Pol Taburet, OPERA III "The Day of Heaven and Hell"

Page 1

Pol Taburet OPERA

III: ZOO

“THE DAY OF HEAVEN AND HELL”

LAFAYETTE ANTICIPATIONS FONDATION GALERIES LAFAYETTE
P. 4 Introduction PAR/BY REBECCA LAMARCHE-VADEL P. 8 Pol Taburet Entretien P. 18 Pol Taburet Interview P. 26 Sélection d’œuvres/ Selected works P. 52 Plan/Map P. 54 Liste d’œuvres/ List of works LAFAYETTE ANTICIPATIONS FONDATION GALERIES LAFAYETTE
PAR ELSA COUSTOU

Rebecca LamarcheVadel

« La vie est un rêve, c’est le réveil qui nous tue. »

« Nous tenons pour inexistant ce qui ne se voit point. »

Éloge de l’ombre, Jun’ichir¯o Tanizaki

L’œuvre de Pol Taburet se loge dans les territoires de la nuit, de l’espace domestique, de la spiritualité ou encore de l’intériorité, des lieux de l’intime, dissimulés, imperceptibles ou inaccessibles. L’artiste y décèle des images d’une grande puissance où s’expriment craintes, fantasmes, rêves, désirs et pulsions, entre le plaisir et la colère d’être au monde. Son travail accorde ainsi une importance primordiale à nos imaginaires, à la manière dont ils fabriquent l’expérience, tangible ou hallucinée, que nous faisons de l’existence. Finalement, Pol Taburet célèbre les zones d’ombre, les territoires plus difficiles à raconter, plus complexes à décrire, plus délicats à partager, propres à l’aventure humaine et à sa relation à l’invisible. On retrouve dans sa peinture les gestes et les obsessions pour le monstrueux d’un Bacon ou d’un Goya qui rencontrent les mondes magiques du jeu vidéo ou du night-club. Ses sculptures, présentées pour la première fois, poursuivent son obsession d’un intérieur domestique hanté par une forme d’absurdité, que les artistes Robert Gober ou Dorothea Tanning ont aussi pu explorer avant lui. C’est un honneur de présenter les œuvres de Pol Taburet pour sa première exposition monographique dans une institution à la Fondation Lafayette Anticipations, que les équipes et sa commissaire Elsa Coustou ont pu accompagner. Tous mes remerciements vont à Pol Taburet pour sa confiance, aux prêteurs, aux auteurs et autrices de cet ouvrage, à ses galeries, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui ont contribué et contribueront à faire résonner l’œuvre de ce regard hors du commun.

7
Introduction
INTRODUCTION

“Life is a dream. ‘Tis waking that kills us.”

“The unseen for us does not exist.”

In Praise of Shadows, Jun’ichir¯o Tanizaki

Pol Taburet’s work is embedded in the territories of the night, of domestic space, of spirituality, or even of interiority—places of intimacy which are hidden, imperceptible, or inaccessible. The artist reveals images of great power through which fears, fantasies, dreams, desires, and impulses are expressed, somewhere between the pleasure and the anger of being in the world. His work thus gives primacy to our imaginations, to the way in which they produce our experience, whether tangible or hallucinated, of existence. Finally, Pol Taburet celebrates the grey areas, the territories that are more difficult to recount, more complex to describe, more delicate to share, specific to the human experience and its relationship to the invisible. In his paintings, the gestures and obsessions for the monstrous of a Bacon or a Goya meet the magical worlds of the video game or the nightclub. Exhibited for the first time, his sculptures extend his obsession with a domestic interior haunted by a form of absurdity, which the artists Robert Gober and Dorothea Tanning explored before him. It is an honour to present the works of Pol Taburet for his first solo exhibition in an institution at the Fondation Lafayette Anticipations, put together by our team and the curator Elsa Coustou. I would like to thank Pol Taburet for his trust, the lenders, the authors of this publication, his galleries, and all those who have contributed and will contribute to making the work of this extraordinary artist resonate.

