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professionnelle des jeunes, par Patricia Pottier

une approche par compétences et systémique pour l’insertion professionnelle des jeunes

Patricia Pottier

Chargée de mission Région Île-de-France Unité Développement Direction de la formation professionnelle

1. PRéSEnTATion DE L’APPRoCHE CoMPéTEnCES DévELoPPéE Au

SEin Du DiSPoSiTiF AvEniR JEunES Région iLE-DE-FRAnCE

1.1. unE Co-ConSTRuCTion PARTEnARiALE à L’éCHELon DE LA Région

En 2010, la direction de la formation professionnelle de la région Ile-de-France, a engagé une recherche-action auprès de 160 organismes de formations franciliens du dispositif régional d’insertion professionnelle « Avenir Jeunes » de 70 missions locales et de 300 jeunes inscrits en mission locale. Un référentiel d’insertion basée sur une carte de compétences1 et des démarches évaluatives ont émergé de cette co construction partenariale.

« Avenir Jeunes », composé de deux programmes, les pôles de projet professionnel et les espaces de dynamique d’insertion, s’adresse aux jeunes âgés de 16 à 25 ans, sortis du système scolaire pas ou peu qualifiés. 12 000 jeunes en entrées-sorties permanentes sont accueillis chaque année en moyenne. La nécessité de créer des outils communs aux acteurs de l’orientation et de la formation tels qu’un référentiel d’insertion professionnelle, une carte de compétences et une démarche évaluative dite « positive » s’est avérée essentielle pour objectiver les compétences des stagiaires et leur permettre d’être acteurs de leur parcours d’insertion vers la formation qualifiante et/ou l’emploi.

1.2. CES ouTiLS PARTiCiPEnT DE LA MiSE En œuvRE Du SERviCE PubLiC RégionAL DE FoRMATion.

Une évolution du dispositif Avenir Jeunes : favoriser l’articulation des formations.

« Avenir Jeunes », dans sa version lancée en 2007, proposait déjà une évolution des dispositifs d’insertion socioprofessionnelle mis en œuvre jusqu’alors par la Région. Celle-ci, dans la ligne des travaux de consultation et d’évaluation menés par les ser-

1. Les outils produits sont téléchargeables sur le site de Défi Métiers http ://www.defi-metiers.fr/dispositifs/avenir-jeunes-espace-de-dynamique-dinsertion-edi et http ://www.defi-metiers.fr/dispositifs/ avenir-jeunes-pole-de-projet-professionnel-ppp

vices régionaux avec les acteurs du moment, introduisait la nécessité de renforcer la coopération entre les opérateurs territoriaux de formation et d’accompagnement pour mieux articuler leurs compétences complémentaires, au regard des besoins de chaque jeune.

Les conseillers de missions locales, lors de réunions régionales dès 2008, avaient souligné que de nombreux jeunes, notamment ceux les plus éloignés d’une insertion professionnelle, avaient toujours des difficultés à se repérer dans leur parcours de formation. De plus, la composition du dispositif « Avenir Jeunes » autour de cinq programmes (espaces de dynamique d’insertion, pôles de diagnostic, plateformes linguistiques, pôles de mobilisation, ateliers de pédagogie personnalisée) rendait difficiles les articulations pédagogiques et opérationnelles durant les parcours. Il avait été relevé notamment que les stagiaires en plateformes linguistiques (publics ayant des besoins en maîtrise de la langue orale et écrite) accédaient peu aux « pôles de mobilisation professionnelle » et leur parcours dit « linguistique » n’était pas à visée professionnelle, il était plutôt déconnecté du projet. Enfin, les représentations sur la notion d’insertion professionnelle étaient hétérogènes selon les différents opérateurs de formation. Leur culture professionnelle, conjuguée à l’inexistence de référentiels sur ce champ impactait les modes de suivi et de prise en charge des jeunes franciliens. Ces constats ont révélé la pertinence de conduire une démarche de recherche action avec les partenaires du dispositif Avenir Jeunes et ont favorisé, dès janvier 2011 le regroupement des programmes « Pôle de diagnostic », « pôle de mobilisation professionnelle » et « plateforme linguistique », alors en marchés distincts, en un seul programme appelé « Pôle de projet professionnel ».

