ZAD 2021

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Carla Berteloot, Chigatom Mahamat Salim, Clément Boussier, Etienne Servillat, Hugo Dubois, Juliette Audurier, Ryad Soreefan
2021

Préambule

Suite aux consignes données sur le travail à faire, nous avons décidé de réaliser ce travail sous forme d’un journal de bord. L’idée serait donc de raconter l’histoire de ce qu’on a vécu pendant la semaine du séminaire en s’appuyant sur le “NOUS” mais aussi d’utiliser le “JE” pour que chacun exprime ses ressentis personnels. Ainsi nous avons utilisé une couleur par personne pour garder l’anonymat et laisser paraître nos émotions sur la ZAD ainsi que sur nos bassins de vie respectifs (le Campus universitaire du Tertre et l’ensa Nantes).

Pré-ressentis des lieux

“Dimanche soir, plusieurs questions me venaient à l’esprit. En quoi consisterait le séminaire ? Comment serions-nous reçus par les zadistes ? La ZAD étaitelle vraiment un village gaulois ? J’avais hâte de comprendre vers quoi cette semaine allait nous emmener, de quelle façon nous allions travailler. J’étais aussi heureuse de retrouver un contact humain en travaillant avec mes camarades et en apprenant à connaître les habitants de la ZAD. J’avais hâte que ce séminaire commence pour, enfin, trouver des réponses aux questions qui m’envahissaient.”

“Face aux dangers que présente la métropolisation des villes comme l’étalement urbain, la pollution, les fractures socio-spatiales, et l’uniformisation des villes, j’avais réellement hâte de découvrir ce territoire si mystérieux à mes yeux. Je me réjouissais également à l’idée que j’allais être complètement détaché du rythme frénétique de la ville et que j’allais faire plein de rencontres hyper enrichissantes avec les habitants de la ZAD. Je voulais également casser les idées préconçues que je pouvais me faire de la ZAD en y allant tout simplement.”

“Avant d’y être, sur la ZAD, je n’avais aucune certitude sur elle, mise à part qu’elle avait “gagné” contre l’aéroport. Je pensais soit à un village gaulois fermé avec ses remparts, soit à un No Man’s Land avec ses quelques cabanes isolées dans les champs.”

“Je ne connaissais pas la ZAD avant cette semaine. J’ai commencé mes recherches ce jeudi 18 février pour essayer de comprendre ce territoire avant d’aborder le projet de la semaine prochaine. Je pense qu’il est compliqué de comprendre la ZAD en si peu de temps, vu la complexité de son histoire. Mais je commence déjà à me faire des idées avec le peu d’informations que j’ai trouvé. J’imagine alors la ZAD comme un endroit où ses habitants sont hostiles à l’autorité publique et où l’on trouve des habitats informels construits avec des matériaux de récupération. Mais je n’arrive pas à imaginer l’organisation sociale dans ce territoire. Je me pose donc beaucoup de questions sur la légitimité de ces habitants et l’incertitude qui plane sur leurs avenirs.”

“Cette semaine de travail intensive, malgré l’absence de vacances, me réjouissait. Le fait d’étudier la ZAD, dont j’ai tant entendu parler, et qui symbolise une victoire écologiste face à ce système capitaliste destructeur du vivant. Cependant, le fait qu’une institution comme l’Université ou l’Ecole d’architecture proposait d’étudier la ZAD, me questionnait : allons-nous devoir proposer un projet urbain pour la ZAD ? Comme ce séminaire se déroule à la ZAD pour la troisième fois, est-ce une demande récurrente de la part de l’Etat pour s’inspirer des étudiants et remplacer la ZAD par un autre projet ? Cependant, au vu des textes proposés à la lecture en amont de la semaine, mes doutes se réduisaient.”

“Avant d’y mettre les pieds, j’imaginais que la ZAD était un lieu très dense.”

