L'Alouette n°10 - Automne 2018

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Journal par et pour les étudiant●es de l'université du Mirail

Numéro 10 Automne 2018


Agora

Histoires en dix mots

La Nuit sourit au Soleil quand elle tombe sur nous. (Delphine) Mon éther thoracique, tremble et vacille auprès d'une fleur incandescente. (Anaïs) La Garonne a oublié de faire son lit ce matin. (Justine) Ce soir je salerai mes pâtes en pleurant ton départ. (Justine) Un gramme, deux grammes et pique et pique et colegram. (Hugo) Le bleu en outre mérite la plaque de l'existence nuancée. (Emmà) Elles raccommodent de leurs voix chevrotantes ce morne monde, usé. (Claire) Dame Colère se tut lorsque Dame Lumière infiltra la pièce. (Claire) Voilà qu'elle tremble et tombe sous cette pluie de sourires. (Claire) Et le silence se fit brusquement, lorsque la flamme vacilla. (Sacha) À notre rencontre, paisiblement, l'aube se met en marche. (Sacha) Sorti de son cocon, l'existence brève d'un papillon de nuit. (Gaëlle)

Travailler plus pour qu'ils gagnent plus... et que vous réfléchissiez moins

Imprimé avec le soutien financier du FSDIE de l’université Toulouse - Jean Jaurès

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sommaire

Journal

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Sacro-sainte Excellence Le vrai coût de Red Dead Redemption 2 Lucarne d'une cellule de prison pour femmes Travailler plus pour qu'ils gagnent plus... et que vous réfléchissiez moins À droite toute ! Ou comment le monde sombre dans le nationalisme Immigration : la lente ouverture du Japon

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Les Plumes Magazine

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The Order of the Good Death Objectif zéro déchet Le 7e continent ou le continent invisible Plongeon dans les eaux troublées d'Exylem Candélabre : une musique sombre et évanescente Aristote vous a menti / Les Couilles sur la Table Curupira, la culture du bon sens ou la cafétéria éthique au centre de l'UFR de psychologie Marie-Ludivine à votre écoute Critique littéraire - La Voix du Feu

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Divertissements Agenda / Relai étudiant Associatif

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Rédactrice en chef : Anaïs Clara Directrice de publication : Delphine Drecourt Secrétaires de rédaction : Gaëlle Audouy, Anaïs Clara, Delphine Drècourt, Hugo Raynaud et Claire Ramazeilles

Maquette : Emmà Landi Photo de Une : Delphine Drècourt Illustrations : Emmà Landi (p. 2, 5, 7, 15, 16, 17, 20-21, 24, 25, 26, 28, 32 et 33) ; Claudie (p. 8, 10 et 35).

Imprimeur : Copy Diffusion Service, Toulouse

Contacts Mel : lalouette.journal@gmail.com Facebook : lalouettedumirail Site Internet : http://lalouettejournal.wix.com/alouette

NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE

L'Alouette

ÉDITO Respirez. Sentez l'air frais automnal. Vous n'êtes pas en séance de méditation, ni en phase de devenir un yogi, vous êtes simplement là. Vous êtes là, et que voyez-vous ? Un Brésil qui tombe dans les bras de l'homophobie, de la violence étatique, de la marche militaire, du racisme et d'un sexisme patriarcal comme on l'a rarement vu aussi abject. Une France qui prend. Qui prend aux pauvres, aux populations moyennes, qui invoque le capital, comme Saint Graal et qui fait tout pour ne pas avoir à aider qui que ce soit, en train de crever en mer, sous les bombes ou sous l'oppression. Des États-Unis qui portent tant d'espoirs citoyens, tant de peurs, tant de doutes, mais qui ne savent que se tourner vers le parti du confort, permettant de garder sa maison, son labrador, son pick-up. Tout ira bien. Mais aussi, une Europe qui se délite, une montée de la droite conservatrice un peu partout dans le monde, des dictatures toujours en place, l'oppression constante des minorités, des populations, un génocide indirect, par la famine, en cours au Yémen et ceux qui ont été oubliés. Les Rohingyas de Birmanie, les Ouïghours en Chine. La liberté humaine qui semble un peu partout, s'évaporer en cendres incandescentes. Après une ronde étourdissante, nos encéphales saouls s'en remettent peu à peu, nous jetons un œil par le hublot et que reste t-il ? Que reste-t-il de cette humanité ? Toujours, pouvons-nous rappeler qu'il reste celles et ceux qui se battent tous les jours, pour faire savoir, pour hurler, pour allumer une conscience, pour étinceler et faire oublier, un peu. Celles et ceux qui attaquent l'oppression, qui contestent, qui s'acharnent, qui se soulèvent. Il reste un pan, gorgé de lumière. Cette montagne qu'est l'humanité, dégringole parfois, s'ébranle souvent, se fissure périodiquement. Nous, nous regardons ça, depuis notre petit bureau de journal étudiant et un de nos rêves, dans ce projet, c'est de faire partie des voix qui hurlent. Alors pas à pas, comme chaque année, nous nous retrouvons et nous discutons. Nous nous jetons à bras le corps dans l'écriture et le soulèvement, dans la création et les couleurs, l'observation et la réflexion, et peut-être parvenons-nous, à émettre une étincelle, dans cet océan luminescent. Anaïs Clara, rédactrice en chef L'Alouette no 10 ● 1


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Sacro-sainte Excellence

« Parcour’Sup, le retour de la méritocratie ». En voilà un message débordant d’espoir, de justice et de réussite ! Il faut dire qu’il titre une tribune des Jeunes avec Macron, trônant sur le site internet d’En Marche ! On y croise des qualificatifs des plus flatteurs, tels que « plus claire et plus lucide » ou encore « la chance d’exprimer ses ambitions ». En somme, des perspectives éblouissantes, vers l’excellence pour tous, c’est bien ça ? Comme quelques petits doutes grandissaient en moi, j’ai souhaité en discuter avec d’autres personnes, des étudiants et enseignants-chercheurs du Mirail, mais aussi des étudiants en médecine, en droit ou encore en prépa HEC (Hautes Écoles de Commerce) – tentant de comprendre ce qu’est cette sacro-sainte « Excellence ». Voici un compte-rendu, mêlant leurs réponses et les miennes.

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Leurs Majestés, royales

les

voies

Vous voulez réussir, n’est-ce-pas ? Allez en S. Puis, tentez d’être accepté en prépa, plutôt scientifique ou de commerce – voire en hypokhâgne si vous avez fait la folie de choisir un baccalauréat littéraire – ainsi vous pourrez accéder, après deux ans de dur labeur et de nuits sans sommeil, aux grandes écoles. Celles qui vous offriront, dès la fin de votre cursus, un métier de choix avec un statut social enviable. Quant aux futurs médecins, l’année de PACES, redoutée parmi les redoutées, vous attend. Les adeptes de géopolitiques se dirigeront vers les concours d’entrée des IEP (instituts d’études politiques), dans l’espoir d’intégrer l’un des dix établissement répartis en France. Toutefois Science Po Paris restera toujours leur premier choix. Enfin,

si c’est – vraiment ? - l’université qui vous attire, des études de droits sont envisageables. Voilà une version résumée, à peine outrancière, d’un discours que les élèves ont entendu maintes fois, dès que le sujet de l’orientation vient sur le tapis. Il semblerait que ces filières prestigieuses aient le monopole de l’excellence tant recherchée. Qu’ont-elles donc de particulier ? Réputées plus difficiles, plus intenses, demandant une implication totale de l’étudiant, elles garantiraient aux futurs employeur des employés compétents et exigeants, ou des auto-entrepreneurs qui réussissent. Par conséquent, elles seraient synonyme de réussite sociale ; donc, les « voies royales ». Les intégrer requiert évidemment un dossier scolaire jugé excellent. Si la qualité de l’enseignement délivré n’est aucunement remis en cause ici, considérer qu’elles en


Journal ont l’exclusivité est, à mon sens, absurde et élitiste. D’autant qu’encouragées par l’encensement médiatique dont elles font l’objet, des milliers d’étudiants s’y engagent à chaque rentrée. Parmi eux, un minuscule pourcentage en ressort diplômé – peut-être devrait-on dire couronné. Ce sont les conséquences psychologiques de cette course à l’excellence que j’aimerais ici aborder.

L’ombre menaçante du dossier scolaire L’article précise pour ceux qui « s’inquiètent de voir la concurrence par les résultats scolaires s’intensifier entre les élèves », il n’y aura « pas de concurrence effrénée ». Ah ! Me voilà rassurée. Alors, c’est vrai, le Grand Dossier Scolaire ne planera plus sur les élèves comme un énorme rocher menaçant de s’écraser, bloquant l’accès aux études de leur choix ? En effet, une seule moyenne « insuffisante » ou une appréciation incendiaire pouvant à tout moment provoquer sa chute, la sérénité s’impose rarement. Au cours de discussions avec des anciens élèves – issus de milieux et de lycées plus ou moins élitistes – quelques effets se sont fait échos. La confiance des proclamés « mauvais élèves » (la simple qualification comme telle en dit long), en eux-mêmes et en leur futur tend à disparaître rapidement. Les portes semblant se fermer les unes après les autres, le dégoût ou le désintérêt se fait fréquent. Sous la pression familiale et professorale se développe souvent chez les « très bons » ou « excellents élèves » un phénomène d’individualisme accru, une volonté semi-consciente de supplanter les autres. Astreint à réussir

par leur entourage, il s’agit de garder la tête. Quant à « l’élève moyen », il se trouve souvent « banal », « dans la moyenne », sans « rien d’extraordinaire », perdant parfois toute notion de ce qu’il a de spécial. Loin de moi la volonté d’accentuer ces cases : elles sont extrêmement réductrices. Seulement, y être continuellement associé, et réduit, à l’école, au collège, au lycée, a des conséquences trop souvent destructrices sur les personnalités. Tandis qu’on confond intelligence, compétence, et « excellence scolaire », beaucoup en font les frais. Sans oublier que nombreux sont ceux qui, en fonction de la case attribuée, sont poussés vers des filières qui n’ont pas le moindre rapport avec leurs véritables envies et projets – qui restent d’ailleurs bien souvent inconscients, tant ce schéma est ancré.

À quoi ressemble votre excellence ? Puisque cette vision de l’excellence – notes très élevées, travail écharné, comportement exemplaire visant à intégrer une école prestigieuse ouvrant accès à un statut social « gratifiant » – est loin de convenir à tous, pourquoi ne pas se demander ce que pourrait être une autre conception de l’excellence ? Après avoir pris en otage quelques étudiants et enseignants-chercheurs, j’ai pu obtenir quelques pistes de réflexion. Une idée qui ressort presque systématiquement est que les filières d’excellence n’existent pas. Ou plutôt, qu’elles sont toutes des filières d’excellence dans la mesure où elles permettent à des personnes – qui y ont trouvé l’enseignement qu’elles recherchaient – d’exceller. Comme celui-ci est très variable selon

les personnes, elles sont incomparables. Par ailleurs, cette notion d’exceller ne porte pas uniquement sur les notes, mais plutôt sur l’investissement dans ses études. Sans oublier que l’excellence ne concerne pas que les étudiants, mais aussi les enseignants-chercheurs, s’efforçant de faire en sorte que l’enseignement qu’ils apportent soit le meilleur possible. Finalement, plutôt que de ne faire que s’asseoir et écouter, emmagasiner du savoir, l’excellence pourrait être le développement de l’esprit critique, passant par une déconstruction continuelle de ses connaissances. Cette liste est, bien entendu, non-exhaustive, et je vous invite à la continuer. En somme, excellence ne devrait pas forcément rimer avec concurrence. Seulement, la main du chef d’entreprise est de plus en plus présente à l’université. Il est en effet bien pratique de pouvoir dès la L1 orienter l’enseignement afin de façonner ses futurs salariés. Pas facile de se défaire de la pression dans ces conditions, particulièrement lorsque sa filière n’est pas de celles qui attirent les investissements des laboratoires de recherche. En mars, alors en grève contre le projet de fusion des universités toulousaines, Francis Dupuy (enseignant-chercheur en anthropologie) me disait à ce sujet « le savoir pour le savoir, ça ne les intéresse pas. Ce qu’ils veulent, c’est un savoir qui se traduise en espèces sonnantes et trébuchantes ». * merci à Fabien, Felisso, Delphine, Célian, Chloé, Pierre, Dimitri et Francis Dupuy pour leurs réponses.

