Le Pharmacien de France n° 1311 (partiel)

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Le PHaRMaCIeN www.lepharmaciendefrance.fr

ENJEUX

Les CPTS, c’est maintenant ! P. 24

DEFRANCE

Un spray nasal contre la dépression

Un corner enfants dans l’officine

La levure de riz dans le rouge

ENQUÊTE P. 28

INFLUENCES P. 40 BANC D’ESSAI P. 48

No 1310 MAI 2019

L’AVIS QUI Le

FÂCHE

PHaRMaCIeN DEFRANCE

La présidente de l’Autorité de la concurrence justifie les propositions sur l’ouverture du capital et du monopole officinal. INTERVIEW P. 10


L’Éditorial

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

Anciens et Modernes

Philippe Besset

© ANH LENOIR

Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France

No 1310 I 60e année I09/05/19 ISSN 0031-6938 I CPPAP : 0222 T 81323 www.lepharmaciendefrance.fr LE PHARMACIEN DE FRANCE 13, rue Ballu 75311 Paris Cedex 09 Tél. : 01 42 81 15 96 Télécopie : 01 42 81 96 61 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Garnier DIRECTRICE DE LA RÉDACTION : Cécile Michelet DIRECTEUR OPÉRATIONNEL : Christophe Micas RÉDACTEUR EN CHEF : Benoît Thelliez (bthelliez@lepharmaciendefrance.fr) CHEFS DE RUBRIQUE : Alexandra Chopard (achopard@lepharmaciendefrance.fr) RÉDACTRICE Claire Frangi (cfrangi@lepharmaciendefrance.fr) SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Joséphine Volat (jvolat@lepharmaciendefrance.fr) ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Anaïs Jeanne I Anne-Gaëlle Moulun I Stéphany Mocquery CRÉATION ET RÉALISATION : Rampazzo & Associés - blog.rampazzo.com CORRECTION : Maylis Laharie IMPRESSION : Lescure Théol 27120 Douains ILLUSTRATIONS : Dessins : Martin Vidberg DIRECTEUR COMMERCIAL ET RESPONSABLE DE LA PUBLICITÉ : Christophe Bentz (cbentz@lepharmaciendefrance.fr) Tél. : 01 42 81 56 85 Fax : 01 42 81 96 61

À

en croire l’Auto- associations de consommateurs. Certes, les prix rité de la concur- ont augmenté, mais pas la marge des pharmarence, comme ciens. Ce qui a progressé, ce sont surtout les on peut le lire taxes qui ont pratiquement doublé en dix ans dans notre inter- et les prix des industriels qui ont progressé de view de sa présidente, Isabelle de Silva (voir plus de 20 % sur la période. pp. 10-12), il y aurait ceux qui sont favorables Les pharmaciens n’ont pas attendu l’Autorité de aux évolutions et les autres, ceux qui disent la concurrence pour évoluer. En dix ans, l’exercice « Touche pas à mon modèle. » L’instance veut, officinal s’est considérablement transformé avec en quelque sorte, rejouer la querelle des Anciens la mise en place des nouvelles missions et l’introcontre les Modernes. duction des honoraires Il faut être clair : non, la dans la rémunération. « La modernité, c’est financiarisation de la Nous devons en être fiers. défendre un service santé n’est pas un signe La ministre de la Santé, de modernité, ni l’ubéAgnès Buzyn, le sait et n’a pharmaceutique risation de l’officine, ni pas hésité à prendre poside proximité. » davantage l’affaiblissetion contre la vente de ment de la sécurité de la dispensation des médicaments dans les supermarchés, tout comme médicaments. Au contraire, s’inscrire dans la ces dix-sept députés qui affirment que « la vente modernité, c’est défendre l’indépendance finan- de médicaments ne doit pas être considérée comme cière des pharmaciens titulaires, défendre un un marché de simples objets de consommation et service pharmaceutique de proximité et de que le maillage territorial est particulièrement qualité et défendre la sécurité de la dispensation. crucial dans les territoires de santé ruraux comme Penser que l’on peut remettre en cause les urbains ». Nous avons aussi reçu le soutien principes fondamentaux de la pharmacie fran- d’autres professionnels de santé et celui, plus çaise pour redonner du pouvoir d’achat aux inattendu, de la Cour des comptes qui, après Français est insensé, alors même que ces prin- avoir prôné la disparition de la moitié des officines cipes ont été édictés dans l’intérêt des patients en 2017, complimente aujourd’hui les pharmaet que les prix des médicaments conseil vendus ciens pour la densité et la proximité de leur réseau dans nos officines sont de très loin inférieurs à qui en font le premier échelon de l’accès aux la moyenne européenne, n’en déplaise aux soins. Qui sont les Modernes ?

