N° 26 les champs des possibles

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Scott Olson/AFP

Montera ou montera pas ? Le prix du maïs est enREPORTAGE pleine négociation à la Bourse de Chicago.

PRIX DÉCIDÉS À PÉKIN OU À CHICAGO, NORMES IMPOSÉES PAR L’UNION EUROPÉENNE… L’AGRICULTEUR FRANÇAIS N’EST PLUS MAÎTRE DE SON DESTIN. ET IL SE SENT INJUSTEMENT TRAITÉ.

B

ourse de Chicago, 18 h 59 ce mardi. Dans les dernières ­secondes des cotations, les courbes s’affolent et la salle de marché s’affaire frénétiquement. Quelques dizaines d’hommes cravatés ont les yeux rivés sur les écrans géants, remplis des chiffres du jour. En jeu, non pas du pétrole mais plus de 25 produits agricoles : du bétail au riz en passant par des milliers de tonnes de blé européen. Ce jour-là, alors que la cloche retentit, les prix terminent en baisse à cause des stocks mondiaux encore importants. À 6 000 kilomètres de là, dans la campagne française, Guillaume Rondard, producteur céréalier en Indre-et-Loire, suit de près les cours américains. Sa récolte 2017 a été vendue à 145 euros la tonne seulement. Il y a huit mois, le prix est pourtant monté à 160­euros. La faute aux « bonnes récoltes russes, mais aussi australiennes ». La concurrence mondiale n’a pas toujours affecté l’agriculture. Pendant longtemps, les produits agricoles ont été ­tenus à l’écart du marché. La libéralisation du secteur s’est

accélérée dans les années quatre-vingtdix. Tout en bénéficiant de ­subventions ­massives, les producteurs doivent ­se ­soumettre à des prix dictés par les marchés internationaux. Volatiles, ils sont la cause d’une grande partie de l’incertitude du métier. Les traités bilatéraux n’excluent plus l’agriculture des négociations, que ce soit pour décider des droits de douane ou des quotas de production. Même au niveau de la politique agricole commune (PAC), créée en 1962, il y a eu une évolution. Très interventionniste au départ, celle-ci ­devient de plus en plus ­libérale. Les prix ne sont plus fixés à l’avance mais fluctuent tous les jours. Par ailleurs, les mesures

Tout ça est décidé par des mecs qui n’ont jamais enfilé une paire de bottes » GUILLAUME RONDARD

Innova

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­ rotectionnistes sont moins nombreuses, p ce qui facilite l’importation de produits étrangers. La fin des quotas laitiers entraîne une hausse de la production et la chute des cours. Ainsi, les producteurs se retrouvent seuls face à un marché dont ils ne peuvent négocier les prix. La nouvelle carte des zones agricoles défavorisées, proposée par l’Union européenne (UE), ne risque pas d’arranger les choses. Cette carte identifie les terres les plus difficilement exploitables ouvrant droit à des indemnités compensatoires. Son entrée en vigueur en 2019 rajoute de l’inquiétude du côté des agriculteurs rayés du nouveau zonage. Car ces aides sont indispensables à leur survie. DE PLÉRIN À CHICAGO

Les éleveurs porcins, eux, ont les yeux rivés sur le marché de Plérin, à côté de SaintBrieuc (22). Car, même s’il ne ­représente que 10 % des ventes hexagonales, c’est lui qui fixe le prix pour toute la France. Pour le déterminer, Pascal Le Duot, directeur du


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