Le Pharmacien de France n° 1308 (partiel)

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L’INTERVIEW

« Mais que fait la police ? » Fabrice Camaioni, président de l’UNPDM

Le PHaRMaCIeN www.lepharmaciendefrance.fr

La retraite dorée de la metformine

La tendance zéro déchets

Des baumes pour peaux atopiques

ENQUÊTE P. 24

INFLUENCES P. 38

BANC D’ESSAI P. 44

DEFRANCE No 1308 MARS 2019

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

tique ins. u e c a arm es médec h p n o ripti té d i c l i s t e s r o p La à l’h e r o c n P. 18 rte e u X e U h E J e s N

Le PHaRMaCIeN E

DEFRANCE


L’Éditorial

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

Mon dernier édito

Philippe Gaertner

© MIGUEL MEDINA

Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France

No 1308 I 60e année I08/03/19 ISSN 0031-6938 I CPPAP : 0222 T 81323 www.lepharmaciendefrance.fr LE PHARMACIEN DE FRANCE 13, rue Ballu 75311 Paris Cedex 09 Tél. : 01 42 81 15 96 Télécopie : 01 42 81 96 61 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Éric Garnier DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : David Pérard RÉDACTEUR EN CHEF : Laurent Simon (lsimon@lepharmaciendefrance.fr) RÉDACTEURS : Claire Frangi (cfrangi@lepharmaciendefrance.fr) Benoît Thelliez (bthelliez@lepharmaciendefrance.fr) Alexandra Chopard (achopard@lepharmaciendefrance.fr) SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Joséphine Volat (jvolat@lepharmaciendefrance.fr) ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : Claire Grevot I Anaïs Jeanne I Anne-Gaëlle Moulun I Michel de Pracontal CRÉATION ET RÉALISATION : Rampazzo & Associés - blog.rampazzo.com CORRECTION : Maylis Laharie IMPRESSION : Lescure Théol 27120 Douains ILLUSTRATIONS : Dessins : Martin Vidberg DIRECTEUR COMMERCIAL ET RESPONSABLE DE LA PUBLICITÉ : Christophe Bentz (cbentz@lepharmaciendefrance.fr) Tél. : 01 42 81 56 85 Fax : 01 42 81 96 61

E

n 2 0 3 1 , d o u z e confidentialité qui n’existaient pas encore en années se seront 2007. Si l’on continue à ce petit jeu de la prosécoulées depuis pective, étant donné la vitesse à laquelle les aujourd’hui. Douze choses évoluent, jusqu’où la profession pourraans, c’est également t-elle aller ? Le « télésoin », bientôt inscrit dans la durée de mes quatre mandats consécutifs à la loi, nous montre que les frontières de la la tête du premier syndicat de titulaires d’officine. pharmacie ne s’arrêteront bientôt plus à ses Douze ans qui m’ont permis de constater à quel murs et que nos compétences pourront se télépoint une profession que l’on dit passéiste et porter directement chez le patient ou le proconservatrice a su faire preuve d’anticipation et fessionnel de santé qui en aura besoin, au embrasser son avenir. moment précis où il en Honoraires pharmaceuaura besoin. « Ce qui semblait tiques, vaccinations à On se prend évidemment de la science-fiction l’officine ou bilans de à rêver mais si nous pouen 2007 nous semble médication… Je suis fier vons en repousser les d’avoir apporté ma murs, il ne faudra sous aujourd’hui naturel. » pierre à cet édifice. On aucun prétexte que les ne mesurera réellement que dans quelques officines deviennent hors-sol. Ma conviction années la profonde mutation que ces « nouvelles est inébranlable : notre ancrage dans les terrimissions » ou la réforme de notre rémunération toires est en réalité notre substrat, notre prinauront imprimé à la profession. Ce qui semblait cipale force, en un mot notre raison d’être. encore être de la science-fiction en 2007 est Perdre les petites officines en milieu rural, c’est aujourd’hui déjà de l’histoire ancienne pour la perdre notre crédibilité et, au final, notre comgénération montante des adjoints et titulaires, bat pour préserver ce modèle adapté à notre pour qui réaliser un entretien pharmaceutique pays fait de régions, de territoires et de contrées est tout naturel. si disparates et pourtant si homogènes. Alors On dit souvent que l’histoire s’inscrit dans la en 2031, je ne sais pas où je serai, mais au vu géographie. Eh bien la géographie des officines des douze années passées en votre c­ ompagnie, a changé en quelques années et son avenir se j’ai bon espoir de savoir où vous serez. C’était dessine aujourd’hui dans tous les espaces de un honneur de vous servir.