9
INTRODUCTION

Pol Taburet

ELSA COUSTOU Peux-tu nous parler de la genèse de l’exposition OPERA III: ZOO “The Day of Heaven and Hell” ? La Fondation y est métamorphosée en un intérieur domestique et la notion d’intimité y semble omniprésente.

Entretien

POL TABURET J’ai toujours eu l’idée de créer un espace intérieur dans l’exposition, un espace idyllique dans lequel je me baladerais, avec plusieurs pièces confortables. J’ai depuis longtemps cette fascination pour les objets d’intérieur, je me dis qu’ils ont une forme de vie, qu’ils sont chargés, et je cherche à faire vivre leur aura. Créer un intérieur domestique est pour moi une façon de donner à voir un espace vivant qui provoque des réactions variées. Transformer la Fondation ainsi fait que le·la spectateur·rice s’y sent comme l’intrus·e, plongé·e dans l’intériorité d’un·e autre. C’est ce que peut susciter la notion d’intimité. On peut se sentir autant invité·e à entrer dans un espace qu’exclu·e de celui-ci, comme si l’on dérangeait. L’exposition doit provoquer le sentiment d’être dans un endroit où l’on n’est pas censé·e être.

C’est ce que font mes personnages dans l’exposition, ils invitent les spectateur·rice·s, mais les laissent extérieur·e·s aux scènes représentées. On retrouve également ce processus avec les sculptures. Par exemple, dans l’œuvre Ô… Trees, les sculptures ont des yeux mais pas de pupilles, elles sont comme des zombies, des corps sans vie qui continuent à vivre et à agir. Le·la spectateur·rice se retrouve confronté·e à ces visages, il·elle entre dans un espace qui le·la met dans une position d’inconfort. Cette sensation est aussi procurée par la déformation de certains objets qui sont agrandis, comme le petit train d’enfant dans Soul Trains. Dans mon esprit, ce sont autant des trains, objets avec lesquels on joue, qu’on cogne sur les murs, que des cafards augmentés ou des chiens. Certaines œuvres évoquent le monde de la chasse, qu’on retrouve dans My Dear, un rapport entre prédateur·rice et proie, alors que d’autres œuvres paraissent endormies, ou en attente.

Elsa Coustou

ENTRETIEN

11

Ton œuvre est en effet peuplée de différents personnages. Parmi eux, on retrouve notamment des figures récurrentes à tête de pointe. Qui sont-elles ?

P.T. Ces figures à tête de pointe sont au centre de mes recherches. Je construis un mythe, une narration autour de ces personnages, presque comme un film. J’ai d’ailleurs pensé l’exposition à la manière d’un décor de film dont ils seraient les personnages principaux. Le premier acte met en lumière des structures relationnelles qui sont tout sauf sereines : j’aspire à exposer des moments tragiques et dramatiques de l’existence, empreints de passion. Cela se manifeste aussi bien dans les drames amoureux que dans la pulsion sexuelle et animale, inhérente à chaque individu. Ma peinture dépeint la violence, mais également la fragilité de l’être. Le second acte de l’exposition se veut être un moment de floraison, d’épanouissement et d’expression de la force vitale des corps. Il s’agit d’invoquer, d’une part, une dimension immatérielle et spirituelle, qui s’approche du divin, et, d’autre part, de convoquer des mondes liés à l’esthétique de l’enfer. Ces deux dimensions se retrouvent dans beaucoup de mes peintures.

E.C. Tes œuvres montrent souvent l’ambiguïté d’une situation, une tension entre la violence des relations et la source de plaisir qu’elles représentent. Plusieurs traitent de la dimension érotique des corps et, en même temps, laissent poindre une menace.