Claire Ramazeilles

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Le vrai coût de Red Dead Redemption 2 Le 15 octobre dernier, alors que la campagne de communication entourant la sortie du très attendu Red Dead Redemption 2 battait son plein, a été publié sur le site gamesindustry.biz une interview du co-fondateur de Rockstar Dan Houser dans laquelle il se vantait que ses équipes aient effectué plusieurs fois en 2018 des périodes à 100 heures de travail par semaines. L'information a très vite fait le tour des réseaux sociaux et a été très reprise dans la communauté des travailleurs du jeu vidéo, déjà chauffée à blanc par le licenciement soudain et sans indemnité de plus de 250 personnes par le studio Telltales trois semaines auparavant. S'il a fallu un moment pour que cette bulle d'insatisfaction explose, il était évident que cet événement ne pouvait arriver que maintenant. Le Crunch désigne dans l'industrie vidéoludique les quantités énormes d'heures supplémentaires exigées à l'approche des dates de sortie des jeux. On parle ici de cadences allant jusqu'à 12 heures, voire 15 heures, par jour, 6 ou 7 jours par semaine. À titre de comparaison, la loi française pose une limite maximale au temps de travail de 48h sur une semaine. Cette pratique est tellement généralisée dans le

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milieu que la résistance au Crunch est un attendue des entretiens d'embauche et qu'en avoir effectué est même une marque de distinction. Une développeuse interrogée déclare : « On est vraiment considéré comme un développeur qu'à partir du moment où on a survécu à un Crunch ». Si on peut comprendre la volonté de se donner à fond pour terminer son jeu à temps, surtout quand travailler dans le jeu vidéo est encore perçu comme un « privilège » de pouvoir exercer sa « passion », on peut légitimement se questionner sur la pertinence de ces pratiques managériales ayant des conséquences dramatiques sur les employés : burnouts, dépressions et autres dégradations de la santé physique et mentale. D'autant que Rockstar n'en est pas à son coup d'essai en la matière : en mars 2009, peu de temps avant le premier Red Dead Redemption, un billet de blog signé par des « épouses dévouées et déterminées d'employé de Rockstar » dénonçait des « dégradations » qui « atteignaient leur qualité de vie et celles des membres de leur famill » sous la forme d'« horaires de travail obligatoire de 12h par jour, 6 jours par semaine, des salaires diminués et des vacances limitées ». Mais pourquoi faire travailler des centaines de

personnes à de telles cadences alors qu'il suffirait d'embaucher plus de personnes pour absorber la charge de travail ? On pense bien sûr au coût financier immense de cette solution mais cet argument tombe un peu à plat quand on sait que le jeu vidéo est devenu la seconde industrie culturelle au monde en terme de chiffre d'affaires (137 millards pour 2018 selon les prévisions), 3 fois plus que le cinéma. Dans le cas de Rockstar, leur précédent titre, Grand Theft Auto 5, est devenu le produit culturel le plus rentable de l'histoire avec 6 milliards d'euros de bénéfices. Peut-on vraiment se permettre de négliger la santé des personnes contribuant chaque jour à la grandeur d'une entreprise quand ce sont eux qui ont littéralement réalisé l'oeuvre la plus rentable de toute l'histoire humaine ? À vous d'en juger. De mon côté, je ne peux qu'espérer que les joueuses et les joueurs du monde entier se rappellent que derrière les pixels colorés se cachent des hommes et des femmes qui travaillent d'arrache-pied pour les faire rêver. Julien Basque


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Lucarne d'une cellule de prison pour femmes

Un certain dimanche 11 février, voilà que je reçois un lien internet, de la part de notre chère rédac' en chef. Le titre « Journée de rencontre : des femmes face à la prison, regards croisés, vécus et luttes » s’affiche. Qu’à cela ne tienne, la lecture des 184 pages du SED peut bien attendre quelques heures, je me rends – sous une pluie diluvienne – au Hangar, bar et espace de culture autogéré, pas bien loin des Arènes. Lors de cette après-midi, organisée par les associations Les Trois Passants, El Cambuche, Bruits de tôles ainsi que des toulousaines anti-carcérales, se succèdent un documentaire réalisé au Mexique et un débat qui soulève nombre de questions. Parmi les femmes invitées, Annelyse, en lien avec les grandes arrestations des

membres d’Action Directe1 dans les années 1980. Elle a passé quatre années en détention préventive, dont quelques séjours en quartier disciplinaire – certaines sanctions prenant la forme d’une mise à l’écart des autres détenues – avant d’être relaxée. Libérés, tous les militants ne l’étaient pas, et la solidarité continuait. Ne voulant pas laisser celles et ceux restés enfermés dans leur isolement, Annelyse a donc décidé de leur rendre régulièrement visite. C’est ainsi qu’elle a connu la prison de l’intérieur, emprisonnée dans celles pour femmes mais aussi du côté des parloirs, dans celles des hommes. Vendredi 4 mars, nous nous retrouvons au café de la Concorde. Deux cafés commandés, nous nous lançons dans un entretien. L’immense

minorité de femmes (3,7 % de la population carcérale) est non seulement invisibilisée, mais subit aussi un traitement particulier. Comme elle le précise, Annelyse délivre ici son expérience sur la question : « je n’ai pas fait d’analyse scientifique ». Selon votre expérience, que pouvez-vous nous dire du regard porté par les proches – et les moins proches – sur les femmes incarcérées ? Dans la délinquance ordinaire, pour un homme ça peut être un fait de guerre d’être incarcéré, ça fait partie de son parcours. Parfois, c’est même une barrette supplémentaire. Chez les femmes, c’est le contraire. Je crois que culturellement, la femme est L'Alouette no 10 ● 5


Journal celle qui doit garder le foyer, s’occuper des autres. Souvent, ce sentiment d’abandon de poste qu’elles vivent fait qu’elles ont une culpabilité bien plus forte, une honte de la prison. Une femme peut très peu s’enorgueillir d’y avoir été. Quand elle a des enfants, c’est encore pire. En parlant de culpabilisation, quand j’étais incarcérée dans les années 80, des bonnes soeurs s’occupaient des prisons, celles pour femmes seulement. Dans un état laïc, républicain. Je crois que ça en dit long sur le repentir exigé aux femmes. D’ailleurs, il y a beaucoup moins de parloirs dans les maisons d’arrêt de femmes que dans celles des hommes. De toute façon, ce sont majoritairement les femmes qui viennent. Combien de femmes ai-je vu déménager, modifier totalement leur vie pour être toujours là, mois après mois, années après années au parloir pour leurs hommes, pour les soutenir. Il y avait très peu de compagnons qui venaient voir les femmes. Celles qui viennent, ce sont les mères. C’est encore « notre rôle » que de protéger nos enfants, même incarcérés. Ce n’est pas le « rôle du père », qui va plutôt critiquer, dire la loi. C’est pour ça que je dis que la prison est une histoire de femmes. Quelles relations entretiennent les femmes incarcérées avec les gardiennes de prison ? En maison d’arrêt2, il y a beaucoup de petites peines, pour toxico, avec tout ce que ça signifie, des petits vols pour payer sa came, de la prostitution, et cetera. C’était une population en général assez jeune, qui venait, repartait, et

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qui finalement n’avait pas tellement d’ancrage. La relation avec les matonnes était très infantilisante, au sens où c’était beaucoup de maternage. Avez-vous été confrontée à de la violence en prison ? Avez-vous remarqué une différence dans cette violence, entre les prisons des hommes et celles des femmes ? C’est déjà ce mode culpabilisant, infantilisant qui est violent, mais j’ai aussi assisté à des scènes violentes. Quand j’étais à Fleury-Mérogis, il y avait la cellule de contention. Les filles étaient attachées, on les entendait hurler toute la nuit. Cette violence existait et je pense qu’elle existe encore, à partir du moment où il y a rébellion, révolte ou crise. Ensuite il y a une violence qui, je trouve, est plus perfide. Il faut savoir qu’en prison, beaucoup de femmes n’ont plus de règles. Il y a quelque chose qui joue sur le corps de la femme enfermée, qui nécessiterait d’être étudié de plus près. Et puis sur la féminité. À l’extérieur, on demande souvent à la femme d’être « mignonne », bien habillée, et cetera, et là il y a une déshumanisation, une perte d’identité qui se transforme parfois avec cette espèce de lâcher-prise sur le corps. Aussi, quand on allait au parloir, on devait se mettre nue face à la matonne, qui nous inspectait, nous faisait soulever les bras, nous regardait partout. J’ai remarqué que beaucoup de femmes s’apprêtaient pour aller enfin au parloir. On défaisait leurs chignons, on les laminait. Elles se présentaient finalement au parloir les cheveux hirsutes, en ayant à peine le temps de se rhabil-

ler. Même si ce ne sont pas des gestes violents, ni même consciemment destructeurs, il y a une espèce de destruction de l’intégrité qui passe aussi par le corps. D’ailleurs, dans mon expérience au mitard (une cellule disciplinaire), on ne portait qu’une vieille chemise de nuit. On devait manger avec les doigts et se laver dans une seule cuvette qui allait nous servir à tout. Très vite, on se sent dégradée, perçue comme une bête sauvage enfermée derrière une grille. Lors de la journée « les femmes et la prison », la différenciation entre hommes et femmes, concernant justement le rapport au corps, avait été longuement abordé. Pourriez-vous nous en parler ? L’impact de l’enfermement est, je pense, différent. L’homme doit être fort, puissant, il doit pouvoir se défendre. Dans les centrales d’hommes, ils font tous du bodybuilding. C’est ce que j’ai pu voir quand j’allais visiter des camarades. Chez les femmes, il y a vraiment une négation du corps. Notre féminité – comme on l’entend dans nos sociétés, j’entends – n’a plus d’espace pour s'exprimer en prison, alors que cette dernière, au contraire, met en jeu et favorise les caractéristiques dites masculines, la virilité, les rapports de forces. L’accouchement en prison est un sujet tabou. Comment se passe-t-il, concrètement ? Quand on arrive, qu’on est enceinte et qu’on ne sera pas libérée, on va dans une division spéciale. Dans de nombreuses prisons, on


Journal accouche encore menottée. J’avais une amie qui faisait partie d’un dossier un peu « chaud », elle a accouché non seulement menottée, mais entravée, c’est-à-dire avec une chaîne aux pieds. En plus, on accouche avec les matons à côté. Une fois que l’on a accouché, on revient en division et on peut garder l’enfant jusqu’à ses un an et demi. C’est un enfant qui aura vécu ses premiers mois dans une fusion totale avec la maman, qui est souvent un peu en détresse, et qui donc mise énormément sur son enfant. Puis il y a la séparation, qui est souvent difficile et très douloureuse. Quelques vingt minutes d’entretien pour découvrir une violence insidieuse et non moins corrosive. C’est ainsi qu’à l’intérieur des murs

de la prison, les différences de traitement entre hommes et femmes sont loin de disparaître, entre pression morale et altération du rapport à leur corps. Et c’est sans oublier le manque d’aménagement dans les prisons pour femmes. Comme si une « si petite population » ne méritait pas qu’on les prenne en considération.

Nombre de ses membres ont par la suite été incarcérés. 2 Une maison d’arrêt est un établissement pénitentiaire qui accueille des détenu(e)s pour une courte durée. Il peut s’agir de la fin d’une peine ou bien d’une personne en attente d’affectation pour sa période d’incarcération.