ABONNEMENTS : Tél. : 01 42 81 15 96 Abonnement d’un an France-Corse (TTC) : 95 € I Guyane : 93,05 € I Guadeloupe, Martinique, Réunion : 94,03 € I Étranger : 160 € I Achat au numéro : 15 € I Étudiants et retraités : 75 € I Certificat d’inscription à la Commission paritaire de la presse : no 0222 T 81323 ORGANE D’INFORMATIONS SCIENTIFIQUES ET PROFESSIONNELLES PHARMACEUTIQUES Le Pharmacien de France est édité par la SARL « Le Pharmacien de France ». Siège : 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09. Durée 99 ans à compter de 1977 Capital : 93 000 euros I Cogérants : Éric Garnier I David Pérard I Date du contrôle OJD : 18/06/2018.

Mai 2019 I No 1310 I 1


mai 2019 Sommaire

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

Actualité

Santé O

HN

10

28

5 LES DOSSIERS DE LA FÉDÉ 8 LA FÉDÉ EN RÉGIONS

28

10

14 20 23

L’INTERVIEW I sabelle de Silva : « On peut avoir une démarche mesurée » ACTUALITÉ EN BREF INDUSTRIE & CO LE KIOSQUE

ENJEUX

Officine

CI 48

ENQUÊTE Un spray nasal contre la dépression

32 PANORAMA 33 FICHE CONSEIL Les tendinopathies Conseils associés chez le sportif 36 INTERNATIONAL Un peu de poésie

• •

40 INFLUENCES Un corner enfants dans l’officine 42 MARCHÉ

44

Bon pronostic pour les autotests PRODUITS

48 BANC D’ESSAI La levure de riz dans le rouge 51

APERÇU

52

À votre santé ! par Martin Vidberg

Les CPTS, c’est maintenant ! Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) prennent leur essor. Placées au cœur du plan « Ma santé 2022 », ces structures qui existent depuis 2016 sont aujourd’hui appelées à devenir le fer de lance de l’exercice coordonné

24

au sein d’un territoire dont les professionnels de santé engagés dans la démarche auront eux-mêmes défini les contours et le projet autour duquel ils souhaitent articuler leurs actions. L’objectif annoncé est de voir se créer 1 000 CPTS d’ici à 2022.

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Mai 2019 I No 1310 I 3


Actualité En bref

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

CE QU’ILS ILS L’ONT DIT ONT DIT

DR

Michèle Rivasi, députée européenne. (Source : ledauphine.com)

L’Ondam dans les clous L’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2019 (200,3 milliards d’euros ; + 2,5 %) devrait être respecté, selon le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie. Certes, certains risques pèsent sur la réalisation des économies attendues, notamment les dépenses de soins de ville liées aux transports, aux indemnités journalières et aux dispositifs médicaux, mais ces derniers devraient avoir peu d’effet sur la tendance. x

vaccination

Les effets de l’obligation Santé publique France relève que la couverture vaccinale a ­progressé de 5,5 points pour le vaccin hexavalent (DTP, coqueluche, hépatite B et Hib), qui passe de 93,1 % chez les enfants nés entre janvier et mai 2017 à 98,6 % pour ceux nés entre janvier et mai 2018. Le taux de nourrissons ayant reçu la première dose du vaccin contre le méningocoque C augmente même de 36,4 points (75,7 % en 2018, contre 39,3 % en 2017), tandis que pour le pneumocoque, le taux évolue de + 1,4 point (99,4 % en 2018 contre 98 % en 2017). La couverture vaccinale s’améliore également chez les enfants non soumis à l’obligation. x 18 I No 1310 I Mai 2019

« En 2018, 18 % des secteurs de permanence des soins se sont retrouvés avec moins de cinq médecins de garde. »

Valéry Trosini-Désert, pneumologue à la Pitié-Salpêtrière. (Source : forum sur le bon usage du médicament, organisé par Les Entreprises du médicament)