“La semaine précédant le séminaire, je passais du temps en famille. J’avais hâte de commencer la semaine intensive, découvrir le projet sur lequel nous allions travailler, et surtout passer du temps avec mes camarades, retrouver un contact humain après des semaines de cours à distance. J’étais sûre que d’une manière ou d’une autre cette semaine serait enrichissante pour nous : rencontrer les habitants de la ZAD serait un bon moyen de découvrir qui ils sont vraiment et leur façon de vivre, se faire sa propre opinion sans qu’elle soit relayée et biaisée par les médias. J’ai malheureusement appris quelques jours avant ne pas pouvoir me rendre sur place, j’ai donc participé et vécu la semaine intensive à distance.”

arPentage des écrits !

Lundi

Arrivés à l’auditorium, nous rejoignons notre binôme afin d’échanger sur nos lectures communes de la veille. Nous dégageons les grandes idées pour les présenter face aux autres pendant trois minutes sous la question du VIVANT. Quelles en sont les formes ? Défendre le vivant, mais face à quoi ? Tibo, architecte habitant sur la ZAD depuis 2016, nous partage une vidéo dans laquelle il guide un groupe à travers Paris avec des photos références pour questionner chaque lieu. Parcours Ici/Ailleurs ; c’est une balade initiatique. Tibo enchaîne avec une vidéo à “coups de bâtons” de la ZAD de Notre-Damedes-Landes où chacun est invité à défendre la cause des Zadistes contre l’Etat qui cherche à les expulser par la force et la violence.Il nous montre ensuite quelques cabanes ou lieux de vie sur la ZAD.

Nous formons donc les groupes de travail en fonction du “bassin versant”, lieu de vie, de chacun à l’aide d’une carte partagée. Nous sommes le groupe “écoles”, le campus Tertre et l’ensaN, où un géographe, Etienne, deux juristes, Juliette et Carla, et quatre architectes, Ryad, Chigatom, Clément et Hugo, forment l’équipe.

Avant de partir manger, Sabine, professeur architecte de l’ensaN, nous informe sur la production de la semaine qui consiste en un travail d’écriture, unique consigne, le reste est libre. “Un groupe édition transversal” se forme à partir d’un membre de chaque groupe.

Après manger, nous nous présentons chacun au sein des groupes puis nous échangeons sur les interrogations que nous évoque la ZAD. La discussion s’emballe et des questions surgissent :

- C’est quoi la ZAD ?

- 1650 ha. (soit 1650 terrains de foot), ses limites physiques/mentales ?

- Le rayon d’action, la portée politique ?

- Environ 200 personnes, les habitants ?

- L’organisation interne, les règles de vie ?

- L’autonomie ?

- Un village gaulois réfractaire et ses remparts ?

- Le conflit sur place ?

- Une zone incertaine ?

- L’après ZAD ? Etc.

La journée se termine par l’organisation des voitures pour se rendre à la ZAD le lendemain. “Un beau casse-tête”.

direction la Zad !!

Nous nous réveillons pour la plupart d’entre nous, aux alentours de 7h00 du matin avec un message de Tibo nous disant que la texture du sol est “carrément correcte” et que le “niveau d’enfoncement sera de 2”. 2 cm ? La journée s’annonçait déjà périlleuse pour nous, jeunes citadins et citadines !

Nous nous rassemblons à nos points de rendez-vous respectifs vers 8h et prenons la route vers la ZAD à 8h15. Sur le chemin, la discussion autour des surprises que pourrait nous réserver la ZAD était pleine d’imagination et d’a priori. À 9h nous nous retrouvons à la Rolandière de Notre-Dame-des-Landes avec l’ensemble de la promotion ainsi que les enseignants et Jean-Marie en charge de nous faire visiter l’intérieur du bocage.

Nous nous retrouvons à l’accueil, quelques étudiants sont en retard. Nous profitons du temps d’attente pour faire le planning de la journée et constituer des groupes pour la visite de l’après-midi. Nous commençons la visite par l’édifice abritant l’accueil de la ZAD. D’abord par le rez-de-chaussée où nous trouvons la grande carte du village présentée au groupe par Tibo, avant de continuer par la visite de la bibliothèque à l’étage et de la tour en passant par une petite fenêtre depuis la bibliothèque.