Claire Ramazeilles 1 Action directe est un mouvement d’extrême-gauche qui entretient des connections resserrées avec plusieurs mouvements révolutionnaires européens, tels que les Brigades Rouges en Italie. Le groupe choisit la lutte armée comme méthode d’action. À partir de 1979 et durant une dizaine d’années, ses militants revendiquent environ 80 attentats en France. Considéré comme terroriste par l’état français, le groupe est interdit par un décret en 1982.

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Travailler plus pour qu'ils gagnent plus... et que vous réfléchissiez moins

La vitalité démocratique d’une société, et par delà l'intérêt de ses citoyens, dépend notamment du temps de travail de ces derniers. Travailler moins permet de travailler mieux en terme de rendement horaire, cette question ne sera pas la nôtre, car il n’y a pas vraiment sujet à débat ; il suffit de comparer le rendement horaire français et le rendement horaire britannique. Cherchons à comprendre : pourquoi les néolibéraux gouvernant nos pays et dirigeant nos entreprises

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ont-ils à coeur d’augmenter le temps du travail, de « déverrouiller les 35 heures » (E. Macron, 2016) ? Travailler plus en gagnant pareil la même somme oui, pour que les 1 % engrangent plus de profit. Mais ils ont une motivation plus structurelle. Les progrès techniques incroyables réalisés ces dernières décennies, révolution numérique en tête, ont permis des gains de productivité. Mais au lieu d’utiliser ces gains pour créer plus d’emplois utiles à la collectivité (enseignants, ingénieurs,

chercheurs…), sont créés des postes que l’on peut juger inutiles du point de vue de l’intérêt général. Comme responsable marketing, uniquement là pour doper les ventes et les profits de sa firme sans plus d'apports... De plus, ces gains pourraient permettre que chacun travaille moins. Et ceci est notre sujet : pour les 1 %, pas question que vous travailliez moins, car travailler vous tient occupé ! Dans la Grèce antique, époque dont on peut tirer de nombreux enseignements, même si ce n'était évidemment pas parfait, les


Journal citoyens participaient à la vie de la cité, c'était la démocratie directe, des citoyens qui débattaient et votaient euxmêmes. Périclès, celui qui a enraciné la démocratie athénienne, disait : « nous considérons l'homme qui ne prend aucune part à la vie de la cité comme un citoyen non pas tranquille, mais inutile ». Tandis qu'aujourd’hui E. Macron, plagiant J.P Raffarin, déclare que « la démocratie ce n’est pas la rue ». Autrement dit, votez tous les cinq ans et entre temps, citoyens, ne vous préoccupez pas de politique. En sachant que tous lesdits cinq ans, on vous dit de « voter utile » ou de « faire barrage à... ». De facto même là vous n’êtes pas libres mais contraints et manipulés. Et la politique, censée être l'action de tous pour tous, est devenue donc l'action d’une minorité de personnes pour les intérêts d'une minorité. S’intéresser à la politique, ce n’est donc pas chercher des différences entre deux politicien.ne.s, divergences au mieux éphémères et, au pire, simples postures électorales. C’est s’intéresser à la façon par laquelle se décide la vie de la cité (la politeia selon les Grecs anciens (on peut actualiser en disant « société »). En clair savoir qui contrôle nos vies et prendre part à cet exercice en menant des actions dans un parti, un syndicat, une association, un collectif... ou même seul.e. C’est ce que les politicien.ne.s cherchent à vous empêcher de faire. Cette volonté se manifeste de plusieurs façons : en employant par exemple un jargon technique fait pour que les citoyens ne se sentent pas légitimes face à des logiques

« trop compliquées », ainsi préfèrent-ils déléguer à ces soi-disant experts la gestion de la société. C’est une façon de renforcer le « cens caché », une théorie de Daniel Gaxie selon laquelle moins les personnes sont diplômées, moins ils se sentent légitimes pour parler politique. Alors que n’importe qui connaît mieux « la réalité de la vie » qu'une élite sociale autoproclamée, issue des classes aisées, et qui a passé sa vie à Paris à travailler dans la politique depuis sa sortie de l’ENA. Focalisons-nous sur une seule méthode de contrôle : vous faire travailler pour ne pas penser à la politique. Quitte à ce que cela ne serve à rien, voir que ce soit contre-productif. Comme ceux qui distribuent des flyers de pub. Faisant 9h-19h tous les jours, vous n’aurez pas forcément envie de vous informer et d’agir. Ce que vous feriez peutêtre en travaillant quelques heures de moins… Mais la peur du chômage et la fatigue aidant, vous n’agissez peut-être pas. Leur but est qu'épuisés, vous rentriez du travail et vous effondriez devant les chaînes d’informations en continu. À chaque fois que vous participez à la vie de la cité, vous leur ôtez du pouvoir. Si par exemple, avec une ligue de consommateurs vous contraignez Nestlé à ne plus dévaster l’Amazonie, vous ôtez par conséquent aux politiciens le choix d'agir contre les excès de cette multinationale, ou encore de laisser faire, voire d'aider. Ce qui est un double problème de leur point de vue. Premièrement vous leur prenez du pouvoir, mais surtout vous agissez dans le sens contraire de ce qu’ils auraient probablement

fait (aider Nestlé). A priori si vous parvenez à être influents, c'est que vous représentez l'intérêt du plus grand nombre ou, du moins, d'un groupe important. En tout cas plus important qu’eux. D'où le fait que l'État et les politiciens font de concert en sorte d’augmenter votre temps de travail pour empêcher que vous vous préoccupiez de politique, et ainsi de défendre vos intérêts. Dans les pays d'Europe, la Suède et la France sont parmi ceux où l’on travaille le moins ; tandis que la Grèce et la Roumanie sont dans ceux qui travaillent le plus. Dans quel pays fait-il le mieux vivre ? Question rhétorique. Bien que rien ne garantisse que les citoyens n'utiliseraient pas une réduction du temps de travail pour regarder Plus belle la vie, cette lutte pour diminuer le temps de travail est capitale car cela pourrait potentiellement dégager du temps pour d'autres luttes. En étant passif en politique, vous laissez agir des gens dans leurs intérêts et contre le vôtre. En participant à la politeia, vous faites l’inverse. La démocratie athénienne avait déjà des défauts (exclusion des femmes, Métèques et esclaves de la citoyenneté), mais malgré tout quelle distance parcourue entre cette naissance de la démocratie ; et aujourd’hui, où la démocratie est depuis longtemps décadente sinon disparu. Elle a évolué, elle n'a pas progressé. A.L

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À droite toute ! Ou comment le monde sombre dans le nationalisme Le dimanche 28 octobre 2018, le Brésil a basculé dans l’extrême-droite en élisant Jair Bolsonaro comme nouveau président. Après une campagne électorale très agitée, celui qui a promis de « changer le destin du Brésil » a été choisi par 58 millions de brésiliens, soit un peu plus de 55 % des suffrages. L’élection de cet ex-militaire à la tête du plus grand pays d’Amérique latine illustre un mal-être bien réel, qui ne se limite pas seulement à la frontière du Brésil mais s’observe partout dans le monde depuis plusieurs années. Il y a deux ans déjà, la démocratie connaissait une de ses années les plus sombres avec comme point d'orgue le Brexit et l’accession de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Partout à travers le monde s'observe une montée des radicalismes, des nationalismes et des replis identitaires. Partout dans le monde les politiques sécuritaires, voire xénophobes, prennent de plus en plus d’ampleur et la peur prospère au même titre que la colère. Comment l'humanité en estelle arrivée à de telles extrêmités ? Éléments de réponse : Si aujourd’hui les pays tombent les uns après

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les autres dans le nationalisme, cela s’explique notamment par le sentiment qu’ont les populations de n’être plus maitresses de leur destin et de ne plus pouvoir contrôler l’avenir de leur pays. L’Union européenne est le parfait exemple pour illustrer ce malaise, notamment en Italie où la coalition populiste au pouvoir a récemment rejeté toute modification de son budget 2019. Le leader du mouvement 5 étoiles, Luigi Di Maio, s’est exprimé sur ce sujet : « C'est le premier budget italien qui ne plaît pas à l'UE. Cela ne m'étonne pas : c'est le premier budget italien qui a été rédigé à Rome et non à Bruxelles ! ». La nomination de Mateo Salvini à la tête du ministère de l’Intérieur et l’élection de Viktor Orban comme premier ministre d’Hongrie ont considérablement fragilisé l’Europe déjà affablie par le Brexit, intervenu deux ans auparavant. Bien que les conséquences soient effayantes aux yeux des européens, la question de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes est une interrogation fondamentale dans tous les systèmes démocratiques. C’est effectivement le manque de représentativité que les peuples reprocheraient à leurs dirigeants.

Une autre raison de la montée du nationalisme serait la croissance des inégalités et une insécurité de l’emploi. La mondialisation a complètement chamboulé les cartes que tenaient entre leurs doigts les pays développés et ceux en voie de développement, créant plus d’instabilité. Il est beaucoup moins coûteux aujourd’hui pour une entreprise de produire là où la main d’oeuvre est bon marché et de revendre ses produits fabriqués dans les pays où le pouvoir d’achat est le plus important. Ainsi, année après année, le fossé a tendance à se réduire à l’échelle mondiale entre les pays, mais à l’inverse à se creuser au sein d’une même nation. Aujourd'hui, même les pays développés voient des écarts se créer au sein de leurs propres populations que ce soit entre les générations, entre les villes et les campagnes ou entre les catégories socioéconomiques supérieures et inférieures. Il y a également une profonde volonté d’une refondation politique dans chaque pays. En effet, nous voyons l'émergeance d'un sentiment de « dégagisme » envers les élites qui s’exprime dans les urnes ou dans la rue par des


Journal manifestations populaires. C’est ainsi que les grands leaders politiques qui incarnent « the good old time » sont poussés vers la sortie : on peut citer Hillary Clinton lors de l’élection présidentielle américaine, David Cameron contraint de démissionner suite à sa défaite du Brexit ou encore, plus récemment, Angela Merkel qui voit son influence diminuer et qui a

d’ores et déjà annoncé qu’elle ne briguera pas un mandat supplémentaire à la chancellerie allemande en 2021. Toutes ces raisons contribuent à expliquer les succès récents du populisme dans les pays du globe. Elles traduisent une volatilité des attentes et des expressions politiques qui auront déjoué les prévisions les plus so-

lides. Elles sont peut-être, à ce compte, autant la résurgence de phénomènes anciens, que l’amorce d’une transformation en profondeur de la politique. Victor Roussel

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Immigration : la lente ouverture du Japon Tandis qu’en Europe, la plupart des pays font leur possible pour endiguer l’immigration le plus possible, le Japon, un pays resté longtemps imperméable à toute immigration s’y ouvre peu à peu depuis les années 1990, notamment à cause d'une population vieillissante comptant un quart de plus de 65 ans. Cette ouverture à la main d’oeuvre étrangère reste faible et discrète sous le gouvernement conservateur de Shinzō Abe. Ce sont essentiellement des jeunes travailleurs non-qualifiés, surtout dans le domaine de la construction, venant d’autres pays d’Asie de l’Est. L’État cherche aussi à attirer du personnel très qualifié dans le domaine des hautes technologies pour combler un manque grandissant d’ingénieurs japonais. La population étrangère est passée de 0,7 % en 1990 à 2 % en 2017, soit 2,6 millions de personnes. Cette immigration ne se déroule pas en continu, elle fluctue en fonction de la demande d’emplois du marché du travail et de la santé de l’économie nippone. C'est par exemple le cas en 2008, suite à la crise financière, le gouvernement a investi environ 2 000 euros pour des nikkeijin, c’est-à-dire des travailleurs immigrés peu qualifiés, descendants de japonais, pour qu'ils partent. Aussi, l’immigration des proches est très compliquée à obtenir,

