La mécanique du regard_ Introduction

LA MÉCANIQUE DU REGARD JADE MARIDORT H I S T O I R E D U C E N T R E - V I L L E R E C O NMémoire S T R U I TdeDMaster U H A V//R2016-2017 E À TRAVERS LES POLITIQUES DE Supérieure LA VILLE DE 1965 À AUJOURD’HUI École Nationale d’Architecture de Paris-Belleville

LA MÉCANIQUE DU REGARD HISTOIRE DU CENTRE-VILLE RECONSTRUIT DU HAVRE À TRAVERS LES POLITIQUES DE LA VILLE DE 1965 À AUJOURD’HUI

JADE MARIDORT Mémoire de Master // Séminaire «Faire de l’histoire» Sous la direction de : Marie-Jeanne Dumont, Françoise Fromonot et Mark Deming. École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville

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REMERCIEMENTS

Je remercie tout d’abord Marie-Jeanne Dumont, Françoise Fromonot et Mark Deming pour la richesse et la qualité de leurs enseignements suivis lors du séminaire «Faire de l’histoire». Je remercie particulièrement Marie-Jeanne Dumont pour ses conseils et l’attention qu’elle a porté à mon sujet.

Je remercie également les personnes de la municipalité havraise qui ont accepté de me recevoir lors d’entretiens, parfois à plusieurs reprises, et qui m’ont accordé leur confiance pour la retranscription de leur discours. Je remercie donc Philippe Pintore, Vincent Duteurtre, Jean Blaise, Joseph Abram, Dominique Dhervillez, Véronique Bonneau-Contremoulins, Laurie-Anne Lecerf, et Clotilde Larrose de leur intérêt pour mon travail mais aussi pour l’enthousiasme et la richesse de leur récit. Je remercie particulièrement Antoine Rufenacht qui par sa gentillesse et son accueil, a gravé en ce travail le souvenir d’un échange inoubliable1 : le témoignage sensible d’un homme passionné par sa ville et dont les mots valent bien des réponses aux problématiques portées par cette recherche. Je remercie le personnel des archives municipales du Havre pour leur aide et disponibilité. Je remercie aussi Henriette Gruel et sa fille Isabelle Daeschner qui ont accepté de me raconter leurs souvenirs d’avant, pendant et après-guerre, réjouissants comme difficiles.

Enfin, je remercie Éléonore Échave, Solenne Plet-Servant et Nathalie Viconte pour leurs relectures attentives.

1 Inoubliable, certes, mais pas «effaçable». Pour l’anecdote, j’ai malencontreusement effacé l’enregistrement de cet entretien réalisé avec Antoine Rufenacht et ce, au moment même où la porte de son bureau se refermait, clôturant un entretien d’une heure et demi pendant laquelle je me rejouissais des précieuses expressions capturées par le dictaphone.

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AVANT-PROPOS

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INTRODUCTION

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CHAPITRE 1 // LE CENTRE-VILLE RECONSTRUIT COMME MÉMOIRE VIVANTE D’UN DOUBLE TRAUMATISME

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LA MÉCANIQUE DU REGARD // SOMMAIRE

SOMMAIRE

A 1944-1965 LE REJET DE LA RECONSTRUCTION // Conséquences du traumatisme des bombardements

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Face à l’incompréhension et la perte de confiance, le rejet devient une réponse stable dans un contexte instable.

En s’attachant aux souvenirs de l’ancienne ville, un imaginaire fantasmé se crée, attribuant à la reconstruction, le rôle d’un étranger néfaste à la cité.

// Conséquences du traumatisme de la reconstruction

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Le rejet d’une architecture qui ne respecte pas les codes d’une société qui s’identifie à l’historicité de sa ville.

La sauvegarde des traces du passé pour tenter de retrouver Le Havre d’avant.

// Distinctions

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Le centre-ville reconstruit : un tremplin pour l’avenir Le temps long de la reconstruction : traumatisme ou état de crise ?