Au vu de la carte de la ZAD, une première question nous traverse l’esprit, sur les limites de cette dernière.

“Je n’observe aucune limite physique réelle sur place mais une limite politique marquante lorsqu’on y rentre ou qu’on en sort. À l’exemple des services communaux qui viennent élaguer les arbres sur la ZAD à l’encontre de ses habitants qui ont formé “un groupe haies” pour s’en occuper afin de récupérer le bois et se chauffer ou construire avec.”

“La limite à laquelle on peut penser c’est : est-ce que cela va durer dans le temps, ou est-ce qu’ils finiront par se faire déloger ?”

“En allant à la ZAD je me posais plein des questions sur les limites morales et physiques que soulève ce territoire. Je suppose que cette façon d’interroger et de séparer les choses est le fruit de ce que l’on apprend quotidiennement avec les informations. Je pense qu’il serait intéressant de s’inspirer de la ZAD sur ce point et de faire preuve de discernement. Mais aussi d’accepter que dans la vraie vie les choses sont plus complexes que cela en a l’air.”

Nous démarrons enfin la visite ! Jean-Marie nous raconte l’histoire du bocage et en particulier comment les talus se sont formés. Avec son regard de naturaliste et de botaniste, il nous raconte ce que la nature était capable de faire et de produire. Lors de cette visite, notre groupe, accompagné du guide, traverse le bocage pour rejoindre l’Ambazada en passant par l’École des Tritons (sur le lieu des Planchettes), les Vrais rouges et les Fosses Noirs.

En passant devant ces quartiers, nous apercevons certaines habitations autoconstruites, questionnant le rapport au manuel dans ce lieu caractéristique ainsi que le rapport à l’informel

“Beaucoup de constructions ne sont pas complètes et laissent une impression d’inachevé, mais c’est peut-être aussi l’idée qu’à la ZAD rien n’est figé, et les choses se font naturellement.”

“Dans ma vie de tous les jours, je n’ai pas vraiment besoin d’être manuelle, d’ailleurs je ne le suis pas du tout. Au campus, nous fonctionnons plus ou moins de manière intellectuelle, selon les cursus de chacun. Ce rapport au manuel est néanmoins très présent sur la ZAD, puisqu’ils fonctionnent en auto-construction.”

“En marchant sur le campus du Tertre, je me rends compte que les études qui nous sont proposées dans le supérieur sont « intellectuelles », très peu font appel au « manuel ». Tandis que sur la ZAD, l’organisation me permet de comprendre à quel point les compétences manuelles sont nécessaires et même vitales.”

“De nombreux habitants ont construit ou reconstruit leur lieu d’habitation. Certains étaient des novices du bricolage mais les résultats obtenus me fascinent, fruit pour certains d’un travail collectif. Ces habitations possèdent

mes yeux un milliard de fois plus de charme que certains ensembles de logements standardisés de nos villes. Par ailleurs, certains zadistes ont décidé de retourner au manuel, en devenant maraîcher par exemple. Dans ces deux exemples, je m’imagine bien en eux, car ils ont l’impression de contrôler leur vie, en choisissant, plutôt qu’en étant contraint par leur travail… La maîtrise de son temps évoque un parallèle avec ma vie d’étudiant que j’ai choisie, avec ses heures loin d’atteindre un 35 heures mais permettant de les utiliser pour bien d’autres choses, qui sont, pour certains, jugées non-essentielles, mais pas à mes yeux. Le petit carré de potager, l’Oasis du Cens ou encore le compost sur le campus montrent aussi cette volonté de certains de réapprendre des compétences perdues suite à notre évolution en “homo economicus.”