ABONNEMENTS : Tél. : 01 42 81 15 96 Abonnement d’un an France-Corse (TTC) : 95 € I Guyane : 93,05 € I Guadeloupe, Martinique, Réunion : 94,03 € I Étranger : 160 € I Achat au numéro : 15 € I Étudiants et retraités : 75 € I Certificat d’inscription à la Commission paritaire de la presse : no 0222 T 81323 ORGANE D’INFORMATIONS SCIENTIFIQUES ET PROFESSIONNELLES PHARMACEUTIQUES Le Pharmacien de France est édité par la SARL « Le Pharmacien de France ». Siège : 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09. Durée 99 ans à compter de 1977 Capital : 93 000 euros I Cogérants : Éric Garnier I David Pérard I Date du contrôle OJD : 18/06/2018. Mars 2019 I No 1308 I 1


mars 2019 Sommaire

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

Actualité

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24

4 LES DOSSIERS DE LA FÉDÉ 6 LA FÉDÉ EN RÉGIONS 8

Santé

L’INTERVIEW

abrice Camaioni : F « Mais que fait la police ? »

12 16 17

ACTUALITÉ EN BREF INDUSTRIE & CO LE KIOSQUE

ENJEUX

24

Officine

44

ENQUÊTE La retraite dorée de la metformine

28 PANORAMA 31 FICHE CONSEIL Les fauteuils coquille Les autres fauteuils 34 INTERNATIONAL En mars, ça repart

• •

38 INFLUENCES La tendance zéro déchets 40 MARCHÉ La nicotine attisée 42

par le remboursement PRODUITS

44 BANC D’ESSAI Des baumes pour peaux atopiques 47

APERÇU

48

À votre santé ! par Martin Vidberg

Le dernier tabou En France, la « prescription pharmaceutique » se heurte encore à l’opposition des médecins. Déjà mise en place avec succès en Suisse ou au Québec, cette nouvelle mission qui s’inscrit parfaitement dans le cadre du renforcement

18 de la coopération interprofessionnelle voulue par le gouvernement dans sa future loi de santé a déjà fait l’objet de deux amendements successifs à l’Assemblée, finalement rejetés. Ses défenseurs au sein des députés ne désarment pas pour autant.

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Mars 2019 I No 1308 I 3


Actualité En bref

Le PHaRMaCIeN DEFRANCE

« Le big data est un risque majeur pour le secret et la confidentialité… aux mains de gens sans déontologie. »

« Nous sommes prêts à ne pas être payés quand nos médicaments ne marchent pas sur un patient. »

Gérald Kierzek, médecin urgentiste et chroniqueur média.

Jean-François Brochard, président de Roche Pharma France.

(Source : Twitter)

(Source : L’Opinion)

L’ordonnance du 3 janvier 2018 prévoyait que les conditions d’exercice des pharmacies dans les aéroports seraient précisées par décret. C’est chose faite depuis le 15 février. Le décret paru ce jour précise ainsi que les pharmacies ouvertes côté ville ou côté piste pourront ouvrir une annexe du côté où elles ne sont pas implantées, à condition de posséder un lieu de stockage unique, entre autres. x

débat

Un mois de consultation Si vous avez quelque chose à dire au gouvernement, c’est le moment. L’Ordre des pharmaciens a en effet lancé, à la demande du ministère de la Santé, une consultation en ligne de la profession sous forme d’un sondage composé de vingt questions aux thématiques très variées, certaines ouvertes : « Quelle proposition formuleriezvous pour limiter l’empreinte environnementale liée à votre activité ? » ; d’autres fermées : « Quelle est la préoccupation majeure des patients à l’égard du médicament ? » Ce que personne ne sait aujourd’hui, c’est si ces consultations en série – l’Ordre des infirmiers et des médecins ont fait de même –, seront suivies d’effets. Les « Gilets jaunes » veillent au grain. x 14 I No 1308 I Mars 2019

(Source : Espace social européen)

De l’apport sans soucis La Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP) annonce le lancement d’un fond pour les primo-installants.

