3 minute read

Sexe, drogue & rock’n’roll

C ourtoisie: Claude Cossette

En 1977, le chanteur anglais Ian Dury lance un 45 tours avec la chanson Sexe, drogue & rock’n’roll. L’expression se répand comme un slogan. Mais est-ce attesté que rock’n’roll va de pair avec sexe et drogue? En 2013, la firme Blum & Werner réalise une enquête auprès de 944 étudiants âgés de 15 à 25 ans. Ils publient les résultats dans le Journal of Psychoactive Drugs: les jeunes qui sont friands de musique forte plus souvent se saoulent, consomment du cannabis et pratiquent le sexe sans condom.

Advertisement

LES DROGUES QUI DIVERTISSENT

Dans les années 2000, apparaît la folie des raves, ces partys tenus clandestinement dans des locaux désaffectés, intégrant musique électronique et psychotrope. L’endroit secret du rassemblement se diffusait de bouche à oreille à la dernière minute: Instagram, Snapchat et Facebook n’existaient pas. Un rave était d’abord une fête de musique, de danse, de défoulement, parfois avec l’idée de suppléer les boîtes de nuit obligées de fermer trop tôt aux yeux des fêtards. On consommait et on dansait jusqu’au petit matin en consommant les dance drugs: café, alcool, cannabis, amphétamines. La connexion ressentie viscéralement entre la musique et les drogues récréatives est documentée. Le Dr Daniel Levitin, neuropsychologue de l’Université McGill: «Nous avons démontré que les opioïdes interviennent directement dans le plaisir musical». On comprend donc l’attrait des drogues festives auprès des jeunes qui sont si friands de musique. Après des heures de défoulement, on a besoin de stimulants plus puissants. Apparaissent alors l’ecstasy, la cocaïne et d’autres psychotropes plus costauds. L’attrait des drogues festives varie selon les courants sociaux d’un milieu ou d’une époque ou selon l’état psychosocial des individus. Quant aux conséquences de leur usage, même les drogues douces peuvent entraîner des problèmes de comportement (désinhibition, défoulement), de santé (indigestions, altération de la conscience), de sécurité (conduite automobile, métiers à risques) ou de méfaits publics (bagarres, vandalisme).

CLAUDE COSSETTE

LES DROGUES QUI EMPRISONNENT

L’auteure d’un rapport exhaustif sur les drogues, la juge Nicole Maestracci écrit, «le mot drogue attire et fait peur. Il représente à la fois, pour nos sociétés modernes, l’incarnation du mal absolu et l’espoir illusoire de vivre mieux ou moins mal». Un danger et un rêve. Le Dictionnaire des drogues définit ainsi le mot drogue: «Toute substance psychoactive prêtant à une consommation abusive et pouvant entraîner des manifestations de dépendance». Cela inclut beaucoup de molécules. Le psychiatre Philippe-Jean Parquet distingue trois situations qui amènent des conséquences plus ou moins sérieuses. Il y a d’abord le simple usage comme on le fait en observant fidèlement l’ordonnance d’une drogue médicinale. Il y a ensuite l’abus, soit une consommation importante et régulière pouvant entraîner des problèmes médicaux ou financiers par exemple. Puis, il y a la dépendance qui est plus problématique encore. Le cerveau est ainsi fait qu’il retient facilement les stimulis qui procurent du plaisir: cette musique planante, ce dessert délectable, ce baiser sensuel et jusqu’à ces substances qui semblent dilater les limites de la conscience. Pourquoi se refuser ce plaisir qui ouvre une fenêtre dans les nuages? C’est que tout près du plaisir, se tiennent l’attirance, le penchant, l’habitude, voire, la dépendance. Quand un simple indice évoquant ces plaisirs déclenche une envie, un manque, c’est que l’on est dépendant… au tabac, à l’alcool, au jeu, à la bouffe, à l’achat de fringues ou aux déferlements sonores. Une personne est dépendante quand le simple fait d’imaginer une telle activité plaisante l’amène irrésistiblement à inhaler une bouffée, ingurgiter une bière, se brancher sur un site de jeu, grignoter n’importe quoi, se précipiter au centre commercial. Ou monter le son de ses écouteurs. Comme dit Matt Damon dans Will Hunting: «Ça fait boum boumboum, boum-boum-boum, et c’est comme si la musique vous possédait». Quand ça fait boum-boum, même Zoé, ma petite-fille de 15 mois, se met à battre la cadence!

This article is from: