Architectes/Artisans

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LES MONDES DE L’ARCHITECTURE - MAI 2019

Artisans Le «retour au concret» comme réponse aux interrogations d’une profession en mutation

ALETRIBY Saif • BERNARD Laurenn • DUBOIS Hugo • HEGY Marie • PAONNE Romain • POINEN Jean-Paul


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SOMMAIRE

Introduction Portraits

fiches d’identité

p. 11

p. 5

p. 8

Christian Jelk p. 12 Adèle Roqueta, ILYT p. 18 Bertrand Lochman p. 22 Riccardo de Pauli p. 28 SAGA p. 34 Pimp Your Waste p. 40

Analyse croisée

p. 45

Une réaction face au ras-le-bol d’une certaine pratique du métier d’architecte p. 46 Concevoir et réaliser : être maître d’oeuvre de tout ? p. 50

Conclusion

p. 57

Retour critique p. 58 p. 59 Références

Annexes

p. 60

Retranscriptions


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“Jeunes gens, trouvez-vous avant tout une sagesse et un désir physique de faire les choses, avant de structurer votre tête avec la théorie de Walter Gropius” -Renzo Piano.

Richard Sennett, dans Ce que sait la main, propose une définition de l’artisanat large, qui va au-delà du travail manuel spécialisé. Il le définit comme étant l’envie de « soigner son travail et [qui] implique une lente acquisition de talents où l’essentiel est de se concentrer sur sa tâche plutôt que sur soi-même » Dès lors, beaucoup de professions, et d’activités peuvent rentrer dans cette définition de l’artisanat. Chacun de nous serait donc potentiellement artisan, architectes y compris. En outre, l’artisanat au sens de «travail manuel spécialisé», et le métier d’architecte peuvent être liés, dans la mesure où les études d’architecture permettent d’acquérir les basiques de l’utilisation des outils de menuiserie et de construction. Or, aujourd’hui, à la différence d’une époque lointaine où il était possible de devenir architecte «sur le tas», après avoir été artisan par exemple, la profession

est réglementée et les études impliquent une bonne dose de théorie. Il en va de même de la profession, qui est traversée de différentes tendances, avec un recours accru à l’outil numérique, une complexification des normes, qui impliquent un grand degré de technicité et vraisemblablement une division accrue des tâches au sein des équipes de maîtrise d’oeuvre. Certains architectes qui s’en plaignent peuvent être tentés de revenir à des types de pratique où ils sont en prise avec toute la chaîne de réalisation d’un projet, qu’il s’agisse d’architecture ou non.

Introduction

Nombreuses sont les invitations et injonctions au cours du cursus à “toucher la matière”, à expérimenter et à savoir “bricoler” pour être un “bon architecte”. La figure de l’architecte-artisan attire et représente celui qui est finalement capable d’appréhender toutes les étapes de ce qu’il conçoit jusqu’à sa mise en oeuvre. Faire soi-même, avec ses propres mains, ou concevoir virtuellement, sont deux polarités entre lesquelles oscillent les études et le métier d’architecte. Dès lors, il semblait pertinent d’interroger la figure de l’architecte-artisan, qui représenterait celui qui a choisi, le plus possible, de se situer dans la réalisation de projets “avec ses mains”, qu’il choisisse ou non d’en maîtriser la conception. Comme le relève le philosophe et charpentier 5


Arthur Lochman dans son ouvrage La vie solide, La charpente comme éthique du faire, les métiers de l’artisanat sont également confrontés à des défis provenant du recours au numérique : préfabrication du béton, industrialisation de la menuiserie, réduisant le menuisier au statut de «poseur de fenêtres», la découpe du bois assistée par ordinateur, qui permet sur certains chantiers de faire livrer une charpente «en kit», déjà précisément prédécoupée. L’auteur déplore en revanche une perte des gestes techniques, qui nécessitent des années de répétition et d’appropriation, de l’expertise de l’artisan. Finalement, le métier est vidé peu à peu de sa substance, pour l’auteur. Dès lors, des défis similaires se posent aux deux professions mais semblant produire des conséquences différentes sur le rapport au métier des individus. Chacun peut, d’une certaine manière, tenir lieu d’eldorado pour l’autre, et nombreux sont les architectes ou étudiants-architectes prêts à tenter l’aventure. Cependant, ouvrir une entreprise d’artisanat, d’ébénisterie ou de maçonnerie par exemple, à la sortie des études d’architecture, ne semble pas non plus aller de soi. Pourtant, certains architectes-artisans ont sauté le pas et il semble intéressant de les interroger au sujet de leurs motivations à changer de métier ou à hybrider architecture et artisanat. De même, leur rapport aux autres artisans et aux projets qu’ils réalisent posent question. A quel moment de leur carrière ce choix intervient-il ? Y-a-t-il des éléments dans leur trajectoire biographique, dans leur carrière, qui les prédispose à s’autoriser ce changement de 6

branche ? Quelles sont les conditions matérielles et d’exercice de ce nouveau métier ? Quelles représentations créent-ils autour du métier visé ? Les motifs semblent cependant variés, et se placent tant du côté d’un refus d’une pratique du métier d’architecte qui ne laisse pas place à la création, d’un mode de vie sacerdotal mal accepté, de contraintes de rapidité d’exécution face à l’impossibilité de voir les projets aboutis, d’un manque de sens, que d’une conscience écologique, d’une figure du bricoleur et de l’utilisation de l’artisanat comme médium social


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Fiches d’identité CHRISTIAN JELK

ADELE ROQUETA, ILYT

Architecte suisse mettant l’accent sur les projets d’habitat autoconstruit où il intervient lui-même sur le chantier

Jeune architecte parisienne reconvertie dans l’ébénisterie avec son compagnon Antoine Robinet. Le couple a créé son entreprise d’ébénisterie en 2015.

RICARDO DI PAULI

BERTRAND LOCHMANN

Architecte, professuer à l’ENSAN, spécialisé dans la terre, intervenant lui-même sur certains chantiers

Architecte, puis maçon, autoentrepreneur nantais.

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PIMP MY WASTE Association composée de jeunes architectes spécialisés dans le réemploi (travail sur la rationalisation du réemploi et la création de mobilier).

SAGA

Collectif de jeunes architectes issus de l’ENSAN intervenant sur des projets participatifs (Afrique du Sud notamment).

Note sur les graphiques : ces derniers ont été ajoutés au dossier dans le but de comprendre rapidement et visuellement comment, selon nous, l’enquêté se situe parmi 5 paramètres: - se dit-il architecte ? - se dit-il artisan ? - dans son travail quotidien, effectue-il plus de tâches de conception ou de réalisation ? - son métier est-il le moyen de son engagement social ?

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Christian Jelk « Tu sais, l’art c’est la pensée en acte ! Donc effectivement, c’est en agissant que la pensée se construit ! Tant que tu ne fais rien, la pensée n’avance pas. »

A Sainte-Croix, un étrange et fier bâtiment vient de sortir de terre. Un bâtiment autonome, à lʹempreinte écologique minimale: 4 niveaux hors sol, 9 appartements où vivre responsable. Barbe fleurie, tatouages vibrionnants, Christian Jelk est un architecte EPFL. Un architecte un peu lassé de la profession depuis quelques années. Trop de passions. Le dessin, il expose ici et là. Les arts visuels, il est vice-président du comité central de Visarte, la société suisse des artistes. Il joue parfois les curateurs dʹexposition. Et parfois, quand le défi le mérite, il revient à lʹarchitecture. Christian Jelk commence notre échange par ces

mots : « Je suis la dernière volée d’architectes en Suisse à ne jamais avoir touché un ordinateur durant mes études. La malchance, c’est que j’ai dû apprendre après... (Rires) » Cet homme est avant tout un homme de combat, de principes forts qu’ils souhaitent respecter : « […] il y ait quelque chose qui soit toujours extrêmement tendu quoi. Qu’il y ait une pensée qui soit derrière ! C’est le fil rouge. » Il évoque son expérience en agence au début de sa carrière professionnelle : « […] j’ai quand même bossé 2 ans pour Massimiliano Fuksas à Rome qui


fondements d’un projet CONSTRUCTION

était assez cool parce que c’était une ambiance d’atelier de concours assez dingue mais on fait ça 25 ans mais pas 50 quoi. C’est 15 heures par jour. J’étais une bête à concours mais bon… » Nous ressentons tout d’abord un ras-le-bol de la société d’aujourd’hui, consommatrice et capitaliste. Il combat les enjeux superflus à son sens, tel que celui du business des promoteurs : « Oui, les promoteurs immobiliers, ils en font beaucoup mais… (Rires) » ou celui des banques : « […] ça veut dire un régime très féodal quoi avec les impôts d’assurances, de banques, etc. » et réplique : « C’est vrai qu’on ne sait pas imaginer une sortie du capitalisme, ce qui est bizarre c’est qu’on est capable d’imaginer la fin du monde mais pas la fin du capitalisme. » Imaginons nous dit-il : « Si pendant une semaine, les camions ne livrent plus chez carrefour, chez machin, chez tout ça mais c’est la guerre civile ! […] On est toujours dans une situation extrêmement fragile ! » Il remet en cause également l’intérêt des urbanistes, ainsi que des autorités de commune : « […] ce n’est pas comme ça que la ville doit se faire. Ce n’est jamais comme ça qu’elle aurait dû se faire. Ce n’est vraiment pas comme ça qu’elle s’est faite au départ mais on est assez désemparés quoi, parce qu’évidemment c’est un système entier qui est à repenser ! » Il protège et défend donc ceux nécessaires à son sens : « Ça veut dire qu’on consomme déjà deux planètes au lieu d’une. Ces mesures-là, moi je me

À Sainte-Croix, un immeuble d’habitation coopératif dis : c’est du délire quoitrès ! » original s’élève actuellement. Il met en valeur Il répond donc à ces inquiétudes, tel un homme des savoir-faire politique qui déroule son programme : « […] on ne peut plus faire comme si de était, on ne peut traditionnels etrien vise plus faire semblant ! » et continue : « […] tout le une empreinte monde est responsable du bâtiment. [..] Un jour ce écologique minimale. bâtiment veut être déconstruit, il faut qu’on essaye

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qu’il laisse le moins marque possible. n ce début de de printemps, le froid, les » Il parle d’air etl’empreinte l’humidité queécologique dégage donc de : «courants […] réduire » et la terre: crue pénètrent qu’on jusqu’aux os,faire pour nous questionne « Qu’est-ce peut l’ambiance chaleureuse qui règne dans avoir lemais moins de déplacements possibles ? Qu’estles futurs appartements de cet immeuble en ce qu’on peut faire être plus proche d’un chantier sur les pour hauteurs de le Sainte-Croix retour à(VD) la nature ? […] C’est-à-dire à quelle fait toute la différence. Quelques coo- moment est ce qu’on va dépasser l’échelle 1 ? C’est-à-dire, pérateurs, à la fois propriétaires et locay sont enplus pleinque travail: montent qu’on ataires, consommé ce ils qu’on est capable avec application les murs en briques de terre de recevoir. »

Écologie et solidarité son fondements d’un projet o À Sainte-Croix, un immeuble d’habitation coopératif très original s’élève actuellement. Il met en valeur des savoir-faire traditionnels et vise une empreinte écologique minimale.

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n ce début de printemps, le froid, les courants d’air et l’humidité que dégage la terre crue pénètrent jusqu’aux os, mais l’ambiance chaleureuse qui règne dans les futurs appartements de cet immeuble en chantier sur les hauteurs de Sainte-Croix (VD) fait toute la différence. Quelques coopérateurs, à la fois propriétaires et locataires, y sont en plein travail: ils montent avec application les murs en briques de terre crue qui sépareront leurs logements à chacun des quatre niveaux de l’immeuble. «Ces briques ont été fabriquées ici même, lors d’un chantier participatif, avec une partie de la terre d’excavation du chantier, sous la conduite de l’entreprise Terrabloc. Construire ensemble ses propres murs est un plaisir auquel les futurs habitants participent volontiers. Cela nous permet de réduire les coûts et d’apprendre à vivre ensemble», sourit Daniel Béguin, l’un des treize membres de la coopérative DomaHabitare et fer de lance de cet ambitieux projet écologique et social.

Né d’un rêve

L’histoire a débuté en 2010, avec la création de la coopérative. Les trois membres fondateurs espéraient racheter une ancienne usine à Sainte-Croix pour y créer 18 appartements. «Très soucieux d’écologie, nous préférions

la rénovation à la construction afin de ne pas empiéter sur les terres agricoles. Mais finalement la vente n’a pas été conclue et nous avons envisagé de bâtir du neuf. Une nuit, j’ai rêvé d’une immense serre avec des petites maisons à l’intérieur. Je l’ai dessinée, mais sans trop y croire au vu des règlements communaux. Nous avons ensuite trouvé un terrain et eu la chance de rencontrer Christian Jelk, un architecte de la place prêt à nous suivre dans cette aventure hors norme», raconte Daniel Béguin. Dès le départ, la volonté des coopérateurs était en effet de créer un bâtiment ayant le moins d’impact possible sur l’environnement, de la construction à la déconstruction, et de vivre au plus près des cycles de la nature. «Pour répondre à ces souhaits, nous avons opté pour des matériaux les moins transformés possible, comme la

pierre sèche, le bois, la paill car ils pourront un jour ret sans polluer quoi que ce s aussi privilégié le local, exemple que le bois utilisé plus de 40 km entre l’endro usiné puis livré. Les toilett et les citernes de récupérati se sont également impo Christian Jelk. Malgré les résistances, le Béguin s’est peu à peu c avec quelques coups de gom supplémentaires. Il s’élè sous la forme d’un bâtimen loppe, l’extérieure en verre l’intérieure alliant une o porteur et différents isola avec des coursives, des ja des espaces de rencontre e

Éloge de la lenteur e

La construction a débuté l’élévation côté nord d’un pierres sèches, servant de terrain. «Au début j’étais i teur de ce travail, car conforme aux habitudes d du bâtiment. Puis j’ai réali mettait de poser calmeme nous donnait le temps de solutions pour d’autres élé relève Christian Jelk. L’artisanat sera aussi de mi nord-est, bardée de tavillon

crue qui sépareront leurs logements à chaLe plus haut s cun des quatre niveaux de l’immeuble. Nous sommes devant un combattant, un homme de «Ces briques ont été fabriquées ici même, charisme se chantier bat pourparticipatif, des causes lorsqui d’un avecbien uneprécises, un chevalier d’aujourd’hui. partie de la terre d’excavation du chantier, sous la conduite de l’entreprise Terrabloc. la rénovation à la construction afin de ne pas pierre sèche, le boi ensemble ses propres est : empiéter Il peut Construire combattre avec son projetmurs maître Doma sur les terres agricoles. Mais fina- car ils pourront un Chantier de M. Jelk àsans Saintepolluer quoi un plaisir auquel les futurs habitants parti- lement la vente n’a pas été conclue et nous Habitare, présenté lors de la conférence au LU, le Croix, -Terre et Nature aussi privilégié l cipent volontiers. Cela nous permet de ré- avons envisagé de bâtir du Suisse. neuf. Une nuit, 28 février et dit « […] c’est un projet pilote. duire2019 les coûts et :d’apprendre à vivre en- j’ai rêvé d’une immense serre avec des pe- exemple que le bo C’est véritablement projet expérimental ! »maisons Il semble», sourit un Daniel Béguin, l’un des tites à l’intérieur. Je l’ai dessinée, plus de 40 km entr faut : «treize […]membres aller chercher les solutions toujours de la coopérative Doma- mais sans trop y croire au vu des règlements usiné puis livré. L Habitare fer de lance de pour cet ambitieux Nous avons ensuite trouvé un et les citernes de r plus écolos, lesetplus radicales dire : ok,communaux. on fait écologique et social. tout ceprojet qui est possible quitte à prendre unterrain risqueet eu la chance de rencontrer Chris- se sont égaleme tian Jelk, un architecte de la place prêt à nous Christian Jelk. financier par rapport à un bâtiment standard. » Il suivre dans cette aventure hors norme», ra- Malgré les résist Né d’un rêve signifieL’histoire souventa la radicalité de sa pensée, elle doit Béguin s’est peu débuté en 2010, avec la création conte Daniel Béguin. être concrète et faisable : « membres Évidemment Dès le départ, la volonté des coopérateurs avec quelques cou de la coopérative. Les trois fonda- radicale, mais il yteurs a peu d’autres réponses que radicales. en effet de créer un bâtiment ayant le supplémentaires. espéraient racheter une ancienne usine était[…] à Sainte-Croix pour y créer 18 appartements. moins d’impact possible sur l’environne- sous la forme d’un «Très soucieux d’écologie, nous préférions ment, de la construction à la déconstruc- loppe, l’extérieure tion, et de vivre au plus près des cycles de la l’intérieure allian

Question énergétique, l’imm chauffer l’eau et les appart poêles à bois offriront conf énergétiques du bâtiment l’énergie grise et l’impact é locale et la biodiversité du standard SNBS (Standard prouver qu’il est possible d immeuble particulièrement horlogers. La simplicité est qualité», assure l’architect + D’INFOS www.nnbs.ch


il faut quelque chose qui se fasse quoi ! » « Évidemment, une pensée doit prendre forme, elle doit prendre un corps et puis c’est notre boulot. Il y a mille façons de le faire ! […] il faut lâcher prise, il faut laisser aller ! […] c’est une philosophie qui se construit au fur et à mesure du projet. » C’est un apprentissage dans la durée par le geste : « Parce qu’ils marchaient, marcher ça nourrit la tête en fait. (Rires) L’ère d’un rien, on se promène et puis l’apprentissage se fait comme ça. […] les gens mettent la main à la pâte […] On n’a pas besoin de se parler. C’est un apprentissage par le geste quoi. » Il faut du : « […] du temps pour penser. » Il pense à : « Un endroit où les gens pourraient continuer à faire grandir les idées. » et à : « […] mettre le rythme du geste de l’individu, de l’être humain, dans un bâtiment qui se construit. […] c’est vrai, je suis de passage, comment est-ce que j’investis cet endroit ? » Lorsqu’on lui pose la question : …, il nous répond : « […] je n’ai pas la prétention d’être un architecte/ artisans parce que je le dis toujours : je ne suis qu’un architecte ! […] ces savoir-faire sont souvent loin de l’architecte. » « Il y a vraiment cette volonté, TAC, on va jusqu’au bout ! […] Quand je me promène dans une ville, je me promène ici à Nantes, je me projette quoi. […] dans les grandes avenues : tient, on va planter des carottes, des patates, il y aura que des vélos. » Il faut donc : « […] réfléchir à comment tout ça va se 14

mettre en œuvre. » « […] ces fameuses normes HQE, etc. qui sont très conditionnées par des systèmes mécanisés et domotisés. Là, on est à l’extrême opposé volontairement, c’est du low-tech. » Doma Habitare est un : « […] projet super low-cost, low-tech avec des solutions au plus simple. Un, la vie est sur Terre et on chasse les solutions les plus simples. » Il est alors nécessaire d’: « […] inventer parce qu’on avait très peu de moyen. » Le chantier se déroulait avec : « Des gars qui […] savent bricoler quoi, qui savent faire des trucs. » Ainsi, vient l’idée de matériaux récupérés ou locaux : « [...] ça veut dire travailler avec des matériaux non transformés, travailler avec des matériaux de proximité. […] en travaillant en chemin, […] on a trouvé la solution sur place. […] cette idée qu’on assemble des choses qui soient on a trouvé ailleurs, soient qu’on « invente » pour la première fois et bien cette nourriture-là, elle a peu d’égale ! » « Alors, l’argile avec laquelle on a fabriqué les briques, [...] un bon 40% c’est la terre qu’on a extraite du site. [...] On les a trié, on les a tamisé, et puis c’est avec cette terre qu’à la fin (rires), je suis à l’abri. [...] Le chantier de fabriquer les briques était vraiment un truc incroyable ! [...] C’est incroyable ! Il y a une paix dans ce bâtiment que je rencontre dans peu d’autres endroits. Alors pourquoi ? Evidemment parce qu’il y a des matériaux naturels, parce qu’on est dans un environnement qui est proche de


l’environnement même – il est nourris par ce qui a autour de lui et ça je pense que ça participe de certains équilibres subtiles quoi. » « Je trouvais l’idée d’un patchwork assez excellent quoi. [...] on s’est mis à chercher sans chercher un petit peu de matériels de récupération par ci, par là. Et puis, on s’est dit : bah, il faut qu’on aie un œil sur d’éventuels maisons, bâtiments qui se détruisent, des démolitions. [...] L’idée, c’était surtout, par exemple, de récupérer des planchers dans des belles maisons des années 30/40. » C’est : « […] l’esprit d’aller à la collecte de ces choses-là. » « On a effectivement une première enveloppe qui est une enveloppe chaude et puis on a choisi, le bâtiment à cette forme-là grosso modo. » (PDF croquis plan Jelk) Il porte aussi un engagement social très fort : « Par hasard, il se trouve que j’ai été impliqué assez tôt, après mes études, dans un projet participatif avec des migrants. […] une idée de faire du foot, l’idée de réunir autour d’un repas par semaine. » Il définit ce projet comme : « un chantier participatif ». Il est important de : « […] tenir un propos, tenir une pensée qui est celui d’un vivre ensemble. » « […] le faire ensemble, […] ça met en place une vie collective… » Ce sont : « […] des questions de choix de vivre ensemble. Des choix sociaux qu’un architecte ne va pas imposer. Il peut le suggérer, essayer de le provoquer en quelque sorte. » Il

remarque que le faire : « […] ensemble, ça va plus vite ! […] construire ensemble, ça déporte sur pleins d’aspects, ça déporte aussi sur le domaine « social », ça veut dire de la relation, du partage, d’échange à l’autre et puis dans le rapport à la matière. » « Qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, les gens étaient super motivés puis il y avait une espèce de jeu assez marrant qui était de compter les briques. […] Il y avait un esprit, pas de compétition, plus de jeu. […] l’enjeu ce n’est pas d’aller chercher une économie […] mais que les gens deviennent acteurs de ce qu’ils font. […] la façade, elle n’est pas figée, elle n’est pas posée. Elle va changer parce que les gens qui sont dedans vont changer aussi, parce que les humeurs changent, parce que… […] C’est l’être humain qui fait la domotique, qui ouvre les fenêtres s’il en a envie puis qu’il les ferme. » « […] on se voyait à 19h pour passer en revue ce qui allait ou n’allait pas dans le projet en cours. Alors au moins quand tu es dans l’action, les choses passèrent différemment. Elles passèrent de passeur de briques à passeur de briques et le fait d’avoir la conscience que le bâtiment, il était engagé. Il y avait cette énergie assez cool, c’est là quoi ! » Futuriste, il pense que : « […] l’implication sociale individuelle est importante aujourd’hui parce qu’on est dedans à la veille d’une mutation assez phénoménale, une mutation sociale super importante. […] le revenu de base inconditionnel donc c’est l’idée d’un revenu pour tous, suffisant et nécessaire pour vivre. Mais qu’est-ce qu’il y a 15


derrière tout ça ? Il y a l’idée que chacun puisse passer ses journées à réfléchir à ce qu’il veut faire de sa vie. » A la fin de notre échange, il parle donc de cette notion qui lui est chère : La pensée en Acte ! « Tu sais, l’art c’est la pensée en acte ! Donc effectivement, c’est en agissant que la pensée se construit ! Tant que tu ne fais rien, la pensée n’avance pas. Après, il faut trouver le lieu de cet agir. Pour chacun de soi, on a des sensibilités, des rapports à la matière ou que sais-je qui sont différents quoi. Evidemment que celui qui ne fait qu’agir est déresponsabilisé parce que ce n’est pas lui qui est responsable de cette chose-là ! D’ailleurs, on vit dans un monde comme ça en générale ! On vit dans un monde en générale et complètement déresponsabilisé. Personne ne prend la responsabilité – si quelqu’un a dit : je suis responsable – bah putain, c’est la merde pour lui ! Il prend tout sur la figure mais à petite échelle dans n’importe quel domaine. Il y a très peu de gens qui sont responsables de leurs actes. Donc oui bien sûr, la pensée en acte ! Pour moi, c’est une évidence ! » « L’architecture est un sport de combat ! »

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Adèle Roqueta, ILYT «En tant qu’architecte (...) la part créative après c’est 5% du métier»

L’entretien avec Adèle Roqueta, d’ILYT, entreprise d’ébénisterie, s’est déroulé le 5 avril 2019 par téléphone, en fin de journée. Son compagnon architecte-ébéniste n’était pas présent et l’entretien s’est déroulé entièrement avec Adèle Roqueta qui n’a pour activité principale la réalisation dans l’entreprise, mais plutôt toutes les activités connexes (conception, relations clients, communication, etc).

Perspective réalisée par ILYT pour la conception d’un dressing. -Ilytdesign.fr 18

Adèle Roqueta a fondé avec son compagnon Antoine Robinet l’entreprise d’ébénisterie ILYT en 2015. Tous deux architectes DPLG, ils se sont rencontrés au sein d’une agence d’architecture. L’entreprise ILYT (pour “I Love You Too ou I Love You Tree”) est

née de la mise en cohérence de leurs deux projets de vie : pour Adèle, créer sa propre entreprise (la forme), et pour Antoine, devenir ébéniste (le fond). Il reste à préciser cependant que nous n’avons rencontré qu’Adèle Roqueta et que nous bénéficions donc seulement de propos rapportés concernant Antoine Robinet.

LE MOTIF DU RETOUR AU CONCRET COMME RAISON DU DEPART Adèle Roqueta souligne à plusieurs reprises le manque de concret dans sa pratique de la profession


d’architecte. En effet, cette dernière était employée de l’agence Wilmotte, en tant qu’architecte dans un premier temps, puis en tant que responsable de communication. Elle avait déjà “un peu bifurqué”. Elle soulignait également la temporalité des projets d’architecture comme source d’insatisfaction : “en étant en agence on peut parfois travailler sur un projet et ne pas en voir la finalité. Et c’est vrai que c’est assez frustrant.”

LA RENCONTRE COMME DECLENCHEUR Adèle Roqueta identifie la rencontre avec Antoine Robinet comme étant le déclencheur de la réorientation vers l’artisanat. D’abord amis, puis couple, les deux se sont rencontrés autour d’objectifs communs, mais aussi de frustrations partagées quant à leur pratique du métier d’architecte dans l’agence où tous deux exerçaient en région parisienne. “En fait moi ça faisait très longtemps que je voulais monter ma société, donc maintenant sur le principe, je me sentais pas de le faire toute seule, et Antoine, lui, il en avait marre du manque de concret dans le milieu de l’architecture. En tant qu’architecte c’est vrai que la part créative après c’est 5% du métier, après c’est beaucoup d’échanges administratifs”.

DES STRATEGIES PERMETTANT DE FAIRE FACE AUX INCERTITUDES DE LA TRANSITION La question des finances se pose nécessairement

lorsqu’il s’agit de se reconvertir et de trouver les ressources pour lancer une nouvelle activité. Antoine a dû par exemple faire un prêt pour financer la formation d’ébéniste, et Adèle trouver une formation financée sous forme de tremplin pour la création d’entreprise organisé par la région. Pour les débuts, Adèle a continué de travailler en tant que vendeuse de meubles dans un magasin de mobilier de designer, ce qui lui a permis de continuer de se former sur la vente de meubles, tandis qu’Antoine a travaillé un temps pour une maison d’ébénisterie de luxe. Leur activité a été lancée sur leur temps personnel (les weekends, quasiment tous investis dans leur nouvelle entreprise, pendant toute une année), à l’aide de commandes d’abord reçues de proches ou d’anciens amis architectes. Lorsque l’atelier loué en région parisienne devint trop exigü, il a fallut trouver un nouveau moyen de poursuivre l’activité.

Réalisation. -Ilytdesign.fr

UN NOUVEAU SACERDOCE ? En effet, si le mode de vie du couple ne les satisfaisait pas, à l’époque où tous deux s’étaient rencontrés au sein d’une agence d’architecture, il s’agissait en partie d’une question de volume horaire et de perte de sens dans les tâches quotidiennes. Néanmoins, les deux ont travaillé d’arrache-pied pour permettre à leur projet de voir le jour: dès lors, pourquoi ce nouveau mode de vie, à heures travaillées égales voire supérieures, est-il plus supportable que l’ancien ? En effet, il ne s’agit pas seulement, ou peu, d’une question de quantité de travail mais bien d’une question de qualité (des

Les comptes Ilyt sur les réseaux sociaux sont autant abreuvés des réalisations du couple que des récoltes de leur potager, ce qui témoigne, à mon sens, de l’importance qu’a leur mode de vie (l’ébénisterie en milieu rural) dans leur récit personnel. -Facebook


tâches entreprises, du cadre de travail).

UN PROJET DE VIE A L’ECHELLE FAMILIALE Au contraire d’autres architectes-artisans interrogés dans le cadre du groupe de TD, le couple de l’agence ILYT n’avait pas de vocation politique militante quand au changement de carrière. Il ne s’agit pas directement pour eux, a priori, de changer la société par le changement d’activité (au contraire de Christian Jelk par exemple). Ce qui ne les empêche pas d’avoir des principes, notamment écologiques, dans l’exercice de leur métier (refus de projets nécessitant de la résine epoxy, refus des vernis chimiques, etc). En revanche, un des buts a été de créer un projet de vie pour la famille, avec le déménagement de l’atelier en Bourgogne, dans un petit village, auprès de la famille d’Antoine, pour des raisons de manque de locaux également. De là, d’autres choix de vie ont découlé de leurs choix professionnels : travailler en couple, utiliser la sciure produite à d’autres fins (un potager, des toilettes sèches, etc). Ainsi, certains choix personnels sont induits par des choix réalisés au niveau professionnel, et vice-versa. Entreprise et famille sont dès lors indissociables pour les deux associés, qui ne se voient pas pour l’instant employer de troisième personne “même si cela nous empêche parfois d’accéder à certains types de chantier car ça nous prendrait trop longtemps et on ne serait pas compétitifs”. De plus, ce mode de vie qui tourne 20

autour de l’ébénisterie (utilisation et valorisation des chutes, de la sciure au potager) participe largement de leur stratégie de communication sur les réseaux sociaux. La petite entreprise s’affiche comme une famille, où on a autant accès aux légumes poussés au jardin grâce à la sciure qu’aux meubles réalisés. Ainsi, le mode de vie choisi autour de leur profession participe de leur récit public.


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Bertrand Lochmann «Faire plutôt que de faire faire»

Bertrand Lochman est diplômé de l’Ecole d’architecture de Nantes depuis juin 1980. Comme beaucoup d’étudiants à l’école d’architecture, il s’est inscrit à l’ordre des architectes comme un futur pratiquant du métier. Que faire après ? Sa stratégie de prendre cette décision est de vivre les expériences jusqu’au bout et de se laisser porter par ce qu’il aime faire, et ce qu’il sait faire. « Pendant le cours des études j’avais travaillé dans le bâtiment, j’avais aussi travaillé dans des agences.», affirme Lochmann qui a superposé ces deux dimensions du monde de l’architecture depuis le départ et qui porte un regard différent à la pratique. 22

LA FORMATION A L’ECOLE D’ARCHITECTURE « Quand j’étais à l’école j’ai fait avec un ami pas mal de vacances à faire de la maçonnerie. J’ai pris goût. Et le deuxième stage à l’école d’archi je l’ai fait chez un charpentier, et j’ai bien aimé chez ce gars là. » C’est ainsi que l’orientation vers l’artisanat a commencé chez Bertrand Lochmann. Ses études à l’école d’architecture lui ont ouvert la porte à l’exploration du domaine du bâtiment, à travers des acteurs tel que le charpentier où il a fait son stage de la première année, ou les interventions qu’il a pu faire avec des amis à lui. Avec ses amis également,


il a pu travailler à la région de l’Ille-et-Vilaine pendant ses études. Ce qui lui a offert la possibilité de s’y installer après ses études pendant trois ans pour travailler. « Avec les amis on avait déjà travaillé dans cette région là. Donc on connaissait les gens un petit peu. On travaillait pas mal à l’époque chez des familles qui étaient un peu dans la précarité. Donc on était en relation avec des associations sociales qui connaissaient le système de financement pour ces familles.» La liberté sur chantier, et la maîtrise de l’ensemble : « je préfère de faire, que faire faire. » Le choix de l’artisanat est un choix qui s’est fait plutôt naturellement chez Bertrand Lochmann. C’est par les expériences et les rencontres qu’il s’est rendu compte que ce qui lui plait plus dans le processus de la conception, c’est de « faire ». Il se trouve attiré par la réalisation du dessin et la recherche de la finesse du détail. « .. je dessinais un truc, et puis en le faisant je me dis: «Tiens, peut être on va faire comme ci comme ça» et du coup ça change par rapport à ce que j’ai dessiné. Parce que si quelqu’un d’autre décide tu es obligé de respecter. » Il préfère intervenir sur une tâche limitée qu’il peut maîtriser de bout à bout. C’est ainsi qu’il a décrit sa pratique d’artisan après 30 ans de carrière : «la satisfaction du boulot réalisé, sur lequel je maîtrisais à peu prêt tout. » « Quand on fait une tache on donne un délai, et après ayant connaissance de ça et ayant donné un prix pour cette prestation vous le ferez, et après

voilà quoi. » Il ne préfère pas les tâches gestionnaires du métier d’architecte, puisque ça nécessite un certain contrôle sur d’autres personnes ainsi que la surveillance sur leur travail et l’organisation du chantier. « J’ai pas, comme l’architecte, la nécessité d’aller chercher les gens pour venir et pour qu’ils soient là quand j’ai envie. » Quand il se rappelle dès ses premiers chantier où il sous-traitait des intervenants extérieurs (électricien, plombier..etc), il souligne le fait que c’était un « horreur » de faire des feuilles de paie pour tout le monde. « Sur les réunions du chantier les architectes gueulent parce que l’électricien n’est pas là, parce que le peintre est en retard, non seulement il faut travailler beaucoup mais il faut faire travailler les autres. Et ça de la même façon que c’était compliqué pour moi d’avoir des salariés, de la même façon, faire travailler des gens sur des chantiers j’arrive mal. » Un exemple du contrôle d’architecte est donné par Bertrand dans un chantier où il collaborait avec un architecte en tant que maçon. L’électricien a proposé, pour des raisons pratiques sur chantier, de faire des cloisons de doublage pour passer l’électricité. Alors l’architecte « voulait rien savoir ». Donc l’électricien subissait. Ironiquement, deux jours plus tard, l’architecte veut faire une cloison de doublage pour des raisons d’isolation acoustique. Ceci montre à quel point la hiérarchie sur chantier peut être désagréable pour les acteurs, ce que Bertrand trouve insupportable. « Alors il me dit ça un matin, et du coup j’étais tellement dégouté. L’après midi je ne suis pas allé

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travailler. »

BRICOLER POUR CONSTRUIRE. « Ce que j’aime bien c’est de faire comme ci comme ça, non j’aimais bien. »Quand il s’agit de la vie sur chantier et les techniques « astucieuses » qu’il fallait employer, un émerveillement se sent dans les paroles de Bertrand. Il a pris le plaisir de nous raconter son premier chantier en tant qu’ artisan où il fallait qu’il fasse un échafaudage sur une toiture inaccessible en plastique, « et donc pour échafauder la dessus j’avais mis entre les deux murs, au dessus de la toiture en plastique, des étés que j’avais serré très très fort entre les murs et sur lesquels j’ai mis un plateau sur lequel je monte. haha » Cet aspect de « bricolage » que lui permet son métier lui plaît énormément, il se sent libre à utiliser des techniques qui ne sont pas nécessairement sûr, mais qui lui conviennent bien. « .. d’être tout le temps à fond, de courir dans tous les sens, des fois de manquer un peu de méthode. » La maçonnerie offre pour lui un domaine libre. Avec les outils du maçon il peut créer et fournir des solutions, tout en utilisant toujours les mêmes matériaux. C’est créatif, et astucieux. « La maçonnerie, on peut facilement avec pas grand-chose, de faire quelque chose, avec un peu de ciment on peut faire quelque chose. » Il est intéressant de comparer son point de vue à celui de son fils, Arthur Lochmann, qui lui-même travaille dans la charpente et qui a lancé un livre récemment intitulé La vie solide, la Charpente comme Éthique de Faire. Arthur n’aime pas le 24

mortier, par ce qu’il faut laver les outils. Il trouve que le mortier est sale. Pour lui c’est très satisfaisant de monter une charpente (d’après son père). Paradoxalement, Bertrand ne s’est pas occupé à faire des expérimentations avec des techniques et des matériaux. Des fois, les intérimaires qu’il embauchait sur chantier peuvent lui ramener des nouveaux savoir-faire. Mais ce n’est pas exprimé par une volonté d’innovation ou de développement de techniques de construction.

SE FAIRE RATTRAPER PAR SON STATUT D’ARCHITECTE Curieusement, au début de l’entretien, Bertrand s’opposait à l’idée que son diplôme d’architecte lui a permis d’avoir certaines commandes. Au fur et à mesure de la discussion, et à sa manière, il commence à y réfléchir comme si c’est un sujet qui passait inaperçu avant. Effectivement, cette double étiquette architecteartisan lui a permis d’avoir des avantages par rapport aux autres artisans. «Ouais ça m’était arrivé quelques fois, effectivement dans ces résidences secondaires pour dessiner deux trois trucs. » Il avait le droit à dessiner lui-même le plan pour les extensions qu’il faisait, de signer un permis de construire au début de sa carrière quand il était inscrit à l’ordre, ou d’être confié à faire des missions de sondage par Nantes Métropole Aménagement. Il s’en rend compte en disant : « Mais alors si, il devait savoir que je suis architecte. Ouais peut être c’est à cause de ça qu’ils me demandaient. Parce qu’il me demandaient un tas


de trucs.. Ils me demandaient de faire souvent des diagnostiques, ou d’aller faire des sondages pour voir comment c’était fait une structure. Et donc là ils savaient par exemple qu’ils pouvaient me demander de regarder pour que je mette à jour ce qui était effectivement la structure. Là comme architecte, et en plus comme praticien (ouais je ne sais pas trop la différence), je pouvais savoir où il fallait chercher pour voir la structure.» Nous pouvons donc remarquer que ses compétences qu’il a pu acquérir pendant ses études étaient valorisées auprès de ses clients, et il pouvait faire des tâches qui demandent certaines connaissances techniques. «ET À L’ÉPOQUE.. », MÉTIER

LA VIE LUDIQUE DU

Nous ne sommes pas attardés dans l’entretien avant qu’il nous dise : « et à l’époque, je fais une petite digression.. ». Jusqu’au point que nous pouvons considérer ceci comme symbolique de notre entretien. Il se rappelle de beaucoup d’histoire sur différents chantiers et avec différents personnages. Sur un chantier d’une résidence secondaire où il allait en hiver et « en profiter à chaque fois pour faire un petit tour. », ce client qui travaillait à Sercel sur des technologies GPS dans l’époque où la précision « marchait à 100 mètres près », ou la chaussée de la Madeleine dans l’époque où il y avait des restaurants ouvriers et des gens qui font la Barathon à Pastis. Il raconte ces détails comme si ça fait parti de sa journée du travail. Pour lui, l’humour et le travail ne sont pas séparés. Au contraire, la

bonne humeur c’est ça qui caractérise son métier. C’est également un rapprochement entre la vie sociale et la vie professionnelle. Bertrand garde des relations particulières avec ses voisins. «Des fragments dans le quartier j’en ai fait vachement. », dit-il avec fierté. Son travail lui permet d’avoir un statut particulier auprès de ses connaissances. Pour des raisons d’accessibilité du chantier par exemple, il peut garder les clés du foyer ou rentrer dans des espaces intimes aux habitants. Souvent la commande peut venir par le biais des amis ou des connaissances. Et le chantier peut être une occasion de rencontre ou des activités sociales. Depuis 4 ans, il va sur un chantier dans le Bugey pour des amis à son fils. « Ce couple, pendant une semaine d’été, loue un gîte à coté et puis ils invitent des amis et puis on fait des travaux sur la grange.» Cette expérience devient un moment de partage et sociabilité, la hiérarchie entre client et technicien s’efface. UN CHOIX RENTABLE « Est ce que il y’a un chantier rétrospectivement où vous vous dites ça c’est vraiment ce que j’ai envie de faire? », la réponse à cette question se dévoile et c’est un peu surprenant pour nous. « Bah celui à 250 000 francs. », dit-il sans hésitation. Le choix de s’installer comme artisan se comprend surement comme un choix de préférence personnel, mais qui offre également des avantages financiers dont Bertrand est bien conscient. «je pense que j’ai eu au moins pendant les vingt dernières années une qualité de vie largement 25


supérieure à celle que j’ai pu avoir si j’étais comme les gens que je fréquente à l’école. » Il ne s’est rarement, voire jamais, trouvé sans travail. Sa liberté et son indépendance lui servait en grande partie, ainsi que ses connaissances et son réseau social. Un point important pour Bertrand Lochmann c’est la vie en famille. Grâce à son métier, il a pu arriver à un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie à la maison. « Je crois que j’ai bien réussi, il me semble, à réconcilier la vie personnelle, et puis ma carrière »

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Riccardo de Pauli «Ce que j’avais depuis petit c’était le mot «réaliser», réellement réaliser, rendre réel quelque chose, voir l’idée et la rendre»

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“Qui suis-je ? C’est une belle question !”, ce sont les mots prononcés par Riccardo De Paoli lorsque nous lui avons demandé comment il se définissait. « Savoir-faire et faire-savoir » sont les maître-mots de sa démarche professionnelle, entre architecture et artisanat. Il s’’intéresse à la terre crue comme matériau constructif et de décoration depuis sa formation en Architecture. En 2008, il a passé son diplôme de master en «Architecture (Construction)» à Polytechnique de Turin (Italie). En 2010, son diplôme post-master de Spécialisation et Approfondissement (DSA “Architectures de terre”) au centre de recherche internationale de la construction en terre à Grenoble (CRAterre).Le partage et la transmission de ses compétences sont pour lui très importantes dans sa profession et se développent aujourd’hui à travers différents moyens de sensibilisation comme la transmission d’un petit savoir-faire aux clients avec qui il travaille, ou encore à la suite de divers interventions au sein des écoles d’architectures.

LA NAISSANCE D’UNE DEVENUE VOCATION

PASSION

“Et du coup je me suis renseigné, j’ai plongé là dedans et je me suis passionné du matériau!” Pour Riccardo De Paoli la découverte de la terre crue est d’abord un hasard heureux. En effet, c’est pendant un voyage entre amis dans un petit village d’Italie qu’il la découverte pour la première fois. A cette période il était déjà en étude d’architecture et ce qui l’a interpellé est l’originalité de ce matériau et le fait que jusqu’à aujourd’hui personne ne lui avais

parlé de la possibilité de construire en terre crue. “Donc jusqu’à la cinquième année en architecture je n’ai jamais entendu parler de terre comme matériau constructible, et puis c’est pas par le biais de quelqu’un de l’école mais c’est lors d’un voyage entre amis dans les terres de mon coin (rire) pour une foire (...) il y avait plein de bâtiments en terre. Mais je ne savais pas le reconnaître je ne savais pas dire que c’était de la terre. Mais je voyais que c’était des bâtiments bizarres!”. Dans cette phrase on perçoit aussi l’inattendu ressenti pas De Paoli, il nous a expliqué que c’est en partie suite à cette découverte et à ses recherches sur la terre qu’il a commencé à s’y intéresser plus amplement. Il a été déçu par les lacunes de son enseignements en école d’architecture; “c’était quelque chose que je n’avais jamais entendu parler dans le milieu où je devais normalement le savoir et recevoir le savoir! (rires) C’est à l’école d’architecture que je devais savoir qu’il y avait un patrimoine de ce type, je l’ai pas su et du coup par contradiction je me suis passionné, pour comprendre comment c’était possible que ça existait et que ça durait et qu’on pouvait faire aussi du contemporain surtout.”. C’est pour cela qu’il a fini par passer son diplôme sur la terre post-master.