B 1965-1995 LE CENTRE-VILLE RECONSTRUIT : MARGINAL ET PATHOGÈNE // Un centre-ville qui accentue la crise du logement

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Le livre noir du logement : le réquisitoire d’un effort de construction inefficace.

La vacance, un problème réccurent dès les premières constructions.

L’arrivée massive de main d’oeuvre due au développement économique.

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// Le centre devient obsolète face au changement d’échelle du Havre

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Explosion urbain : du littoral aux plateaux. Échec social et fonctionnel du centre-ville reconstruit.

// Symptômes d’une ville en deuil

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Le déclin économique.

Le poids des regards extérieurs.

La nostalgie persistante.

//Début d’une réflexion sur l’image de la ville : La municipalité peine à trouver un nouveau dynamisme

78

1982 : Nouvelle ère de la communication en France.

1984 : Prémices d’une stratégie de communication.

1985 : Études du service de communication 1986 : Conforter la polycentralité «Le Havre a des coeurs».

1990 : Vendre la ville «Le Havre, vous y viendrez !»

CHAPITRE 2 // LE CENTRE-VILLE RECONSTRUIT COMME BIEN COLLECTIF PRÉCIEUX

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A 1984-1995 PRÉMICES D’UNE PATRIMONIALISATION // Le renouvellement du regard scientifique

100

Réflexions sur le patrimoine moderne à l’échelle nationale et internationale.

Quelques acteurs locaux pour défendre la valeur architecturale et urbaine du centre.

// Les débuts d’une politique de valorisation

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Dans un contexte de nécessité identitaire, la municipalité induit une pédagogie du patrimoine en vue d’une meilleure acceptation.

Vers un entretien nécessaire, cohérent et sensible du bâtis «Perret».

// La ZPPAUP, une concrétisation de la valeur patrimoniale La naissance d’un patrimoine Principes et organisation

6

107

116

Le centre reconstruit comme «espace potentiel d’exercice d’un pouvoir».

Patrimonialisation ou instrumentalisation du patrimoine ?

B 1995-2005 PROMOTION ET CONSÉCRATION D’UN PATRIMOINE // Pour rendre les havrais fiers de leur ville : unir, assainir et valoriser

LA MÉCANIQUE DU REGARD // SOMMAIRE

// L’émergence du patrimoine Perret : le fruit d’une conjoncture politique et culturelle

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La nécessité d’atténuer les discontinuités socio-spatiales pour réunir la ville par le projet urbain.

Redorer l’image du Havre.

// La quête d’une reconnaissance

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Construction de la demande d’inscription à l’Unesco.

Promouvoir le patrimoine.

Consécration : L’histoire racontée par Dominique Dhervillez.

C 2005 LA RÉCEPTION DE L’INSCRIPTION : UN ÉVÈNEMENT QUI SUSCITE DES INTERROGATIONS // Des réceptions

147

Parmi les réactions critiques, la surprise prédomine.

Le classement n’est pas compris.

// La population reste en marge de cette démarche

152

La discrétion est de rigueur.

Un manque d’intérêt ?

Passivité et dynamique exogène : un paradoxe havrais.

// Un décalage qui interroge : retour sur les raisons de la demande

157

Des circonstances historiques et politiques favorables.

Réalités ou interprétations : une question de point de vue.

«Le temps fait son oeuvre», le fin mot de l’histoire ?

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CHAPITRE 3 // «ET APRÈS ?» : OUVERTURES CONTEMPORAINES ET PROSPECTIVES

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A LA PRÉSENTATION DU PATRIMOINE RECONSTRUIT AUJOURD’HUI // Entretien avec Véronique Bonneau-Contremoulin et LaurieAnne Lecerf

169

L’inscription au patrimoine mondial : Un engagement à long terme Le plan de gestion : Une traduction projectuelle de la valeur universelle exceptionnelle Entre manque d’attractivité et besoin d’entretien, quel avenir pour les immeubles «Perret» ?

