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Un programme mal connu

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PETITS ÉTABLISSEMENTS ACCESSIBLES

UN PROGRAMME MAL CONNU

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La démolition du Mail Saint-Roch dans les années 1990 et au début des années 2000 a transformé le visage du quartier du même nom à bien des égards. Si plusieurs locaux commerciaux ayant désormais pignon sur rue ont gagné en visibilité avec la disparition du toit au-dessus du tronçon est de la rue Saint-Joseph, les personnes à mobilité réduite, pour leur part, ont dans bien des cas perdu la possibilité d’y accéder. Tout cela à cause de l’ajout d’une ou deux marches.

Lueur d’espoir: en juin 2018, Lise Thériault, alors ministre québécoise responsable de la Protection des consommateurs et de l’Habitation, annonce la mise en œuvre du programme Petits établissements accessibles (PEA), qui vise «à améliorer l’accès aux petits centres d’affaires, commerciaux et communautaires». Confié à la Société d’habitation du Québec (SHQ), le programme dispose d’un budget de 8 M$ jusqu’en mars 2023 pour financer des projets devant «faciliter l’accès des personnes à mobilité réduite au bâtiment, leur circulation à l’intérieur de celui-ci et l’utilisation des appareils sanitaires». Quatre ans après l’annonce de Mme Thériault, les commerces de la rue Saint-Joseph, qui semblent pour la plupart admissibles au programme — une aide financière couvrant jusqu’à 75% des travaux, jusqu’à concurrence de 15 000 $ —, n’en ont visiblement pas bénéficié. Une simple impression? Pas tout à fait: le rapport annuel de gestion 2020-2021

: François R. Pouliot Crédit photo de la SHQ indique que seulement 39 «interventions» avaient été réalisées dans le cadre du programme PEA, entre sa mise en œuvre le 4 juin 2018 et le 31 mars 2021, et ce, à la grandeur du Québec. Pour tout dire, selon les données de la SHQ, plus de 7,5 M$ des 8 M$ initiaux dormaient toujours dans l’enveloppe au 31 mars 2021.

COMMUNICATION ET SENSIBILISATION

«Le programme n’est pas assez connu, pas assez communiqué», soutient Véronique Dallaire, responsable du dossier de l’accessibilité universelle au comité exécutif de la Ville de Québec. Selon celle qui a été élue dans le district des Saules–Les Méandres en novembre dernier, la très faible participation au programme PEA est représentative du manque de sensibilisation liée aux enjeux d’accessibilité universelle en général. Tant auprès du grand public qu’auprès des fonctionnaires et des élus, «il y a un gros travail de conscientisation à faire, poursuit-elle, promettant d’en faire une priorité. On avance, mais il y a une compréhension et une sensibilité qui ne sont pas encore tout à fait là.» Son de cloche similaire du côté de Michel Bédard, producteur et animateur de l’émission de radio Les Capés, sur les ondes de CKIA-FM. Fervent défenseur des droits des personnes à mobilité réduite, il juge qu’une meilleure sensibilisation — populaire et institutionnelle — réglerait bien des problèmes. Lui-même un «capé», expression faisant référence à une personne handicapée, M. Bédard observe néanmoins depuis quelques années une certaine amélioration dans l’ouverture de la Ville de Québec à ce chapitre. «On part de tellement loin, laisse-t-il tout de même tomber. On salue la volonté de la Ville, mais quand t’as du retard, t’as du retard longtemps!»

EN MODE SOLUTIONS

M. Bédard ne baisse toutefois pas les bras. Au contraire, pour lui, il est impératif de faire avancer la cause des personnes à mobilité réduite, tant à Saint-Roch qu’ailleurs dans la ville, et tant dans les commerces que sur la voie publique. Pour accélérer les choses, il encourage les «bipèdes» — les gens sans problème de mobilité, qu’il appelle aussi les «debout» — à passer à l’action. Comment? «En formulant des commentaires.» Pas des «plaintes», précise-t-il; le terme est trop négatif et pas assez constructif. «Moi, quand je soulève un problème [ce qui arrive plutôt souvent, selon ses dires!] au propriétaire d’un commerce ou à un élu, j’essaie d’apporter une solution.» Dans l’optique «un problème, une solution», notons que la Ville de Québec a adopté en mars dernier un règlement prévoyant que toute occupation de la chaussée requerra dorénavant l’acquisition d’un permis gratuit. Le but? Permettre «de bien anticiper les entraves et les mesures à mettre en œuvre pour perturber le moins possible la circulation», peut-on lire dans le communiqué. Précisons qu’aux yeux de la Ville, le terme «chaussée» englobe les trottoirs, les liens cyclables, les cases de stationnement ainsi que les voies de circulation. Pour ce qui est des magasins et des restaurants, sur Saint-Joseph comme ailleurs, Véronique Dallaire croit fermement qu’une partie de la solution réside dans l’élaboration d’un «portrait de l’accessibilité des commerces». Selon la conseillère municipale, non seulement l’initiative — une carte interactive? — permettrait d’enfin connaître en détail l’état des lieux, mais cela pourrait également inciter les propriétaires des commerces qui ne sont pas accessibles à faire les démarches, comme aller chercher du financement, pour le devenir. «Si tu prends la peine de rendre ton commerce accessible, ça ne sert pas uniquement les personnes en fauteuils roulants, rappelle Mme Dallaire. Ça devient bénéfique pour tout le monde.»

FRANÇOIS R. POULIOT

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