LA TERRE CRUE; UN MATÉRIAU MAIS PAS SEULEMENT “Le fait de toucher la matière ça me rendait heureux!” De Paoli nous a fait part de son manque de conviction concernant le métier d’architecte, car il se faisait une idée de l’architecte comme étant un concepteur et réalisateur, cependant au fil de ses 29


études il s’est rendu compte qu’être architecte n’implique pas seulement la phase de conception ni de réalisation d’un projet mais qu’il y avait également de nombreuses notions à acquérir en parallèle; “on dira que j’ai compris déjà depuis quelques années que c’était pas vraiment le métier pour moi l’architecture (...) Et du coup je me suis dis que peut être ma voix c’est plutôt dans l’artisanat, j’avais pas de formation d’artisan, ma famille elle ne vient pas d’artisan, mais toucher la matière pour fabriquer des choses ou réaliser des idées d’autres, ou des concepts d’autres, ou ... à moi, ça m’intéressait et ça me satisfaisait beaucoup plus que concevoir. Après voilà j’avais, ce que j’avais depuis petit c’était le mot réaliser, réellement réaliser, rendre réel quelque chose, voir l’idée et la rendre, ça j’aimais bien depuis petit et surtout le mot (rires) la signification du mot”. Le lien avec la terre s’est révélé être très important pour Riccardo De Paoli et le toucher de la matière un moyen d’expression libre. A travers son parcours et ses études, il a trouvé sa vocation dans le travail de la matière en lien avec l’artisanat. Même s’il considère ne pas avoir suffisamment de connaissances en matière d’artisanat, il continue de développer et d’apprendre en restant en contact avec les écoles d’architecture et se considère détenteur d’un “petit savoir-faire” qu’il continue d’approfondir pour vivre de sa passion. Nous avons demandé à De Paoli si son intérêt pour la terre avait pu être pour un autre matériau, et ce dernier nous a répondu que oui ça aurait pu mais “après la terre c’est bien (rire)”, comme si finalement c’était une évidence que ce soit la 30

terre et pas un autre matériau. Depuis tout petit il nous explique qu’il vivait dans un quartier presque entièrement minéral et qu’il n’a jamais eu l’occasion de jouer avec de la terre ou du sable étant enfant, et que ce sentiment de jeu et de création libre c’est aujourd’hui qu’il le ressent en travaillant avec la terre, en touchant la matière de ses propres mains; “disons principalement ce que je voyais c’était quelque chose de minéral figé et donc voir une matière, avoir l’expérience de toucher une matière vivante, réversible, que l’on peut ... elle sèche puis on peut ajouter de l’eau puis elle devient plastique telle qu’elle était avant ou pas. Et ce n’est pas que moi, tout le monde se sent bien à toucher cette matière, ça fait ressortir quelque chose de ancestral, quelques générations d’avant elle est encore en nous, dans quelque neurones (rires). Mais quand on touche une matière comme ça, on sent que c’est amical! Du coup c’est vrai que le contraste entre ce que j’ai vécu et ce que je vais découvert, ce que j’ai découvert, à l’instanté c’est un déclic.”.

L’APPRENTISSAGE EN ARCHITECTURE COMME RESSOURCE TECHNIQUE ? “Je voulais terminer mes études pour profiter au maximum des notions et puis je l’ai mis au profit de réalisations artisanales” Même si De Paoli s’est rendu compte avant la fin de ses études qu’il ne voulait pas être architecte il a tout de même souhaité continuer ses études pour acquérir les connaissances qui lui ont été dispensées en cours afin de pouvoir les mettre à profit de sa formation sur la terre crue post-master. Ses cinq


années d’architecture lui ont permis de structurer ses pensées et sa tête, comme il nous l’explique, “en Italie l’enseignement d’architecture c’est aussi, il y a aussi beaucoup de technicité, c’est à dire qu’on apprend beaucoup de structure, on s’approche de l’ingénierie, ce n’est pas de l’ingénierie, mais il y a beaucoup de calculs, beaucoup de sciences, de sciences de l’architecture. Donc pourquoi le bâtiment il tient debout, pourquoi il tombe. (...) Et du coup je fais une cabane en terre, puis je me sers de tout ces savoirs en fait que peut être je n’aurai pas eu parce que ... je ne veux pas généraliser mais artisan tout court, on peut s’expérimenter sans le besoin d’une science on fait confiance au savoir passé et à ce que l’on voit, ce que l’on arrive à faire, la répétition des gestes, mais on a pas forcément besoin de savoir pourquoi ça marche!”. Ainsi si il est amené à discuter avec un architecte d’un projet en commun ou pour lequel il travaille également, il en est capable et aura une compréhension des termes utilisés par l’architecte de par son apprentissage. Il nous fait part de cet avantage car cela lui permet l’accès également à différents projets de diverses envergures. Le métier est très différent de la formation mais il faut prendre profit de ces années comme nous le dit De Paoli. Il s’est aussi rendu compte que le métier d’architecte n’était peut-être pas réellement fait pour lui car c’est une personne très timide et lorsque l’on est architecte “il faut avoir une bonne gueule!”. Les réseaux et les relations publiques prennent une part importante dans le métier d’architecte et De Paoli n’était pas à l’aise avec cette facette du métier. Cependant, avec les années il nous explique qu’il a

quand même gagné en maturité et que cette maturité lui a permis en partie de pouvoir s’exprimer devant nous aujourd’hui, mais qu’il aurait été incapable de le faire il y a quelques années. L’apprentissage de l’architecture lui a donc également permis de se libérer personnellement et de gagner en assurance, ce qui lui sert aujourd’hui au quotidien. Ainsi en parallèle de la pratique de l’artisanat, Riccardo De Paoli met en application les connaissances reçues lors de son apprentissage afin d’apporter d’avantage de “savoir” dans son métier et de développer son “faire”. TRAVAILLER SEUL OU AVEC DES ARTISTES C’EST UNE LIBERTÉ “je suis seul souvent dans ma bulle, j’aime bien être dans ma bulle!” Riccardo De Paoli a créé sa propre entreprise, “Revenir Sur Terre”. Il y travaille seul et se porte très bien comme cela! C’est aussi lié à cette timidité qu’il préfère travailler seul; “c’est pour ça que je garde ce travail seul c’est parce que je parle peu”. Pour nous parler de ses méthodes de travail, De Paoli nous a fait part d’un de ses premiers projet qui lui a beaucoup apporté dans l’ensemble de sa carrière et qui continue de lui servir aujourd’hui dans ses travaux. C’était un projet artistique pour une exposition au Jardin des Plantes de Nantes, près de la gare. C’était la première fois qu’il travaillait en partenariat avec un artiste écrivain, Claude Ponti, et son retour sur cette expérience est explicite sur ses méthodes de travail et également sur le lien entre sa vie professionnelle et et sa vie personnelle. 31


“Finalement ça me plaît beaucoup de travailler avec les artistes (rire) parce que les artistes ils ont leur vision et puis moi je suis un réalisateur mais comme je vous disais avant moi c’est que j’aime bien aussi donner des avis. Mais pas des avis pour changer l’avis de l’artiste c’est juste comment mettre en oeuvre son concept. Et du coup au jardin des plantes à Nantes, l’artiste c’était un écrivain, Claude Ponti, un écrivain d’histoires pour enfants qui a mis en oeuvre plein de personnages dans le jardin des plantes, le jardin botaniques devant la gare et un d’eux c’était des poires géantes. Des grosses poires, des grosses poires avec des plantes qui devaient pousser dessus. Du coup moi j’ai été appelé pour faire des grosses poires en terre, et du coup savoir comment les réaliser et c’était un chemin très sympa parce que ... ils ont mes ouvriers, l’équipe avec qui je travaillais et c’était les jardiniers.”

“SAVOIR-FAIRE” ET “FAIRE-SAVOIR” “J’ai envie de transmettre un petit savoir-faire!” L’envie de transmettre un petit savoir-faire et une matière, c’est là l’un des objectifs principaux de Riccardo De Paoli. “Disons que mon rôle en ce moment, depuis dix ans, c’est ça c’est plutôt de la sensibilisation en faisant”, avec ces mots De Paoli nous fait part de son souhait de faire connaître la terre crue et de la partager tout en sensibilisant ses clients en leur expliquant comment entretenir ce matériau, mais également faire découvrir aux étudiants en architecture les nombreuses propriétés offertes par ce dernier. Dès qu’il en a l’occasion il transmet des informations sur la terre crue, il le fait car c’est une passion avant tout et on aime parler de nos passions. La terre c’est un matériau vivant en quelque sortes, elle change d’état et doit être 32

bien utilisée! “Chacun est libre ... .je ne vends rien ! (rires) Ca ne m’interresse pas que quelqu’un l’utilise ou que tout le monde l’utilise c’est pas ça, l’objectif c’est vraiment passer le message, si vous l’utilisez utilisez le correctement.” Afin de transmettre ce savoir-faire, Riccardo De Paoli dispense des cours sur la terre crue au sein de différentes écoles d’architectures, et c’est en assistant à un de ses cours à l’école d’architecture de Nantes que nous avons fait sa rencontre. Il y a également un studio de projet qui nous permet d’expérimenter la terre crue en master à l’ensa Nantes. Cet enseignement est dirigé par De Paoli et il nous a expliqué que le but principal de cet enseignement était de sensibiliser et de faire découvrir ce matériau constructif aux étudiants afin de parer à cette ignorance qu’il a pu vivre lui-même à l’école d’architecture de Turin en Italie durant ses études. Il reconnaît cependant qu’au fil des années cette ignorance est de moins en moins présente et que les étudiants sont de plus en plus intéressés par ces matériaux dits “atypiques”. “Dans le nombre d’heure de l’enseignement oui, c’est organisé comme ça dans l’emploi du temps et ça m’arrange car j’adore pouvoir garder un contact dans l’école d’architecture, car ça me permet à quinze ans de distance de continuer à savoir ce que vous continuez à faire à apprendre, quel est le monde de l’étudiant en architecture c’est très privilégié de mon côté d’avoir une profession et de pouvoir de temps en temps venir écouter”. De Paoli affectionne tout particulièrement cette possibilité qu’il a de continuer même encore aujourd’hui à s’enrichir et à apprendre en lien avec l’architecture. Comme un échange, il apporte des connaissances sur la terre crue et en ressort avec des connaissances plus approfondies sur les modes constructifs d’aujourd’hui.


LA RECONNAISSANCE D’UN MATÉRIAU OUBLIÉ “Une boule de terre on peut la lancer on se salit les mains on se nettoie c’est pas vu de manière professionnelle ça c’est les mains sales, voilà c’est une façon de travailler qui je trouve devrait être acceptée! Entre les autres techniques de travail.” Riccardo De Paoli nous fait part au cours de son entretien du déclin qu’il y a eu au niveau de l’utilisation de la terre crue en construction, de par ses qualités non économiques et la difficultés de mise en oeuvre, le long temps de séchage … etc. Ce matériau a en effet été utilisé il y a des milliers d’années pour faire de la construction, ce sont des techniques ancestrales qui ont été oubliées avec le temps car elles sont apparues trop sales, pas assez professionnelles aux yeux de certains. Avec la découverte de nouveaux matériaux innovants, la terre crue est tombée dans l’oublie. Cependant avec la question environnementale qui se développe dans nos sociétés, le retour à la terre d’où “Revenir Sur Terre”, est au goût du jour; “il y a une image très négative, trop négative sur le matériau parce qu’il y a une méconnaissance sur les avantages . Il y a une connaissance des désavantages, et pas forcément ... toujours, sur les avantages. Pas forcément techniques aussi ... sensoriels.” De Paoli nous explique également que certains présentent la terre comme étant un matériau innovant, mais il n’a rien d’innovant pour notre artisan. C’est un simple “retour aux sources”, aux techniques ancestrales, car on redécouvre ce matériau comme étant durable et bon pour la planète, puis on lui trouve peu à peu des qualités esthétiques mais également ludiques. La terre rapproche; “ça m’est

passé plein de fois de faire des enduits avec les clients, je commence tout seul et puis les clients ils viennent avec moi mettre la main dedans, ressentir, toucher... on s’approprie, on le paie hein mais on s’approprie de l’oeuvre, ça devient quelque chose à nous. Ca donne de la valeur, on ne pourrait pas le faire avec d’autres matériaux. Ou moins le faire avec d’autres matériaux, alors que la terre c’est très très proche, c’est très direct.”.

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SAGA - collectif «Le fait de construire c’est un réel moyen car tu mets ton habit de chantier et tu es au même niveau que tout le monde, (...) car ça permet de briser toutes les barrières sociales»

Saga vient de « segja », ce qui signifie « récit » en islandais. Le collectif est créé en 2014, lors d’un chantier en Afrique du Sud et regroupe quatre architectes nantais : Sylvain Guitard; Camille Sablé; Simon Galland et Pierre Y. Guerin. Leur but est de se questionner sur les pratiques architecturales, artistiques et paysagères. Cela passe par l’expérimentation à plusieurs, le faire, faire par la pensée et faire de ses mains. Saga se veut pluridisciplinaire et croit en la collaboration des acteurs du projet quels qu’ils soient. L’objectif est aussi de mettre en relation des initiatives particulières entre elles. Saga opère donc par fragments, chaque projet est une nouvelle histoire 34

qui se construit pour former un récit, qui forment tous une compilation, d’où le nom Saga. L’entretien s’est déroulé en présence de Camille Sablé et Sylvain Guitard, en parallèle de deux autres groupes.

LE PROJET EN AFRIQUE DU SUD ET LE PROJET ON AIR : LA CONSTRUCTION D’UNE PHILOSOPHIE ET D’UN COLLECTIF “D’abord c’était de faire un projet en Afrique du Sud, il y avait une volonté de faire un collectif, enfin de monter une structure qui nous permet de répondre à ce projet là pour les questions personnelles, d’éthique, d’engagement, on avait envie de faire ce


projet.” C’est avec cette phrase que Sylvain nous explique sommairement la création de SAGA. Pour lui c’est un moyen d’arriver à un but qui correspond à ses engagements. SAGA est donc né d’un concours de circonstances qui ont mené plusieurs amis à partir en Afrique du Sud et de réaliser un projet qui correspondent à leurs attentes. De leurs propres aveux la structure SAGA ne devait durer que le temps de ce séjour, puis ce temps passé c’est posé la question du quoi faire après, une fois en France. Finalement c’est leur envie de continuer à travailler ensemble ainsi qu’une nouvelle opportunité en Afrique du Sud qui achève de sceller SAGA dans une certaine continuité. “Il y a eu le premier projet, on est rentré en France et on s’est dit on veut continuer à travailler ensemble et la du coup on s’est dit si on veut continuer qu’est ce qu’on fait ? On a un second projet qui nous a tenu en Afrique du Sud donc pour le mener à bien comment on fait, on monte un projet, c’est à dire qu’on monte un financement.” Tout au long de l’entretien cette expérience en Afrique du Sud s’est révélée prédominante. En effet elle est ressortie à des nombreuses reprises pour expliquer et venir étayer les différents éléments de réponses à nos questions. On comprend donc que ce moment de leur vie est un moment unique qui a servi de sédiment à des prises de consciences, des manières de faire et des engagements politiques. Chacun ayant interprété et se servant de cette expérience de façon personnelle, faisant la force de SAGA. “où on se rend compte qu’en temps qu’architecte on

nous a dit qu’on avait un rôle définit et à un moment quand on fait des extra missions autour de l’archi, on se rend compte qu’on a un pouvoir qui est assez fort” Néanmoins cette expérience ne serait jamais arrivée si elle n’avait pas été précédée par le projet ON AIR qui selon les dires de Sylvain est réellement la prise de conscience de leur capacité de faire. Faire par la pensée et par les mains. “ On air et le PFE c’était de la rencontre et de la prise de conscience de savoir faire un truc avec ses mains et aussi une technique quoi. C’est à dire que quand tu sais que derrière c’est toi qui fait, qui construit, qui réalise, en fait c’est vachement plus... Tu as une façon de concevoir qui est complètement différente. ”

UN ECHANGE DE SAVOIR FAIRE AVEC LES LOCAUX . Comme dit précédemment, c’est au cours de leurs études que les créateurs de SAGA on pris conscience de l’importance qu’ils attachaient à bâtir d’eux même les projets dans lesquels ils étaient investis. Cependant, ce sentiment a été amplifié par le projet en Afrique du Sud, en effet comme ils devaient investir un bidonville cette notion de faire par soi même, de bricoler et d’innover relève plus de la nécessité que du plaisir. “Un milieu où les gens bâtissent eux même leur maison avec des connaissances qui nous paraissent surnaturelles. Ils font tenir des trucs on comprend pas comment ça marche avec une culture structurelle acquise par les études d’architectes.”

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SAGA a alors décidé de s’adapter à cette façon de faire et a commencé à s’interroger sur ce que cette mise en place pouvait véhiculer. Ils se sont rendu alors compte que en plus d’être un moyen d’exprimer une certaine passion pour la débrouillardise, le fait de participer aussi au chantier en temps “qu’ouvrier” et permettre aux gens d’investir ce chantier pour permettre une forme d’appropriation et donc de transcender le projet en créant une dynamique autour de ce dernier. L’idée qui se cache derrière cette façon de faire est donc d’accepter qu’à un moment donné le projet leur échappe. Le but est de se poser en temps que créateurs d’un élan, puis de lancer le mouvement et voir ce qui arrive ensuite. “Donc tout ça pour dire que ça va plus loin qu’une question de on a envie de faire par nous même, car en Afrique du sud on s’est rendu compte que ça pouvait être un médium par lequel faire passer plein de chose, on peux faire participer plein de gens et le chantier devient un médium dans lequel on fait entre des gens. Du coup il y a une forme d’appropriation qui se passe.” De plus afin de permettre à cette philosophie de fonctionner, il faut faire preuve d’une ouverture d’esprit et d’accepter qu’à un moment le projet et la dynamique qu’il engendre deviennent autonomes. L’échange ainsi que l’apprentissage que chacun peut offrir est donc au coeur de leur démarche et se nourrit, presque née, de cette expérience en Afrique du sud. “si nous on était des gros nigaud complètement naïfs la bas la première fois, bah du coup ça fait que ça marche quoi. Par contre si t’y va en te disant c’est comme ça qu’il faut que tu fasses, bah ça ne 36

marche pas ou en tout cas très rarement.”

UN POSITIONNEMENT CLAIR FACE A LA NOTION D’ARTISANAT “bah en fait on est pas artisans” Que ce soit Sylvain ou bien Camille, aucun des deux ne se considère comme artisan et ne veut se faire appeler ainsi. Le fait de travailler sur les chantiers et de réaliser de leur propre main ne leur confère en aucun cas les connaissances techniques nécessaires et suffisantes pour prétendre être artisan. Ils se considèrent bel et bien comme débrouillard et bricoleurs. “j’aime construire et bricoler, je ne suis pas artisan mais ça me permet d’expérimenter des choses qu’un artisan ou un architecte ne ferait pas”/ “Non moi je pense pas car techniquement on a pas assez poussé pour être artisan et je ne pense pas que ce soit notre envie.” De plus, pour Sylvain le fait d’avoir des notions d’artisanat ne les aurait surement pas amenés là où ils sont placé aujourd’hui car d’après lui ses connaissances auraient été limitantes et aurait restreint les possibilités de mener à bien les projets. Notamment en Afrique du Sud. Ils auraient perdu leur spontanéité et leur débrouillardise qui est un point fort de SAGA. “Je vais leur dire non moi j’ai vu un truc, on fait jamais ça, alors que si j’avais pas fait cette formation, on l’aurait fait, on l’aurait testé et ça ce trouve, ça aurait marché et on aurait dit bon bah on part là dessus quoi”. Grâce à l’organisation de SAGA qui est un collectif, la structure peut évoluer en fonction des besoins et des


projets. Cela leur permet donc d’avoir une marge de manoeuvre plus grande et d’intégrer des artisans à leur projet si jamais leur intervention est nécessaire et que les membres du collectif ne peuvent résoudre par eux même le problème. Cette distinction entre leurs connaissances et celles d’un artisan de métier s’inscrit dans la démarche de l’apprentissage grâce à l’échange évoqué précédemment. “Un échange plutôt que d’essayer d’avoir toutes les connaissances et de ce dire qu’on est méga fort, on peut tout faire.” Les deux intervenants sont d’accord pour dire que de toute manière que ce soit l’architecture, ou même l’artisanat en aucun cas ses deux corps de métier ne sont des finalités en soi mais des moyens d’atteindre un but, un objectif. Dans leur cas cet objectif est de prendre position dans des projets à vocation sociale. “On aurait pu être autre chose que archi, je sais pas on aurait pu être peintre, écrivain ou maçon ou j’en sais rien, enfin peut importe. C’est très limité autour de l’archi ce que je raconte. Mais en fait c’est un médium quoi, c’est à dire qu’on utilise l’architecture quoi. En fait on a envie de travailler pour des projets qui peuvent être sociaux et après, nous on le fait à travers l’architecture car on aime ça mais on aurait aimé faire des chansons, bah on aurait peut être fait des chansons sociales.”/ “c’est un moyen en fait. Comme l’architecture est un moyen, comme l’artisanat est un moyen, comme monter un projet est moyen c’est comment au fur et à mesure des projets qu’on a croisés, on a acquis des tas de connaissances. Et comment tout cela devient un moyen pour rendre un projet possible et en venant

tirer les ficelles et en venant s’agréger à des gens qui ont les réelles compétences pour... Alors c’est un moyen en fait”

LE FAIRE SOI-MÊME : UN ENGAGEMENT A DEUX VISAGES La philosophie de SAGA leur permet donc de s’engager dans des projets avec un impact fort au niveau social. Cela passe donc par le faire soi même qui permet de passer outre les différences. Le “bricolage” est donc un moyen de réduire le temps d’un projet les inégalités entre tous les participants. “le fait de construire c’est un réel moyen car tu met ton habit de chantier et tu es au même niveau que tout le monde, ça c’est super important car ça permet de briser toutes les barrières sociales qu’on puisse créer pour les raisons culturelles et historique d’un lieu particulier.” Néanmoins le fait de s’engager dans des projets aussi engagé s’avère très exténuant et une fois de retour en France, SAGA s’engage dans des projets un peu plus léger comme la création d’une façade en filet de camouflage pour un artiste. Ce sont des commandes de ce genre qui arrivent par le bouche à oreille qui permettent d’évacuer la pression que les projets plus engagés engrangent. Camille insiste beaucoup sur le fait que cette dualité a son importance afin de garder un équilibre et de continuer de s’amuser et de prendre du plaisir dans ce que fait SAGA. “Ca revient à ce qu’on disait tout à l’heure on est de gamins et des fois on a juste envie de se marrer et ça fait du bien de se dire j’ai le droit de ... Faut pas 37


s’interdire de se faire plaisir sinon à un moment tu pètes un plomb et traiter que des questions hyper difficiles, hyper sociales, il y en a qui y arrive mais je pense que nous on est tous incapables.” Ce second mode de fonctionnement plus “léger” leur permet aussi d’expérimenter de nouvelles techniques constructives et d’engranger de l’expérience dans d’autres domaines. Mais ce n’est pas parce que le projet est moins engagé qu’il est moins abouti ou moins travaillé. Les préoccupations de plaire et de rendre un projet rondement mené restent les mêmes que lors des projets en Afrique du Sud par exemple. “Enfin il nous faut des moments, tu fais une scénographie, tu fais un truc c’est pour un artiste, les futures personnes qui vont passer dans le lieu, enfin voilà tu te fais plaisir , à l’artiste et aux gens qui vont visiter le lieu. Et c’est tout, mais en fait c’est déjà pas mal”

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PIMP MY WASTE - collectif «On récupère, on référence et on crée, compose avec cette matière et avec ces trois étapes nous arrivons à automatiser le processus pour rendre la pratique viable» Alexis Eric Fabien Nils

Pimp Your Waste est une entreprise de quatre jeunes architectes qui après leurs diplômes ont choisi de se diriger vers la fabrication de mobilier en matériaux recyclés. Leur aventure début durant leur dernière année d’études avec un projet en partenariat avec le parc Paris la villette. Ils vont faire appel à divers acteurs sur le territoire en mettant en avant le réemploi. Ils vont mettre en place une méthodologie au niveau du tris des matériaux et de la production qui leur permet aujourd’hui de continuer à en vivre. L’entretien s’est déroulé après une conférence donnée par Éric et Alexis deux des quatre membres de l’équipe. 40

UNE CONTINUITÉ APRÈS LES ÉTUDES EN ARCHITECTURE « C’est un projet de diplôme qui s’est déroulé durant toute une année avec une première partie de recherche qui questionnait un peu le réemploi des matériaux utilisés aujourd’hui en architecture. Qui se concrétisait par une intervention architecturale à l’échelle un qui était un démonstrateur du réemploi pour Paris La Villette. » C’est ainsi qu’Éric nous présente Pimp my waste


à travers leur projet de fin d’études non pas en tant qu’association mais bien en tant que société. Une aventure de quatre étudiants développant du mobilier urbain pour Paris la Villette. Aujourd’hui il continuent ce qu’ils ont développé à l’échelle du grand public avec une gamme de mobilier pour des particuliers et entreprises. « Nous, en tant qu’architectes, avons voulu saisir cette situation de crise comme une opportunité pour revaloriser des matériaux. » Ce qui les a poussés à entreprendre ce projet ambitieux est une conscience écologique qui va les pousser à faire de la recherche au niveau du réemploi dans le bâtiment, ainsi proposer une solution alternative avec les outils numérique.

LE RAPPORT AU TERRITOIRE « Il y avait le centre de tri de Suez, nous sommes allés les voir à l’improviste… Vous avez des déchets, est-ce que dans ce cadre du projet d’étudiant, on peut mettre quelque chose en place avec vous. Afin de révéler la potentialité de cette matière qui n’est pas encore utilisée aujourd’hui. Ils nous ont ouvert les portes de leur centre de tri» Regarder à proximité les possibles de la ville. C’est en osant la rencontre avec le centre de tri qu’ils sont récupéré leur matière première. Ce que nous dit Alexis c’est que petit a petit en expliquant leur projet qu’ils ont pu trouver des partenaires. Des

dons de bois de palette pour en faire leur espace de stockage. Un espace de 50 mètres carrés pour stocker la matière première proposée par le parc Paris la Villette. Le Fab-Lab WoMa qui leur a permis d’utiliser leur machine pour usiner le mobilier.

LA RÉALITÉ DU RÉEMPLOI DANS LE MONDE ARCHITECTURAL Durant la phase d’analyse, ils sont allés voir les agences qui ont utilisé le réemploi lors d’un projet pour comprendre les procédés utilisés aujourd’hui. Il se sont confrontés à la réalité du terrain et des agences d’architectures. Alexis nous dit que c’est un travail qui demande beaucoup de temps et dépend du gisement pour le dessin et la réalisation du projet. « Nous avons pu rencontrer l’agence Encore Heureux qui nous ont expliqué la conception et la construction de cette ouvrage. C’est un travail très minutieux où ils ont mesuré chaque porte, catalogué chaque élément. Il y avait énormément d’étapes manuelles et du savoir-faire technique. » « Et ils nous ont expliqué à demi mots que ce projet fonctionne seulement si c’est subventionné pour en faire une sorte de vitrine sur l’écologie et ses projets ne sont pas viables aujourd’hui en architecture.» Eric explique que les projet issu du réemploi sont très coûteux. Leur objectif dans ce schéma est de rendre cette pratique économique viable et pour ce 41


faire ils ont adopté un processus d’industrialisation. Ce qu’ils ont pu constater, c’est que la forme architecturale est déterminée par le gisement. Donc il ont adopté une stratégie en fonction du gisement. « Nous avons identifié trois étapes clé dans le processus pour que ça soit industrialisable. On récupère, on référence et on crée, compose avec cette matière et avec ces trois étapes nous arrivons à automatiser le processus pour rendre la pratique viable » Leur objectif aujourd’hui est de rendre accessibles les meubles qu’ils fabriquent pour le grand public. « Aujourd’hui c’est de rendre accessible ce mobilier à tous »

LA VALEUR DU REEMPLOI AUJOURD’HUI « Ce qui rend nos chaises uniques, ce sont les matériaux récupérés que l’on utilise. Ils sont tous différents et ont tous leurs propres histoires. »

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La décision de devenir artisan, pour les architectes interviewés, intervient selon deux catégories de fateurs relevés lors des entretiens : ceux liés aux défauts de la profession d’architecte, et ceux qui dépendent de leurs représentations du métier d’artisan.

I. Une réaction face au ras-le-bol d’une certaine pratique du métier d’architecte Les raisons tenant à la situation professionnelle précédente tiennent au vécu du métier, aux questions financières ainsi qu’au mode de vie induit par l’architecture.

A. Des représentations et une expérience de l’architecte-maître d’oeuvre vécue défavorablement Un des reproches qui revient souvent au cours des interviews à l’égard du métier d’architecte est le manque de concret et de création.

1. “L’architecture aujourd’hui, c’est 5% de création”

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Le métier d’architecte est un tout et rassemble diverses compétences et contraintes de pratique. La création et la conception chez les architectes aujourd’hui semble être une part minime du travail , au dire de cette architecte reconvertie, et peut décevoir certains architectes.

Riccardo De Paoli par exemple nous indiquait qu’il avait changé d’orientation et s’était tourné vers l’artisanat tout en s’appuyant sur ses acquis d’architecture, car il trouvait que l’architecture ne laissait plus suffisamment de place à la création et à la réalisation et que l’on se trouvait souvent à discuter avec d’autres professionnels du domaine et pas vraiment à mettre la main à la patte et voir réellement les choses prendre forme sous ses yeux; “Et du coup je me suis dis que peut être ma voie c’est plutôt dans l’artisanat, j’avais pas de formation d’artisan, ma famille elle ne vient pas d’artisan, mais toucher la matière pour fabriquer des choses ou réaliser des idées d’autres, ou des concepts d’autres, ou ... à moi, ça m’intéressait et ça me satisfaisait beaucoup plus que concevoir.” Adèle Roqueta, de ILYT, nous disait : “ En fait moi ça faisait très longtemps que je voulais monter ma société, donc maintenant sur le principe, je me sentais pas de le faire toute seule, et Antoine, lui, il en avait marre du manque de concret dans le milieu de l’architecture. En tant qu’architecte c’est vrai que la part créative après c’est 5% du métier, après c’est beaucoup d’échanges administratifs.”

2. Le motif du manque de concret La concrétisation d’un projet est rarement suivie du début (conception) à la fin (réalisation) dans une agence d’architecture. En effet, pour réaliser un projet il est nécessaire de faire appel à différents corps de métiers qui ont des compétences propres dans différents domaines. De plus, selon l’envergure d’un projet, un architecte travaille rarement seul et


doit échanger et concevoir avec d’autres, et parfois apprendre à déléguer. Le travail en agence par exemple consiste en une équipe où des rôles sont répartis sur différents projets et parfois même sur un seul projet. A. Roqueta souligne à plusieurs reprises le manque de concret dans sa pratique de la profession d’architecte. En effet, cette dernière était employée de l’agence Wilmotte, en tant qu’architecte dans un premier temps, puis en tant que responsable de communication. Elle avait déjà “un peu bifurqué”. Elle soulignait également la temporalité des projets d’architecture comme source d’insatisfaction : “[...] en étant en agence, on peut parfois travailler sur un projet et ne pas en voir la finalité. Et c’est vrai que c’est assez frustrant.” Riccardo De Paoli quant à lui s’est orienté vers la pratique de l’artisanat et le travail de la terre justement en étant à la recherche du concret du projet, du toucher de la matière comme expérience sensible.

B. La question de la rentabilité : passer de “bête à concours” à une activité non dictée par le profit ? La question de la rentabilité est approchée par deux angles différents selon les personnes interviewées considérées : elle peut être au coeur de la stratégie de base ou être secondaire, après d’autres valeurs comme l’engagement politique ou la recherche de sens.

1. L’objectif de rentabilité comme donnée

d’entrée a. La faisabilité du projet La subsistance dans le métier reste une question centrale. Ainsi, certains architectes en font leur priorité et un élément important de leur choix d’activité. Les coûts des projets sont parfois astronomiques et les architectes sont à la recherche de moyens plus écologiques de construire, en faisant place à des innovations, ce qui induit un coût supplémentaire pour le concepteur (investissement en temps, risque). Ainsi, certains projets nécessitent des subventions pour exister. « Ce projet fonctionne seulement si c’est subventionné pour en faire une sorte de vitrine sur l’écologie et ses projets ne sont pas viable aujourd’hui en architecture.» Eric de Pimp My Waste explique que les projets issus du réemploi sont très coûteux. Leur objectif dans ce schéma est de rendre cette pratique économiquement viable et pour ce faire ils ont adopté un processus d’industrialisation. Ainsi, l’installation en tant qu’artisan peut-être dans ce cas-ci un facteur plus élevé de risque financier, et la stratégie adoptée de financement peut être pensée dès le départ comme donnée centrale du projet artisanal. b. Le confort matériel personnel Au contraire, les conditions matérielles d’exercice du métier peuvent être une donnée déterminante dans la conversion, au sens d’apporter davantage de confort. Lorsqu’on demandait par exemple à 47


Bertrand Lochmann quelle projet il retenait de sa carrière, il répondait avec une sincérité désarmante « Bah celui à 250 000 francs. » ,Le choix de s’installer comme artisan se comprend sûrement comme un choix de préférence personnelles, mais qui offre également des avantages financiers dont Bertrand est bien conscient. «Je pense que j’ai eu au moins pendant les vingt dernières années une qualité de vie largement supérieure à celle que j’ai pu avoir si j’étais comme les gens que je fréquentais à l’école. » Il ne s’est rarement, voire jamais, trouvé sans travail. Sa liberté et son indépendance en tant qu’auto-entrepreneur lui servaient en grande partie, ainsi que son réseau social.

2. Le profit, pas nécessairement au centre du projet Les concours rythment en grande partie la profession d’architecte surtout lorsqu’il s’agit de grandes entreprises ou bureaux d’architecture. Les agences sont soumises à rude épreuve pour prouver leur valeur sur le marché et sont en perpétuelle concurrence entre elles. Les concours sont un moyen de se voir confier des projets plus ou moins conséquents. Cependant cette pratique demande beaucoup d’énergie et d’investissement et le rythme en agence peut parfois être très intense. Christian Jelk évoque son expérience en agence au début de sa carrière.professionnelle : « […] j’ai quand même bossé deux ans pour Massimiliano Fuksas à Rome qui était assez cool parce que c’était une ambiance d’atelier de concours assez dingue mais on fait ça vingt-cinq ans mais pas cinquante 48

quoi. C’est 15 heures par jour. J’étais une bête à concours mais bon… » Pour SAGA les considérations financières passent en second plan. En effet, il faut quand bien même pouvoir être rémunéré et gagner sa vie mais ce n’est pas le nerf de la guerre pour eux. Ce qui passe au premier plan et relègue donc loin derrière cette course au profit sont les différentes valeurs qui les animent, à savoir l’engagement social, le plaisir sur les projets, etc … “on est de gamins et des fois on a juste envie de se marrer et ça fait du bien de se dire j’ai le droit de ... Faut pas s’interdire de se faire plaisir sinon à un moment tu pètes un plomb”. Dans tous les cas il s’agit de la manière dont les interviewés mettent en récit leur trajectoire et leur engagement militant. Il y a cependant fort à parier qu’il peut y avoir un certain biais de légitimité dans le type de réponse qu’il est possible d’obtenir au moment d’aborder le thème de l’argent. Néanmoins, C. Jelk, R.De Pauli et SAGA ont en commun d’avoir investi une grande partie de leur temps sur des projets peu rémunérateurs.

C. Un équilibre vie-privée/vie professionnelle plus acceptable ? Adèle Roqueta confiait travailler énormément en agence, dans le prestigieux cabinet Wilmotte. Or, au moment de monter son entreprise, elle et son compagnon ont travaillé «tous les weekends pendant un an, sans prendre de vacances». Ainsi,


la charge de travail ne semblait pas moins grande, pourquoi était-elle donc devenue plus acceptable ?

1. Des choix d’implantation de l’entreprise effectués en fonction de préférences privées Les chemins de vie sont indubitablement le fruit de choix non seulement professionnels mais également personnels et ainsi notre vie privée peut influencer notre milieu professionnel. Pour ILYT, un de leurs buts a été de créer un projet de vie pour la famille, avec le déménagement de l’atelier en Bourgogne, dans un petit village, auprès de la famille d’Antoine Robinet, l’ébéniste et compagnon d’Adèle Roqueta, pour des raisons de manque de locaux également. De là, d’autres choix de vie ont découlé de leurs choix professionnels : travailler en couple, utiliser la sciure produite à d’autres fins (un potager, des toilettes sèches, etc). Ainsi, certains choix personnels sont induits par des choix réalisés au niveau professionnel, et vice-versa. Entreprise et famille sont dès lors indissociables pour les deux associés, qui ne se voient pas pour l’instant, employer de troisième personne : “[...] même si cela nous empêche parfois d’accéder à certains types de chantier car ça nous prendrait trop longtemps et on ne serait pas compétitif.” Riccardo De Paoli, étant originaire de Turin en Italie, est venu en France afin de passer son diplôme de la terre à Grenoble mais ce choix a été influencé à la fois par son envie de passer le diplôme qui ne se faisait que dans cette ville la plus proche, mais également suite à la rencontre avec sa femme lors

d’un échange Erasmus en Pologne pendant ses études d’architecture. Celle-ci habitant à Grenoble le choix du lieu d’étude post-master a été quelque peu guidé. Par la suite De Paoli a créé son entreprise “Revenir Sur Terre” et continue à dispenser des cours sur la terre crue aux alentours de Nantes. Ce changement de lieu d‘exercice s’est fait car ils souhaitaient se rapprocher d’amis qui vivaient dans la région nantaise. Ce choix privé a influencé la carrière de De Paoli et il reconnaît qu’il s’est peutêtre fait au détriment d’opportunités professionnelles ; “il y avait des amis communs qui habitaient par ici, plusieurs, et on avait envie de changer de ville, pas forcément un lien avec la terre, c’est plutôt un lien amical , et ça ça m’arrangeait pas trop ! (rires) Parce que vers Grenoble, Lyon, j’aurai eu beaucoup plus de boulot! (rires) Et ici quand je fais des chantiers c’est pas à Nantes hein, je dois aller un peu en Bretagne, en Normandie, en Vendée... (...) Parce que à Nantes il y a pas un patrimoine réel existant qui est encore là, et quand il y a ils sont pris! (rires) Ailleurs j’aurai eu plus de boulot, plus facile, plus proche, plus de possibilités.”

2. L’entreprise, source d’organisation privés

de

modes

Dans une entreprise artisanale de petite taille, mode de vie et carrière sont bien souvent intriqués. a. L’entreprise dans la sphère domestique Riccardo De Paoli travaillant seul, il n’est pas rare 49


pour lui de travailler à domicile, cependant il ne le considère pas vraiment comme étant du travail. En effet ; “c’est pas vraiment travailler … quand on a la passion”, et cette passion est en nous en permanence.» Lorsqu’il planche sur un projet, ce dernier occupe ses pensées. Par exemple lorsque De Paoli nous parle de son projet avec les Poires du Jardin des Plantes, il nous explique que pour tester différents modes constructifs et régler les problèmes de sensibilité à l’eau projetée sur les poires par les tuyaux d’arrosage automatique, il a créé un grand nombre de petites poires chez lui avec différents modes constructifs et a testé leur résistance et étanchéité dans sa baignoire en les arrosant. Ainsi, on constate que la place de la vie professionnelle pour Riccardo De Paoli occupe quand même une grande partie de son temps dans sa vie privée. b. L’entreprise au sein du réseau social Il peut également s’agir d’un rapprochement entre la vie sociale et la vie professionnelle. Bertrand garde des relations particulières avec ses voisins. «Des fragments dans le quartier j’en ai fait vachement. », dit-il avec fierté. Son travail lui permet d’avoir un statut particulier auprès de ses connaissances. Pour des raisons d’accessibilité du chantier par exemple, il peut garder les clés d’un foyer.

D. Les ingrédients de la rupture : un choix délibéré stratégique vs. une reconversion empirique “par tâtonnements” 50

1. Des rencontres formatrices

« Quand j’étais à l’école j’ai fait pour un ami pas mal de vacances à faire de la maçonnerie. J’ai pris goût.» C’est ainsi que l’orientation vers l’artisanat a commencé chez Bertrand Lochmann. Ses études à l’école d’architecture lui ont ouvert la porte à l’exploration du domaine du bâtiment, à travers des acteurs tel que le charpentier où il a fait son stage de la première année, ou les interventions qu’il a pu faire avec des amis à lui.

2. Des stages, des professionnelles marquante

expériences

Christian Jelk porte aussi un engagement social très fort : « Par hasard, il se trouve que j’ai été impliqué assez tôt, après mes études, dans un projet participatif avec des migrants. […] une idée de faire du foot, l’idée de réunir autour d’un repas par semaine. » Il définit ce projet comme : « un chantier participatif ». Il est important de : « […] tenir un propos, tenir une pensée qui est celui d’un vivre ensemble. Il semble dès lors tenir de ce stage une forme de révélation sur le sens qu’il souhaite donner à sa pratique architecturale et artisanale. Il s’agit d’une expérience marquante qu’il remobilise volontiers dans la suite de son parcours pour lui donner un sens.

3. L’abandon/la conservation de la posture d’architecte après la reconversion Effectivement, la double étiquette architecteartisan a permis à Bertrand Lochmann d’avoir des


avantages par rapport aux autres artisans. «Ouais ça m’était arrivé quelques fois, effectivement dans ces résidences secondaires de dessiner deux trois trucs. » L’interview avec Bertrand Lochmann a été éclairante vis-à-vis du paradoxe de la double casquette. Même si les questions concernant son statut d’architecte dans sa profession d’artisan revenaient fréquemment, alors qu’il les déclinait presque toujours, arguant du fait qu’il ne le mettait pas en avant, que ça ne l’intéressait ni lui, ni ses clients, nous apprenions au fil de la discussion qu’il avait fréquemment dessinné des plans pour des amis, conçu des extensions, etc. Les activités de conception et le réseau social acquis à l’école d’architecture ont pourtant jalonné son parcours, mais il ne se présente pas comme architecte. Riccardo De Paoli a gardé cette double casquette d’architecte-artisan car il reconnaît que la formation d’architecte lui a permis d’acquérir des connaissances qui lui servent aujourd’hui dans l’artisanat, comme les méthodes de construction, «pourquoi ça tient et pourquoi ça ne tient pas !». Dès lors, en cumulant les deux jeux de compétences, devient-on maître d’oeuvre de tout ?

II. Concevoir et réaliser : être maître d’oeuvre de tout ? Expérimenter, contrôler l’ensemble du processus, diversifier les tâches, suivre un engagement politique : tels sont attraits de l’artisanat pour les architectes interviewés.

A. Faire plutôt que “faire faire” ou la maîtrise de l’ensemble du processus Bertrand Lochmann racontait qu’il préférait rester auto-entrepreneur que de monter sa PME pour des questions de lourdeur administrative. Les contraintes existent bel et bien dans l’artisanat également, cependant, les représentations des enquêtés sont celles d’un cadre de travail simplifié.

1. Une temporalité de projet plus courte ? Adèle Roqueta d’ILYT racontait qu’elle n’en pouvait plus de voir des projets passer à l’agence sans les voir se finir : pour elle, «créer un meuble, c’est comme créer un bâtiment, mais en plus court et maîtrisable». Au contraire, du point de vue de l’apprentissage du métier, Christian Jelk évoque un apprentissage dans la durée par le geste, corroboré par Arthur Lochmann dans La vie solide : « Parce qu’ils marchaient, marcher ça nourrit la tête en fait. (Rires) L’ère d’un rien, on se promène et puis l’apprentissage se fait comme ça. […] les gens mettent la main à la pâte […] On n’a pas besoin de se parler. C’est un apprentissage par le geste quoi. » Il faut du : « […] du temps pour penser. »

2. Une reconnaissance directe et des rapports aux clients sans intermédiaires Bertrand Lochmannpréfère intervenir sur une tâche limitée qu’il peut maîtriser de bout à bout. C’est ainsi qu’il a décrit sa pratique d’artisan après 30 51


ans de carrière : «la satisfaction du boulot réalisé, sur lequel je maîtrisais à peu prêt tout. » « Quand on fait une tache on donne un délai, et après ayant connaissance de ça et ayant donné un prix pour cette prestation vous le ferez, et après voilà quoi. » Il ne préfère pas les tâches gestionnaires du métier d’architecte, puisque ça nécessite un certain contrôle sur d’autres personnes ainsi que la surveillance sur leur travail et l’organisation du chantier. Ainsi, le métier d’artisan tel qu’organisé par Lochmann permet la relation au client sans intermédiation, dans la mesure où il dispose souvent d’un relation personnelle avec eux et effectue les devis et la facturation seul.

3. Le faire soi-même Riccardo De Paoli, en ce qui le concerne, a principalement choisi cette orientation de l’artisanat car il cherchait justement à faire lui-même de se propres mains les choses. Il souhaite réellement garder ce contact direct avec la matière, pouvoir la toucher sans passer par des intermédiaires; “Après voilà j’avais, ce que j’avais depuis petit c’était le mot réaliser, réellement réaliser, rendre réel quelque chose, voir l’idée et la rendre, ça j’aimais bien depuis petit et surtout le mot (rires) la signification du mot (...) Toucher la terre ça me rendait heureux!”.

