Le début d’un nouveau chapitre

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Cahier thématique de Hochparterre, juin 2021

Le début d’un nouveau chapitre Le CEVA relie les lignes ferroviaires de la région de Genève au réseau Léman Express. Durant les prochaines décennies, cette nouvelle infrastructure va exercer une influence déterminante sur l’aire urbaine.

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La gare d’Annemasse, terminus ouest de la nouvelle ligne CEVA.

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Éditorial

Sommaire

4 Objectifs communs Entretien avec la directrice de la planification et point de vue d’un élu politique.

8 Architecture de lumière en sous-sol Les cinq gares de la nouvelle ligne ferroviaire CEVA.

16 Le Léman Express d’un coup d’œil Le nouveau réseau RER dans le plan de Genève et de sa région.

18 Une série de projets Ouvrages et projets le long du Léman Express.

24 Si proche du monde, si loin de ses voisins L’histoire complexe de la région frontalière genevoise.

2 8 Un accélérateur de projets L’impact du Léman Express sur le marché immobilier.

30 Du tram hippomobile au Léman Express Les origines du RER genevois.

Rome ne s’est pas faite en un jour Le CEVA non plus. En 1912, la Confédération et le canton de Genève signaient une convention prévoyant l’établissement d’une ligne ferroviaire entre les gares de Cornavin et des Eaux-Vives. Celle-ci devait assurer la connexion entre le réseau de chemins de fer suisse et le réseau français au sud-est de Genève. La France et la Suisse avaient passé un accord en ce sens trois ans auparavant. Il fallut néanmoins patienter plus d’un siècle avant que ne soit inauguré, en décembre 2019, le tronçon Cornavin – EauxVives – Annemasse ( CEVA ). Pour la ville de Genève, où la voiture est reine, ce fut une étape majeure dans le développement des transports publics. Au cours des vingt dernières années, le canton a également étendu le réseau de tramway au-delà de la frontière. Aujourd’hui, le CEVA comble une lacune à un niveau supérieur en structurant les différentes lignes en un seul réseau, le Léman Express. C’est ainsi qu’a été baptisé le RER genevois qui, via Genève, relie Coppet, dans le canton de Vaud, à Annecy, Évian-lesBains, Bellegarde et Saint-Gervais-les-Bains, en France. À l’autre bout, il permet également de desservir Lausanne. Il y a environ trente ans, le RER de Zurich entrait en service. Les répercussions sur le développement urbain et sur la circulation ont été spectaculaires. Genève ouvre aujourd’hui un nouveau chapitre de son histoire. Dans vingt ou trente ans, les Genevoises et les Genevois aussi n’en reviendront pas de constater combien le Léman Express aura modifié et façonné leur environnement quotidien. Ce cahier part à la rencontre de la nouvelle liaison ferroviaire et de ses gares impressionnantes. Il retrace son histoire et présente les premiers ouvrages et les projets qui s’inscrivent dans la ligne directe du CEVA. Christian Dupessey, maire d’Annemasse, situe le RER dans le ­contexte politique, tandis qu’Ariane Widmer, directrice de la planification du canton de Genève, met en lumière les aspects de sa conception. Une contribution analyse les conséquences du projet sur le marché immobilier des deux côtés de la frontière, une autre la relation de Genève à sa périphérie. Ce cahier est illustré par la photographe ­Sandra Pointet de Carouge qui a mis en scène la ligne ferroviaire et son environnement en une série de clichés marquants.  Werner Huber, Hervé Froidevaux, Julien Thiney

Impressum Édition  Hochparterre AG  Adresses  Ausstellungsstrasse 25, CH - 8005 Zürich, Téléphone + 41 44 444 28 88, www.hochparterre.ch, verlag @ hochparterre.ch, redaktion @ hochparterre.ch  Éditeur  Köbi Gantenbein  Direction  Andres Herzog, Werner Huber, Agnes Schmid  Directrice des éditions  Susanne von Arx  Conception et rédaction  Werner Huber  Photographie  Sandra Pointet, www.localf11.ch  Conception graphique  Antje Reineck  Mise en pages  Juliane Wollensack  Production  Linda Malzacher  Traduction  Weiss Traductions Genossenschaft  Lithographie  Team media, Gurtnellen  Impression  Stämpfli AG, Bern  Directeur de la publication  Hochparterre en collaboration avec Wüest Partner  Commandes  shop.hochparterre.ch, Fr. 15.—, € 12.—