A

cheter une pharmacie nécessite souvent pas mal de ténacité… et un apport conséquent, surtout pour la première installation. Avec le programme Interpharmaciens, lancé fin février, un jeune pharmacien – qu’il soit officinal ou biologiste – peut obtenir

jusqu’à 500 000 euros pour financer son apport personnel sous forme d’obligations, à un taux défiant toute concurrence : 2 %. Le tout sans frais ni garantie demandée à l’emprunteur, même si les dossiers seront évidemment passés au crible. Une pierre éthique dans le jardin des « boosters d’apport » ou des obligations convertibles en actions (OCA) pratiqués par certains groupements et grossistes, aux taux souvent plus élevés. La CAVP précise ne faire aucun bénéfice grâce à ce fonds, doté de 20 millions d’euros et dont les cordons seront tenus par Esfin Gestion, une filiale du Crédit coopératif. x

ÉTUDES

L’internat en officine « zombifié » A n n o n cé e e n 2 0 1 6, l a réforme du troisième cycle des études de pharmacie accumule les retards. C’en est trop pour les étudiants en pharmacie : dans un appel commun lancé le 18 février dernier, les potards appellent le gouvernement à se réveiller : « Le dossier est tombé en dessous de la pile, accuse Antoine Soula, vice-président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf) en charge de l’enseignement supérieur, nous sommes la cinquième roue du

© FOTOLIA/LIONIMAGEONE

Décollage immédiat

Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS).

installation (2)

© FOTOLIA/MICROMANIAC66

installation (1)

« Il ne faudrait pas soigner les indicateurs au détriment des patients. »

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DR

© NICOLAS KOVARIK

CE QU’ILS ILS L’ONT DIT ONT DIT

carrosse, même si je reconnais que le ministère a énormément de travail avec la réforme du troisième cycle des études de médecine ou celle de la première année. » De fait, le sujet devrait occuper l’intégralité de la prochaine Commission nationale des études de maïeu-

tique, médecine, odontologie et pharmacie (Cnemmop), qui aura lieu dans les prochaines semaines. La priorité sera toutefois de s’occuper de la réforme de l’internat hospitalier, pour rattraper le retard sur les médecins ; les trois autres (industrie, recherche, officine) ne viendront qu’après. « L’internat en officine pose notamment des questions financières et statutaires », pointe un proche du dossier. Bien malin qui pourrait aujourd’hui donner une date pour le premier interne en officine.


En bref Actualité

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REPÈRES

+ 4,5 % 1885

70 %

+ 68 %

Le marché des compléments alimentaires a connu une belle évolution en 2018, à 1,9 milliard d’euros. Les ventes de compléments alimentaires devraient continuer à croître de 5 % par an en moyenne d’ici à 2022. (Source : Xerfi)

des patients souffrant d’Alzheimer ou des proches interrogés n’envisagent pas d’arrêter leur traitement malgré le déremboursement. 52 % ont constaté une aggravation des symptômes à l’arrêt. (Source : association

C’est l’augmentation de la consommation française de tramadol entre 2006 et 2017, ce dernier étant devenu l’antalgique opioïde le plus consommé, forts et faibles confondus. (Source : ANSM)

La France est le premier pays européen en nombre de recherches cliniques initiées en 2018, avec près de 2000 études interventionnelles et observationnelles lancées cette année-là. (Source : Baromètre de la recherche clinique)

France Alzheimer)

accompagnement

biosimilaires

À quelques mois du lancement des entretiens pour les chimiothérapies orales (ECO), actuellement en pleine négociation entre les syndicats et l’Assurance maladie, un sondage BVA pour le laboratoire Lilly montre que 98 % des sondées atteintes de ­cancer du sein apprécient d’être traitées à domicile et 69 % affirment ne pas hésiter à prendre contact avec leur pharmacien. Pharmaciens qui, de leur côté, veulent dans leur très grande majorité (91 %) être un relais pour ces patientes. x

Depuis mi-février, l’expérimentation d’incitation à la prescription hospitalière de biosimilaires délivrés en ville lancée pour trois ans en octobre dernier, qui concernait déjà l’étanercept (spécialité de référence : Enbrel, Pfizer) et l’insuline glargine (Lantus, Sanofi), a été étendue à l’adalimumab (Humira, Abbvie). ­Humira, pour lequel quatre biosimilaires existent en France, est un blockbuster dont le chiffre d’affaires mondial est de près de 20 milliards de dollars ; il représente donc un enjeu majeur d’économies. x

Le cancer du sein au comptoir

L’adalimumab entre dans la danse

MACRO / ÉCO

Le générique, toujours aussi économique Génériques : économies réalisées par les caisses

2 000 M€

Avec le vingtième anniversaire de la substitution par les officines, ne serait-il pas temps de refaire un point éco ? En effet, les génériques représentent toujours, bon an mal an, largement plus de 1 milliard d’euros d’économies pour l’Assurance maladie. L’année 2013 a constitué un sommet, avec près de 1,8 milliard d’économies. Ces trois dernières années, elle se sont stabilisées autour de 1,3 milliard.