C. Se singulariser et prendre parti

Devenir artisan lorsqu’on a été formé architecte, c’est accepter de sortir des cases préétablies d’un carrière «traditionnelle». Dès lors, ce premier choix peut induire d’autres stratégies de singularisation 52

du travail et de la trajectoire professionnelle, motivées par une forme de conviction politique qui transcenderait les catégories imposées.

1. La singularité Christian Jelk combat ses causes essentielles avec son projet maître : Doma Habitare, présenté lors de la conférence au LU, le 26 février 2019 et dit : « […] c’est un projet pilote. C’est véritablement un projet expérimental ! » Il faut : « […] aller chercher les solutions toujours plus écolos, les plus radicales pour dire : ok, on fait tout ce qui est possible quitte à prendre un risque financier par rapport à un bâtiment standard. » Il signifie souvent la radicalité de sa pensée, elle doit être concrète et faisable : « Évidemment radicale, mais il y a peu d’autres réponses que radicales. […] il faut quelque chose qui se fasse quoi ! » Nous sommes devant un combattant, un homme de charisme qui se bat pour des causes bien précises, un chevalier d’aujourd’hui.

2. Militer : oui mais pour quelles causes ? a. L’écologie Christian Jelk protège et défend les causes chères à son sens : « Ça veut dire qu’on consomme déjà deux planètes au lieu d’une. Ces mesures-là, moi je me dis : c’est du délire quoi ! » Il répond donc à ces inquiétudes, tel un homme politique qui déroule son programme : « […] on ne peut plus faire comme si de rien était, on ne peut plus faire semblant ! » et continue : « […] tout le monde est


responsable du bâtiment. [..] Un jour ce bâtiment veut être déconstruit, il faut qu’on essaye qu’il laisse le moins de marque possible. » Il parle donc de : « […] réduire l’empreinte écologique » et nous questionne : « Qu’est-ce qu’on peut faire pour avoir le moins de déplacements possibles ? Qu’est-ce qu’on peut faire pour être le plus proche d’un retour à la nature ? […] C’est-à-dire à quelle moment est ce qu’on va dépasser l’échelle 1 ? C’est-à-dire, qu’on a consommé plus que ce qu’on est capable de recevoir. » Pour Ilyt, il ne s’agit pas directement pour eux, a priori, de changer la société par le changement d’activité (au contraire de Christian Jelk par exemple). Ce qui ne les empêche pas d’avoir des principes, notamment écologiques, dans l’exercice de leur métier (refus de projets nécessitant de la résine époxy, refus des vernis chimiques, etc). « Nous, en tant qu’architectes, avons voulu saisir cette situation de crise comme une opportunité pour revaloriser ces matériaux. » Ce qui va pousser ces jeunes architectes de Pimp your waste à entreprendre ce projet ambitieux est une conscience écologique qui vont les amener à faire de la recherche au niveau du réemploi dans le bâtiment. Ainsi, ils proposent une solution alternative avec les outils numérique. b. Contre l’architecture traditionnelle, pour une architecture sociale impliquant l’humain Christian Jelk pense à : « Un endroit où les gens pourraient continuer à faire grandir les idées. » et à : « […] mettre le rythme du geste de l’individu, de

l’être humain, dans un bâtiment qui se construit. […] c’est vrai, je suis de passage, comment est-ce que j’investis cet endroit ? » Il porte alors un engagement social très fort : « […] le faire ensemble, […] ça met en place une vie collective… » Ce sont : « […] des questions de choix de vivre ensemble. Des choix sociaux qu’un architecte ne va pas imposer. Il peut le suggérer, essayer de le provoquer en quelque sorte. » Il remarque que le faire : « […] ensemble, ça va plus vite ! […] construire ensemble, ça déporte sur pleins d’aspects, ça déporte aussi sur le domaine « social », ça veut dire de la relation, du partage, d’échange à l’autre et puis dans le rapport à la matière. » Il nous raconte aussi son expérience sur le chantier : « Qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, les gens étaient super motivés puis il y avait une espèce de jeu assez marrant qui était de compter les briques. […] Il y avait un esprit, pas de compétition, plus de jeu. […] l’enjeu ce n’est pas d’aller chercher une économie […] mais que les gens deviennent acteurs de ce qu’ils font. […] la façade, elle n’est pas figée, elle n’est pas posée. Elle va changer parce que les gens qui sont dedans vont changer aussi, parce que les humeurs changent, parce que… […] C’est l’être humain qui fait la domotique, qui ouvre les fenêtres s’il en a envie puis qu’il les ferme. » Saga est un collectif qui est principalement engagé socialement. Cet engagement s’inscrit dans la continuité des différents travaux effectuée en Afrique du Sud et des rencontres qu’ils y ont faites. L’architecture n’est donc qu’un moyen parmis tant d’autres de parvenir à la réalisation de leurs 53


engagements; “On aurait pu être autre chose que archi, je sais pas on aurait pu être peintre, écrivain ou maçon ou j’en sais rien, enfin peut importe. C’est très limité autour de l’archi ce que je raconte. Mais en fait c’est un médium quoi, c’est à dire qu’on utilise l’architecture quoi. En fait on a envie de travailler pour des projets qui peuvent être sociaux et après, nous on le fait à travers l’architecture car on aime ça mais on aurait aimé faire des chansons, bah on aurait peut être fait des chansons sociales.”/ “c’est un moyen en fait. Comme l’architecture est un moyen, comme l’artisanat est un moyen, comme monter un projet est moyen c’est comment au fur et à mesure des projets qu’on a croisés, on a acquis des tas de connaissances. Et comment tout cela devient un moyen pour rendre un projet possible et en venant tirer les ficelles et en venant s’agréger à des gens qui ont les réelles compétences pour... Alors c’est un moyen en fait”. La réalisation d’un chantier et le fait de se mettre dedans en faisant tomber l’habit d’architecte permet aussi à SAGA de continuer son engagement social. Le cadre du collectif leur permet de venir agglomérer les gens dans leurs projets, et ce peu importe leurs origines, compétences, statut social etc … Le chantier permet donc de transcender des dynamiques et de faire tomber certaines barrières; “ça c’est super important car ça permet de briser toutes les barrières sociales qu’on puisse créer pour les raisons culturelles et historique d’un lieu particulier.”.

C. L’architecte-artisan : la volonté l’expérimentation dans le métier ? 54

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1. Le processus créatif étudié à l’école au service de la pratique “Je ne veux pas généraliser mais artisan tout court, on peut s’expérimenter sans le besoin d’une science on fait confiance au savoir passé et à ce que l’on voit, ce que l’on arrive à faire, la répétition des gestes, mais on a pas forcément besoin de savoir pourquoi ça marche!”, ces mots de Riccardo De Paoli montrent que l’artisanat s’acquiert en quelque sorte par la théorie certes mais surtout par l’expérimentation et la répétition des mouvements qui à force d’être réalisés nous inculquent une façon de faire. Cependant De Paoli nous fait part de l’avantage qu’il a pu tirer et qu’il continue à apprendre de ses cinq années d’études au sein de l’école d’architecture de Turin. Elles lui ont permis d’acquérir des connaissances qui au jour d’aujourd’hui lui permettent de mener à bien des projets qu’il n’aurait peut être pas su mener sans cet apprentissage, de par le manque de connaissance, mais lui permet aussi de dialoguer avec les professionnels d’architecture sur le terrain.

2. L’innovation pas toujours au centre Bertrand Lochman ne s’est pas occupé à faire des expérimentations avec des techniques et des matériaux. Des fois, les intérimaires qu’il embauchait sur chantier peuvent lui ramener des nouveaux savoir-faire. Mais ce n’est pas exprimé par une volonté d’innovation ou de développement de nouvelle techniques de construction


3. La pensée en acte A la fin de notre échange, Christian Jelk nous parle de cette notion qui lui est chère : La pensée en Acte. « Tu sais, l’art c’est la pensée en acte ! Donc effectivement, c’est en agissant que la pensée se construit ! Tant que tu ne fais rien, la pensée n’avance pas. Après, il faut trouver le lieu de cet agir. Pour chacun de soi, on a des sensibilités, des rapports à la matière ou que sais-je qui sont différents quoi. Evidemment que celui qui ne fait qu’agir est déresponsabilisé parce que ce n’est pas lui qui est responsable de cette chose-là ! D’ailleurs, on vit dans un monde comme ça en générale ! On vit dans un monde en générale et complètement déresponsabilisé. Personne ne prend la responsabilité – si quelqu’un a dit : je suis responsable – bah putain, c’est la merde pour lui ! Il prend tout sur la figure mais à petite échelle dans n’importe quel domaine. Il y a très peu de gens qui sont responsables de leurs actes. Donc oui bien sûr, la pensée en acte ! Pour moi, c’est une évidence ! »

comme bricoleurs et n’hésitent pas à s’entourer de professionnels lorsque leurs domaines de compétences est dépassé; “j’aime construire et bricoler, je ne suis pas artisan mais ça me permet d’expérimenter des choses qu’un artisan ou un architecte ne ferait pas”/ “Non moi je pense pas car techniquement on a pas assez poussé pour être artisan et je ne pense pas que ce soit notre envie.” Ainsi, la figure du bricoleur, au sens de celui qui fait fonctionner avec des pièces déjà présentes, des pièces collectées à travers le temps, comme l’explique Levy-Strauss, permet de comprendre comment ces architectes, qui ont une forme de pratique manuelle, se distinguent de la pratique artisanale, en cela qu’elle est moins basée sur l’étude du geste juste, sur la connaissance théorique technique. Cette figure du bricoleur, sympathique, permet de transcender les barrières sociales et monter des projets avec le grand public.

4. La figure du bricoleur plutôt que de l’artisan En ce qui concerne SAGA, la notion d’artisan renvoie à des connaissances techniques qu’aucun d’eux ne possède. Le fait de vouloir réaliser de ses mains un projet leur vient de leur PFE et du projet ON AIR ainsi que de leurs chantiers en Afrique du Sud. Cependant cette réalisation reste sommaire. Pour eux il n’est pas exceptionnel de savoir planter un clou dans une planche. Ils se considèrent 55


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Finalement, les architectes-artisans interviewés brossent un panel large des réalités auxquelles sont confrontés ces professionnels qui ont posé le choix de créer de leurs mains comme activité principale. Il est à noter que les personnes interrogées se placent à tous les endroits du spectre de la carrière, entre les tout jeunes diplômes (Pimp my waste) et les artisans expérimentés (Bertrand Lochmann). Pour autant, un dénominateur commun se situe dans leur ras-le-bol d’une pratique trop déconnectée des réalités matérielles et sensibles, de la création pure.

comprendre ce qui peut enrichir chacun des deux métiers dans les pratiques de l’autre. Ainsi, Adèle Roqueta, d’ILYT, s’inquiétait des autres ébénistes qu’elle jugeait mal outillés pour faire face aux nouveaux défis de la profession. «Heureusement que nous avons fait des études d’architecture», déclarait-elle.

Conclusion

Néanmoins, les raisons de se consacrer à l’artisanat sont multiples : engagement social et écologique, besoin du rapport sensible à la matière, besoin de maîtriser l’ensemble du processus, mode de vie. Aujourd’hui, des ouvrages comme celui d’Arthur Lochmann, philosophe et charpentier, montrent comment le faire soi-même a le vent en poupe, comme réponse à une hyper-technicité des métiers, qui brandit le spectre de l’immaîtrisable. Dès lors, retrouver l’échelle humaine dans la taille du projet semble être une réponse esquissée par les architectes-artisans. A toutes les personnes interviewées, nous avons posé en guise de question finale : «vous diriez-vous architecte ? vous diriez-vous artisan ? vous diriez-vous architecteartisan ?» et les réponses ont été multipltes. A notre sens, l’architecte-artisan serait donc, à minima, un professionnel exerçant une activité artisanale tout en conservant un rapport à l’architecture (dessin, conception d’éléments architecturaux, réseau de l’école). Il s’agit dès lors d’ouvrir le dialogue et de 57


Retour critique

D’un point de vue critique, il était intéressant de lire le livre d’Arthur Lochmann, fils de Bertrand Lochmann. Les deux tâches (lecture et prise de rendez-vous) ont été faites conjointement sans connaître le lien de parenté qui unissait les deux personnes. Il est dès lors intéressant de noter qu’une socialisation familiale propice à la liberté de se placer et de se déplacer comme on le souhaite sur l’échiquier professionnel entraîne des trajectoires professionnelles intéressantes à la génération N+1. Ainsi, si Arthur Lochmann ne fait pas partie des architectes-artisans, il fait en revanche partie des philosophes-artisans, et à ce titre, sa trajectoire est intéressante en ce qu’elle mêle théorie et approche pratique. De plus, il revendique ce mélange dans son ouvrage comme quelque chose d’universellement nécessaire et bénéfique. Ainsi, une socialisation ayant mis les deux paradigmes, théorique et pratique, sur le même plan, peut permettre à ce type de profils de se développer peut-être plus aisément. En effet, un point qui est resté plutôt absent des entretiens a été l’éventuelle hiérarchie sociale qu’il serait possible de projeter entre ceux qui conçoivent et ceux qui réalisent. Le fait que ce sujet ne vienne pas spontanément dans la discussion peut être le signe que parmi les personnes interrogées, qui ont fait leur ce choix de transition professionnelle, les deux soient également valorisés. Cela peut également refléter un changement de mentalité plus généralisé autour d’un engouement renouvelé pour les métiers de l’artisanat. D’un point de vue des biais constatés, le rapport à

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l’argent et à la rémunération peut être biaisé dans le cas de profils mettant beaucoup d’importance sur l’engagement politique. Enfin, il aurait pu être intéressant, dans le cadre d’un autre travail, d’interroger des «artisans-artisans» qui travaillent autour des «architectes-artisans» pour savoir s’ils sentent une différence dans leurs rapports ou dans la manière dont ces derniers abordent le chantier ou les relations aux clients.


Références bibliographiques LOCHMANN Arthur, La vie solide, La charpente comme éthique du faire, Payot, Paris, 2019 SENNETT Richard, Ce que sait la main, La culture de l’artisanat, Albin Michel, Paris, 2010 LEVY-STRAUSS, La pensée sauvage, Pocket, Paris, 1990 PM (pseudonyme Christian Jelk), BOLO BOLO, autoédition.

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Annexes

Entretien avec Christian Jelk

Le mardi 26 février, nous assistons à la conférence au LU de Christian Jelk, un architecte Suisse, sous le thème d’une architecture en “révolution”. Nous sortons de la conférence étonnés et convaincus de son discours. Nous le contactons alors le lendemain par sms simplement pour un entretien. Il nous répond de suite et nous propose le jeudi matin de cette même semaine puisqu’il rentre chez lui en Suisse l’après-midi même. On se donne donc rendez-vous à 9h le jeudi 28 février au foyer bas de l’ensa Nantes. Bonjour, Mr. Jelk, assoyez-vous ici. _ Quel est votre parcours ? _Je suis la dernière volée d’architectes en Suisse à ne jamais avoir touché un ordinateur durant mes études. La malchance, c’est que j’ai dû apprendre après... (Rires) Par hasard, il se trouve que j’ai été impliqué assez tôt, après mes études, dans un projet participatif avec des migrants. Avec un ami qui travaille dans le domaine de la psychiatrie, avec des migrants en situation de crise. A l’époque, c’était la guerre de l’ex-Yougoslavie (1991-2001), il y avait beaucoup de Bosniaques qui arrivaient dans des situations assez dures. Il y avait une association pour qui il travaillait qui s’occupait de prise en charge de certains de ces migrants. D’un point de vue “psychiatrie”, j’ai plus envie de dire psychologique et puis de mon point de vue qui soulève la question de l’intégration sociale. On était dans et on est toujours dans la culture plutôt musulmane, donc il avait été créé assez tôt un endroit qui s’appelait : “le centre femme” qui accueillait exclusivement des femmes pour leur apprendre le français, pour leur apprendre comment ça marche en Suisse, etc., etc. Et puis pourquoi que

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des femmes ? Parce que c’était la seule condition à laquelle les hommes étaient d’accord de les laisser sortir de la maison. Mon ami, Laurent, avait eu l’idée de faire une espèce de pendant de dire on fait un espace réservé aux hommes. C’était un petit peu le prétexte de dire puis alors ces gars qui sont là, désemparés – le plus souvent, issus du milieu paysan – ils ont rien à faire toute la journée, ils sont perdus et puis rien ne fait sens pour eux, ils ont plus chez eux, etc. Alors, il a commencé par trouver une idée de faire du foot, l’idée de réunir autour d’un repas par semaine et puis tout d’un coup, il s’est trouvé un petit entrepôt abandonné dans le centre-ville dans laquelle on était à l’époque, Lausanne, et puis en négociant avec les autorités : nous ce qu’on à faire, c’est un chantier participatif, c’est-à-dire faire en sorte qu’on fasse bosser des gens qui n’avaient pas le droit de le faire parce que c’est des migrants en situation certaines fois illégales mais on a envie de faire ça. Me demander pas comment, je sais plus comment ça s’est passé et puis résultat des courses, je me suis retrouvé, ce n’est pas la première chose que j’ai construite mais presque quoi dans cette situation. (Jean Paul ramène le café à notre table…) Merci, super. Je me suis retrouvé dans cette situation pendant un peu-près 9 ou 10 mois. J’ai passé chaque jour de 8h du matin à 6h du soir sur le chantier à organiser le truc quoi. A organiser le truc à plus d’une manière parce qu’on avait quasiment aucun moyen donc il fallait travailler sur la récup, il fallait inventer les trucs pour qu’on puisse le faire puis il y avait cette histoire de gérer. Au départ, on avait 7 personnes qui étaient envoyés par le service psychologique de cette association et puis après la troisième semaine, il y avait 40 personnes. C’est un petit chantier, c’était un bâtiment qui devait faire 10m par 15. Le bouche à oreille parce que les gars


étaient super contents de pouvoir venir travailler, de pouvoir faire quelque chose et puis enfaite de pouvoir rendre. Il y avait cette histoire-là qui était tenante à laquelle on ne pense pas mais, contents d’être accueillis, sortis d’une situation de guerre, ils arrivent en Suisse même si ils ne savent pas qu’elle sera leur lendemain. Donc ça c’est la première expérience, assez intense parce que pendant 9 mois, j’avais 15 nationalités différentes autour de moi puis j’étais là avec les gens quoi et puis je me suis dit mais de Dieu : faire de l’architecture, c’est ça quoi ! Même si il y a un contexte politique évident qui est celui de qu’est-ce qu’on fait de cette situation d’accueillir des populations étrangères en guerre parce qu’il y a une situation psychologique de comment est-ce qu’on gère et par quoi ? Les heures de théorie ont servi à rien évidemment mais dans la pratique, il y’avait ça. Puis il y avait cet espèce de truc assez dingue qu’on devait inventer parce qu’on avait très peu de moyen. Je me souviens par exemple d’une tour de bureau qui refaisait sa double peau, il y avait un magnifique verre sécurité qui faisait 1m50 par 3 comme ça qui partait à la benne puis on les a récupéré, on en a fabriqué du vitrage avec puis maintenant, c’est des lucarnes de toiture qui sont toujours là, qui tiennent. Ca fait exactement 20 ans cette histoire. Alors bon, ça c’était l’entrée dans la pratique de l’archi. J’avais une autre chose, c’est que je supporte assez mal l’autorité donc c’était difficile de travailler pour un patron, même si j’ai quand même bossé 2 ans pour Massimiliano Fuksas à Rome qui était assez cool parce que c’était une ambiance d’atelier de concours assez dingue mais on fait ça 25 ans mais pas 50 quoi. C’est 15 heures par jour. J’étais “une bête à concours” mais bon… J’aurais pu continuer, bon, peu importe, ce n’est pas ça l’histoire ! C’est que ça c’était le premier contact avec ça ! Je me suis dit : là, il y a quand même un truc assez cool parce

qu’on est dans un processus de faire les choses et puis on sait ce qu’on veut faire mais on ne sait pas forcément exactement comment et puis en l’occurrence, il y avait le fait de profiter du savoir-faire de ces gars quoi. Des gars qui étaient, pas tous mais pour une bonne part, issus du milieu paysan qui savait bricoler quoi, qui savait faire des trucs. Typiquement, comment est-ce que je fais un double vitrage avec des bouts de ferraille et puis deux verres ; on fait un vide d’air et il y a toujours pas d’humidité entre ces verres. C’est un vrai miracle, c’est incroyable ! Fin bref, mais enfaîte le bricolage ça devient aussi une histoire de, et surtout une histoire de penser. C’est-à-dire qu’on fait en sorte que toutes les choses soient produites parce que c’est impossible même si on ne nous le demande pas prédéfinis, c’est-à-dire qu’on n’est pas l’architecte, on est pas celui qui détient tout le pouvoir sur les formes. On est plutôt quelqu’un qui espère être en mesure de tenir un propos, tenir une pensée qui est celui d’un vivre ensemble, celui d’une ville, j’en sais rien, celui d’un programme enfaîte. De prendre le programme et puis essayer de voir comment est-ce que ce programme on peut le faire grandir. Evidemment, une pensée doit prendre forme, elle doit prendre un corps et puis c’est notre boulot. Il y a mille façons de le faire ! Il y a des architectes vindicatifs superstars qui disent comme ça puis c’est tout et puis ce sont des gens qui bossent pour l’état, pour les rois, enfin que sais-je. Et même dans le domaine des arts visuels, mais toutes ces choses sont en train de changer je crois ! Ce n’est pas de jouer les vieux “babas cool”, bien que mon apparence puisse le laisser dire que faire ça. (Rires) Absolument pas, il y a vraiment une histoire pour moi de défi quoi, d’aller au bout de ce qui est possible comme archi. Se dire, est-ce que si ça je laisse aller, est ce que ça tient à la fin quoi ? Est-ce qu’au niveau de la forme, au niveau de l’impact dans la ville, dans le quartier, est ce que ça va tenir ? Est-ce que les gens vont pouvoir vivre dedans ? Et puis le fait que les 61


gens soient impliqués, ce que j’ai vu dans ce premier exemple qui m’est tombé dessus un peu par hasard, c’est un concours de circonstances. Ses copains, on avait des jeunes enfants en commun, on parlait autour de la place de jeu parce que c’est nos femmes qui bossaient et puis lui était plus ou moins désœuvré mais très envie de faire un peu de psy active et puis moi, curieux quoi, puis voilà on a monté ce projet puis c’est parti ! Puis on était soutenus par les autorités, bref. C’est comme ça que ça a démarré donc c’est pas que je suis tombé dedans depuis tout petit mais par contre, il y a eu une espèce de saveur de se dire que là, il y a quelque chose qui se passe d’assez dingue et puis je sais maintenant les quinze ans qu’ont suivis jusqu’à me fasse attraper par cette bande d’incroyables personnes qui montaient cette coopérative et ben c’était juste faire une espèce d’abandon progressif du métier. De me dire finalement, bon, bah oui, bien sûr qu’on peut faire des choses magnifiques pour des gens qui ont des moyens, etc., mais il me manquait un morceau de l’histoire quoi. Pour moi, est ce que ça tient du risque, sûrement ! L’enjeu quoi, c’est quoi l’enjeu quand-t-on fait quelque chose ? Mais encore une fois, je parle que pour moi. Il y a des gens qui ont un plaisir monstre à construire des aéroports puisque les enjeux sont autres (rires). Mais disons pour moi, il y a quelque chose au niveau de l’implication sociale individuelle qui est importante aujourd’hui parce qu’on est dans à la veille d’une mutation assez phénoménale, une mutation sociale super importante et puis on ne peut plus faire comme si de rien était, on ne peut plus faire semblant ! Même si on n’a pas le choix, c’est en train de changer à vitesse grand V quoi. On va bientôt se prendre une sacrée baffe sur la figure et puis les seuls qui seront prêts seront ceux qui sont déjà en situation précarisée. Donc ces formes de précarités sont aussi la situation du poète, c’est aussi celui qui cherche des mots pour expliquer la beauté du monde, peu importe. Il nous appartient de chercher où est-ce 62

que pour nous cette précarité elle fait du sens ? Ou est ce qu’il y a un truc qui est fragile et puis être d’accord de le donner. Alors à quoi ça à avoir avec le fait de construire ensemble ? Du partage, etc. ? Pour moi, ça à avoir avec ça parce que dès le départ, on met en jeu ce qui va être l’habiter, l’habiter ça commence par, depuis la nuit des temps, il faut se mettre à l’abri ! Alors, évidemment on se met pas seulement à l’abri de la pluie, on se met à l’abri des autres, on se met à l’abri d’un contexte économique, on se met à l’abri d’un contexte politique parfois, Il y a toutes ces choses-là. Et puis, l’architecte reste évidemment soumis à des règlements, à ces choses-là. C’est aussi là qu’il y a un jeu qui s’organise quoi. (Rires) Voilà pour la jeunesse de… le premier pas. _ C’est aussi le construire ensemble ? Construire soi-même par la construction parce que construire ensemble c’est aussi se construire soi-même ? _ Alors évidemment, j’ai réalisé que ce projet dont je vous ai parlé il y a deux jours, Doma Habitare, c’était évidemment une aventure extrêmement puissante à ce niveau-là de se construire parce qu’on met en jeu sa relation à l’autre. On met en jeu, c’est une façon de le dire, ses connaissances et puis accueillent celles de l’autre. Il y a un vieux monsieur, Daniel Beguin, qui a 60 ans, qui était l’un des meneurs du projet qui a choisi d’être mon interlocuteur privilégié pour la menée de ce chantier. Parfois, on avait des idées mais complètement antithétiques quoi. Il disait rouge, je disais noir et puis ok, comment est-ce qu’on se rencontre quoi ? Bah on se dit ouais, je vais voir rouge un moment parce qu’il est plus âgé que moi, il a plus de connaissances en tout cas de la vie, j’en sais rien. Parfois, j’étais extrêmement convaincu – je dis maintenant : ça suffit quoi ! (rires) Tu veux que les choses soient droites, il n’y a pas de raison. Elle peut être droite comme elle peut être


désorganisée. Fin bref, il y a…, pendant tout ce temps, il y a l’œil qui s’est construit et puis aussi, évidemment apprendre à se connaître mutuellement et puis, strictement, comme architecte, il y a cette histoire qu’il faut lâcher prise, il faut laisser aller mais quand même, on doit être sûr qu’à la fin ce truc, ça va quand même être quelque chose quoi parce que, bricolage ça a souvent une vision, plutôt une lecture extrêmement péjorative, certainement à juste titre. “Ah ouais, la bricole, machin, etc.” Pour que ça devienne quelque chose qu’il soit noble et poétique, il faut que ça soit, je n’ai pas envie de dire contrôlée mais que derrière tout ça, il y ait quelque chose qui soit toujours extrêmement tendu quoi. Qu’il y ait une pensée qui soit derrière ! C’est le fil rouge. On ne sait pas exactement mais il y a vraiment, ouais c’est peut-être un peu prétentieux de le dire, mais une philosophie qui se construit au fur et à mesure du projet. Elle est nourrie de, par mes propres obsessions j’ai envie de dire. Mes propres recherches. Mes propres passions et puis à partir de là, voilà on va chercher et puis c’est sûr c’est passionnant et puis qu’après deux ans de chantier, je ressors épuisé mais en même temps nourris d’autres choses que je n’attendais pas. Ca fait grandir certaines choses qui dormaient en moi que j’ignorais et puis… Au début de ce chantier, j’ai commencé à faire du Tai Chi, comme ça parce que je me disais que je deviens plus vieux, il faut que je fasse un truc que je puisse faire jusqu’à 118 ans et puis bon. Je me rencontre maintenant que c’est une chose que je pratique tous les jours, en tout cas une demi-heure par jour, etc. Elle a un lien évident avec la question écologique, c’est-à-dire l’équilibre avec l’environnement. C’est un truc qui a 3000 ans mais ça parle du bien être par rapport à soi, par rapport à l’extérieur. Il y a un rapport évident avec l’écologie, avec la particularité que, je n’ai pas eu le temps d’aller jusquelà lors de cette conférence, mais c’est comme si on retourne la chaussette. Je parlais de ces quatre cercles, des quatre

peaux. L’orient, c’est une question des arts martiaux, soient-ils calmes et immobiles ? C’est exactement le principe de retourner la chaussette. On part du monde et on arrive à l’intime. En fait, c’est une circulation. Et là, dedans, il y a une nécessité de faire les choses ensemble. Alors, il y a pleins de façons de faire les choses ensemble, il y a une conversation à trois, il y a faire à manger, il y a fondé une famille ou vivre ensemble en collectif, mais derrière tout ça, je suis assez convaincu, il faut quelque chose qui se fasse quoi ! Parce que dans “le faire”, il y a quelque chose qui fait que la pensée se libère un peu, elle est une petite vagabonde, elle est un petit peu ailleurs. Pour l’instant, on a un geste qui est le geste de l’Homme. D’ailleurs, des compagnons du devoir en l’an mil, comment est-ce qu’ils apprenaient ? Bah ils allaient sur la route de Compostelle. Pourquoi ? Parce qu’ils marchaient, marcher ça nourrit la tête en fait. (Rires) L’ère d’un rien, on se promène et puis l’apprentissage se fait comme ça. Donc il y a quelque chose que je trouve assez beau, assez noble. Il y a une chose aussi qui était, histoire de se dire : dans ce bâtiment, les gens ont la particularité que, ce que je disais, tout le monde est responsable du bâtiment. Personne n’est propriétaire en quelque sorte. Donc les gens avaient la chance par contre de se dire : oh bah moi j’aimerais bien un appartement plutôt grand parce que je veux faire de la boxe et puis je veux pouvoir étendre mes bras partout. Contrairement, je voudrais une toute petite pièce mais en bas j’aimerais la télé où je peux faire de la céramique. Et puis donc le bâtiment a été conçu d’une manière extrêmement simple sur quelques “galettes” comme ça et puis là-dessus, on organisait l’habité en disant qu’il pouvait être éventuellement modulable à travers les âges. On sait ce que veut dire modulable, ça marche jamais très bien, mais disons que le faite que les gens mettent la main à la pâte c’était aussi de pouvoir les appliqués et qui se sentent responsables de ce qui est en train de se passer physiquement 63


quoi. Alors chacun avait la liberté totale de donner l’engagement, le temps, l’énergie qu’il voulait quoi. Ce qu’on avait remarqué aussi quand on avait fait ce projet dont je parlais au départ, avec les migrants, ce qui est assez drôle c’est que forcément, quand on avait tout d’un coup quarante personnes à gérer, c’était impossible. Alors bon, on a fait des groupes pour dire toi tu viens le matin, toi tu viens l’après-midi ou toi tu viens lundi, mardi, etc. On s’est rendu compte que naturellement des compétences, des qualités qui pour certaines étaient des qualités culturelles. Par exemple, les gens des Balkans adorent monter des murs, c’est un peu… Ils sont costauds, ils aiment bien montrer que ça fonce. Et puis ils se foutaient un peu de la gueule des Maghrébins, Noirs Africains, qui étaient moins costauds. Par contre, quand il s’agit de faire des enduits à la chaux, etc. et puis tout d’un coup, ils ont pris des leçons quoi ! “Ah non de bleu, ceux qui bossent bien c’est le noir Africain. Nous, on n’est pas foutu de tirer un crépis correct.” Donc il y a aussi cette chose-là qui se passe, qui est incroyable quoi ! On n’a pas besoin de se parler. C’est un apprentissage par le geste quoi. Du coup, des, comment est-ce qu’on pourrait dire, il y a des respects mutuels, il y a une dignité qui s’organise autour de ces gestes qui est assez dingue, assez précieuse. Et du coup, un respect, une entraide, etc. Dans le cadre de ce chantier, on a aussi trouvé des gens qui étaient, pas tellement bon à construire, mais des Afghans qui faisaient un pain magnifique quoi. Résultat des courses, ils nous amenaient le pain tous les matins qu’ils faisaient chez eux et puis c’était un moment magique quoi. Ces gens étaient bénis puis ils étaient une part intégrante du chantier parce que (rires) on les attendait, ils ramenaient la chaleur le mois de février. Donc toutes ces choses-là, elles se sont appris quoi. On a appris à dire : “tiens, toi ici, ça se passe bien et puis comme ça !” donc le faire ensemble c’est ça aussi quoi. C’est pouvoir dire : ok bah ça j’y arrive pas quoi, à ça je 64

ne suis pas bon quoi ! Par contre, peut être que toi tu arrives bien !”. Soit j’ai envie d’apprendre parce que ça m’intéresse, soit j’ai juste envie de regarder parce que c’est cool que quelqu’un d’autre sache le faire et puis il peut le faire pour moi aussi puisqu’on va partager des espaces. Même si les espaces avaient été privatisé, ça met en place une vie collective, ça anticipe si c’est ces même gens qui vont y habités. Dans le cas particulier de cette maison qu’on a construit avec les migrants, il y a cette particularité que pour la plupart, ils savaient qu’ils allaient être renvoyés, tôt ou tard. Il y a quelques-uns qui ont été admis etc., mais ils le faisaient pour les suivants. Il y avait cette histoire-là, on est de passage mais les suivants seront là et pourront se faire à manger et penseront à nous. Nous, peu importe qui, mais il traverse une même situation. En fait, on est tous dans la même situation, on fait que traverser une vie de 60 à 90 ans. Donc, c’est cet apprentissage-là qui peut se vivre d’une certaine manière intéressante je trouve dans cette question de construire ensemble qui peut se vivre d’une autre manière aussi quoi. Ce qu’on a réalisé qui a, ça c’est juste une qui était un bémol sur ce projet, c’est que on aurait dû avoir très vite, en vue du projet précédent, un endroit où les gens se rassemblent pour manger, pour boire un café parce que les gens allaient en général pas très loin d’ici, il y avait une personne qui habitait à 500 mètres et puis elle préparait le repas, c’était son job. Elle faisait à manger pour dix/quinze. C’était cool quoi, mais ça aurait été vachement mieux d’avoir sur place. Ca nourrissait un cœur qui tout de suite aurait été le même lieu où les choses ce sont bien passées et ensuite serait resté une cuisine collective. Un endroit où les gens pourraient continuer à faire grandir les idées. C’est peut être un petit peu (silence), on peut appeler ça un esprit des lieux, on s’en fout quoi mais dans les faites, je me rends compte que ça marche comme ça quoi. Il y a, j’ai parlé assez brièvement de la question des


rythmes – je trouve que c’est aussi super important de pouvoir mettre le rythme du geste de l’individu, de l’être humain, dans un bâtiment qui se construit. Bien-sûr qu’il y a des choses qui peuvent et qui doivent aller très vite et des choses qui sont des processus industrialisés auxquels on n’aurait pas de raison de s’y opposer quoi. Le bâtiment dans lequel vous êtes, il a été conçu très vite ! C’est un des moteurs de L&V, c’est de travailler avec ce qui existe, de la production industrielle pour baisser les coûts, pour rationaliser et puis ensuite laisser chacun s’approprier l’espace. Je ne comprends même pas pourquoi il n’y a pas encore une jungle la au-dessus (du foyer). Vous faîtes que du badminton mais… (Rires) _On est quand même conditionné à certaines choses. _Non et puis vous êtes de passage mais disons que c’est marrant mais il y a aussi cette chose-là quoi. Je pense que c’est du long terme, mais un bâtiment comme celui-ci, il invite aussi à ce genre de chose. A vous étudiants, de se poser ces questions : c’est vrai, je suis de passage, comment est-ce que j’investis cet endroit ? Est-ce que j’investis juste l’endroit où je suis à ma table, et ici de temps en temps, j’investis les espaces pour faire de la maquette 1:1. J’investis surtout l’espace de mon écran portable que j’ai toujours dans mon sac (rires). Ça pose des questions de dilatations. Ou est ce qu’on est présent aux autres quoi. Quand on fait un bâtiment ensemble, on n’a pas le choix (rires). Il y a des moments assez divers, assez magnifiques, il y a eu des moments un peu plus tristes ou mélancoliques, fin parce que l’énergie était différente. Le chantier de fabriquer les briques était vraiment un truc incroyable quoi. En fait, on a essayé toujours de s’associer, soit des artisans qui avaient des compétences pour accompagner un travail collectif avec des gens qui connaissaient rien, soit avec des entreprises qui étaient prêtes

à jouer le jeu de perdre un peu de temps ou de dire moi je prends cette part et le reste je laisse faire. On a évidemment décidé de savoir où est ce qu’il était pertinent de faire ce genre d’action et est ce qu’il était pertinent de construire vite et puis de manière sérieuse et pro. Donc typiquement, l’enveloppe thermique, les installations où on laisse faire. Mais le chantier des briques, il avait ça d’assez magnifique Alors d’une part, c’était très bien mis en place par l’entreprise avait qui on a décidé de travailler et pour cet entreprise, c’était aussi une première d’en faire autant, de faire quelque chose d’aussi important. On a géré un planning incroyable pour que ça marche. Il faut que tous les jours, il y ait deux gars en haut, deux gars en bas et puis deux nanas d’ailleurs parce qu’il y a beaucoup de femmes qui ont participé à cette histoire et puis pour déplacer les briques, mettre en palette, rester 3 mois à sécher. Donc tout ça, était d’une part, super bien réalisé et le temps n’était pas spécialement avec nous mais ce n’est pas grave. Qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, les gens étaient super motivés puis il y avait une espèce de jeu assez marrant qui était de compter les briques. Les briques elles se font les unes après les autres, c’est une presse comme voilà, boum, on compte les briques et puis le jeu c’était de combien est ce qu’on en arrive à en faire par jour. Evidemment, elle faut qu’elle soit belle parce que la fin elle reste propre, clean, pour les cloisons intérieures. Et donc, il y avait une espèce de jeu comme ça de quelle équipe, qui est avec qui, avait monté puis chaque jour, il y avait sur un mur, on comptait le nombre de briques, etc. (rires) Un jeu quoi, vraiment un jeu parce qu’en plus c’était jamais les mêmes personnes qui travaillaient en même temps parce qu’il n’y avait pas les mêmes groupes. Il y avait un esprit, pas de compétition, plus de jeu puisque ce n’était pas l’équipe des bleus contre l’équipe des verts puisque les bleus et les verts étaient mélangés. (Rires) Il faut penser à chacun quoi. Si bien qu’à la fin, il y a eu un score 65


incroyable de 158 briques en un jour quoi. Et cette chose là c’est… ce qu’est marrant c’est quand on fait les briques, on ne prend pas mesure de quelle surface on va pouvoir monter quoi. Quand on a fait tant de briques, par contre on savait qu’on devait arriver à 20/22000 briques pour avoir assez de briques pour tout bâtir. Ce qui était aussi particulier, alors ça c’était vraiment un chantier super cool parce qu’au moins, il y a avait cette énergie, il y avait une part ludique puis c’était le premier chantier qu’on a mis en œuvre avec le collectif avec des gens qui étaient là, encore une fois avec la liberté de dire : vous venez ou vous ne venez pas quoi. Vous avez envie de venir juste un jour, vous êtes pleins d’énergies. Il y a des gens qui étaient proches de ces gens qui sont venus, il y a des curieux qui sont venus parce qu’il y a des gens qui voulaient savoir comment est-ce qu’on bossait la terre crue donc ils viennent 3 jours, tac, et puis voilà donc ça c’était plutôt un chantier assez cool quoi. J’ai terminé un autre petit chantier sur la même commune un peu dans le même esprit, c’est-à-dire un bâtiment autonome mais plus modeste. C’est un centre de rencontre mais c’est au départ, c’est l’initiative d’une seule personne mais, mais qui travaille d’une manière extrêmement collective puis elle, elle a voulu travaillé la terre crue mais en enduit sur des murs avec un chauffage en parois et avec elle, on a monté une autre manière de faire – c’est-àdire qu’on a contacter des fournisseurs d’argiles – on voulait de l’argile qui était Suisse, pas parce que c’est mieux si c’est Suisse mais parce que c’était local. On voulait jouer sur la proximité et puis on est tombé sur une association qui nous a proposé d’investir le bâtiment pour y faire des cours. C’està-dire qu’on a dit voilà : on a 150 m² de parois fait en enduit comme ça. Vous nous laissez faire, on organise des stages et puis sur trois weekends, ils ont organisés des stages où ils ont fait venir en contrepartie ces gens étaient accueillis, nourris pendant ce weekend et tous les enduits ce sont fait comme 66

ça. Donc pourquoi je raconte ça, parce que c’est souvent on a l’impression ou on pense que le travail en auto-construction, il permet de faire économies mais ce n’est pas vrai ! (Rires) Ça ne marche pas comme ça parce que d’une part, par exemple dans le cas de ce travail des briques qui a été fait, tous les détails de construction sont inventés quoi. Donc on ne bosse pas avec du standard – on veut une porte, un cadre de porte, on veut faire un raccord au plafond, toutes ces choses-là il faut “les bricoler” – c’est-à-dire, comment est-ce que je fais ça ? Bon, il y a du boulot de dessin de détail qui est cool, qui est sympa mais… _ Et ça c’est au fur et à mesure ? _ Ça, ça c’est fait au fur et à mesure ouais. Alors moi ça m’arrange bien, ça me laisse du temps pour penser (rires), mais c’est clair qu’il faut faire gaffe à ce qui passe au niveau budget, qu’est-ce qu’on peut faire, qu’est-ce qu’on ne peut pas faire ? Un jeu assez dangereux mais auquel on s’est habitué au fil des années. On sait bien que les architectes sont tous des menteurs donc bon (rires). Non, je plaisante mais, donc l’enjeu ce n’est pas d’aller chercher une économie. L’enjeu c’est véritablement de se dire est ce qu’on a envie de faire en sorte que les gens deviennent acteurs de ce qu’ils font, qu’ils entrent dans le bâtiment avec une autre conscience. Parce qu’en faite, faire des briques ça ne veut pas dire : celle-ci c’est moi qui l’ai faite, cette brique là ou… D’ailleurs, on a vu que cette chose-là, elle a changé quand on a commencé à monter les murs, c’était assez difficile de garder le côté collectif parce que les gens tout d’un coup avaient très envie de monter leurs murs : Ici, c’est chez moi ! Ecoute non, on part du premier puis on monte jusqu’au troisième et puis c’est tout. Mais là, tout d’un coup, il y a un sentiment de, même si les gens ne sont pas propriétaires de leurs lieux, ici c’est chez moi et puis TAC