1.3. unE voLonTé DE CooPéRATion

Dans le but de favoriser l’insertion des jeunes et d’accompagner les acteurs de l’insertion dans la conception et la mise en œuvre d’une approche commune visant le développement de partenariats, les services de la Direction de la Formation Professionnelle, ont proposé une démarche régionale sous forme de recherche- action.

La Région a pu s’appuyer sur cette volonté « innovante » de coopération et sur la nécessité de mettre en place les éléments de respect des principes de services publics pour justifier un travail coordonné par ses services.

Il a été fait appel à une expertise extérieure, en la personne de Mariela DE FERRARI2, consultante didacticienne des langues. La recherche-action a été accompagnée par les chargés de mission de la Direction de la formation professionnelle et soutenue par un comité composé de scientifiques et d’universitaires. Le comité était composé d’experts en problématique de l’évaluation, de l’autonomie, des savoirs de base, des savoirs linguistiques ou de l’insertion des jeunes décrocheurs. Ce groupe a

2. Didacticienne des langues, conceptrice de démarches de référentialisation et de progression situées, en compétences transversales, depuis 2006.

validé, étape par étape, la démarche et les productions, ce qui a permis l’émergence d’un outil d’analyse des besoins des jeunes et d’élaboration de parcours d’insertion favorisant la participation active du bénéficiaire3 .

2. PRéSEnTATion DE LA MéTHoDoLogiE DE LA RECHERCHE-

ACTion, Région iLE-DE-FRAnCE

La démarche de recherche-action « Évaluer les jeunes dans le sas Avenir Jeunes » a visé les objectifs suivants : – Co-produire avec tous les acteurs volontaires des outils et des démarches d’évaluation – initiale, intermédiaire, finale – construits et utilisés par l’ensemble des acteurs concernés (missions locales et organismes volontaires dans cette dynamique) ; – Faciliter la transparence et la communication entre l’ensemble des acteurs du système (missions locales, évaluateurs, organismes de formation du programme régional Avenir Jeunes, publics bénéficiaires) ; – Favoriser la participation des jeunes aux logiques de définition d’objectifs, de parcours et d’engagement nécessaires à une démarche d’apprentissage active et interactive ; –Expérimenter/mutualiser les outils produits et recueillir l’avis des jeunes ; – Évaluer les effets sur les stagiaires en termes de sécurisation de parcours et de suite de parcours. – Valoriser le savoir-faire des acteurs de terrain tout en développant de nouvelles professionnalités mettant en œuvre une approche intégrée de la formation.

Les chargés de mission de la Région ont réalisé un accompagnement sur site des organismes et un suivi des différentes étapes de la recherche-action. 24 groupes en départements se sont réunis, mais également, des temps d’échanges et de synthèse au niveau régional ont été organisés.

3. PRéSEnTATion DES ouTiLS CoConSTRuiTS

3.1. LA CARTE DE CoMPéTEnCES

Une carte de compétence et un référentiel de compétences d’insertion professionnelle associé ont été co construits et testés en 2010 auprès de 300 jeunes et avec un

3. Un comité scientifique composé d’universitaires, de Mariela de Ferrari et des chargés de mission Equipe Avenir Jeunes du service Ingénierie de la direction de la formation professionnelle. Les membres universitaires : Patrick CHARDENET, Université Franche-Comté et détaché auprès de l’Agence Universitaire de la Francophonie (thème de recherche : l’évaluation dynamique en didactique des langues) - Florence MOURLHON DALLIES (Paris III,) - Jean Marc MANGIANTE (Université Arras) - Marie-José BARBOT (Université Lille III) - Michèle GUIGUE (Université Lille III,)- Thierry PELLETTIER (DGESCO, chargé de mission nationale Compétences clés et langues).

panel de 36 organismes, avant d’être déployés depuis le 1er janvier 2011 à l’échelon régional. Ces outils répondent à la volonté de la Région Ile-de-France de proposer une démarche d’évaluation dite « positive » afin de permettre au bénéficiaire d’Avenir Jeunes d’avoir une posture active en formation.

