10 | 2.8.2022 | MÉTAUX PRÉCIEUX
Au cœur de la fabrique d’or Aucun pays au monde ne transforme autant d’or que la Suisse. Pour quelles raisons? Et ce métal précieux est-il toujours propre? Les réponses à ces questions se trouvent à la raffinerie Metalor près de Neuchâtel, qui nous a ouvert ses portes. Texte: Ralf Kaminski
L
a chaleur est encore perceptible à cinq mètres de distance. L’or liquide est chauffé à 1200 °C. Il est coulé sous nos yeux dans dix moules à l’aide d’un grand creuset incandescent. Vêtus d’une combinaison de protection isolante et d’une visière leur cachant intégralement le visage, deux spécialistes versent délicatement l’or dans des moules qu’ils retirent ensuite. De gros lingots dorés apparaissent. Ils refroidiront rapidement. Sur une table à côté de la fonderie sont disposées une quarantaine de barres déjà froides. Chaque pièce pèse entre onze et douze kilos et vaut environ 600 000 francs. Nous regardons avec émerveillement les quelque 24 millions de francs posés là comme s’il s’agissait simplement de chocolat enrobé d’une feuille d’or. Mais pour soulever un tel objet, il faut bien ses deux mains. Nous nous trouvons dans les ateliers de production de Metalor Technologies SA à Marin, près de Neuchâtel. Il s’agit de l’une des cinq grandes raffineries d’or en
Photos: Jorma Müller
Suisse. Rien qu’à Marin, l’entreprise transforme environ 250 tonnes d’or par an, ainsi que 300 tonnes d’argent, une dizaine de tonnes de platine et autant de palladium. Plaque tournante de l’or en Suisse
Outre ces gros lingots, Metalor produit également des granulés d’or qui sont transformés par l’industrie locale d’horlogerie et de bijouterie, des petits lingots que l’on peut acheter dans les banques ainsi que des sels et des électrolytes à usage industriel, notamment de la poudre d’argent destinée aux capteurs solaires. «On sous-estime le nombre de produits dans lesquels ce métal précieux joue un rôle», explique Antoine de Montmollin. Âgé de 58 ans, ce petit-fils de viticulteur qui, plus jeune, a aussi voyagé dans des zones de guerre en tant que délégué de la Croix-Rouge, travaille chez Metalor depuis 2005 et dirige l’entreprise depuis 2019. «On trouve de l’or dans chaque smartphone, chaque voiture, chaque téléviseur, mais aussi
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tonnes d’or ont été jusqu’à présent extraites par l’homme à fin 2021. Cela correspond à un cube de 21,99 mètres de côté. Celui-ci grandit de quelques centimètres chaque année.
dans les produits cosmétiques et pharmaceutiques.» Et la Suisse est une immense plaque tournante de l’or: le matériau entre dans le pays, est transformé dans l’une des cinq grandes raffineries puis quitte le territoire. La plupart du temps, en tout cas. Il est difficile de donner des chiffres exacts. «Cela change d’un trimestre à l’autre en fonction de la demande», explique Antoine de Montmollin. En principe, le métal précieux arrive en Suisse sous deux formes: en or brut, directement des mines, d’où il vient d’être extrait, ou en or déjà raffiné devant être recyclé ou raffiné de nouveau à un niveau