! Puis de tenir cette énergie du groupe, du collectif. Là, il y a eu un truc qui était intéressant aussi de se dire : à tiens, à quel moment est-ce que ça peut changer et qu’est-ce que (rires). _ Vous faites de la sociologie sur le chantier ? _ Bien sûr, bien sûr. Ouais, ouais, ouais, il y a quelque chose comme ça. _ Vous partez des humains pour construire et en même temps, est-ce que vous êtes aussi sensibles aux matériaux utilisés ? _ Alors, évidemment. _ C’est-à-dire que la brique, vous l’avez choisie par rapport au site et la pierre aussi ? _ Alors, l’argile avec laquelle on a fabriqué les briques, c’est pour, parce qu’on en avait pas assez, mais un bon 40% c’est la terre qu’on a extraite du site. On a fait le trou et puis, évidemment que c’était un choix de départ de travailler avec la brique de terre crue. C’était dans cet esprit-là dans la volonté des gens qui habitaient le bâtiment de réduire l’empreinte écologique pour faire en sorte que dans chaque option constructive, on essaye d’aller le plus loin possible. Qu’est-ce qu’on peut faire pour avoir le moins de déplacements possibles ? Qu’est-ce qu’on peut faire pour être le plus proche d’un retour à la nature ? L’idée de pouvoir se dire que si un jour ce bâtiment veut être déconstruit, il faut qu’on essaye qu’il laisse le moins de marque possible. Donc ça veut dire travailler avec des matériaux non transformés, travailler avec des matériaux de proximité. La commune de Sainte Croix c’est la commune qui a l’une des plus grandes surfaces de forêt de Suisse Romande donc c’était évident qu’il fallait faire une construction en ossature

bois et puis de discuter avec un maître charpentier qui avait fait faire les choses de manières conséquentes en travaillant avec le bois local donc ça évidemment c’était une chose super importante de réfléchir à ça et je crois que ça augmente aussi la conscience de son rapport au monde tout à chacun. Effectivement, toutes personnes qui se dis : bah là, j’ai fait un gros tas de terre qui fait 800 m3, sur ces 800m3, il y en a 150 qui sont utilisables. On les a trié, on les a tamisé, et puis c’est avec cette terre qu’à la fin (rires), je suis à l’abri. Effectivement, la qualité de l’ambiance, la qualité du vivre la dedans c’est incroyable ! Moi j’y habite pas parce que c’est dangereux pour un architecte d’habiter dans ce qui l’a construit mais (rires) pour toutes sortes de raisons, si parce que ce qui va à un engagement tellement fort comme architecte. Mais à chaque fois que je vais dans le bâtiment boire un café chez l’un ou chez l’autre? C’est incroyable ! Il y a une paix dans ce bâtiment que je rencontre dans peu d’autres endroits. Alors pourquoi ? Evidemment parce qu’il y a des matériaux naturels, parce qu’on est dans un environnement qui est proche de l’environnement même – il est nourris par ce qui a autour de lui et ça je pense que ça participe de certains équilibres subtiles quoi. _ C’est le rapport à l’environnement ? _ Ouais, ouais au site, ouais. _ Et c’est drôle l’enjeu des fenêtres, par rapport au fait de récupérer des fenêtres au fur et à mesure pour venir compléter la façade ? C’était une idée qui est venue naturellement ? _ C’est, c’est, alors… Je trouvais l’idée d’un patchwork assez excellent quoi. Euh ce truc, il est venu assez vite dans nos esprits parce qu’on s’est mis à chercher sans chercher un petit 67


peu de matériels de récupération par ci, par là. Et puis, on s’est dit : bah, il faut qu’on aie un œil sur d’éventuels maisons, bâtiments qui se détruisent, des démolitions. Alors, il y en a pleins, beaucoup, partout tout le temps mais disons à une échelle jouable pour trois/quatre bonhommes d’aller. L’idée c’était surtout, par exemple, de récupérer des planchers dans des belles maisons des années 30/40. Il y a du beau plancher en chêne, TAC, ça c’était l’idée de départ. Il se trouve que, on débarque dans une maison avec des portes avec des cadres, matos sanitaires encore utilisables. On tombe sur une de ses maisons dans lesquelles vont quatre ou cinq de ces personnes tout au début du chantier – on n’a même pas encore commencé le chantier, je ne sais pas, mais dans l’esprit d’aller à la collecte de ces choses-là. Tout d’un coup, Daniel Béguin, me dit qu’il faudrait que tu viennes voire parce qu’il y a des fenêtres. Ça serait quand même pas mal quoi. Il y avait des grandes baies vitrées, il y avait toutes sortes de fenêtres, du coup bah s’est dit : ouais, ok, on prend ces fenêtres, on essaye de les démonter, on les stocke et puis petit à petit si on en trouve, on continue à faire comme ça tu vois. Donc, cette envie des façades en patchwork, pas la façade Sud-Est parce que là, on a travaillé avec des gens. La seule concession qu’on a faite à la ville. “Varade”, c’est un groupe qui fabrique des serres en quantité industrielle, un petit clin d’œil. (Rires) J’avais envie d’une façade qui soit extrêmement montée, pas chère et qui fasse cet effet de serre. Sur cette façade Sud-Est, c’était juste important qui fonctionne aussi pour éviter les surchauffes donc pouvoir bien ouvrir avec en toiture, des systèmes ouvrants mais pour les deux autres façades qui étaient des façades de couloirs/coursives. Moi, j’aimais bien cette idée aussi pour ce qu’elle avait comme porté symbolique, c’est-à-dire, un : une façade en patchwork avait un peu de fenêtres, ça montre aussi la diversité des gens qui y habitent. C’est un peu “plan-plan” mais il y avait quand 68

même ce truc là qu’était marrant ! Et puis, c’est le rapport à l’extérieur, c’est le rapport au monde, c’est le rapport, en l’occurrence au village, en l’occurrence aux voisins – il y en avait qui étaient des sacrés emmerdeurs et puis le dire : les gars, c’est ça qu’on vous donne quoi. C’est ça qu’on vous donne parce que c’est ça notre rapport à l’extérieur. Il est un petit peu fragile, il est un petit peu précaire, il est composé de choses extrêmement différentes et puis surtout, il va changer quoi parce que pour l’instant, on a un tiers des façades qui se retrouvent avec des fenêtres mais l’idée, c’est qu’au fur et à mesure, lors de nos trouvailles, on puisse, TAC TAC, changer parce qu’il y a deux ou trois personnes qui ne supportent pas le polycarbonate comme vous avez ici. (Rires) C’est le matériau le plus, le mieux au marché, et puis est ce qu’on peut continuer à changer ? Bien sûr, mais oui évidemment, vas-y ! (rires) _ C’est peut-être ça la dimension flexible/modulable du bâtiment au final ? _ Ouais, ouais. _ Et dans le temps aussi, cette temporalité qui se déploie, qui continue en fait ? _ C’est ça exactement ! Disons son expression : ce qui fait que la façade, elle n’est pas figée, elle n’est pas posée. Elle va changer parce que les gens qui sont dedans vont changer aussi, parce que les humeurs changent, parce que… Donc il y avait cette idée là que je trouve assez marrante de se dire qu’on joue sur cette histoire d’une double enveloppe. Alors, souvent on parle de double peau dans l’architecture, c’est des trucs supers chics et super chers, machin, etc. Là, c’est l’exact contraire quoi, mais pas par provoque, juste parce que


ça marche très bien comme ça ! Par rapport aux ambitions du projet, le fait que c’est des coursives de distribution que ça permettent de tempérer puis d’en faire des endroits qui sont semi-habitables dans lesquels les gamins peuvent jouer en hiver, etc. Tous ces facteurs-là font que c’est peut être bien de le faire et puis de faire comme ça quoi. Evidemment que la récupération, elle fait partie du réemploi, fait partie du propos de cette coopérative de se dire bah : là, on n’est pas dans une situation d’un retour à la nature mais on est au moins dans une situation où quelque chose existe et puis on peut l’utiliser une deuxième, une troisième, une quatrième fois j’en sais rien quoi. Ça c’est aussi extrêmement important. 80% du matériel sanitaire, c’est de la récupération donc évidemment ça demande un peu plus à faire les branchements, etc. mais c’est déjà là quoi. C’est de la céramique, c’est quelque chose qui est comme le carrelage qui nécessite des cuissons importantes donc des consommations d’énergie importantes donc si on prend ce qui est déjà là et bah on évite aussi cet effort supplémentaire. C’était le cas aussi pour, bah évidemment des portes intérieures, je crois que je vous montrais l’une des dernières images, c’était le dernier escalier qui est l’escalier qui monte sur le toit. C’est le seul qu’on n’a pas fait avec le système de voûte catalane. C’est marrant que ça soit un escalier en bois quoi. On a trouvé cet escalier, on l’a ramassé dans un dépôt et puis il est magnifique quoi. _ Il y a plusieurs matériaux mais au final il y a une ambiance conviviale à l’intérieur qui s’en dégage - avec la brique, le bois, le béton, etc., il y a une palette de matériaux ? _Ça c’est évidemment aussi le rôle de l’architecte, de faire en sorte que ça ne soit pas une “merde disparate”. Fin je veux dire en l’occurrence c’était aussi mon job de me dire : attend, ok il y a plusieurs matériaux mais d’accord le sol c’est de la

chape ciment brut, TAC on a ça, on a le bois et puis après ce qui vient se rajouter c’est du mobilier quoi et puis après il se passe autre chose. Donc malgré tout, de garder quelque chose d’assez minimaliste quoi. C’est tendu de se dire que typiquement les façades récupèrent, elles ont une expression un peu particulière mais quand on est à l’intérieur du bâtiment, on les voit assez peu parce qu’on a une présence beaucoup trop forte de la structure bois donc on a quelque chose qui reste assez, assez calme quoi, assez tranquille parce qu’il ne s’agit pas non plus de vivre dans du merdier quoi. Il faut que la vie dedans soit à l’image du bâtiment. Qu’il y ait une espèce de sérénité. Le lieu dans lequel on est chez soi c’est un lieu de repos dans lequel on s’organise comme on veut après quoi. _Le bâtiment, il s’inscrit sur un noyau ou après venaient les cloisons en briques et les coursives à l’extérieur ? _Non, pas exactement. En fait, le schéma du bâtiment, je peux dessiner ? _ Oui, oui, allez-y. _On a effectivement une première enveloppe qui est une enveloppe chaude et puis on a choisi, le bâtiment à cette forme-là grosso modo. (Scan croquis du carnet) On a choisi de le faire comme ça parce qu’on ne peut pas le faire sur les quatre côtés. On est au Sud-Est, ici on est au Sud-Ouest, là on a cet espèce de truc bizarre jusqu’en haut. On a la circulation verticale. L’enveloppe chauffée, elle est là et puis cette enveloppe chauffée, c’est uniquement l’isolation en paille et en laine de bois. C’est l’ossature bois. Par contre, tout ce qui est des cloisons intérieures, c’est la brique. La brique, elle sert uniquement pour les cloisons intérieures. 69


Pourquoi ? Parce que ça nous donne, puisque chaque appartement est chauffé uniquement – alors, par contre vous avez raison, on a deux gaines, on a deux grosses gaines qui traversent le bâtiment dans lesquelles on a ce que j’appelle : « les organes à caca ». En fait, pour chaque chiotte, on a un plateau avec, c’est très marrant, ils ont organisé des trucs incroyables parfois c’est des petites portes arabisantes – ça se met sur la planche puis au fond, il y a une grosse caisse et elles sont toutes les unes à côté des autres donc on a à chaque fois un truc qui monte au troisième, quatrième étage et puis pourquoi ça ? Parce que ce volume-là, c’est le volume idéal pour faire un composte sur l’espace d’une année avec ce qu’on peut produire comme merde dans une année. (Rires) Je le dis comme ça parce que c’est comme ça ! Ce qui fait dans ces gaines qui sont assez larges, on a les tuyaux à caca entre d’autres choses. D’ailleurs, c’était assez marrant parce que, je fais juste un aparté, par rapport au fait de travailler ensemble, et puis de laisser des questions ouvertes, cette question des toilettes sèches, elle était assez problématique par rapport à la question du label Minergie parce qu’on était tenu par un certain dimensionnement pour tenir ce label. Ce que ça dit c’est qu’on doit avoir obligatoirement une isolation thermique performante et puis parce qu’elle est très performante. En contrepartie, on doit avoir un système de ventilation mécanisée que ça, on ne voulait pas. On ne voulait absolument pas ça et par ailleurs, c’était absolument contre-indiqué avec le système de toilettes sèches. Pourquoi ? Parce que c’est un système anaérobie. C’est-à-dire qu’on a, dans ce tuc là, on a... (Bruits de machine en fond) Ce tuyau, il prend l’air et il y a une circulation d’air qui fait que ça ne sent jamais mauvais. Par contre, évidemment qu’il ne faut pas que, soit que les toilettes soient fermées ou étanches pour pas ou alors justement pas. Donc on s’est dit : il faut qu’on oublie cette ventilation mécanisée puis qu’on trouve une autre solution. Mais au moment de démarrer les 70

travaux, aucune idée, et puis c’est vraiment en travaillant en chemin faisant qu’entre l’électricien, le sanitaire, le gars qui montait ces trucs là et notre thermicien, on a trouvé la solution sur place. On a trouvé une solution puis ça fonctionne super bien sans la ventilation mécanisée, etc., bon ! Donc, laine de bois, ensuite ça c’est l’enveloppe super chip, bricolée. Sur la façade Nord-Est, on a ces gros modules de paille et puis cette façade-là, elle est complètement vitrée puisqu’elle est en réponse à… C’est du triple vitrage, etc. C’est des vitrages bois, ici en production locale et puis ces deux façades-là qui sont des façades porteuses. En fait, c’est du bois massif avec une isolation en laine de bois sur l’extérieur. Et puis cette façade-là, c’est la façade qui ressemble à des oreilles de chat en tavillons. Donc voilà pour… Les briques de terre crue, on les a utilisé uniquement pour les cloisons intérieures d’une part parce qu’on n’avait pas encore de certificat sur leur valeur statique parce qu’il faut qu’elle soit certifiée pour qu’on ait le droit de les utiliser. C’est les règlementations Suisses. _ Vous n’avez pas le choix sur ça ? _Non ça… (Rires) _ Il y a un contrôle technique ? _ Ouais exactement. Il y a un truc fédéral qui décide quels matériaux sont considérés, ont une valeur statique, etc. C’est le domaine des sciences des matériaux qui étudie ça puis bon. _ Ça a été validé ? _ Maintenant, c’est validé ! On peut le faire mais donc à ce moment-là, on ne peut pas l’utiliser comme une cloison porteuse. Par contre, ce qui était intéressant pour nous,


comment un bâtiment en ossature bois qui est assez léger qui est chauffé uniquement par des poêles à bois individuel, c’est d’avoir de la masse parce qu’en fait, dans des bâtiments qui sont très légers à ossature bois sans masse qu’on chauffe au bois, bah l’énergie n’a pas d’endroit où se stocker. Donc ça permet de stocker le chaud – on s’est rendu compte en plus que ça a une puissance Hydro-thermique incroyable parce qu’il y a jamais d’humidité, même dans la salle de bain où prendre un bain pendant une heure, elle mange l’humidité tranquillement donc d’un point de vue de ces fameuses normes HQE, etc. qui sont très conditionnées par des systèmes mécanisés et domotisés. Là, on est à l’extrême opposé volontairement, c’est du low-tech. C’est l’être humain qui fait la domotique, qui ouvre les fenêtres s’il en a envie puis qu’il les ferme. Je m’en rends compte, c’est une valeur ajouté – on ne le savait pas au départ – fin on ne le savait pas, on savait que la terre est un matériau… _ Vous le savez sans le vouloir en fait ? _ Exactement ! _ Vous n’êtes pas parti de l’idée d’être dans ce classement, vous êtes partis de l’humain qui construit et le reste est venu par la suite ? _ Ouais, et du coup la VMC, on en a pas besoin. On n’en voulait pas, absolument pas ! On n’en a pas besoin parce que ces toutes ces fenêtres qui sont Sud-Est. A peine, il y a un rayon de soleil dehors, à midi ici, il fait 20° quoi, 25° donc tout le monde ouvre les fenêtres et puis quand le soleil se voile, on ferme les fenêtres. Pendant tout ce temps, c’était ventilé donc on n’a pas besoin de ventiler mécaniquement. Au contraire, ça serait contre-productif et puis pendant tout ce

temps-là et bah il n’y a pas besoin de chauffer la maison parce que c’est le soleil avec le rayonnement direct qui va faire le chauffage donc cette histoire-là, elle est assez… C’est une histoire qu’on a voulu et qu’on a essayé de construire comme ça. C’est de dire : si l’humain est au centre, il faut aussi qu’il reprenne conscience du rapport à l’extérieur. Ça veut dire qu’évidemment, en hiver on met plus de couches qu’en été mais si on arrive à naturellement avec une certaine évidence à prendre cette mesure dans la respiration du bâtiment et puis ça c’est incroyable ! On est bien sûr que ça marche comme ça – il y a du soleil dehors mais dans cet espace intermédiaire, qu’on pourrait dire de véranda – c’est quand même un truc qui fait plus de trois mètres de profondeur. C’est un véritable espace supplémentaire ! On est bien, qu’est-ce que ça fait du bien quoi ! Tout d’un coup, il y a eu cinq jours où il ne faisait pas très beau puis on reste juste dans son appart donc en fait, tout d’un coup, l’appart qui fait 60 m², il en fait 80. Surtout nous, on prend cette conscience que le soleil fait du bien et puis que, et puis si le soleil est plus là bah on referme et puis peut être qu’on va faire un feu. C’est un peu bêbête mais il se trouve que c’est la réalité ! C’est comme ça quoi et puis ça marche super bien ! C’est juste que le bâtiment a été conçu comme ça et puis ça fonctionne quoi ! _ Vous pensez que ce modèle-là peut se reproduire ? _ Ouais bien sûr, mais je pense aussi que chaque – disons, je pense que c’est un projet pilote. C’est véritablement un projet expérimental ! Je ne parle pas pour moi mais pour tout le groupe qui l’a fait. Si cette volonté d’épuiser tous les possibles, d’aller chercher les solutions toujours plus écolos, les plus radicales pour dire : ok, on fait tout ce qui est possible quitte à prendre un risque financier par rapport à un bâtiment standard. On pourrait le faire pour moins cher en utilisant des 71


solutions constructives plus simples d’une manière ou d’une autre. Il y a vraiment cette volonté, TAC, on va jusqu’au bout ! _Il y a d’autres enjeux aussi, c’est quand vous disiez que c’est l’enjeu social sur le terrain qui est possible grâce à des choix qu’on fait aussi dans nos modes de construction ? _ Le seul bémol que je mets à ce projet, c’est qu’il est un petit peu trop petit. Pas par rapport au bâtiment lui-même mais par rapport à l’organisation du collectif. En fait, un collectif ça marche bien – je disais mardi soir : à partir de cinquante personnes je pense parce que du coup l’individualité, elle n’a pas besoin de se manifester et puis je pense qu’il y a plus de fluidité mais ça demande aussi plus de temps. Le rencontres dans ce bâtiment, c’est dingue quoi. Il y a eu des rencontres pendant une période de début de chantier. On organisait toutes les semaines – je ne sais plus, je crois que c’était le mardi soir – on se voyait à 19h pour passer en revue ce qui allait ou n’allait pas dans le projet en cours mais ça durait jusqu’à minuit toujours quoi. Alors, on se donnait deux heures mais parce que ça ne tient pas, chacun dit puis ensuite, on essaye de régler ce qu’il se passe. Alors au moins quand tu es dans l’action, les choses passèrent différemment. Elles passèrent de passeur de briques à passeur de briques et le fait d’avoir la conscience que le bâtiment, il était engagé. Il y avait cette énergie assez cool, c’est là quoi ! Parce qu’on a traversé quelques écueils administratifs assez balaises quoi. Donc ce qui a provoqué certaines tensions à certains moments. Certaines personnes du projet qui avaient peur d’un risque éventuel de ne pas pouvoir habiter le bâtiment, fin que sais-je quoi. De toute façon, en Suisse, c’est l’architecte qui est le seul responsable, toujours ! (rires) C’est toujours de sa faute, peut être ailleurs aussi mais… (Rires) Donc, ouais je pense que c’est un modèle reproductible dans le sens où 72

pour moi, il y a cette évidence d’un rapport à l’environnement extérieur, il y a une évidence dans le fait d’organiser des espaces collectifs qui soient le plus simples possibles ou des espaces de partage parce qu’après on aurait pu être plus radicale et puis se dire : mais peut être que dans ce bâtimentlà, on a pas besoin de dix cuisines, on a pas besoin de dix salles de bain complète, peut être qu’une grande cuisine collective et puis juste chacun pour soi a deux petites plaques pour se faire le café ou le petit dej. Ou un peu plus si on a envie, c’est suffisant parce que dans les faits, quand est ce qu’on cuisine vraiment beaucoup ? Peut-être quand on le fait, on en profite pour le faire pour plusieurs mais après ça, c’est plus des questions de choix de vivre ensemble. Des choix sociaux qu’un architecte ne va pas imposer. Il peut le suggérer, essayer de le provoquer en quelque sorte. Ça c’est vraiment un collectif qui s’organise mais il faudra être prêt à chercher ces solutions et puis peut être en inventer d’autres que je ne connais pas. Jusqu’au bout des possibles, eux, ils ont toujours l’envie d’une autosuffisance alimentaire donc ils ont une parcelle qui est assez grande. L’année passée, ils ont construit un immense potager. L’autosuffisance alimentaire n’est pas obtenue évidemment mais la cave en pierres sèches elle est aussi là pour ça parce que c’est une cave qui permet de stocker les légumes en hiver : carottes, pommes de terre, etc. Alors après c’est vrai que c’est toujours des options qui sont très connotées quoi : “vieux babos, hippies, machin etc.” C’est des gens extrêmement rationnels quoi. C’est comme ça. Ok, il se trouve qu’il y en a deux dans l’équipe qui adorent jardiner qui jardinent depuis des années – ben vas-y, fais du jardinage quoi ! Les gamins, ils accompagnent, ils adorent ça et puis…, donc c’est des processus qui ont une relative évidence quoi. Alors évidemment que, comme je disais ce bâtiment il est construit dans une petite commune de 4500 habitants dans une région où il y a encore pas mal de place


autour pour avoir du vert, de la forêt, etc. Une situation en zone urbaine, elle a d’autres qualités, d’autres contraintes probablement. Est-ce qu’on peut faire ça comme ça ? Prendre ça comme modèle ? Peut-être mais en même temps, est ce qu’on va encore beaucoup construire du neuf à tour de bras. Oui, les promoteurs immobiliers, ils en font beaucoup mais… (Rires) _ Vous ne les aimez pas ? _Non ce n’est pas que je ne les aime pas, c’est juste qu’on a toujours construit un quatre pièces avec… Je veux dire... _On ne fait pas bouger les choses en fait ? _Non et je pense que ce n’est pas comme ça que la ville doit se faire. Ce n’est jamais comme ça qu’elle aurait dû se faire. Ce n’est vraiment pas comme ça qu’elle s’est faite au départ mais on est assez désemparés quoi, parce qu’évidemment c’est un système entier qui est à repenser de se dire : comment est-ce que n’importe quel citoyen prend possession de la ville, de sa vie, de ce qui est en jeu et puis qu’est-ce qu’il est d’accord de remettre en jeu, qu’est ce qui est possible à sa mesure ? Je bosse toute la journée, je vais chercher le gamin à la braderie, je vais etc. Je suis crevé, bon là, bon ! Mais n’empêche que moi je pense que c’est quelque chose qui va se mettre en place dans un tout autre contexte. Il y a un peu plus d’une année en Suisse, on a, vue qu’on a une démocratie directe avec tout ce que ça a comme qualités et comme défauts, on a eu la chance de voter sur le revenu de base inconditionnel donc c’est l’idée d’un revenu pour tous, suffisant et nécessaire pour vivre, etc. L’idée, elle est exceptionnelle parce qu’elle est à la mesure d’un bouleversement social qui nous attend. On est un pays, quand même assez riche, qui aurait les moyens

quand même de s’offrir cette expérience-là. Evidemment, ça a été refusé massivement parce que : oulala ! Mais qu’est-ce qu’il y a derrière tout ça ? Il y a l’idée que chacun puisse passer ses journées à réfléchir à ce qu’il veut faire de sa vie. On nous dit que ça va produire que des désœuvrés, non je ne crois pas ! Ca va produire des gens qui vont faire ce qu’ils ont envie de faire qui vont s’organiser ensemble, qui vont apprendre à faire les choses ensemble. Il y a quelques années, on était passé par le nord de l’Italie – on a un petit pied à terre, un vieux bout d’appartement qui date du 15ème siècle dans un bout de campagne dans le nord de l’Italie – où il fait affreusement froid en hiver. On est arrivé là-bas au mois de mars et puis non de bleu, il faisait froid, il y avait un vague froment à bois. Il n’y avait pas de bois. Je demande à la commune : où est-ce qu’on peut trouver du bois ? En trois minutes, ils m’ont trouvé quelqu’un qui m’amenait du bois. Gary vient avec un triporteur. Il pose deux stères de bois devant la maison, devant le bout du hameau dans lequel on était. Bon, il faut rentrer le bois quoi ! J’ouvre la cave, je commence à entrer mon bois – après 40 secondes, j’avais les quatre voisins qui étaient là et puis qui me donnaient un coup de main. “Bah non on fait ça ensemble, ça va plus vite !” Tout seul, ça m’aurait pris deux heures de temps – ça nous a pris 20 minutes. Puis on venait d’arriver là, je n’ai même pas une bière à leur offrir. “Non, non, écoute ce n’est pas grave. Viens boire un verre de vin chez moi et puis TAC TAC TAC !” Et puis d’un naturel plutôt méfiant, en me disant qu’on vit dans un monde extrêmement individualiste, je me dis : est-ce que je vais devoir rendre des comptes ? Ca me traverse l’esprit et puis absolument pas. C’est un mouvement naturel. Ce sont des gens qui n’ont pas envie de bosser chaque jour, chaque année. D’une part, il n’y a pas assez de travail pour ça et puis qu’ils sont disponibles. Ils sont là et puis t’as le temps où tu n’as pas le temps, il s’en fout, ce n’est pas grave ! Mais il y a une évidence quoi. Normal, on est là, on 73


fait rien, on va donner un coup de main. Ces gestes là on ne les connait plus quoi. Plus on vit dans des grands ensembles, plus on devrait l’avoir, plus c’est le contraire qui se passe ! _On se ferme à l‘autre !? _ Ouais mais c’est vraiment une aventure complexe qui nous attend mais je pense qu’avant tout, il y a une histoire de… Moi je crois beaucoup à la force de la poésie dans tout ça quoi – de toujours être capable de transformer ce qu’il y a en face de nous ou même si c’est une chose terrifiante et puis essayer de la faire envoler ailleurs quoi et puis de voir comment elle pourrait être différente et puis avancer comme ça. Le bricolage c’est un peu cette histoire-là ! Dans le rapport aux artisans, il y a aussi une histoire qui est de reconnaissance. Les gens qui bossent, qu’on paye pour faire un métier dans la construction, à qui on offre un salaire, machin, TAC et puis c’est tout ! Ils savent le boulot qui font, ils bossent plus ou moins bien selon qu’ils aiment faire leur boulot ou pas. Si il y a un boulot qui est partiellement participatif, tout d’un coup il y a une reconnaissance dans le métier parce que celui qui est en face, il ne sait pas, il ne connaît pas. Alors bon, il faut avoir l’envie et le temps de vouloir partager, etc., mais si ce truc-là se met en place, il y a aussi un truc assez cool qui se passe à ce niveau-là ! _ Une reconnaissance des savoirs faire ? _ Ouais, ouais c’est ça ! Dans l’idée du low-tech et d’aller vers la simplicité, il y avait aussi cette idée là – les choses les plus simples ne sont pas forcément les choses les plus faciles – mais d’avoir l’impression que c’est une chose qui est à portée de main quoi, effectivement. 74

_ Vous allez écrire un livre sur cette expérience ? _ Oui, oui. Alors, disons, le fait déjà de préparer un propos pour une conférence. En l’occurrence, je décide d’en faire un peu plus que juste préparer une conférence. Il y a l’envie de faire une publication. La direction qui va prendre, j’en sais rien encore parce qu’il y a beaucoup de… Ouais je ne sais pas si… _Peut-être que votre livre est déjà dans votre tête ? _ Oui, oui il existe mais il en existe une centaine pour l’instant dans ma tête donc il faut que je sache lequel a envie de sortir maintenant quoi. _ Et Bolobolo, c’est ça aussi qui vous a donné le déclic ? Qui vous donne espoir ? _ Ouais Bolobolo, c’est un peu une découverte par hasard mais ouais c’est un truc qui me tient debout quoi. (Rires) _ Disons que c’est un manifeste où il tape, il rentre dans la société ? _ Ouais absolument ! Absolument ! En même temps, il propose des solutions super triviales. En même temps, il y a une espèce d’évidence à avoir. Quand je me promène dans une ville, je me promène ici à Nantes, je me projette quoi. Je vois bien : Ah ouais tiens, il n’y a plus de bagnole, le tram, il y a encore mais les grandes avenues : tient, on va planter des carottes, des patates, il y aura que des vélos. Il y aura peutêtre des bouts de bâtiment qui seraient effondrés parce qu’ils seront totalement pourris et au milieu. Il y aura des jardins suspendus puis c’est super beau quoi. En même temps, il y a une espèce de fragilité évidente parce que les gens vont devoir


se réinventer quoi parce qu’en vérité, on est toujours dans une précarité qui est extrême quoi mais absolue quoi. Qu’estce qu’il se passe si un jour les camions de chez carrefour ne roulent plus ? Si pendant une semaine, les camions ne livrent plus chez carrefour, chez machin, chez tout ça mais c’est la guerre civile ! C’est la guerre civile ! Est-ce que ça tient parce qu’on y croit ou est ce qu’on y croit parce que ça tient ? (Rires) On est toujours dans une situation extrêmement fragile ! On voit aussi qu’au niveau de l’empreinte planétaire des pays riches. Il y a des gens qui n’ont pas envie d’y croire mais quand même, on peut faire ce calcul sur le site du VVF de qu’elle est sa propre empreinte écologique ? C’est-à-dire à quelle moment est ce qu’on va dépasser l’échelle 1 ? C’està-dire, qu’on a consommé plus que ce qu’on est capable de recevoir. En Suisse, l’année passée, cette échéance s’est terminée le premier août et que le premier août, on avait déjà totalement épuisé. Ça veut dire qu’on consomme déjà deux planètes au lieu d’une. Ces mesures-là, moi je me dis : c’est du délire quoi ! Je pense à la situation du non-accueil des migrants en général en Europe – en Suisse en particulier – la montée du néofascisme, c’est super flippant quoi ! C’est super flippant ! En fait, Bolobolo, ça me donne un souffle par rapport à ça parce que si je me projette dans la version noire, vivre dans une précarité totale d’un monde qui a perdu ses repères, ses cadres, son argent, d’un truc au jour le jour, on doit essayer de planter des carottes. Ça oui, je trouve peut-être même que j’aurai du plaisir. Par contre, vivre dans un monde porté par fascisme omnipotent, dictatorial dans lequel tout est imposé, ça non ! Je pense que je ne peux pas. Ça, je ne peux pas le supporter donc Bolobolo, ça me donne un souffle par rapport à ça mais ce qui est en train de se passer, c’est plutôt le contraire. C’est plutôt la montée des néofascismes, Le brésil en est un exemple récent mais évident quoi ! Pourquoi ce type, Bolsonaro, arrive au pouvoir si facilement ? Bon,

parce qu’il y a une crainte des gens qui ont l’illusion que plus d’armée, plus de sécurité mais aussi parce que les puissances économiques mondiales ont intérêt à une stabilité. Comment est-ce qu’ils trouvent une stabilité sociale ? Et bien, c’est comme ça. La plupart des gens qui arrivent au pouvoir dans les pays de l’est qui…, la Chine en est un exemple magnifique quoi, c’est plutôt ça qui est en train d’arriver et puis qu’estce qu’il y a derrière ? Il y a une destruction systématique de nos libertés individuelles. Je veux dire on appuie là-dessus et puis l’empreinte est déjà là. Vous savez dans combien de site elle est enregistré l’empreinte ? C’est hallucinant quoi. Partout, l’empreinte, elle existe ! Donc c’est facile de contrôler les gens – en Chine, ça se fait déjà de toute façon massive. Ça c’est super flippant ! Ce qui est super flippant c’est qu’on n’en a pas conscience parce que nos gestes quotidiens sont nourris par l’habitude, par des choses qui se présentent à nous et puis c’est difficile chaque minute qui passe de vivre complètement. C’est d’autant plus difficile quand on est dans un environnement agité, très exalté quoi. Je pense que c’est plus facile pour quelqu’un qui vit perdu dans sa montagne que dans une ville d’un million d’habitants. Mais je crois que c’est, malheureusement, vers ça qu’on va pour l’instant et ça veut dire un régime très féodal quoi avec les impôts d’assurances, de banques, d’industrie pétrochimique, d’agroalimentaire. _ Il n’y a pas d’échappatoire en fait dans le capitalisme, soit c’est le prolongement du système, soit c’est le basculement ? _ Il faut basculer mais moi, ce qu’il m’inquiète c’est comment on serait capable de basculer en fait ? Il faudra le prendre dans la gueule et là, les populations du sud ignorantes sont bien plus préparées parce qu’elles sont dans une précarité totale depuis longtemps. Alors, on a peut-être des bonnes leçons à prendre. Peut-être qu’ils ont l’humilité de ne pas nous descendre tous 75


(rires) et de nous accompagner. Soit effectivement, on va vers quelque chose d’assez terrifiant – ce n’est pas l’apocalypse – c’est juste une répétition de l’histoire qui s’est déjà produite mais à une autre échelle quoi. _ Ça va être un retour à la bougie ? _ Ouais, ouais, assez furieux je crois ! Bon, Bolobolo, je trouve que c’est une belle aventure par rapport à ça. Evidemment radicale, mais il y a peu d’autres réponses que radicales. C’est vrai qu’on ne sait pas imaginer une sortie du capitalisme, ce qui est bizarre c’est qu’on est capable d’imaginer la fin du monde mais pas la fin du capitalisme. Ce n’est pas moi qui l’invente, j’ai entendu ça il y a quelques jours dans une expo… _ Et on sera bientôt capable d’aller sur Mars !? _ Ouais c’est ça ! C’est plus facile à imaginer… C’est vrai que durant la préparation, l’élaboration et ensuite la réalisation pour Doma Habitare, il y a des images comme ça qui surgissent. Il y a évidemment, à Lausanne, il y a tout un domaine des sciences des matériaux et sciences de la vie qui travaillent à la culture sous-vide, qui travaille en vue d’un voyage sur Mars par exemple. Je me dis mais en fait c’est marrant, Doma Habitare, projet super low-cost, low-tech avec des solutions au plus simple. Un, la vie est sur Terre et on chasse les solutions les plus simples. Il y a le projet biosphère aussi d’il y a quelques années avec une tentative de vie sur Mars où l’idée, c’était d’enfermer des gens pendant une année dans une bulle étanche et voir comment ils cohabitent. A la fin, ils se foutaient sur la gueule. Fin la première fois, ils ont fait rentré trop de fourmis et la deuxième fois… _ On avait une dernière petite question : pour vous, c’est quoi 76

être artisans et être architecte ? Et est-ce possible d’être les deux en même temps ? _ J’aime assez être assez proche du chantier et de la matière parce que d’une part, j’ai aussi une activité de plasticien qui fait que le passage du dessin à la sculpture par exemple, je m’en rends compte que j’adore cette énergie-là parce que le moment où le projet, parlant d’une sculpture, se réalise… Je fais une série de sculptures en béton par exemple où je dois préparer les coffrages, réfléchir à comment tout ça va se mettre en œuvre. Il y a un bas-relief sur la tour, c’est moi qui l’aie mis en œuvre. (Rires) J’ai préparé tous les panneaux, tous les trucs. Ce rapport à la matière, il est vraiment magnifique parce qu’il nourrit beaucoup, inconsciemment après, il y a un passage à l’acte, un passage à la réalisation des choses physiques, une sculpture par exemple qui est construite, issue d’un dessin, etc. Ça fait bouger les neurones quoi ! Il y a pleins de choses qui se déplacent et puis ça fait avancer la tête quoi, en tout cas dans la création artistique ! Ça déporte, ça amène ailleurs et bien dans un chantier comme celui-ci où il y a du construire ensemble, ça déporte sur pleins d’aspects, ça déporte aussi sur le domaine « social », ça veut dire de la relation, du partage, d’échange à l’autre et puis dans le rapport à la matière, évidemment quoi ! Le fait de savoir le poids des matériaux, comment ils s’assemblent, ils ne s’assemblent pas, comment ils vont bouger ou pas, c’est poutre en bois évidement qu’elles vont fléchir… Bon, en générale, il existe toujours des solutions techniques avec des joints, des machins, tout ça mais là dans cette idée qu’on assemble des choses qui soient on a trouvé ailleurs, soient qu’on « invente » pour la première fois et bien cette nourriturelà, elle a peu d’égale ! Elle est vraiment précieuse ! Alors après, je n’ai pas la prétention d’être un architecte/artisans parce que je le dis toujours : je ne suis qu’un architecte ! Ce


n’est pas moi qui sais faire, c’est les hommes de métier ! Par ailleurs, c’est un mot qu’on a un peu perdu « les hommes de métier » qui ont un savoir-faire et qui le transmettent. Pourquoi ? Parce quand on fait du béton, ça va vite. Quand on construit avec une structure métallique, c’est assemblé en atelier en série donc ces savoir-faire sont souvent loin de l’architecte. Ou alors il faut passer du temps dans les ateliers et encore il faut une part d’abstraction pour être capable de rassembler les morceaux. Donc ouais cette chose-là est précieuse car elle nourrit réellement quelque chose ! Je l’ai apprise dans le cadre de mon boulot artistique tout d’abord avant de voir qu’il avait un écho très important dans la réalisation. J’adorais faire les choses de mes propres mains tout seul pour voir. (Rires) Pourquoi pas une tour de douze mètres de haut en bois sur le toit de votre école. (Rires) _ Une question, les hommes qui pensent et ceux qui agissent. Une barrière entre les deux. Vous, vous arrivez à combiner les deux ? _Tu sais, l’art c’est la pensée en acte ! Donc effectivement, c’est en agissant que la pensée se construit ! Tant que tu ne fais rien, la pensée n’avance pas. Après, il faut trouver le lieu de cet agir. Pour chacun de soi, on a des sensibilités, des rapports à la matière ou que sais-je qui sont différents quoi. Evidemment que celui qui ne fait qu’agir est déresponsabilisé parce que ce n’est pas lui qui est responsable de cette choselà ! D’ailleurs, on vit dans un monde comme ça en générale ! On vit dans un monde en générale et complètement déresponsabilisé. Personne ne prend la responsabilité – si quelqu’un a dit : je suis responsable – bah putain, c’est la merde pour lui ! Il prend tout sur la figure mais à petite échelle dans n’importe quel domaine. Il y a très peu de gens qui sont responsables de leurs actes. Donc oui bien sûr, la pensée en

acte ! Pour moi, c’est une évidence ! Chaque chose que je pense, j’essaye de…, et en retour la matière nourrit quelque chose dans la pensée, c’est clair quoi, c’est clair ouais ! Il y a aussi une histoire de rythme : les rythmes lents, les rythmes rapides, etc. _ Vous ne vouliez pas être dans l’efficacité absolue ? Alors oui et non. On a toujours eu les deux temporalités présentes dans le bâtiment. On avait tellement envie que le bâtiment soit hors d’eau, à l’abri, qu’on puisse travailler dedans tranquillement. On aurait pu prendre deux ou trois ans de plus pour faire ce bâtiment mais à un moment donné, les gens avaient envie d’habiter dans leur lieu. Le bâtiment est terminé à 90% mais vous pouvez habiter dedans. Tous ce qui est coursive extérieure, il n’y avait pas encore le revêtement, etc. Ce n’est pas grave, les gens seront là et puis… Donc les deux temporalités étaient présentes. Un moment donné, il faut quand même que les gens puissent vivre. Qu’ils ne perdent pas cette envie (rires), fin ils n’allaient pas la perdre mais par contre c’est important d’avoir la conscience de ces rythmes lents. Durant le projet, ce que j’ai trouvé souvent frustrant, dans mes débuts de l’architecture, en quelques années j’étais une bête à concours parce que très formaliste, facile de dessiner, machin, énergie, bon puis ça c’est cool, c’est la création pure ! Concours gagné, formidable ! Après, on ne voit plus rien ! Il y a un grand écart entre ce moment là où j’ai dessiné une idée et puis il faut qu’elle soit réalisée. Il se passe quoi entre deux quoi ? Il se passe qu’on a peur tout le temps que le projet nous échappe parce qu’on ne va pas pouvoir pour des raisons financières… Si on revient sur cette pensée en acte, quand tu construits un bâtiment de logements, on sait qu’on veut questionner ce qui est rapport au logement. On veut questionner ce que veut dire habiter. Alors on pose des 77


bases que l’on pense viables pour poser les questions et puis on laisse la chose ouverte mais comment on laisse la chose ouverte ? La récup par exemple, ça donne des espaces où les décisions ne sont pas encore prises. On se dit : bon bah ça on verra ! Typiquement les façades, c’est plutôt marrant quoi. C’e n’est pas marrant ensuite pour obtenir un permis de construire final mais c’est plutôt marrant de s’offrir cette chance – de se dire ok on verra ce qu’il va se passer ! Ces poches de temps un peu plus longues ou d’incertains au pluriel, elles sont précieuses dans un projet. Encore renvoyé au quotidien, je sais probablement ce que je vais faire ce soir et demain matin mais peut être que je peux laisser un peu de place pour autre chose… _ Est-ce que vous trouvez que toutes les règles administratives peuvent empêcher ces « poches » ? _ Absolument ! Elles sont extrêmement contraignantes ! C’est pour ça qu’un mec comme Rudy Ricciotti est en prison quoi (rires) parce que lui, il emploie la manière forte quoi ! Il a écrit un livre : « l’architecture est un sport de combat ». « La désobéissance » de Renzo Piano également. Il faut absolument désobéir pour… Ouais ce sont différentes manières de penser à son environnement, à différentes échelles, de gérer ces choses-là. C’est certain ça ! _ Merci beaucoup d’avoir pris ce temps avec nous. _ Très sympa. _ Rentrez bien en Lausanne, à Sainte-Croix. _ Sur le site de Doma Habitare, il y a une belle galerie photos qui est assez belle car c’est vraiment le suivi de chantier. On 78

voit les gens bosser, on voit les différents stades. _ Merci, bonne route !


ENTRETIEN AVEC ADELE ROQUETA, ILYT, 5 MARS 2019 Bonjour, Marie Hegy à l’appareil, je vous avais envoyé un mail au sujet d’un entretien de sociologie pour des étudiants. Oui, bonjour. Est-ce que je tombe mal ? Non, pas du tout. Ok super. Je suis avec mon collègue Hugo... Bonjour. Du coup, vous êtes enregistrée si ça vous embête pas trop comme ça nous on perd rien de notre échange. Non pas du tout. Ok super. Alors on se demandait si dans un premier temps vous vouliez rappeler un petit peu votre parcours. Depuis... Enfin dans quelle ENSA vous étiez, ce que vous avez fait après votre diplôme... Oui alors sachant que moi je m’appelle Adèle, et que mon associé s’appelle Antoine, et qu’on a deux parcours différents. On a tous les deux un diplôme d’architecte, moi j’ai la HMO et lui il a son diplôme architecte DE et puis parallèlement moi j’ai commencé à travailler comme architecte, lui aussi

d’ailleurs. En fait on s’est connus en agence d’architecture. Lui il travaillait en tant qu’architecte encore, et moi j’avais déjà un peu bifurqué, j’étais en... je travaillais dans la communication donc j’étais en agence d’architecture mais j’avais changé de mission. Donc j’avais déjà commencé à m’orienter un peu dans autre chose, même si je restais dans le domaine de l’architecture.