La carte est composée de 12 axes de compétences organisés en 3 pôles et 4 cercles ou paliers, par axe, sont fixés.

Le pôle « réfléchir » associe l’axe 1 (Se repérer dans son parcours et parler de ses apprentissages), l’axe 2 (se repérer et respecter les règlements, les codes sociaux), l’axe 3 (s’identifier à un ou des métiers), l’axe 4 (créer les conditions favorables à la réussite de son projet).

Le pôle « organiser » réunit l’axe 5 (Construire son projet professionnel), l’axe 6 (mobiliser ses compétences mathématiques), l’axe 7 (organiser et planifier son intégration professionnelle) et l’axe 8 (travailler en groupe et en équipe).

Le pôle « communiquer » s’organise autour de l’axe 9 (mettre en avant ses compétences), l’axe 10 (communiquer à l’oral dans le monde professionnel), l’axe 11 (communiquer à l’écrit dans le monde professionnel) et l’axe 12 (utiliser les ressources numériques et informatiques).

Chaque cercle de la carte, soit chaque palier d’autonomie, est associé à des indicateurs de performance regroupés en tableau. La progression en 4 cercles ou paliers a été définie avec la participation de la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire (DGESCO du Ministère de l’Education nationale) et ce en lien avec le cadre de référence des compétences clés, construit par cette direction. De nombreuses compétences transversales et compétences clés nécessaires à l’élaboration et la validation d’un projet s’inscrivent dans ce référentiel.

Les axes ne sont jamais travaillés séparément que ce soit lors des formations ou lors des évaluations. Ils opèrent « en écho », car l’entrée situationnelle a été choisie pour évaluer et développer ces compétences.

3.2. LA DéMARCHE évALuATivE

L’approche déployée est systémique et permet d’identifier les compétences acquises par les jeunes. C’est bien la mesure de l’écart entre les compétences valorisées et détenues par une personne et les pré-requis nécessaires à la construction d’un projet professionnel (accès à un emploi, une formation qualifiante en alternance ou non) qui permet de construire, avec le bénéficiaire, son parcours de formation et de fixer les compétences à développer pour atteindre les objectifs visés. –La démarche évaluative met en œuvre la dynamique suivante : –L’identification des compétences ; –La formulation des attentes par le jeune ; –L’analyse des besoins ; – La mesure des écarts entre les compétences acquises et celles nécessaires au

projet professionnel ; –La co-définition des objectifs du parcours de formation.

Le positionnement initial correspond à une évaluation des compétences détenues au regard des 12 axes. Les outils d’évaluation coproduits mettent en valeur l’expérience du jeune et identifient les compétences acquises, dont les compétences clés. Lors de l’évaluation initiale, le jeune s’autopositionne et confronte ses résultats avec ce qui a été évalué.

En cas de désaccord, cela donne lieu à une argumentation des parties. Les positionnements intermédiaire et final permettent également une confrontation entre les évaluations faites par les formateurs et l’évaluation faite par le « référent sas « dans le cadre d’une mise en situation et avec l’argumentation du stagiaire. Pour les jeunes ayant des besoins en communication orale et/ou écrite, l’évaluation initiale est plus « allégée » en termes d’activités orales et/ou écrites ; les compétences visées pour le parcours de formation permettront alors à ces publics de se fixer des objectifs dans le domaine de la maîtrise de la langue.