De la ZPPAUP à l’AVAP : Une introduction au patrimoine paysager

B APPRÉHENDER L’HISTOIRE HAVRAISE AUJOURD’HUI // Entretien avec Philippe Pintore

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Fabriquer de la politique publique De la nécessité d’enseigner le regard Un deuil ?

Avoir un certain recul Continuer à protéger ?

Identité havraise et opinion publique Politiques, actions, émancipation Les assises de la Culture 2011

C 2017 : UNE NOUVELLE RENAISSANCE HAVRAISE ? // Entretien avec Jean Blaise

185

Le centre-ville reconstruit, personnage principal d’une histoire racontée par l’art.

// Entretien avec Clotilde Larrose Compréhension locale et communication : Un retard conséquent à rattraper «On ne raconte plus Perret, on le vit»: Faire comprendre par le parcours Originalité et modernité : De nouveaux outils pour regarder le

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188

LA MÉCANIQUE DU REGARD // SOMMAIRE

patrimoine havrais autrement Démocratiser le discours scientifique et l’ancrer dans les consciences Stratégie pour casser l’image de la «mochitude» S’inscrire dans un circuit touristique à grande échelle La place du patrimoine moderne dans les actions du service de Communication

CONCLUSION

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BIBLIOGRAPHIE

203

ICONOGRAPHIE

208

ANNEXE // Entretien avec Joseph Abram

211

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AVANT-PROPOS

En physique, la résilience désigne la capacité pour un corps, un organisme, une organisation ou un système quelconque à retrouver ses propriétés initiales après une altération1. En psychologie, la résilience est la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité2. Selon moi, la résilience est un aboutissement. Celui de la recherche d’une identité perdue. Une identité que l’on ne reconnait parfois qu’une fois trouvée.

La question du souvenir, du devoir de mémoire, de cet attachement au passé revenait toujours sur le papier comme les vagues sur les galets. Cet exercice de «mémoire» a été pour moi, l’occasion de répondre à quelques questions : Accepter un passé est-il une solution pour savoir qui nous sommes ? Ou bien : la revendication d’un patrimoine peut-elle accompagner une ville et ses habitants meurtris par l’histoire, vers une forme de résilience ? Personnelles ou scientifiques, elles se posent en parallèle de toute histoire critique. Architecture et sentiment, ainsi sont les parents, de ce sujet havrais.

1 D’après Wieland, A. & Wallenburg, C.M. The Influence of Relational Competencies on Supply Chain Resilience: A Relational View. International Journal of Physical Distribution & Logistics Management, 2013.

2 D’après B. Cyrulnik, dans une interview accordé au site web «Psychologies», mars 2001.

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Cette recherche est une histoire. Une histoire de regard. Elle nait d’un constat, celui d’un évènement qui a eu lieu, sans se passer.

En 2005, le centre-ville reconstruit du Havre est inscrit sur la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco. Personne n’est au courant. Pourtant, l’évènement n’est pas anodin. « Le Havre, la ville reconstruite par Auguste Perret » est officiellement et internationalement reconnue comme un exemple et un témoignage exceptionnels de la conception architecturale et urbanistique du XXème siècle. Cependant, l’annonce est tout aussi discrète que controversée. Aux regards des français, Le Havre a longtemps été défini par son paysage et son activité portuaire.

Ainsi beaucoup d’entre eux, sans n’y être jamais venus se fient à une représentation d’un imaginaire collectif qui réduit la ville à un ensemble industrialo-portuaire peu séduisant. Pour ce qui est de son centre, il est, soit méconnu, soit encore associé à une rigueur communiste: bétonné de monotonie. Son inscription au Patrimoine Mondial semble alors tomber de nulle part et ce changement de considération intrigue tant par son caractère soudain que par sa signification.