“Le travail à la main est de plus en plus négligé dans nos villes. À la ZAD ce travail est mis en valeur et je trouve fascinant la qualité de leurs chefs-d’œuvre. Ce rapport au manuel cultivé par les Zadistes nous rappelle l’efficacité d’apprentissage par la pratique. Et je pense que nous avons de quoi s’inspirer de la ZAD sur ce domaine. J’ai toujours pensé qu’une vie en société devrait être organisée autour d’un espace formel pour qu’elle soit maîtrisée et j’en suis toujours convaincu. Toutefois, j’avoue que l’organisation informelle de la ZAD fonctionne bien mais je doute fort de l’efficacité d’un tel système à une grande échelle.”

“Une scierie, une brasserie, une boulangerie, une fromagerie, une cuisine collective, etc. C’est “un village artisanal” ouvert à tous. Seule la volonté d’apprendre à faire compte comme “diplôme”. “Made in Notre-Dame-desLandes.”

Arrivé enfin à l’Ambazada, lieu de festivités de la ZAD, nous décidons de manger dehors, tous ensemble où nous déployons tables et bancs pour ainsi déguster le fameux dal que Tibo a préparé la veille de notre arrivée sur site ! Convivialité et générosité règnent ici, à l’Ambazada Après le dessert, nous faisons un cercle géant où chacun d’entre nous prononce un mot décrivant la matinée passée aux côtés de Jean-Marie.

Nous sommes ravis de cette hospitalité contredisant certaines idées préconçues des zadistes fermés.

à

“Le soir, j’assiste à un débat dans l’Ambazada sur le féminisme et “le capitalisme sexuel”. Des groupes se forment à partir de plusieurs textes différents pour en parler en petit comité. Les gens ici sont réfléchis et ouverts au débat sur les questions de société, du vivre ensemble. La modestie de chacun rend ce débat possible comme le dit bien Richard Sennett dans “Bâtir et habiter : Pour une éthique de la ville” (2018). Géniale cette idée de dortoir pour accueillir à tout moment une personne qui veut venir habiter et vivre la ZAD. Arthur me propose de rester dormir la nuit, j’accepte volontiers !”

“Mes camarades m’ont raconté un accueil convivial de la part des habitants : ils leur ont donné à manger, expliqué et montré leur mode de vie. Je les imagine alors généreux et chaleureux. Contrairement à l’image qui peut être faite d’anarchistes, violents, l’accueil chaleureux réservé à mes camarades montre qu’ils sont ouverts d’esprit et volontaires pour montrer leur style de vie, à toute personne quelle qu’elle soit. Au campus Tertre ou à l’ensaN, on va avoir cette ouverture avec les personnes de notre filière, dans une certaine logique parce que nous avons les mêmes emplois du temps et passons du temps ensemble.”

“En parlant avec mes camarades, je constate que les étudiants, finalement, ne s’ouvrent pas tant que ça aux autres. Nous restons entre « composantes » sans réellement nous mélanger, les emplois du temps et les bâtiments séparés pour chaque formation y sont certainement pour beaucoup. Sur le territoire de la ZAD de Notre-Dames-des-Landes, tous les habitants semblent se connaître, même si l’organisation en quartiers prime. Ils se sont largement ouverts à nous lors de notre visite et j’en garde un souvenir très chaleureux. Cependant, eux aussi, s’ouvrent-ils finalement aux autres, en dehors de la ZAD ?”

“La ZAD m’a totalement surprise sur ce point. J’imaginais des barricades, des contrôles d’entrée, des gens sectaires et fermés politiquement… Au contraire j’y ai cotoyé des personnes très ouvertes et en capacité de discuter tranquillement, qui allaient facilement vers les autres. Cela m’a rappelé certains étudiants tout au long de mon cursus qui ont contribué à mon épanouissement !”