P.T. L’exposition parle de la relation ambigüe à l’autre. Je m’intéresse à la frontière entre ce qui est raconté et ce qui est suggéré. J’ai plusieurs références, dont la peinture classique, qui est faite pour dire beaucoup, éduquer, raconter, au travers de scènes historiques par exemple. Il y a aussi énormément d’abstraction dans mon travail, ce qui demande au public un effort

d’interprétation. Il y a également des influences esthétiques sadomasochistes : les visages peints ressemblent à des masques de cuir. Dans mes peintures, on reconnaît certains éléments, mais on reste toujours dans une sorte de flou, d’incompréhension. On décèle une forme de violence, des scènes d’attraction et de répulsion, qui séduisent mais laissent poindre un danger. La fontaine Belly, par exemple, évoque quelque chose de léger par la pureté de ses lignes, mais également quelque chose de menaçant, de dangereux, de lourd dans le choix des matériaux. C’est cet impact et ce contraste visuel que je recherche dans mes œuvres.

E.C. On retrouve cette notion de prédation avec l’évocation du zoo, auquel le titre de l’exposition fait référence, qui est un espace qui met mal à l’aise.

P.T. Dans l’exposition, on se retrouve pratiquement face à des animaux en cage. On est à la fois la bête qui se fera dévorer et celle qui dévorera ses proies. L’exposition est pensée comme une sorte de terrain de chasse, un espace de vie où des animaux et insectes interagissent les uns avec les autres. Plus je regarde Fork Melody, plus je me dis que cette œuvre pourrait représenter la proie d’une araignée prise dans sa toile. Les sculptures d’Ô… Trees me font penser à des lucioles qui brillent ; la fontaine Belly pourrait être l’araignée ; les Soul Trains sont des insectes rampants. Et le rapport d’échelle et d’inversion les rend grotesques.

E.C. C’est la première fois que tu crées des sculptures. Elles peuplent l’ensemble de l’exposition et on pourrait les considérer comme un ensemble de voix, tantôt solistes, tantôt formant un chœur lorsqu’elles sont démultipliées, fidèlement à l’idée d’une exposition-opéra.

E.C.
ENTRETIEN ELSA COUSTOU & POL TABURET 12 13

Je voulais faire de la sculpture depuis longtemps. Au tout début de ma pratique, j’ai commencé par de la céramique, mais c’était à petite échelle et je manquais de moyens techniques. La sculpture a toujours été présente dans ma tête, mais irréalisable, et se retrouvait dans mes peintures. Pour l’exposition, ça a été une vraie maturation, qui a pris du temps et qui m’a permis d’arriver à ces formes, quelque part entre l’objet et le corps animal ou humain. J’ai une fascination pour l’objet : un objet dans l’espace a une force, il influe sur notre déplacement, notre corps, notre regard. Il dialogue avec nous. Dans mes toutes dernières peintures, il y a aussi ces objets qui influencent ou contraignent les corps. J’ai cherché à donner à entendre visuellement les sculptures. J’ai pensé l’exposition comme un zoo de sculptures. L’idée d’opéra permet de les structurer, et en les regroupant, je leur donne une voix, une personnalité. L’idée est de faire parler un objet. Qu’est-ce que ça dirait, un objet ? Quel est le bruit d’un corps qui souffre ? Fork Melody évoque le bruit des fourchettes qui crissent, mais aussi ce que serait le chant des clous que l’on frappe.

E.C. Beaucoup de tes peintures me font penser au sentiment d’inquiétante étrangeté, décrit par Sigmund Freud comme une angoisse qui surgit d’éléments familiers.

P.T. Oui, je cherche à aller vers l’inquiétant, vers ce que l’on pressent comme une menace. Je peins la nuit, c’est là que je me sens le mieux, et je me retrouve dans un climat très particulier où j’ai l’impression que les choses s’animent. La journée, je gratte les peintures, j’enlève les couches d’erreurs de la veille. C’est épuisant, mais à la fin, il y a des choses qui apparaissent d’elles-mêmes dans les œuvres. Il y a en psychanalyse cette idée qu’en regardant un objet, on entre en dialogue avec lui ; il n’y a pas que moi qui regarde l’objet, l’objet aussi me regarde. Faire exister quelque chose par le regard, entrer en

communication avec, je trouve ça fascinant. Et je pense que dans le vaudou, par exemple, cette communication entre les éléments est très importante. Ainsi, ce qui paraît inerte ne l’est pas tout à fait, parce que ça influe sur nous. L’inquiétante étrangeté me parle beaucoup. Le premier acte de l’exposition est celui de l’étrange, du malaise autour de l’intime ; alors que le second acte est plutôt un moment de renaissance.

