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La sainte autonomie

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C ourtoisie : Martine Corrivault

LA SAINTE AUTONOMIE

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Hier comme aujourd’hui, arriver à l’âge où l’on peut enfin conduire une automobile représente une étape importante dans la conquête de notre autonomie. Une étape, prémices de bien d’autres. Officiellement, au Québec, cette étape arrive autour du 16e anniversaire de naissance et comporte des conditions que la plupart des ados connaissent bien avant d’entreprendre les démarches pour obtenir le fameux permis de conduire. Ce qui les incite à suggérer à leur entourage qu’ils n’ont rien contre un cadeau d’anniversaire en argent. Ou qu’ils sont bien disposés à rendre de menus services moyennant compensation financière. Souvent, ils se sont même déjà trouvé un petit boulot pour couvrir les coûts prévus de l’aventure anticipée. Mais aujourd’hui comme hier, ils n’auront pas toujours attendu l’âge légal pour tenter l’expérience du volant, les véhicules récréatifs constituant souvent la première occasion de tenter sa chance sans risquer de déclencher les foudres parentales. L’audace et l’ignorance des risques et périls éventuels s’effacent parfois devant la fierté de certains adultes de l’entourage! Pourtant, très tôt dans les écoles, le discours écologique dénonce l’automobile comme étant une des graves sources de la pollution qui menace l’avenir du monde où les enfants d’aujourd’hui devront vivre, demain. Mais, admettons qu’au fil de l’histoire, le péril anticipé n’a jamais empêché l’être humain de chercher le bonheur dans le plaisir et la joie d’être libre et autonome. Parce que souvent, trop de prêches, ça éloigne de la religion. Mon neveu, qui étudie actuellement la théorie préparatoire à l’examen qui lui permettra d’obtenir son permis d’apprenti conducteur — oui, il trouve ça trop long! — mon neveu, donc, m’a servi comme argument en faveur d’un apprentissage précoce, l’expérience de son propre père qui, à 14 ans, conduisait le tracteur et la machinerie agricole, sur la ferme de son grand-père: «C’est comme ça qu’il a appris à conduire. Et quand il a eu l’âge, il a obtenu son permis sans avoir à passer tous les examens que moi, je dois subir. Et viens pas me dire que les temps ont changé: je le sais!» Pour essayer de reprendre le fil de la conversation, je ne vais sûrement pas lui demander pourquoi il tient tant au fameux permis, car je me souviens encore qu’il y a quelques lunes, moi aussi je souhaitais l’obtenir pour acquérir plus d’autonomie, ne plus devoir quêter un «lift» ou trouver un prétexte valable pour qu’on me reconduise ou passe me chercher. Je voulais aller où je veux quand j’en avais envie. Le taxi coûtait trop cher et il n’y avait pas de service d’autobus dans notre coin. Et pas question d’emprunter la voiture familiale sans permis! C’était donc, hier comme aujourd’hui, une question d’autonomie? À l’époque, le mot appartenait plutôt au langage politique pour parler des relations fédérales-provinciales, que pour qualifier la vie privée des jeunes en voie de devenir adultes, qui, eux, s’intéressaient plutôt aux attributs de la liberté. Valentine dirait ici que ceux-là n’ont pas changé: ou ils continuent de revendiquer sans connaître le sens du mot, ou ils viennent de le découvrir et refusent d’admettre ce qu’il recèle d’obligations et de responsabilités. Mais l’ado devant moi n’a pas envie d’un autre cours sur les choses de la vie, même s’il aime bien se référer aux expériences d’autrui pour défendre ses thèses. Il aime apprendre sans en avoir l’air; les anecdotes l’intéressent plus que les leçons, surtout s’il peut s’en servir pour intéresser son entourage. Comme je ne me souviens même pas du jour où j’ai passé mon examen pratique pour le permis de conduire, je pourrais peut-être lui parler de ma première auto, achetée pour épater la galerie: une décapotable bleue, usagée, que j’ai revendue parce que c’était trop compliqué de relever le toit. Et il fallait toujours chercher un espace de stationnement facilement accessible… «Ben quoi, tu savais pas conduire?», qu’il me lance au moment où j’allais avouer ne plus savoir si c’était une Ford ou une Consul… Mais j’ai continué mon énumération en réussissant à glisser que l’autonomie, ça ne s’apprend pas qu’au volant d’un véhicule… AUTO-mobile. Comme j’insistais sur le mot, il a charitablement ri de ma tentative d’humour!

MARTINE CORRIVAULT

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