Entretien avec Adèle Roqueta

Ok. En fait moi ça faisait très longtemps que je voulais monter ma société, donc maintenant sur le principe, je me sentais pas de le faire toute seule, et Antoine, lui, il en avait marre du manque de concret dans le milieu de l’architecture. En tant qu’architecte c’est vrai que la part créative après c’est 5% du métier, après c’est beaucoup d’échanges administratifs, beaucoup de choses à régler, des chantiers, auprès de la maîtrise d’ouvrage, des entreprises. Donc c’est vrai qu’on perd un peu le fil créatif du métier. Et puis un projet d’architecture ça peut durer des années en fait. Ca peut durer une dizaine d’années, et puis en étant en agence on peut parfois travailler sur un projet et ne pas en voir la finalité. Et c’est vrai que c’est assez frustrant. D’accord oui. Et nous on avait besoin d’un retour au concret. Donc ça s’est un petit peu fait comme ça, moi je me suis liée d’amitié avec lui et maintenant on travaille et on est en couple, donc c’est un peu particulier. Et lui finalement après a arrêté l’architecture, il a entamé une formation d’ébéniste. Mmh mmh. 79


Il était... une activité manuelle lui plaisait plus donc il avait plus envie de faire ça. Et puis moi je... Donc c’était quoi c’était un CAP. Alors c’était un CAP oui, menuisier-ébéniste, qu’il a fait à … ?, à Tremblay-en-France, une formation privée, voilà il a pu faire cette formation-là grâce à des aides, via pôle-emploi, même s’il a dû mettre une bonne partie du prix de la formation de sa propre poche. Du coup il a fait un prêt, je sais pas si ça vous intéresse. Oui oui si si, les conditions matérielles ça nous intéresse. Et donc ensuite bah moi j’ai continué à travailler, en agence toujours. Dans la même agence d’architecture en tant que chargée de communication. Parallèlement, avant ça j’ai fait pas mal de boulots, qui m’ont permis d’avoir plusieurs expériences, qui m’ont permis aujourd’hui dans la boîte... bref je sais plus où j’en suis. Alors voilà en fait comment on a débuté. Juste du coup en fait, ce projet-là de créer une société d’ébénisterie, c’était présent avant que vous n’exerciez d’autres métiers en parallèle, c’est ça? Ou c’est venu... Non ça s’est vraiment fait parce qu’on s’est rencontrés Antoine et moi, et que lui il avait déjà un peu cette... il était déjà très manuel, et il aimait bien faire des maquettes... Tout ce qui était manuel dans le métier d’architecte il aimait beaucoup ça. D’accord. Et en fait il s’est dit... C’est aussi une réflexion je pense sur, comme je disais, le manque de concret dans le métier 80

d’architecte. Et c’est vrai que construire un meuble, on n’est plus à la même échelle. Et c’est vrai que ça nous permettait... C’était un peu comme réduire un bâtiment à une échelle beaucoup plus petite, pour pouvoir le créer de manière beaucoup plus rapide. D’accord. Ca ça été vraiment, je pense, ce qui a fait qu’on a choisi après de monter une entreprise de mobilier sur-mesure, parce que ça correspondait aussi à un domaine qu’on avait l’impression de connaître un petit peu, parce que sur certains projets on avait travaillé aussi en agence, pas pour des projets à nous, mais des projets quand on travaillait pour quelqu’un d’autre, comme on avait déjà touché un peu à ça, à l’aménagement, à l’agencement de mobilier, quand il était intégré à notre lot architecte. Et c’est vrai qu’on avait constaté qu’il y avait un grand manque de connaissance, à une échelle plus petite, de comment construire un meuble réellement. Mmh mmh. C’est sûr que c’est quand même deux métiers, mais ça se rapproche quand même, et puis bah nous on travaille principalement le bois, et voilà c’est aussi une matière qui est importante pour nous, en tant qu’architectes, on aimait bien travailler sur des projets de construction bois. Ok. Et est-ce qu’on peut vous poser la question de quelle était votre relation avec ce matériau ? Pourquoi le bois et pas autre chose ? En fait nous on est... Je pense que nous on a de manière assez naturelle une propension à travailler des matériaux renouvelables et naturels en fait, et c’est vrai que le bois ça laisse énormément de possibilités. Y’a beaucoup


d’essences de bois. Après nous notre métier aujourd’hui, je vais un peu dans les détails, encore une fois je sais pas si ça vous intéresse, mais c’est vrai qu’on travaille sur... on essaie de travailler sur les matériaux les plus écologiques possibles, et de travailler avec les matériaux qu’on trouve en France, par exemple on va pas travailler avec des matériaux exotiques. Donc le bois aujourd’hui ça va être en France, on a beaucoup de chêne, de noyer, on a du frêne, bon voilà on travaille pas trop avec le hêtre pour des questions esthétiques mais après on va travailler plutôt avec ce genre de bois et on travaille avec des scieries très proches de notre atelier. D’accord. On est en champagne. Voilà, après pour le processus de création de cette entreprise-là, c’est vrai que je pense que ça s’est fait un peu naturellement, parce que moi j’avais cette envie de créer quelque chose d’indépendant, Antoine pas trop à la base, c’était pas trop son truc. Il s’est un peu laissé porté par ça, parce qu’après c’est vrai que aujourd’hui ce qui est compliqué c’est de... enfin moi je me voyais pas monter mon entreprise toute seule. Il fallait plusieurs compétences pour pouvoir enrichir la chose. Et aujourd’hui moi par exemple je m’occupe dans l’entreprise de tout ce qui est organisationnel, administratif, communication, photos, site internet, relation clients, et également de la conception, et un tout petit peu de réalisation. Par réalisation, je l’aide surtout dans les finitions, les teintes, les vernis, ce genre de choses. Antoine, lui il est principalement à la conception et à la réalisation technique, et à la réalisation du meuble, et à la pose. Donc on n’a pas du tout les mêmes... on ne fait pas du tout la même chose dans la boîte en fait. Donc oui vous vous êtes vraiment divisé le travail...

Oui, ce qui est bien. Donc au moins on se marche pas dessus et chacun sait ce qu’il a à faire quoi. Ok. Mais après je sais pas ce que vous voulez savoir mais c’est vrai que... Est-ce que je résume bien si je dis que lui de son côté son projet c’était de devenir ébéniste et pas nécessairement à son compte en tout cas c’est ça ? Bah en fait la question s’est pas trop posée parce qu’en fait il a travaillé après un an en tant qu’ébéniste chez quelqu’un, donc ça a permis de peaufiner sa formation, parce qu’une formation d’un an, c’est quand même très condensé, et quand on sort du CAP de menuisier-ébéniste, on n’a pas du tout assez de connaissance pour monter sa boîte. Oui,ok. Donc oui il a travaillé dans un atelier d’ébénisterie qui est à Fontenay, qui travaillait pour des galeries parisiennes, donc vraiment très intéressant, avec plein de matériaux intéressants qu’il a pu explorer. Ca a vraiment été un complément de formation très imp... très nécessaire, clairement. Et en fait, parallèlement à ça, lui il travaillait cinq jours par semaine pour cette personne, et moi je travaillais en communication, et on louait un atelier en région parisienne le weekend pour commencer à faire nos propres projets. Wow d’accord. 81


Pendant plus d’un an, on a travaillé 7 jours sur 7, et en fait on a lancé nos premiers projets, et ensuite on a... on est partis de la région parisienne pour s’installer en Champagne et avoir notre propre atelier. D’accord ok. Et voilà ça s’est pas passé comme ça du jour au lendemain, on a dû investir dans des machines, aussi... Oui j’imagine qu’il faut de l’espace aussi... Oui et puis en région parisienne c’est compliqué quand même d’avoir un grand atelier pour des questions financières notamment. Et peut-être réglementaires aussi non ? Réglementaires non pas forcément. Après un atelier d’ébénisterie nécessite simplement d’avoir une sécurité électrique, après voilà, c’est juste des... Bon après voilà réglementairement parlant je pense pas qu’il y ait de frein. Ok ok. Et du coup... enfin est-ce que... comment vous rapprocheriez le métier d’ébéniste et d’architecte? Quels points communs vous verriez aux deux métiers peut-être, et quelles différences aussi ? Alors aujourd’hui nous notre métier, aujourd’hui, c’est de concevoir et de réaliser un meuble. En fait il s’agit de partir de rien en fait, pour obtenir un projet, et jusqu’à sa réelle création, et jusqu’à la pose chez le client. Vraiment pour moi ça c’est 82

exactement le même processus créatif qu’un architecte. Il part d’un terrain nu, qu’il doit par le biais de certaines contraintes, bah du lieu, du programme, du bâtiment... va devoir créer un bâtiment et puis après le livrer. Le réaliser et le livrer après au client. Pour moi c’est un petit peu le même processus créatif. Partir de rien et puis obtenir un objet final concret. Ok. Et du coup là vous maitrisez vraiment toute la chaîne en fait. Oui tout à fait. Il y a le client qui peut venir, il y a des clients qui ont déjà des projets en tête déjà parce qu’ils ont vu des choses... Mais généralement la plupart c’est des gens qui ont envie de quelque chose, qui ont une demande pour concevoir un projet, en fonction de la fonction du projet, ça peut être une table, ça peut être une bibliothèque, et puis nous on a la contrainte de la pièce dans laquelle ce meuble va entrer et on propose quelque chose. Donc il y a déjà un premier devis de conception. Donc si le client est satisfait avec la solution qu’on propose bien sûr on lui donne une fourchette de réalisation pour qu’il puisse savoir dans quoi il s’engage financièrement aussi. Oui. Et ensuite donc on fait un devis de réalisation, et ensuite il y a la réalisation puis la pose. Il y a des poses qui sont plus ou moins compliquées. On peut faire aussi du meuble meublant, donc juste une table et donc quand il s’agit d’un dressing il y a un temps de pose qui est aussi important. Et voilà donc ensuite le client, il y a un SAV comme dans n’importe quelle vente, il y a un suivi si jamais il y a un problème.


Ok d’accord.

D’accord.

Donc il peut revenir vers nous s’il y a un problème. Voilà donc on maitrise vraiment oui en effet toute la chaîne de production, de conception et de réalisation ce qui fait à la fois beaucoup de travail et à la fois pour moi ça garantit une certaine qualité.

Et euh ouais, peut-être que ça évoluera, je sais pas. Mais pour le moment c’est pas trop d’actualité.

Oui oui tout à fait. Oui ça permet ça de toute maîtriser. Le client a un seul interlocuteur. Voilà, je pense que ça met en confiance plus facilement. Et donc là vous êtes vous deux à temps plein sur votre projet ? Ouais. Et vous êtes encore aidés d’autres personnes ? Non, pour le moment non, c’est pas... Enfin c’est vrai qu’on n’a... C’est un petit peu compliqué d’embaucher, en plus nous on est dans un tout petit village, donc c’est vrai que ça nous limite encore plus les possibilités d’embaucher quelqu’un parce qu’il faut que la personne puisse se déplacer. Enfin bon. C’est un petit peu compliqué. Et puis en termes de logistique, c’est vrai que pour le moment, on aime bien travailler à deux, même s’il y a des projets qu’on ne peut pas faire, parce qu’on n’est que deux et qu’à un moment donné en termes de délai et de taille de projet ça devient compliqué. Mais finalement on reste dans des tailles de projets qui sont facilement maîtrisables à deux. Après c’est vrai qu’on aime bien comme ça. On verra au fur et à mesure du temps. Là ça fait un petit plus de trois ans qu’on est à notre compte maintenant.

Ok. Ok ok. Et est-ce que ça a été facile de trouver la clientèle ? Et peut-être quel type de clients vous avez actuellement ? Alors nous bah c’est vrai qu’on a la chance d’avoir déjà beaucoup d’amis architectes, donc ça aide quand même. Nos contacts en région parisienne ça a été d’abord par le biais d’architectes, on a eu des projets comme ça. Et puis petit à petit bah par le bouche à oreilles et maintenant c’est vrai qu’en Champagne, Antoine est issu de cette région-là. Et puis par le bouche à oreilles ont travaille pour des maisons de champagne par exemples. En Champagne c’est un petit peu le premier client. Mais après on a aussi des particuliers. Mais beaucoup de professionnels. D’accord. Oui ça se fait beaucoup par le bouche à oreilles. Pour le moment en fait je commence juste, parce qu’en fait je travaillais avant quand même, je viens juste d’arrêter. Vous m’aviez demandé tout à l’heure si nous étions à 100% sur le projet mais alors maintenant oui, actuellement oui, mais il y a encore deux mois je travaillais toujours à temps partiel en temps que vendeuse dans une boutique de meubles design. Ca me permettait d’être aussi à jour sur ce qu’il se faisait et d’avoir plus de connaissances même en termes de ventes. Ca a été assez intéressant mais maintenant je n’ai plus le temps, c’est pour ça que j’ai arrêté, parce qu’en fait je voulais avoir plus de temps pour ILYT. Et donc aujourd’hui je commence juste à possiblement faire de la communication. Mais en fait 83


on n’a jamais fait de communication pour avoir des clients. Ils sont venus naturellement. Là par exemple il y a un site internet, pamono, je sais pas si vous connaissez. Non ça ne me dit rien. Alors c’est un site internet qui en fait vend du mobilier par l’intermédiaire d’artisans. Donc en fait on a été contactés par ce site là, qui nous a demandé de mettre en vente certains de nos projets sur le site internet. Donc bien sûr ils prennent une commission. Mais voilà ça peut... Enfin donc ça je suis en train de travailler là-dessus. Ca peut être aussi une autre façon de communiquer et de nous faire connaître. Après l’idée c’est pas d’avoir des millions de projets parce qu’après on en revient au problème du fait qu’on n’est que deux. Et qu’à un moment donné on peut pas tout faire donc... D’accord ok. Donc ça oui, vous l’aviez dit, sur quels types de projets vous interveniez... Alors oui on est vraiment sur de l’objet, possiblement réalisable en bois, parce que après du coup on peut être vite limité en objet. Mais oui ça va vraiment d’une petite échelle à un grand dressing, à une grande bibliothèque. On fait pas de cuisine, parce que ce serait très particulier, on ne serait pas du tout intéressants en termes de prix parce qu’aujourd’hui les cuisines, il y a beaucoup beaucoup d’offres, et nous ça nous prendrait vraiment beaucoup de temps et ça serait vraiment beaucoup trop cher. Donc nous on ne fait pas de cuisine. Mais oui le reste ça peut être des trucs de base, on ne fait pas de chaise, non plus, pas d’assise, parce que ça c’est quand même un métier particulier. Mais oui après des étagères, des bibliothèques, des dressings, voilà, ça peut être très varié. 84

Ok d’accord. Oui, je vous la pose à vous qui vous occupez de l’aspect plutôt administratif, de communication etc. Est-ce que par exemple la HMO ça vous a aidé à avoir des idées par rapport à la gestion, l’organisation de l’entreprise, ça a été une ressource ou pas ? Non, pas vraiment. (rires) Non vraiment la HMO ça m’a juste vraiment permis de faire un stage, bon je pense que j’ai aussi eu de la chance pour ça. Donc c’est un stage qui rentrait dans le cadre de la HMO mais j’ai travaillé chez Wilmotte pendant ma HMO et ça a été bah... très... très instructif parce que j’ai bossé sur un chantier, donc maintenant tout ce qui est cours, en-dehors de l’expérience sur le terrain et en agence, honnêtement j’en ai très peu de souvenirs. Je pense qu’on n’est pas... on sort juste de son diplôme, on n’a pas trop dans la tête de se dire je vais monter ma boîte maintenant en fait. Honnêtement quand on est architectes, on sort de l’école, on est confrontés tout de suite au fait que “ah non mince en fait il y a beaucoup moins de création que ce que je pensais” et monter sa boîte c’est pas du tout... Enfin moi je me souviens impossible de monter ma boîte en tant qu’architecte. Donc c’est bien d’avoir des bases, ça m’a été utile, mais ça je les ai eues par le biais d’une autre formation, j’ai fait une formation... mais alors rien à voir, j’ai pu rentrer là-dedans alors que j’avais pas du tout le profil pour rentrer là-dedans à la base. J’ai fait une formation en fait pour monter sa boîte qui durait deux mois à temps plein, et c’était par le biais de l’ADIE. En fait ça aide normalement... Alors j’ai pu rentrer là-dedans, alors je sais pas comment j’ai été sélectionnée parce que finalement je ne correspondais pas trop aux critères. C’est une formation qui est gratuite, qui est dispensée... Ah oui j’sais plus... C’est Créa Jeunes, ça fait partie de l’ADIE mais c’est Créa Jeunes pour monter sa boîte. Donc c’était vraiment tout un processus


à la fois sur la création commerciale et à la fois sur le côté financier de l’entreprise, donc en deux mois, faire un business plan, que ça tienne la route. Et euh voilà. Et euh en fait ça ça m’a vachement aidé, là pour le coup, je pense que toute expérience est bonne à prendre là, et l’expérience d’avoir sa boîte fait que, on puisse faire de moins en moins de bêtises, mais on en fait toujours. Mais clairement la HMO n’a pas été d’une grande aide pour moi. Pas assez concret... Ok ok au moins ce sera dit. (rires) Maintenant c’est quand même un diplôme nécessaire pour avoir son agence et pouvoir signer des plans, donc c’est quand même pas rien. Mais voilà, c’est vrai que... Ok. Vous disiez que vous maîtrisiez le processus de production de A à Z, mais est-ce qu’à la marge vous faites appel à d’autres artisans, je sais pas, en partenariat... Comme chez nous c’est nous qui dessinons, enfin en principe on essaie au maximum de faire du dessin quelque chose qu’on peut réaliser, en fait dès qu’on fait appel à des soustraitants, bah c’est vrai que le projet devient plus onéreux pour le client, et puis nous on ne maîtrise pas non plus tout, donc il peut y avoir, il pourrait y avoir possiblement des complications dans la création de projet, dans la réalisation de projet. Et pour le moment, on n’a vraiment pas fait appel à des sous-traitants et vraiment pour des toutes petites parties. (…) Oui on a toujours ça en tête dans la conception de nos projets. je vous disais tout à l’heure qu’on n’utilisait pas de résine, mais honnêtement, ça on peut le faire, si un client voulait

absolument quelque chose, de manière ponctuelle, parce qu’on ne pourrait pas faire ça tout le temps, par exemple la résine époxy ça se fait beaucoup en ce moment, je sais pas si vous voyez, les tables en bois assez brutes et on vient reboucher avec une résine assez transparent qui vient reboucher l’ensemble du bois. Ca par exemple, nous c’est un point d’honneur, on ne fera jamais. Parce que c’est juste... c’est inrecyclable, c’est très mauvais pour l’environnement et puis même esthétiquement parlant on n’adhère pas mais bon voilà c’est comme ça. Et puis comme je vous disais nous on vit à la campagne, on a notre atelier dans une vieille ferme. Oui On a un potager, on fait nos légumes, on recycle énormément de choses, nos copeaux de bois on les utilise pour le potager, pour le jardin, pour les toilettes sèches, en fait c’est une sorte de cercle vertueux qui fait qu’on utilise le maximum de la matière. Enfin le bois on l’utilise au maximum jusqu’aux copeaux quoi. Oui. Et c’est hyper important pour nous. D’accord ok. Oui ce que j’entends c’est que c’était vraiment un projet de vie dans sa globalité quoi, c’était pas juste changer de métier. Oui c’est ça, c’est devenu un projet de vie parce qu’on s’est rendus compte que certaines choses au fur et à mesure même, ça se fait petit à petit, parce que honnêtement au début on vivait à Paris, on était loin d’imaginer qu’on allait vivre un jour comme ça quoi. On imaginait pas qu’on allait faire un projet 85


comme ça. Mais il y a certaines choses qui se sont faites petit à petit et qui rentrent dans la logique. Travailler le bois, c’est une matière noble, c’est important de la respecter et d’aller jusqu’au bout de la matière. D’accord ok. Alors on avait deux petites questions pour terminer. On demande aux personnes qu’on interroge : qu’est-ce qu’un architecte ? Qu’est-ce qu’un artisan ? Est-ce que vous vous pensez l’un ou l’autre ou est-ce que vous vous pensez architecte-artisan ? Euh... Oui je pense que de toute manière, je vais essayer de répondre le mieux que je peux. L’architecte pour moi c’est comme un chef d’orchestre en fait, il doit pouvoir maîtriser l’ensemble du langage de chacun, de chacun des intervenants qui travaillent avec lui, que ce soit le maître d’oeuvre, euh le maître d’ouvrage je veux dire, les entreprises, chacun des entreprises, un maçon, un peintre, quelqu’un qui travaille le bois, chacun des artisans qui peuvent internvenir sur le chantier. Et donc l’architecte est sensé connaître le langage de chacun de ses personnes, de chacun de ses équipiers pour construire quelque chose d’harmonieux. Et pour autant l’architecte ne sait pas forcément monter un mur en briques. Mais il a la connaissance de ce qu’est ce métier. Et ça c’est primordial pour un architecte. C’est pour ça que je trouve que le chef d’orchestre est plutôt une belle image. Parce que le chef d’orchestre ne sait pas forcément jouer du violon et pourtant il sait ce que c’est que la partition du violon. L’artisan pour moi aujourd’hui c’est vrai que je trouve que les artisans qui ont simplement le bagage de l’artisan, ont beaucoup de courage. Car moi sans mon bagage d’architecte ce serait compliqué quoi. Parce que déjà l’artisan il est déjà... Enfin bien sûr c’est un champ hyper large, en fonction de l’expérience et des pratiques de chacun, chacun a une part 86

créative ou non. Il y a des artisans qui vont adorer être au service d’un designer par exemple. Pouvoir reproduire avec le plus de transparence le dessin que quelqu’un aurait fait. Moi aujourd’hui j’ai l’impression, je suis pas designer mais j’ai un bagage d’architecte, et le fait de pouvoir réaliser ce que j’ai conçu, je trouve que c’est une énorme chance et ça ouvre tellement de portes, je veux dire pour soi-même. On rentre dans quelque chose de concret, et c’est ça qui est plaisant. Après oui, nous on se dit “architectes-artisans”, parce que c’est ce qu’on est, finalement. Alors moi j’ai pas de CAP finalement mais j’apprends sur le tas aussi en voyant. Je pense que le statut d’architecte-artisan il va se développer de plus en plus parce que nous on a autour de nous beaucoup de gens qui partent vers autre chose. Moi j’ai une amie, qui va pas du tout dans l’ébénisterie mais qui se dirige vers la cuisine, qui est architecte et qui veut faire de la pâtisserie. Voilà donc c’est un autre artisanat. J’ai aussi une autre amie qui est fleuriste maintenant. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’architectes mais c’est marrant parce que ce weekend j’étais à un workshop, à côté je fais du théâtre, et il y avait une fille qui était en études d’architecture en troisième année et qui m’a dit, en fait on ne se connaissait pas et on a commencé à parler, je lui ai dit que j’étais architecte et que maintenant je faisais d’autres choses, et elle elle m’a dit, alors qu’elle a même pas encore son diplôme, moi de toute façon c’est très simple je ne finirai pas par être architecte. D’accord ok. Je pense que c’est un métier et justement ça ouvre le débat. Les études d’architecture permettent d’apprendre un processus créatif qui peut être extrêmement intéressant et qui peut être finalement développé dans beaucoup d’activités. Ca nous permet de sortir d’un point 0 où il y a rien, rien du


tout et on arrive petit à petit à quelque chose de constructible en fait. Et je pense que c’est ça qui est impressionnant dans l’architecture. Pouvoir construire quelque chose à partir de rien, et pouvoir justifier ce projet en fait. Ce que je vois aussi dans le fait de pratiquer à la fois la conception et la réalisation, il y a peut-être un dialogue plus facile entre la matière et la conception, et en ayant fait on sait mieux comment dessiner ensuite. Oui bien sûr. C’est sûrement un cercle vertueux. De toute façon c’est toujours une histoire d’expérience. Plus on a d’expérience et plus on arrive à être libres dans la conception. Alors ça peut être l’inverse. Intrinsèquement les matériaux ont leur qualité, et à un moment donné le bois, on peut pas tout lui faire faire, il faut savoir dans quel sens l’utiliser, il a des fibres, il est vivant, il a bougé, même après la conception du meuble, en fonction de l’hygrométrie de la pièce dans laquelle il va se trouver, plus ou moins humide, il va se gonfler, se rétracter. On a fait certains projets où on s’est dits “là clairement on le refera pas comme ça la prochaine fois”. Pourtant ça va, ça fonctionne, pourtant on est à la limite de ce que peut donner le matériau. Bah écoutez merci vraiment pour le temps pris pour nous répondre.

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Entretien avec (L’enregistrement démarre) Nous on essaie de toucher cette dimension manuelle du Bertrand Lochman S:métier et s’en renseigner plus. B: Oui S: Et donc les profs nous ont dis de vous demander si ça ne vous dérange pas de vous enregistrer et aussi cet entretien peut servir dans une thèse de doctorat, c’est plutôt les profs qui demandent ça mais ce n’est pas nous qui vont conduire cette étude.

M: Pas encore S: Pas encore, haha ! B: (en se regardant aux feuilles des questions) c’est pour l’entretien ? S: C’est quelques questions que les profs nous ont passées B: Aha. S: Donc pour commencer, si voulez nous raconter plus sur votre parcours professionnelle depuis votre formation jusqu’à 88

aujourd’hui? B: Bah en fait quand je suis sorti de l’école, avec un groupe de copain, donc quand j’ai fini mon diplôme, on s’est installé en Ile-Et-Vilaine à la compagne et du coup je me suis inscrit dans l’ordre des architectes dans le cadre des travaux qu’on allait faire, donc à ce moment là, pendant le cours des études j’avais travaillé dans le bâtiment, j’avais aussi travaillé dans des agences, mais j’avais aussi travaillé dans le bâtiment, et donc je pouvais faire certains métiers du bâtiment, les autres (on était trois) avaient d’autres branches d’activités et on pouvait faire des chantiers en entier depuis le permis de construire jusqu’à la livraison du chantier quoi, alors j’avais appris la maçonnerie d’une façon empirique comme ça avec des amis sur le chantier et des collègues, et j’avais eu mon diplôme en Juin 1980, et en juin 1981 pour m’assurer quand même que j’ai des compétences en maçonnerie j’ai passé un CAP (Certificat d’Aptitude Professionnelle) en candidat libre de maçon. M: ok B: et l’année suivante, toujours en candidat libre, j’ai aussi passé un CAP de Plâtrier donc ça permettait d’avoir un diplôme et ça m’a rassuré aussi un peu de savoir que j’allais réussir l’épreuve aussi bien en maçonnerie que en plâtre. M: Oui. B: Et à l’époque, je fais un petite digression, il n’y avait que de plâtre, il n’y avait pas des plaques de Placoplatre, à l’épreuve. Donc on s’est installé à la campagne là, et puis on a travaillé ensemble pendant trois ans à peu près, et puis donc je me suis inscrit dans l’ordre, parce que on ne peut devenir architecte


que si on est inscrit dans l’ordre au moins, et puis assez vite je me suis rendu compte que c’est assez compliqué d’avoir une double étiquette, de concepteur, et puis de dessinateur, et puis de réalisateur après des travaux, et après je me suis rendu compte que je prenais bien plus de plaisir à être sur chantier à être sur chantier qu’à dessiner. Et du coup après je suis revenu à Nantes, en fait après j’ai répondu à une annonce pour un boulot, où j’avais surtout pas besoin de signer architecte, et donc d’être inscrit à l’ordre, donc après ces trois années qu’on passé ensemble avec mes amis pour travailler dans un cas très particulier, de l’amélioration de l’habitat à la campagne, et sur une prestation complète, et au bout de trois ans je suis revenu à Nantes pour un boulot très spécifique aussi, de l’encadrement de chantier d’insertion, chantier école, et après chantier d’insertion ça s’appelait, c’est une espèce de labelles nationaux pour l’accueil des gens en difficulté pour se remettre au boulot comme on dit, donc la on faisait des chantiers, et moi je conduisais le chantier avec les gens qui étaient là quoi, plutôt des jeunes. J’avais etercuté? parce que j’avais le diplôme et puis j’avais ces deux CAP bah là ils m’ont servi, le CAP par exemple, en vrai, pour postuler à ce boulot, et ce boulot là je l’ai fait pendant trois quartes ans, de chantier école puis chantier d’insertion, ça a changé de statut. Et après bah j’ai vaguement cherché à acheter un bien pour le transformer et puis je me suis rendu compte que c’est compliqué, donc je me suis installé comme artisan, parce que il y’avait une cliente pour laquelle j’avais travaillé qui m’a dit tiens il faudrait faire ça donc c’est ça qui a fait que je suis installé comme artisan avec plein de méfiance parce que je me disais est ce que ça va marcher est ce que je vais y arriver, donc un premier chantier comme ça, et puis umm j’ai fait ça pendant 31 ans quoi comme artisan. S: d’accord

B: et c’est marrant parce que je me suis pas rendu compte mais le premier chantier que j’ai fait, c’était un petit bout d’extension en ossature bois, qui n’était pas très développé à l’époque, mais l’avantage c’est que c’était assez compliqué d’accès, et l’avantage c’est que en ossature bois, j’avais vaguement un bouquin que j’avais trouvé, j’avais lu comme fallait faire, et j’avais fait ce bout d’extension en bois, c’était vraiment compliqué parce que il fallait échafauder chez le voisin par dessus une toiture en plastique, une toiture sur laquelle on peut rien poser, et donc pour échafauder la dessus j’avais mis entre les deux murs au dessus de la toiture en plastique j’avais mis des étés que j’avais serré très très fort entre les murs et sur lesquels j’ai mis un plateau sur lequel monter haha ! (petite sourire fière). S: d’accord M: Ah oui B: en priant que ça tienne (Tout le monde rigole) B: mais en serrant très fort l’été en fait on peut mettre de la charge après dessus, les étés étaient horizontaux coincés contre le mur, et puis je suis monté dessus quoi, S: Ah oui c’est.. B: ça marche (tout le monde rigole) M: ça c’était approuvé 89


B: Haha !

B: il y’a un décorateur là

M: et là quand vous êtes installé comme artisan vous êtes installé seul?

S: d’accord

B: oui, bah oui j’étais seul pendant un petit moment, et puis comment ça? umm alors c’était un ami d’ami, oui c’est un ami d’ami qui cherchait un stage puis un apprentissage, pour un petit gars, un petit marocain du lycée technique Michelet là, donc il est d’abord venu en stage, mais il avait 14 ans heih et puis après, je lui ai fait un contrat de deux ans pour l’apprentissage, et puis du coup avec un apprenti j’avais pas mal de boulot, un maçon, j’ai trouvé un maçon que je connaissais par ailleurs, qui est venu travailler avec moi comme salarié, et puis après j’ai embauché un autre, et après j’ai meme pris des fois des gens en intérim avec des magasins. Les magasins sont hyper stressant parce que c’est dans des délais très court, et dans les magasins j’ai fait par exemple une pharmacie, la pharmacie qui a tout de (Z??), c’est à dire que la pharmacie elle fermait pendant 4 semaines je crois, elle a installé des algecos un peu renforcé dans un jardin à coté, mais le délai était de 4 semaines, et moi j’avais la maçonnerie mais les grosses ouvertures, les gros frangements, et puis il doit y avoir le placo et le carrelage, et il y ‘avait un intérimaire carreleur que je prenais souvent , le placo j’ai pris un intérimaire, j’ai pris le carrelage, c’était un vendéen qui faisait le carrelage, mais j’avais maçonnerie et placo, mais des gros frangements hein, il fallait trois semaines que ça soit absolument fini. Donc fissure j’ai pris un plaquiste en intérim parce que c’est assez pratique un intérim pour des délais sérieux comme ça, là sur cette chantier on devait être 5 pour travailler. S: avec un architecte par exemple? 90

B: Oui parce qu’on n’a pas touché à la façade, ouais, avec des décorateurs j’ai fait plusieurs chantiers, des pharmacies, un peu de logement, et du coup ça m’a arrivé d’avoir trois chantiers en route avec des salariés sur trois chantiers différents, et moi j’ai passé un temps dingue pour passer d’un chantier à un autre. M: Ah ouais ! S: C’est clair ! M: C’est compliqué hein B: les feuilles de paie tout le bazar là, oh c’est l’horreur ! (tout le monde rigole) B: mais ça alors avec, donc j’ai du travailler le béton bah oui mais j’ai eu vite du monde hein, je me suis installé en (?) ah oui et en janvier, je me souviens il y’avait un gars qui est venu me voire ça s’appelait SIVP à l’époque là c’était des contrats pareil de retour à l’emploi donc il travaillait je ne sais pas moi vingt heures, donc effectivement en janvier j’ai eu quelqu’un, je l’ai eu travailler deux ans d’une façon très réduite là, et après il y avait le petit marocain, et après j’ai travaillé 5 ans avec du monde là, et après quand le petit marocain est arrivé à la fin de contrat de son apprentissage il y en avait un autre qui voulait arrêter bon bah hop c’est deux de moins, et puis admettant pendant 5ans j’avais eu pas mal de monde là et puis après je


me suis retrouvé tout seul et puis après ça a marche j’étais beaucoup plus tranquille, parce que les contrats de salariés de main d’œuvre c’est quand même compliqué à gérer. M: Ouais ! S: Aha B: j’étais beaucoup plus tranquille, et puis après j’ai ralenti les chantiers, j’ai arrêté de me trouver courir après trois chantiers en même temps, et c’était vachement plus agréable quoi, et puis c’est plus créatif finalement, hé. M: Bah oui vous n’aviez pas les charges derrière. B: Ouais, mais c’est à dire que je n’arrivais pas à faire les devis des chantiers qui était assez gros quoi parce que j’avais du monde, et quand c’était moi qui travailler tout seul c’était plus facile pour moi pour chiffrer d’estimer le temps que je peux passer sur un chantier, ouais c’était plus créatif ouais. S: et du coup je me demande s’il y avait des changements sur votre statut en tant que entreprise individuelle ou.. B: j’étais toujours resté en entreprise individuelle en nom propre comme on dit, c’est à dire que c’est à mon nom et j’avais des salarié de deux mois, et je me souviens que je faisais la comptabilité en plus dans un grand cahier plus les additions à chaque fois il y’a un truc qui déconne faut tout vérifier la colonne, c’est l’horreur hein ! M: ouais c’est beaucoup de contrats c’est sur. B: ouais, et les feuilles de paie à la main.

M: Et c’est comment le rapport à l’architecte ou l’architecte d’intérieur quand on est soit même architecte? B: Errr non mais ce que j’aime bien c’est de faire comme ci comme ça, non j’aimais bien. Haha une fois je faisais un chantier pour 100 logements pour un architecte, de rénovation, et puis l’électricien a dit oh ça serait bien si vous pouviez (je faisais du placo là) faire des cloisons de doublage pour passer l’électricité, ça serait quand même plus facile que de faire des saignés pour passer toutes les gaines, et puis moi je me suis dit oui ça serait quand même plus simple qu’il ya un doublage, alors l’architecte il veut rien savoir, donc l’électricien s’emmerde à faire l’électricité, et puis deux jours après l’architecte il dit, alors je crois que c’était pour un histoire d’isolation acoustique par rapport au voisin, donc l’architecte dit bon aller hop on va un cloison de doublage haha (tout le monde rigole) B: Alors il me dit ça un matin, et du coup haha j’étais tellement dégouté l’après midi je ne suis pas allé travailler il m’appelle le soir pour me dire si ça s’avait bien avancé, oh j’ai dit je ne suis pas allé au chantier haha ! (tout le monde rigole) B: Mais non sinon, non j’aimais bien, le décorateur j’ai fait pas mal de chantier avec lui, lui il savait bien que je suis architecte, mais pour lui j’étais le maçon plaquiste, dans les magasins il y’a beaucoup de placo parce que à chaque fois fin il y’a beaucoup de démolition, tout enlever, et puis on fait de placo pour cacher tout et passer tout derrière la cloison quoi. 91


S: justement peut être sur cette question que vous avez déjà fait une formation d’architecture, quel support vous utilisez sur chantier avec les intervenants sur site, est ce que vous utilisez du dessin, est ce que c’est plutôt des.. B: ouais, souvent sur chantier tu sais on fais un dessin avec le crayon de chantier et après hop un petit schéma, je me demande si je n’avais pas fait un chantier après où j’avais signé un permis de construire pour une fin dessiner un permis de construire parce que on ouvrait une grande baie, je crois que j’ai dessiné le permis, et c’est le client qui l’avait déposé, parce que ce client savait que je suis architecte, et il m’a dit vous ne vous voyez pas dessiner le... S: d’accord M: et est ce que justement ça vous a ramené des clients à certaines moments? Est ce que ça a été décisif pour certaines personnes de se dire que vous êtes aussi architectes donc ça va être.. B: Non je ne crois pas non non. M: Ok. B: Ce client était à Pornic, c’est une résidence secondaire, c’était par de la famille à ce Monsieur qui me connaissait bien. Et du coup par ce client à Pornic, j’en ai eu pas mal d’autres et après pour la résidence secondaire c’est vachement bien parce que les gens ne sont pas là, on y va quand on veut. Alors à Pornic j’adorais y aller en hiver, et puis j’en profitais à chaque fois pour faire un petit tour. (Tout le monde rigole) 92

B: Alors est ce que j’ai dessiné d’autres trucs? J’ai eu des fois des gens qui me demandent un avis. Donc je me souviens dans cette maison à Pornic, il y avait une histoire de gagner un peu de place dans des chambres qui étaient au premier étage. Donc des fois ça m’était arrivé de dessiner un peu des aménagements pour aménager le comble. S: D’accord. Parce que justement puisque c’était une famille d’architecte, et ça vous a aidé de communiquer à travers juste des plans? B: Oui, j’ai dessiné un peu. C’est Rotring qui fait ça, des planches on accroche le calque dedans et puis sur la planche il y’a ce système de raille et de règle coulissante. (Le téléphone sonne) B: Je réponds au téléphone M: oui bien sur. B: Ouais ça m’étais arrivé quelques fois, effectivement dans ces résidences secondaires pour dessiner deux trois trucs. S: C’est intéressant que vous avez des interventions loins de votre domicile, en fait il y’a à Pornic, vous avez parlé de votre début de carrière à la campagne et.. B: Oui, la campagne parce que avec les amis on avait déjà travaillé dans cette région là. Donc on connaissait les gens un petit peu. On travaillait pas mal à l’époque chez des familles qui étaient un peu dans la précarité. Donc on était en relation avec des associations sociales qui connaissaient le système


de financement pour ces familles. Et donc c’est pour ça qu’on s’est installé dans cette région, à l’Ille-et-Vilaine. M: Oui je me demandais justement qu’est ce que vous mettiez derrière l’amélioration de l’habitat ? B: Bah c’était des gens à la campagne, des maisons où il peut y avoir une salle commune en terre battue, pas de sanitaire, pas de WC, pas de chambre pour les enfants. Donc on a fait beaucoup d’installation d’assainissement. Et puis c’est compliqué l’assainissement, lourd forcément. On a fait beaucoup d’assainissement, création de WC, salle de bain, et puis des fois une chambre ou deux. Mais surtout améliorer le confort par des sanitaires. S: Et c’était votre premier chantier, et c’était la raison pour laquelle vous êtes partis sur l’artisanat et le travail pratique sur chantier. M: Vous disiez que c’était compliqué d’avoir la double étiquette, qu’est ce qui était compliqué la dedans? B: Bah parce que je dessinais un truc, et puis en le faisant je me dis: «Tiens, peut être on va faire comme ci comme ça» et du coup ça change par rapport à ce que j’ai dessiné. Haha parce que si quelqu’un d’autre décide tu es obligé de respecter. M: D’accord ok. Et cet engagement plutôt social vis à vis des personnes en précarité tout ça, c’est quelque chose que vous avez gardé ensuite? B: Non, après plutôt les résidences secondaires à Pornic, les magasins, beaucoup de magasins, et puis des clients qui ont plutôt de l’argent à Nantes.

M: Comment vous avez eu vos clients au départ? B: Les magasins un décorateur avec qui j’ai fait 10 chantiers. Des chantiers assez importants, je me souviens d’une pharmacie dans un centre commercial à Rosé. Là il y avait le carrelage à faire. Un carrelage dans une pharmacie qui fait 50m2. M: C’est celle d’Atout Sud? B: Je crois bien que depuis il a été démoli ce machin là. M: Ah d’accord. (Tout le monde rigole) B: Alors dans le genre où des interventions que j’ai fait dans des endroits qui étaient démolis, j’en ai fait pas mal avec Nantes Aménagement. M: D’accord. B: Ehm qui s’appelle maintenant je crois, Nantes Métropole Aménagement. M: Oui. B: Et je suis beaucoup intervenu dans le quartier du Champ de Mars. En face du Palais de Congrès. Donc ce quartier s’appelle le quartier de champ de Mars, c’est à dire très précisément entre la chaussée de la Madeleine et la rue Fouré. J’ai fait plein d’intervention là pour Nantes Aménagement, parce que Nantes Aménagement, dans ce bâtiment là qui était destiné à 93


être démoli, avaient des beaux précaires avec des locataires. Et il y’avait tout le temps des petites merdouilles à faire, et il m’a appelé. Et les petites merdouilles sont souvent à faire de jour au lendemain. Et j’étais capable à répondre à des trucs comme ça. Par exemple, pas du jour au lendemain, du matin à l’après-midi, un Vendredi. Lu était encore une friche industrielle, et il me semble c’était des allumés, Jean Blaise. Il y’avait un événement culturel à coté de LU, mais il y’avait des gens qui sont rentrés dans le LU. Et à l’époque dans le LU il y’avait plein de trémies et pleins d’endroits qui étaient dangereux. Et quand il y avait des gens qui se baladaient là dedans la nuit, la première nuit du Jeudi au Vendredi, le Vendredi matin il me téléphone et il me dit: «il faut absolument y aller cette après-midi, il faut mettre des protections dedans, parce que c’est dangereux que des gens se promènent là dedans». C’était en rentrant de mon chantier du matin, je n’étais pas retourné, j’avais pris des trucs que j’avais ici, et puis j’étais allé à LU mettre autant que je pouvais des bouts de planches partout. Mais j’avais laissé tomber mon chantier du matin pour aller faire ça là haha. S: C’est intéressant parce que ça doit vous poser des problèmes sur l’organisation de votre part. B: Oui, et c’est assez rigolo parce qu’ils m’ont demandé plein de petits bricoles comme ça. Ils m’ont demandé, la trésorerie, là où il y’a le magasin Go Sport.. S: Oui, devant la tour Bretagne? B: Oui place de Bretagne. Alors je crois qu’il était démoli ce bâtiment là. Il y’avait la trésorerie, donc des gros bâtiments de bureaux, des bâtiments des années 60s. Et il fallait faire un sondage dans le plafond pour voir comment c’était fait la 94

structure. Alors j’y étais allé un matin, et après j’ai envoyé la facture. Et après sur la facture j’ai un peu haha. Parce que j’ai jamais fait de devis pour ça, parce que c’était facturé au temps que j’ai passé quoi. Et sur ce chantier là j’ai un peu salé quoi Heh (petit sourire malin) Il m’a téléphone peu être il y’a une petite erreur là. Alors j’ai justifié ça en disant que c’était mon service comptable qui s’était trompé. (Tout le monde rigole) B: Mais on s’entendait bien quoi. (On rigole longuement) B: Mais alors si il devait savoir que je suis architecte. Ouais peut être c’est à cause de ça qu’ils me demandaient. Parce qu’il me demandaient un tas de trucs.. Ils me demandaient de faire souvent des diagnostiques, ou d’aller faire des sondages pour voir comment c’était fait une structure. Et donc là ils savaient par exemple qu’ils pouvait me demander de regarder pour que je mette à jour ce qui était effectivement la structure. Là comme architecte, et en plus comme praticien (ouais je ne sais pas trop la différence), je pouvais savoir où il fallait chercher pour voir la structure. S: Peut être vos relations avec l’école d’architecture et les gens vous avez pu rencontré pendant vos études, peut être ça pouvait vous servir dans votre carrière ou dans votre projet? (petit moment de réflexion) S: autre que moi mais.. (puisque j’ai fait mon stage de première année avec lui)


(On rigole) B: Mais j’ai eu au moins six ou 10 étudiants et étudiantes qui sont venus en stage avec moi, le fameux stage de la fin d’année. S: Vos amis peut-être à l’école d’architecture.. B: Non j’ai jamais repris contact avec des gens avec qui j’étais à l’école pour... Par contre une fois, avec Nantes aménagement, je faisais un truc, au Chaussée la Madeleine. Vous voyez? M: Ouais. B: A l’époque, chaussée de la Madeleine c’était crado. Il y’avait un petit restaurant ouvrier, bat restaurant, un matin à 10h un mec il demande un Pastis, il avale le Pastis et il passe en route. Et en fait il faisait tous les bistros comme ça en buvant du Pastis. Et dans ce restaurant, la femme (et il y avait plein de monde, et il y’avait vraiment le bordel) amenait les assiettes vides en les prenant sous son ras comme ça. Deux assiettes calées comme ça, «Allez servez-vous les gars!». Haha Pour eux c’est un service qu’on trouve dans les restaurants de chic. M: Haha ! B: Et il y’avait plein de passage entre la rue des Olivettes et la chaussé de la Madeleine, plein de passage que je n’ai découvert que ce moment là, mais qui étaient très bien mis en valeur. A l’époque c’est un endroit où personne ne voulait passer parce que on savait jamais si il y’avait personne qui va sortir de deux cotés quoi. (On rigole)

B: Et donc une fois chaussée de la madeleine, ils m’ont demandé, Nantes Aménagement, d’aller démonter une vitrine d’un magasin parce qu’il va y avoir des travaux. Et je commence à défaire le truc là, et puis j’aperçois qu’il y avait des pierres un peu limite. Donc je préviens Nantes aménagement, avec lequel ils travaillaient souvent. Un gars qui est tailleur de pierre qui était expert auprès pleins d’architectes, et qui pouvait venir donner une expertise sur cette voûte en pierre qui menaçait. C’est la seule fois où un architecte est venu de l’extérieur. Et en fait ce gars là, il m’a montré des plans de la chaussée de la Madeleine, dessiné au début 20ème, où tout était dessiné avec une alternance des voûtes cintrés, des voûtes en platebande. Mais l’ensemble de la chaussée de la Madeleine était dessiné. M: D’accord. B: Et ça commence à être mis en valeur, parce que j’ai l’impression que les vitrines des magasins maintenant quand elles sont refaites, elles sont refaites en reprenant l’ancienne dessin. Il y’a Urban cycle.. M: Ah oui ! B: qui a une belle façade en pierre, qui a était bien mise en valeur. Il y’a quelques uns qui restent en plaquage. Mais ça reste un ensemble qui est très bien dessiné. M: Ah oui, c’est intéressant. B: Et à la rue des olivettes, à cette époque là, il y’avait plein de fabricants et marchants de peinture. 5 ou 6 rue des olivettes. 95


S: J’ai l’impression que vous avez beaucoup de relation avec les gens qui travaillent la tapisserie, la plomberie et les électriciens, parce que ce sont des intervenants que vous rencontrez sur des chantiers, justement la question c’est comment est ce que vous vous mettiez dans un chantier où il y’a un réseau assez variés des intervenants?