+ 12,3 % 1 628 M€

+ 7,9 % – 0,9 % 1 757 M€ 1 741 M€ – 12,0 % 1 533 M€

+ 31,3 % + 1,3 % 1 432 M€ 1 450 M€

+ 36,4 % + 3,2 % 922 M€ 951 M€

632 M€

1 800 M€ 1 600 M€ 6,5 % – 0,3 % – 15,9 % 1 372 M€ 1 369 M€ 1 400 M€ 1 288 M€

+ 14,7 % 1 091 M€

1 200 M€ 1 000 M€ 800 M€

+ 6,9 % 676 M€

600 M€ 400 M€ 200 M€

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

0 M€

Source : FSPF/Pharmastat

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Santé Enquête

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© FOTOLIA-CYNOCLUB

La metformine a été synthétisée à partir d’une plante dont on se servait déjà au xviiie siècle, le galéga officinal (Galega officinalis).

La retraite dorée de la metformine Cette vieille molécule reste la référence dans le traitement du diabète de type 2… malgré un certain manque de preuves de son efficacité.

U NOTABENE La metformine tient encore le haut du pavé. Jugez plutôt : en 2018, les médecins, qu’ils soient hospitaliers ou de ville, ont prescrit près de 22 millions de boîtes de cette molécule, sans compter les spécialités où elle est associée à d’autres. Elle représente un tiers des traitements à elle seule, puisqu’en tout, ce sont près de 55 millions de boîtes d’antidiabétiques qui ont été prescrites, délivrées et remboursées. (Source : base Medic’AM de l’Assurance maladie)

24 I No 1308 I Mars 2019

n médicament rétro, la metformine, est depuis 60 ans le traitement vedette du diabète de type 2, cette « maladie de civi­ lisation » qui touche 400 millions d’adultes dans le monde et en tue plus de 2 millions par an. Ce para­ doxe persiste malgré l’apparition depuis les années 1990 de trois nouvelles classes thérapeutiques prometteuses : les gliflozines, qui bloquent la réabsorption du glu­ cose dans le rein, ce qui aboutit à faire baisser la glycémie, l’objectif premier du traitement des diabé­ tiques ; les analogues du GLP-1, qui stimulent la production d’insu­ line, et les inhibiteurs de l’enzyme DPP-4, qui favorisent eux aussi la sécrétion d’insuline. Mais, malgré leurs qualités, aucune de ces molé­ cules n’a détrôné la metformine, placée en première ligne du trai­ tement du diabète de type 2, aussi

bien par les recommandations internationales que par celles de la Haute Autorité de santé (HAS). Doutes raisonnables Est-ce justifié ? En 1998, l’étude britannique UKPDS 34 concluait que la metformine réduisait la mortalité chez les patients diabé­ tiques en surpoids. Peu coûteuse, présentant un profil de risque favo­ rable, le plus souvent bien tolérée – même si elle provoque chez cer­ tains patients de pénibles troubles digestifs –, elle reste la championne pour réguler l’hyperglycémie des diabétiques. Seule ombre au tableau : une méta-analyse publiée en 2012 dans Plos Medicine par l’équipe de Rémy Boussageon et Catherine Cornu, de l’université Claude-Bernard de Lyon, démontre que si l’on prend en compte l’en­ semble des données disponibles, la metformine n’a pas d’effet signi­ ficatif sur la mortalité cardio-vas­

culaire liée au diabète. Selon R. Boussageon, C. Cornu et leurs collègues, l’UKPDS 34 est entachée d’un manque de rigueur méthodo­ logique. L’équipe lyonnaise conclut que « le bénéfice clinique de la metformine est loin d’être démontré ». Question sucrée Rémy Boussageon soutient qu’un préjugé plus idéologique que scien­ tifique a conduit à privilégier la metformine, du fait de son action anti-glycémique : « Si vous dites que la glycémie n’est pas le problème majeur, vous vous attaquez à des certitudes, vous affaiblissez la position des diabétologues », ­commente-t-il. Cette position ico­ noclaste fait fulminer André Gri­ maldi, professeur émérite de diabétologie au Centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière : « Contester l’intérêt de traiter la glycémie dans le diabète n’est pas rationnel, juge-t-il. On a de nombreuses preuves de la toxicité de l’hyperglycémie, notamment par les études sur le diabète de type 1. Pourquoi la glycémie serait-elle toxique dans le diabète de type 1 et pas dans le type 2 ? » Une étude américaine de référence, dirigée par Elizabeth Selvin, parue en 2008 dans The Journal of the American Medical Association (JAMA), aboutit pour­ tant à une conclusion peu différente de celle de Boussageon : la metfor­ mine n’apporte qu’une « protection modérée » contre les accidents