Dr Jean-Yves Bureau, président de la commission de la permanence des soins ambulatoires (PDSA) au Conseil national de l’Ordre des médecins. (Source : Le Bulletin de l’Ordre des médecins)

stage

Accueillir un étudiant étranger © FOTOLIA/MUHAMMAD

dépenses

« Un bon usage du médicament permettrait d’économiser 900 millions d’euros par an. »

DR

© MARIE-LAN NGUYEN

« Je ne suis pas du tout antivaccin. Je suis vaccinée, mes gosses le sont aussi. Et d’ailleurs, je trouve cela très grave d’être antivaccin. »

C

Faire découvrir les différents modes d’exercice officinal dans le monde, tel est l’objectif du Student Exchange Programme.

réé par la Fédération internationale des étudiants en pharmacie, le programme vise à favoriser les échanges entre étudiants en pharmacie à travers le monde. L’idée est donc d’offrir la possibilité aux futurs diplômés des facultés françaises de vivre une expé-

rience loin de nos frontières, mais aussi à des étudiants étrangers de découvrir l’officine hexagonale. « Plus on reçoit d’étudiants venant d’autres pays, plus on peut en envoyer à l’étranger en retour », explique Mounia Achraf, viceprésidente de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf) chargée de la Mobilité internationale. Aussi, l’Anepf, qui coordonne le programme en France, lance-t-elle un appel aux titulaires volontaires pour accueillir des étudiants dans leur officine. Si vous êtes intéressés, n’hésitez pas à les ­contacter (mobilite@anepf.org) ! x

PROXIMITÉ

Redynamiser les centres-villes L’association Centre-ville en mouvement a pour vocation d’accompagner les projets d’innovation des cœurs urbains. Dans ce cadre, son président, le député de l’Hérault Patrick Vignal (LREM), a organisé le 10 avril à l’Assemblée nationale les © FOTOLIA/MASSIMO_G « Rencontres des centres- cette démarche, d’y associer villes et des centres-bourgs les maires ainsi que les régions d’Occitanie/Pyrénées-Médi- et de mutualiser les expéterranée et des Hauts-de- riences, comme l’explique en F ra n ce » . L’o b j ect i f est substance Patrick Vignal. d’accompagner l’État, de réflé- « Cela fait trente ou quarante chir sur la place de chacun ans que l’on a laissé filer les (syndicats, fédérations) dans choses mais il n’est pas trop

tard, on peut encore inverser la tendance », estime Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France. « Un commerce de proximité, c’est un service à la population », insiste de son côté la présidente de la région d’Occitanie, Carole Delga. « Les pharmaciens soutiennent le projet de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs ; la pharmacie est l’espace de santé au cœur du village et de la ville », affirme pour sa part le président de la FSPF, Philippe Besset.


En bref Actualité

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REPÈRES

15 % Seulement 15 % des pharmacies ont réalisé des bilans partagés de médication, soit environ 3 000. L’objectif de 20 bilans par officine et par an est encore loin d’être atteint. (Source : table ronde PharmagoraPlus)

5

46

La barre des 5 millions de dossiers médicaux partagés créés a été franchie le 16 avril. 31 % des ouvertures ont été réalisés par un pharmacien d’officine. (Source : Cnam)

C’est le montant des pertes d’exploitation du secteur de la répartition pharmaceutique en 2018. Un an plus tôt, elles étaient de 23 millions d’euros. (Source : Chambre syndicale

3 600

millions d’euros

millions

C’est le nombre de personnes indemnisées pour leurs problèmes cardiaques après avoir été traitées par le Mediator. En tout, elles ont touché 115,9 millions d’euros. (Source : Le Parisien)

de la répartition pharmaceutique)

génériques (1)

génériques (2)

Pour 2018, la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) pour la substitution générique perçue en moyenne par une pharmacie s’élève à 5 287 euros, soit 30 % de moins que pour l’année précédente. L’enveloppe allouée à la Rosp génériques va encore se réduire dans les prochaines années, voire disparaître. « Nous nous interrogeons sur le recyclage de la Rosp génériques vers d’autres missions », a indiqué Annelore Coury, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), lors du dernier salon PharmagoraPlus. x

Le Parlement européen a adopté le 17 avril un rapport visant à faciliter la fabrication de génériques au sein de l’Union européenne (UE). Pour les industriels français du générique (Gemme), ce texte « permettra à l’industrie pharmaceutique française et européenne de bénéficier d’une concurrence à armes égales au niveau mondial ». En pratique, les fabricants pourront se lancer dans la production d’un générique six mois avant la chute du certificat complémentaire de protection (CCP) pour les spécialités destinées à l’UE. Un délai plus long pourra être accordé pour celles commercialisées hors de l’UE. x

Vers la fin de la Rosp ?

Plus d’équité

MACRO / ÉCO

Une disparité des prix de vente liée au chiffre d’affaires L’analyse des prix de cession des officines en 2018 par la société de financement Interfimo montre une évolution différente selon les chiffres d’affaires (CA) des pharmacies vendues. Ainsi, l’an passé, les prix de cession étaient en légère baisse pour les catégories d’officine dont le CA hors taxes (HT) se situe en dessous de 1,6 million d’euros. À l’inverse, les prix de vente évoluaient positivement pour celles qui affichent un CA HT supérieur à 1,6 million d’euros. À noter qu’en 2018, 60 % des pharmacies sont valorisées entre 62 % et 90 % du CA HT. Les régions les plus chères sont la Nouvelle-Aquitaine, la Corse et la Normandie. À l’opposé, l’Île-de-France et Paris, ainsi que le Centre-Val de Loire restent les moins valorisées.

Prix de cession par niveau de chiffre d’affaires hors taxes (HT)

PC/CA HT en %

85

83 80

84

85

81

75

74

73

70

65

62

60

61,7

55

moins de 1 200 k€ 2017

de 1 200 à 1 600 k€

de 1 600 à 2 000 k€

plus de 2 000 k€

2018 Source : Interfimo

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Actualité Enjeux

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

Les CPTS n’avaient jusqu’alors pas réussi à convaincre grand monde de leur utilité. Elles ont retrouvé un second souffle grâce à la nouvelle réforme du système de santé qui en fait le pilier de l’interpro­fessionnalité et de l’exercice coordonné. par Benoît Thelliez

LES CPTS, C’EST MAINTENANT ! « L’exercice isolé doit devenir progressivement marginal, une aberration et finalement disparaître à l’horizon de janvier 2022. » Cette

injonction lancée par Emmanuel Macron le 18 septembre dernier lors de la présentation du plan « Ma santé 2022 » résume à elle seule la philosophie qui sous-tend le programme sanitaire porté par le président : développer et généraliser au sein des territoires l’exercice coordonné de tous les professionnels concernés pour répondre aux enjeux d’accès aux soins et de qualité des prises en charge. Si elle ne fait pas l’économie d’une réorganisation hospitalière, cette réforme s’intéresse tout « Le diagnostic particulièrement à l’ensemble des territorial est une étape acteurs de ville qui contribuent aux soins de premier et de second incontournable. » recours et les enjoint à s’organiser au plus vite au sein de structures Dr Claude Leicher, président de la FCPTS de coordination. Parmi elles, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont été identifiées comme le maillon fort du nouveau dispositif. Un objectif a même été annoncé : 1 000 CPTS sur l’ensemble du territoire national en 2022. Méconnaissance Si elles sont nées en 2016 avec la loi de modernisation du système de santé, conduite à l’époque par Marisol Touraine, les CPTS n’ont pas encore suscité un intérêt majeur chez les professionnels de santé, principalement en raison d’une méconnaissance assez profonde de ces structures. Dans un sondage que nous avions réalisé en mars dernier auprès de 452 pharmaciens, il ressortait ainsi que la moitié d’entre eux n’était pas en mesure de répondre par l’affirmative à la question « Savez24 I No 1310 I Mai 2019

