Vous avez la réputation d’être l’acteur le plus cool d’Hollywood. Est-il vrai que c’est le réalisateur Bernardo Bertolucci qui vous a initié au bouddhisme ? Bernardo m’avait remarqué dans « My Own Private Idaho ». Je ne connaissais alors rien au bouddhisme. Ma famille n’est pas chrétienne. Ma mère est anglaise et ne s’intéresse pas à l’Église, nous n’avons pas baigné dans la culture religieuse occidentale. Quand j’étais enfant, je me posais beaucoup de questions sur Dieu. À un tel point que j’ai fini par étudier la Bible. J’ai rencontré Bernardo dans un hôtel à New-York. Il voulait m’expliquer l’histoire de son film : The Little Buddha. Il m’a parlé des lamas qu’il avait vus, du fait qu’il n’était pas religieux à l’origine et que ses rencontres avec des bouddhistes l’avaient directement influencé. Je me suis mis à pleurer pendant qu’il me racontait son histoire, j’étais extrêmement ému et très heureux qu’il me partage cet instant de vie. Son récit était doux et émouvant : j’étais touché parce qu’il était touché. Quand je tournais « Much Ado About Nothing » en Italie, j’ai eu la chance de croiser Brian Blessed. C’est lui qui m’a appris la méditation. Brian Blessed est un acteur qui a escaladé le mont Everest, et je me sentais tellement à l’aise en sa présence que j’ai voulu l’interroger sur le dharma, la vérité. À partir de quel moment avez-vous ressenti le besoin de plonger dans cette religion qui parle de bien-être intérieur et de résilience ? J’ai commencé à lire des livres à ce sujet alors que je tournais encore « Much Ado About Nothing », et je me suis mis à pratiquer les différentes postures. J’ai d’abord fait l’apprentissage des nobles vérités : la souffrance, la cause de la souffrance, le chemin qui mène à la souffrance et à la sensation de souffrance. Les bouddhistes ne croient pas au « sujet individuel ». Le « je » - ce que nous appelons l’ego en Occident, n’existe pas. Quand j’étais au Népal pour des retouches de costume, j’ai rencontré un maître Rimpoche, un adepte bouddhiste, qui travaillait avec Bernardo. J’ai fait quelques séances individuelles avec lui, nous avons médité et abordé de la notion de « moi » ; il est important de l’assimiler et de s’intéresser ensuite à des aspects plus subtils, pour s’orienter vers la compassion, la sagesse et la gaieté. J’ai traversé des choses terrifiantes quand j’ai commencé à travailler avec le Rimpoche et à gérer mon rapport à la subjectivité : c’est douloureux d’abandonner cette notion du « je ». Le Rimpoche m’a dit un jour de ne pas le croire sur parole. Il faut faire l’expérience soimême, s’y confronter. C’est la force du bouddhisme. Comment le bouddhisme a-t-il influencé ton métier d’acteur ? Ça fait maintenant vingt ans que je m’entraîne pour être le meilleur acteur possible. Je m’observe, je questionne à chaque instant ce que je ressens, j’étudie les expressions corporelles, j’essaie de saisir au mieux les conséquences émotionnelles et intellectuelles de mes relations. Et ça m’aide. C’est très thérapeutique, en un sens. Une manière de se forger l’esprit.
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H OW TO S PA M AG A Z I N E
You are reputed to be the coolest actor in Hollywood. Is it true that it was director Bernardo Bertolucci who introduced you to Buddhism? Bernardo noticed me in “My Own Private Idaho”. I knew nothing about Buddhism back then. My family isn’t Christian. My mother is English and has no interest in the church, so we were never exposed to Western religious culture. When I was little, I had a lot of questions about God, and so I ended up studying the Bible. I met Bernardo in a hotel in New York. He wanted to explain to me the story of his film, “The Little Buddha”. He told me about the lamas he had seen, how he was not originally religious and how his encounters with Buddhists had directly influenced him. I started to cry as he told me his story, I was extremely moved and very happy that he was sharing this moment of life with me. His story was sweet and moving: I was touched because he was touched. When I was shooting “Much Ado About Nothing” in Italy, I was lucky enough to run into Brian Blessed, who taught me meditation. Brian Blessed is an actor who has climbed Mount Everest, and I felt so comfortable in his presence that I wanted to ask him about dharma, the universal truth. When did you feel the need to delve into this religion that teaches about inner well-being and resilience? I started reading books about it while I was still shooting “Much Ado About Nothing”, and I started practising the different postures. I first learned the noble truths: suffering, the cause of suffering, the path to suffering and the feeling of suffering. Buddhists do not believe in the “individual self”. The “I” - what we call the ego in the West - does not exist. When I was in Nepal for some costume alterations, I met a Rinpoche master, a Buddhist devotee, who was working with Bernardo. I did some one-on-one sessions with him, we meditated and talked about the notion of “self”; it’s important to assimilate it and then look at the more subtle aspects, to move towards compassion, wisdom and joy. I went through some terrifying things when I started working with the Rinpoche and dealing with my relationship to subjectivity: it’s painful to give up this notion of “I”. The Rinpoche once told me not to take his word for it. You have to experience it yourself, confront it. That’s the strength of Buddhism. How has Buddhism influenced your work as an actor? I have been training for twenty years now to be the best actor I can be. I observe myself, I constantly question my feelings, I study my body expressions, I try to grasp the emotional and intellectual consequences of my relationships. And that helps. It’s very therapeutic, in a way, it’s a way of training your mind.
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