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cela afin d'éviter une arrivée trop importante de personnes et que les travailleurs décident de rester de façon permanente dans le pays. Cependant, Abe souhaite faciliter, pour le moment, l’obtention de visas de travail face au vieillissement difficile à endiguer de la population associé à la diminution du nombre d’enfants nippons. Depuis les années 1990, cette immigration s’est faite discrètement et sans médiatisation, faisant croire à beaucoup de locaux qu’elle était inexistante. Mais depuis quelques années a lieu une prise de conscience de ce phénomène provoquant la critique des plus conservateurs, donnant lieu à des manifestations xénophobes dans le pays mais également à une discrimination des étrangers, de la même manière qu’en Europe avec la montée de l’extrême droite. Les nouveaux arrivants sont vus par certains comme un danger pour l’économie, pour la culture japonaise et surtout pour son unité culturelle. Dans les médias, des images d’incidents en Europe impliquant des gens désignés comme immigrés font peur à une partie de la population qui redoute que cela se reproduise au Japon. Par conséquent, un tiers des étrangers affirment avoir subi des discriminations, que ce soit des remarques sur leurs origines ou des difficul-

tés supplémentaires à trouver un logement ou une école, d’après une enquête du ministère de la justice en 2016. Même si Shinzō Abe dénonce ce genre de faits, le problème est que certains politiciens, venant de son propre parti ou des dissidents, exacerbent les tensions. C'est le cas de Shintaro Ishihara, ancien gouverneur de Tokyo qui portent des propos très violents contre les étrangers résidant au Japon. L’ouverture de l’immigration se fait doucement mais sûrement dans le pays du soleil levant. Cependant, après être restée pendant vingt ans méconnue de la population, la prise de conscience générale des nippons de ce phénomène s’associe, pour une partie de la population grandissante, à une xénophobie de plus en plus forte et décomplexée. Hugo Raynaud


Les Plumes, c’est la partie création du journal. Si tu aimes écrire, photographier ou que sais-je encore, envoie le fruit de ton travail et/ou de ton imagination à lalouette.journal@gmail.com avec comme intitulé « Les Plumes ». Les publications peuvent se faire sous pseudonyme et tu es libre de proposer ce que tu veux, à condition que tu en sois l’auteur à 100 %. Alors n’hésite plus si tu as quelque chose susceptible de faire apparaître des étoiles ou des larmes dans les yeux des lecteurs, envoie-le nous !

- Sarah

Féminin Sulfureuse pensée Qui me prend et m'entraîne Quand à la dérobée S'égare mon regard Je contemple ton corps D'un désir délétère Devinant sous la soie L’ardeur d’un coeur battant Espérer en silence La passion équivoque Au plus près tu m'emportes Serais-je dans un rêve Et quelle douce danse Quand nos mains s'entremêlent Dans une chambre ombrée D'intentions charnelles

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(suite)

Des flammes parfumées Éclat étincelant Minuscule et brûlant Une pluie d'étincelles Et celles que tu as Juste au bout de tes doigt Allument au fond de moi Un brasier insatiable Le tracé de tes seins Le dessin de tes hanches La courbe de ta nuque Ton corps tout près du mien Et j'en deviendrai folle De l'odeur de ta peau Du timbre de ta voix De tes longs cheveux bruns Nos silhouettes jointes Sont des ombres chinoises Sous les rayons de miel Du soleil qui se couche Nudité séductrice Lascivité latente Je te veux toute entière Entre monts et merveilles Et quand l'astre solaire A enfin disparu Camouflant la passion D'un plaisir enivré Les bougies sont soufflées Notre âme est mise à nue Et notre ardente étreinte Est confiée à la nuit

Gaëlle Audouy

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Aux balbutiements du printemps Il ne nous en fallut pas plus Errant aux milieu des feuillus Nous nous établîmes au couchant Habitant les rives du lac Une colonie de saule-pleureurs Semblaient se plaire dans la torpeur Distraits par ce tendre bivouac Ressuscités nous éclatâmes D’un rire bruyant déchirant l’air Rameaux et feuillages vibrèrent Ébouriffant fut le ramdam Nos coeurs en choeur déclamèrent D’un ton rieur cette tirade : « S’achève ici la mascarade ! Nous demeurons dans la clairière ».

Claire Ramazeilles

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Perdue Je ne sais pas monsieur l’agent, J'me suis retrouvée là, sans trop savoir comment. Et mon amour ? Je l’ai perdu, si j'avais su. Ce con, il est nul' part et partout à la fois Tu le cherches, tu l’vois pas. Pourtant il est juste là. Dans l’air de l’atmosphère d’la planète terre. Mon cher Lucifer à même conquis tout l’Univers. On le respire sans le toucher, On le transpire sans le garder. À moins que mes larmes ne se transforment en billets Monsieur, cette amende je ne pourrai la payer.

Avidité Répétition, obsession Passivité incontrôlée Angoisse me froisse Sans toi, j'ai froid Le temps, l'argent La mort, le confort La vie, l'ennui Le noir, désespoir Avide de vide, Qui seul se remplit Avide d'une vie Qui seule se réjouit.

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De l'eau Le temps qui court Me paraît éternité Quand notre amour N'arrive à s'exprimer, J'ai le coeur lourd Et les yeux mouillés.

La mélancolie La petite mélancolie Qui se glisse sans un bruit Dans le creux de votre coeur Dans un coin de vos pleurs Sentiment doux et amer Qui vous tient, vous serre Il n'essaie de se taire Il n'essaie de vous plaire. Tendre et rugueux à la fois, Ancré comme une première fois Parti de moi Reflet de toi. Sentiment d'insatisfaction Absence de rébellion Un laisser aller Un laisser couler Couler les larmes, Puis les sécher Prendre les armes De la liberté. Juliette pour les 4 poèmes

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À la recherche de l’innocence perdue Il me vient souvent à l’idée que la tendre ivresse à laquelle nous nous adonnons chaque semaine, provoque un retour à l’enfance. Cet acte, puérilement anodin, presque ritualisé, est la madeleine de Proust moderne : il tire en nous cette innocence enfouie, émerveillement ancien dont la démarche aujourd’hui nous est étrangère ; et cette rêverie soudainement, n’apparaît plus comme la débaûche blâmée de nos contemporains, mais comme une envie d’insouciance malheureuse, lorsque après tant de luttes, le monde se désole et nous méprend. Et parfois, il suffit d’un rien, pour goûter à cette innocence perdue — certains crieront à la naïveté ou à la niaiserie — mais je crois profondément qu’il faut se laisser surprendre, et quelques visions peuvent alors nous porter dans le temps. Comme l’enfant qui se rit de nous lorsqu’il nous croise, se laisse happer par le mouvement subtil des nuages, et lorsque tout lui semble acquis, détourne le regard, observe ces minuscules fourmis, ces êtres de passage. Jamais ainsi il ne s’arrête, comme nos corps élancés à la fête, il se laisse aller à la mélodie saisonnière, son souffle court, s’accélère, ses bras frêles se déchaînent, et encore et encore, il danse à en perdre l’haleine. L’enfant évolue dans ce royaume immense dont il est le maître, et ivre de sa jeunesse, il s’amuse, ricane face aux promesses. Souvent je les jalouse et aimerais leur dire de savourer ces laps de temps majestueux, dont l’intensité fébrile fait encore écho dans mon esprit. Mais alors, ils me dévisageraient d’un air insensible, presque froid — celui que nous faisions dans notre enfance, face aux adultes qui nous tenaient des discours similaires. Car la beauté de l’innocence réside en l’ignorance de ce qu’elle a une fin. Et lorsqu’elle se meurt enfin, elle naît dans nos mémoires, pour devenir nostalgie, cette idée lointaine et rédemptrice. Image vieillie dans nos esprits grandis, les souvenirs d’une innocence vécue, ont-ils plus de valeur que l’innocence même ? Je l’ignore, mais du moins, les souvenirs restent longtemps dans nos mémoires, et si la vue d’un enfant aux prises de l’innocence, provoque ce bonheur indescriptible ; alors, peu importe si je vis ou si je me remémore, longtemps encore, je ris face à la mort. Mathilde Le

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Une vieille de mauvaise vie N’est-il pas particulièrement inopportun de se trouver fripée, plissée à mille recoins alors même que votre enveloppe corporelle fut, des années durant, votre mine d’or ? Voilà que ma peau prend des teintes toutes plus discordantes les unes que les autres, du jaune le plus verdâtre au violet le plus noirâtre. Et encore ! Je n’ose vous parler des taches laiteuses qui parsèment mon corps. Une, deux, trois nouvelles altérations chaque matin. Le grand miroir de bois doré planté au milieu du salon reflète assidûment cette évidence que mon orgueil – cet incorrigible petit con – préférerait ignorer : mon fond de commerce est décidément loin ce qu’il fut jadis. Cela fait bien longtemps que j’ai cessé d’exercer. Une bonne trentaine d’années, si ce n’est quelques passes occasionnelles pour ceux que je nomme des connaissances rapprochées. Et, à vrai dire, la nostalgie n’est que très ponctuelle. Quelques fois les heures de préparation méticuleuse, les scènes déconcertantes, les attraits insoupçonnés de mes clients me manquent. Une petite voix – sale bête – me souffle sournoisement à l’oreille de le préciser : les liasses de billets également. Certes, certes. Un léger pincement au coeur tout au plus. N’allez pas croire que je ne suis pas satisfaite d’être à la retraite ! C’est avec grand plaisir que j’ai rendu mon tablier. Ou plutôt mes porte-jarretelles. Et pourtant, que ne donnerais-je pas pour redevenir la jeune femme que j’étais. Une superbe prostituée, pour sûr. Mélancolique, je scrute mille fois par jour ma peau qui se rapproche dangereusement du sol. Aucune des crèmes avec lesquelles je me tartine ne semble en mesure de lui faire retrouver son allure d’antan. Ce matin, j’ai même manqué de me tordre le dos ; une inspection méticuleuse de l’arrière de ses cuisses comporte des risques lorsque l’on est un peu rouillée. Je tombe en ruine. Oh ! Qu’il est violent de se voir décrépir. Des larmes se faufilent dans les rides de la fille de joie. Une vieille de mauvaise vie, c’est donc ce que je suis devenue. Ce soir, une veilleuse rouge illumine mon petit salon. La fumée parfumée qui s’échappe de ma collection de verres à thé embaume la pièce d’une enivrante odeur d’épices. Assise dans mon fauteuil, j’attends patiemment qu’il refroidisse. Là bas, de son doigt malingre, une petite fille dessine sur la fenêtre embuée. Soudain, elle se retourne. Je vois un grand soleil apparaître sur la vitre. Ses grands yeux verts écarquillés, elle s’exclame : « Mamie, regarde ! C’est toi. Tous les traits autour du soleil, ce sont ses rayons. Tu vois, ne pleure pas pour les traits sur ton visage, ils te font briller plus fort ». Cette petite voix est un baume bien plus puissant que n’importe quelle crème disponible sur le marché. Le plus grand des traits de mon visage est désormais le sourire qui s’y est accroché. Je bois une gorgée de thé brûlant avant de m’éclaircir bruyamment la voix. Chaque oreille s’ouvre. Ils savent que je m’apprête à conter les histoires palpitantes de ma jeunesse. Le coeur rasséréné par la chaleur, je me lance.

