
2 minute read
En buggy
En buggy, en bus ou en taxi
Le mot «transport» évoque pour moi déambulateur (buggy pour les intimes), bus et taxi.
Advertisement
BUGGY
Mon buggy: mes jambes, mon auto. Il me permet de déambuler été comme hiver, depuis 4 ans. La neige rend mes déplacements plus difficiles, mais je veux marcher «dehors», contre vents et marées. Les marcheurs urbains sont d’une gentillesse inouïe, extraordinaires. On mentionne souvent l’individualisme, l’indifférence des êtres humains. Moi, l’hiver, je vis quotidiennement, leur altruisme, leur bonté, leur compassion. Parfois, on me crie «Lâchez pas», «Vous êtes courageuse» ou simplement «Bravo». Quel encouragement, quelle poussée dans cette neige accumulée! Mon handicap est source de… cadeaux inestimables, un baume au cœur, une tape sur l’épaule, à long terme. Je me sens intégrée à 100% dans ma communauté. Merci à tout un chacun. Grâce à vous, c’est sûr, je mourrai debout comme je le désire!
BUS
Chaque fois que j’y monte, une scène de théâtre m’y attend. Une vieille dame chevrotante serre son petit sac à main si fort que ses jointures blanchissent. Un adolescent, écouteurs criards aux oreilles, chante faux à tue-tête. Un moustachu rubicond sonne, prêt à descendre par la porte arrière. Le chauffeur, qui écoute la radio poubelle un peu fort n’entend pas le «gong». Le moustachu hurle «STOP! je veux sortir». Arrêt brusque, inattendu. «Les debouts» sont propulsés vers l’arrière. Quelques jeunes s’esclaffent… les plus âgés, solidaires, aident les bousculés. Tout va bien. Rien de cassé. Moi, je descends.
TAXI
À l’avant, silence. Le chauffeur, droit comme un i sans point, actionne le départ. J’ai une impression de «pilotage automatique». Je ne serai jamais passagère d’une voiture sans conducteur, comme on nous l’annonce pour le futur. J’ai le temps… de mourir avant que ce ne soit la norme. La «mort» prodigue parfois ses bontés. Je suis verbomotrice, mais je «ferme ma gueule.» Je veux juste arriver à destination sans encombre, saine et sauve. Puis, il y a les Rogatien (vous savez dans l’émission Taxi 0-22). Il parle sans arrêt. Je suis toujours verbomotrice, mais pas un son n’aboutit hors de mes lèvres. La place est prise. Et puis, il y a aussi d’authentiques et bouleversants échanges. Des silences respectueux, des confidences. Parfois, en 2 minutes, un chauffeur me raconte sa vie de misère, ou ordinaire, ou joyeuse et pleine de philosophie. D’autres fois, ils apprennent que je suis infirmière, alors, tous les «bobos» possibles y passent. Je les écoute avec tendresse, en les remerciant de partager un peu de leur vie. C’est un cadeau pour moi. Une preuve de confiance… Parfois, c’est moi qui me confie… Je sors du bureau d’un médecin, et je viens d’apprendre que j’ai la maladie d’Alzheimer. Le taxi s’arrête, le chauffeur me regarde dans les yeux. Ses yeux à lui sont pleins de compassion. Son père en a été atteint. J’ai été réconfortée par son geste respectueux, plein de compréhension. Il était la première personne à qui je me confiais, je ne l’oublierai jamais. Un cadeau, une courroie de transmission de la vulnérabilité humaine, le partage, le pouvoir des mots. Ce souvenir scintille encore dans ma mémoire. Les transports en commun le disent: commun, communauté, communication, communion, poésie… transporte-nous!
Ayons espoir! En la bonté humaine!