Ainsi, nous partons par petits groupes à la rencontre des différentes personnes dans la ZAD. Arrivé à Liminbout, nous rencontrons Michel qui nous attendait dans sa cabane. Un ingénieur forestier de formation qui est devenu Zadiste depuis 2012. Nous nous présentons et commençons une discussion sur la ZAD pendant plus d’une demi-heure. Nous abordons un peu tous les sujets concernant la ZAD mais aussi d’autres sujets autour de la politique, de l’État, du système capitaliste, de la police, etc. Après cette discussion pleine de leçons de vie et d’engagements, nous partons à la découverte de différents lieux de Liminbout. Nous visitons alors un restaurant bar, une ferme, une scierie et un dortoir accompagné bien-sûr des explications de Michel.

Comment les zadistes différencient le rapport entre espace public et espace intime ?

“Je me perds en vélo dans la ZAD et j’arrive à la brasserie locale où le gars vient me voir gentiment pour me dire que je suis dans une propriété privée. Il y a donc une limite au public ? Où est le privé ?”

“Une phrase de Jean-Marie me surprend : « on ne prend pas en photo les cabanes sans autorisation ». Les habitants de la ZAD cachent leur cabane dans leur terrain, tandis que dans la ville, notamment sur le territoire du bassin de vie du Tertre et autour de l’ENSA, les habitations sont visibles de tous. Le rapport à l’intime n’est pas le même, est-ce pour contrer cette forte médiatisation qu’ils ont subi pendant une dizaine d’années ?”

“Ce rapport n’est pas le même dans la ville et à la ZAD, dans laquelle il existe un phare pour surveiller les arrivées. Cela prouve que d’une certaine manière ils se méfient des rapports extérieurs. Je ne pense pas qu’ils laissent entrer n’importe qui, cela est sûrement dû aux critiques qu’ils ont subi.”

Nous reprenons la route vers l’Ambazada après la découverte de ce village pour retrouver nos camarades partis, eux aussi, explorer d’autres endroits de la ZAD. Nous ressentons un peu le regret de Michel de ne pas pouvoir nous faire visiter davantage le village à cause de notre contrainte horaire.

Nous nous séparons avec Michel qui répond à notre question : Estce que vous avez tout ce qu’il vous faut pour bien vivre ici ? “Oui nous vivons bien ici. On a des ordinateurs, des bagnoles, des téléphones, etc. On a juste pas besoin des trucs de dernier cri, d’être habillé à la mode avec des fringues neuves tous les jours et ça c’est une vie qui nous va bien.”

Ce témoignage résonne en nous et interpelle la différence de mode de vie entre les zadistes et nous, étudiants.

“Je vois maintenant la ZAD comme “un village gaulois” sans rempart où chacun protège/défend ses idées face à l’autre, sans obligation et commande particulière.”

“La vie à la ZAD est très inspirante, caractérisée par la communauté. Avant de m’entretenir avec une habitante, j’avais l’impression que cette vie imposait de sacrifier ses moments pour soi. Cependant, comme nous l’a mentionné Tony, “c’est comme une grande coloc”, démystifiant ma perception préalable. Cette manière de vivre me titille et questionne le besoin d’avoir tant de biens matériels, et qu’en délaisser certains rend peut-être plus heureux, et pousse peut-être à être plus dehors avec la “nature” tout en vivant bien plus de moments forts avec d’autres individus, contrant cette société individualiste. Moins de confort mais un confort tout de même, au vu de l’Ambazada, salle de concert potentielle, ou de tous les autres lieux de “services”, provoquant en moi un parallèle avec les services présents sur le campus Tertre. Rappelons que la ZAD réunit 200 habitants, mais qui bénéficient de bien plus d’opportunités que de petites bourgades cinq fois plus peuplées mais sans boulanger par exemple !”

“Je m’attendais à tout voir en allant à la ZAD mais jamais je n’aurais pensé qu’une telle efficacité et organisation sociale serait possible avec autant de liberté et d’autonomie. J’ai beaucoup aimé leur philosophie de vie et le bonheur de vivre qu’ils arrivent à mettre en place avec si peu de moyens. Je trouve très intéressant cette manière de s‘organiser et de vivre avec le juste nécessaire, ce qui me questionne sur le rapport qu’on a avec les matériels dans nos modes de vie citadins.”