LA MÉCANIQUE DU REGARD // INTRODUCTION

INTRODUCTION

Analogie mécanique Comment passe-t-on d’un regard négatif voire d’une absence totale de considération de cet environnement urbain, à la considération ultime d’un véritable patrimoine ? L’enjeu de ce mémoire est de retracer l’histoire du regard sur le centre-ville reconstruit afin de trouver les raisons pour lesquelles cet évènement a créée la controverse. Pour cela, le raisonnement suivi pourrait s’apparenter à l’étude d’une action mécanique. Si la présence d’un corps modifie le mouvement d’un autre ,alors, ces deux corps sont en interaction. Dans cet exemple, le premier corps T serait donc « le temps » qui agirait sur un deuxième corps C « la considération ». Répondre à la problématique revient donc à trouver `ÀÀ£Ft/c. Mais avant cela, il est nécessaire de définir correctement ces deux entités que sont T et C. Et c’est ici que la première limite de cette analogie se pose. Car « temps » et « considération » sont difficilement quantifiables dans cette histoire qui se révèle être plus sensible qu’empirique. D’autant plus qu’il est évident que le temps au sens propre du terme n’est pas à lui-seul responsable de ce changement de considération et que la considération varie fortement en fonction des publics.

Par exemple, le regard d’un havrais n’est pas le même que celui d’une personne extérieure.

De même que les objectifs d’un politicien ne sont pas les mêmes que ceux d’un scientifique.

Cette relativité lié à la question du « ressenti » est alors souvent source de confusion. Quelle histoire raconter ? Quel point de vue choisir ? La façon d’objectiver cette évolution sensible est de choisir à travers quels yeux regarder. Définir ce référentiel revient à selectionner un point de vue unique qui permettra de trouver une solution tout en tenant compte de toutes celles relatives à un autre référentiel. Ce mémoire n’a donc pas pour objectif de trouver une

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C

C

+

+

(Considération) Positive

?

Négative

_

_ T

2005

2005

(Temps)

1. CONSTAT

T

2. PROBLÉMATIQUE

C +

£Ft/c : Direction ?

Sens ?

Valeur ?

Point d’application

B

£Ft/c _

Trajectoire : Histoire du regard sur le centre-ville reconstruit

A

T

2005

3. MÉTHODE

C

C +

_

Hypothèse

B

_

A

2005

+

T

A?

2005

5. OBJECTIFS

4. HYPOTHÈSE 12

B?

Fig. 01 Action mécanique

T

LA MÉCANIQUE DU REGARD // INTRODUCTION

stricte vérité mais de raconter une histoire havraise à travers le point de vue qui paraît être le plus pertinent. Et il paraît juste de chercher l’origine de ce changement de regard du côté de ceux qui avaient le plus d’influence, le plus d’outils pour intervenir sur l’image du centreville reconstruit par l’Atelier Perret. C’est pour cela que le référentiel choisi pour cette étude est le point de vue municipal. Les ressources et archives permettent ainsi de rassembler une matière suffisamment conséquente pour chercher une continuité entre la «mauvaise» considération du centre-ville reconstruit et sa consécration en 2005. Une fois le référentiel défini, il est possible d’affiner la question principale qui est de comprendre l’action du temps sur la considération. Comment le temps (T) fait-il évoluer le regard, les considérations (C) ? T se définissant à présent comme une succession d’actions municipales et C comme la réception de ces actions par les différents publics, la problématique finale se résume à l’étude des politiques de la ville qui ont influencé le regard sur le centre-ville reconstruit.

Reste à trouver la nature de cette interaction entre ces deux corps c’est-à-dire les moyens mis en oeuvre par la Ville pour favoriser une évolution du regard. Pour cela, il suffit de revenir à l’analogie mécanique. En admettant ce changement d’image comme un changement de trajectoire, il est facile de le définir tel un mouvement. Or un mouvement est le produit de l’action d’une force. Trouver les caractéristiques de cette force, c’est trouver comment (C) est passée du point A au point B. Ainsi, le raisonnement suivi pour écrire cette étude se décompose suivant les quatre caractéristiques suivantes : la direction, le sens, la valeur et le point d’application.

