la neuvième circonscription des Français établis hors de France

introduction par Manuela Ferrera-Pinto, secrétaire générale de l’ASDiFLE

La thématique de cette 55e rencontre a été inspirée par le rapport parlementaire publié en janvier 2014 sur ces questions de langue française, d’éducation, d’économie et de culture dont Pouria Amirshahi est rapporteur ; je vous invite à aller lire avec attention ce document largement diffusé au sein de l’association et sur les réseaux sociaux car il met en valeur les questions de langue française au sein des systèmes éducatifs. Ce rapport est l’un des premiers à mettre en valeur les questions de norme en éducation, un sujet très important pour les acteurs de l’enseignement du français étant donné l’influence des rapports internationaux. Je souligne que c’est la première fois qu’un rapport parlementaire aborde cette question avec autant de précision.

Pouria Amirshahi

Mesdames, messieurs, c’est un plaisir pour moi d’être ici et je remercie Madame la Présidente et les organisateurs de cette journée de m’avoir invité à débattre de l’enjeu francophone et de l’apprentissage de la langue française dans la mondialisation.

J’attends de vous également, acteurs de la francophonie, questionnements et propositions qui nous permettront d’avancer ensemble vers un nouveau chemin avec les acteurs institutionnels (le ministère des Affaires Étrangères est ici présent) et les citoyens francophones du monde entier en essayant de leur donner force et visibilité.

Je n’ai pas la prétention de parler de ce que vous maîtrisez mieux que moi, c’est-àdire l’apprentissage du français dans ses fondements et ses méthodes pédagogiques et j’ai beaucoup à apprendre de ce qui concerne des millions d’hommes, de femmes, d’enfants en France ou d’ailleurs mais aussi des derniers travaux, recherches et engagements ; j’ai pour ma part abordé le sujet de façon plus « politique », en étant très concret dans les ambitions que nous posent aujourd’hui tous ceux qui pratiquent et aiment cette langue dans le monde plurilingue qui s’ouvre, et dans cette mondialisation ; je suis attaché au déploiement, à l’enracinement et surtout à l’appartenance commune et universelle.

J’ai commis effectivement un rapport parlementaire et une plaquette sera distribuée qui en résume l’essentiel, une brochure de dix propositions.

Avant d’introduire mon propos, je vais appliquer un adage pédagogique que je n’ai jamais fait mien, celui de l’art de la répétition, avec toute une série de réflexions,

car il faut commencer par là, répéter et plaider pour une francophonie qui est, à mon avis, délaissée par nos propres élites et non pensée à l’aune de cette mondialisation, de ce monde qui bouge et se transforme. Heureuse ou malheureuse je n’entre pas dans ce débat-là mais on voit à l’évidence qu’elle percute des identités, qu’elle réorganise des aires géo-culturelles autour de grandes langues centrales ; c’est le cas des lusophones – je connais un peu le continent africain étant élu de la circonscription représentant les Français de l’étranger qui y vivent – on sait que Mozambique, Angola, Brésil, Portugal travaillent, convergent dans différents domaines de coopération. Vous savez aussi que le domaine hispanophone n’est pas en reste, on compte à la fois des initiatives privées la fondation Téléfonica par exemple et des volontés publiques, que les convergences soient naturelles ou volontaristes. Les arabophones depuis le grand débat sur la réforme de l’alphabet arabe et l’émergence des grands réseaux culturels et des médias Al Gézira, Al Arabia etc. se réorganisent aussi ; mais pas les francophones du monde (je commence par la version négative), nous sommes en retard ; nous n’avons pas formulé de nouvelle ambition francophone dans cette mondialisation, traversée de turbulences ; je ne nie pas qu’il faille préserver les « petites » langues, (expression rapide qui peut choquer) mais pour plusieurs raisons, cela ne doit pas se faire au détriment de l’émergence d’une ambition francophone qu’il est vital de faire exister.

