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ACTUALITÉ ÉCONOMIE & POLITIQUE ENTREPRISES
PLACE FINANCIÈRE
Parmi les documents saisis dont paperJam a eu connaissance, on trouve quantité de liens directs, signatures et actes fiduciaires notamment, entre des sociétés écrans et les bénéficiaires, de la famille du dirigeant congolais.
de sortir de la liquidation judiciaire et de sauver ainsi son principal actif, La Congolaise de Banque, des griffes d’une liquidatrice ignorant apparemment l’existence de ce bijou dans le portefeuille de la société et ainsi de mettre la main sur un compte en banque bien garni (deux millions d’euros) dans un établissement au Maroc. Ce fut une course-poursuite pour mettre à l’abri GFD et transférer la société au Canada, avec l’aide de l’avocat Saintonge. Il y aurait sans doute matière, pour la justice française ou luxembourgeoise, à s’intéresser à la manière dont les actifs de cette société ont été « extournés », avec l’accord des représentants de ses actionnaires. Des échanges de mails font état de cette volonté de ne pas mentionner la participation bancaire ni le compte en banque au Maroc dans les comptes, lorsqu’il a fallu mettre la comptabilité « dans les clous » et payer les dettes fiscales (105.000 euros) afin de convaincre les autorités d’annuler la faillite. Cette liquidation avait été initiée dans le but de « protéger la place financière » de sociétés qui ne se conformaient pas à la réglementation sur le droit des sociétés. Comment expliquer l’énergie qui fut déployée par les « intervenants » pour annuler la mise en faillite et transférer des actifs au Canada ? Comment justifier, par ailleurs, qu’un cabinet d’avocats à Paris, Livory & Wilner, ait sollicité en mai 2010 un avocat luxembourgeois pour avoir son avis « sur la conformité avec le droit luxembourgeois de la structure de la société La Congolaise de Banque » (l’État congolais avait conservé une participation de 11 %), en lui faisant parvenir des documents sur trois sociétés anonymes luxembourgeoises, Southern Cross
— JUIN 2014
La perquisition a levé le voile sur une partie de l’empire financier offshore bâti à partir de la place financière.
Finance, GFD et Edmundston Valley ? Dans une lettre du 15 juin 2010, l’avocat luxembourgeois conclura sur la base des documents qui lui avaient été transmis – et qui furent saisis par la justice luxembourgeoise – que trois actionnaires prétendument privés de la banque, Hubert Pendino, Bernard Beltrando et Raymond Ibata, « détiennent les actions de la société La Congolaise de Banque à titre fiduciaire, la société Southern Cross Finance a le contrôle sur plus de la majorité des parts sociales de la banque ». Le juriste souligne aussi « qu’il serait opportun de procéder à une révision à la fois des contrats fiduciaires de portage et le pacte d’actionnaires afin qu’ils soient plus précis est protègent mieux les intérêts de votre client ». « Enfin, s’interroge-t-il, une question primordiale reste sans réponse : qui est le bénéficiaire économique de la société Southern Cross Finance ? » Dans un échange de mails avec Rémy Wilner en avril 2009, sur un dossier relatif à une SCI, l’avocat luxembourgeois réclamait « un dossier transparent et clair » pour accepter des domiciliations : « Il me faut un (…) document montrant que le père a fait donation aux filles. Sans ce document, il faut considérer le père comme bénéficiaire économique et pas les filles. » L’avocat remettra son mandat le 9 janvier 2012.
Le suicide en 2007 du financier Alain Garros, à Luxembourg, a placé certains de ses clients dans une situation délicate. Notamment la famille Sassou N’Guesso, à la tête du Congo Brazzaville. Des « Amazones de l’Économie » avaient, entre autres, le contrôle d’une banque ou d’une entreprise de béton. Ils avaient aussi investi en France. Des documents saisis depuis 2011 par la justice montrent comment des actifs en offshore via Luxembourg ont été exfiltrés. Mais d’autres sont encore bloqués.