Enquête Santé

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cardio-vasculaires mortels et n’a pas d’effet significatif contre la morbidité cardio-vasculaire. E. Selvin et ses coauteurs jugent qu’il faudrait de nouvelles études, plus précises, « pour pouvoir tirer des conclusions fermes sur les bénéfices cliniques majeurs et les risques liés aux traitements oraux du diabète ». Un trou dans la raquette En résumé, il n’existe pas de preuve solide que la metformine protège des infarctus et des accidents vasculaires cérébraux (AVC), alors qu’il en existe une pour certaines molécules plus récentes. Ainsi, une étude de 2015 du New England Journal of Medicine (NEJM) montre que l’empagliflozine (Jardiance), réduit de 38 % le risque de décès cardio-vasculaire. Selon un autre article du NEJM, paru en janvier 2019, la dapagliflozine (Forxiga) diminue le taux d’hospitalisations pour arrêt cardiaque. Aucun de ces deux médicaments, ni aucun autre représentant de la classe des gliflozines, n’est pourtant commercialisé en France, pour des raisons de coût. Deux autres classes thérapeutiques sont néanmoins disponibles dans notre pays : celle des analogues du GLP-1, dont le plus connu est V ­ ictoza (Novo Nordisk), mais qui ont l’inconvénient d’être administrés en injection. Selon le NEJM de juillet 2016, le liraglutide, molécule du Victoza, fait baisser le nombre de morts

pour causes c ­ ardio-vasculaires chez les diabétiques de type 2. Et les inhibiteurs de la DPP-4 Januvia (MSD France) ou Xelevia (Pierre Fabre) dont l’efficacité sur la mortalité cardio-vasculaire n’a à ce jour pas été démontrée. Question de sous Les gliflozines, qui ont une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne, sont depuis des années l’objet de négociations entre les industriels et les autorités françaises, qui refusent d’accepter un prix satisfaisant pour les laboratoires, craignant de faire augmenter les dépenses de traitement des patients diabétiques. En Allemagne, soigner un diabétique revient en effet en moyenne à 2 à 3 euros par jour, contre seulement 1 euro par jour en France. Ce choix économique est-il pertinent, dans la mesure où les complications du diabète au fil des années représentent un coût très élevé ? « Avec deux millions de malades, je ne crois pas qu’on puisse maintenir cette exception française, estime Jean-François Bergmann, chef du département de Médecine interne de l’hôpital Lariboisière (Paris). On aura besoin de tous les médicaments. Je n’ai pas de boule de cristal mais je pense que la situation va changer dans les deux ou trois prochaines années. » (voir « 3 questions à » ci-contre) x

3QUESTIONSÀ... © MIGUEL MEDINA

© FOTOLIA-MOLEKUUL.BE

La metformine est utilisée seule ou en association avec d’autres antidiabétiques ; mais aussi de manière plus anecdotique pour induire l’ovulation dans les syndromes polykystiques.

Jean-François Bergmann chef du département de Médecine interne de l’hôpital Lariboisière (Paris)

Pourquoi la metformine est-elle le traitement de référence du diabète de type 2 ? Elle reste le meilleur médicament de première intention pour faire baisser de 1 % l’hémoglobine glyquée, qui donne une indication sur la concentration de glucose dans le sang sur deux à trois mois. Et ce résultat est obtenu avec assez peu d’effets indésirables ainsi qu’une bonne sécurité, que l’on peut juger avec le recul. Comment expliquer que la metformine ait peu ou pas d’effet sur la mortalité cardio-vasculaire ? Il y a deux types de complications du diabète. Au niveau des petites artères, l’hyperglycémie entraîne des lésions de l’œil (rétinopathies), du rein et des nerfs. C’est surtout à ce niveau micro-angiopathique qu’agit le contrôle de la glycémie. L’autre type de complications consiste en atteintes des grosses artères, d’où résultent des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et des infarctus. Ces accidents sont polyfactoriels, ils dépendent de la glycémie, mais aussi du cholestérol, de l’hypertension, du tabagisme, etc. Ce sont surtout l’aspirine, les statines ou les stents qui ont fait baisser la mortalité. Est-ce à dire que le contrôle de la glycémie n’est plus l’alpha et l’oméga du traitement du diabète ? Exactement. Le culte de l’HbA1c est battu en brèche, les gliflozines semblent avoir d’autres vertus que la metformine.

Michel de Pracontal Mars 2019 I No 1308 I 25


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