Claire Ramazeilles

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The Order of the Good Death T'es-tu déjà demandé quel était le point commun entre une pomme, Ariana Grande, l'actuel président suisse, et toi ? La réponse n'a rien de compliqué : toutes ces créatures, aussi fabuleuses soient-elles, finiront fatalement par retourner à la poussière. Parce que sur cette planète rien n'est éternel, Caitlin Doughty a créé en 2011 The Order of the Good Death, une association ayant pour but d'accompagner intellectuellement toutes les personnes qui choisiraient d'appréhender la mort sous toutes ses facettes - avant, bien sûr, de la rejoindre définitivement... L'idée de cette organisation à but non lucratif (composée d'employé.es des pompes funèbres, d'auteur.es, d'artistes et d'académicien. nes) est simple : l'être humain ne gagnerait-il pas à se renseigner au mieux sur la mort, cette entité symbolique avec laquelle il devra passer l'éternité ? Et pour ceux et celles qui ne croient pas en dieu, la notion même d'éternité, quand il s'agit de la non-vie, a-t-elle un sens ? Parce que les questions relatives à notre finalité font tourner les cerveaux des penseurs professionnels et amateurs depuis des siècles, C. Doughty se propose d'utiliser ses connaissances universitaires, ainsi que son expérience personnelle auprès des cadavres, pour vous mettre sur la voie de la réflexion, sans pour autant vous donner des réponses.

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Par quels moyens se propose-t-elle de faire cela ? Et d'ailleurs, qui est cette mystérieuse personne ? Caitlin Doughty, une vision de la vie, une vision de la mort Entrepreneuse des pompes funèbres, auteure et « personnalité Youtube » de son état, cette jeune femme au sourire malicieux et aux grands yeux bleus soutient depuis la fin de ses études d'histoire médiévale que la culture occidentale devrait faire de la mort non pas un tabou soulevant les coeurs mais, au contraire, un objet d'analyse et de démystification. Certains penseront assurément que la mort, en tant que concept porteur de nombreux fantasmes étourdissants, a déjà été allègrement « démystifiée » par les sciences modernes. Pourtant, en y regardant de plus près, C. Doughty a observé une forme de déni dans nos sociétés, se traduisant par l'absence de développement dans les débats publics d'une pensée concernant la mort, indépendamment des événements qui pourraient la causer. Pour les courageux souhaitant pallier personnellement cette lacune, et pour les curieux en tous genres, la première étape serait d'aller sur la chaîne Youtube de cette théoricienne en herbe : « Ask a Mortician ». Grâce à ses vidéos, vous pourrez vous enrichir de nombreuses informa-

tions véridiques concernant, par exemple, la première femme a avoir possédé des pompes funèbres, les architectes d'aujourd'hui qui s’attellent à penser les cimetières de demain, les morts du Mont Everest dont les corps glacés reposent toujours dans le blizzard, etc. Bien que C. Doughty offre dans ses vidéos une part consistante de questions/réponses fascinantes, les informations les plus intéressantes se trouvent, à mon avis, dans ses romans. N'ayant pas encore eu l'occasion de mettre la main sur From Here to Eternity (seconde production littéraire de C. Doughty), je parlerai ici principalement de son premier roman Smoke Gets in Your Eyes, un best-seller d'après le New-York Times. Smoke Gets in Your Eyes, ou comment essuyer la cendre de nos yeux brumeux La première fois que C. Doughty a fait incinérer un corps, elle ne savait rien des « cornues », ces énormes machines qui n'ont d'autre but que de réduire notre enveloppe corporelle en une fine cendre. De cette première expérience, l'auteure garde un souvenir redoutable. Du four, il en sortira un tas de poussière, comme convenu, mais également le crâne du mort - sculpté dans la cendre et néanmoins entier. Ne pouvant s'empêcher de le prendre en mains, elle le contemplera s’effondrer entre ses doigts.


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Ce souvenir restera pour elle une éloquente image de la fragilité du corps humain, cette construction organique sur laquelle nous bâtissons une partie notre identité. Où se trouve la source de cette fascination pour le macabre chez C.Doughty, jeune personne pourtant en pleine santé ? Avec son style dynamique mais cependant introspectif, l'auteur nous raconte au chapitre 3 (nommé « L'impact ») un événement arrivé tandis qu'elle n'était encore qu'une enfant : se promenant au centre commercial avec son père, elle assiste à la mort accidentelle d'une fillette tombée du premier étage alors qu'elle jouait. Selon l'auteure, c'est dans ce coup du sort

malheureux que se trouverait l'origine des surprenantes inclinaisons qu'elle se plaît tant à cultiver. C'est à partir de là qu'elle développera une collection de troubles obsessionnels compulsifs, soit des rituels étranges, irrationnels et répétitifs organisés par des règles strictes visant à conjurer on ne sait quel mauvais sort. Les TOC, tout comme l'état de stress post-traumatique avec lequel ils ont une forte comorbidité, ont pour prémisse la rencontre symbolique du sujet avec sa propre mort. C. Doughty expliquera que, dans la ville où elle vivait, à son époque, les psychologues et la psychologie n'avaient pas le vent en poupe. Et avec le recul, elle se rendra compte que si son mal avait été pris en charge

par un.e spécialiste, elle s'en serait mieux sortie (ou en tout cas, plus rapidement). Ce point de vue forgera en grande partie son objectif : offrir la possibilité d'ouvrir un dialogue, à un niveau sociétal, sur la mort et le traumatisme qui l'accompagne quand nous la rencontrons pour la première fois. De mon avis, ce troisième chapitre est le plus sombre du livre... C'est par ailleurs le seul passage que je trouve véritablement funeste, les autres scènes étant déchargées de leur dimension sinistre par le regard vif et volontaire de C. Doughty. Son roman m'a permis d'avoir de véritables illuminations, non pas tant sur la mort que concernant la vie elle-même ; sur les difficultés qu'elle nous fait rencontrer L'Alouette no 10 ● 23


Magazine (par exemple, des sentiments amoureux qui ne nous sont pas retournés, les rencontres que l'on fait régulièrement avec la peine des autres, le challenge d'une vie professionnelle émotionnellement lourde en responsabilités, etc.) et la force qu'elle exige de nous pour les traverser. Un des éléments du livre qui m'a le plus inspiré est la ténacité de son auteur dans son travail quotidien aux pompes funèbres. Cette ténacité est supportée par son désir - à la fois calme et passionnel – de mieux comprendre ce qui nous fait du mal en tant qu'humain ; ces multiples choses qui nous attirent ou nous incommodent (le sexe, l'empathie, la mort, l'amour, la culture d'autrui, les maladresses sociales, etc.) sans même que nous sachions exactement pourquoi. Le sens que Caitlin Doughty donne de la vie, de bien des manières, ressemble à ma vision personnelle de la psychologie en tant que discipline. Étant moi-même étudiante dans ce domaine, son travail se rap-

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proche de celui que j'imagine être celui d'un bon psychologue clinicien : aider autrui à regarder en face ce qu'il craint le plus, c'est-à-dire son inévitable fin ; être là pour le soutenir dans cette démarche qui lui permettra de devenir un peu plus lui-même, un peu plus fort ; le faire en abordant, en parallèle, ses propres faiblesses, ses propres lacunes, ses propres zones d'ombre. Que pouvons nous conclure sur la mort ? « De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités » disait l'oncle de Peter Parker en 2002 dans le Spider-Man de Sam Raimi. Avec Caitlin Doughty - qui n'avait aucun grand pouvoir lorsqu'elle a commencé en tant qu'employée dans une petite entreprise californienne de pompes funèbres - les grandes responsabilités sont venues naturellement à elle. Jour après jour s'est développé dans son esprit, au fur et à mesure qu'elle apprenait le

métier auprès de ses amis et collègues, un souci réaliste de mieux servir et comprendre son prochain dans le domaine de la mort. Apprendre sur la mort, est-ce-que ce n'est pas mieux comprendre la vie ? C'est certainement le cas avec Caitlin Doughty. Ne vous fiez pas au titre français de ce premier roman au charme atypique, dont les traducteurs auront eu la mauvaise idée de retranscrire Smoke Gets in Your Eyes : And Other Lessons from the Crematory par Chroniques de mon crématorium. Ce ne sont pas des chroniques que vous trouverez dans cet ouvrage mais bel et bien – et sans prétention aucune - des « lessons » : celles d'une jeune femme de 23 ans, portant des robes rouges et des cadavres à bout de bras, le sourire au lèvres, la mort en tête. Delphine Drècourt


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Objectif zéro déchets Cela à Toulouse). Romain, qui pratique le zéro déchet depuis un peu moins de deux ans nous explique que « le zéro déchet c'est consommer mieux » ; « depuis que j'ai commencé, je mange beaucoup plus équilibré et sainement. Et ça m'a aussi appris à cuisiner ».

En moyenne, un français produit plus de 350 kilos de détritus par an. Résultant d'un système de production linéaire, la plupart de ces déchets sont des emballages plastiques souvent à usage unique, dont 79 % se retrouveront dans des décharges et dans la nature. Depuis une soixantaine d'années, nous assistons de manière exponentielle à une production massive de ces matières. On estime aujourd'hui leur nombre dans le monde à 8,3 milliards de tonnes. Omniprésentes dans l'eau, ces microparticules de plastique flottent aussi dans l'air que nous respirons. Ce système, non durable, influence l'écosystème. Les dégâts sur la nature sont majeurs et contaminent la chaîne alimentaire jusque dans nos assiettes. L’absorption de ces produits de synthèse – plus précisément d'éléments pétrochimiques – étant reconnue comme source de perturbations hormonales et de maladies comme le cancer ou l'infertilité, nous savons aujourd'hui que c'est notre santé qui est directement impactée. Face à cette situation, une nouvelle pratique voit le jour depuis plusieurs années : celle de réduire ses déchets. Cette pratique est considérée comme « nouvelle » puisque avant la fin de la Seconde Guerre mondiale nos habitudes de consommation étaient bien différentes et cette problématique n'avait pas lieu d'être. Alors, par quoi débuter pour espérer changer cette funeste conjecture ? Par nos habitudes alimentaires, par exemple, en achetant en vrac les produits secs (sucre, légumes, pâtes, riz, farine...) et dans des sacs en tissu ; pour les produits frais et liquides, utiliser des récipients en verre ; pour faire ses courses, au lieu d'aller en grande surface, privilégier les marchés, les produits locaux et de saison ainsi que les épiceries BIO ou magasins spécialisés (comme Ceci &

En moyenne 30 % de nos déchets sont des déchets verts qui eux aussi peuvent polluer, lorsqu’ils sont brûlés par exemple. Pour éviter de les jeter, il existe de petits composteurs d'appartement, pratiques lorsqu'on est étudiant.es et que l'on ne possède pas forcément de jardin. En plus de l'alimentation, il est possible de supprimer les bouteilles des produits d'entretien et des produits cosmétiques en les faisant soi-même ; c'est à la fois bon pour le zéro déchet mais aussi économique et bénéfique pour la santé. Pour les produits ménagers, à noter l'utilisation possible du bicarbonate de soude, du vinaigre blanc, du savon noir ou du savon de Marseille. Pour les cosmétiques, les huiles végétales biologiques sont beaucoup plus efficaces et moins nocives que les huiles minérales et les crèmes cosmétiques classiques. Il existe des vêtements éco-conçus à partir de matériaux à forte valeur écologique ou naturelle tels que le chanvre, le coton et ou le bambou. Dans la mesure où tout ce que l'on possède finira par devenir un déchet, le minimalisme est un mode de vie qui va de pair avec l'optique de réduction des déchets. Pour Romain, il ne faut pas oublier de « questionner chaque nouvel achat ». À la question « Quelle a été la plus grande difficulté dans ton changement vers le zéro déchet ? », Romain répond : « Moi même. Arriver à changer mes habitudes, et à prendre le temps ». Alors, à chacun ses raisons éthiques, qu'elles soient environnementales, économiques, pour la santé, pour dénoncer un système ou un peu tout ça à la fois : l'essentiel, c'est de commencer. Alice

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Le 7e continent ou le continent invisible

Avez-vous déjà entendu parler du septième continent ? Cet article ne traitera pas d’une quelconque sombre théorie du complot, mais d'une catastrophe écologique bien réelle qui nous concerne et affecte tous. Ce nouveau continent a été découvert en 1997 dans le nord du Pacifique par un océanographe américain, Charles Moore. Mais qu’est-ce que ce nouveau continent ? Ce chercheur serait-il notre Christophe Colomb contemporain ? Rien n'est moins vrai. Ce qu’il a découvert depuis son bateau est une grande étendue de plastique, d’une superficie d'une à trois fois la France. Aujourd'hui, quatre zones de déchets similaires constituées de matières synthétiques sont à dénombrer sur la planète. On en recense deux dans le Pacifique, deux dans l’Atlantique et une dans l’océan Indien. Inutile de s’imaginer des étendues de plastique à perte de vue, recouvrant l’océan comme une marée noire. Ces « vortex de déchets », comme ils sont également appelés, sont presque invisibles à l’œil nu. Les matériaux de grandes tailles y sont rarement présents, les complications les plus importantes étant liées à la quantité énorme de micro-éléments d’un calibre inférieur à cinq millimètres. Ces déchets se déplacent en groupes à la surface de l’eau ou juste en dessous, rendant le problème encore plus imperceptible à l'oeil nu. À cause de cela, aucune photographie aérienne ne peut être prise du phénomène, ce qui a conduit à la découverte tardive de la plastification des océans. Même en bateau dans cette zone, il faut être très attentif pour s'en rendre compte.

