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Management

Business administration ICT human resources Communication

Le droit des entreprises Avec Gérard Maitrejean,

partner au sein du cabinet d’avocats OPF Partners

Chaque mois, invite un avocat spécialisé à détailler un aspect du droit commercial. Aujourd’hui : les pactes d’actionnaires.

Texte émilie Di Vincenzo

Un  pacte d’actionnaires  peut être défini comme une convention privée par laquelle tous les actionnaires d’une société, ou une partie de ceux-ci, entendent régir leurs droits et obligations respectifs quant à cette dernière et définissent le processus décisionnel et d’investissement au sein de la même. De quoi s’agit-il concrètement ? Quelle différence y a-t-il avec les statuts de la société ? Comment éviter les écueils ?

— Février 2014

L

es statuts de la société ayant la même vocation qu’un pacte d’actionnaires, la question de l’utilité de ce dernier vient tout naturellement à l’esprit. Les raisons qui poussent les actionnaires vers la signature d’un pacte, plutôt que l’inscription de leurs accords dans les statuts, tiennent essentiellement à un souci de confidentialité. Les actionnaires, pour des raisons évidentes, ne souhaitent pas que leurs arrangements les plus sensibles soient accessibles publiquement, par simple consultation des statuts de la société. Inspiré du modèle anglo-saxon

Dans la pratique luxembourgeoise et internationale, un grand nombre de pactes sont inspirés par la pratique anglo-saxonne. « Bien que chaque pacte soit un contrat sur mesure, une trame similaire s’y retrouve, inspirée par les modèles d’outre-Manche. L’avantage de ce format est de constituer une base commune compréhensible par des investisseurs de juridictions différentes », explique Gérard Maitrejean, partner au sein du cabinet d’avocats OPF Partners. Dans le pacte, les parties vont régler, entre autres, la gouvernance de la société, le droit pour les actionnaires de céder leur participation, la politique de dividende, la politique d’investissement, la manière de désinvestir, leurs conventions de vote et les méthodes de résolution de conflits. À côté des avantages liés à la confidentialité d’un pacte d’actionnaires et des apports de la common law à la pratique luxembourgeoise, il convient tout particulièrement de garder à l’esprit un certain nombre d’écueils possibles lors de la rédaction. « Premièrement, à la différence de la majorité des articles des statuts, les provisions contenues dans un pacte ne sont pas opposables aux tiers. Typiquement, les clauses restrictives de transfert des titres de la société ne seront pas opposables à un tiers acquéreur de bonne foi », précise Gérard Maitrejean.

Deuxièmement, un pacte ne peut déroger aux règles d’ordre public de la loi sur les sociétés. « Certaines de ces règles visent à assurer la bonne gestion de la société, comme le principe de révocabilité à tout moment et sans motif des administrateurs d’une société anonyme. » D’autres règles visent à préserver les droits des minoritaires, au travers, par exemple, de règles de majorité rehaussée ou de l’interdiction plus ou moins large de supprimer le droit de vote des porteurs de titres. « La plupart du temps, on remédiera aux limites imposées par ces règles via des mécanismes en dehors du pacte. Par exemple : l’interposition d’un véhicule regroupant les investisseurs minoritaires ou la création d’une classe d’actions ayant, de facto, un pouvoir politique réduit et un pouvoir économique proportionnel à l’investissement consenti pour sa souscription. » D’autres encore visent à protéger les tiers créanciers. Ces dernières, présidées par le principe de l’intangibilité du capital et assorties de sanctions pénales, empêchent la société de faire des distributions qui excèdent les profits générés. « Le pacte d’actionnaires devra en tenir compte dans ses clauses ayant trait à la politique de dividende ou au prix de rachat des titres d’un actionnaire sortant. » Il convient également de mentionner la prohibition des clauses léonines, c’est-à-dire des clauses privant un actionnaire de toute chance de participation aux bénéfices ou le protégeant de toute participation aux pertes. Finalement, la loi sur les sociétés impose un certain nombre de mentions dans les statuts, notamment quant aux droits et obligations attachés aux titres émis par celles-ci. « Il faudra donc veiller à ce que les statuts, nonobstant l’existence d’un pacte d’actionnaires, contiennent de telles mentions. » Troisièmement, pour les sociétés cotées, un pacte d’actionnaires peut, au sens des législations sur les marchés financiers, être constitutif d’une action de concert, entraînant des obligations d’information aux autorités financières et / ou l’obligation de faire


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