paperJam avril 2008

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ACTUALITE · entreprises

c o m m e r ce

Le triangle d’or du caviar L’esturgeon du Yang-Tsé, le savoir-faire des riverains de la mer Caspienne et la commercialisation made in Luxembourg: du caviar pour les affaires!

Photo: Julien Becker

Ali Motahari (Gourmet Trade): «Ce caviar est ­inédit. Il a des grains plus clairs. Très savoureux. Nous sommes les premiers dans le monde à commercialiser le caviar de nouvelles espèces».

Cela fait 21 ans qu’Ali Motahari, homme d’affaires d’origine iranienne, est importateur de caviar en Europe. Luxembourg est une indiscutable plaque tournante, un pôle majeur pour tous les gourmets. Gourmet Trade, sur la zone industrielle de Livange-Bettembourg, assure dans la discrétion et l’efficacité. Et fait mieux désormais, en magnifiant le rapport qualitéprix des célèbres œufs d’esturgeon, grâce à des partenaires éleveurs de poissons en Chine. Il est incollable sur le caviar. «Les Iraniens font le meilleur caviar du monde. Il faut savoir le préparer. L’iranien, c’est le Bocuse du caviar», sourit Ali Motahari, dont la société Gourmet Trade est une référence européenne absolue. Les perles noires de la mer Caspienne, importées par caisses entières et par avion cargo, conditionnées à Livange et réexpédiées vers les clients les plus prestigieux et les plus exigeants, font le bonheur des bonnes tables depuis plus de 20 ans. «Mais peu à peu, on a noté une dimi­ nution importante des ressources de base». Il y a 15 ans, l’Iran exportait 300 tonnes par an, la quasi moitié du marché mondial. La surpêche, les problèmes géopolitiques, l’arrivée de quotas stricts (depuis dix ans) pour préserver les esturgeons, tout cela a raréfié l’offre. Ainsi,

même si les quotas de 2008 lui permettent d’atteindre 40 tonnes cette année, le caviar iranien ne pèse plus guère que cinq à six tonnes annuelles… Mais la demande continue d’exploser. Le caviar de Russie, par exemple, ne sort presque plus d’un pays où les nouveaux nantis consomment toute la production locale. Le marché de cet autre or noir, pour éviter la flambée, s’est tourné vers d’autres espèces d’esturgeons, élevées en captivité. On en trouve aux USA, en Italie ou en France. «C’est autre chose. Ce caviar-là est plus gras, il a un autre goût, moins bon».

Conjonction de savoir-faire Ali Motahari a cependant trouvé une piste inédite, bigrement intéressante sur tous les plans: la Chine. Du caviar chinois? Non, en tout cas pas du tout au sens où l’on pourrait l’imaginer d’emblée, à savoir une sorte d’ersatz ou une pâle copie. Bien au contraire. En fait, l’esturgeon fait partie de la tradition séculaire chinoise. Friands de poissons, les Chinois en pêchent et en produisent énormément. Jusqu’ici, uniquement pour la chair du poisson. Ainsi, depuis des dizaines d’an-

nées, les fameux œufs n’étaient pas du tout valorisés sur les rives du Yang-Tsé-Kiang. Un gâchis d’envergure… «Il y a là-bas un savoir-faire incontestable en matière d’élevage de poissons. On y trouve plu­ sieurs espèces; en plus d’une sorte d’esturgeon spé­ cifique à la Chine, certaines souches ont été directement importées de la mer Caspienne. De belles pièces, de 50, 60 voire 80 kilos». Ali ­Motahari est allé sur place, a exploré, négocié, obtenu des contrats de partenariat économique avec l’aide précieuse de son avocat de gendre, Me Thierry Reisch. «J’ai dû aller huit fois en Chine sur une année». Pas seul. Car si l’élevage est chinois jusqu’à la sortie du poisson de l’eau, le know-how pour préparer les œufs en caviar est bel et bien iranien, réalisé par des spécialistes dépêchés sur place pour ce travail de rigueur. C’est là que l’opération fait mouche sur tous les plans. Le poisson est d’excellente qualité, élevé soit dans des bassins modernes, soit dans de grandes nasses immergées dansplusieurs ressources d’eau de régions différentes. «On a de l’esturgeon en semi-liberté et dans un environnement qui rappelle vraiment la mer Caspienne». Le poisson a en plus un excellent rendement. A qualité très comparable, grâce à la tradition iranienne, le prix est largement inférieur (entre 200 et 250 euros les 100 grammes). «Ce caviar est inédit. Il a des grains plus clairs. Très savoureux. Nous sommes les premiers dans le monde à commercialiser le caviar de nou­ velles espèces». Le nom reste à déposer, pour élargir la gamme des Beluga, Sevruga ou ­Asetra… La conjonction des savoir-faire orientaux se complète par une structure économique made in Luxembourg. Car tout ceci se commercialise bien évidemment depuis le ­Luxembourg, selon le principe qui a fait le succès de ­Gourmet Trade: import, conditionnement, export. Jusque dans des sphères très smart. Sait-on par exemple que «Maxim’s de Paris», sous label de Pierre Cardin, est du caviar venu du Grand-­Duché? Pour l’heure, le site de Livange a donc de nouveaux débouchés, très prometteurs. On y a déjà traité une tonne et demie de ces perles rares venues de Chine. «Et il y a un gros potentiel à exploiter», conclut Ali Motahari. || Alain Ducat

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17.03.2008 15:49:12 Uhr


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