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Objectifs communs Ariane Widmer, planificatrice cantonale, met en évidence l’impact du Léman Express sur la région, sur les déplacements liés au travail et sur la ville du quart d’heure. Interview: Hervé Froidevaux, Julien Thiney

fets seront moins importants qu’imaginés. L’expérience positive du télétravail a montré ses limites et nombreux sont ceux qui attendent avec impatience un retour à une vie sociale plus active, et cela aussi au niveau professionVéritable jalon de l’infrastructure de transport, le Léman nel. Les déplacements liés au travail existeront toujours, Express façonnera aussi la carte de la ville et de la région mais se feront de manière plus flexible et moins cadencée. de Genève. Ariane Widmer explique en détail les réflexions Le modèle de la ville et des centralités reste donc le plus cohérent. Il préserve le collectif et continue à être le meilde planification qui vont orienter le développement. Après plus d’une année d’activité pour leur modèle pour faire face aux enjeux contemporains le Léman ­Express, êtes-vous satisfaite de de la durabilité. Par ailleurs, si ces nouvelles dynamiques ce projet structurant pour la région ? peuvent influencer la répartition spatiale des habitants, Ariane Widmer:  Le Léman Express est d’abord très certai- elles offrent en particulier l’opportunité d’un retour à la nement un aboutissement symbolique. Après cent ans de ville du quart d’heure, avec des quartiers mixtes favorisant réflexions et de négociations, et malgré les difficultés de démarrage, force est de constater que la première réussite de ce projet est celle de la coopération. Il constitue le premier maillon d’un réseau qui doit encore se développer, dépasser les frontières pour offrir de nouvelles possibilités de mobilités durables, adaptées à l’organisation urbaine du bassin de vie genevois. Ensuite, d’un point de vue territorial, si la ligne s’implante dans des espaces déjà bâtis, elle a tout de même permis de développer de nombreux projets urbains autour des nouvelles gares ( Praille-Acacias-Vernets, Eaux-Vives, Chêne-Bourg ) Ariane Widmer et a aussi été l’occasion de réunir différents acteurs autour de projets et de stratégies communes. La Tour Opale, les déplacements de proximité. Le développement vers nouveau repère urbain de la commune de Chêne-­B ourg, l’intérieur reste la stratégie incontournable qui trouve son a osé être pensée grâce à la projection de cette nouvelle fondement dans notre cadre légal, autant en Suisse qu’en ligne de transport. Le Léman Express est ainsi un cataly- France. La ville va tirer une leçon de cette crise et déveseur hors-pair – et ce n’est pas fini. Son impact dépasse lopper des stratégies. Non seulement au travers d’aménad’ailleurs les seuls périmètres accessibles des gares. Il gements nouveaux mais aussi dans la manière d’y vivre. s’inscrit dans un vrai projet territorial et a été réfléchi Le monde du travail devra intégrer des aspects comme la flexibilité. Cette période a aussi été l’opportunité d’opéradans un système global. tionnaliser plus vite des intentions depuis longtemps insEst-ce que le ralentissement des dynamiques de déplacement liées à la Covid-19 remet en cause crites dans nos outils de planification ( mobilité douce, par l’émergence de ces centralités autour des gares ? exemple ). Il s’agit aujourd’hui de faire une vraie avancée Il est probable que ce que nous vivons depuis plus d’une dans l’amélioration de l’environnement des habitants de année va influencer nos déplacements et la manière dont la ville. Nous devons plus que jamais offrir des espaces nous allons aménager la ville et ses quartiers. À l’échelle apaisés et de respiration. Nous devons veiller à ce que la de la Suisse, certaines régions périphériques vont peut- ville continue à offrir des lieux de sociabilité et de solidaêtre se réactiver et c’est quelque chose de positif. En re- rité, des espaces publics de qualité, pour contrer les effets vanche, du point de vue de la mobilité, je crois que les ef- de repli et d’isolement de la pandémie.

« Le nombre d’arbres a été augmenté au détriment de surfaces destinées au stationnement. »