vous ce qu’est une CPTS ? » Il faut bien reconnaître que, jusqu’à présent, le manque de communication des tutelles et l’absence de cadre conventionnel permettant d’y voir plus clair quant au périmètre d’intervention de ces structures, la qualité des acteurs autorisés à y participer, les différentes étapes de leur constitution, les missions qu’elles se doivent de remplir ou encore les financements qui peuvent leur être alloués n’ont pas aidé à motiver les troupes. Même si tous ces obstacles n’ont pas empêché certains pionniers de se lancer dans l’aventure, ils ont incontestablement constitué un frein au déploiement des CPTS. Aujourd’hui, si le flou persiste dans l’esprit de certains, sur le terrain, les choses commencent enfin à bouger et des initiatives fleurissent un peu partout. Le projet et le territoire Ce qui définit peut-être le mieux une CPTS réside dans son caractère immanent. En d’autres termes, sa constitution doit exclusivement procéder de la volonté de ses acteurs de mettre sur pied un projet d’exercice coordonné qui réponde à une problématique territoriale, adaptée aux besoins de la population résidant dans son champ d’action ; ce dernier étant également délimité par des critères propres à chaque CPTS. Comme l’explique Sophie Sergent, pharmacienne à Liévin (Pas-de-Calais) et présidente de la commission Pharmacie clinique et Exercice coordonné à la FSPF, « à la différence des structures interprofessionnelles déjà existantes qui reposent sur une notion de patientèle, les CPTS se définissent avant tout en fonction d’un territoire ». Ce que confirme Claude Leicher, ­médecin généraliste à Étoile-sur-Rhône (Drôme) et président de la Fédération des CPTS (FCPTS),


Enjeux Actualité

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© FOTOLIA-MG

DEFRANCE

lorsqu’il rappelle à quel point ces structures représentent un changement de paradigme : « Nous sommes partis d’un système organisé depuis Paris pour désormais privilégier, à l’échelon territorial, un processus d’organisation entre les acteurs dépendant de problématiques qu’ils ont eux-mêmes identifiées et pour lesquelles ils sont donc les plus à même d’apporter des solutions. » C’est donc bien le territoire et le projet qui s’y inscrit qui font la CPTS et non l’inverse. Dans le même esprit, chaque projet doit résulter d’un constat partagé par tous les acteurs de la structure relatif à un besoin sanitaire pas ou seulement partiellement satisfait. Là où, dans une CPTS, il s’articulera autour de la prévention des risques chez les personnes âgées dépendantes, il ­pourra, dans une autre, porter sur le suivi du patient en sortie d’hôpital, l’organisation de l’offre ambulatoire, l’accès aux soins des personnes en situation de fragilité, le maintien à domicile… Une fusée à trois étages On l’aura compris, tout part d’un ou de quelques professionnels de terrain qui se rencontrent et décident de coordonner leurs actions dans l’intérêt des patients ainsi que dans celui de leurs pratiques professionnelles respectives. Claude Leicher considère ainsi que « la première

question que doit se poser le porteur de projet d’une CPTS est : Quelles sont les personnes avec lesquelles je pourrais travailler ? » Une fois que l’équipe est constituée d’acteurs de soins primaires (généralistes, pharmaciens, kinésithérapeutes…) auxquels peuvent s’adjoindre, en fonction des besoins, des professionnels de deuxième recours, des hospitaliers, des personnels du secteur médico-social ou social, il demeure primordial de confronter la pertinence du projet à l’examen préalable des besoins III

Tous les pharmaciens en lice Première à voir le jour en Île-de-France, la CPTS Paris 13 a été inaugurée le 26 mars dernier après s’être officiellement constituée en juin 2018. Née de l’initiative d’un groupe de professionnels de santé déjà impliqués dans des actions de coordination des soins depuis 2011 à travers le Pôle Santé Paris 13, elle couvre l’ensemble du 13e arrondissement, soit plus de 180 000 habitants. Bien que l’offre de santé de ce territoire soit riche, de nombreux besoins y ont été identifiés, notamment au sein des foyers de migrants dont les personnes échappent souvent au parcours de soins classique. Au sein de cette communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) se sont ainsi regroupés plus de 150 acteurs sanitaires, dont 38 médecins généralistes et… la totalité des pharmaciens de l’arrondissement, soit près de 70. Leur implication dans la CPTS passe par plusieurs actions comme celle d’apprendre l’automesure ­tensionnelle aux patients qui le nécessitent.

Mai 2019 I No 1310 I 25


Actualité Enjeux [Les CPTS, c’est maintenant !]

NOTABENE Si la réflexion sur la gouvernance doit être menée en lien avec les missions et activités de la future communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), sa structure juridique peut revêtir différentes formes. Le statut associatif semble toutefois être celui qui offre aujourd’hui la plus grande souplesse.