Approches

Pour concrétiser cette analogie, ce mémoire s’est approprié ces caractéristiques selon quatre approches définies comme suit : En mécanique, la direction correspond à une droite, définie par deux points. Dans ce schéma, il s’agirait de la droite (AB). Le constat énoncé au début de cette introduction a permis d’établir cette première hypothèse. Pour vérifier cette hypothèse, il suffit de vérifier la position des points A et B. C’est-à-dire de savoir si la considération du centre-ville reconstruit était réellement si négative jusqu’en 2005 et vice-versa, positive juste après cette même année. C’est se demander comment le centre-ville a été perçu dans le passé et comment il l’est aujourd’hui. Les premières recherches ont rapidement indiqué que le changement de regard a été bien plus progressif que ce qu’il n’y paraît. En effet, les débuts d’une meilleure considération apparaissent bien avant 2005 avec, entre autres, les quelques élus porteurs du projet de candidature à l’Unesco. De même que la fin d’une image négative reste ambiguë étant donné la controverse qu’a suscité l’inscription. Ce qui veut dire que les points A et B apparaissent respectivement avant et après 2005. Mais comment savoir à quel moment exactement ? Le but de cette étude étant bien de trouver un certain début (A) et une certaine fin (B). Il a fallut travailler à la fois de manière rétrospective et prospective . Trouver la direction de £Ft/c relève donc d’une approche historique qui, à travers le récit chronologique, tente de trouver le juste enchainement des actions municipales.

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Ensuite, le sens d’une force exprime sa destination. Par analogie à la considération politique dont il est question, le sens est considéré dans cette étude comme la définition d’une volonté.

Ainsi, l’analyse des enjeux politiques participe à la compréhension du changement de regard.

En soulignant les principaux objectifs de la Ville vis-à-vis de son patrimoine reconstruit, cette étude participe à la définition de celui-ci à travers le temps. Le sens induit de rendre compte d’un état antérieur pour pouvoir mieux définir un état futur. Dans le cas de la considération de la municipalité havraise vis-à-vis du centre-ville reconstruit, le sens peut paraître évident.

Le sujet en soi traite de l’amélioration du regard, du négatif vers du positif. Cependant, les recherches prouveront que cette évolution n’a pas été régulière. Les motivations des politiques varient en fonction des époques et des enjeux. Entre stratégie et instrumentalisation, il est parfois difficile de comprendre le réel sens des choses. L’approche politique tend à éclaircir les motivations de chacun des acteurs politiques afin de trouver l’ essence à partir de laquelle se constitue l’histoire. En effet, il s’avère que les actions municipales sont parfois le fruit d’influences entre différents regards.

La troisième caractéristique d’une force est sa valeur. Elle correspond à son intensité exprimée en Newton. Dans ce mémoire, l’intensité est exprimée par les moyens mis en œuvre par la municipalité pour influencer le regard du grand public havrais ainsi que le regard extérieur.

Cette troisième approche apporte un point de vue plus logistique sur les actions municipales.

Il s’agit en effet de comprendre la nature des outils mis en place et leur pertinence en fonction des objectifs établis. Cette approche se rapporte donc aux études des campagnes de communication, des outils de protection et de valorisation touristique du patrimoine.

Enfin, la quatrième approche de cette recherche se traduit mécaniquement par le point d’application d’une force. Ce point est le moment où T agit sur C. Cela revient donc à chercher quand est-ce que le regard politique a touché la considération du centre-ville auprès du public.

S’il y a impact, il doit y avoir réception. Ce mémoire démontrera que la réception des actions municipales n’est pas toujours la même en fonction des publics et qu’une différenciation de ceux-ci sera nécessaire à une juste compréhension de l’ensemble des opinions à propos du secteur reconstruit. Ainsi, le point d’application relève d’une approche sociologique qui s’appliquera à comprendre dans un premier temps, la réception de cette reconstruction, puis, dans un second temps, la réception de cette inscription au patrimoine mondial.