3.3. DES ouTiLS PARTAgéS EnTRE LES PARTEnAiRES ET AvEC LE STAgiAiRE

Les positionnements initiaux, intermédiaires et finaux à partir de la carte de compétence s’appuient sur un outil informatique dédié éditant des outils distincts : une carte de compétence individualisée dont les tracés évoluent au fil des évaluations réalisées ; –un tableau de synthèse des compétences détenues ; – un tableau de synthèse des compétences à développer dans le cadre de la formation ; –une synthèse des compétences développées durant le parcours ; – trois annexes font le point objectivé des stages, plateaux techniques, observations durant le parcours. Ces annexes sont à destination des partenaires dont les conseillers de mission locale et des stagiaires. L’annexe dite finale permet de co construire, avec le stagiaire son plan d’actions à mener, à l’issue du parcours d’insertion professionnelle.

4. LES EFFETS « RECHERCHE-ACTion » DAnS LA PouRSuiTE DES TRAvAux RégionAux SuR LA SéCuRiSATion DES PARCouRS

4.1. LE REgARD Du STAgiAiRE SuR Son PARCouRS ET LE REgARD PoRTé SuR LE JEunE Du DiSPoSiTiF AvEniR JEunES.

Les 300 premiers jeunes qui ont testé, en 2010, les outils coproduits ont constitué un formidable levier, car les outils ont été adaptés en fonction de leurs remarques et les retours faits sur ces outils ont été très positifs : visibilité des compétences acquises, de celles à développer et traçabilité des progrès accomplis.

La démarche évaluative en sas, mais également en parcours n’a pas pour but d’identifier un niveau en proposant des tests. Elle permet d’identifier des compétences, même partielles au regard de 12 axes. Elle valorise les compétences détenues et bien souvent lors de l’évaluation initiale, les jeunes ont tendance à sous-estimer leurs compétences. C’est pourquoi cette démarche apprend aux jeunes à mieux identifier leurs potentialités et à mettre en avant des compétences dans une autonomie, pas à pas maîtrisée durant le parcours. De plus, l’axe 9 « Mettre en avant ses compétences » est un axe structurant qui facilite la construction de la réflexivité par le jeune. « Au lieu d’envisager l’analyse des « difficultés » comme extérieures aux personnes, car « on rencontre des difficultés », on aura fait glisser les besoins vers les personnes elles-mêmes, comme si les difficultés leur étaient propres : « elles sont en difficulté » ; « publics en difficulté ». Ce processus d’essentialisation génère souvent des formes de misérabilisme et de fatalisme qui conditionnent le choix de certaines approches pédagogiques pour « eux » puisées dans des démarches infantilisantes, voire thérapeutiques4 ». Ce deuxième changement de paradigme transforme le regard porté sur les acquis et les besoins des jeunes, et implique une recherche de ce qu’ils font et non plus de ce qu’ils « sont ». De fait, cette entrée interroge les catégories « alpha », « post alpha », « FLE » et « en situation d’illettrisme ».

4.2. PouRSuiTE DE LA RECHERCHE-ACTion SuR LA SéCuRiSATion DES PARCouRS DE FoRMATion

La synergie développée lors des groupes territoriaux de 2010, a été reproduite pour des réflexions autour de la thématique de la sécurisation des parcours des jeunes.

Des travaux réunissant des représentants d’organismes du programme régional qualifiant, des organismes franciliens d’insertion professionnelle, des Centres de Formation d’Apprentis, des OPCA, des missions locales ont fait émerger des ingénieries de sécurisation de parcours. Des compétences transversales ou spécifiques au métier, au secteur, ont été précisées pour quatre secteurs (informatique et numérique, bâtiment, propreté, hôtellerie-restauration).

Ces travaux ont donné lieu à la mise en œuvre de parcours dits « sécurisés »5 vers des formations qualifiantes ou vers l’emploi. Un « parcours sécurisé » est un parcours co construit entre un Pôle de projet professionnel (PPP) du dispositif régional Avenir Jeunes, un ou plusieurs CFA ou des organismes du programme régional qualifiant.

4. FERRARI (2008) Penser la formation linguistique. Nommer autrement pour faire différemment. 5. La revue « franciliens » éditée par Défi Métiers consacre un dossier aux parcours sécurisés accompagnés par la Région Ile-de-France ; http ://www.defi-metiers.fr/publications/franciliens-ndeg11

Ce travail partenarial est porté par le pôle de projet de professionnel. Les jeunes qui entrent sur un parcours sécurisé doivent avoir un projet professionnel validé au regard des axes 3 et 5 de la carte de compétence.