B: ouais ouais

B: Alors effectivement au début, j’ai fait des chantiers tout corps d’état, et j’ai sous-traité à un plombier-électricien. Oui comment j’ai chiffré tout, c’est colossal comme boulot. C’était un de mes premiers chantiers, mais c’était colossal. Le gars savait bien que je suis architecte parce que je suis un ami d’ami, il savait que j’étais architecte. Il m’a demandé de dessiner. J’ai dessiné et j’ai fait tous les corps d’état. Et après j’avais sous traité, c’est à dire j’avais un plombier-électricien, heureusement il faisait les deux. Et puis j’avais sous-traité la plomberie, l’électricité, et puis c’est tout. Et après je faisais plus des sous-traitances comme ça, et je disais:» si vous voulez un électricien, je vous conseille un tel, et puis vous arrangez avec lui..».

S: Donc là j’imagine que le fait que vous êtes inscrit à l’ordre des architectes vous a servi?

S: Ehm. C’était quoi comme chantier? C’est un grand chantier? B: 250 milles francs là? S: Oui haha B: Il y’avait une maison, et je crois qu’on a fait une extension, et après entre la maison et l’extension il fallut faire les frangements. Donc l’extension, ça faisait de la maçonnerie, plancher en bois, et puis après la charpente et la couverture. S: D’accord, tout ça.. 96

S: D’accord, et les plans vous les avez fait? B: J’ai fait les plans ouais. Mais je crois c’est le client qui a du les déposer.

B: Non c’était juste parce qu’ils savaient que j’avais cette compétence là. Parce que c’était un ami d’ami, donc il savait que j’avais cette compétence là. Et il m’a demandé de le faire. Et j’avais justement à l’époque des responsabilités, je payais les assurances, en maçonnerie, en couverture, en cloison, en carrelage, et puis après quand je me suis retrouvé tout seul j’ai fait souvent des aménagements de grenier, ou je faisais un peu d’électricité, donc j’avais aussi une assurance en Electricité. Et puis, les dix dernières années, comme je réduisais mes champs d’intervention, je réduisais les prix d’assurance, fin les contrats d’assurance. Ce premier chantier de 50 000 francs, je me souviens bien, (je suis installé en 1987) ça doit etre en 89, et ce monsieur il travaillait à Sercel qui était une boite d’électronique, et il faisait des essaies sur le GPS, et à l’époque le GPS s’était comme ça (en montrant la taille avec les mains) haha dans le coffre de la bagnole et ça marchait à 100 mètres près haha (on rigole) M: Oui, ça a évolué très très vite. B: Ouais.


S: Umm peut-être aussi en rapport avec le métier que vous avez abordé d’un point de vue différent puisque vous avez eu une formation assez poussée, est-ce que vous avez essayé sur des chantiers d’utiliser des nouvelles techniques, ou essayer, mettre en place, expérimenté...? B: Alors il y’avait juste ce premier chantier dont je parlais tout à l’heure avec cette petite extension en bois, où j’avais vraiment inventé. Ou j’avais dessiné aussi pour voir comment fabriquer. (Petit moment de réflexion) Non j’ai rarement fait des expérimentations avec des techniques, ou avec des matériaux. Parce que dans les dix dernières années, il y’avait des gens qui me demandaient, en dehors du boulot, si je faisais des trucs en paille ou en terre. Moi j’y connaissais rien du tout là dedans. J’ai fait quelques fois deux chantiers en terre et en paille, mais d’une façon bénévole pour des amis, et puis d’une façon très ponctuel. J’ai jamais mis en oeuvre des techniques. En fait en maçonnerie j’ai souvent fait des petits bouts d’extension, et souvent pour l’extensions je faisais que la maçonnerie, fin que la base, un bout de fondation une dalle, et après c’est monté en bois. Parce que c’est dans des endroits plus faciles d’accès, et après c’est plus facile de mettre en oeuvre dans des endroits compliqué de l’ossature bois que de la maçonnerie. Et puis à chaque fois que je faisais un bout d’extension, forcement il y’a un bout de frangement à faire dans la maçonnerie. Et des frangements dans le quartier j’en ai fait vachement. Parce que le quartier dans les 30 dernières années il s’est profondément transformé avec des jeunes qui achetaient des maisons et qui cassaient les cloisons et puis qui ouvraient les murs pour avoir de la lumière. S: Il y’avait une carrière aussi à coté, et il y’avait des constructions qui sont faits sur le site de ce carrière.

B: Oui je te l’ai dit ça non? Oui, quand on sort de l’impasse, on arrive sur un mur. Et il y’a quelques maisons, dont la maisons en face, qui étaient construite sur le site d’une carrière. Et entre autre la maison en façon, ils avaient fondé à 7 ou 8 mètres sous le sol, pour trouver l’ancien caillou, parce que tout était remblayé. M: Est ce que il y’a un chantier rétrospectivement où vous vous dites ça c’est vraiment ce que j’ai envie de faire? Un chantier qui vous reste marquant? B: Bah celui à 250 000 francs, le premier là, finalement c’était pas mal ouais. Le client est toujours dedans, je m’arrête souvent pour le saluer, il travaille plus à la Sarcel.. Haha (On rigole) B: Il doit avoir une (?) de GPS haha ! Non, on s’en était bien sorti. Et dans l’époque, j’avais Mohamed comme apprenti, avec deux gosses ça c’est sur, et i y’avait un autre en intérim. On était 5 sur ce chantier là. S: Je me dis qu’il y’a peut être une vie sociale sur le chantier? B: Ah oui! Ah bah ça.. (On rigole) B: C’est toi qui a eu «La Vie Solide» (le livre écrit par sont fils, Arthur Lochmann)? M: Oui, je suis en train de le lire. B: Parce qu’il en parle aussi, en charpente c’est indispensable. Mais alors, nous sur un chantier en maçonnerie il y’a moins 97


la solidarité absolument nécessaire pour montrer de la charpente. Mais c’est vrai, sur un chantier c’est sympa, pour les autres entreprises. S: Mais même, comme vous avez dit toute à l’heure, avec les clients quand ils sont faciles de contact?

B: Dans le Bugey, dans l’Ain. M: Ah ok

(On rigole)

(Le téléphone sonne)

M: Est ce que du coup il y a une doctrine familiale de l’épanouissement de l’artisanat?

B: J’ai un appel, j’arrive. B: Oui donc pour revenir au chantier avec Arthur, ce sont des amis à lui, lui il est Allemand, elle est française. Elle a une petite grange dans le Bugey, c’est un massif montagneux. C’est un massif calcaire. Ce couple, pendant une semaine d’été, loue un gite à coté et puis ils invitent des amis et puis on fait des travaux sur la grange. Moi je suis allé quatre étés comme ça, et là en fait les deux derniers étés on a travaillé ensemble, lui et moi. Et puis on doit y aller cet été. Et dans le bouquin il en parle, il fait très chaud sur ce chantier là, puisque c’est sur un épaulement qui est plein sud. On y était généralement en Août, et toute la journée il y’a du soleil mais il fait vraiment très chaud. A 11H du matin on peut plus toucher l’échafaudage parce qu’on se brûle sur la ferraille. Et je sais qu’il n’aime pas trop la chaleur Arthur. Mais dans le bouquin, il parle des gens excédé par la chaleur. Et puis avant il m’a envoyé promener une fois haha et du coup j’ai compris que c’était la chaleur qui l’énervait. Haha !

B: haha Doctrine peut-être pas. (On rigole) B: Ehm M: Parce qu’il ya peut une similarité entre vos parcours.. B: Oui, mais bon lui [Arthur] il a repris ses études de droit maintenant. M: Ah bon d’accord. B: Alors on doit faire un chantier ensemble cet été, moi ça sera ma cinquième fois que j’y vais, et lui ça sera la troisième, pour des amis à lui un couple franco-allemande qui habite à Berlin jusqu’à présent, et qui ont, c’est dans le chapitre je crois du bouquin M: La petite.. B: Une grange 98

M: Dans la Maine-et-loire.

(On rigole) B: Alors pour revenir à cette similarité, il venait des fois travailler sur des chantiers avec moi, mais il dit qu’il n’aime pas le mortier parce qu’il faut laver les outils. Oui, il trouve ça salle le mortier. Mais je crois qu’il aime bien venir avec moi


des fois l’été. Mais donc effectivement il a choisi la charpente, parce que il s’est rendu compte qu’il a besoin d’avoir une activité pratique. Err C’est très satisfaisant de monter une charpente, de pouvoir couper une charpente. Bon il faisait de la traduction, on se rend compte de ce qu’on fait aussi. Mais c’est plus long, et puis c’est tout seul, et puis c’est devant un ordinateur. M: Moi je me retrouve beaucoup dans son livre, ça m’apporte beaucoup de réponse, parce que mon papa est mécanicien, ma maman est bibliothécaire. Et j’ai toujours eu les deux choses, le manuel et le théorique, et j’aime beaucoup la manière dont il raconte le dialogue entre les deux. Ça m’a beaucoup apporté. Du coup je me dis si cette discussion vous l’aviez aussi de votre coté? B: Non C’est lui qui (?). Alors si depuis qu’il travaillait sur ce bouquin on a parlé de ça, de ce gout pour cette double activité, du plaisir que j’en tire, d’avoir cette activité manuelle, tout en une formation plutôt intellectuelle. Mais bon j’aime bien travailler avec lui, et puis avec Léo, notre autre fils, j’aime bien quand ils viennent sur le chantier. Et l’autre fils, ils ont acheté une maison à Bagnolet ils ont fait des travaux dedans. Alors lui c’est incroyable, parce que quand il travaille j’ai l’impression que je me vois travailler. héhé Parce que lui chez eux il a fait tous les corps de métiers; plomberie, électricité, comme je disais au début. Quand je le vois travailler j’ai l’impression de me voir moi quand j’ai commencé. M: Sous quelle...? B: Et bah d’être tout le temps à fond, de courir dans tous les sens, des fois de manquer un peu de méthode. Haha !

S: haha ! M: Et est ce que de votre point de vue de votre mode de vue, est ce que l’artisanat vous a satisfait par rapport à l’architecture? Fin je veux dire peut être le fait d’être plus en mouvement? Fin je ne sais ce que ça représente comme volume horaire mais, je pense dans les deux cas.. B: Quand j’avais les deux gars c’était dingue, parce que j’avais la journée, il y’avait les enfants qui étaient petits, le soir je faisais de la comptabilité, avec des factures, des devis. Et puis après quand j’ai plus personnes, c’est pendant 15-20 ans, je travaillais 30-35 heures parce que je vendais mieux mes chantiers, donc j’avais largement le temps de faire autre chose. Largement. Alors je connais des gens avec qui j’étais à l’école d’archi qui, forcément j’en connais quoi, et il y’en a beaucoup qui ont galéré et ceux qui ont du boulot ils en ont énormément. Et puis ils travaillent encore beaucoup. Il se trouve que le palais Dobrée, le musée Dobrée, il y’a une exposition de photos, il y’a une installation jusqu’à ce weekend, avant qu’il soit fait des travaux importants de rénovation complète de ce qui s’appelle le Palais Dobrée. Le bâtiment du 19ème qu’on sépare du vielle duc. Dans un jardin qui est assez beau. On est allée voir ça en Février, et puis je vois la vidéo qui présente le futur projet, et le mec qui en parlait c’est un gars avec qui j’étais à l’école d’archi, avec qui on a vécu pendant un moment ensemble en colocation. Du coup j’ai téléphone à l’agence, et puis Lundi suivant il m’a rappelé. Lui par exemple il doit avoir mon âge, mais il continue à travailler il ne sait pas encore il va s’arrêter, il y’a des jeunes qui sont par là, mais il continue quoi. Et puis il est tout le temps débordé. Alors j’imagine bien qu’il gagne bien sa vie mais il bosse tout le temps. Et moi je crois que je peux dire, quand on dit dans une magazine féminin, je crois que j’ai bien réussi, il me semble, à réconcilier la vie personnelle, et puis ma carrière. Et je pense que j’ai eu au 99


moins pendant les vingts dernières années une qualité de vie largement supérieure à celle que j’ai pu avoir si j’étais comme les gens que je fréquente à l’école. S: Ca ramène peut à une question, comment vous définiriez votre pratique du métier d’architecte?

B: d’architecte? S: Oui, fin votre pratique que vous avez pu faire en étant artisan? B: Bah ce que je t’ai dit là. Uhm la satisfaction du boulot réalisé, sur lequel je maîtrisais à peu prêt tout. Parce qu’on est architecte il faut après dessiner, après il faut le faire faire par les autres. Et sur les réunions du chantier les architectes gueulent parce que l’électricien n’est pas là, parce que le peintre est un retard, non seulement il faut travailler beaucoup mais il faut faire travailler les autres. Et ça de la même façon que c’était compliqué pour moment d’avoir des salarié, de la même façon faire travailler des gens sur des chantiers j’arrive mal. Si j’ai fait une fois un chantier qui m’a demandé maîtrise d’œuvre qui bout? De rénovation dans un appartement, c’est des amis. La dame m’a dit:» tu peux faire travailler le chantier?». Et j’ai trouvé ça chiant quoi. M: Haha ! B: Au tout début c’est pareil, deux fois ça m’a été demandé ça. Et oui j’ai trouvé ça pénible comme tout. Le fait de bassiner les gens pour qu’ils viennent travailler..voila. Et donc j’ai beaucoup apprécié comme artisan, quand on fait une tache on donne un délai, et après ayant connaissance de ça et après ayant donné 100

un prix pour cette prestation vous le ferez et après voila quoi. S: Peut être une liberté aussi que vous avez pour finir la tache quand vous voyez.. B: Ouais, alors des fois comme le coup de la pharmacie que je parlé tout à l’heure. Donc après c’est à moi de m’arranger pour que ça soit fait. Mais je savais les contraintes quoi. Et après il y’a que moi pour intervenir dessus. Fin j’ai pas comme l’architecte la nécessité d’aller chercher les gens pour venir et pour qu’ils soient là quand j’ai envie. S: C’est un travail de gestion.. M: Oui il y’a une indépendance qui rassure aussi des fois je pense.. B: Ah oui. M: Et qu’est ce qui vous a amené vers justement la maçonnerie plutôt que la charpente ou autre corps de métier? B: Umm quand j’étais à l’école j’ai fait pour un ami pas mal de vacances à faire de la maçonnerie. J’ai pris gout. Et le deuxième stage à l’école d’archi je l’ai fait chez un charpentier, et j’ai bien aimé chez ce gars là. Mais c’est fou, la maçonnerie c’est technique mais c’est [la charpente] beaucoup plus technique il faut plus de matériel. La maçonnerie on peut facilement avec pas grand chose de faire quelque chose, avec un peu de ciment on peut faire quelque chose. La charpente il faut tout (?). Mais j’ai bien aimé à l’école d’archi ce stage de charpente. Et alors après, donc quand j’étais à l’école d’archi, ce que je disais tout à l’heure là, beaucoup de maçonnerie. Avec beaucoup de maçons tunisiens au départ. Le client


s’appelle Henry. Et Henry avec son frère qui était architecte, ils ont fait une extension. Là le charpentier est venu. Et pour la partie rénovation, la première partie, j’avais peu de temps au paravent fait de stage de charpente chez un charpentier, le stage de l’école là, et Henry et son beau frère ils ont dit:» oh bah on va là monter la charpente!». Le charpentier avait livré tout un charpente marqué, heih par ce qu’il y’a des marques sur un charpente. Et donc nous, Henry, l’architecte qui a donné un coup de main et moi, on a monté la charpente. On l’a fait ouais. Il en parle Arthur des marques de la charpente. C’est à dire qu’on repère les pièces, chaque pièce d’une ferme est repéré par une signe conventionnel, qui veut dire droit gauche, en haut en bas. Et donc avec les signes de la charpente, on remonte la ferme. On la reconstitue. Et après on la lève. M: Ouais ! B: Car après on met les pinces aussi, mais pour la ferme il faut respecter les marques. M: Et en réalisant que pour mes notes que j’ai pris pendant l’entretien que j’ai fait avec l’ébéniste, elle nous disait qu’il y’a un peu des principes dans le métier, comme les gens n’utilisent pas les matériaux comme la résine et le plexi, Est ce que de même vous voyez des choses que vous décidez ne pas faire par principe? B: Je me souviens pour les matériaux modernes, j’en ai appris par des intérimaires. Parfois c’était intéressant ouais. Je prenais des intérimaires pour ça. Est ce qu’il y a des matériaux que..? Non non.

matériaux que j’ai découvert par des intérimaires ou par des collègues. T’en veux? (En proposant de servir de l’eau gazeux) M: Merci c’est gentil. S: Merci. M: Mais est ce qu’il y a des projets que vous avez marqué qui sont un peu vos références? B: Il y’en a un qui n’était pas facile, je me demande si je n’ai pas dessiné ça d’ailleurs, c’était un bout d’extension, toujours pareil hein? Haha. J’ai fait les fondations, l’assainissement, le mur, et un bout de charpente, et au milieu il y’avait une verrière métallique. Et ça je l’avait sous-traité à un serrurier. M: aha B: Qu’est ce que j’ai sous-traité? Le carrelage, il est très bon. Oui, le dessin, c’est pareil j’ai mal dormi un peu avec un chantier comme ça. Parce qu’en plus c’était habité, et il fallait bâcher entre la maison et l’extension, on a fait un frangement. Le mec il s’est fâché contre moi pour je ne sais pas quoi. Et puis deux ans après, il me rappelle pour d’autre travaux. Haha! Et après il a déménagé dans une maison juste en face et il m’avait rappelé pour faire d’autres travaux dans l’autre maison. M: Haha! Comme quoi des fois c’est mal engagé mais..

M: Ca marchera pas? Ca ne tiendra pas?

B: Ouais! Je pense il s’est rendu compte que, faut pas se fâcher pour ça. Haha!

B: Non, je vois pas de..non. Oui j’en ai découvert.. Il y’a des

M: Du coup ici (la maison) qui vous qui avez..? 101


B: C’est Catherine (sa femme) qui avait dessiné, là il y avait ça de garage... (Discussion plus générale sur la construction de la maison avec sa femme Catherine qui, de même, est une designer)

- ça ne vous dérange pas si on enregistre l’entretien? - Non non, enfin je ne suis pas habitué, mais non non ça ne me dérange pas. L’année dernière il y avait quelqu’un de vos collègue aussi ... je crois ... il voulait faire un interview je crois sur le thème de les architectes - artisans. - Et bien cette année nous avons exactement le même thème !

Nous avons pris contact avec Riccardo De Paoli à la fin d’un de ses cours sur la terre crue qu’il a dispensé en tant qu’intervenant dans notre enseignement ... , ainsi nous avons pu échanger nos coordonnées pour fixer un rendez-vous ultérieurement. L’entretien s’est déroulé le mercredi ... au soir dans les salles du niveau 0B de l’ENSA Nantes à la fin de son cours avec des étudiants dans le cadre de l’UE ... . Cet entretien a été programmé suite à un échange de plusieurs mails pour définir un moment de libre dans l’emploi du temps chargé de Riccardo De Paoli.

Informations: Riccardo De Paoli est d’origine italienne, et il est important de spécifier que les fautes de syntaxe présentes dans la retranscription des propos de De Paoli sont d’origine. La retranscription reprends mot pour mot le langage de l’interviewé, ce choix dans le but de transmettre en quelque sorte l’accent de ce dernier.

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- Ah ok ! (rire) - Notre première question serait, pourquoi la terre crue ? - Pourquoi moi j’ai choisi la terre crue ? - Oui - Moi j’étais étudiant en archi comme vous, et jusqu’à la cinquième année, à Turin en Italie! Donc jusqu’à la cinquième année en architecture je n’ai jamais entendu parler de terre comme matériau constructible, et puis c’est pas par le biais de quelqu’un de l’école mais c’est lors d’un voyage entre amis dans les terres de mon coin (rires) pour une foire ... je ne me souviens plus .. une foire de légumes je crois, où j’ai vu dans ce village qu’il y avait plein de bâtiments en terre. Mais je ne savais pas le reconnaître je ne savais pas dire que c’était de la terre ! Mais je voyais que c’était des bâtiments bizzares! Du coup je suis allé demander, prendre des photos et demander ce que c’était, jusqu’à ce qu’un ingénieur me dise que c’était de la terre. Et du coup je me suis renseigné, j’ai plongé là dedans et je me suis passionné du matériau, parce que c’était quelque chose que je n’avais jamais entendu parler dans le


milieu où je devais normalement le savoir et recevoir le savoir! (rires) C’est à l’école d’architecture que je devais savoir qu’il y avait un patrimoine de ce type, je l’ai pas su et du coup par contradiction je me suis passionné, pour comprendre comment c’était possible que ça existait et que ça durait et qu’on pouvait faire aussi du contemporain surtout. Et puis du coup j’ai fais mon diplôme sur le sujet de la terre et j’ai fais une formation post master en France car c’est la seule qui délivre un diplôme reconnu au delà d’européen sur la terre crue. Et puis voilà, et de suite on dira que j’ai compris déjà depuis quelques années que c’était pas vraiment le métier pour moi l’architecture et le fait de toucher la matière ça me rendait heureux (rires) entre guillements! Et du coup je me suis dis que peut être ma voix c’est plutôt dans l’artisanat, j’avais pas de formation d’artisan, ma famille elle ne vient pas d’artisan, mais toucher la matière pour fabriquer des choses ou réaliser des idées d’autres, ou des concepts d’autres, ou ... à moi, ça m’interressait et ça me satisfaisait beaucoup plus que concevoir. Après voilà j’avais, ce que j’avais depuis petit c’était le mot réaliser, réellement réaliser, rendre réel quelque chose, voir l’idée et la rendre, ça j’aimais bien depuis petit et surtout le mot (rires) la signification du mot. Et du coup je pensais que faire de l’architecture c’était bien (rires) ! Et puis j’ai vite compris après avec les années, j’ai vite compris qu’il y a pas que ça dans le métier d’architecte, il y a ça aussi, mais il y a pas que ça! Personellement c’était pas ce que je voulais faire, du coup je voulais terminer mes études pour profiter au maximum des notions et puis je l’ai mis au profit de réalisations artisanales, aujourd’hui je fais des enduis décoratifs avec la terre. C’est un beau métier! J’ai une petite entreprise, je travail en auto-entrepreneur, tout seul en général, puis rarement avec quelqu’un pour des projets plus gros. Et puis j’ai volé une casquette disons formation sensibilisation à l’utilisation de cette matière, notamment à l’école, pas seulement ici et puis dans des formations pour

des associations , pour du privé ... voilà! -Du coup vous dites que vous vous êtes servis de vos cinq années d’architecture pour faire par la suite de l’artisanat mais vous vous êtes servis de quoi exactement dans ces cinq années? - Heuuuuu ... de la ... de structurer ma tête (rires), oui oui c’est très important (rires)! De structurer ma tête surtout car en Italie l’enseignement d’architecture c’est aussi, il y a aussi beaucoup de technicité, c’est à dire qu’on apprend beaucoup de structure, on s’approche de l’ingénieurie, ce n’est pas de l’ingénieurie, mais il y a beaucoup de calculs, beaucoup de sciences, de sciences de l’architecture. Donc pourquoi le bâtiment il tient debout, pourquoi il tombe. - C’est très technique ? - Il y a, il y a ... oui c’est très technique. Et du coup je fais une cabane en terre, puis je me sers de tout ces savoirs en fait que peut être je n’aurai pas eu parce que ... je ne veux pas généraliser mais artisan tout court, on peut s’expérimenter sans le besoin d’une science on fait confiance au savoir passé et à ce que l’on voit, ce que l’on arrive à faire, la répétition des gestes, mais on a pas forcément besoin de savoir pourquoi ça marche! Et c’est cette répétitions de gestes, détaillés, enfin je pense, car je n’ai pas une formation d’artisan, mais du coup j’aime bien ces deux choses liées, j’aime bien ça marche bien ! (rires) Parce que si je dois discuter avec un architecte je peux le faire , pour conseiller comment traiter une surface, quelles techniques utiliser, peut-être l’un plutôt que l’autre c’est des avantages! Les avantages c’est que je n’ai pas la capacité de ... de détail, la précision du détail comme pourrait l’avoir un artisan qui fait ça tout le temps, enfin qui a toujours fait ça, 103


Entretien avec Riccardo de Pauli

mais bon voilà. - Du coup ce fut plutôt un déclic la terre crue, car ça aurait pu être un autre matériau ? - Ca aurait pu être un autre matériau ! Après la terre ... très bien ! (rires) Moi j’ai grandi dans un bâtiment de neuf étages en banlieu de Turin, dans toute mon enfance j’ai vécu que le béton et le ciment je ne suis pas le seul hein mais je n’ai vécu que ça. Je n’ai jamais fais jouer avec la terre dans un jardin, j’ai pas le souvenir de ça ou à la plage avec du sable mais disons principalement ce que je voyais c’était quelque chose de minéral figé et donc voir une matière, avoir l’expérience de toucher une matière vivante, réversible, que l’on peut ... elle sèche puis on peut ajouter de l’eau puis elle devient plastique telle qu’elle était avant ou pas. Et ce n’est pas que moi, tout le monde se sent bien à toucher cette matière, ça fait ressortir quelque chose de ancestral, quelques générations d’avant elle est encore en nous, dans quelque neurones (rires). Mais quand on touche une matière comme ça, on sent que c’est amical! Du coup c’est vrai que le contraste entre ce que j’ai vécu et ce que je vais découvert, ce que j’ai découvert, à l’instanté c’est un déclic. - Est ce que ça veut dire que vous mettez le béton, le métal ou les autres matériaux de côté ou ... ? - Non ! Pas du tout! Je ne les mets pas en opposition, c’est juste que je cherche de donner la possibilité aux autres de connaître ce matériau, comme un autre choix possible! C’est pas forcément un choix opposé à quelque chose qui marche. Béton - ciment ça marche très bien, acier ça marche très bien, les autres matériaux ça marche aussi! La terre c’est un matériau méconnu, anti-économique dans certaines

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conditions, donc je comprends bien pourquoi il a été oublié de temps en temps, dur aussi à travailler et ça demande beaucoup de main-d’oeuvre, je comprends son déclin! Mais elle a tout à fait, elle devrait avoir tout à fait sa place entre les matériaux ... vendus !? (rires) Vendus ou pour fabriquer, du coup voilà disons que mon rôle en ce moment, depuis dix ans c’est ça c’est plutôt de la sensibilisation en faisant! Faire savoir voilà, je veux partager un petit savoir-faire, je sais que ce n’est pas rare mais il y a peu de personnes touchées encore du coup c’est ce que j’ai cherché vraiment, de pouvoir transmettre. - Aux étudiants ... - Aux étudiants oui mais pas seulement aux étudiants! C’est vrai que je touche plus en terme de nombre mais c’est pas, voilà simplement je peux en parler aux familles aussi, aux amis des amis, et dès que j’ai l’occasion je le fais parce que c’est aussi une passion, et quand on a une passion ça ne fatigue pas (rires), ça ne fatigue pas la tête. Ni travailler plus, ni .. enfin c’est pas fatiguant ! C’est idéal, disons.. travailler quand on a la passion. - Vous dites que vous êtes arrivé en France parce que c’est ici que l’on peut avoir le diplôme européen? - Oui ! J’ étais en train de dire que ça tombait bien. Il y a eu le déclic de la Terre et ensuite un enchaînement d’actes dans la vie qui te permettentaussi de nourrir cette passion, et là à ce moment je venais de mes études en Erasmus en Pologne, où j’ai rencontré une fille aussi, française, qui est devenue ma femme et qui faisait ses études à Grenoble! Et c’est là bas qu’il y avait la formation de la terre aussi. C’était bien aussi d’aller chez elle pour faire cette formation et ça a permis après d’être stable en France, c’est aussi la raison pour laquelle j’ai


pu rester deux ans sur place ... et j’ai voulu rester deux ans sur place (rire), pour faire cette expérience et professionnelle et amoureuse, et que ça perdure (rire)!

ce qu’on recherche dans la vie. Moi je cherche de vivre bien aussi avec les personnes qui m’entourent donc j’ai besoin de donner et recevoir.

-Amoureux de la terre ?

- Très bien ! Et selon vous pourquoi aujourd’hui on ne construit pas suffisemment en terre, pourquoi elle n’est plus autant utilisée qu’avant? Pourquoi on ne construit pas plus en terre selon vous ?

-C’est pareil, c’est pareil (rires) ! Mais elle est architecte aussi mais elle est pas aussi passionnée que moi. Elle elle travaille dans le patrimoine. Mais disons que la terre même si ça fait partie du patrimoine ça ne la concerne pas tous les jours mais moi si! (rire) - Et la relation entre vie professionnelle et vie privée, vous pensez que c’est quelque chose de simple et bien géré ? - Euhhhh ... oui c’est pas ... enfin je crois que ... oui oui oui c’est important bien sûr (rire) enfin c’est sûr que c’est important. Enfin nous on s’était dit qu’on ne travaillerai jamais ensembles pour garder ... mais bon après ... chacun fait ce qu’il veut! Mais on aurait pu effectivement travailler ensembles. - L’artisana c’est un métier qui prend du temps ? - Oui ça prend du temps, à partir du moment ou on reste dehors , où l’ont est pas dans le foyer longtemps, oui mais c’est comme tous les métiers je pense. Ca dépend comment toi tu gères ton temps professionnel, effectivement moi je mets une place à la profession et une place à la famille. (rire) Moi je la mets même importante mais je sais pas trop dire un pourcentage, c’est comme ça! Disons qu’il y a un équilibre qui est convenable pour tout le monde c’est ce qu’il faut! Voilà j’ai rien d’autre à ajouter sur ça, c’est une question un peu privé donc (rire) Mais c’est vrai que ça peut compter si on met devant le travail, bah ça dépend du style de vie qu’on a et de

- C’est je pense la question anti-économique! C’est un matériau qu’on trouve, de proximité qu’on peut utiliser sur place donc gratuitement. On pourrait faire nos auto-constructions sans dépenser beaucoup et donc disons qu’il y a des grosses entreprises qui ne peuvent pas trop gagner avec cette matière. Parce que c’est une matière qui, matière première que l’on peut transformer nous-même comme un matériau constructible. Après aujourd’hui on peut aussi faire des matériaux prêts à l’emploi et donc ça se développe petit à petit. Pourquoi ça ne marche pas encore ? Parce que qu’il y a des freins normatifs des très gros freins normatifs qui sont mis en place par de plus en plus de maître d’oeuvre et de maître d’ouvrage, mais il y a toujours un blocage normatif et quand on parle de la terre on dit pas la terre mais on parle des terres au pluriel. Chaque terre est différente des autres et on ne peut pas avoir une terre d’un endroit puis d’un autre puis d’un autre ensembles... ou il faudrait faire des tests à laquelle un terre devrait arriver pour être considérée comme étant matière constructible pour rentrer dans les normes. C’est un peu ce qu’ils ont fait pour utiliser les terres locales dans le bâtiment public. Mais ils ont encore le plus grand frein, c’est le frein normatif qui persiste là aussi prochainement il va y avoir des guides de bonne pratiques pour les techniques constructives en terre. Et ce que c’est drôle, c’est que les techniques ancestrales de pratiques de la terre sont reconnues aujourd’hui comme des innovations 105


dans la construction. Même si ça ne l’est pas du tout! Ce sont des techniques très anciennes qu’on récupère mais que l’on refait juste aujourd’hui, donc on dit que l’on innove mais c’est rien d’innovant c’est juste récupérer des règles anciennes, des règles de lart anciennes! Et peut-être les mettre à jour au niveau sécurité qu’on demande aujourd’hui dans les chantiers et pour les ouvriers. Mais sinon d’autres freins qu’est ce que ça peut être ... très peu de filières qui encore sont formées, filières dans la construction, dans la fabrication... panneaux pré-fabriqués en terre, briques de terre... il y en a très peu! Des matériaux prêt à l’emploi pour faire des enduis en terre, des sacs de terre, il y en a très peu, et très peu d’artisan qui ont le savoir-faire, très peu d’architecte en fin de compte. Du coup quand il y a des envies, il faut trouver aussi localement des gens qui peuvent mettre en oeuvre les idées! Ce sont les trois freins général disons. - Et si vous aviez un projet qui vous a plus marqué que les autres, lequel ce serait ? - Euhhhh ... tchu tchu tchu tchu thchu tchu tchuuuuuu ... bah ce que ça m’a plu beaucoup, finalement ça me plaît beaucoup de travailler avec les artistes (rire) parce que les artistes ils ont leur vision et puis moi je suis un réalisateur mais comme je vous disais avant moi c’est que j’aime bien aussi donnee des avis. Mais pas des avis pour changer l’avis de l’artiste c’est juste comment mettre en oeuvre son concept. Et du coup au jardin des plantes à Nantes, l’artiste c’était un écrivain, Claude Ponti, un écrivain d’histoires pour enfants qui a mis en oeuvre plein de personnages dans le jardin des plantes, le jardin botaniques devant la gare et un d’eux c’était des poires géantes. Des grosses poires, des grosses poires avec des plantes qui devaient pousser dessus. Du coup moi j’ai été appelé pour faire des grosses poires en terre, et du coup 106

savoir comment les réaliser et c’était un chemin très sympa parce que ... ils ont mes ouvriers, l’équipe avec qui je travaillais et c’était les jardiniers. Et du coup eux ils me fournissaient la terre qu’ils récupéraient peut-être ... de là où il le trouvait enfin des fois dehors d’un cimetière parce qu’ils devaient faire la tombe, et voilà ils récupéraient la terre et moi je faisais mes tests avec ce qu’ils me donnait, avec les outils que j’avais dans le bureau. Des grillages et on avait inventé une structure en paille avec un grillage métallique autour avec un système constructif du style «balls» donc avec des boules empilées l’un sur l’autre pour former la poire et puis ces poires elles devaient surtout réssister aux pluies, parce que voilà il y avait pas de toiture c’était à l’extérieur et avec les plantes aussi qui coulaient. Donc c’était un de mes premier projet mais aussi ce qui m’fait flipper le plus parce que j’avais peur que ça fond avec le temps. Du coup j’ai étudié plein de petites poires dans mon garage, plein de petites poires avec des stabilisation et durcisseur différents. Et je les testaient avec ma douche, ma baignoire pour voir comment ça se comportait et j’ai choisi le meilleur mélange et j’ai donné la recette et ça a très bien marché. Sauf pour euhh ... ça m’a fait comprendre ... ça m’a donné beaucoup d’aide aussi pour des projets architecturaux, parce que finalement le seul problème qu’il y a eu c’était l’eau pas qui venait du ciel ni du sol mais l’eau qui venait du jardin, pour arroser. Et il y en avait un qui donnait sur la poire et qui a fait un dégât, et on a cherché d’où venait ce dégât finalement ça venait de là. - Elle était creuse cette poire? - Avec un coeur de paille! Un coeur de paille comprimé dans un grillage à poule avec plein de boules de terre autour en enduis avec une protection, avec plusieures couches pour se protéger de l’extérieur, mais finalement un des patologies


de la terre à l’eau c’est pas forcément la pluie qui délave de façon régulière partout. Donc la courbe d’une poire ça fait dévaler facilement l’eau ça l’a fait couler facilement, mais c’est l’eau ponctuelle qui fait des dégâts! Donc un arrosage c’est beaucoup plus emmerdant (rire) que la pluie qui coule sur la paroie. Et là je l’ai toujours su dans la théorie mais là j’ai eu la confirmation, le dégât réel. Donc c’est vrai que ça m’a aidé pour plein d’autres projets et pour découvrir des recettes que je ne conaissais pas de stabilisation et pour la construction même et pour le partager les tâches dans une équipe c’était pas si évident car j’ai toujours travaillé un peu tout seul. J’aime bien travailler tout seul et voilà, c’est vrai que ce projet là ça m’a bien plu, c’était en 2013 je crois. Les poires faisaient 2m50 de hauteur et un peu plus de, je me souviens plus, 1m de largeur, il y en avait une qui était allongée ... il y en avait trois il y en avait trois... - Et elles sont restées longtemps en exposition dans le parc ? - Elles devaient rester le temps de l’exposition, c’est à dire, 8 mois 9 mois ... - Et elles ont tenu jusqu’à la fin ? - Oui oui sans soucis! (rires) Non mais après ce que c’est bien, c’est qu’ils ont enlevé la terre et ils l’ont remis dans le sol et la paille ils l’ont récupérée pour faire du paillage c’était, il y a pas eu de déchets pour le projets quoi. Du recyclage pour certaines choses ! - Et en terme d’habitat ou de bâtiment, on peut construire en terre dans la ville ? - On peut construire n’importe où ! (rire) On peut récupérer,

utiliser de la terre sur place mais on peut faire aussi transporter de la terre pour bâtir en ville, en effet c’est plus compliqué en ville pour les zones de stockage ou faire des trous pour récupérer de la terre, mais on peut faire venir de la terre pour faire ... tout ! On peut faire des sols en terre, on peut faire des murs porteurs limités en hauteur, on parle d’un matériau qui a une faible résistance mécanique par rapport à d’autres. Disons la terre crue 2 méga pascal maximum, la brique cuite elle peut arriver jusqu’à 20 méga pascal maximum alors que le ciment ça peut arriver à 100 ou 200 méga pascal, ou le béton. Beaucoup on parle d’un matériau qui a une faible résistance à la compression mais suffisante pour faire plusieurs étages, trois, quatre niveaux, et même dans le centre-ville de Lyon il y a un bâtiment de cinq étages qui dure depuis des siècles en terre porteuse. Qui porte étages, toiture ... - C’est une maison à collombage? - Non non ça c’est du pisé, de la terre battue, des murs de cinquant centimètres, damée dans des coffrages. - Et ce sont des bâtiments qui demandent de l’entretien plus particulier que les autres? Faut-il remettre de la terre ou vérifier que cela tient bien ou une fois que c’est posé, c’est posé et le bâtiment peut vivre sa vie normalement ? - Depuis des siècles il n’y a pas eu de contrôle là dessus, après c’est sûr que si il y avait eu des innondations, mais là c’est sur des collines, mais si il y avait eu des innondations il aurait fallu contrôler. La patologie la plus grande pour les constructions en terre c’est l’eau qui arrive du bas avec la remontée capillaire qui peut rendre molle la terre sur la partie basse et donc de faire écrouler la partie solide. Les innondations c’est la partie la plus grave, mais dans ce cas de Lyon, les murs en pisé 107


sont enduis de chaux donc il y a un demi centimètre ou un centimètre de chaux sur un mur de cinquante centimètre de terre pour protéger de la pluie quand la toiture est pas trop avancée, après il faut un beau châpeau. Mais sinon voilà, là c’est le cas de murs porteurs, mais sinon on peut faire des panneaux pré-fabriqués comme les panneaux de placo-plâtre, on peut en faire en placo-terre, ça existe déjà dans le marché! En Allemagne il y a une règlementation, il y a aussi une filière qui l’accompagne et qui vous fournit un matériau terre-fibre. Et donc on trouve de la terre que l’on peut poser partout, sur le sol, sur le mur, vertical, en terre à torchis, terre à pisé, ou sinon des blocs, des briques non cuites ou crues qui n’ont pas subi de cuisson. Et des éléments comme ça on peut les faire de toutes les dimensions, de toutes les formes, il y a pas de limites, il faut juste mettre de la technique sur le moulage, sur le moule, le moule, mais sinon les adobes, les briques de terre crue on peut les faire de n’importe quelles formes et n’importe quel matériau. C’est à dire qu’on peut utiliser de la terre crue sans fibres ou faire des briques allégées, une des techniques qui soit en train d’être étudiée c’est à dire la terre qui à sec donne une densité inférieure à 1200 kg par mètre cube, donc une brique légère on parle pas encore de brique isolante mais qui apporte de l’isolation plus qu’un mur voilà .. - Et ce sont ces notions principalement que vous tentez de transmettre à travers votre atelier à l’ENSA ou c’est autre chose? - Il y a ça, il y a ça, mais ça je tiens aussi de le dire, je le fais aussi aux clients! (rires) Dans le chantier je m’arrête pas parce que vu qu’avec la terre il y a l’entretien aussi à faire, généralement c’est bien aussi d’avoir donné des notions sur qu’est ce que c’est la matière, c’est pas seulement jolie, ou belle, il faut savoir aussi quel matériau c’est pour pouvoir l’entretenir, le 108

rendre durable. C’est simple à utiliser, c’est simple à entretenir et donc ça suffit peu de notions, pas forcément techniques que je pourrai donner ici à l’école d’architecture, mais surtout sur comment traiter une surface, comment réparer un trou ça je peux, je le donne systématiquement, ce sont des notions que je donne systématiquement aux clients. - Les ateliers avec les étudiants à l’école se déroulent comment exactement ? Vous donnez un projet ... - On change souvent! C’est la huitième année que l’on fait ce cours, ça s’agrandi en terme d’heures, mais ça se réduit en terme de temps. Avant c’était trois mois et maintenant c’est qu’un seul mois, du coup on a moins de temps pour se plonger sur le projet et faire quelque chose qui sèche par exemple. Vu qu’il y a des temps longs de séchage on ne peut jamais avoir des éléments sèche. Mais c’est pas grave nous ce que l’on va décider de faire avec les années c’est avant tout de donner des notions techniques en théorie, des intervenants extérieurs, soit des architectes, soit des artisans, soit des formateurs, qui donnent des notions le plus possible, montrent des images... Et puis on met la main à la patte en faisant des systèmes constructifs, donc on fait des techniques dans le patrimoine, on reproduit les quatre, cinq techniques, le pisé, la bauge, le torchi, les adobes, et une fois que l’on a intégré ou maîtrisé cette technique théorique et pratique, et bien là je donne un thème une liste de thème liés aux propriétés de la terre, la régulation igrométrique, isolation phonique ou de inertie thermique, et puis de l’autre côté une liste de propriétés comme lisse, rugueuse, courbe droites. Et les étudiants ils choisissent un thème d’une liste et un thème de l’autre et ils s’inspirent de ces thèmes en utilisant les techniques qu’ils ont vu avant, ils produisent un objet petit dans un espace limité. Ils peuvent faire un détail architectural, un concept, ou une


oeuvre d’art, ils sont libres de faire ce qu’ils veulent mais ils doivent démontrer aux autres le thème étudié. C’est à dire par exemple, il y a quelque années il y a quelqu’un qui a voulu étudier l’isolation phonique dans la terre donc il a fait plusieurs mégaphones en terre avec différents mélanges, mélanges de terre, un peu fibrée, beaucoup fibrée, minérale..., et il regardait comment le son il passait d’un côté à lautre à travers ... c’était des cônes et il parlait à travers c’était un ressenti, si ça passait plus ou moins le son. Quelqu’un d’autre il a mit des cubes de glace dans un bloc de terre et a regardé comment la fraîcheur elle passait à travers le mur après longtemps ou à l’inverse avec des bouillotes. Mais ce sont des expériences simples, pas scientifiques, pas précises mais juste pour donner un ... quelque chose ... enfin un message... qui passe par rapport aux notions théoriques ou en s’amusant en faisant équipe, en mettant les mains à la patte car c’est ça l’objectif, et puis sur les trentes personnes qu’on accueille il y a peut-être pas tout le monde qui est touché par ce cours mais ils auront eu le ... la possibilité de comprendre que l’on peut utiliser la terre dans certaines conditions. Chacun est libre ... .je ne vends rien ! (rires) Ca ne m’interresse pas que quelqu’un l’utilise ou que tout le monde l’utilise c’est pas ça, l’objectif c’est vraiment passer le message, si vous l’utilisez utilisez le correctement. Parce que ... il y a des avantages et des désaventages. - Du coup vous favorisez plus la pratique que la théorie dans vos activités? - Dans le nombre d’heure de l’enseignement oui, c’est organisé comme ça dans l’emploi du temps et ça m’arrange car j’adore pouvoir garder un contact dans l’école d’architecture, car ça me permet à quinze ans de distance de continuer à savoir ce que vous continuez à faire à apprendre, quel est le monde de l’étudiant en architecture c’est très privilégié de mon côté

d’avoir une profession et de pouvoir de temps en temps venir écouter ... Et j’ai vu déjà des différences, au niveau des connaissances de la matière, il y a sept ans ce n’était pas comme ça. Là j’arrive dans les classes où il y a déjà une connaissance, avant ce n’était pas comme ça et ça se sent tout de suite. Et j’ai fais faire des qestionnaires au préalable, au début je faisais faire des questionnaires sans même pas parler au début. J’arrivais et je donnais le questionnaire et les questions et donc je me rendais compte plus ou moins de ce qu’ils savaient ou pas, maintenant pareil mais il y a beaucoup plus de réponses exactes. C’est bien mais ça s’augmente, il y a plus de messages qui passent, plus de projets qui sortent, plus de reconnaisance dans le matériau, c’est moins dévalorisé et c’est plus à la mode aussi. Et donc il y a des risques aussi . Parce que beaucoup de projets aussi qui sortent des fois c’est limite de la décoration, c’est juste pour se faire une image d’un bâtiment en terre, entre guillemets écologique, mais bon ... Si on donne des bonnes connaissances aux étudiants d’archi c’est mieux déjà ... - Et vous sentez que les étudiants se dirigent vers la terre parfois ou ... - Ah oui oui, il y en a toujours plus chaque années qui font le diplôme de la terre, mais ça c’est un diplôme post-master, c’est deux ans, c’est un DSA un Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement après les études d’architecture. - Du coup après Grenoble pourquoi être venu sur Nantes? - Ah là c’est parce qu’il y avait des amis communs qui habitaient par ici, plusieurs, et on avait envie de changer de ville, pas forcément un lien avec la terre, c’est plutôt un lien amical , et ça ça m’arrangeait pas trop ! (rires) Parce que vers Grenoble, 109


- Parce que à Nantes il y a pas un patrimoine réel existant qui est encore là, et quand il y a ils sont pris! (rires) Ailleurs j’aurai eu plus de boulot, plus facile, plus proche, plus de possibilités.