Ressources

Ainsi les caractéristiques de £Ft/c définissent quatre approches qui ont dicté une certaine méthodologie de recherche. Ces approches ne reflètent pas le plan de ce mémoire mais plutôt différents niveaux de lecture selon les parties. Chacune de ces approches qu’elle soit historique, politique, logistique ou sociologique, a nécessité une manière spécifique de rechercher l’information. Ainsi, les recherches historiques se sont basées, dans un premier temps, sur des ouvrages référents tels que celui des frères Dubosq Le Havre 1940-19441 ou

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DUBOSQ, Jean-Paul et Jean-Claude. Le Havre 1940-1944, Tome 1 et 2. Le Havre : La petite Presse, 1995.

LA MÉCANIQUE DU REGARD // INTRODUCTION

ceux de Joseph Abram Perret et l’École du classicisme structurel2 ou encore Le Havre, la ville reconstruite par Auguste Perret3. Ces recherches se sont aussi basées sur des recueils majeurs comme Le Havre : volontés et modernité4 ou encore les actes du 2ème colloque international des villes reconstruites Villes reconstruites, du dessin au destin5. Un deuxième temps de recherche a été nécessaire auprès des archives de la bibliothèque municipale du Havre Armand Salacrou. Ce travail a consisté à rechercher les articles de presse les plus pertinents dans les journaux Le Havre libre, Le Havre presse et Paris-Normandie concernant la période d’après-guerre (1945-1965) et d’après-inscription au Patrimoine Mondial (2005) pour vérifier et illustrer les informations trouvées selon leur source originelle. De plus, un entretien avec Vincent Duteurtre, architecte, membre du comité de pilotage du dossier Unesco en 2005 et aujourd’hui responsable des Bâtiments de la Ville, complète ce récit historique et le relève entre autre, par sa sensibilité.

Pour ce qui est du point de vue politique, l’ouvrage Le havre 1930-2006: La renaissance ou l’irruption du moderne6 de Martine Liotard a apporté la compréhension nécessaire aux enjeux successifs qui ont modelé la ville depuis le début du XXème siècle. L’intérêt de cet ouvrage est l’application de l’auteure à placer chacune de ces étapes dépendamment du contexte.

Néanmoins, la période moderne y paraissant plus évasive, il fallut la compléter. La recherche d’objectivité et de vérité d’un point de vue politique est toujours délicate, c’est pourquoi ce mémoire s’efforce d’exposer diverses opinions, nécessaires à une juste appréciation personnelle du lecteur. Encore faut-il retranscrire de manière la plus juste ces opinions. C’est la raison pour laquelle le format de l’entretien est paru ici le plus perspicace. Ainsi, un premier échange avec Dominique Dhervillez, membre du comité de pilotage du dossier d’inscription à l’Unesco a permis d’une part d’obtenir un «regard brut» sur ce qu’a été cette aventure d’un point de vue interne et d’une autre part, d’évoquer les enjeux politiques et urbains des années 2000. Enfin, un regard tout particulier a assis définitivement la compréhension du propos politique havrais : il s’agit de celui de l’ancien Maire Antoine Rufenacht7 qui reste encore pour tous les havrais « celui qui a tout fait ».

L’approche logistique qui se défini par l’étude des outils de communication et de valorisation d’un patrimoine a quant à elle été constituée selon trois sources différentes. La particularité de cette approche est qu’elle est relativement contemporaine et particulièrement cadrée dans le temps. En effet, le Service de communication du Havre n’a été créée qu’en 1984 et la considération du centre-ville comme patrimoine n’apparaît pas avant le début des années 1990. La première source utilisée concerne les archives du Service de communication et de la « mission Unesco » disponibles au Archives municipales de la Ville du Havre. Pour ce 2 ABRAM, Joseph. Perret et l’école du classicisme structurel (1910-1960), Nancy : École d’architecture de Nancy, 1985.

3 ABRAM, Joseph (dir.) Le Havre, la ville reconstruite par Auguste Perret. Proposition d’inscription du centre reconstruit sur la liste du patrimoine mondial.Ville du Havre, 2003.

4 DE LA PORTE, Gilles (dir.) Le Havre : Volonté et modernité. Le Havre : La Galerne, 1992.

5 DIEUDONNÉ, P. (dir.) Actes du 2e colloque international des villes reconstruite, « Villes reconstruites, du dessin au destin ». L’Harmattan, 1994.

