Recruter des diplômés de doctorat pour innover : vers un nouveau modèle d’entreprise ?

Laurence SAQUER DEBAVELAERE

Recruter des diplômés de doctorat pour innover : vers un nouveau modèle d’entreprise ? – février 2016 Consultable sur https://www.futuribles.com/fr/article/recruter-des-diplomes-de-doctoratpour-innover/ En France, recruter le titulaire d’un doctorat n’est pas une démarche très répandue dans les entreprises.

Confinés au secteur de la recherche publique ou de l’enseignement supérieur, les diplômés de doctorat peinent à s’insérer dans le tissu économique privé et hors recherche, qui souffre pour sa part d’un besoin croissant de pratiques dites innovantes pour générer de la créativité et favoriser l’émergence des produits et services qui permettront la différenciation.

Le constat négatif de la précarité des « profils docteurs » face au marché de l’emploi est assez réducteur.

Par ailleurs, celui des entreprises en mal de créativité ne semble pas traduire la réalité de tous leurs enjeux. L’étude réalisée par Mondrian propose avec un angle nouveau sur le sujet.

Parue fin 2015 et portant pour titre « Les entreprises qui innovent recrutent des profils atypiques : le cas des diplômés de doctorat »1, cette enquête a un objectif est de démontrer que la culture de la recherche et la culture de l’innovation comportent des similarités importantes. Et qu’à cet égard, les chercheurs auraient tout intérêt à se positionner sur cet axe pour faire valoir leurs compétences et rendre concrète leur contribution à la performance de l’entreprise. Ainsi, entreprises et universités pourraient se rencontrer, concrètement (pour ne pas dire, « enfin ! »).

Les docteurs insérés dans le privé, directeurs des ressources humaines (DRH) et experts de l’enseignement supérieur que nous avons interrogés2 ont tous admis la similarité entre la culture de la 1

L’étude est disponible dans sa totalité ici: https://fr.slideshare.net/LaurenceDebavelaere/les-entreprises-quiinnovent-recrutent-des-profils-atypiques-le-cas-des-diplms-de-doctorat 2 Entreprises et organismes interrogés : Orange, Danone, Nexity, Boston Consulting Group Paris, SAS Logiciels, groupe SEB, Ecole Nationale d’Administration…

recherche et la culture de l’innovation. Ils y ont ajouté leur vision et leur expérience qui, au-delà du cas par cas des pratiques, permettent de dégager trois tendances intéressantes sur le sujet : -

La stratégie individuelle : Cela traduit ici l’idée que s’il y a rencontre entre un docteur et une

entreprise, cela relève très majoritairement de démarches isolés, individuelles, Qu’il s’agisse de la stratégie d’approche de l’entreprise qui recrute des profils atypiques que celle du jeune docteur qui se débrouille seul pour trouver son premier travail hors recherche.

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La question du langage et de la culture : Ce qui est perçu comme une frontière entre l’université

et l’entreprise se révèle au contraire comme le territoire où la rencontre est possible. En adoptant ou en assimilant des postures et des pratiques de l’un ou de l’autre, le docteur et son entreprise trouvent souvent un terrain d’entente. Ainsi, le langage et la culture sont de formidables opportunités pour créer un cadre d’entente commun.

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La question du management et de l’innovation : La transversalité, la vulgarisation et

l’hybridation sont des attitudes développées dans les laboratoires de recherche, qui sont plébiscitées par les DRH qui recrutent des profils docteurs et reconnues par ces derniers comme clés dans leur parcours hors recherche.

Le premier niveau d’analyse de cette étude porte à penser que la multiplication des exemples d’import de la culture de l’innovation dans l’entreprise via le recrutement de docteurs apportera des signes évidents que le dialogue entre l’entreprise et les diplômés de doctorat a un intérêt pour chacune de ces deux populations et qu’il peut produire des résultats tout à fait intéressants en termes de politique de R&D, d’innovation, voire d’innovation en ressources humaines…

Le second niveau d’analyse ouvre pour sa part la réflexion sur le design de l’organisation-type qui pourrait porter ce modèle d’ouverture par la diversité de formation de ses collaborateurs, laquelle diversité est ‘vecteur’ de croisement de pratiques et de points de vues différents mais complémentaires.

Assumer une part d’expertises et de compétences « non attendues » pourrait fournir aux organisations un positionnement organisationnel et RH au sein duquel pourrait se retrouver des candidats et des professionnels à l’expérience unique, de ceux que le marché de l’emploi est en train de favoriser l’éclosion (parcours multi-secteurs, dans tous types d’organisations, créateur d’entreprise, salarié nomade…) et qui semble correspondre à la génération émergente dans les entreprises (Y et suivantes).