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de santé de la population. Ainsi que le financements publics qu’elles leur allouent, les r­ appelle clairement la FCPTS, « les phases de autorités leur confient un certain nombre de diagnostic territorial et de construction d’un véri- missions. Si certaines d’entre elles, dont le table projet de santé doivent rester une étape nombre est amené à évoluer en fonction des incontournable » que les unions régionales de besoins qui se feront jour, sont facultatives, professionnels de santé (URPS) peuvent d’ail- trois (dont une avec deux objectifs) ont d’ores leurs aider à formaliser. Une fois cela fait, Claude et déjà été définies comme des missions Leicher indique que « la « socle » conditionnant le transmission d’une lettre d’in- « Les CPTS déclenchement de dotations tention à l’agence régionale représentent par l’Assurance maladie : de santé (ARS) va permettre à l’amélioration de l’accès aux cette dernière d’enregistrer l’avenir et le socle soins (facilitation de l’accès l’action en cours et de déblo- des nouvelles à un médecin traitant ainsi quer un peu d’argent (de qu’au recours aux soins non 8 000 à 25 000 euros) via le rémunérations. » programmés), l’organisation fonds d’intervention régional Sophie Sergent, présidente de de parcours pluriprofessionla commission Pharmacie clinique (FIR) afin de financer le mon- et Exercice coordonné à la FSPF nels autour du patient et le tage du projet ». En troisième développement d’actions teret dernier lieu, tous ceux qui vont ou sont en ritoriales de prévention. Quoi qu’il en soit, tout train de mettre sur pied une CPTS devront s’ins- le monde s’accorde sur la nécessité de garder crire dans le cadre de la loi et donc de l’accord un maximum de souplesse au sein du cadre conventionnel interprofessionnel (ACI) dont les conventionnel en laissant, par exemple, les négociations entre les représentants des pro- acteurs déterminer eux-mêmes les protocoles fessionnels de santé et l’Assurance maladie se qu’ils souhaitent mettre en place pour mener sont achevées fin avril (voir encadré ci-dessous). à bien les missions qui leur sont assignées. Au final, Sophie Sergent n’en doute pas un seul Un maximum de souplesse instant : « Les CPTS représentent l’avenir et le La force des CPTS réside dans leur vocation à socle des nouvelles rémunérations des pharmaêtre le fruit de l’initiative de plusieurs profes- ciens qui ne doivent donc absolument pas sionnels de santé seuls à décider du projet craindre de s’y engager dès à présent. » Le mesterritorial sur lequel ils s’engagent à travailler sage a le mérite d’être clair : les CPTS, c’est bel de manière coordonnée. En contrepartie des et bien maintenant ! x III

L’accord conventionnel interprofessionnel (ACI) relatif au déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) va donner le cadre des missions et de leurs financements. Bien qu’il n’ait pas encore été ratifié par les représentants des professionnels de santé – la signature est attendue par l’Assurance maladie au plus tard le 30 juin, faute de quoi un règlement arbitral sera mis en place –, on en connaît déjà les grandes lignes. Il prévoit notamment de classer ces structures en quatre niveaux selon le nombre d’habitants du territoire déclaré : moins de 40 000 habitants, de 40 à 80 000, de 80 000 à 200 000 et plus de 200 000 habitants (pouvant éventuellement être ramené à 175 000). À chacun d’entre eux correspond une dotation variable en fonction de la réalisation des missions socle et des éventuelles missions à caractère optionnel. Au maximum des indicateurs, les montants alloués seraient respectivement de 185 000, 242 000, 315 000 et 380 000 euros. Par ailleurs, des financements allant de 50 000 à 90 000 euros sont aussi prévus à la signature du contrat pour ­couvrir les besoins de la période préparatoire.

26 I No 1310 I Mai 2019

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Des dotations selon la taille


Officine Marché

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Les autotests commercialisés en pharmacie balaient un nombre de pathologies de plus en plus large. Une bonne nouvelle pour l’économie de l’officine, mais aussi pour la qualité du conseil.