6 LIOTARD, Martine. Le Havre 1930-2006 : La renaissance ou l’irruption du moderne. Paris : A. et J. Picard, 2007.

7 Élu maire en 1995 et ré-élu en 2001 et 2008, il démissionne en 2010 au profit d’Edouard Philippe. En 1995, après presque 40 ans de gouvernance communiste, la Ville passe à droite.

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qui est du premier dossier, il ne couvre qu’une courte période de 1983 à 1997. Le dossier « Mission Unesco » quant à lui, n’évoque que les éléments relatifs à la demande d’inscription de 1994 à 2007. Un manque d’information concernant les stratégies de communication générales a donc été noté concernant les années 2000, lors des seconds et troisièmes mandat d’Antoine Rufenacht. Cela s’explique en partie par le caractère plus récent de ces documents. C’est pourquoi la deuxième source concerne des documents internes aux Services de communication et d’urbanisme de la Ville fournis directement par la Mairie. Bien que complétant les documents des Archives municipales, ceux-ci n’ont pas suffit à décrire les outils municipaux d’aujourd’hui. Pour cela, des entretiens avec les acteurs contemporains ont été nécessaires. Ainsi, un double-échange avec Véronique Bonneau-Contremoulins, responsable du Service d’urbanisme et prospective de la Ville, et Laurie-Anne Lecerf, chargée d’étude sur l’élaboration du plan de gestion a permis de répondre à ces questions : Que faiton d’un patrimoine une fois qu’il est arrivé à son ultime reconnaissance ? Quelles sont les conséquences ? Y a-t-il une suite ? Est-ce une fin ou le début de quelque chose ? Un second entretien complète cette approche logistique. C’est celui de Clotilde Larrose, directrice du Service de communication de la Ville. En apportant son point de vue professionnel, Clotilde Larrose donne finalement les clés pour comprendre en quoi 2005 est tout aussi une année décisive qu’anodine. En quoi cette histoire est une histoire d’un évènement qui s’est passé sans véritablement se passer ?

Enfin, les dernières recherches concernent une approche plus sociale. Elle se traduit tout d’abord par l’étude des réactions vis-à-vis du centre-ville reconstruit puis vis-à-vis de la valorisation de ce patrimoine. Loin d’être complète par rapport à une véritable étude sociologique havraise, elle se limite à répondre aux questions principales relatives au sujet tout comme les réponses se limitent à l’analyse des réactions majoritaires. Ce récit sociologique s’est construit suivant trois types de sources. Les premiers documents étudiés sont les documents qui rendent-compte directement de l’image de la ville et de son centre.

Ce sont principalement les compte-rendus des enquêtes publiques menées par le Service de communication de la Ville. La deuxième source d’information est l’entretien. Une nouvelle fois, des échanges avec les acteurs clés de la Ville ont permis de vérifier les ressentis perçus tout au long des recherches et de concrétiser la valeur sensible et sociale de cette histoire. Ainsi, une série d’échange avec Philippe Pintore, directeur général adjoint du Service de la culture, du patrimoine et de l’animation de la Ville du Havre révèle la façon dont la ville se donne à lire aujourd’hui. Cette approche sensible ne peut faire abstraction du caractère saisissable et pourtant non palpable de l’identité havraise. Il s’agit d’une atmosphère particulière. Un mélange de nostalgie, de dynamisme et de conviction qui fait du Havre une ville poétique sous bien des aspects. Jean Blaise, commissaire de l’évènement « Un été au Havre » qui fête les 500 ans de la ville, explique dans un deuxième entretien comment selon lui l’art peut, lui aussi, raconter une histoire et en révéler ses secrets. Enfin, pour conclure la lecture sociale de cette recherche, des extraits théoriques sont confondus avec le récit pour tenter d’expliquer les logiques comportementales des différents « personnages ». Les questions sous-jacentes telles que celles de la représentation, de l’imaginaire collectif, de l’identité, de la nostalgie, de l’appropriation sont abordées tout au long de cette étude. Le croisement