- Ca m’est passé de faire des conférences au début quand je suis arrivé à Nantes, j’en ai fais plusieures, pour le syndicat des architectes, pour l’entre naissance du patrimoine nantais, maintenant j’en fais moins. Je ne cherche pas forcément ça, mais si quelqu’un me demande, oui pourquoi pas! Après les conférences aussi pour moi, j’étais très timide là ça va beaucoup mieux dans le relationnel, c’est pour ça que je garde ce travail seul c’est parce que je parle peu. Maintenant parler comme ça là avant je ne l’aurai jamais fait! (rires)

- En dehors de l’ENSA ce sont des particuliers, des entreprises qui vous contactent?

- Pourtant quand on vous a vu en cours la dernière fois ça avait l’air d’aller! (rire)

- C’est les particuliers, avant c’était la famille, puis les amis de la famille et c’est comme ça que ça commence! (rire) La famille, puis maintenant, c’est vrai que par le bouche à oreille ça se fait comme ça. Il y a les voisins pour qui j’ai fais un enduis ils me rappellent parce qu’ils veulent faire la même choses à des amis. Chaque année qui passe ça change! Vu que j’aime bien faire ça, faire mes enduis, car je suis seul souvent dans ma bulle, j’aime bien être dans ma bulle , mais des fois à côté de ça j’ai des projets d’analyse de terre sur des projets d’archi où il y a des volontés d’utiliser la terre locale pour les fondations, produire quelque chose en terre à l’intérieur d’un logement, ça ça se passe à Nantes en ce moment, ça se passe à Paris, donc il y a plein de choses qui se passent sur la terre, et ça se développera encore plus. C’est pas que je suis un touche à tout, ce qui me donne le plus à manger c’est le côté artisan et puis derrière, derrière il y a formation enseignement, ou recherches de base sur l’utilisation de terre locale et quoi en faire. Comment le transformer.

- Oui avec l’âge ça va mieux, c’est interressant comment on change! (rire) On peut avoir peur de dix choses pour rien et c’est pas forcément des déclics mais des fois dans la vie tu es poussé à faire des choses, et tu es dans la situation et tu dois le faire. Ou tu te suicides ou tu le fais, et si tu le fais et bien tu as dépassé une limite et tu te rends compte que tu as perdu du temps ou pas ...

Lyon, j’aurai eu beaucoup plus de boulot! (rires) Et ici quand je fais des chantiers c’est pas à Nantes hein, je dois aller un peu en Bretagne, en Normandie, en Vendée... - Et c’est dû à quoi cette situation ?

- Vous faites des conférences des fois? 110

- C’est comme avec la terre finalement ça demande du temps pour évoluer! - Oui comme pour le séchage, beaucoup de temps de séchage! (rire) Mais c’est vrai que dans le relationnel c’est un des choses qui m’a fait comprendre que je n’étais pas fait pour faire de l’architecture parce qu’il faut beaucoup de relations publics, beaucoup ! Beaucoup de réseaux, beaucoup, il faut nourrir ça! Et pas forcément ... et pour faire, pour avoir un grand réseau il faut parler discuter, échanger, donc il faut avoir une bonne gueule ! Je parle en général hein ! (rire) Ca prend beaucoup de temps, quand on voit un architecte, le temps que ça lui prend la conception et le temps de discussion


c’est minime la conception. Il faut être passionné c’est sûr! Je l’ai compris, vraiment compris quand un de mes profs que j’aimais bien m’a dit un jour, on était une centaine dans une classe et il a dit «un pourcent d’entre vous deviendra vraiment architecte», il exagérait un peu mais bon, «et seulement un pourcent de ce un pourcent il sera un bon architecte!». Mais bon c’était un bon péssimiste, mais il était adorable comme prof! C’était plus pour nous faire comprendre qu’il y a un écart entre ce que l’on vit là pendant les études et la vie réelle, qui est différente. C’est très différent, et le métier même et la formation, mais il faut prendre profit de ces années. Il faut assimiler des choses, mais c’est vrai que dans mon cas, j’aurai voulu choisir à trente ans quoi étudier pas à dix-neuf ans. J’ai du choisir quoi faire dans la vie c’était trop tôt j’étais pas mûr! (rires) Mature, non on dit mature! Mais j’étais pas mûr non plus. J’ai pas peut-être fait un bon choix sur la matière après j’en ai profité. - Je ne sais pas si vous connaissez Christian Jelk ? - Non! - C’est un architecte qui a donné une conférence à l’école et il expliquait comment il avait réalisé son bâtiment et il a creusé dans la terre pour les fondations et ce sont les habitants euxmêmes qui ont dû faire les briques. Ils avaient une presse et c’était eux-même qui construisaient leurs murs. Il y avait cette idée de réutilisation de la terre justement! - C’est marrant parce que moi je suis supporter d’une équipe de foot! (rires) C’est l’équipe de Turin, la seule équipe de Turin. Mais il y a un vieux stade à Turin, il est utilisé pour les entraînements, c’est un vieux stade historique, l’équipe gagnait beaucoup mais bon ils ont fait un projet pour le mettre

à neuf et il y a eu un concours. J’avais fait un concours, j’avais répondu en demandant que les briques du stade soient faites par les supporters. Pour s’approprier de la matière et donc donner de la mémoire, de la symbolique au stade. J’étais très très lié à ce stade. Quand j’étais petit aussi je jouais là bas! (rire) Mais c’est marrant c’est vrai que l’on ... on marche sur la terre, on marche c’est vrai que pouvoir ... , ça m’est passé plein de fois de faire des enduis avec les clients, je commence tout seul et puis les clients ils viennent avec moi mettre la main dedans, ressentir, toucher... on s’approprie, on le paye heinn mais on s’approprie de l’oeuvre, ça devient quelque chose à nous. Ca donne de la valeur, on ne pourrait pas le faire avec d’autres matériaux. Ou moins le faire avec d’autres matériaux, alors que la terre c’est très très proche, c’est très direct. - Ca a un côté ludique aussi ! - C’est ludique, pour faire bosser les enfants! (rires) Vous pouvez exploîter les enfants avec la terre, non je rigole ! (rires) Une boule de terre on peut la lancer on se sali les mains on se nettoie c’est pas vu de manière professionnelle ça c’est les mains sales, voilà c’est une façon de travailler qui je trouve devrait être acceptée! Entre les autres techniques de travail. -Il y a un soucis de reconnaissance du matériau. - Bah oui évidemment, il y a une image très négative, trop négative sur le matériau parce qu’il y a une méconnaissance sur les avantages . Il y a une connaissance des désaventages, et pas forcément ... toujours, sur les avantages. Pas forcément techniques aussi ... sensoriels. - Par exemple sur un chantier si il y a un problème de terre polluée, est-ce que qu’il existe des moyens de la purifier ou 111


non ? - Hola des terres polluées il ne faut pas les utiliser ! - Mais c’est possible de les purifier ou pas du tout ? - Ca je ne saurai pas vous dire mais c’est sûr que si il y a des métaux lourds faut pas les utiliser, et c’est pareil pour les constructions en paille avec des pesticides, il ne faut pas les utiliser. Est-ce-que c’est bien de les utiliser, c’est vrai hein je me suis toujours demandé, mais non ... là je fais un projet à Paris et, pas moi, mais je l’ai réalisé. Un bâtiment en terre près d’une rocade, je ne sais pas ce que j’ai touché, mais c’est vrai que c’était pas des terres qui venaient de je ne sais pas où ! C’est un vrai problème ça aussi c’est clair! En ville surtout et quand on transporte, quand on déplace une terre à une autre c’est pas simple, après c’est surtout pour les métaux lourds. - Et est-ce-que vous avez déjà touché à une maison en terre vendéenne, «les bourrines», ou rénové l’une d’entre elles, - Oui, j’ai visité plein de bourrines mais rénové non non non, construit non plus! - Ce sont des murs assez larges ? - Ah oui oui c’est très large, c’est 70 ... 60, 70 de large. Très paillé c’est une très mauvaise terre à construire c’est une très mauvaise terre. Si je devais dire qu’elle est une bonne terre je dirais pas ça ! (rire) Oui parce qu’en faite, ils ont une histoire ces bourrines, et euhh ... une des histoires qui s’est pas un bâtiment lié uniquement à la vendée, il y en avait plein dans la côte aussi en Angleterre. C’est en fait des gens de voyage qui pouvaient acquérir des maisons ou des terroirs, des parcelles, 112

si ils arrivaient à construire dans la nuit et construire les quatre murs et allumer un foyer! Bon c’est un peu une légende mais bon , il y a des textes qui parlent de ça. Mais sinon la terre qu’ils utilisent c’est la terre de ... de de .... - Locale ? - Locale mais du coup plein de sel plein de .... - Terre des marais ? - Terre des marais oui ! Très, trop fine ! C’est pour ça qu’on ne peut pas aller trop en hauteur aussi. Mais sinon voilà, ça marche, c’est un soubassement, beaucoup de remontées capillaires. Techniquement elles sont pas les meilleures constructions, mais elles sont très ... elles marquent le territoire, elles sont très regardées. - C’est une partie du patrimoine maintenant. - Oui oui ... mais il y en a peu qui sont restées encore debout. Et ce que c’est drôle c’est que c’était des maisons pour les pauvres, entre guillemets, mais le prix au mètre carré est très très cher! Ells sont prises par les investisseurs, les associations, par les voilà ... Elles sont pas économiques comme maisons ! (rires) Elles ont changé leur valeur! - Et les toitures sont en chaume c’est ça ? - Oui oui en chaume ! D’ailleur c’est comme la terre c’est un très bon système constructif les toitures végétaux. Ca passe rien, peu d’entretien, il y a de l’entretien mais peu d’entretien. C’est juste que le savoir faire est très réduite, il y a très peu d’artisans qui savent faire ça mais on peut faire ça en vertical


aussi ! Il y a des architectes qui font ça hein ! C’est pas comme Place de la République ? - Oui avec des roseaux ? - Où ce sont des roseaux oui, mais là ce sont des panneaux de roseaux, mis en vertical, moi je dis juste euh ... continuez à mettre des, de la chaume, toujours dans cette direction sur la paroie découpée comme ça on voit tous les ronds des roseaux qui sortent, et c’est différent comme système, c’est toujours des faisseaux de chaume l’un sur l’autre et découpés sur la section du mur. Là c’est des panneaux, ça on le vend, ces panneaux là on le vend en Allemagne, c’est des panneaux d’isolation, de différentes épaisseures c’est des roseaux comprimés. Mais il y a rien d’innovant ! (rire) Enfin je ne devrais pas le dire sous, caméra, mais il y a rien d’innovant ! C’est des panneaux posés dessus, voilà c’est du greenwash, parce que derrière c’est de la laine de verre comme isolant, l’innovation ce serait utiliser ça comme isolant ! Dès que derrière il y a de la laine de verre c’est un bâtiment en béton / ciment classique rempli comme celui-ci il y a rien d’innovant. C’est juste la peau en effet c’est joli, c’est très joli à voir, mais la peau. Non mais c’est ça c’est l’enveloppe, enfin pour moi il y a rien d’autre d’interressant ! Je le vu plusieures fois en construction et je l’ai trouvé très ordinaire avec de la laine de verre derrière. Du coup c’est un matériaux perspirant avec un matériau étanche, voilà ! Mais il va être présenté comme un des meilleures architectures en fibres végétales, il va y avoir un concours d’architecture en fibres végétales là bientôt dans le monde et il fait parti des finalistes. Oui oui, il faut beaucoup de relations publiques dans l’architecture ! (rires) - Il y pas beaucoup de constructions en terre sur Nantes !

- Non non ... il y a pas encore, je serais au courant ! (rires) - On a vu qu’il y avait des briques dans votre atelier à l’école en 0A, elles étaient destinées à faire quoi par exemple ? - Ca c’est les étudiants qui l’ont fait pour leur projet, nous on a fait comme ça quelques adobes petit, en petites dimensions, pour montrer, et eux ils se sont mis à vouloir faire un four. Après je leur ai dis qu’on ne peut pas allumer de feu dans l’école ! (rire) Dans l’école non ! (rire) C’est interdit ! Mais du coup il y a un des étudiants qui, je pense qui fait des travaux de maçonnerie en dehors, et il a monté un mur très rapidement super bien niquel, et là ils vont faire une voute aussi ! - Et le mortier pour monter le mur c’est de la terre aussi ? - Oui oui, c’est exactement la même technique que pour le matériau conventionnel c’est juste le mortier est un peu plus épaix, 1 cm ou des fois on peut faire 2. La chose meilleur c’est qu’on peut utiliser la même matière, que l’on, que la, dans la même matière le mortier que l’on a fait la brique. Et juste un peu visqueux et puis quoi d’autre ... Ah oui il faut que le mortier soit mis sur toute la surface de la brique, c’est à dire qu’il n’y ait pas des zones qui travaillent en traction. Sur un béton / ciment on pourrait éviter ça parce que ça durci, on pourrait mettre juste sur certaines zones, tandis que la sur la terre il faut le mettre partout. Et c’est du calpinage classique, on peut faire différentes formes, différents types de calpinage, mais ça se fait de la même manière. Il y a rien qui change. C’est juste une question de rendre homogène le mur le plus possible avec la même matière pour revenir à quelque chose de monolithique en fait c’est toujours d’un seul morceau. - Et dans ces constructions on peut mettre du feraillage comme 113


dans le béton ou ce n’est pas possible ou nécessaire ? - Oui on peut, on peut ! Mais ça dépend de la technique et puis une des recherches dernière dans la terre, c’est celui de la terre coulée, c’est à dire faire un peu comme le béton qu’on coule à l’intérieur des coffrages et qu’on vibre, et là utiliser les terres que l’on trouve sur le chantier et y ajouter des ... des disperçants, c’est à dire de la matière des fois, ce que les recherches, on va plus vers de la chimie mais on cherche des végétaux qui font la même chose ! Mais qui séparent les argiles entre eux pour utiliser le moindre possible, c’est à dire qu’on peut rendre liquide un matériau avec peu d’eau, avec un montant d’eau on peut rejoindre l’état plastique avec le même mélange on ajoute du disperçant et la matière devient liquide plutôt que plastique. Donc les recherches là, c’est utiliser le moins possible d’eau parce que on doit faire en sorte que le matériau sèche rapidement pour pouvoir le décoffrer si on coule de la terre à l’intérieur d’un coffrage, il reste liquide à vie. Après 28 jours il y a pas de séchage comme dans le béton, parce que il y a pas une réaction chimique qui se créée, le séchage c’est possible par évaporation. Et donc voilà pourquoi ça n’existe pas dans le patrimoine des techniques de terre coulée parce qu’il y a trop de temps pour sécher et quand on utilise des coffrages c’est quand on utilise de la terre à l’état humide c’est à dire avec très peu d’eau. Et on fait du pisé comme ça ... mais bon ça on le verra l’année prochaine ! (rires)

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Le jeudi 4 Avril, nous assistons à la conférence à l’Esna Nantes de ‘Pimp my Waste’, un collectif de jeunes architectes qui après leurs diplômes ont choisi de se diriger vers la fabrication de mobilier en matériaux recyclés. Nous les contactons avant la conférence pour leur proposer un entretien. Éric l’un des deux à donner cette conférence me dit que ce sera trop juste au niveau du temps avant la conférence. Alors il nous propose de nous rencontrer après la conférence dans un bar pour compléter les questions non aborder durant la conférence. La première partie est la transcription de la conférence et la deuxième un peu plus informel après la conférence.

Éric -Bonjour a tous nous Somme, 4 potes de l’école d’architecture paris-Malaquais nous avons été diplômée en juin dernier. Nous avons travaillé sur un projet de fin d’études qui s’appelle ‘pimp my Waste’ et qui continue aujourd’hui sous une société. C’est un projet de diplôme qui s’est déroulé durant toute une année avec une première partie de recherche qui questionner un petit peux le réemploi des matériaux utilisés aujourd’hui en architecture. Qui se concrétiser par une intervention architecturale à l’échelle un qui était un démonstrateur du réemploi pour Paris La Villette. Nous allons vous montrer un peu les fruits de notre année de recherche. Nous sommes allés du postulat de dire que le secteur du bâtiment énormément de déchets le premier générateur de déchets en France. En faisant le constat de cette crise écologique nous avons proposé de saisir cette opportunité ainsi que de toute cette matière à potentiel, qu’on peut mettre en œuvre. Pour faire retour historique assez bref sur le réemploi, c’est ce qui existe depuis la nuit des temps, en architecture

notamment. En s’appuyant sur la politique belge qui s’appelle ROTOR? Qui a fait une analyse assez poussée, rigoureuse sur le réemploi qui jusqu’à assez, récemment, était une pratique assez courante qui génère une vraie économie. Par exemple un bâtiment qui a été déconstruit à l’époque générer une entrée d’argent au propriétaire du bâtiment. Cela petit à petit a disparu au 20e siècle avec la mécanisation des moyens de démolition, avec l’industrialisation du secteur de la construction. Petit à petit, l’augmentation du prix du foncier a faisait que le terrain coûté plus cher que le prix d’un bâtiment. Qu’aussi un bâtiment demandait du temps, de la main d’œuvre écoutez plus cher que de démoliere de manière non soigné. Tout cela a contribué au 20e siècle à faire que leur emploi est devenu marginal qui persiste sous certaines formes comme les bidonvilles l’essence même du réemploi, mais qui s’est quand même marginalisé alors qu’autre fois, c’était une vraie pratique qui était courante en architecture et qui génère une vraie économie. On a regardé les différentes manières de valoriser la matière pour mieux comprendre ce fonctionnement afin de mettre en place une méthode. L’idée, c’est de réutiliser un objet qui est en fin de cycle de vie pour le même usage, la, c’est l’exemple d’une porte cassé qu’on réutilise comme une porte. La deuxième forme de revalorisation est de broyer la matière pour faire un nouveau matériau, c’est la forme la plus employée aujourd’hui dans le BTP. Celle qu’on a envie nous de mettre en avant l’upcyling’ l’idée, c’est de dire qu’on garde les caractéristiques de l’objet récupérer pour la mettre en valeur. Cela est plus intéressant de garder les propriétés de la matière ainsi que leur histoire. L’upcycling permet de combiner l’histoire d’un objet avec un nouvel usage. Donner une nouvelle valeur à la fois esthétique et économique. Il y a plusieurs architectes qui ont utilisé le réemploi dans leur travail tout comme Bellastock et cela consiste à faire un grand festival où beaucoup d’étudiants et passionnés en architecture cette 115


année utilisent de la paille de la fibre pour la construction. Cela se déroule en juin et les études durant un mois sont appelés à construire à l’échelle 1. Oui, il y a le collectif encore heureux qui a fait le pavillon circulaire en face de l’hôtel de ville de Paris eux, ils ont revalorisé 250 portes palières proposer un calepinage de reconstituer une façade. À partir de ces deux exemples, nous pouvons constater qu’il y a des gisements qui se présente sous plusieurs formes ; soit un grand nombre d’éléments de stock qui sont tous différents soit des éléments identiques. Tout l’enjeu du réemploi est de savoir comment recomposer avec toute cette matière qui est disparate. Nous avons pu rencontrer l’agence Encore Heureux qui nous ont expliqué la conception et la construction de cette ouvrage. C’est un travail très minutieux où ils ont mesuré chaque porte, catalogué chaque élément. Il y avait énormément d’étapes manuel et du savoir-faire technique. Et ils nous ont expliqué à demis mots que ce projet fonctionne seulement si c’est subventionné pour en faire une sorte de vitrine sur l’écologie et ses projets ne sont pas viable aujourd’hui en architecture. Nous avons perçu une vraie problématique sur ces pratiques du réemploi, il y a un savoir-faire technique également et un enjeu de la mise en œuvre de ces matériaux. Aujourd’hui les projets du réemploi sont souvent subventionnés et l’objectif est que ce soit une alternative construction passive afin que ça soit une pratique viable au niveau économique et pour cela un processus qui soit industrialisable autour du réemploi et c’est ce qu’on essaie de développer chez Pimp my Waste. Ce qu’on a pu constater, c’est que la forme architecturale est déterminé par le gisement. Donc nous avons adopté des stratégies en fonction du gisement. Nous avons identifié trois étapes clé dans le processus pour que ça soit industrialisable. On récupère, on référence et on crée, compose avec cette matière et avec ces trois étapes 116

nous arrivons à automatiser le processus pour rendre la pratique viable. Dans un premier temps, on récupère de la matière pour la référencer et en mesurer chacune des pièces qu’on récupère. Cela nous permet d’alimenter une base de données et à partir de cette base de données, on va pouvoir jouer avec tous ces informations. Dans la base de données où nous avons un maximum d’informations, on a chaque élément qui est référencé par un petit code barre. Sa géométrie, sa couleur, son adresse son emplacement dans le lieu de stockage, son essence son origine avoir un maximum de traçabilité de l’élément. Aujourd’hui ont travaille la V2 où on essaie d’alimenter d’autre caractéristique méchanique, le taux d’humidité pour avoir encore plus de maîtrise sur la matière vas être utilisé. Fabien : Juste pour une précision dans ce travail du réemploi nous travaillons aujourd’hui qu’avec du bois. On commence à s’ouvrir à d’autres matériaux, mais si nous utilisons aujourd’hui principalement du bois cela est dans un but de nous faciliter dans un premier temps la démarche. Parce que le bois est plus facile manier au niveau des désassemblages et des outils à notre portée. Eric - Mais demain on peut imaginer toucher à d’autres matériaux. Cette base de données nous permet d’arriver sur la deuxième phase du processus qui est la conception automatisation. On a écrit des algorithme de conception des scripts qui permet d’automatiser le classement de la matière. Nous disons à l’ordinateur que nous avons ce dessin, on a besoin de pièces qui font 45 cm dis-nous quels sont les 10 pièces qui sont les plus adaptés pour avoir le moins de chute possible. Fabien- C’est une approche qu’on trouvait intéressante qu’on


a pu analyser avec le projet d’Encore Heureux où il disait qu’il fallait qu’il s’adapte à leurs gisements. Il recommençait à chaque fois le dessin parce qu’il n’avait pas le stock suffisant pour finaliser le dessin. Donc il était vraiment à la merci de ce qu’il pouvait trouver. Et nous avons créé cet algorithme et cette manière de conception afin de pouvoir se détacher du redessiner à chaque fois en fonction du gisement. Il y a deux stratégies au niveau des algorithmes confronté les surfaces à notre base de données. Le logiciel vient paver la surface avec la base de données, une autre plus avec les éléments linéaires. Et cette fois-ci, on vient confronter une structure avec un filair. Et là, c’est dans le souci de l’économie de matière avec le moins de chute possible. Puis nous venons implémenter les paramètres esthétiques où nous venons avec ces référencements composés et jouer avec ses critères-là, c’est quelle couleur de bois ou fais-moi un dégradé. On peut jouer facilement avec ces critères une vingtaine de designs, de dessins différents presque instantanément. Une fois que l’élément est bien référencé, on peut réaliser autant de design que l’on veut. Et c’est le stock qui s’adapte au dessin non le contraire. 16:21 Eric : La troisième est la dernière étape du processus celle de la fabrication robotisée. On s’appuie à l’aide de machine qui nous permet d’avoir une grande flexibilité dans ce que l’on peut produire, c’est-à-dire que du fait qu’on récupère des stocks d’éléments tous différents. Les pièces d’assemblage nous permettent de s’adapter à cette disparité. Donc celui-ci est le banc qu’on a pu construire pour le parc de la Villette, un démonstrateur urbain. L’ensemble du banc a été fabriqué à partir de matériaux qu’on a récupérés d’un

centre de tri à moins d’un kilomètre. Ce qu’on voulait montrer avec le réemploi, c’est l’introduction d’une nouvelle économie dans l’espace l’urbain, on pouvait faire circuler la matière différemment. Là où la matière aurait été incinéré juste pour faire le bois de chauffage, on le fait parcourir tout un autre chemin. Nous avons travaillé avec des industriels. Qui était dans un rayon assez resserré, moins de 1 km de notre lieu d’intervention. Il y avait le centre de tri de Suez, nous sommes allés les voir à l’improviste. On leur a dit qu’on n’a pas d’argent qu’on est des étudiants, on n’a pas de matière. Vous avez des déchets, est-ce que dans ce cadre du projet d’étudiant, on peut mettre quelque chose en place avec vous. Afin de révéler la potentialité de cette matière qui n’est pas encore utilisée aujourd’hui. Ils nous ont ouvert les portes de leur centre de tri, ils faisaient un pré-tri de la grande montagne de déchet en ont fait une petite montagne pour nous faciliter la tâche. Dans cette petite montagne de déchets, nous avons pioché afin de pouvoir trouver des potentiels à valoriser. Fabien : Nous avons mis en place un partenaire de logistique avec d’Acer et eux, ils ont du bois de palette. Et avec ce bois de palette, on a pu faire tout notre espace de stockage. Cet espace de stockage est un partenariat avec le parc de la Villette. Dans ce cadre du projet étudiant, ils nous ont proposé un 50 mettre carrer pour pouvoir stocker tous cette matière. Et à partir de là nous les avons divisé en différents rack, différents casiers et chaque élément avaient sa petite étiquette un code de barre. Et ce code-barre était relié à une adresse spécifique dans le lieu de stockage. Cela nous permettait de recomposer avec tous ces bois stocker et le logiciel nous disait de piocher à l’adresse indiquée la matière. Eric : Pour ce projet, nous avons mis en place d’autres partenaires qui nous fournissez leur Fab Lab une boite qui 117


s’appelle WoMa qui nous permettez dans ce projet de réaliser le mobilier pour le parc de la Villette. Fabien : C’est une économie qu’on a pu mettre en place pendant notre diplôme et ce schéma-là peut être mis dans beaucoup d’autre endroit. Les fab-labs sont maintenant mise un peut partout en France. C’est vrai que le territoire produit beaucoup de déchets surtout les l’activité culturelle sont extrêmement gourmande en matière notamment le parc de la Villette qui génère tous les deux trois jours une quantité considérable de déchets. Ce schéma économique peut être mis en place à beaucoup d’endroits en France, il suffit juste de détourner la matière et connecter d’autre acteur ensemble afin que le système devienne un peu plus responsable. Ce projet montre également ce qu’on peut faire entre le réemploi et le numérique et surtout deux jeux ; le point de vue technique, un travail sur la surface et un travail sur la structure des poteaux qui vient permettre de définir la forme de l’assise. Eric : La modélisation été fait par l’algorithme une pièce d’assemblage été dessiner. L’algorithme arrive à trouver l’élément le plus adapté par rapport à une courbe prédéfini qu’on dessine. Fabien : Nous avons fait un autre projet participatif avec des enfants entre 6 et 12 ans. Nous avons simplifié ce processus qui peut être un peu lourd où on vient internaliser le processus avec le référencement de la matière, la transformer et l’assembler. Vu qu’il y avait une redondance dans les stocks, on a donc travaillé avec un code couleur et une numérotation plus simple. Et nous avons également dû nous détacher de la fraiseuse numérique pour nous adapter aux contraintes de Clichy-sous-Bois, car il n’y avait pas de fab lab à proximité. Jouer avec la variété de sections pour créer des courbes 118

légères. Donc il y a une manière plus simple avec des moyens plus restreint pour réaliser du mobilier et travailler avec d’autres. Avec le system de référencement et en organisant la matière, c’est également possible de réaliser des projets. Donc c’est la fin de l’aventure étudiante et le début de la vie professionnelle, nous avons pu débloquer 100 mètre carré de stockage. C’est des espaces transitoires qui a était ouvert par Plateau Urbain. C’est un site qui est vouer à être détruit dans 6 ans pour laisser passer le grand Paris exprès. Cet espace nous a était louez à moindre coût. L’idée s’est investie ces 6 années pour avoir notre espace d’expérimentation et développer notre projet sur cette recherche qui fait que commencer. Bien sûr, nous avons bien d’autres aspects à développer. Eric : aujourd’hui, nous avons une gamme de produits mobiliers qu’on propose à la vente et à la location. L’histoire qu’on essaie de communiquer autour de ses objets, produit une série de mobilier mais ce qui est intéressant, c’est que chaque élément est singulier. Quand on recompose avec ces éléments, on peut produire des pièces qui sont toutes uniques et c’est ce qui peut faire aussi la force du réemploi. Et sortir de cette esthétique palette. Fabien : La matière qu’on récupère à une histoire à raconter, aujourd’hui on a à développer une application du réemploi a partir du bois et il y a plein d’autres choses à imaginer avec d’autres matériaux. Il y a énormément de possible. Bien sûr, il y a un travail de recherche pour pouvoir travailler d’autres gisement. Eric : aujourd’hui c’est de rendre accessible ce mobilier à tous mais il y a des artistes qui utilise le réemploi pour vendre leur mobilier à 5000 €. Même si on vend plus cher que du Ikea. Ce coût est justifié par le temps passé sur le tri sur traite la


matière la dégrossir pour pouvoir la mettre en place. Le but aujourd’hui de pouvoir démocratiser cette pratique afin de pouvoir la rendre accessible à tous. Q- j’adore vos meubles, merci pour cette présentation, j’ai une petite question : les pièces de profil sont-ils effectivement des pièces issu du réemploi? Fabien :Les profils en général sont des pièces qu’on réalise avec la CNC, c’est profil sont récupérés essentiellement des panneaux de démontage d’exposition donc oui c’est du réemploi. ERIC : Il y a 2 types de gisement le premier c’est ce qui constitue l’assise et le dossier des chaises et ça c’est principalement du parquet ou des tasseau de bois qu’on récupère dans des chantiers de construction. Ensuite, on a des panneaux de bois qui sont des panneaux de contreplaqué qui sont sourcer principalement dans des expos. On vient les usiner et de les fraiser afin de créer des profils.

Q- est-ce que vous avez d’autres modèles de mobilier ? Fabien :Si c’était de se concentrer sur quelques modèles. Donc il ici on peut voir qu’il y a deux modèles de chaises, mais les deux chaises en soit sont uniques donc les on pose l’assise et le dossier sont tous différents. La Finition est unique, mais le modèle, on soit est en série.

Q-Est-ce que vous avez rencontré des difficultés en ce qui concerne les gisements aujourd’hui que vous n’êtes plus étudiant mais plutôt dans un cadre professionnel ?

Eric : IL y a des enjeux qui sont intéressant pour les entreprises. C’est un peu à l’avantage des industries de dire qu’ils font du réemploi que ce soit fait des étudiants ou jeune professionnel. Mais on peut dire que tous deux sont un peu les mêmes profils, nous en tant que jeunes diplômés. Utiliser du réemploi donne des subventions à ces entreprises. Donc ils sont vraiment friands de ce genre de projet. Aujourd’hui il y a plein des choses qui est en train de changer au niveau de la loi. Il y a des permis d’innover, des permis de d’expérimenter qui est en train de se mettre en place juridiquement afin de pouvoir pousser ce genre de démarche du développement durable.

Entretien avec PIMP MY WASTE

Q-Est-ce que vous travaillez avec d’autres architecte ou d’autres designer en collaboration sur divers projets ? Fabien : Oui, on est en train de faire des collaborations avec des architectes qui sont intéressés par notre démarche. Soi c’est parce qu’ils ne connaissent pas ces méthodes du réemploi où les techniques de fabrication autour de ça. Du coup ce que l’on développe pas mal avec d’autres architecte par exemple c’est de les accompagner sur leur projet dessiner. Du coup on garde un peu le côté flexible du processus qu’on a mis en place permettant de confronter notre matière qui est à notre disposition ; référé et référencé avec leur dessin afin de pouvoir réaliser leur projet. Oui, il y a cette idée de la collaboration dans ce sens-là.

Est-ce que vous pouvez breveter votre algorithme ? Non pour les algorithmes, on n’a pas le droit de les brevetés conformément à la loi et on a déposé aucun brevet. Ce n’est pas quelque chose qu’on aimerait faire parce que déjà c’est quelque chose qu’on a expérimenté en tant qu’étudiant et 119


qu’on aimerait ouvrir à d’autres. C’est en développant de nouvelle approche, en allant plus loin dans la recherche qu’on pourra en bénéficier le plus. Qui est-ce qui vous font des commandes. Des particuliers, des entreprises ou autre ? Fabien : On a eu quelques commandes. Cela commence tout doucement. Des commandes de professionnel du mobilier sur-mesure. On propose cette compétence de savoir concevoir un espace et on travaille avec eux pour pouvoir composer un espace à partir uniquement du réemploi. On a fait des salles de réunion, des Bio-coop, des choses qui sont très variés. Là, on travaille sur les aménagements Extérieur de terrasse. C’est des choses qui nous plaisent parce qu’on peut jouer aussi cette carte d’architecte dont la conception, on dessine, on ne fait pas que du réemploi. Le particulier aujourd’hui on n’a pas trop encore touché a ce secteur parce qu’on a pas de comm. Il faut une grosse communication, une autre problématique est de l’ordre de la logistique pour pouvoir livrer dans toute la France. Les transporteurs ne les amènent pas parce qu’ils sont trop volumineux. Donc ça coûte cher de livrer du mobilier aux quatre coins de la France. Donc, ça, c’est en gros enjeu qu’on n’a pas encore résolu sur laquelle on se penche. Et là, on est en train de travailler sur un gros chantier, c’est notre premier contact. L’idée, c’est de dire que le chantier en réalisation comporte 1 % de la matière qui a de la valeur. Cette matière au lieu de l’envoyer à la benne, on la dépose d’une manière plus soignée afin de pouvoir l’utiliser l’ors d’un prochain projet. Cela prend beaucoup de temps et d’énergie parce que chacun doit se mettre d’accord ainsi que le temps que tous les papiers soient signés. Il y a des avis techniques donc c’est très procédurier. Il y a des temporalités qui sont plus longues ça, c’est une piste, mais pour l’instant, on n’est plus sur de l’aménagement de 120

petit espace.

Q- Comment est-ce que vous avez fait pour créer votre process, ainsi que votre l’algorithme. Parce que c’est vous qui avez tout fait où est-ce que vous avez fait appel à quelqu’un d’extérieur ? L’idée du processus en soit est venu à tâtons. Semaine de projet après semaine, les pièces du puzzle se sont mises au fur et à mesure, on a mis bout-à-bout ce process à la fois avec des échos des enseignants. Sur la partie algo

Eric : c’est un grand Fabien à ma droite qui a fait les troisquarts. Fabien : ce sont nos enseignants qui nous ont aidé à maîtriser ses outils là. On a pu petit à petit sans affranchir et prendre de l’autonomie dessus. Non, c’est des choses qu’on a pu développer en interne. Fabien : Après code, c’est un grand mot qui veut tout et rien dire. C’est une sécession de commande… Je ne sais pas si vous travaillez sur rhino ou Autocad ? On prend un outil ligne et on travaille avec une succession de commandes. Q - Est-ce que vous voulez rereferencer dans votre base de donner, les chut produit lors de la découpe? Eric : C’est une bonne question alors sur les panneaux, il y a pas mal de chute. Alors nous on a une réflection sur deux models de mobilier qu’on pourrait avoir par exemple. Vous pouvez voir sur ces deux chaises que le profile en courbe prend pas mal de surface du panneau. Fabien : Après dans les algorithmes, on n’a pas sur les


panneaux, seulement sur les éléments linéiques qui constitue le dossier. Une latte qui fait quatre mettre de long et qu’il a besoin de 40 cm donc il reste 3m60 de chute. Il va piocher dans la chute en priorité. Q-Envisager vous l’utilisation d’autre gisement que le bois pour le réemplois ? Eric-Nous c’est un vrai souhait de travailler avec d’autre matériaux, on a acquis pas mal de connaissance avec l’utilisation du bois. Pour qu’on puisse développer notre activité, on a une reconnaissance au près des professionnelle dans la maitrise du bois. Travailler avec d’autre matériaux demande du temps d’expérimentation et de recherche. Aujourd’hui on est pas encore a ce stade. Mais on travail avec d’autre société qui font du démontage dans la déconstruction pour explorer d’autre gisement et la valoriser de manier detourner. Par exemple on travail avec des portes coupe-feu à valoriser en table. On réadapte la porte en utilisant l’outil fraiser. Fabien - Ce process ou on cataloguer et référencer tous ces éléments après il y a un autre process avec d’autre gisement ou on fait une petite gymnastique ou on arrive a détourner la matière pour en faire autre chose. Q-Pouvez vous nous parler de vos 100 m carrer d’atelier ou vous être installer actuellement Fabien - On a fait un appelle a candidature pour ce lieu de stockage qui était une zone désinfecter d’environ 15000metre carrer. Dans cette halle on a départagé l’espace. On a une partie stockage en verticale pour gagner de l’espace au niveau du sol puis il y a l’atelier avec une fraiseuse numérique

avec les différents outils. Un espace bureau qu’on continue d’emménager car cela fait seulement un mois qu’on est là. La particularité c’est qu’il y a pas mal de panneaux récupérer durant les démontages d’expo qui sers aujourd’hui au rack de stockage pour du matérielle récupérer. Avec des couleurs qu’on n’a pas forcement choisi des panneaux jaune ou rose, c’est aussi un démonstrateur de par le lieu de stockage que la matière utiliser a une histoire et qu’on a choisi de la mettre en avant. Sur la partie subvention on n’a encore rien, on est entrain de faire des demandes pour avoir une aide de l’état. C’est un lieux voyer a la démolition et le loyer est moindre, on est a la périphérie de paris. Les loyers sont très abordables. Q-Comment es que vous vous répartissez les taches dans la boite, vous être quatre et comment ça s’articule entre vous ? Fabien On est quatre l’articulation entre nous c’est dessiner progressivement, a la base quand on rencontre des entreprises et qu’ils sont en faces d’eux quatre architectes. C’est vrai qu’en premier lieux cela peu faire un peu peur. Au sein même de la boite, il y a Nils qui n’est pas là ce soir qui s’occupe de la conception du design du mobilier. Aléxis qui est sur la partie fabrication. Moi je suis plus sur la partie algorithme pour l’usinage. Eric -Moi je suis partout et nulle part, non mais au début c’était un vrai chalenge de chacun sa place en sachant que on est tous sorti en même temps de l’école et que nous avons la même formation. On découvre aussi notre spécialité en marchant C’est vous qui avez souligné cette figure de l’Architect artisan 121


mais aujourd’hui la fabrication et quelque chose de très lourd. Chacun de nous apporte sa pierre a l’édifice car produire des chaises en série n’est pas évidents. Même s’il en a un en particulier qui est dédié a cette tâche.