Je vous soumets l’idée de formuler, avec nos partenaires francophones, au nom d’idéaux, d’intérêts, d’un sentiment d’appartenance, une stratégie fondée d’abord sur la convergence des contenus. Indépendamment de l’OIF qui accomplit son travail et ses missions, il faut recenser non pas 80 pays francophones mais 30 ou 34 vraiment francophones, et resserrer les liens entre ces pays francophones-là, pratiquant réellement et sérieusement la langue française, quelles qu’en soient les déclinaisons, langue officielle, langue administrative, ou langue parlée.

A l’aune de cette mondialisation, une nouvelle alliance est à mettre en place entre des pays francophones en Afrique, en Europe comme en Amérique du Nord, qui puissent s’entendre sur une convergence de contenu scientifique, économique et éducatif et déploient une stratégie commune avec une perspective de conscience francophone, cultivée principalement à partir de l’apprentissage de la langue et des enjeux éducatifs.

Cette stratégie-là constitue une belle alliance politique, alliance des Noirs et des Blancs, des Maghrébins et des Latins, des Européens et des Américains, qui aujourd’hui apparaît comme une façon de proposer une forme d’universalité assumée alors que les replis identitaires se font jour. S’il faut mettre en perspective notre fraternelle humanité, notre langue et notre culture avec ceux qui en sont dépositaires locuteurs, c’est qu’elles manifestent quelque chose de plus (comme toutes les autres langues) que la langue de la seule France. C’est un beau projet qui mériterait d’être porté comme tel et se décliner concrètement. Il est sidérant, avec autant de

pays développés, avancés au niveau des équipements, de la science, de la recherche, que compte la Francophonie, d’imaginer qu’elle ne dispose pas d’une revue scientifique internationale digne de ce nom, capable de concurrencer Science ou Nature (en anglais), c’est tout à fait impensable. C’est une question de volonté politique et d’engagement car la communauté scientifique internationale est bien en attente d’une telle création (y compris celle qui est contrainte ou pas de produire ou faire produire en anglais) ; aujourd’hui dans tous les domaines scientifiques, la possibilité de décliner une pensée en français existe ; voilà une perspective de convergence pour mettre en réseau concrètement des disciplines avec une stratégie francophone internationale.

Le contenu éducatif constitue un autre élément de convergence. Rien n’empêche de penser que demain nous ayons à Montréal, à Paris, à Bruxelles comme à Alger, des diplômes et des contenus équivalents. Je mets les matières à part – chacun ayant ses propres représentations historiques, les imaginaires nationaux étant singuliers – mais rien n’empêche de réaliser cette ambition-là. Et pour avoir fait le tour des pays, je peux affirmer que les hommes et les femmes de bonne volonté sont prêts et se sont déjà inscrits dans des politiques de réflexion sur des formats pédagogiques.

Et là je reviens à une crise très française. Imaginons une seconde que demain, nous enseignions, jusqu’au bac français, en littérature pas simplement nos classiques français mais aussi les auteurs francophones du monde entier : Kateb Yacine, Amin Malouf, Soni Labou Tansi et d’autres ; imaginez l’impact que cela pourrait avoir sur nos jeunes français de voir, dès leur plus jeune âge, la francophonie autrement qu’axée sur la France, mais comme un monde ouvert à l’heure où on brandit la crainte de l’autre francophone, celui de l’autre côté de la Méditerranée, susceptible par sa culture et ses malheurs de porter tous les dangers du monde ; une réappropriation éducative peut être porteuse d’une culture francophone et d’une appartenance communes, constituer une véritable éducation au respect, à la compréhension de l’intelligence et de la richesse de l’autre culture, en diffusant ces auteurs. La question se pose en France pour nos jeunes de se réapproprier cet universel.

Car souvent pour des raisons politiques, l’éducation se fait avec un bruit médiatique ambiant à travers la relation au francophone vue comme une relation à l’exotique, comme si le vrai francophone était le non-français qui parle français. Ce qui est insupportable.