5. FREinS ET LEviERS DE LA DéMARCHE RégionALE

5.1. DéPASSER unE LogiQuE CATégoRiELLE DES PubLiCS ET DéPLoyER unE APPRoCHE SySTéMiQuE

Peu de freins ont été relevés si ce n’est que cette démarche, innovante en Région, se heurtait à une logique plus catégorielle de la prise en charge des publics en insertion professionnelle pour quelques partenaires.

Il a fallu convaincre, mettre en œuvre et démontrer que le profilage des jeunes selon leur degré d’illettrisme ou niveau en FLE, par exemple, n’optimisait pas la construction d’un parcours de formation centré sur l’élaboration et la validation d’un projet professionnel, mais au contraire « prédéterminait » des contenus de formation pas toujours reliés au projet professionnel du jeune.

5.2. LE CHAngEMEnT DE PARADigME DAnS LA FoRMATion

Un levier important a été le changement de paradigme au sein de la formation : le fait d’avoir opté pour cette approche systémique permet une dynamique dans les apprentissages et non une linéarité voire un principe de « savoirs cumulatifs » proposés aux stagiaires. Désormais, le stagiaire est mis en perspective en regard de son projet, est confronté à des supports plus complexes, mais qui ont du sens pour son projet et cela influe sur la dynamique et la motivation d’apprentissage au sein de la formation.

Les ingénieries pédagogiques qui en découlent sont donc individualisées. Elles doivent permettre le développement des compétences clés, dont la maîtrise de la langue orale et écrite pour des publics dits illettrés ou non francophones ou peu francophones, en situation d’élaboration de projet professionnel. Les stratégies d’apprentissage n’excluent pas la complexité, mais l’intègrent. Le fait que ces outils aient été conçus dans une approche systémique avec un langage, partagé par de nombreux acteurs, est un levier important qui participe de la construction de nouvelles professionnalités pour les formateurs et les référents sas.

5.3. un MoDE DE ConTRACTuALiSATion n’EMPÊCHAnT PAS LE PRinCiPE DE RECHERCHE-ACTion

On aurait pu penser que de travailler auprès des organismes de formation en marché public aurait été un frein. La nécessité d’accompagner au changement les opérateurs dans la conception et la mise en œuvre d’une méthodologie commune afin de favoriser les partenariats et travaux concertés s’est imposée de façon partagée. En effet, cette démarche pouvait s’opposer à des contraintes juridiques : les opérateurs

sont réputés être en mesure de respecter les exigences du commanditaire. Les aider à mettre en œuvre des outils coconstruits aurait pu être perçu comme un avantage concurrentiel.

5.4. unE DynAMiQuE Au SEin DE LA DiRECTion DE LA FoRMATion PRoFESSionnELLE

L’innovation et la co production au cœur duquel les services de la Région ont été actifs, sont appréciées des organismes de formation et des missions locales. La recherche-action coordonnée par la Région a engendré d’autres travaux de recherche-action sur le thème de la sécurisation des parcours, dès 2012, et sur la construction d’ingénieries liées à la maîtrise de la langue en lien avec le projet professionnel.

5.5. L’AugMEnTATion SigniFiCATivE DES PARCouRS SéCuRiSéS DAnS LES PôLES DE PRoJET PRoFESSionnEL

La sécurisation et l’optimisation des parcours de formation sont basées d’une part, sur la connaissance fine et réciproque des principaux acteurs et, d’autre part sur la recherche permanente d’une complémentarité des moyens et des compétences, au service du stagiaire ; les parcours sécurisés étant des exemples significatifs. En 2014, le nombre de parcours sécurisés mis en œuvre dans chacun des pôles de projet professionnel a été multiplié par 4 par rapport à 2011 et sur des secteurs diversifiés. En 2013, sur 441 jeunes ayant engagé un parcours sécurisé, 81% ont eu des sorties positives vers l’emploi et/ou la formation. De plus, l’outil informatique lié à la carte de compétence pouvant générer des synthèses de parcours, des bilans et une attestation de compétences a permis aux responsables de Centre de Formation d’Apprentissage, d’organismes de formation du programme régional qualifiant d’apprécier les compétences du jeune et d’avoir des informations très précises relatives au projet, mais aussi relatives aux compétences clés en situation professionnelle.