E.C. L’exposition évoque en effet les instants de transition, des états « enfantins » où les peurs ne sont pas maîtrisées, ou sont incomprises, et d’autres plus « adultes », avec d’autres clefs de lecture et de compréhension du monde. Tu évoques le vaudou, je pense aussi aux nombreuses références à la mythologie, notamment gréco-romaine, aux récits bibliques, aux contes illustrant les grands passages de la vie qui sont évoqués dans l’exposition. Quel rôle les mythes jouent-ils dans ton travail ?

P.T. La mythologie, la religion chrétienne, le vaudou et leurs images m’ont toujours accompagné. J’allais à l’église avec ma grand-mère. Les récits qu’on me racontait enfant, ou ce que je voyais à la télévision, comme le film Jason et les Argonautes de Don Chaffey (1963) que j’ai regardé des dizaines de fois, ou encore La Planète sauvage de René Laloux (1973), ont énormément nourri ma peinture, comme l’histoire de l’art et le cinéma. Le mythe peut aussi être entendu dans un sens contemporain, tout le monde crée des mythes autour de soi aujourd’hui, comme par exemple les Kardashian. Je pense que l’aura peut créer des icônes, même au sens d’icônes religieuses.

E.C. Peux-tu nous parler de ton approche de la peinture et de tes nouveaux tableaux, qui sont davantage tournés vers le paysage et vers l’extérieur que ceux d’OPERA I et OPERA II, tes deux expositions précédentes ?

P.T.
ENTRETIEN ELSA COUSTOU & POL TABURET 14 15

Je commence à travailler sur une toile noire. Ce que je retrouve dans le noir, avec l’idée de chaos, c’est le champ des possibles. C’est un néant fertile. Je fais d’abord des formes abstraites à l’aérographe. C’est un moment de balbutiements, d’essais, d’erreurs, et j’utilise beaucoup de couleurs différentes. Puis je pulvérise une autre couleur pour laver l’aérographe ; j’ajoute la lumière et les couleurs formant de petites tâches comme une sorte de ciel étoilé. Après, la couleur va venir supprimer, effacer les erreurs. La couleur devient un nouveau champ de création où je vais installer un paysage, un décor. Ensuite, les corps vont prendre forme. Ces champs d’abstraction deviennent un paysage parce que les corps, ces formes figuratives, viennent s’installer dessus. Finalement, ce qui fait le lien entre l’abstraction et la figuration, c’est le corps. C’est lui qui leur donne de la gravité. Dans mes nouvelles peintures, j’ai eu envie de changer les figures et les personnages que je fais d’habitude. Après avoir vu les mêmes personnages qui revenaient et commençaient à former une sorte de panthéon, j’ai souhaité progressivement les effacer. Dans mes tableaux les plus récents, le corps s’est petit à petit effacé, la fenêtre se réduit, le personnage se retrouve en fond. Il y a davantage de rencontres de couleurs qui créent une tension par leur mauvais goût, par le fait qu’elles dénotent. Je n’aurais jamais imaginé aller vers un travail qui se rapprocherait autant de l’abstraction, ou en tout cas pas aussi vite. Je me rends compte que le fait d’avoir beaucoup travaillé sur les mains, les visages, l’expression, le cri, qui sont des images fortes, me donne envie de partir vers quelque chose de différent. C’est pour mon travail un moment de mutation.

P.T.
16
ELSA COUSTOU & POL TABURET
18 19

Pol Taburet

ELSA COUSTOU Can you tell us how the exhibition OPERA III: ZOO “The Day of Heaven and Hell” came about? The Foundation has been transformed into a domestic interior and the notion of private space seems to be ubiquitous.