Avec ces éléments de convergence, si la France manifeste volonté et ambition, en dix, quinze ans, en déployant dès maintenant cette stratégie, on peut transformer les Instituts français et les écoles, à terme, en Instituts et Ecoles francophones – on l’a bien fait avec TV5 monde et avec Arte – en établissements co-gérés, et créer des présences francophones dans des pays non francophones comme en Australie par exemple pour rayonner ensemble dans un engagement pédagogique et culturel. Je pourrais dérouler des éléments de convergence possibles comme les normes scienti-

fiques, comme la bataille des brevets, essentielle (il n’y a pas de brevets en français). II est sidérant d’entendre des discours velléitaires sur la langue française et de laisser faire les brevetages en anglais, réclamés de surcroit par des voix françaises. Ces stratégies de brevetage sont à remettre en perspective avec des stratégies concrètes. Pour ce faire, il est nécessaire de se mobiliser, il faut partout, quels que soient les publics, de l’hyper conservateur au progressiste universel, plaider et tirer le fil de ce qui nous relie les uns aux autres ; on peut avoir de grandes surprises et l’on trouve des gens – a priori « naphtaliniques » de la langue française – qui à la fin se réjouissent plutôt d’avoir une relation nouvelle avec d’autres cultures et d’autres nations du monde. Les gens sont fatigués des discours creux, ce qui compte ce sont les actes en adéquation avec les discours.

C’est un enjeu politique que de donner des moyens à la francophonie en travaillant par projets mais cela nécessite une grande disponibilité et de se constituer autour d’une quinzaine de pays qui formeraient un premier cercle, un noyau dur.

Il s’agit à propos de la mondialisation et de la francophonie d’éviter d’inquiétantes dérives ; je réfléchis à des initiatives positives, dépassant l’insurrection contre les mots de Carrefour Market ou Green cab, suscitant l’envie d’assumer sa propre langue, – que nos propres élites n’assument pas – de lutter contre la servitude volontaire d’une élite mondialisée, parlant en anglais sans y être obligée ; certes l’anglais est une belle langue mais réfléchissons à une façon de faire valoir la nôtre : on peut accepter une acculturation pour les mots étrangers, anglais, arabes, chinois et non opérer une francisation systématique ; car ce processus est révélateur alors d’un état d’esprit, d’une panne d’imaginaire national… bref d’un recul permanent. L’introduction de l’anglais comme élément de substitution est dommage et triste mais on peut y remédier en inscrivant notre réflexion dans une géo-politique, une géo-prospective, la focale principale en étant le risque de crise profonde en Afrique. Ayons deux éléments en tête : faire la belle alliance entre les deux rives de la Méditerranée et les Francophones du monde, américains, maghrébins et autres ainsi qu’entre les pays les plus riches et ces autres pays qui sont presque tous sont bilingues ; nous sommes les seuls relativement pauvres sur le plan des langues bien que nous soyons riches de nos langues régionales mais les Marocains, les Algériens, les Tunisiens, les Sénégalais principalement, les Maliens qui ont plusieurs langues, et d’autres encore ont cet atout immense d’être riches d’une pluralité linguistique.

Pour revenir à ce que j’évoquais précédemment, quel que soit le point de vue que l’on ait sur les causes des catastrophes géo-politiques actuelles et des responsabilités (crises dont on parle à l’aune de la montée du terrorisme, du radicalisme religieux, de la pauvreté), on peut faire la guerre et on peut décider par ailleurs que l’on peut aider les populations en danger.

On nous dit que le président du Niger élu, s’engage sur deux programmes de souveraineté, un alimentaire, l’autre d’éducation gratuite, publique, mixte, obligatoire

de trois à seize ans. Personne, ni la France ni l’Union européenne, n’a financé, même modestement ce beau programme, n’a répondu à cette grande ambition politique.

Ainsi on va rencontrer un problème de défaillance chronique de la capacité éducative et sa substitution par les écoles religieuses (au lieu d’écoles françaises).

Par ailleurs, on nous donne un espoir, une formule facile : bientôt se bousculeront huit cents millions de francophones portés par l’Afrique et sa démographie ; mais sans école, sans personnes éduquées en français et dans les langues nationales, l’inverse de cette richesse potentielle peut se produire. Il peut y avoir effacement, disparition des langues.

