LÉGISL ATION
Le grand chantier de l’Omnibus J E A N - M I C H E L GAU D R O N (AV E C T H I E R RY R A I Z E R E T C É L I N E C O U B R AY )
Le vote, début février, de la loi Omnibus marque une étape supplémentaire dans la volonté de simplification de la vie des entreprises voulue par le gouvernement. Les professionnels saluent ce qu’ils considèrent n’être toutefois qu’une première étape, les améliorations possibles étant encore nombreuses.
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vec 55 voix « pour », deux abstentions (Déi Lénk) et trois « contre » (ADR), le projet de loi 6704 dite « Omnibus » a été voté à la Chambre des députés début février. Il s’agissait, plus précisément, de la dernière partie d’un texte tentaculaire, initialement déposé en juillet 2014 et dont le parcours législatif a été semé d’embûches. Une première fois, en mai 2015, le projet de loi, élaboré pour revoir certaines procédures permettant d’établir les plans d’aménagement général (PAG) et les plans d’aménagement particulier (PAP) au niveau des communes, avait connu une première scission, afin d’éviter la caducité des plans d’aménagement communaux régis par une loi antérieure de 2004. En septembre dernier, les députés avaient de nouveau sorti l’Opinel pour écarter, provisoirement, neuf amendements proposés par le gouvernement quelques mois plus tôt et concernant le droit de superficie. Cette fois, l’entièreté du texte, qui modifie ou abroge pas moins de 13 lois, est bel et bien votée. L’objectif est notamment de simplifier et de raccourcir les procédures concernant l’aménagement du territoire dans les 105 communes. Architectes, développeurs et promoteurs sont évidemment concernés au premier chef.
L’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils (OAI) n’a d’ailleurs pas caché sa satisfaction devant le résultat final. « Une grande partie de nos recommandations a été entendue, se réjouit Pierre Hurt, directeur de l’OAI. Nous sommes dans la bonne direction et il faut maintenant le concrétiser. Ce nouveau texte change beaucoup d’autres lois. Il faut donc aussi travailler à coordonner ces changements et à adapter les outils. » La mise en musique risque, en effet, d’être parfois plus délicate compte tenu des changements induits, surtout dans un processus aussi long et complexe que celui de la construction. « Chaque décision doit bien se comprendre comme un élément d’une chaîne, sans jamais perdre de vue l’objectif final d’avoir une construction durable, écologique, sociale… mais qui reste réalisable dans des délais assez courts et avec une bonne prévisibilité. Il faut surtout rester intelligent et il ne faut pas que cela devienne une course effrénée vers l’innovation, sans qu’il y ait un véritable progrès », ajoute M. Hurt.
Impressions mitigées
De son côté, Tom Wirion, directeur de la Chambre des métiers, se réjouit de la prise de conscience du gouvernement sur cette question des procédures en matière
ENCOURAGEANT Les dispositions de la loi Omnibus vont, d’une certaine façon, faciliter la vie des développeurs, promoteurs et architectes. Mais le législateur devra encore revenir sur certains points qui laissent les professionnels sur leur faim.
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— Mars 2017
d’aménagement du territoire. Mais au-delà des points positifs apportés par la nouvelle loi, il avance quelques bémols concernant par exemple le rôle de la cellule d’évaluation en matière de PAP, qu’il aurait aimé voir se limiter à la vérification de la comptabilité et de la conformité avec le PAG. Au lieu de cela, il lui est toujours possible de remettre en cause la nature même du plan, « ce qui est susceptible de créer un climat d’insécurité juridique pour les porteurs de projets », s’inquiète M. Wirion, qui regrette par ailleurs le maintien d’un certain nombre d’enquêtes publiques, sources de délais et de dossiers à rallonge, « autrement dit, rien qui n’allège vraiment la procédure ». Le directeur de la Chambre des métiers s’interroge par ailleurs sur la pertinence du volet « Protection de la nature » de la loi, alors qu’elle fait référence à une quarantaine de règlements grand-ducaux non encore rédigés à ce jour. « Nous demandons à avoir des critères clairs et que ces règlements grand-ducaux respectent le fait qu’à l’intérieur d’un périmètre pour construire, les considérations environnementales passent au second plan. » Même impression mitigée du côté de la Chambre de commerce, son directeur général, Carlo Thelen, regrettant ainsi que le gouvernement ne soit pas allé au bout de ses intentions de « screenings systématiques » de l’ensemble des procédures administratives, comme il l’avait annoncé initialement. Il identifie également quelques chantiers qui ne sont pas encore traités par le texte : le principe européen de « hiérarchie des évaluations environnementales » qui n’est toujours pas appliqué ; la lourdeur en matière de PAP « nouveau quartier », alors que deux ministères sont toujours impliqués, ou encore les lenteurs du dossier de l’« e-commodo ». Pour autant, le directeur général de la Chambre de commerce apprécie certaines mesures inscrites dans la nouvelle loi, comme la diminution des délais dans le chef des administrations (de trois à un mois, par exemple, pour la remise d’un avis par la cellule d’évaluation d’un PAP), l’introduction à plusieurs reprises du principe d’autorisation tacite (« qui ne dit mot consent ») ou encore les efforts de dématérialisation, principalement en matière de publication en ligne de projets de PAG et PAP. « Les progrès sont indéniables, même si on aurait aimé que le législateur soit plus ambitieux et aille jusqu’au bout de sa logique », conclut M. Thelen. EN RÉSUMÉ
Le vote de la loi Omnibus s’inscrit dans le vaste mouvement de simplification administrative voulu par le gouvernement. Mais un projet d’une telle ampleur ne peut pas contenter tout le monde d’un seul coup. Les professionnels attendent désormais que le mouvement continue…
M A I S O N M O D E R N E (A R C H I V E S)
ENTREPRISES