“Pour moi, la ZAD, loin de l’image du mouvement contestataire ou de “squatter”, défend l’idée d’une vie ordinaire où chacun prend part à la vie collective comme bon lui semble tout en ayant, comme Flash le disait, à cœur ses responsabilités.”

D’autres d’entre nous discutent avec Tony durant deux heures très enrichissantes, sur l’organisation de la ZAD, son intégration, ses souhaits pour l’avenir. Elle nous cite deux phrases bien emblématiques : “la ZAD, c’est comme une grande coloc” et “il y a eu une gentrification de la ZAD”.

Cette dernière phrase nous pousse à en discuter entre nous, aboutissant à un débat politique.

“Lors de mon entretien avec Tony, elle a mentionné d’elle-même une “gentrification de la ZAD”. Cela est important de rappeler que de nombreux zadistes sont partis suite à l’abandon du projet. Cela questionne en moi la suite politique du mouvement, qui a évidemment réalisé l’exploit d’empêcher la construction d’un aéroport et la destruction du vivant, mais comment expliquer ces départs? La vidéo de Partager C’est Sympa “On s’est planté” nourrit mes questionnements. Comment poursuivre une lutte générale lorsqu’une bataille se termine ?”

“Tout espace de bonne qualité attire et finit par subir la gentrification. La ZAD en est une et je pense qu’elle est en train de subir ce phénomène. Certes, elle n’attire pas les plus riches, connus autrefois comme principaux gentrifieurs. Mais elle attire quand bien même des hauts diplômés engagés. Et je trouve fascinant leurs manières de s’intégrer et de s’approprier la ZAD et son histoire sans essayer d’exclure les autochtones. La ZAD nous apprend dans ce cas l’intérêt de décentrer le regard et de prendre du recul sur certaines questions pour bien les cerner.”

“Des assemblés existent à la ZAD, mais tous les habitants sont égaux, ils ne veulent pas de hiérarchie, pas de chef. Au campus a également lieu des assemblées avec une hiérarchie plus ou moins existante, dans un souci de bonne gestion.”

retour sur nos terres étudiantes…

Mercredi 24 Février 2021

Nous nous retrouvons à 9h30 à Nantes à l’arrêt Morrhonnière-PetitPort. L’objectif est d’arpenter le campus et de découvrir ou redécouvrir le campus Tertre. Nous marchons en passant par le petit chemin qui longe le complexe piscine/patinoire. Le chemin, certes goudronné, offre une meilleure expérience sensorielle par rapport à la route longeant le tramway. Nous apercevons le local de Vélocampus puis découvrons l’Oasis du Cens, un petit potager le long du chemin, mais délaissé au vu de la saison hivernale. Nous arrivons devant la faculté de Droit et Sciences Politiques. Le bâtiment, en forme de piano, date des années 1970. Des accroches-vélos font face au bâtiment avec son toit végétalisé. Nous nous dirigeons vers le pôle étudiant, ancien lieu de restauration et d’événements, temporairement à l’arrêt. Le campus, du fait du COVID et des vacances, semble vide. Nous entrons dans le bâtiment Censive, et ses multiples étages colorés. Nous en faisons le tour avant de retourner humer l’air dans nos poumons.

Pour certains, rentrer dans leur bâtiment de cours rappelle leur condition d’étudiant, dont l’objectif est d’obtenir un diplôme La visite de la ZAD d’hier questionne cette différente perception des compétences par les zadistes.

“Ferronnier, boulanger, botaniste, charpentier, architecte, fromager, à la ZAD, il n’y a pas de hiérarchie. Chacun œuvre sur un même pied d’égalité et chacun peut prétendre à n’importe quel titre. D’ailleurs il n’y a pas de titres, uniquement des “zadistes.”

“Si les enseignements théoriques et les institutions académiques nous semblent indispensables dans notre société, ici à la ZAD, il s’agit d’un tout autre mode d’apprentissage. Tout le monde peut participer et développer des compétences qui ne leur étaient pas destinées de base.”

