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Quand une association a-t-elle une activité économique
Savoir si votre association est considérée comme ayant une activité économique permet de clarifier la situation s’agissant de l’accès à certaines mesures de soutien, à l’octroi de subventions ou encore à l’obligation d’établir des comptes annuels.
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Malheureusement, il n’existe pas de définition légale de l’activité économique. Celleci peut donc varier selon les branches du droit. Parfois, il s’agira d’interpréter le texte, mais son champ d’application peut être difficile à déterminer.
En droit français
La notion d’activité économique d’une association est présente dans le code de commerce. Selon les articles L.612-1 et L.612-2, les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique sont tenues d’établir des comptes annuels et de désigner un commissaire aux comptes lorsqu’elles dépassent certains critères. Le champ d’application de ces textes a été précisé par la doctrine et la jurisprudence. Une réponse ministérielle de 1986 indique que « toute activité de production, transformation, distribution de biens meubles ou immeubles et toute prestation de services, en matière industrielle, commerciale, artisanale agricole, sont des activités économiques » et que « les associations qui gèrent des établissements et agissent dans le domaine de la santé, de la protection sociale, des loisirs et du tourisme ont une activité économique ». La compagnie nationale des commissaires aux comptes l’a ensuite définie comme « toute activité tendant à la création ou à la distribution de richesse ». Seraient ainsi concernées notamment les associations sportives et les associations d’enseignement privé. Ainsi, au sens de ce code, l’activité économique a un sens plus large que l’activité commerciale. On peut en déduire que les activités agricoles, artisanales ou libérales, qui ne sont pas des activités commerciales, entrent dans le champ des activités économiques. Côté jurisprudence, les juges considèrent comme économiques les activités gérées par une association de manière entrepreneuriale, par exemple en employant du personnel salarié. Ainsi, gérer une maison de retraite est une activité économique.
Au sens européen
Dans les textes législatifs et réglementaires récents, l’activité économique renvoie généralement à la notion d’entreprise au sens du droit européen. En droit communautaire, la jurisprudence a défini ces deux notions : la notion d’« entreprise » couvre toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de l’entité ou de la façon dont elle est financée ; la notion d’activité économique implique une rémunération, mais pas nécessairement un bénéfice. Au sens de ce droit, il s’avère que bon nombre d’associations semblent pouvoir être qualifiées d’entreprises exerçant des activités économiques.
Règles européennes déclinées en France
Au nom du principe de libre concurrence entre les états européens, les aides d’État aux entreprises sont incompatibles avec le marché intérieur, car elles affectent les échanges entre membres. Les aides publiques doivent donc se conformer à la
réglementation européenne. En France, la circulaire du 5 février 2019 en donne les clés. Elle rappelle que, au sens du droit communautaire, une entreprise est une entité engagée dans une activité économique indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement. Elle précise que l’activité économique d’une entité est définie par l’offre de biens ou de services sur un marché pertinent. Ainsi une collectivité locale, une personne physique ou une association doivent être traitées comme une entreprise lorsqu’elles exercent des activités économiques. Le caractère économique d’une activité se déduit de la capacité à offrir des biens et des services sur un marché. Celui-ci peut être réel ou potentiel, et l’activité en cause doit répondre aux lois du marché. Peu importe le nombre de concurrents ou leur existence effective. L’évaluation du caractère économique d’une activité se fait au cas par cas. Elle dépend de circonstances de temps et de lieu et de la manière dont les services sont organisés dans chaque État membre. Cependant, la Cour de justice de l’Union européenne et la Commission européenne ont une conception très extensive de la notion d’activité économique : toutes les activités peuvent être qualifiées d’économiques à l’exception de celles relevant de prérogatives de puissance publique telles que la surveillance antipollution d’un port, la police, etc. Par ailleurs, certaines activités de nature purement sociale comme la gestion de régimes d’assurance obligatoire poursuivant un objectif exclusivement social et fonctionnant selon le principe de solidarité sont considérées comme des activités non économiques. Ainsi, la construction d’une infrastructure sera considérée comme une activité économique si elle est destinée à être exploitée commercialement. De même, certaines associations de protection de l’environnement ont également été considérées comme exerçant, en partie, des activités économiques, notamment celles liées à la vente de bois ou aux baux de chasse et de pêche.
Des entreprises comme les autres
S’agissant des aides aux associations, les règles européennes ont été précisées dans une circulaire du 29 septembre 2015. Avant d’octroyer une subvention, l’administration doit examiner si l’activité de l’association pour laquelle la subvention est demandée peut être qualifiée d’intérêt général non économique au sens du droit communautaire. Dans ce cadre, les services et produits essentiels pour la société, de même que les services collectifs en l’absence d’usagers ou de bénéficiaires identifiables, ne sont a priori pas économiques. À titre d’exemple, l’activité de protection de l’environnement, dont le caractère exclusivement social a été reconnu, est ainsi considérée comme non économique. Mais, il ne suffit pas que l’activité soit de nature sociale ou que l’activité concerne un produit ou un service essentiel pour la société (comme l’éducation pour tous). L’analyse effectuée par l’administration porte également sur l’environnement dans lequel intervient l’association pour cette activité ainsi que sur les conditions d’exercice de l’activité, afin d’identifier l’existence d’une concurrence pour un service analogue rendu dans un même périmètre économique et territorial (zone de chalandise) par d’autres opérateurs qui poursuivent un but lucratif.
Une analyse au cas par cas
Pour savoir si l’aide publique envisagée peut être considérée comme une aide d’État, au sens de la réglementation européenne, l’administration analyse les activités de l’association quasiment selon les mêmes critères que ceux de l’administration fiscale pour déterminer si une activité relève ou non des impôts commerciaux. Mais la notion d’activité économique au sens du droit communautaire est plus large que la notion française d’activité dite « lucrative ». Ainsi, on ne peut pas considérer que le filtre fiscal doit toujours être pris en compte pour déterminer si une activité est ou non économique. En effet, l’analyse d’une activité sur le plan fiscal n’est pas toujours superposable à l’analyse d’une activité au regard d’une autre réglementation. Une analyse et une interprétation des textes au cas par cas sont nécessaires.
Adeline Beaumunier et Cécile Chassefeire, Camino Avocats
En savoir plus
Circulaire du 29 septembre 2015, frama.link/5811 Circulaire du 5 février 2019, frama.link/6060-SG
NE PAS CONFONDRE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ET ACTIVITÉ COMMERCIALE
Une activité commerciale est en lien avec le commerce au sens du code de commerce (art. L.442-10) c’est-à-dire « offrir des produits à la vente, les vendre ou fournir des services ». D’ailleurs, selon ce code « aucune association ou coopérative d’entreprise ou d’administration ne peut, de façon habituelle, offrir des produits à la vente, les vendre ou fournir des services si ces activités ne sont pas prévues par ses statuts ». Attention, si toute activité commerciale est économique, toute activité économique n’est pas une activité commerciale.