La carte de compétence, les outils associés sont déployés depuis 2011 dans les 160 organismes de formation du dispositif « Avenir Jeunes » et facilitent désormais les collaborations partenariales autour de nouvelles ingénieries de sécurisation de parcours, vers la formation qualifiante ou l’emploi, pour près de 10 000 jeunes franciliens inscrits en Pôle de Projet professionnel.

Alexandre Minski

Institut français

Bonjour à toutes et à tous, je travaille pour l’institution qui est la plus jeune et la plus petite des quatre qui sont représentées ici. On est 140 personnes mais on s’occupe du monde entier, sauf de la France. Via le réseau des Instituts français, il y en a une centaine dans le monde, on propose un certain nombre de programmes, à destination de l’enseignement supérieur pour ce qui concerne mon mandat, mais également les classes bilingues et les technologies de l’information et de la communication liées à l’enseignement. Je vous présenterai un certain nombre de nos actions et la manière dont on voit aujourd’hui le fait de travailler en français, étudier le français, étudier en français.

intervention

M. F. P. : le réseau culturel on le sait est un des acteurs fondamentaux de diffusion du français, défendre le français dans le contexte de mondialisation, pas le défendre pour le défendre mais en faire un élément de la diversité linguistique et culturelle, de la liberté de pensée, si je peux utiliser cette expression globale. Et depuis un certain temps vous avez une action forte vers le français de l’entreprise, le français pour travailler, le français pour étudier, dans ces contextes de mobilité étudiante, professionnelle. Est-ce vous pouvez nous en dire un mot, nous expliquer quels sont les enjeux aujourd’hui pour l’Institut français et donner un exemple de projet ?

A.M. : Je vais développer devant vous le point de vue d’un opérateur du Ministère des affaires étrangères et du développement international, pour ce qui est de l’export de la culture française à l’étranger et dans « culture » bien entendu on entend la langue. Pour cela, on dispose d’un outil formidable qui s’appelle l’Institut français ou plutôt les Instituts français puisqu’il puisqu’il y en a à peu près une centaine sans compter les annexes autour du monde. Sur Paris nous sommes une petite équipe de cinq personnes et nous nous occupons de l’ensemble du monde. Nous avons autour de nous tout un réseau d’attachés et de conseillers, des attachés de coopération pour le français, des attachés de coopération éducative qui nous remontent toutes les informations sur l’ensemble du monde. C’est pour cela que l’Institut français Paris est un extraordinaire observatoire privilégié pour voir à peu près tout ce qui se passe dans le monde en matière de formation en français et surtout de formation de français.

J’aborderai un sujet plus restreint que l’énoncé général, titre de la journée d’aujourd’hui. Je vous parlerai d’étudier le français pour travailler en français, c’est-àdire, ce qui est mon champ de bataille si je puis utiliser cette métaphore guerrière, ce qui constitue mon rapport avec les Départements de français des universités qui ne sont pas en très bon état malheureusement. Je le ferai sous trois formes d’hypothèses générales, que je mettrai en face de trois exemples particuliers.