“Malgré le taux élevé de diplômés dans cette zone, je n’aurais jamais pu deviner la formation d’un de ces habitants sans qu’il se soit présenté. Je trouve hyper intéressant cette manière de travailler, de construire et de cohabiter sans négliger les compétences de ces collaborateurs. C’est ce qui nous manque en quelque sorte dans notre système classique d’apprentissage qui nous condamne à s’accrocher à nos formations et de planifier nos vies en fonction de nos diplômes. En ce sens, je pense que la ZAD est un très bon exemple d’inspiration pour nos écoles et universités.”

“La qualification professionnelle et les études ne sont pas importantes aux yeux des habitants de la ZAD. À travers un reportage, l’un d’entre eux expliquait qu’il était qualifié d’un BAC +3, mais cela lui était égal. Un menuisier avec 30 ans d’expérience apprenait à un plus jeune à travailler bois : « il est plus dur pour quelqu’un d’apprendre à travailler le bois que de jouer du piano ». Ils transmettent leurs compétences et apprennent au fur et à mesure un métier. Dans notre bassin de vie, le diplôme est important, nous étudions avec cet objectif qui nous permettra d’entrer dans le monde du travail.”

Nous entendons les nuisances sonores provoquées par les travaux à Audencia, toujours en quête d’extension spatiale et de rénovation. Nous empruntons l’allée principale et déambulons devant le Théâtre Universitaire, lui aussi à l’arrêt. Nous observons la “nouvelle” cafétéria Space Crous jouxtant le Restaurant Universitaire, montrant la diversité des sites alimentaires sur le campus en temps normal. Nous notons une rupture architecturale entre les deux bâtiments, symbolisant l’histoire du lieu. Les bains de soleil en béton nous font de l’œil, nous décidons de les expérimenter pour effectuer une légère pause. Nous traversons la ligne de tramway et nous nous dirigeons vers le SUAPS. Un grand espace de nature se trouve à proximité de l’entrée du gymnase. Notre parcours se poursuit en direction d’un autre complexe sportif, le Stadium Métropolitain Pierre Quinon. Nous discernons le STAPS et décidons de revenir vers les facultés, en longeant tout d’abord des logements étudiants avant de retraverser le tramway. Nous notons la présence d’un petit potager et compost en face du bar Facultés. Le chemin se révèle plus “naturel” et nous permet de rejoindre le Château du Tertre. Des terrains de tennis en libre accès retiennent notre attention. Nous longeons l’IFREMER avant de discerner l’Erdre et des blocs de béton polémiques. Nous traversons les bois pour retourner en

direction du campus. Une ruine et des arbres récemment plantés attirent notre regard. Après avoir traversé l’IAE, nous rejoignons le Restaurant Universitaire pour nous restaurer et décidons de rejoindre l’ensaN en tramway.

Une fois arrivés, nous entrons dans l’École. Le bâtiment est configuré différemment des bâtiments universitaires, avec ses demi-étages caractéristiques et son béton armé omniprésent. Nous empruntons les escaliers puis la rampe extérieure pour accéder au toit. Nous avons ici une vue panoramique sur l’Île de Nantes mais aussi le centre-ville. Cette expérience nous permet de remarquer des bâtiments grâce à une perspective différente.

En voyant cette morphologie urbaine, certains d’entre-nous font un parallèle avec l’organisation à la ZAD, questionnant l’urbanisme d’aujourd’hui

“En effet, à la manière du jeune enfant en plein épanouissement, je m’aperçois que la ville ne cesse d’évoluer selon des modèles précis et ancrés. Même si elle tend parfois à trouver ses singularités et à se différencier, il lui est difficile d’échapper aux références traditionnelles et parfois surannées qui la précède.