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À partir de ce constat, il est facile d’imaginer les conséquences néfastes sur l’environnement. On estime à 1 million le nombre d'oiseaux déjà morts à cause des vortex de déchets. Cela peut étouffer les tortues, tandis que les poissons se nourrissent également de ces plastiques polluants et nocifs. Par la suite, ce sont ces mêmes poissons qui entreront dans la chaîne alimentaire en étant consommés par leurs prédateurs, dont nous faisons partie, avec des conséquences sur notre santé encore mal connues. Les dégâts étant dorénavant avérés et l’attention publique ainsi que médiatique relativement présente, certains ont senti le bon filon pour lancer une start-up, trouver la solution miracle à la situation et faire fortune (de façon écologique et responsable en plus !). On peut penser au projet d’un hollandais de 21 ans souhaitant déployer sur les océans une barrière de cent mètres de long, constituée de flotteurs et de filets ; ou encore, une autre idée de barrage sous l’eau qui enverrait des bulles empêchant les micro-particules de plastique de se déverser dans les mers. Ce ne sont que deux des idées les plus prometteuses proposées. Malheureusement, les scientifiques, toujours là pour ruiner la fête, ne sont pas emballés par les idées innovantes de nos jeunes et dynamiques « startupers ». Plusieurs incertitudes subsistent. Par exemple, comment placer et entretenir une barrière de cent mètres sur l’océan ? Comment indiquer sa position en tout temps aux bateaux dans la zone ? Est-ce que cela met en danger les êtres vivants présents dans les océans et rivières ? Les scientifiques, quant à eux, préconisent l’action de chacun à petite échelle, par le changement de nos habitudes au quotidien vis-à-vis des matières plastiques et une meilleure gestion de nos déchets, en recyclant plus ou en n’utilisant pas de produits non-recyclables. Enfin, il n’est pas concevable d’imaginer une prise de conscience planétaire ou penser qu’il y a une réponse magique à cette situation. Pour le moment, les déchets plastiques mettent des centaines d’années à disparaître et continuent de s’accumuler dans les océans, affectant de manière inimaginable les vies des animaux et des humains.

Hugo Raynaud


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Plongeon dans les eaux troublées d'Exylem Jeune groupe toulousain à la musique boueuse et introspective, Exylem est composé de Yohan (chant), Guillaume (basse), Olivier et Thibault (guitares). Une bien mauvaise troupe qui vient de sortir Echoes From Silent Shores, leur premier album, chez Endless Decrepitude Productions. De passage à Toulouse, L'Alouette a saisi cette belle occasion pour se jeter dans le flot de leur musique ténébreuse aux saveurs métalliques...

Pouvez-vous revenir sur le parcours d'Exylem ? (Par soucis de lisibilité, les réponses des membres de la formation ont été regroupées avec leur accord)

D'abord, Olivier a travaillé seul sur notre première sortie éponyme parue en 2015. Après ça, un premier line-up qui a duré un an et demi a vu le jour. Thibault et Bob (l'ancien batteur) nous ont rejoint. Maintenant, on cherche un batteur qui soit motivé et investi (à bon entendeur). On veut aller plus loin, jouer dans d'autres endroits que Toulouse.

Votre album vient de sortir, racontez-nous un peu son enregistrement et le processus de composition. La base a été composée par Olivier puis chacun a apporté sa patte. Guillaume, Yohan et Thibault ont écrit les textes, par exemple. On a même eu droit à un featuring avec Mathieu d'Eryn Non Dae. Il s'est d'ailleurs tellement investi qu'il nous a envoyé un texte par textos à 4h du matin, après une soirée ! Ça a donné The Flood... L'enregistrement a été un long processus, avec des imprévus. Yohan avait appris dix jours avant qu'il devait enregistrer les parties de batterie alors que ce n'est pas son style de jeu. On a tout fait de A à Z, on a récupéré des samples de bruits de vagues à Narbonne, les textes ont été écrits à la main par leurs auteurs. Olivier ayant un studio (Dismalsound à Albi), nous avons pu tout mettre à plat et prendre notre temps pour peaufiner librement chaque piste. Quant à l'artwork, il est aussi « fait maison ». On a pris la photo nousmêmes, dans des conditions difficiles (rires).

bateau gonflable qu'on maintenait en place avec une corde. Thibault a donc du se sacrifier et plonger entièrement dans le lac alors qu'il faisait à peu près huit degrés à cette époque de l'année. Après deux tentatives, on a obtenu le résultat qu'on voulait... Et on le voit à peine au final (il faut incliner le digipack sur le côté pour voir la forme blanche du guitariste sous l'eau). On ne s'est pas ennuyés

au moins !

En parlant d'eau, c'est une thématique centrale de l'album ? Oui, à la base, ça vient du morceau Abyssal. Puis on s'est dit qu'on pourrait broder autour. C'est un élément riche, qui est souvent utilisé métaphoriquement. Il recouvre beaucoup de symboliques. On a voulu en parler régulièrement sans tomber dans le concept-album. Si vous lisez les paroles, vous verrez que c'est omniprésent. Du coup, les prochains albums seront sur le feu, la terre et l'air (rires). On attend de leurs nouvelles ! Retrouvez-les sur : Leur page Facebook https://www.facebook.com/exylem/ ● Leur Bandcamp https://exylem.bandcamp.com/ ● Le site de leur label, Endless Decrepitude Productions https://www.endlessdecrepitude.com/ ●

Avez-vous des influences particulières?

Qu'est-ce que vous voulez dire ?

On en a quelques unes en commun mais on n'écoute pas les mêmes choses pour autant. Elles vont du hip hop au death metal en passant par le punk hardcore. C'est assez varié.

On est allé à la Roucarié (un lac au nord d'Albi). Au départ, on voulait juste montrer sur la pochette une main sous l'eau mais on y arrivait pas. Surtout qu'Olivier était sur un

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Candélabre : une musique sombre et évanescente Nouvelle formation toulousaine, Candélabre s'apprête à faire ses débuts discographiques après avoir foulé nombre de planches. Composé de Cindy (chant), Michaël (basse et claviers) et Anthony (guitare), ce trio nous livre un premier EP sorti d'abord chez BLWBCK (« Blow Back ») - label de trublions qui hantent la ville rose - en cassette puis en CD sur Solange endormie Records - nouveau label fraîchement éclos. L'occasion était trop belle pour ne pas faire la rencontre de ces porteurs d'ombres autant que de lumières. Pour commencer, comment le projet a-t-il vu le jour ? Cindy C'était en en avril 2017, le jour de mon anniversaire. Anthony et Michael, qui jouaient déjà ensemble, m'ont approché avec quelques idées de morceaux en stock. J'ai ensuite fait un road-trip aux États-Unis, puis on s'est vraiment mis au boulot. Comment s'est déroulé ce travail justement, cet enregistrement? Cindy L'enregistrement a commencé pendant les fêtes, on a tout

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fait nous-même. Notre label a voulu attendre pour qu'on le sorte. C'était absolument pas dans les règles de l'art (rires), mais on est contents du résultat. On s'est bien débrouillés au final. BLWBCK a voulu attendre pour le sortir parce que la période des fêtes de fin d'année n'était pas l'idéal en termes de timing. Michaël On a enregistré les instruments d'un côté et Cindy a capturé ses parties vocales dans une cave aménagée avant de pré-mixer le tout. Vous êtes chez BLWBCK... Parlez-nous un peu de ce label. Cindy C'est un label qui fait dans la musique plutôt extrême. D'ailleurs, ils aiment bien les extrêmes puisqu'ils ne font que des cassettes et du digital (rires). Je suis très heureuse parce que j'aime vraiment leur catalogue. Pourriez-vous définir la musique de Candélabre? Michaël Puisqu'il faut mettre des étiquettes, on peut dire que c'est un mélange de cold wave (style vaporeux qui succéda au punk, dans les années 70-80. Il est représenté, entre autres, par Siouxsie & The Banshee) et de shoegaze (sous-genre du rock

alternatif, aux sonorités plutôt introspectives, avec une utilisation massive des pédales d'effet. La complémentarité de ces deux caractéristiques a donné son nom au genre.Il y a quelque chose

de tendu et d'évanescent, de froid et de sensuel. Anthony On a des influences assez variées et complémentaires: Ride, Chelsea Wolfe, Slowdive, Cocteau Twins, Lift To Experience et, bien sûr, Dead Can Dance. Avez-vous des thèmes ou des concepts récurrents? Cindy J'ai tendance à mélanger un contexte religieux avec des histoires imaginées. C'est déjà le cas dans mon autre projet : Lisieux. Quels sont vos projets dans l'immédiat? Michaël On vient de sortir le EP en CD sur Solange endormie Records et on va préparer la suite prochainement. Anthony Des concerts, le plus possible. Sacha Lopez


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Aristote vous a menti, vous avez plus que cinq sens ! Le goût, le toucher, l’odorat, la vue et l’ouïe. Cette liste de nos cinq sens, définie par Aristote il y a 2300 ans, reste encore aujourd’hui pour beaucoup la liste exhaustive. Mais, comme toutes les vérités millénaires, les scientifiques contemporains les ont remises en cause. Le chiffre de cinq n’était pas assez pour eux puisqu'il est maintenant reconnu dans la communauté savante que nous possédons au moins neuf sens. Rien que ça ! Quels sont-ils ? Premièrement, l’équilibre, aussi appelé l’équilibrioception par nos chères blouses blanches, qui n’a pas besoin d’introduction. Il y a aussi la proprioception grâce à qui nous savons où se trouve nos parties du corps même les yeux fermés. Ainsi, nous pouvons par exemple taper des mains sans les regarder. La nociception, sans laquelle nous ne serions pas en vie, nous permet de ressentir la douleur. Enfin, le dernier sens généralement incontesté par les chercheurs est la thermoception, sans surprise le sens permettant de percevoir la température. Pour les scientifiques les plus fantasques, cette liste peut atteindre jusqu’à vingt-et-un, dépendamment de la définition d’un « sens » par le chercheur. Cela peut vous sembler dérisoire de savoir que l’on a neuf, onze, voire vingt-et-un sens au lieu de cinq, mais rappelez-vous de cette anecdote pendant vos parties de Scrabble ou pendant un rencard Tinder avec une personne en première année de médecine... Cela vous permettra de gagner votre partie ou peut-être même l’affection de votre date. Hugo Raynaud