Je vais repartir de ce qui a été dit, l’épigraphe que vous avez cité du rapport d’Attali, sur la nouvelle géographie : – première hypothèse : avec la mondialisation on passe des territoires aux communautés, c’est important et c’est ce que disait à peu près Attali, c’est-à-dire que l’espace devient de moins en moins important au profit de communautés électives, ou de communautés linguistiques, c’est-à-dire que les affinités ne produisent plus par contiguïté. Les marchés linguistiques sont en train de se substituer aux marchés territoriaux et c’est plutôt une bonne nouvelle pour nous dans la mesure où ça nous donne une forme de visibilité. C’est particulièrement vrai pour les médias, maintenant une production de films ou de séries ne produit plus pour un territoire mais va produire pour une aire linguistique par exemple. Je caricature un peu mais c’est en revanche encore plus vrai pour les industries de la formation à distance où là, on pense nécessairement par aire linguistique. On ne pense plus dans la formation à distance pour un territoire particulier, on pense pour une aire linguistique ; – deuxième hypothèse : l’uniformisation économique ne produit pas ainsi qu’on l’a un peu cru à un certain moment, comme dans les années 90, une convergence de modes de valeurs et de cultures, c’est-à-dire que ce n’est pas un rouleau compresseur, au contraire. Et on assiste en ce moment, et ça peut être très violent, à un retour des identités, à des revendications d’autonomie culturelle très fortes. Est-ce que la langue en constitue un élément majeur ? C’est une question qu’on peut se poser – le rapport entre la langue et la culture est une vraie question – et on rejoint les interrogations de Pouria Amirshahi ce matin qui concernaient la Francophonie. La Francophonie c’est une question qui est d’abord institutionnelle, avec un grand F, c’est le partage d’une langue ; est ce que c’est pour autant un partage complet de valeurs ? Je n’en suis pas certain ; – troisième point : la mondialisation et la crise. La crise économique que nous vivons en ce moment, dont nous sommes peut-être en train de sortir, fait que les contraintes économiques pèsent plus. Et il y a, pour ce qui nous concerne très directement, une demande de retour ou une demande de rentabilité des études qu’on va mener par rapport au coût qu’elles peuvent occasionner. Cette question débouche sur la crise des humanités que nous vivons actuellement en France, en Europe et dans la presque totalité du monde. Je parle toujours des témoignages qu’on peut en avoir, en tout cas de ce qui nous remonte du terrain et des collègues, cette crise des humanités est très répandue. Le désintéressement qui était consubstantiel aux études, dans l’antiquité ce qu’on appelait la scole, tout ça est en train de disparaitre. L’érudition n’est plus d’actualité, c’est quelque chose qui est un peu décrié aujourd’hui. Parler d’érudition est considéré comme asséchant, le rapport au

savoir et à la connaissance a beaucoup changé. Dans ce contexte, le rôle de l’institution universitaire a évidemment beaucoup changé. On lui demande autre chose et on lui demande plus, en particulier on va lui demander de ne plus seulement transmettre des savoirs et des connaissances mais d’avoir a minima une visée professionnalisante et ça change vraiment par rapport à ce qui se faisait auparavant.

Ces hypothèses posées, j’en viens aux quelques exemples tirés de l’expérience que l’on a pu avoir à l’Institut français :