Interview

POL TABURET I’ve always had the idea of creating an interior space in the exhibition, an idyllic space in which I would walk around, with several comfortable rooms. I have a longstanding fascination with domestic objects. I think they have a form of life, they are charged, and I try to make their aura come alive. Creating a domestic interior is a way for me to present a space that is alive and provokes different reactions. Transforming the Foundation in this way makes the viewer feel like an intruder, immersed in someone else’s interior. This is what the notion of intimacy can bring about. One can feel equally invited to enter a space as excluded from it, as if one were unwanted. The exhibition needs to provoke the feeling of being in a place where one is not supposed to be. This is what my figures do in the exhibition, they invite the viewers in, but leave them outside the scenes that are represented. This same process applies with the sculptures. For example, in the work Ô... Trees, the sculptures have eyes but no pupils— they are like zombies, lifeless bodies that continue to live and act. The viewer is confronted with these faces, entering a space that puts them in a position of discomfort. This sensation is also provided by the deformation of certain objects that are enlarged, such as the little children’s train in Soul Trains. In my mind, they are just as much trains—objects that are played with, that are banged against the walls—as they are augmented cockroaches or dogs. Some of the works evoke the world of the hunt, which appears in My Dear, a relationship between predator and prey, while other works appear to be asleep, or waiting.

E.C. Your work is indeed populated by various characters. Among them, there are recurring figures with pointed heads. Who are they?

Elsa Coustou

21 INTERVIEW

P.T. These pointy-headed figures are at the core of my research. I construct a myth, a narrative around these characters, almost like a film. In fact, I thought of the exhibition as a film set in which they are the main characters. The first act highlights relationship structures that are anything but serene: I want to show tragic and dramatic moments of life that are full of passion. This manifests itself in romantic drama as well as in the sexual and animal drive inherent in every individual. My painting depicts the violence, but also the fragility of being. The second act of the exhibition is intended to be a moment of flowering, of blossoming and of expression of bodies’ vital energy. It is a question of invoking, on the one hand, an immaterial and spiritual dimension, one which approaches the divine, and of summoning worlds linked to the aesthetics of hell. These two dimensions can be found in many of my paintings.

E.C. Your works often show the ambiguity of a situation, a tension between the violence of relationships and the source of pleasure they represent. Several of them deal with the erotic dimension of bodies and, at the same time, hint at a threat.

P.T. The exhibition is about the ambiguous relationship to the other. I am interested in the boundary between what is told and what is suggested. I draw on several references, including classical painting, which is designed to say a lot, to educate, to recount through historical scenes for example. There is also a lot of abstraction in my work, which requires the audience to make an effort to interpret it. There are also sadomasochistic aesthetic influences: the painted faces look like leather masks. In my paintings, certain elements can be recognised, but a kind of blur, of incomprehension always remains. There is a form of violence, scenes of attraction and repulsion, which seduce but also suggest danger. The Belly fountain, for example, evokes something light with its pure lines,

but also something threatening, dangerous, heavy in the choice of materials. It is this impact and visual contrast that I look for in my work.

E.C. We find this notion of predation in the evocation of the zoo, which the title of the exhibition refers to, which is a space that is uncomfortable.

P.T. In the exhibition, the visitor is practically facing animals in a cage. They are both the beast that will be devoured and the one that will devour its prey. The exhibition is designed as a kind of hunting ground, a space of life where animals and insects interact with each other. The more I look at Fork Melody, the more I think that this work could represent the prey of a spider caught in its web. The Ô... Trees sculptures remind me of glowing fireflies; the Belly fountain could be the spider; the Soul Trains are crawling insects. And the ratio of scale and inversion makes them grotesque.

E.C. This is the first time you have created sculptures. They populate the entire exhibition and could be considered as a set of voices, sometimes alone, sometimes forming a choir when they are multiplied, in keeping with the idea of an exhibition-opera.