De même, si des réponses urbaines s’esquissent face aux problématiques économiques, sociales et écologiques actuelles, il en découle un autre prototype, une ville parfaite et moderne, niant toutefois les spécificités de chaque territoire. En arrivant à la ZAD, le silence est présent, le chant des oiseaux est somptueux et les limites administratives ont l’air de disparaître. Noyé dans le brouillard, l’accueil de la ZAD semble être alors le refuge idéal pour se détendre à la bibliothèque mais également pour contempler le vide et le calme qui règnent dans la bocage de Notre-Dame-des-Landes lorsque nous sommes tout en haut du phare.”

“La ZAD, malgré les apparences, nous enseigne des leçons dans notre manière de faire l’urbanisme. En effet, pourquoi dans notre conception de faire de l’urbanisme, nous décrétons les usages des habitants ? Par la légitimité des diplômes et des études ? À la ZAD, le processus est inverse, les habitants font eux-mêmes leur espace en s’organisant entre eux notamment grâce à beaucoup de dialogue, vertu à retrouver pour nous tous…”

“L’étymologie du mot campus vient de l’anglais campus lui-même du latin campus, camp ou champ. Dans sa conception et perception de l’espace, elle n’est peut-être pas si éloignée de celle de la ZAD.”

“Sur le campus, je réalise que les gens subissent l’urbanisme de la ville car il est imposé ; alors qu’à la ZAD il est “voulu” par les habitants. Il fait avec le bocage et le bâti existant.”

La visite de l’École d’architecture se révèle plus rapide, les berges étant le seul lieu emblématique au-delà de l’école, au contraire du campus et ses différents lieux de services. A 13h45, nous rejoignons l’Auditorium et nos camarades. Frédéric BARBE nous initie à l’écriture à travers différents ateliers. Ces exercices nous permettent de débuter notre travail...

Nous avons une entière liberté sur le travail à produire.

“N’ayant pas été sur la ZAD, je n’ai pas eu de ressenti direct, mais c’est par le biais de reportages que mon opinion s’est forgée : les habitants de la ZAD se sentent beaucoup plus libres qu’en « société ». L’un d’eux m’a marqué en disant « j’avais un appart et un CDI, mais pour moi c’était comme le début d’une vie en prison ». À la ZAD, il se sent libre de ses choix, sans contraintes. Dans mon bassin de vie, je me sens plus ou moins libre, car je sais qu’on attend de moi que je me comporte d’une certaine manière.”

“La liberté cultivée par les zadistes m’impressionne. J’aime beaucoup cette manière de vivre librement, sans contrainte de travail et sans avoir à rendre de compte à personne. J’adorerai avoir une vie estudiantine et citadine avec autant de liberté. Je me demande si le problème de nos villes modernes n’est pas le manque de liberté de choisir et de vivre comme on l’entend.”

“Le campus du Tertre, mort ! La ZAD, vivante ! Flash, un spécimen !”

“Tout l’espace est très réglementé et planifié. On déambule néanmoins avec un sentiment de liberté et de confort à travers des morceaux de parcs, des parvis aux pieds des immeubles, et en pénétrant dans l’enceinte de certaines écoles sans contrôle.”

“En venant sur le site de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, les habitants convergent tous vers une idée de liberté ultime. Pour autant, dans mon bassin de vie, je me sens assez libre dans ma façon de vivre. Les gradients de liberté ne sont donc pas tous ressentis de la même façon par les personnes.”

“Quand j’étais sur la ZAD, je me sentais libre : ce petit coin de paradis, entouré de champs, l’effet de la cohésion de groupe, la forêt, les rencontres… Cela contraste avec mon ressenti lorsque je me trouve en ville, où j’ai l’impression de revêtir un masque (pas pour me protéger du COVID vous aurez compris). Les citadins ne se disent pas bonjour, certains n’osent pas vous regarder… Ainsi, rien que discuter avec une dame de la cafétéria de l’école semble relever de l’inhabituel, l’incohérent, mais suscite en moi une résistance aux diktats imposés. La ZAD, au contraire, me rend léger et j’ai l’impression d’être en accord avec moi-même. ZAD PARTOUT !”

“ZAD = LIBERTÉ

!”
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