On a un programme qui s’appelle « Dialogue d’expertise » qui vise, pour le dire vite, à faire des audits amicaux de départements de français, qui sont des universités volontaires. Bien sûr il ne s’agit pas d’imposer à qui que ce soit un audit. Mais les Départements de français nous font une demande d’audit et on envoie des experts sur place pour voir ce qui s’y passe. Ces experts dressent un bilan et font un certain nombre de recommandations. Si ces départements font appel à nous c’est qu’ils ne vont pas très bien car en ce moment ces départements français à l’étranger vivent un manque d’attractivité. Ils ont des effectifs qui sont en train de fondre comme neige au soleil et cela devient critique pour certains d’entre eux. La plupart du temps ils nous disent « on a des problèmes avec nos curricula, il faut nous aider à les remettre sur pied, à les rendre plus cohérent », en général ça cache une demande plus cardinale parce qu’il y a un vrai problème d’attractivité des formations qu’ils proposent. Souvent les experts qui arrivent se disent « on va essayer de rebâtir des curricula qui seront cohérents » et en fait ils se retrouvent à refaire une offre de formation ou à repositionner une offre de formation et ça dans un contexte où le nombre d’étudiants global sur le monde a doublé depuis quinze ans. Entre 2000 et 2015 le nombre d’étudiants dans le monde a doublé, on en est environ à deux cent millions aujourd’hui. La situation de ces départements de français est d’autant plus critique. Souvent ils se trouvent dans la position désagréable d’aller négocier auprès de la gouvernance universitaire parfois leur survie même – quand ils se retrouvent avec deux étudiants en master – ou d’aller faire la promotion de leurs formations auprès de jeunes bacheliers par exemple. Nous leur proposons donc de les aider à faire ce qu’on appelle le « management du changement » comme on apprend à le faire effectivement dans les écoles de commerce. On essaie de les sensibiliser à la nécessité de changer s’ils veulent survivre, car il y a des moments où on en est là. Donc ce qu’on leur propose assez souvent c’est de reconnecter le département avec l’environnement économique, c’est-à-dire de se préoccuper directement du sort des diplômés qu’ils ont formés. Et de voir dans quelle mesure ils sont insérables, dans quelle mesure ils ne sont pas complètement déclassés. On a tous entendu parler de ces diplômés de français qui font taxi la nuit dans des capitales du tiers monde. Il s’agit absolument de les reconnecter avec un bassin d’emploi qui soit autour du Département de français.

Deuxième point, et ça c’est plus positif, on a également des demandes de création de départements de français. On a eu par exemple une demande d’une université qui se trouve au Zimbabwe, cinq heures de bus de Harare. De même à Kampala en Ouganda, ils sont en train de créer un centre de langues qui va devenir un centre de français professionnel également. Donc on a des frémissements mais qui ne se trouvent pas dans les zones traditionnelles d’influence francophone. Ils se trouvent plutôt dans des zones anglophones, alors que les Départements de français dans les zones francophones, d’Afrique de l’ouest par exemple, que l’on considère comme très francophones ne vont pas très bien.

Troisième point : on a un formidable développement des CLOM (cours en ligne ouverts et massifs), de ce qui est la formation à distance, et c’est vraiment une opportunité. On dit souvent dans les médias qu’on est en retard là-dessus, je n’en suis pas si sûr, on a une belle plateforme FUN (France Université Numérique), qui propose de très beaux produits de formation et à vocation internationale puisque la formation à distance dans sa version pure n’a pas besoin de regroupements en présentiel. Beaucoup de Français et de Francophones ailleurs qu’en France suivent une formation sur FUN, on peut donc dire que cette plateforme joue vraiment son rôle d’outil de coopération pour l’étranger. On développe, en partenariat avec le CIEP et le CNED également, des formations à distance, notamment PROFLE qui est une formation en didactique du français langue étrangère et qui rencontre un grand succès. On a lancé il y a trois mois une plateforme dédiée au français professionnel qui s’appelle iFos. On a assez peu de retour mais en trois mois on a déjà un millier de connexions de personnes qui sont allées sur la partie gratuite du site et qui ont fait les activités. Il se passe des choses nouvelles et intéressantes dans de nouveaux territoires virtuels ou dans des territoires traditionnellement peu présents comme les zones anglophones, sans parler de la Lusophonie en Afrique.

Tout ça trace un bilan contrasté de notre action et de notre présence. Je vais terminer en disant que la dimension économique est une dimension qui devient centrale pour nous. On a une injonction forte de notre ministère de tutelle à accompagner ce qu’on appelle aujourd’hui la « diplomatie économique » qui est impulsée au niveau central par le Ministère des affaires étrangères et dans les postes autour de l’ambassadeur, à accompagner les entreprises françaises dans leur développement à l’étranger. Dans ce développement c’est à nous de prouver que l’on a un rôle à jouer dans la constitution de ressources francophones. Alors on est moins sexy que Cannes ou la biennale de Venise vis-à-vis de la direction, mais au niveau des entreprises en particulier on a un rôle à jouer, un atout incomparable : on sait former des ressources humaines dont on a besoin.