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LA MÉCANIQUE DU REGARD // INTRODUCTION

de lectures plus théoriques et de points de vue professionnels divers avec l’exemple havrais a d’ailleurs été réalisé par quelques chercheurs-enseignants. Leurs écrits ont fait l’objet de références, de pistes à explorer ou de sujets à mettre à jour. Parmi ces principaux articles, il se doit de citer les textes de Maria Gravari-Barbas8 et Cécile Renard9 (Professeures en géographie physique, humaine, économique et régionale), de Guillaume Jacono et Paul Arnourld10 (Géographes et biogéographes), de Dorothée Marchand11 (Chercheuse en psychologie sociale et environnementale) et de Béatrice Galinon-Mélénec12 (Enseignantechercheuse en Sciences de l’information).

Décomposition selon les considérations

La combinaison de ces quatre approches permet de raconter l’histoire du regard sur le centre-ville reconstruit du Havre à travers les actions municipales de manière continue.

Elle tisse la toile entre le passé, le futur, les ressentis, les réalités. Ce lien se compare finalement à la trajectoire de la considération évoquée par l’analogie mécanique. Le plan du mémoire résulte de la décomposition de cette trajectoire selon des périodes qui se succèdent ou se chevauchent. Chacune correspond à une considération particulière du centre-ville reconstruit. Dans un premier temps, deux regards principaux se distinguent. Ils reflètent le constat d’origine qui est de distinguer une considération «négative» d’une considération «positive». Cependant, le moment charnière n’est pas l’année 2005 comme il serait facile de le penser. D’abord rejeté, puis ignoré, le centre-ville reconstruit reste pendant presque 30 ans la mémoire vivante d’un double traumatisme causé par la seconde guerre mondiale. À l’arrivée d’Antoine Rufenacht au pouvoir en 1995, un nouveau regard municipal va être porté sur ce patrimoine. C’est le début d’une revendication qui aboutira à son inscription sur la liste du Patrimoine Mondial de l’Unesco. Enfin, une dernière partie conclue cette étude en proposant d’ouvrir le champ de la réflexion à travers un ensemble d’extraits d’entretiens réalisés au cours de l’année 2016. En plus de former un recul global sur l’histoire havraise moderne, ces échanges apportent une matière nécessaire pour répondre aux questions contemporaines et prospectives du sujet. Ainsi, ces retours constituent sensiblement une suite vis-à-vis des deux parties principales mais aussi par rapport aux articles référents des auteurs cités précédemment.

8 GRAVARI-BARBAS, M. « Patrimonialisation et réaffirmation symbolique du centre-ville du Havre. Rapports entre le jeu des acteurs et la production de l’espace » In : Annales de Géograhie, t. 113, n°640, 2004.

9 GRAVARI-BARBAS, M. et RENARD, C. « Une patrimonialisation sans appropriation ? Le cas de l’architecture de la reconstruction au Havre ». Rennes : Presse universitaire. 2010 10 ARNOULD P. et JACONO, G. «Le Havre, paysage urbain et patrimoine, entre béton, discours et images. De la reconstruction physique à la (re)construction mentale (1945-1995)». In : Cahiers de la Méditerranée, n°60, 1, 2000.

Paysages urbains (XVIème-XXème siècles) Tome II (Actes du colloque de Grasse, décembre 1998).

11 MARCHAND, D. «La construction de l’image d’une ville : représentation de la centralité et identité urbaine». In : ROBIN, M. et RATIU, E. Transitions et rapports à l’espace. Paris : L’Harmattan, 2005.

12 GALINON-MELENEC, Béatrice, « Voile et dévoilement du Havre » In : La ville dans tous les sens, (Denoit N. et Mignot M.P. coord.), Communication & Organisation n°32, 2007.

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CHAPITRE 1

LE CENTRE-VILLE RECONSTRUIT COMME MÉMOIRE VIVANTE D’UN DOUBLE TRAUMATISME