Pour changer le cours des choses, car il est possible de faire autrement, il faut en avoir l’ambition, la volonté sincère profonde et féconde d’aller vers une communauté d’intérêt et de sentiment d’appartenance, avec la conscience que dans cette mondialisation, capable de donner le pire comme le meilleur, on peut choisir le meilleur, et il passe par les grandes régulations essentielles dans les domaines écologique, industriel, économique, et surtout par la langue, la culture et l’intercompréhension – car les langues sont centrales, et plus qu’on ne le croit ; sans cela, comment envisager une mondialisation heureuse pour demain ? Soyons conscient de notre force pour y arriver.

J’avais pris position sur cette question à l’heure où les Présidents et les Directeurs d’Universités et Grandes écoles allemandes arrêtent le tout anglais s’apercevant qu’ils n’ont plus de Francophones ni d’Hispanophones.

On peut alors se dire qu’il y a là, dans cette période particulière de l’histoire, la possibilité de refonder une nouvelle ambition qui redonne sens et confiance à nos compatriotes, en France, qui parfois doutent d’eux-mêmes et n’arrivent plus à s’inscrire dans le moment présent, dans ce qu’ils sont, comme si l’histoire ne reposait que sur le passé, une idée de « grande » histoire de la France, fondée sur le prestige de la langue et de la littérature. En réalité, c’est plus profond, plus stratégique, plus ambitieux que ce retour au passé. N’y voyez aucune flagornerie, mais vous, femmes, hommes de tout terrain portez cette ambition qui sans vous aurait été depuis bien longtemps abandonnée ; il suffit qu’on la reformalise, qu’on lui donne de la cohérence, qu’on lui donne de la force, pour essayer de faire avec vous tous et toutes, c’est ce que j’ai voulu inscrire dans mon rapport, ce que je continue à faire ; la Francophonie ne doit pas être aux Affaires étrangères ce que le sport est au bac, et j’aime beaucoup le sport … C’est un enjeu géostratégique, politique, culturel, dans lequel inscrire nos ambitions collectives. Nous pouvons vraiment rêver d’un monde plus assumé, plus libéré de nos propres imaginaires.

Merci beaucoup.

Je n’ai fait que dix propositions dans mon rapport et évidemment de nombreuses questions ne sont pas traitées. Je suis donc ouvert à toutes vos interpellations, et suis à votre entière disposition.

Questions et réponses

Pouria AMIRSHAHI en réponse à un commentaire de Laurent Galissot du MAE

Vous représentez le MAE qui manifeste une prise de conscience mais à mon sens pas suffisamment ; désolé, je joue ici mon rôle de parlementaire qui parle à l’exécutif ; je partage beaucoup de choses avec vous mais j’écarte d’emblée deux mauvais arguments à propos de la langue française : d’abord la beauté de la langue ; elle n’est pas plus belle qu’une autre ; ensuite le français serait la langue des valeurs, pas plus qu’une autre car aujourd’hui la démocratie ça s’écrit en arabe en Tunisie. Ce qui fonde le progrès c’est la réalité des pays et il y a des pays qui n’ont pas choisi, des peuples qui n’ont pas choisi la langue française et le fait est que la richesse de ces pays c’est le bilinguisme. Ainsi le Sénégal assume son bilinguisme, se réapproprie sa langue, le wolof ; cette ambition éducative pourrait répondre à une communauté de desseins et l’on peut convaincre ceux qui sont en charge des politiques publiques dans ces pays au regard des expériences du Maghreb ; même si l’expérience du Maroc « analphabète bilingue » ont dit certains, entre francisation forcée et arabisation forcée, a donné très peu de résultats satisfaisants. Le mot bilinguisme reste compliqué dans les représentations arabes… Nos voisins méditerranéens sont des voisins intelligents, donnant par exemple des médecins remarquables, de Tunisie et d’ailleurs, ayant un niveau d’excellence mais sans possibilité de pratiquer ; en Allemagne, on accorde aux Turcs une année de prise en charge par des médecins référents, avec une paie honorable et un libre exercice de la médecine selon les règles du pays ; ça s’appelle faire un choix politique – sur ce point-là on décide de faire une petite suspension – c’est possible de le faire dans les traités, comme l’ont fait les Allemands. Laura Abbou Haiddar, directrice du CUEF de Grenoble :