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Entretien avec SAGA

Alors expliquez nous ? C’est le même exercice que celui d’avant, on doit faire des portraits d’architectes avec des thématiques précises, alors pour nos groupes ça va être les architectes en collectif, l’architecture solidaire et l’architecte artisan. Alors les premières questions seraient liées à votre parcours comme les choix qui ont fait que vous êtes arrivées ici et après par groupe on aura des questions plus spécifiques liées à nos thèmes... Quelle est votre formation ou votre parcours étudiant, il y avait déjà un engagement à ce moment là ? S- On est 5 à SAGA mais en gros moi j’ai fait le cursus normal, moi je suis sortit du bac et j’ai fais l’école d’archi. Non sans mal mais j’ai réussi et j’ai fait ma licence à Toulouse et j’ai fait mon master à Nantes car je suis Nantais à la base et donc j’ai fais mes études en 5 ans, et vous en 5 ans et demi et après on est parti en Afrique du Sud. Mais du coup t’as fait quoi toi Camille ? C- Alors moi j’ai eu mon bac en 2008 et entre mon bac et l’école d’archi j’ai fais un an d’IUT génie civil parce que j’ai pas été pris en école d’archi. J’ai recommencé une seconde fois j’étais pris... Licence voila .... J’ai fais un an d’Erasmus et après en master ce qui devient intéressant pour ce qu’on a fait avec SAGA , en fait on s’est pas mal suivit tous les quatre, enfin on était 5 à la base avec Anastasia, tout les 5 en master en 2013 et 2014 on a participé avec l’option qui s’appelle Solid Thinking avec Michel Bertreux à un projet pour le voyage à Nantes qui s’appelle On air. Et pourquoi il est intéressant ? Parce que ça a duré un an et le second semestre ça a été que

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de la construction, étude plus construction d’un projet d’un cinéma qui s’est fait sur le toit. Et on était 5 de SAGA, tout le monde sauf Pierre à être dans ce projet On Air, c’est ce qui nous a permis de nous rencontrer déjà, même si Pierre et Sylvain et Simon se connaissait déjà avant et c’est la première fois qu’on a mis la main à la patte et qu’on construisait de nos mains. C’est ce qui nous suit toujours quoi . Et après Sylvain a fait son PFE sur son projet là et après en PFE Pierre, Simon et moi on a l’a fait avec Cherif Hanna où la avec une approche avec le fait de savoir comment par les petites histoires individuelles on peut commencer à vous dresser un portrait subjectif d’un territoire, une sorte de grosse analyse urbaine qui permet de déboucher sur un projet. Et on a fait ce PFE la et pendant ce PFE Simon et Sylvain qui sont à la base les premiers créateurs de SAGA. S- En fait Simon a fait son Erasmus en Afrique du Sud et donc pour des raisons personnelles il a continué à faire des aller retours en Afrique du Sud et l’été ... En fin juin 2014 je passe mon PFE et l’été d’après il part deux mois en Afrique du Sud, à Port Elisabeth là où il a fait son Erasmus et il a rencontré un gars qu’il avait déjà rencontré qui est un architecte Kényan, pardon pas vraiment un architecte, chaque fois on se fait prendre, et qui lui proposait de travailler sur un projet social écologique dans un bidonville autour d’une réflexion qui nous paraissait intéressante et entre autre, il y avait un développement sur 4 parcelles avec 4 projets, 4 phases et la première été la construction d’une crèche et du coup quand Simon est rentré il nous a parlé de ça et on s’est dit que ça nous intéressait vachement et comme quoi on venait aussi de construire la structure d’On air, du mobilier, etc... Donc on s’est dit qu’on été capable de construire des choses avec nos mains. Il y avait aussi tous les collectifs de l’époque comme ETC, qui nous a inspiré un peu beaucoup. Il y avait peu de boulot en agence. Enfin je parle du collectif. Je suis plus qui


est de quel groupe. Je pense que c’est aussi une raison de l’époque c’est qu’il y avait pas de boulot, on était très peu à en trouver. Moi j’ai rien trouvé vraiment pendant plusieurs mois. Donc avant de monter le collectif vous étiez parti sur des trajectoires standard on va dire ? Genre chercher un boulot en agence ? C- Simon et Sylvain oui car ils sont sortit de PFE 6 mois avant nous S- Du coup moi j’ai cherché quelque chose en attendant qu’ils sortent et qu’ils montent le projet , donc je me suis dis qu’il fallait que je trouve du boulot sauf que j’en trouvais pas. Donc il y a aussi ça pour les collectifs qui correspond à une réalité du marché Après nous on a pu parler avec un autre collectif que vous, c’est Vous justement et eux il y avait cette volonté d’éviter une manière de travailler conventionnelle pyramidale en agence. Vous aussi où bien c’est plus l’opportunité de faire quelque chose ensemble ? S- D’abord c’était de faire un projet en Afrique du Sud, il y avait une volonté de faire un collectif, enfin de monter une structure qui nous permet de répondre à ce projet là pour les questions personnelles, d’éthique, d’engagement on avait envie de faire ce projet. Enfin on était pas parti sur un truc qui allait durer aussi longtemps que ce qu’il a duré mais il y avait aussi ce rapprochement où on voulait être ... Enfin a tous bossé un peu en agence fait des stages, des choses comme ça et on s’était dit enfin non jamais nous on embauchera un stagiaire pour faire un taff comme ça etc. Enfin déjà on paiera toujours nos stagiaires ce qu’on a quasiment déjà toujours réussi à faire. Enfin voilà il y avait plein de chose comme ça de jeunes

diplômés où on se disait c’est un monde dégueulasse, on a enfin de faire un truc qui nous paraît plus juste. Donc au delà des projet, mais aussi dans la structure. D’où la création d’une association et pas d’une société commerciale pour des raisons éthiques, qu’on continue de défendre jusqu’à aujourd’hui même si sur le coup c’était quand même une réponse un peu primaire, économique où monter une asso ça ne demande quasiment rien à payer, que tu peu donner l’objet de ton asso ce que tu veux et qu’elle soit validée en préfecture. Mais en gros tu peux, enfin personne ne te refuse la création d’une asso enfin c’était d’abord les raisons primaires du choix de cette structure et ensuite on a commencé à défendre la structure associative de par la suite. C- Il faut comprendre que SAGA on l’a, il y avait assez peu d’idée préconçues quand on a créé SAGA, au début il y avait ce projet en Afrique du sud et on avait envie de s’engager dans ce projet, aussi d’aller à l’étranger. De construire un truc etc donc pour ça le moyen le plus simple est de créer une asso sans vouloir la porter plus loin au début. Il y a eu le premier projet, on est rentré en France et on s’est dit on veut continuer à travailler ensemble et la du coup on s’est dit si on veut continuer qu’est ce qu’on fait ? On a un second projet qui nous a tenu en Afrique du Sud donc pour le mener à bien comment on fait, on monte un projet, c’est à dire qu’on monte un financement. On cherche des partenaires, on cherche des financements, des volontaires, des stagiaires qui veulent partir avec nous et ça du coup c’est ce moment là où on façonne la structure à nos envie et toutes nos valeurs d’éthique, d’engagement, de ce qu’on veut y mettre. Une asso c’est un peu le reflet d’une société, on organise son mode de gouvernance, sa démocratie, son gouvernement, etc ... C’est le même vocabulaire. Comment on choisit nos instances de direction qui vont être un reflet très hiérarchique ou non , très horizontal ou non , enfin là on fait vraiment ce qu’on veut 129


et c’est à ce moment là que nous on modifie la structure de SAGA pour en faire ce qu’on en veut. Aujourd’hui on a pas de président, secrétaire, trésorier, on est tous membre de la direction collégiale, donc tous au même niveau . Un conseil d’administration en fait. Et en même temps qu’on construit la structure on construit nos engagements, même si on a déjà des engagements personnels par ailleurs, certain plus ou moins à penser que d’autres. Et c’est là qu’en fait où on choisit de s’engager sur des projets, en fait nous là c’est d’un projet qu’est née SAGA et pas forcément d’une volonté de se structurer, vous voyez ce que je veux dire ? Justement, le projet initiatique c’est plus On air qui vous a donné l’impulsion, ou quand même le projet en Afrique du Sud qui a un peu officialisé le collectif. S- C’est le projet en Afrique du Sud qui a vraiment initialisé, en gros On air et le PFE c’était de la rencontre et de la prise de conscience de savoir faire un truc avec ses mains et aussi une technique quoi. C’est à dire que quand tu sais que derrière c’est toi qui fait, qui construit, qui réalise, en fait c’est vachement plus... Tu as une façon de concevoir qui est complètement différente. Tu fais pas une enveloppe ou une espèce de ... même si tu vas au delà de ça je veux dire que tu vas au delà des espaces. Tu cherche aussi jusqu’à te demander mais en fait si je veux mettre ma vis là a un moment si j’ai déjà mis une autre plaque devant bah je pourrais plus, du coup comment je fait pour pouvoir la mettre donc en fait ça devient très pragmatique, très concret et ça te demande de concevoir différemment, du coup ça c’était un des premiers truc et c’est cette prise de conscience là qu’on a eu sur On air qu’on en était capable quoi. C’est une prise de conscience de capacités en fait et du coup à partir de là on a eu l’envie de continuer de construire des trucs. Et le projet de l’Afrique du 130

sud est venu comme une opportunité. Mais quelqu’un serait venu avec un truc qui éthiquement nous ressemblait aussi ça aurait été un truc, enfin qui aujourd’hui est un peu plus lambda, mais même en 2014 ça commençait à être déjà courant, mais l’aménagement de place en bas de bar social, un maire ou une asso serait venu nous demander ça à la sortie de l’école, surement qu’on aurait monté un truc qu’on aurait fait mais pas forcément de la même manière. C’est juste que enfin voilà je sais pas trop où je voulais en venir ... C- C’est pour ça qu’on parle aussi du master c’est parce que on a été super influencé par On air, hyper influencé même si Sylvain l’a pas fait il nous en a beaucoup entendu parlé sur 2029 avec cette approche du territoire assez précise et en fait le projet en Afrique du sud ce moment la était une forme de synthèse où on a pu confronter les deux. Passez par le temps long sur place rencontrer les habitants autour d’un projet qu’on va construire et qu’on va quand on dit construire c’est construire le financement, l’espèce d’organigramme autour du projet où on va chercher des partenaires et voilà. Est ce que vous diriez que votre engagement il était déjà présent ou c’est plutôt vos expériences et ce que vous avez d’abord fait comme projet qui ont un peu forgé une volonté de travailler avec une dimension sociale ? C- Ça dépend de chacun de nous. Moi pour ma part j’avais pas beaucoup d’engagement, enfin je viens pas d’un milieu social où il y a un engagement politique très important etc. Moi je pense ça s’est construit dans ses dernières années d’étude et au début de SAGA. C’est la prise de conscience où on se rend compte qu’en temps qu’architecte on nous a dit qu’on avait un rôle définit et à un moment quand on fait des extra missions autour de l’archi, on se rend compte qu’on a un pouvoir qui est assez fort, on peut réellement faire changer les


choses sur un petit morceau de territoire, sur un morceau de parcelle autour d’un projet et emmener des tas de gens avec nous et ça passe par l’engagement qui crée tout ça. S- Moi je pense qu’à contrario j’ai pas mal de, on va dire que j’ai quelques engagements politiques. Euhhh... Et après ça rejoint ce qu’on disait tout à l’heure évidemment qu’on en avait même si on pouvait les avoir réfléchi ou pas. Mais en tout cas on en avait mais comme tout le monde. On a tous des trucs qui nous choque. Et par rapport à ce qu’on disait au groupe précédent c’est que on ne s’en est pas rendu compte tout de suite pour le premier projet mais c’est que quand on est rentré en fait, bah déjà sur place ça s’est super bien passé et il y a des gens qui n’avait jamais foutu les pieds sur un bidonville qui sont venus avec nous car on était là car on les a emmené dedans. Du coup on s’est rendu compte qu’on a été mis en haut d’un truc mais sans s’en rendre compte non plus c’est en faisant les choses de manière très naturelle, et quand on est rentré on a été accueilli par des archi qu’on connaissait chez qui on avait fait des stages etc et en fait on a été hyper bien accueilli ici, pour la restitution de nos projets. C- On s’est rendu compte que ce qu’on avait fait avait du sens ici aussi et que soit ça allait les requestionner eux dans leurs propositions ou ça allait leur donner envie, il y avait un enthousiasme autour de ça donc on s’est dit que c’était intéressant et on a commencé à écrire sur le sujet, le projet et la méthode sur ce qu’on avait produit et construit. Donc on s’est rendu compte qu’il y avait des choses intéressantes et réplicable. Une forme de méthode qu’on pouvait répliquer sur ceux qui avait un autre projet donc c’est ce qu’on a fait une seconde fois en Afrique du sud mais qu’on pouvait répliquer ici aussi avec des aménagement à faire par rapport aux contextes réglementaires ou culturels tout bêtement mais que il y avait une petite forme de petite recette à réutiliser mais qu’on avait pas forcément conceptualisé.

S- Mais ça c’est vachement le retour en fait, c’est le fait qu’on nous propose de faire une conférence à l’école en vrai on était sortit il y a un an quoi. Donc là tu fais c’est quand même n’importe quoi. Tu reviens juste et du coup ça montre aussi que c’est un truc assez récent et qui émerge et il y a peu de retour d’expérience peut être sur ça je sais pas. C- Oui et non c’est pas si récent. Aujourd’hui il y a un retour sur ses sujets là de pas mal d’acteur mais si on regarde dans l’histoire dans les années 60, ça foisonnait de gens dans les écoles d’archi, de beaux arts, d’universités qui avait des engagement politiques très forts qui se traduisait par la concrétisation, soit en France on en Europe. Il y toujours eu une forme d’engagement et de gens qui étaient très... Après je pense qu’aujourd’hui il y a un retour c’est aussi un sujet à la mode quand on voit comment il est utilisé par des politiques avec tous les mots de participation, les collectifs bois cagette, qui sont comme ça qu’on nous appelle, qui sont des fois utilisés pour légitimer un projet c’est en train de ... C’est pas nouveau. S- Ouais mais tu vois Leroy Merlin tu peux récupérer des palettes et fabriquer ton meuble chez eux. Moi j’avais une question par rapport à ça c’est vrai que c’est un parti pris fort qui est de faire de part soi même. Et du coup par rapport à ça vous vous situez comment parce que vous expérimentez quand même vous faites par vous même et vous rapprochez ça à l’artisanat, l’architecture ou même un entre deux ? S- Bah en fait, la première fois en Afrique du sud on est allé dans un milieu où les gens bâtissent eux même leur maison avec des connaissances qui nous paraissent surnaturelles. Ils font tenir des trucs on comprend pas comment ça marche avec une culture structurelle acquise par les études d’architectes. 131


Donc en fait il y a déjà cette position genre dans laquelle tu te met. Ils travaillent qu’avec des matériaux récupérés la première fois pour des raisons économiques ont avait aucun budget donc on a fait la même chose qu’eux on a fait les poubelles des industries. Et on a construit avec des matériaux récupérés, ce qui a mis en place la construction d’une méthode de projet et on s’est rendu compte que par le fait que t’aille en pick-up dans une grosse boite et que t’aille sonner et que tu rentres dans les bureaux pour expliquer ce que tu dois faire et que le patron pour lui ça l’intéresse vachement que tu récupère ce qu’il y a dans ses bennes parce que lui derrière c’est du déchet en moins donc ça lui coûte moins cher et si en plus il peut faire passer ça comme de la donation, hors il est obligé de donner des trucs à des assos, et du coup ça rentre dans ses caisses. En fait ça sert à tout le monde et en plus ce gars là à force il devient parti prenante du projet et il se retrouve à foutre le pieds dans le tas de cheap dans lequel il aurait jamais été si on avait pas fait le lien entre les deux. Et donc du coup de s’immiscer et de se permettre de, on pense que c’est de l’architecture mais, d’aller faire les poubelles d’une boîte bah en fait même d’aller créer un événement et de réserver des light ou un truc pour faire du son en ville et d’après de le ramener dans un bidonville bah du coup le mec quand tu lui demande il est un peu stressé quoi mais en même temps ça l’intéresse. Donc tout ça pour dire que ça va plus loin qu’une question de on a envie de faire par nous même, car en Afrique du sud on s’est rendu compte que ça pouvait être un médium par lequel faire passer plein de chose, des rencontres et aussi quand on construit on peux , puisqu’on fait pas des choses techniquement impressionnantes. Enfin je veux dire c’est foutre des vis dans des bois et ça s’apprend assez vite, du coup on peut faire participer plein de gens et le chantier devient un médium dans lequel on fait entre des gens. Du coup il y a une forme d’appropriation qui se passe et cette 132

appropriation elle permet, on l’a pas pensée en fait c’est fait au début par des contraintes, et au fur et à mesure en revenant vraiment la première fois on a du faire une conférence ou des écrits etc et c’est là qu’on s’est posé et on a réfléchi à tout ça et on s’est dit mais en fait on a trouvé plein de trucs pour que ça marche, sans le vouloir. Et donc cette méthode artisanale, bah en fait on est pas artisans et c’est qu’en fait ce qu’on disait tout à l’heure moi quand je rentre la première fois je me suis demandé si j’allais pas faire une formation charpente pendant un an en alternance pour justement acquérir des connaissances techniques plus larges et après réflexion je me suis dit que ce n’était pas intéressant pour nous parce qu’en fait il vaut mieux... parce que les connaissances que j’aurais acquise en tant que charpentier, je viendrais avec des connaissances qui pourraient être aussi des contraintes de conception. Du coup je vais venir avec mes potes qui eux sont resté que pur archi et je vais leur dire non moi j’ai vu un truc, on fait jamais ça, alors que si j’avais pas fait cette formation, on l’aurait fait, on l’aurait testé et ça ce trouve, ça aurait marché et on aurait dit bon bah on part là dessus quoi. Donc en fait, et l’intérêt aussi au delà de ça, c’est que il est bon de savoir se positionner aussi. Toi tu te dis c’est bon je suis architecte, j’aime construire et bricoler, je ne suis pas artisan mais ça me permet d’expérimenter des choses qu’un artisan ou un architecte ne ferait pas. Mais ce qui est intéressant c’est que si je bute sur une question et bien je préfère chercher quelqu’un d’extérieur qui connait, le ramener à ma structure. Pas à l’intérieur forcément mais au moins de l’agréger à notre structure qu’est SAGA et de travailler avec ce mec plutôt que de me dire, parce que j’en ai pas besoin sur tout mes projets de ce gars là et il a pas envie de faire ça toute sa vie..., donc voilà c’est plus intéressant, nous on pense enfin c’est plus intéressant de ramener des connaissances existences et de faire un mix de connaissances. Un échange plutôt que


d’essayer d’avoir toutes les connaissances et de ce dire qu’on est méga fort, on peut tout faire. Mais par exemple avoir une partie des connaissances techniques vous pensez que çà vous aurez trop bridé ? S- Je sais pas si on aurait été bridé, mais on aurait ... C- On aurait peut être pas fait pareil. Après on s’entoure aussi, mais comme n’importe quel projet d’archi, on s’entoure sur des questions particulières d’ingénieurs, de gens ou d’artisan qui ont des connaissances. Et soit ça va être une aide amicale, soit une aide ... Qu’importe comment elle est formalisée mais oui sur des questions particulières, quand on ne sait pas on y va pas. Soit on se renseigne, on cherche et on trouve un moyen de pouvoir le faire. Soit on prend quelqu’un avec nous qui va pouvoir nous aider sur le sujet. Mais à chaque fois on s’entoure car on ne peut pas, c’est impossible dans une structure de pouvoir tout faire. Je pense pas que ce soit sain. Donc pour répondre plus à ta question est ce qu’on est artisans ? Non moi je pense pas car techniquement on a pas assez poussé pour être artisan et je ne pense pas que ce soit notre envie. Par contre c’est un moyen en fait. Comme l’architecture est un moyen, comme l’artisanat est un moyen, comme monter un projet est moyen c’est comment au fur et à mesure des projets qu’on a croisés, on a acquis des tas de connaissances. Sur des questions administratives, architecturales, des questions structurelles, des question j’en sais rien. Et comment tout cela devient un moyen pour rendre un projet possible et en venant tirer les ficelles et en venant s’agréger à des gens qui ont les réelles compétences pour... Alors c’est un moyen en fait. C’est aussi une envie de vouloir construire on adore ça. Mais c’est une très forte envie de vouloir construire mais c’est pas une fin en soit. C’est à dire que sur des projets, on est pas obligés de construire tout nos projets. Et on ne construit pas soit parce

que on ne veut pas, soit parce que on a pas le temps, soit parce que ce n’est pas intéressant, soit parce que c’est trop compliqué ou que sais je peu importe la raison... Mais par moment c’est un moyen. Comme le projet en Afrique du Sud, le fait de construire c’est un réel moyen car tu te retrouves sur un chantier où toi tu quittes ta position d’architecte, tu met ton habit de chantier et tu es au même niveau que tout le monde. T’es au même niveau que le mec qui est la tout les jours et qui lui est issu de la construction et dont c’est vraiment le métier que la personne qui v a juste venir sur une heure, deux heures, quelques jours pour participer au projet et là on est tous au même niveau. La seule différence c’est que nous on a conçut le projet. Du coup on a une vision globale et par contre on se passe la truelle. On fait de la pelle. On pense à rien et on est tous au même niveau et ça c’est super important car ça permet de briser toutes les barrières sociales qu’on puisse créer pour les raisons culturelles et historique d’un lieu particulier. S- Mais aussi par rapport à ça, c’est plus par rapport au social. Mais en gros pour en revenir à la question de médium, on aurait pu être autre chose que archi, je sais pas on aurait pu être peintre, écrivain ou maçon ou j’en sais rien, enfin peut importe. C’est très limité autour de l’archi ce que je raconte. Mais en fait c’est un médium quoi, c’est à dire qu’on utilise l’architecture quoi. En fait on a envie de travailler pour des projets qui peuvent être sociaux et après, nous on le fait à travers l’architecture car on aime ça mais on aurait aimé faire des chansons, bah on aurait peut être fait des chansons sociales. Enfin j’en sais rien, mais tu vois on aurait fait des concerts à une prise CGT d’une usine ou je n’en sais rien, mais tu vois un truc comme ça quoi. Mais l’architecture c’est pas la fin, c’est pas le but. C- C’est un prétexte à un moment à agir ensemble et réunir des gens autour d’un projet. Et quand on fait ça, c’est là qu’on 133


dépasse notre mission de l’architecte pur qui est de la maîtrise d’oeuvre, là où on le fait sous une forme de contrainte. Car pour les heures de projet, il faut dépasser sa condition, sinon il y a pas grand chose qui se passe quoi et aussi car on a envie de le faire mais c’est à la réunion de deux choses quoi... S- C’est un peu en vrac ce qu’on raconte mais ... Mais vous ne pensez pas que l’architecture c’est un message aussi ? Ok c’est un médium mais c’est peut être aussi une fin en soi ? S- Ça c’est des questions qu’on a aussi en interne. En fin un collectif c’est avant tout des individus, mais on a aussi des visions différentes sur plein de questions. Je sais que Pierre à mon avis il serait plus d’accord sur une fin en soit dans l’architecture, à la manière d’une oeuvre d’art. Dans l’idée de créer quelque chose d’arriver à la fin et de dire j’ai fait ça quoi. Euhh... Moi personnellement je ne pense pas, car moi ce que j’adore c’est que par exemple sur le deuxième bâtiment qu’on a fait en Afrique du Sud ils ont tout retapé en fait. En trois mois ils avaient repeint les poteaux, alors que c’était le détail architectural qu’on avait essayé de faire,mais en fait c’est déjà pour un architecte une réussite car ça veut dire que justement t’as pas fait un truc fini, genre complètement stérile dans laquelle la personne ne peut rien faire. Et peut importe, tu peux avoir une chambre standard, il n’empêche que derrière des gens vont faire des aménagements, chacun de leur type et même si l’archi à la base il a fait la structure la plus standardisée du monde quoi. Mais il y a quand même une appropriation, donc c’est une forme de réussite je pense. C’est que le logement est bien fait finalement puisque les gens se l’approprie assez rapidement. Donc moi je vois plus ça comme ça... Je vois plus le fait de créer quelque chose comme un truc sur lequel s’appuyer. Un outil pour ensuite 134

pouvoir faire quelque chose quoi. C- C’est pas parce qu’on dit que l’architecture n’est qu’un prétexte qu’il faut ne le réduire qu’à ça. Il faut toujours être très exigent sur l’architecture et que ça ne nous dédouane pas de faire les choses bien, au contraire. C’est juste que c’est pas une fin en soit de faire un bâtiment avec une certaine esthétique qui va être primée comme ci, comme ça ou qui va ... Non l’important c’est plus le symbole qu’il transmet. Qu est ce qu’un projet qui à un moment va embarque avec lui à un moment 150 personnes d’univers sociaux et culturel, ethnique et de langages diverse et qu’est ce qu’il raconte à un moment d’une histoire sur un morceau de territoire. Ça c’est génial ... C’est une histoire. Comment l’architecture et après comment par une envie à la base, par exemple sur les crèches, d’une dame qui a son engagement de vouloir avoir une crèche pour éduquer les gamins de son quartier, comment l’architecture vient transformer ça aussi parce que, elle ce qu’elle nous a donné, nous on a eu une vision, on a discuté ensemble, on a modifié certain trucs pour essayer d’emmener le projet plus loin quoi ... Et c’est ça qui créer de l’architecture. C’est pas juste un dessin, une façade... Même si il faut le faire très bien. Et depuis que vous êtes sur Nantes, vous travaillez sur quels types de projets ? S- Alors à Nantes on a différents types de projets. En France on a travaillé soit de manière, alors soit pour de la commande de particuliers. C’est des connaissances en fait , du travail de façade par exemple. C- C’est peut être plus lié à la question de l’artisanat et de l’expérimentation, c’est un moment il y a eu une chose qui a été une envie de faire une façade végétalisée, de faire une façade en filet de camouflage, de faire une structure en grille etc Et la c’est plus le côté, là le sujet il est pas social, par


contre on est comme des gamins et on a envie de faire un objet quoi. Et du coup d’apprendre aussi une technique qu’on ne connaissait pas etc pour un client privé en l’occurrence. Ça on le fait. C’est pas ce qu’on veut faire toute notre vie mais ça permet de rentrer des sous et de s’éclater sur un projet avec juste la contrainte, il y a toujours des contraintes sur un projet mais avec aussi des fois un budget un peu plus confortable etc... S- En fait ça retire la contrainte économique d’un projet. Mais je veux dire t’a une mission t’es payé pour faire, alors que quand on est sur un projet très social bah t’as une mission plus large et du coup tes économies tu va les chercher de manière beaucoup plus large d’où la récupération et tout le travail d’expérimentation. Après l’expérimentation on adore ça au niveau des matériaux. Et pour revenir aussi sur la question de l’artisanat, tout ce qu’on a fait en France de manière, genre ... Une façade ou je sais pas un aménagement ou je n’en sais rien, on utilise des matériaux en fait et si on le fait c’est parce que on a trouvé aucun artisan pour le faire. Et c’est qu’on sait qu’on va le faire car aucun artisan ne peut le faire ou ne veut le faire. C’est là où on revient à ce qu’on disait tout à l’heure c’est que l’asso elle se monte aussi en même temps que les personnes quoi. Donc tu modules ta structure en fonction de tes envies, de ce que tu as envie de faire, tu cherche des assurances pour pouvoir faire ça, tu veux une assurance mais pas celle là parce que tu voudras jamais t’engager là dedans, donc voilà... C- Et pour les projets, il y a des projets qui sont plus artistiques, on a répondu à des résidences artistiques notamment à Dunkerque où on a fait une résidence là bas et pour le coup ça se rapproche plus des sujets sur lesquels on bosse et en utilisant un médium différent qu’est celui du médium artistique, comment est ce qu’on vient questionner un territoire, faire participer les gens sur un projet qui était presque une forme

d’utopie sur un bout du port, mais finalement sur le même processus avec, c’est le même sujet qui nous anime avec un médium différent. Et les autres projets qu’on connaissait un peu plus qui sont autour de l’hébergement des exilés et sur la manière d’ou c’est agrégé sur les projets c’est à la base un engagement , là c’est plutôt Sylvain et Pierre sur un engagement personnel où ils ont passé un temps fou à aller à des réunions, en gros à être présents dans des endroits avec des gens qui sont engagés au quotidien sur ses sujets là sans avoir l’envie particulière que SAGA soit engagée sur un projet de construction comme ça, mais ça c’est fait au fur et à mesure et au fil des rencontres et discussions, les gens se rendent comptent qu’on est architectes et qu’on a aussi quelque chose à amener. Au début c’était une petite aide, un petit projet. Amener des chiottes dans un endroit, faire une douche. Et puis de ça on a amené trois prémices de projets et comme on était dans ce milieu là, on a fait appel à nous. Et c’était quasiment une commande d’archi classique, de rénovation d’une maison pour en faire un centre d’hébergement. E d’autres projets un peu comme celui des Baroni où là c’est une commande qui se créée avec les usagers et les gens du collectif, on se dit ensemble il y a un endroit et puis vous les gars vous pouvez le faire ? Oui ok , il vous faut combien de thune ? On construit la commande, le projet, le montage en même temps qu’eux. Et la on a une approche différente. C’est qu’on ne répond pas que, même si sur tout nos projets l’enjeu est le même, c’est à dire d’héberger des gens qui n’ont pas de droits, ou d’endroits pour dormir. Mais on y répond par des schémas qui sont différents quoi. Ça passe par une commande ferme, d’autre par un montage de projet, là où en fait SAGA se place en co-monteur de projet, pas en temps que maître d’oeuvre. Justement au sein de SAGA comment est ce que vous travaillez ? Lors de la conception, du suivi de chantier ? Vous 135


êtes toujours ensemble ou pas ? S- Non pas toujours, majoritairement sur les projets on travaille ensemble, au moins sur la conception. C- Pas toujours mais dans l’absolu ce qu’on aimerait faire et qui est difficile c’est de se dire au moins la conception du projet elle est faite à trois, au moins elle est discutée bien sur et après il y en a que un ou deux qui sont derrière un ordi à dessiner. Mais au moins les grosses grosses bases du projet sont discutées largement à trois. Je dis trois car en ce moment on est trois...Et après c’est comme une organisation classique même vous en groupe de projet etc ... A un moment chacun prend une couleur différente en fonction du projet. Un sur le suivit, un sur la construction, un sur la conception, la relation, etc ... C’est compliqué car on a l’envie de toujours bosser ensemble car on est aussi 4 potes à la base. Après c’est pas toujours possible. S- On a toujours envie de tout faire aussi ... Du coup on s’épuise un peu. Au début comme tout le monde voulait tout faire en fait tu t’épuises car tu refais ce que l’autre à déjà fait mais t’as envie de le faire aussi du coup tu fais quand même. Donc en fait on s’est assez vite épuisé. Après on est passés par des phases où quasiment on travaillait pas dans notre coin, mais on était un peu moins tous ensemble et puis en fait ça marche pas très bien et puis là on est en train de revenir dans des projets où chacun participe un petit peu. En fait ça dépend vachement de chacun, moi je sais qu’il y a des trucs qui ne m’intéressent absolument pas. Après il y a des trucs où j’ai absolument envie de travailler. Des phases où tu essayes de faire ça mais en même temps, il y a des trucs que personne n’a envie de faire mais faut bien qu’il y ait quelqu’un qui le fasse. Et voilà du coup il faut quand même se faire des choses, il faut que ce soit équilibré. Par exemple si Camille se tape la compta. Pur exemple comme ça pris au hasard, et 136

bah toi il faut que du coup tu fasses du chantier sur des trucs chiants que personne n’a envie de faire quoi. Mais après on essaye déjà en phase conception même quand tu vois après qu’on en arrive à la phase ou tu détailles un projet. Qu’on en arrive à la phase juste avant la construction, faut au moins que ça soit passé par une ou deux mains quoi. Après on a des projets perso de notre côté et ça c’est l’affaire de chacun. Chacun fait ce qu’il a envie à côté. C- Mais pour finir sur ta question, sur des projets si des fois c’est pour des raisons X ou Y on n’arrive pas à travailler ensemble, on essaye de faire en sorte c’est que tout le monde soit au courant du projet. Si les projets tournent par contre, c’est à dire que si sur une phase Sylvain il va être là plus au début et après ce sera plus moi qui serait là et présent sur le projet pour une raison de calendrier. Même si on est pas complètement à 3 ensemble, il y a de fortes chances que du début à la fin il soit passé de main en main et ça c’est assez chouette par contre. Des fois c’est une perte temps sur le projet car tu le redessines et tu le remoulines , ce qui est peut être une perte de temps mais ce qui est aussi souvent intéressant car c’est une forme de regard extérieur qui vient se mettre sur un projet. Donc c’est comment on fait en sorte que le projet , que tout le monde soit suffisamment au courant d’un projet, c’est des méthodes qu’on a pas encore mis en place mais qui pourraient être mises en place un jour, comment on fait en sorte que tout le monde soit suffisamment au courant d’un projet pour qu’il puisse sans cesses tourner de mais sans non plus que chacun soit assigné à une tâche. On va pas se dire Pierre il fait que les volets de conception, Sylvain les suivit de chantier et moi je ferai que l’appel d’offre par exemple. Personne n’est assigné à une tâche précise. Question un peu plus large, pour reprendre un peu plus sur la conception. Est ce que vous pensez qu’il y a plus d’intérêts à


travailler à plusieurs et si oui , bah pourquoi ? S- Je pense que c’est pareil ça dépend de chacun ... En fait ça a ses avantages et ses inconvénients. Si tu travailles à plusieurs bah t’acceptes que tu sois pas libre à 100 % sur ce que t’es en train de dessiner et décider. Ça veut dire que toi tu peux dessiner ça, mais ça va être remis face au collectif et être requestionné. Don c’est intéressant. Moi je pense que ça dépend des personnalités. Moi ma personnalité je pense qu’elle est meilleure en collectif que seule. En tant qu’architecte je pense que je suis plus performant à plusieurs, à discuter avec les personnes avec lesquelles je travaille. Mais après je sais que j’ai des copains qui sont archi en auto, qui ont monté leur agence et en fait c’est une forme hyper intéressante de se dire que le mec il fait l’équivalent de ce que nous on fait à 4 pour ses projets en fait. Il fait toute la compta jusqu’à l’achèvement des travaux. Et il fait tout ça tout seul. Donc il apprend vachement plus vite que nous au sein d’un collectif, si on ne faisait que du collectif. Après les gars font de l’archi un peu plus classique. Faire une extension, une maison, un truc comme ça quoi. Mais voilà ça dépend de chacun quoi. Moi je sais qu’il y a des fois j’envie les potes qui sont tout seul, t’as une liberté qui est d’autant plus grande dans le sens où tu peux travailler avec des gens, enfin d’autres structures. Ca veut dire que pour un projet tu vas t’allier à quelqu’un, puis sur un autre sujet tu vas t’allier à une autre structure. Et puis du coup la richesse que t’emmagasines est d’autant plus grande car c’est toi personnellement qui fait la démarche. Alors que quand t’es un collectif et que tu travailles avec d’autres gens, bah bien sur la rencontre est moins forte car tu es dilué dans un collectif et donc du coup, et même si ça amène des choses géniales, mais ouais je pense que tu as un peu moins ce choix là. C- Dans tous les cas, c’est quand même assez rare les archis

qui bossent tout seuls, en vrai sur la plupart des projets, il y a toujours une forme d’équipe. Les gens travaillent toujours en équipe. Après on veut y mettre derrière, nous c’est pourquoi on est un collectif aussi, un niveau horizontal, on a une approche différente du projet où chacun a son mot à dire théoriquement sur chaque projet. Après travailler seul j’en vois pas l’intérêt. Je préfère travailler en collectif, mais sous la forme que Sylvain vient de décrire et je suis seul et je fais appel à des gens, mais dans tous les cas je pense que travailler seul ce n’est pas du tout enrichissant quoi. Et après qu’est ce que je voulais dire ? S- Vous avez des questions peut être ? Car là on tergiverse un peu beaucoup Il y en a une aussi vous bossez beaucoup en France et en Afrique du Sud mais vous avez bossé ailleurs géographiquement ? Pour d’autres ? C/S- Non ... Et le futur, après ? Comment vous voyez SAGA ? Ça va sur du long terme ? Vous avez une vision d’avenir dans le collectif ? C- Bah on est pas allé plus fort en projection je pense. Donc je sais pas ce qu’on aura dans 2,3,4 ans, mais en tout cas la volonté de chacun, au début SAGA on l’a créée sur une forme de malentendu, on se retrouve autour d’un projet on ne sait pas trop ou est ce qu’on allait. Là pour le coup, on a une idée précise de ce qu’on veut faire. On sait les projets sur lesquels on veut bosser et on a envie de montrer que les architectes peuvent s’investir sur des projets à un niveau différent. On veut l’assumer mais après combien de temps ça va tenir, combien de temps on va continuer. Moi en tout cas mon but c’est pas de me dire, moi je reste à SAGA pendant 2 ans puis au bout de 2 ans j’ai fait mes armes j’ai un petit nom et je 137


monte ma boîte et puis je fais des projets ... Non non non non, c’est trop ennuyeux. S- En gros notre structure permet d’aller travailler là où en gros architecte dans une structure commerciale ça te bride plus vite car économiquement tu as beaucoup plus de chose à rendre que dans une association, t’es beaucoup moins libre au niveau du temps de travail,etc , non rémunéré. En association tu peux être bénévole. Dans une société c’est difficile de faire comprendre que tu bosses gratuitement. Sauf quand tu es le patron. Donc en fait il y a ses questions là et nous on a choisit cette structure aussi parce qu’on à pris conscience qu’une société commerciale ne nous permettait plus d’aller là où on veut travailler. Donc en fait cette structure associative elle nous permet d’aller travailler dans des lieux où on peut faire des demandes de subventions se retrouver à l’autre bout du monde, travailler pendant 8 mois et puis revenir et repartir dans un an et y passer largement plus que 8 mois. Puisque en préparation tu as passé 6 mois ici à remplir les dossiers de demandes de subventions, aller démarcher les gens, tout ça pour aller construire un truc pendant 8 mois et ça c’est beaucoup plus difficile sans contreparties. Enfin les contreparties seraient beaucoup plus grandes dans une société commerciale. Donc en fait on est pas du tout... nous ce qu’on dit tout le temps c’est qu’on essaye d’être complémentaires, on fait partie du monde de l’archi, mais on a réussi à se positionner là où les archis ne peuvent plus. Et le but c’est de continuer de travailler là. Le futur idéal serait que déjà une association puisse faire de la maîtrise d’oeuvre, et qu’elle soit reconnue comme telle. Et qu’en fait il n’y ait plus l’archi qui doive faire du commercial pour vivre et faire de l’archi, et nous qui soyons à côté dans une autre forme de structure. Le mieux c’est qu’un archi puisse tout faire, soit en capacité économique et n’ai pas des fois à se vendre parce que la structure commerciale le tient par là quoi... 138

C- Une des autres visions, c’est que vu qu’aujourd’hui on est pas, l’ordre des architectes nous refuse qu’on soit maître d’oeuvre en temps qu’association, ça ça pourrait être un combat, c’est pas trop un combat qu’on mène car on a pas envie d’être dans ses instances là, mais c’est un combat qu’on a mené dans nos mémoires de HMO, mais c’est ce qu’on pourrait essayer de mener pour défendre la vision qu’on a de l’architecture et qui est au service de l’intérêt général et la meilleure structure qui répond à cet objectif selon nous c’est l’association à but non lucratif. On a envie de rester architecte dans une structure comme ça. Aujourd’hui ce n’est pas possible. Et vous menez chacun individuellement des projets. Tout à l’heure vous évoquiez que chacun ... S- Ça dépend ouais, on doit soit pour des raisons économiques et personnelles ou pour des raisons de volonté aussi, de travailler de manière plus classique dans l’architecture. Donc oui il y en a qui on travaillé. Ça prenait beaucoup de temps par rapport à l’engagement que vous aviez sur l’asso ? S- Ca peut prendre jusqu’à 50 % de notre temps. C- C’est qu’on a un autre truc dans notre fonctionnement aussi, ça ne se traduit pas forcément en terme d’heure à chaque fois passées par mois, mais on s’est dit aussi il y a 1an, 1an et demi que SAGA soit, en fait qu’on ait un temps plein sur SAGA. Pour des raisons économiques. On ne peut pas se payer un temps plein chacun et ensuite parce que le risque de faire ça c’est d’arriver dans une forme de modèle où il faut engranger du projet pour pouvoir payer les charges et les salaires à un niveau assez important et du coup on préfère


se dire SAGA assure un 50% et on a des à côtés, comme enseignant à l’école d’archi, indépendant, sur des projets d’architectures, de graphisme. Peu importe, mais l’idée c’est de plutôt d’avoir une semaine divisée en plusieurs activitées et SAGA c’est notre vie aussi, c’est nos engagements, notre vision etc ... Mais pour qu’elle puisse durer le plus longtemps, il faut qu’elle ait aussi une forme de souplesse économique et ça passe notamment par le fait de pas être à temps plein et je pense que de toute façon c’est hyper important, même pour l’esprit de pas toujours faire que ça. Et pourquoi SAGA ? C- C’est marqué sur notre site, SAGA ça vient d’un mot islandais qui veut dire récit. C’est une histoire par petits bouts, par fragments. S- C’est Star Wars en fait. C’est des petites histoires qui mises bout à bout forment une grande histoire. C- C’était différents récits mis bout à bout, historique et en fait ils racontaient les royautées etc ... La vie d’un roi et ils descendaient au fur et à mesure et du coup ça s’appelait une saga et c’est plein de récits écrits à différentes mains et qui arrivent à une histoire quoi. S- C’est aussi un mot qui est présent dans beaucoup, beaucoup de langues du monde. C’est quasiment international. Il peut se prononcer différemment et s’écrit de façon relativement proche. Il y a une notion d’universel aussi. Qu’est ce que le social change dans la pratique du métier ? Si vous avez travaillé dans une agence normale on va dire est ce que c’est plus de temps passé dans la conception. Ca change quoi en fait ? S- Nous on ne travaille pas de manière classique. On ne mène

pas un projet de manière classique comme une agence, car on ne fait pas exactement le même boulot. Ce qu’on aime à dire c’est qu’on serait incapable de mener un boulot d’agence classique. Moi tu me file 130 logements à faire, je suis incapable de répondre à ça non pas que je n’ai pas envie mais parce que j’ai pas appris quoi. Je sais pas si c’est bien que je vous dises ça. Je suis capable de travailler pour quelqu’un qui me demande ça, une agence quoi. Mais si tu me demandais demain de le faire en temps qu’agence, bah j’ai pas appris à faire ça. Donc c’est un peu difficile de se comparer à un projet classique car on a pas fait de social dans les projets classiques mais après dans nos projets on met beaucoup plus de temps, ça demande un engagement énorme. Ca pourrait être une bonne question et il faudrait demander à Maëlle et son agence qui répond beaucoup à des concours sur du social et c’est aussi une de leur volonté. Je trouve ça intéressant de voir un petit peu et ils pourraient t’expliquer la différence entre travailler pour un bailleur social et travailler pour un promoteur privé qui va revendre 15% en social. Il y a pas trop de différences entre faire une façade ou une crèche en Afrique du sud, dans la méthode on va dire ? C- C’est pas la même portée on va dire, forcément c’est pas du tout pareil. Quand tu travailles pour un particulier ou quand tu travaille pour un projet d’intérêt général ça n’a pas la même portée, donc tes engagements ne sont pas au même endroit. Quand tu va travailler pour faire une façade, l’engagement il sera sur une forme de défi technique ou pour toi même. Quand c’est un projet social c’est pas du tout le même enjeux donc du coup le projet il est aussi plus grand par le symbole qu’il revêt . Et pour la méthode de travail même si sur chaque projet il faut prendre en compte le contexte. Il faut encore plus comprendre les gens pour qui tu travailles, qu’elles sont leur 139


conditions de vies etc ... Une forme d’acclimatation au sujet il est beaucoup plus long du coup. C’est toujours des schémas hyper-complexe d’acteurs, de trucs pour être sûr de pouvoir agir au meilleur niveau, il faut comprendre tout ça. Tu vas pas tout utiliser en temps qu’architecte et pour toi comprendre où est ta place dans ce schéma la. Donc ça forcément c’est plus compliqué car quand tu travailles juste pour un particulier, il y a un projet entre vous deux donc c’est assez simple, dans les relations en tout cas. Quand t’es sur un projet, la par exemple pour les migrants, il y a tellement de gens impliqués dedans que ça prend beaucoup de temps. S- Faire la façade d’un atelier en filet de camouflage l’impact il sera sur les passants, le futur usager on va pas changer les règles du PLU quoi, ni une forme de politique alors que c’est plus une envie en fait. C- C’est pas un combat quoi; S- Ca revient à ce qu’on disait tout à l’heure on est de gamins et des fois on a juste envie de se marrer et ça fait du bien de se dire j’ai le droit de ... Faut pas s’interdire de se faire plaisir sinon à un moment tu pètes un plomb et traiter que des questions hyper difficiles, hyper sociales, il y en a qui y arrive mais je pense que nous on est tous incapables. Enfin il nous faut des moments, tu fais une scénographie, tu fais un truc c’est pour un artiste, les futures personnes qui vont passer dans le lieu, enfin voilà tu te fais plaisir , à l’artiste et aux gens qui vont visiter le lieu. Et c’est tout, mais en fait c’est déjà pas mal. Sur le social c’est un engagement plus fort et c’est beaucoup plus repris derrière. Tu sais que derrière politiquement ça peut être repris, en Afrique du Sud il y a toujours un maire du Townchip en disant que c’est grâce à lui. Mais en réalité ce type là tu l’as jamais vu de ta vie pendant le projet. Il t’as jamais rien aidé en quoi que ce soit. Mais il t’as juste laissé faire. En fait il a participé au truc et c’est là où c’est ... Enfin c’est des questions plus profondes et tu marches vraiment sur des oeufs. Quand 140

on est revenus la première fois on s’est accueillir à bras ouvert par des archis avec qui on a bossé etc et c’est un peu une chance quoi. Enfin je veux dire qu’on aurait pu complètement se vautrer et tout le monde nous aurait dit c’est quoi ses vieux Blancs qui vont aider les petits Noirs. Ca aurait pu aussi être très très mal pris, mais ça dépend de ta démarche et de ta posture, si nous on était des gros nigaud complètement naïfs la bas la première fois, bah du coup ça fait que ça marche quoi. Par contre si t’y va en te disant c’est comme ça qu’il faut que tu fasses, bah ça ne marche pas on en tout cas très rarement. C- Et sur la différence entre un projet social et un projet plus classique, je pense que vous la verrez d’ailleurs mais sur le projet 5 ponts des Eaux vives qui va être fait sur l’île de Nantes pour l’hébergement des sans abris, c’est Tetrarc qui fait ce projet et sur la question de la compréhension du contexte, ils ont passé un temps incroyable à rencontrer les acteurs, à rencontrer les futurs usagers, etc pour comprendre ce qu’ils allaient faire. En plus ils ont modifié le programme et c’est hyper intéressant le projet, enfin ils ont contribué à la modification du programme pour le rendre, on l’espère le projet plus intéressant. Mais en fait ce sont les projets et les situations qui nous amènent à réfléchir sur un projet différemment. Des fois ce sont des choses qui sont moins écrites car elles sont plus expérimentales et que c’est une structure qui a envie de créer de nouveaux trucs. Qui va se dire tiens on va faire du logement et en même temps un restaurant social et en même temps de l’hébergement social, et en même temps de l’hébergement pérenne. Donc du coup si à un moment il y a pas une grosse discussion qui se passe entre ceux qui vont concevoir, ceux qui vont gérer, ceux qui vont le vivre ça ne marche pas quoi. Comme c’est des projets qui sont un peu écrit car ils n’existent pas dans l’absolu ou très peu. Il faut les définir. Ce temps de préconception il est très très long et ça


je pense que .... Mais comme un projet où t’es convaincu du bien fondé du projet tu y passe un temps fou mais parce que ça correspond à tes engagements, à ta vision du métier quoi. S- Et puis ça ne t’empêche pas si ça se trouve de te vautrer complètement quoi. Un jour on fera un truc il sera complètement laissé à l’abandon ou démoli dans les mois suivants pour récupérer les matériaux parce que ça n’aura pas marché. C’est une prise de risque qu’il faut prendre aussi, mais je pense que forcément il y a un jour où tu te plantes. Enfin ça ne fait que 4 ans qu’on a commencé ,enfin 5 ans. Tout le monde se craque un jour et ce jour la tu passes une semaine sous ta couette et tu repars et tu te dis bah en fait peut être qu’on s’est trompé et ça t’aide à faire mieux la prochaine fois. C- Seul problème quand tu te craques dans une position comme ça c’est que ça fait très mal. Où tu défends des valeurs etc avec une forme de critique de ce qu’il se passe de manière de l’architecture aujourd’hui bah là du coup t’as pas vraiment le droit à l’erreur car le jour ou tu te vautre tout le monde te tombe dessus quoi en te disant vous avez vu ses enculés, ils ont des beaux idéaux, ils crient sur tous les toits de faire comme ci comme ça et là ils se sont vautrés complètement et t’as pas le droit à l’erreur quoi. S- Je crois que c’est l’heure ? Ouais on a même dépassé un peu je crois

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ALETRIBY Saif • BERNARD Laurenn • DUBOIS Hugo • HEGY Marie • PAONNE Romain • POINEN Jean-Paul

«Les architectes- artisans étudiés dans ce volume sont des architectes ayant choisi la voie d’un métier artisanal au cours de leur carrière. Ce choix, lourd de conséquences sur leur organisation du travail et leur vie personnelle, questionne, à l’heure de la technicisation du métier d’architecte et d’un engouement pour le «fait soi-même». L’architecte-artisan peut-il dès lors être maître de tout ? LES MONDES DE L’ARCHITECTURE - MAI 2019


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