Q

uelle profusion ! Initialement centré sur les tests de grossesse et d’ovulation, le marché des autotests s’est doté en 2015 d’une composante « pathologie », avec la mise sur le marché des home tests de dépistage du VIH. Depuis, les laboratoires creusent le sillon. Actuellement, une vingtaine de références sont disponibles, toutes basées sur le même principe : utiliser un prélèvement biologique (sang, urine, secrétions vaginales, sperme ou selles) pour rechercher le marqueur signant une allergie, une infection, une anémie… Deux branches inégales Cette branche « pathologie » des autotests est incontestablement la plus dynamique des deux : son chiffre d’affaires a ­progressé de 28,2 % en un an (données Iqvia, évolution entre février 2018 et février 2019) pour un montant de près de 6,5 millions d’euros sur ces douze mois. Les plus belles performances sont signées Biosynex, avec les références Exacto Infection urinaire (+ 23,8 % sur la même période) et Exacto Infections vaginales (+ 19,6 %), ainsi que Mylan, avec son surperformant MyTest Tétanos (+ 282,8 %). L’autre segment, historiquement plus installé, est donc celui des tests de grossesse et d’ovulation. En léger recul (– 3,7 % entre février 2018 et février 2019), son chiffre d’affaires pèse cependant 4,3 fois plus lourd que le précé-

42 I No 1310 I Mai 2019

dent. En volumes, son hégémonie est encore plus affirmée : les officines ont ­vendu sur la même période presque vingt-deux fois plus de tests de grossesse que d’autotests « pathologies » ; les home tests d’ovulation contribuant, eux, très faiblement (12 %) au chiffre d’affaires global de la branche. Procter & Gamble, avec sa marque Clearblue, domine le secteur, qu’il s’agisse de la détection de la grossesse ou de l’ovulation. Cooper, Gilbert et Biosynex sont les autres contributeurs à ce marché, pour des montants équivalents entre eux. Conseil associés Le développement des ventes d’autotests en officine s’accompagne d’une montée en compétences des équipes officinales : la population cible, le principe

TOP 3 DES LABORATOIRES MYLAN (MyTest) 2 002 908 €

ROCHE (Coaguchek) BIOSYNEX 3 502 361 € (Exacto) 382 357 €

Nom du laboratoire, suivi entre parenthèses du nom de la gamme contribuant majoritairement à ce chiffre d’affaires.

de fonctionnement et les suites à donner à un résultat positif d’un de ces tests doivent être maîtrisés. Le référencement d’autotests permet également de nouveaux conseils associés. Ainsi, HydralinTest Bayer Health­care ou Exacto Infections vaginales rendent plus assuré le conseil d’un traitement ou d’un probiotique car ils permettent de faire le distinguo

Source : Iqvia, chiffre d’affaires (CA) sur 12 mois arrêté à février 2019. Ce classement inclut tous les autotests dont ceux évaluant l’INR, mais exclut les tests utilisés par les patients dans le suivi de leur diabète.

entre mycoses, infections bactériennes et trichomonases. À un couple ayant des ­difficultés à concevoir, on proposera un test de fertilité masculine (Exacto Spermtest, SpermCheck Fertility AAZ) disponible uniquement en officine, contrairement aux tests d’ovulation. De quoi proposer à la patientèle un conseil toujours plus pertinent. x

Alexandra Chopard

Alerte sur le gluten Les derniers-nés des autotests s’intéressent à l’intolérance au gluten. Commercialisés par Biosynex, Medisur ou AAZ, ils recherchent dans le sang des anticorps antitransglutaminase, marqueurs de la maladie cœliaque. Ces tests répondent à une demande de plus en plus fréquente de patients ressentant des symptômes digestifs et souhaitant explorer la réaction de leur organisme à cet antigène. L’Association française des intolérants au gluten (Afdiag) et le ­Cespharm alertent cependant sur le risque d’éviction « sauvage » du gluten et l’importance de la pédagogie au comptoir. En effet, après un test positif, le patient peut être tenté de supprimer immédiatement le

gluten de son alimentation, alors qu’il doit continuer d’en consommer afin de ne pas fausser le diagnostic ultérieur. De plus, il existe une fréquente confusion dans l’esprit des patients entre maladie cœliaque et hypersensibilité au gluten : alors que ces deux pathologies n’ont pas du tout les mêmes conséquences pour la santé et ne nécessitent pas le même régime, ces autotests peuvent entretenir le flou. On notera tout de même un intérêt indiscutable de ces tests chez les personnes déjà diagnostiquées cœliaques qui souhaiteraient vérifier que leur alimentation est bien « sans gluten » et donc l’absence attendue d’anticorps dans leur sang.

© FOTOLIA/SMASTEPANOV2012

Bon pronostic pour les autotests


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