J’évoque le français en France ; la France a mal en ses langues ; on se sent désemparé, lâché par les politiques dans le monde universitaire ; le projet IDEX était un projet d’excellence et on doit rendre nos copies en anglais car seuls des experts anglais sont habilités à expertiser nos savoirs et nos recherches. Il faut se battre avec nos collègues des laboratoires scientifiques pour développer le français en France, ils ne comprennent pas l’utilité de faire apprendre le français à leurs étudiants. Pouria AMIRSHAHI

Si j’étais à votre place, je créerais un collectif pour dire non, nous refusons ; je suis d’une culture militante où j’organise pensée et action ; refusez sans acrimonie vis-à-vis des autres langues (je veux bien être tenu au courant, je suis très intéressé). D’abord dire non, formaliser puis après discuter, dans un vrai rapport de force ; pour

ce qui est de l’anglais, on se trompe lourdement en pensant qu’il est la langue étrangère capitale de l’apprentissage ; si à la maternelle on apprenait les sonorités linguistiques, les mélodies des langues dix, vingt minutes par jour, une fois l’arabe, une fois l’espagnol, une fois le chinois, quand on demanderait à nos enfants, arrivés en 6ème, de choisir une langue, il n’est pas dit qu’ils choisiraient l’anglais. C’est une question de vision et de moyens.

Plaidons pour une révision fondamentale du rapport aux autres langues en France, non menacées ; la deuxième langue la plus parlée est l’arabe ; où sont les enseignants ? Certains ont dit rompre avec l’apprentissage des langues maternelles alors que c’est juste cela qui permet l’intégration… Et c’est bien que l’on puisse s’enrichir en prenant en compte l’apprentissage d’une langue nouvelle ; dans les langues de France on compte le créole et les langues régionales : le tarja, langue du Magrheb et l’arabe en font partie officiellement ; il s’agit d’assumer et de ne pas avoir peur ; la bataille culturelle prend du temps ; un apprentissage est nécessaire vis à vis de cet enjeu là ; restons positif, jamais dans la plainte pour dire qui nous sommes, pourquoi et comment nous voulons partager notre langue. Raimond Gevaert Vice-Président FIPF

Actuellement dans le monde, 300 auteurs écrivent en français et ce ne sont pas à l’origine des francophones. Publiés en France (je ne parle pas d’Africains publiant en Afrique) ; il s’agit d’un choix, politique ou culturel ; beaucoup sont d’origine asiatique, scandinave etc. Cette dimension est à introduire dans un enseignement du français en France. Dans une librairie parisienne, cherchant Denis LaFerrière, on m’a renvoyé au rayon des auteurs antillais. Catégorisation qui prête à réfléchir ! Pouria AMIRSHAHI

L’Édition est concernée et la densité du réseau de librairies en Afrique est faible mais on peut relever ces enjeux si les éditeurs sont mobilisés. L’enjeu oral appelle une autre dimension : la culture de l’oralité est-elle supérieure ou pas ? S’il y a beaucoup de réseaux sociaux, d’images, la question stratégique de l’oral est posée.

Les Français doivent faire des efforts : on ne reprend pas les gens qui désirent parler notre langue, ils sont systématiquement repris par exemple : « la » bus. Vous n’y pensez pas ! « Non le bus ! ». Ceux qui font un effort pour parler français méritent tout, sauf d’être repris. Philippe Padeloup, OIF :

Vous parlez d’une Alliance francophone ? Pourquoi ne pas profiter des structures existantes et passer par l’OIF ? Pouria AMIRSHAHI

L’OIF avec son actuelle dirigeante Mikael JEAN est bien sûr incontournable et incluse dans la stratégie du premier cercle ; mais si on ne doit ni exclure ni humilier

qui que ce soit, il est absurde que le Mexique et le Qatar, pays non francophones, fassent partie d’une alliance francophone. On doit rester sur l’objet de la réunion, qui est la langue : plus de la moitié des pays membres qui sont là ne parlent pas le français ; du travail a été fait en termes d’accompagnement démocratique et je ne nie pas l’importance géostratégique que la présence de ces Etats peut avoir mais au regard de la langue ils n’ont pas leur place.