P.T. I have wanted to make sculptures for a long time. At the very outset of my practice, I started with ceramics, but on a small scale and I lacked the technical means. Sculpture has always been in my head, but it was impossible to achieve, and it was reflected in my paintings. For the exhibition, it was a real process of maturation which took time and allowed me to arrive at these forms, somewhere between the object and the animal or human body. I am fascinated by the object: an object in space has a force, it influences our movement, our body, our gaze. It dialogues with us. In my latest paintings, there

ELSA COUSTOU & POL TABURET INTERVIEW
23 22

are also these objects that influence or constrain bodies. I have tried to make the sculptures visually audible. I thought of the exhibition as a zoo of sculptures. The idea of an opera allows me to structure them, and by grouping them together, I give them a voice, a personality. The idea is to make an object speak. What would an object say? What is the sound of a suffering body? Fork Melody evokes the sound of screeching forks, but also the sound of nails being struck.

E.C. Many of your paintings remind me of the feeling of the uncanny, which Sigmund Freud described as a dread that arises from familiar things.

P.T. Yes, I try to go towards the disturbing, towards what one senses as a threat. I paint at night, that’s when I feel best—I find myself in a very particular atmosphere where I have the impression that things come alive. During the day, I scratch the paintings, I remove the layers of mistakes from the day before. It’s exhausting, but in the end, things appear in the works of their own accord. In psychoanalysis, there is this idea that by looking at an object, one enters into a dialogue with it; I don’t only look at the object, the object also looks at me. I find it fascinating to make something exist through the gaze, to enter into communication with it. I think that in voodoo, for example, this communication between the elements is very important, and so what seems inert is not quite, because it influences us. The uncanny speaks to me a lot. The first act of the exhibition is one of strangeness, of uneasiness around the private sphere; whereas the second act is rather a moment of rebirth.

E.C. The exhibition indeed evokes moments of transition, “childish” states where fears are not mastered, or are misunderstood, and other more “adult” states, with other ways of reading and understanding the world. You mention voodoo, but I am also thinking of the many references to

mythology, especially Greco-Roman mythology, to biblical stories, to tales illustrating the great phases of life that are evoked in the exhibition. What role do myths play in your work?

P.T. I have always carried mythology, Christianity, voodoo, and their images with me. I went to church with my grandmother. The stories I was told as a child, or what I saw on television, such as Don Chaffey’s film Jason and the Argonauts (1963), which I watched dozens of times, or René Laloux’s La Planète sauvage (1973), have greatly influenced my painting, as have art history and cinema. Myth can also be understood in a contemporary sense: everyone creates myths around themselves today, like the Kardashians for example. I think that aura can create icons, even in the sense of religious icons.

E.C. Can you tell us about your approach to painting and your new paintings, which are more landscape-oriented and outward-facing than those in OPERA I and OPERA II, your two previous exhibitions?

P.T. I start working on a black canvas. What I find in black, alongside the idea of chaos, is the realm of possibility. It is a fertile void. I first make abstract forms with an airbrush. It’s a phase of stumbling, of trial and error, and I use a lot of different colours. Then I spray another colour to wash the airbrush and I add light and colours forming small spots like a kind of starry sky. Afterwards, the colour removes or erases the mistakes. Colour becomes a new field of creation in which I set up a landscape, a setting. Then the bodies take shape. These fields of abstraction become a landscape because the bodies, these figurative forms, come to settle within them. In the end, what makes the connection between abstraction and figuration is the body. That’s what gives them gravity. In my new paintings, I wanted to change the figures and characters that I usually paint. After seeing

25 24 ELSA COUSTOU & POL TABURET INTERVIEW

the same characters coming back and starting to form a kind of pantheon, I wanted to gradually erase them. In my most recent paintings, the body has slowly faded, the window narrows, the character recedes into the background. There are more encounters with colours that create tension through their bad taste, through what they indicate. I would never have imagined that I would move towards work that would come so close to abstraction, or at least not so quickly. I realise that the fact that I have worked a lot on hands, faces, expressions, the cry, which are strong images, makes me want to move towards something different. This is a moment of transformation for my work.

26 ELSA COUSTOU &
TABURET
POL

Sélection d’œuvres

Selected works

29
it Rain, 2023
Make
30 31
My Eden’s Pool, 2022 Couch, 2023
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.