Tr05 mai 2014

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dossier femmes

suffragette un jour...

Le paradoxe de la femme: confiance en soi et fragilité. par Fabienne Guignard, rédactrice en chef

« Après avoir étudié la condition des femmes dans tous les temps et dans tous les pays, je suis arrivé à la conclusion qu’au lieu de leur dire bonjour, on devrait leur demander pardon ». Voilà ce qu’écrivait Alfred de Vigny au XIXe siècle. Un visionnaire ? Non, un romantique. Mais dans la finalité, la phrase prend tout son sens par son actualité. A chercher des citations sur la condition des femmes, qu’il m’a été difficile d’en trouver une qui ne soit pas machiste ! Et c’est parfois avec surprise qu’on en découvre l’auteur. Monsieur de Talleyrand par exemple qui dira : « Là où tant d’hommes ont échoué, une femme peut réussir ». Bel hommage. Si la condition de la femme a connu des aléas, des avancées puis des retours en arrière, la voilà au centre véritablement des mouvements sociaux à la fin du XIXe siècle avec l’arrivée tapageuse des suffragettes dans les pays anglosaxons principalement. La femme égale de l’homme? Un concept nouveau apparu au cours de la deuxième partie du XXe siècle seulement. Droit de 6 | tribune | No 5

vote, liberté de gérer son corps, donc sa sexualité grâce à la contraception et à la libéralisation des mœurs ont bien entendu marqué l’évolution de la femme dans l’échelle sociale et sociétale. Quelques décennies plus tard, on peut raisonnablement se demander si la condition de la femme, sa liberté n’est pas en train de régresser même si, sur le plan juridique, les choses ont largement progressé.

«à chercher des citations sur la condition des femmes, il a été difficile d’en trouver une qui ne soit pas machiste !» Beaucoup de jeunes femmes oublient ou ignorent que les combats pour avoir le droit de maîtriser leur corps et leur image, sous toutes ses formes, sont une manière de prendre le pouvoir de leur vie ou tout au moins le garder. On voit aujourd’hui comme il est facile de dénigrer une femme, des sex tapes et vidéos entre copains, déjà à l’école, pour l’humilier telles les

20 000 femmes tondues après la Deuxième Guerre mondiale, la poitrine exhibée pour signifier que leur corps n’est pas moral. Mais c’est par le droit de vote que le combat de l’émancipation a débuté: Nouvelle-Zélande (1893), Australie (1902), Finlande (1906), Angleterre (1918), Etats-Unis (1919), France (1944). Et la Suisse? En 1971 sur le plan fédéral et en 1959 déjà dans le canton de Vaud, précurseur national. Rappelons que dans toute l’histoire de l’humanité, la Suisse est le seul pays au monde où le corps électoral masculin ait accordé le droit de vote aux femmes par un vote au suffrage direct (majorité du peuple et des cantons). Personne n’a fait mieux… La Suisse a été pionnière en matière d’avortement. La possible interruption de grossesse est inscrite en 1942 dans le Code pénal. Il faudra attendre 2002 pourtant pour que les femmes puissent avorter sans l’accord d’une commission de médecins. Notre pays fut ainsi l’emblème d’un Etat libéral. Et le canton de Vaud fut plus que d’autres ouvert à ces pratiques. De nombreuses femmes, suisses et étrangères, ont donc vu notre

Elégance et compétence. pays comme un eldorado de la liberté de la femme. Un peu comme il est perçu aujourd’hui très progressiste en matière de fin de vie. Le droit de vote universel en Suisse a ainsi participé à la création d’une nouvelle société où la femme doit avoir une place entière, égale de l’homme. On redéfinit la notion de famille (1988), d’autorité parentale (1978), le viol entre époux est reconnu en 1992 et poursuivi d’office dès 2003 tout comme les violences domestiques. Une avancée majeure. Le droit du divorce est


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