Que reste-t-il pour une Alliance ? Le premier cercle de pays vraiment francophones et la mission dévolue à l’OIF : éviter les lourdeurs démocratiques. Cela dépend en grande partie de la feuille de route attribuée à Mikael Jean et à sa nouvelle équipe. On doit éviter le morcellement. Fabienne Lallement, secrétaire générale FIPF

Vous avez mis l’accent sur la valeur de la question de l’enseignement du français et sur l’éducation qui est stratégique ; nous représentons la force d’un réseau militant de professeurs de français ; comment pensez-vous appuyer ces enseignants militants ? Pouria AMIRSHAHI

Je connais la FIPF ; c’est ce réseau qui peut déterminer avec sa masse critique cet effet de levier dont on a besoin. Que suggérez-vous pour éclairer les pouvoirs publics ? Qu’est-il utile de faire ? Qu’imagine votre fédération et d’autres associations de transmetteurs de langues ? Des initiatives fédératives sont à construire pour une véritable réflexion politique sur l’avenir de notre réseau ; je suis ouvert à vos propositions et suis prêt à vous apporter un appui politique. Manuela Ferrera-Pinto, secrétaire générale ASDIFLE

Directrice du département Langue française au CIEP

Je désirais parler de la politique des bailleurs ; l’approche par compétences a inondé les systèmes africains car les bailleurs ont projeté dans leurs projets une démarche et des principes éducatifs ; la Banque mondiale de développement, l’AFD, sont informées sur les questions de langue et formées en français ; les associations comme les nôtres pourraient-elles faire pression sur ces bailleurs et comment ? Pouria AMIRSHAHI

Il y a un an et demi, un projet de loi qui était en discussion sur la coopération a été adopté avec un amendement sur la langue et le culturel que nous avons produit : notre priorité n’est pas le multilatéral (trop vaste) mais le bilatéral, pour mieux maîtriser les budgets accordés avec pour priorité ce qui relève de l’espace francophone. C’est inscrit dans la loi. Ensuite il y a de nombreux pays francophones. L’AFD, c’est une banque, et en priorité elle prête de l’argent (environ deux cents millions d’euros de dons) ; les Britanniques eux donnent un milliard et choisissent ensuite leur coopération et l’emploi de ces dons ; de notre côté, on pense à l’intérêt des prêts et à celui qui va nous rapporter davantage ; on prête aussi à des pays qui n’en ont pas besoin

comme la Chine. La stratégie globale est à revoir. La dernière publication de l’AFD est bilingue français/anglais pourquoi ? L’Agence française de développement doit publier en français uniquement. Laurent Galissot MAE

L’AFD incarne le morcellement des mandats ; on ne voit pas l’ensemble de la filière ; la question c’est le continuum. Dans le système éducatif français on ne voit pas la continuité de ce que l’on fait et c’est un handicap. L’AFD a besoin d’expertise pédagogique ; on n’a pas trouvé encore à faire le lien entre le bailleur, les experts et le substrat qui en est la francophonie ; c’est imposé mais on n’y adhère pas ; la Francophonie n’apporte pas grand chose. Les faits et la réalité francophones sont très ambivalents.

Pouria AMIRSHAHI

Utilisez-moi donc. Engagez des projets. Je conçois les difficultés mais utilisez les forces vives.

Je conclus. Certainement il y a une mise en réseau pour les enjeux éducatifs, mais pas uniquement. La mise en commun présuppose un réseau engagé. Faisons un clip qui serait diffusé via internet dans plusieurs pays, avec quatre ou cinq pays proposant un projet, une initiative. Manuela Ferrera-Pinto :

Nous retenons votre projet de premier cercle francophone et votre appel à l’engagement. Unissez-vous, engagez-vous. Nous continuerons à le faire.