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Les nouvelles centralités autour des haltes du Léman Express sont en grande partie minéralisées. Avec la croissance des enjeux environnementaux, aurait-on fait différemment aujourd’hui ? Notons d’abord que les projets des interfaces du Léman Express ont déjà, dans la mesure du possible, tenu compte de cet enjeu et des améliorations ont été faites en cours de processus. Les surfaces de pleine terre et le nombre d’arbres ont par exemple été augmentés au détriment de surfaces destinées au stationnement. Mais généralement, la minéralisation découle du fait que les places sont situées sur les dalles des infrastructures ferroviaires. La résistance des matériaux répond à la forte fréquentation des lieux et aux besoins d’entretien. Par ailleurs, attendons aussi la suite des aménagements, seuls les espaces autour des émergences ont à ce jour été mis en service. Les espaces publics s’étendront davantage, en laissant plus de place à la pleine terre, et se connecteront à la ville environnante comme à Lancy-Bachet avec la place haute entièrement végétalisée, ou à Chêne-Bourg avec les ‹ Jardins de la Tour ›. À terme, ce seront vingt hectares de nouveaux espaces publics et 400 arbres plantés qui seront offerts à la ville. Prenons le temps de les voir grandir, tout comme la vie de quartier. Le Léman Express s’inscrit dans un réseau, quelle dynamique entretient-il avec Lausanne ? Historiquement, comme d’autres communes situées sur la rive du lac Léman, Lausanne a établi des déplacements nord-sud sur son territoire, entre le lac, les vignes, le bourg, les forêts et les pâturages. La ligne M 2 s’inscrit par exemple dans ce mouvement. La dynamique est-ouest est quant à elle plus contemporaine, une véritable pulsation qui suit le Léman en laissant son empreinte sur le territoire, et le Léman Express y participe. Il est très structurant pour le territoire lausannois et y joue aussi un rôle de transport de proximité. La nouvelle halte de Prilly-Malley s’est implantée dans un territoire avec un fort potentiel de densification. De manière générale, les haltes, nouvelles ou réaménagées, induisent des dynamiques de requalification et de densification autour d’elles. Notons aussi que pour l’agglomération lausannoise les plus grands territoires d’expansion se trouvent à l’ouest. Enfin, le ­L éman

Express améliore aussi la relation de Lausanne avec d’autres territoires, notamment avec Genève et les villes transfrontalières. On peut facilement habiter Lausanne et aller au théâtre à Genève. Vue depuis la gare de Lausanne, la cité de Calvin était perçue comme un terminus. Elle est devenue aujourd’hui un point d’articulation majeur entre la région lémanique et la Méditerranée, une porte qui ouvre l’horizon des déplacements. À l’échelle de l’Arc lémanique, le Léman Express permet de vivre, d’expérimenter de nouveaux territoires. L’impact du Léman Express sur le territoire est souvent abordé sous l’angle du logement, qu’en est-il de la planification des activités ? Le développement des quartiers autour des gares prend en compte la dimension des activités. Pensés selon le principe de la mixité, les projets urbains planifient également des surfaces de bureaux, de commerces et de services. Dans le cadre du Léman Express, la planification des activités a été thématisée en fonction des différentes situations, avec toujours ce principe de mixité pour favoriser la proximité et réduire les besoins en déplacement.

« La variété dans la programmation urbaine est nécessaire. »  Ariane Widmer

Cette variété dans la programmation urbaine est nécessaire pour créer une animation à l’échelle locale. Dans une perspective de ville durable, les affectations ne doivent plus être pensées selon un angle monofonctionnel. Cela vaut non seulement pour les quartiers de logements mais aussi, dans la mesure du possible, pour les secteurs d’activités et dans tous les cas pour les bureaux. Le quartier des Eaux-Vives en est un exemple magnifique: c’est un quartier dense, un véritable pôle mixte où chaque activité, occupation, tire partie de la dynamique des autres. Nous devons être capables de reproduire ce genre de lieu de vie apprécié par ses habitants et usagers.

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Ariane Widmer Architecte et urbaniste, Ariane Widmer est directrice de la planification cantonale de Genève depuis 2019 après avoir été responsable du Schéma directeur de l’Ouest lausannois pendant 16 ans. Elle a également été cheffe design ­d’Expo.02 et a publié différents ouvrages sur des questions actuelles de développement urbain et territorial. Ariane Widmer est membre de plusieurs associations dont le comité central de la Société suisse des ingénieurs et des architectes ( SIA ) et le conseil de la Fondation Culture du bâti Suisse.

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Un tunnel piétonnier relie directement la gare Genève-Champel au centre hospitalier universitaire de Genève ( HUG ).