Les Couilles sur la Table L'année dernière a représenté un tournant majeur dans la perception du harcèlement, des relations hommes-femmes, de la drague... La libération de la parole longtemps étouffée des victimes d'agressions sexuelles a soulevé bien des débats et fait couler beaucoup d'encre, trop souvent de manière réactionnaire et peu constructive. Au milieu de toute cette agitation, quelques initiatives ont redonné confiance aux rédacteurs de L'Alouette, montrant que cette prise de conscience a donné naissance à des réflexions, des pistes, et une envie de déconstruire les intériorités toxiques de notre société patriarcale. L'émission Les Couilles sur la Table fait partie de ces initiatives. À l'origine, il s'agit d'un podcast diffusé sur Binge Audio, un site hébergeant quelques émissions fort intéressantes (dont Kiffe Ta Race, co-animée par Rokhaya Diallo et Grace Ly). Également mis en ligne sur YouTube et proposée par Victoire Tuaillon, le programme se découpe en épisodes thématiques visant à déconstruire les masculinités ; une notion mise au pluriel puisque les problématiques ne sont pas les mêmes selon l'âge, la classe sociale ou encore l'origine des hommes. Avec le concours de spécialistes, d'universitaires, d'artistes, d'écrivains et d'autrices, c'est à partir de sujets parfois banals (e.g., l'automobile, le sport) que Victoire Tuaillon nous permet d'ouvrir des portes étonnantes et de questionner certaines de nos pratiques sociales, jetant un regard bienveillant et toujours argumenté sur les sujets traités. Passionnant, leur travail nous permet de remettre en perspective beaucoup de phénomènes qui semblent aller de soi. Une émission d'intérêt général ! Sacha Lopez L'Alouette no 10 ● 29


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Curupira, la culture du bon sens ou la cafétéria éthique au centre de l'UFR de psychologie Curupira ? Un mot des plus fantasques se diront certains. Titre d'un étrange récit mythologique des forêts brésiliennes, Curupira raconte l'histoire d'une créature invraisemblable ayant l'apparence d'un jeune garçon aux pieds retournés et au cheveux oranges vifs ayant pour sacerdoce de tromper les humains qui voudraient abuser des denrées qu'offre l'environnement amazonien. Devenu dans l'esprit des étudiant.es du Mirail synonyme de bons plats végétariens à prix accessible, l'expression « Curupira » n'est aujourd'hui plus à mettre au rang des inconnues puisque la très populaire cafétéria culturelle de l'UFR de psychologie l'a adoptée comme nom et emblème. Rencontre avec Rémi Maître, un des créateurs à l'origine de ce projet à la fois culinaire et politique.

Bonjour, Rémi ! Qui êtes-vous et pouvez-vous nous présenter votre parcours universitaire ? Je suis un des membres fondateurs de Curupira. J'ai repris mes études à l'âge de 28 ans en licence sociologie-économie à l'UT2J, puis je suis passé en Master Nouvelle Économie sociale, un cursus orienté à la fois vers la recherche et la professionnalisation. Ces deux années m'ont initié à la créativité collective dans le domaine de l'en-

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trepreneuriat. Elles ont pour but de répondre aux problèmes contemporains, que ce soit du point de vue social, alimentaire ou politique. Ce Master forme de futurs gestionnaires d'entreprises coopératives et soutient les porteurs de projet. Il y a aussi la dimension recherche qui est importante puisque cela fait sens avec ce qu'on appelle le domaine de « l'économie sociale », qui comporte cet aspect de recherche scientifique mais qui veut aussi mettre en place des réponses concrètes aux problèmes actuels.

La cafétéria Curupira est ce qu'on appelle une « SCOP ». Dans les faits, qu'est-ce-que c'est ? Cela veut dire « société coopérative et participative ». Avant on employait plutôt le terme de « société coopérative ouvrière de production ». C'est une expression en lien avec le régime de croissance qui a fait suite à la Seconde Guerre mondiale où les pays industrialisés ont vu monter en puissance une certaine forme de compromis social où la négociation salariale a pris beaucoup d'ampleur. On voyait apparaître une forte mobilisation dans les sociétés du Nord encore industrialisées, notamment en France. Les sociétés coopératives de production faisaient alors sens parce qu'elles s'ins-

crivaient dans une démarche où les salariés étaient aussi des coopérateurs dans l'entreprise. Aujourd'hui, on appelle les SCOP des « sociétés coopératives et participatives » parce qu' il y a moins d'ouvriers en France qu'à l'époque et que cette organisation s'élargit beaucoup à des domaines qui sont plus variés.

S'il y a eu un glissement dans la signification du sigle « SCOP », c'est parce que la notion d'« ouvrier » est dépassée ? Une des questions qu'on peut se poser c'est justement si la notion est vraiment dépassée. C'est dans une certaine mesure le cas chez nous, dans les sociétés qu'on appelle « post-industrielles », puisqu'elles se sont tournées vers la tertiarisation. Il y a par ailleurs toujours beaucoup d'ouvriers dans d'autres pays. Les industries n'y sont pas totalement concentrées. Cet éclatement fait que les mobilisations, les collectifs et les solidarités qui s'y étaient engagés n'ont pas pu résister.

Qu'est-ce qui fait la spécificité d'une SCOP par rapport aux autres entreprises ? L'idée c'est que le salarié soit aussi un entrepreneur, c'est-à-dire qu'il soit proprié-


Magazine taire de ses propres moyens de production. C'est une sorte de compromis social. Le but c'est qu'il n'y ait pas qu'un décideur dans l'entreprise afin de faire disparaître le schéma où on a un propriétaire unique du capital d'un côté et des salariés qui travaillent pour lui de l'autre. Là, ils travaillent pour euxmême. Il y a une horizontalité dans la gestion de l'entreprise. Plusieurs formes de SCOP sont possibles. Celle que nous essayons de mettre en place est de type « autogestion ». Nous ne sommes pas que des salariés, on est aussi sociétaires. Pour l'instant nous ne sommes que trois mais on sera peut-être quatre bientôt. Puisque chacun a acheté une part sociale de l'entreprise, chacun est son propre patron.

Vous avez en ce moment une employée. Si tout va bien, c'est elle qui fera partie des sociétaires ? Oui, exactement. L'idée, c'est de créer une alternative au salariat. Le salariat est une

relation de subordination entre le détenteur du capital et le salarié qui, lui, ne dispose pas de ses propres moyens mais doit exercer sa force selon les ordres qui lui sont donnés. Nous cherchons à mettre en place une alternative à ce système.

Il y a des personnes qui pensent que pour le bon fonctionnement d'une entreprise, il faut qu'il y ait des personnes décideuses et d'autres personnes qui obéissent. Comment marche l'horizontalité ? Comment faites-vous pour vous mettre d'accord lorsqu'il faut prendre une décision ? Le concept de fonctionnement vertical, majoritaire, vient des fondements du christianisme. C'est probablement l'une des seules religions où le dieu s'est incarné. Son corps s'est matérialisé dans la figure du Christ. Historiquement, c'est de là que vient la croyance qu'une personne unique détient la solution exclusive à un problème, qu'elle seule va pouvoir diriger les choses. Nous, on

postule qu'il y a d'autres possibilités. Cette démarche s'apprend, mais il faut avoir l'habitude de travailler très jeune en collectif pour savoir écouter les autres. Prendre des décisions aussi ça s'apprend... Si dans cinq à huit ans Curupira existe toujours, c'est que ça aura marché. C'est quand même un projet unique en France de développer une Scop dans une université et de proposer une alimentation locale, saisonnière et végétarienne. On a choisi de faire tout nous même, en essayant de répondre à la demande des étudiants, particulièrement concernant les prix que nous proposons. On voit tous les jours le formidable engagement et l'investissement que cela demande. Le temps nécessaire à la préparation sur place de nos plats met d'ailleurs beaucoup de tension sur les épaules de l'équipe.

Delphine Drècourt

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Marie-Ludivine à votre écoute

Mon chat me fixe pendant l’amour, est-ce qu’il me juge ? Après avoir consulté une vétérinaire, je suis en mesure de vous rassurer : vos ébats n’intéressent que vous. Il n’y a aucune raison pour que votre chat associe vos performances de chambre à ses propres activités copulatoires1, ou, comme s’interroge ce névrosé de Derrida, qu’il considère la fermeté de vos fessiers. Mon regard de spécialiste me fait cependant m’interroger : n’êtes-vous pas en train de transposer vos propres perversions sur votre innocent félin ? Posez-vous la question : n’êtes-vous pas vous-même tenté par le voyeurisme ? Soyez honnête avec vous-même, et laissez votre matou en dehors de tout ça. Si vous vous vous montrez incapable de rationaliser, des solutions existent pour repousser le problème, y compris dans un studio. La plus évidente est de nourrir votre chat juste avant vos galipettes, afin de détourner son attention de vos corps en mouvement. Vous pouvez aussi l’installer devant une vidéo d’oiseaux, ou encore sortez son jouet préféré pendant vos moments intimes. Bonjour, je me demandais si vous pouviez m'aider, mon copain me répète que je devrais m'épiler plus souvent, et je sais que je suis censée être dépendante et sûre de moi et tout, mais je ne sais pas comment lui refuser quoi que ce soit. Merci et bonne journée. Chère Inconnue, navrée de vous l’apprendre, mais vous sortez probablement avec un partenaire de catégorie G.C.P.2. Heureusement, certains peuvent être éduqués sur le tard. Pour cela, munissez-vous d’un épilateur électrique ou d’une bande de cire froide, et appliquez le matériel adéquat sur une zone sensible et poilue de votre partenaire. Afin de prévenir tout refus, titillez-le sur sa virilité en présentant cela comme un défi (si vous le faites sur vous, lui ne sentira rien, non ?). Une technique alternative consiste à prétexter un nouvel amusement d’ordre sexuel afin d’attacher fermement pieds et mains au lit. Le bâillon est optionnel, mais cependant utile. Le G.C.P. devrait à présent se montrer beaucoup plus conciliant avec votre pilosité, qui est très bien là où elle est et n’a pas besoin de son avis. Ne culpabilisez pas de peiner à garder votre indépendance pileuse : il est peu aisé de contrarier la personne qu’on aime, et le doute s’immisce facilement lorsque cela touche à des questions aussi intimes, surtout lorsque vous allez à contre-courant de ce qu’on vous a appris. Bonjour, je ne comprends pas, à chaque fois que j'envoie une dick pic non sollicitée, la destinataire arrête de me parler ou bloque mon numéro. Dois-je en déduire quelque chose ? C’est une question bien salubre que vous vous posez là ! J’y répondrai simplement : que chacun garde la vue non désirée de son pénis pour lui, et la bonne entente sera préservée.

1 N’oubliez pas de faire castrer vos animaux, c’est important pour leur bien-être, et les refuges sont pleins ! 2 Gros Crétin Patriarcal.

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Magazine Critique littéraire Alan Moore, un nom qui résonne dans la tête de millions d'amateurs de comics depuis maintenant près de quatre décennies. Mais qu'en est-il de son travail de romancier, aussi brillant qu'injustement méconnu ? Au début des années 1990, Moore se lance dans un projet fou, qui le mènera au-delà de tout, et spécialement au-delà de lui-même, engendrant le tome inflammatoire, plein de soufre, qui nous intéresse aujourd'hui : La Voix du Feu. Et quel tome !!! Un incendie, une colonne de flammes engloutissant des siècles d'histoire appartenant à Northampton, la ville natale et létale de son boutefeu de chroniqueur. Exhumant les fantômes de son passé aussi riche que tourmenté, creusant dans les cicatrices parfois invisibles de cette bourgade située à quelques encablures de Londres, à la fois martyre et sublime, il nous livre douze contes, douze rapports, douze fragments ; échardes échappées d'un âtre sans fond, ni murs pour les contenir. On y suit une procession, une frise de personnages divers et abondants : croisés, fermiers, chasseurs antédiluviens, saints, pécheurs, sorcières, fous, comploteurs, chamanes, thaumaturges, représentants de commerce, etc. Ils avancent peu à peu vers nous, au fil de récits inextricablement imbriqués, liés dans un creuset de forge où tout converge. Grandes et petites histoires, réalité et fiction, cartes et territoires ne font désormais plus qu'un dans une flambée littéraire à la puissance primaire, à l'architecture infernale. Ils viennent vers nous du fond des âges, formant une fresque au long cours, un rougeoiement qui fait long feu. Toujours à la première personne, ils chantent, crient, pleurent et supplient. Ils errent, perdus et retrouvés tout à la fois, dans des espaces liminaux où les souterrains rencontrent l'air libre, là où s'épanouis-

La Voix du Feu sent champs de crémation et toutes les sortes de bûchers. Si chaque personnage amène avec lui ses mots et leurs tournures multiples, chacune de ces intonations ne fait que porter les diverses mues d'un même souffle, les révolutions d'un même cercle. La voix des flammes y prend alors les atours du langage des anges. Qu'il s'agisse d'un garçonnet du Néolithique à l'esprit lent, d'un enquêteur du Trésor romain ou d'une nonne estropiée, chacun nous confesse une même vérité cachée, crachant quelques étincelles glorieuses dans leurs infortunes scellées par de funestes intersignes : immenses chiens noirs comme la suie, têtes sans corps mais pas sans langue et jambes mutilées dansant autour d'un feu de joie... L'auteur lui-même n'y échappe pas. Il n'est finalement qu'un personnage de plus dans son propre récit, pris dans la trame occulte et ésotérique de ses terres anciennes, à la fois totalité et partie des artères ancestrales de cette ville hantée par des mouvements chthoniens terribles et superbes. Il donne vie à des images au surréalisme si humain qu'elles en sont presque douloureuses. Sa force de frappe est d'une puissance biblique et il fallait au moins cela pour capturer le coeur de son monde, le centre névralgique de son existence, sa Jérusalem de misère et de gloire. Il y aurait tant à dire sur ce livre singulier que je ne saurais en faire le tour. Neil Gaiman le fait admirablement bien dans une très belle préface. Perdez-vous donc dans ces entrelacs à l'ardeur vénéneuse, mystique et païenne. Sautez dans la fournaise, ouvrez à votre convenance la porte de cet Hadès d'encre et de papier. Vous en ressortirez étourdi, roussi mais heureux et repus, à défaut d'être indemnes...

La Voix du Feu Alan Moore 2005 ActuSF 371 pages

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Divertissement

Recette végétarienne Cake aux olives

Ingrédients 200 g de farine ; 1 sachet de levure ; 3 oeufs ; 1 pincée de sel ; poivre ; 10 cl d'huile d'olive ; 10 cl de lait ; 100 g de gruyère ; 1 brocolis ; 2 carottes ; beaucoup d'olives. Un samedi matin d'automne, lorsque la fraîcheur sur votre visage se fait sentir, passez par l'étape marché. Vous y découvrirez sérénité et producteurs locaux. Une atmosphère idéale pour se familiariser avec Madame Carotte et Monsieur Brocolis. Mais lorsque vos joues se mettront à rougir, ce sera le signe qu'il faut rentrer. Après cette belle aventure, quoi de mieux qu'un bon cake aux olives pour réchauffer les coeurs ? Plongez quelques minutes dans l'eau bouillante de petites têtes de brocolis préalablement taillées. Faites préchauffer votre four à 200o C et découpez les carottes en julienne. Vous agrémenterez un grand saladier de farine, levure, oeufs, sel, poivre et huile d'olive. Mettez de l'ambiance avec votre fouet avant d'inviter le lait chaud, le fromage râpé et de nombreuses olives. Ajoutez ensuite les carottes et les brocolis. Puis versez le tout dans un moule à cake préalablement beurré. Enfournez 45 min. Vous pouvez à présent vous détendre et contempler le paysage automnal qui s'étend de l'autre coté de la vitre, bercé.e par la douce odeur qui se dégage de la cuisine. Un thé ou une soupe à la main, les feuilles orangées des arbres vous apaisent. Il est temps de déguster votre cake aux olives, tiède ou froid selon votre préférence. Cindy Dessaigne

Le jeu des dictateurs Relie ces chefs d'État exemplaires à leur pays...

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Divertissement

Horoscope Lettres, Philosophie et musique + IFMI Fac : vous cherchez à allier vos deux passions, la littérature et la musique. Vos remix acidcore des écrits de Molière vous ouvrirons les portes du succès ! Amour : vous avez passé de longues heures à écrire des poèmes enflammés destinés à la charmante personne que vous aimez en secret. Quel dommage qu'elle ait changé de fac avant que vous n'ayez pu les lui envoyer ! Vous décidez d'abandonner les Lettres pour vous réorienter en Philosophie. Stop aux beaux sentiments, vive la raison.

Langues, Littératures et Civilisations Étrangères + IPEAT Fac : « A posse ad esse non valet consequentia » ou « De l'existence d'une chose on conclut à sa possibilité ». Vous ne savez plus exactement ce que cela signifie mais vous le dite souvent, l'air de rien, pour impressionner vos professeurs. Amour : grâce à des locutions latines finement placées en soirée, vous avez un succès fou auprès de personnes plus sexy les unes que les autres. Ce soir vous dînez avec Jennifer Lawrence et Ryan Gosling.

Sciences, Espaces, Sociétés Fac : vous vous rendez à la BU pour faire des recherches afin de comprendre en profondeur les tenants et aboutissants de la mobilisation étudiante. Arrivé devant l'entrée, une trentaine de chaises vous barre la route. L’incongruité de la situation vous ouvre la porte à de nouvelles réflexions. Amour : vous avez lu une étude concernant la dangereuse propagation des MST chez les étudiants. Vous ne couchez plus qu'avec des profs.

Histoire, Arts et Archéologie Fac : Martin Luther King, Marshall Thurgood, Emma Watson à l'ONU… Vous avez appris par coeur tous les plus grands discours de l'Histoire. Vous vous sentez prêt à vous exprimer avec panache et autorité à toutes les futures AG auxquelles vous serez convié. Amour : ne laissez plus vos conquêtes confondre votre collection de mains momifiées et votre sélection de sex-toys. Vos collègues chercheurs commencent à se plaindre.

Psychologie Fac : la sélection fait peur. Tous les jours vous lisez un nouvel ouvrage sur la manipulation mentale dans le but de parfaire votre technique. Vous réussirez à amener habilement vos professeurs à vous choisir. Amour : ce kangourou qui fait des crêpes en porte-jarretelles revient sans cesse dans vos rêves. Vous ne savez pas comment interpréter cet objet de fantasme.

ISTHIA Fac : vous contactez l'équipe de L'Alouette afin qu'elle parle de votre filière. Il faut être honnête, tout le monde ignore votre existence. Amour : vous découvrez que votre âme soeur est en réalité... votre soeur. Une histoire compliquée de famille. Pour trouver la force d'assumer cet amour interdit, vous décidé de gagner en charisme : vous vous faites pousser une moustache. L'Alouette no 10 ● 35


Agenda Chaque mois Tous les premiers

lors de la pleine lune

dimanche du mois de

à la Cave Poésie René Gouzenne

10h à 18h au marché des créateurs place Saint-Pierre Les Dimanches de créateurs où vous pourrez trouver des créations originales, artisanales, artistiques, etc.

a lieu une scène ouverte qui permet à ceux et celles qui le souhaitent de monter sur les planches pour la performance artistique de leur choix. Inscriptions ouvertes 15 jours avant le grand soir si vous désirez participer, et comptez 4 euros si vous voulez venir regarder ! (21 janvier, 19 février, tous les soirs de pleine lune...)

Tous les vendredis de 18h30 à 20h (joueur.ses confirmés) et de 20h30 à 22h (passionné.es moins confirmés) Vous avez toujours rêvé de vous retrouver au panthéon des meilleur.es joueur.ses d'échecs ? Faites dès maintenant glisser votre reine avec doigté grâce aux cours d'Andreas, maître FIDE au Club d’Échecs international de Toulouse situé 5, rue Michel Ange, 31200 Toulouse.

7 décembre 2018 Entre 14h et 17h

Le mercredi 26 décembre à partir de 20h30

en salle D31 à la MDR

à la Cave Poésie René Gouzenne

vendredi

Tu aimes regarder des tragédies de la Renaissance ? Mais tu trouves que les personnages masculins en font parfois TROP ? Viens en discuter à la conférence du professeur Michael Neill sur la masculinité superflue dans la tragédie de vengeance.

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Yakamoz, contes et musiques des Balkans Un projet à la suite des projets de Didier Labbé, empreint de poésie, de surprise, de curiosités, sur les thématiques musicales méditerranéennes.

Un mercredi sur deux, prochains rendez-vous le 21 novembre, 5 décembre 2018 et 16 janvier 2019 au Centre culturel Belegarde L'association Toulibre vous invite à découvrir les joies du logiciel libre. Fi de Windows et de MacOS, dites « Bonjour ! » à Linux et à sa gratuité. Si vous voulez en savoir plus sur ce système d'exploitation aux très nombreuses possibilités, rendez-vous sur le site www.toulibre.org.

Du mercredi 12 au jeudi 27 décembre à l'espace Bonnefoy, 4 rue du Faubourg Bonnefoy Humanitaire M’Boro – Une exposition organisée par l'association humanitaire qui partage ses histoires, ses vents, ses yeux, ses écoutes et ses expériences à travers des photographies prises au Sénégal. Photographies de Hélène-Marie Pambrun, Méro Raja & Chloé Sérignac


Associatif

À la découverte d'associations Dé à une face « Dé à une face » est une association oeuvrant pour la démocratisation, l'aide à la création et la professionnalisation du jeu de rôle. Mais avez vous seulement déjà entendu parler de jeu de rôle ? Imaginez tout simplement une bonne tablée d'amis se retrouvant autour d'une histoire interactive dans laquelle ils jouent un rôle qu'ils viennent tous enrichir de leurs idées les plus farfelues, ou encore la possibilité de créer un univers solide, vivant et détaillé que l'on pourrait rendre accessible à tous comme s'il sortait directement de votre tête. Nous parlons bien ici de jeu, mais attendez de voir comme c'est bien plus encore ! « Dé à une face » tient à ouvrir les portes du jeu de rôle à toutes celles et ceux qui pourraient s'y intéresser mais aussi à donner l'opportunité aux gens de s'exprimer et de potentiellement créer. Pour ce faire, nous proposons un certain nombre d'activités, tels que les co-writing, ou les ateliers d'écriture pour accompagner les créateurs dans leur travail, mais aussi des parties-études nous permettant de nous plonger dans cet univers ludique tout en gardant un regard analytique sur notre pratique du jeu. Notre association organise également une fois par an un stage de formation en game design en partenariat avec une maison d'édition : il est à savoir que « Dé à une face » est la seule association proposant une formation en lien avec le jeu de rôle en pays francophone ! Enfin, nous proposons également un espace de recherche puisque nous avons, ici même à l'université Toulouse - Jean Jaures, ouvert une ludothèque comportant de nombreux recueils sur le thème du jeu de rôle et de ses multivers variés. La ludothèque de « Dé à une face » est la première bibliothèque universitaire dédiée à la pratique du jeu de rôle de France ! Celle-ci se trouve à la MIE (Maison des initiatives étudiantes) de l'UT2J, dans le bureau 122. Dans la même veine, des conférences sur le game design et le jeu seront organisées régulièrement à partir du début de l'année 2019.

Vous pourrez vous tenir informés de nos activités et nos projet à venir via notre page Facebook. N'hésitez pas à nous contacter pour plus d'informations ou si vous avez des questions ! À bientôt. Infos pratiques facebook.com/d1face facebook.com/LudothequeD1 lesecretariat.d1@gmail.com Horaires Co-working L'anartiste Tous les jeudis 18h – 22h Permanence ludothèque MIE bureau 122 Tous les mercredis 12h30-17h



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