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Annemasse La ville d’Annemasse est située dans le département français de la Haute-Savoie, en région Auvergne-Rhône-Alpes. Elle se trouve à la frontière franco-suisse et fait partie de l’agglomération transfrontalière Grand Genève. Aujourd’hui, Annemasse compte environ 36 000 Annemassiennes et Annemassiens. La population de toute l’aire urbaine englobant les communes françaises proches de la banlieue genevoise s’élève, pour sa part, à près de 310 000 habitants. Le développement d’Annemasse est intimement lié au chemin de fer. L’ouverture de la voie ferrée Bellegarde – Evian en 1880 et les lignes menant à Annecy et à Saint-Gervais-les-Bains

ont poussé les premières entreprises industrielles à s’y implanter. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la population croît de 1500 à 8000 habitants. La ville connaît un nouveau bond en avant dans les années 1950. Au tournant du 21e siècle, environ 28 000 personnes y vivent. À partir de 2006, la courbe grimpe de nouveau en flèche. Quant aux transports, Anne­masse était, entre 1921 et 1959, raccordée au réseau de trams genevois par la ligne 12. Achevée en 2019, la ligne 17 a repris le flambeau. Grâce au CEVA, la gare d’Annemasse devient le deuxième pôle ferroviaire le plus important dans l’aire du Grand Genève.

Point de vue d’un élu politique Avec plus d’un million d’habitants et plus de 500 000 emplois, le Grand Genève est l’une des métropoles les plus dynamiques d’Europe. L’urbanité se vit au quotidien et les interdépendances économiques, sociales et culturelles sont multiples. Ainsi, une coopération étroite qui s’affranchit des frontières géographiques et institutionnelles joue un rôle déterminant pour trouver des solutions concrètes aux besoins des habitants. À travers le projet d’agglomération franco-valdo-genevois, les élus locaux et les parte-

ports publics complémentaires comme les lignes de bus , le réseau en développement de tramways transfrontaliers ( avec la mise en service du tram Genève – Annemasse, les travaux engagés pour celui de Saint-Julien-en-Genevois et la perspective du tram Grand-Saconnex – Ferney-Vol­taire ) , mais aussi les modes de mobilité active comme la voie verte du Grand Genève, les vélostations, l’appli Geovelo, les services d’autopartage, etc. À ce titre, plusieurs projets développés dans le Genevois français ont bénéficié de cofinancements de la Confédération suisse au regard de leur intérêt transfrontalier majeur. Plus globalement, cette révolution de la mobilité dans le Grand Genève a permis d’engager de profondes transformations urbaines, permettant de repenser les espaces publics, de promouvoir la ville des courtes distances et la nature en v­ ille, et de renforcer ainsi l’attractivité de nos centres-ville. La métamorphose du quartier gare, du centre-ville ou des quartiers populaires du Perrier ou le long de l’avenue de Genève Christian Dupessey à Annemasse en sont la parfaite illustration. Plus d’un an après sa mise en service, malgré la sinaires franco-suisses travaillent ensemble depuis près de tuation sanitaire et la baisse des déplacements dus à la quinze ans autour d’objectifs communs: développer des généralisation du télétravail, le bilan de fréquentation du actions et services en matière de mobilité, coordonner ur- Léman Express est positif: ce nouveau réseau a été largebanisation et environnement, afin d’améliorer la qualité ment adopté par la population avec 31 200 voyageurs par de vie sur l’ensemble du territoire. Les flux de déplacements reflètent la structure multipolaire du Grand Genève en tant que bassin de vie, de consommation et d’emplois. Dans cette région qui compte plus de 3 millions de personnes se déplaçant quotidiennement, dont 635 000 pendulaires qui franchissent les frontières du canton, la mobilité durable représente une prioChristian Dupessey rité absolue. Le Léman Express apporte une réponse forte et essentielle pour la mobilité du quotidien et la mobilité de loisirs. Il est désormais possible d’aller passer la jour- jour en moyenne en 2020, année de pandémie. Rappelons née à Annecy, Chamonix ou Évian, depuis Annemasse, Val- que les objectifs initiaux visaient 45 000 voyageurs par serhône, Genève ou Coppet, avec le même billet de trans- jour, un chiffre qui a été atteint au mois de janvier 2020. port. Le Léman Express est un élément structurant pour Les défis de la transition écologique nous amènent à révinotre territoire. En reliant 45 gares parmi les principales ser complètement la mobilité du quotidien. Le Léman Excentralités françaises et suisses, il devient la colonne ver- press, les transports publics et les modes de mobilité actébrale sur laquelle s’appuient et s’organisent des trans- tive constituent de formidables leviers.

« Les défis de la transition écologique nous amènent à réviser complètement la mobilité du quotidien. »

« Un seul billet suffit pour se déplacer dans le Grand Genève. »

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Christian Dupessey Le maire de la Ville d’Annemasse est président du Pôle métropolitain du Genevois français.

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CEVA, 2012 – 2019 Genève-Cornavin —  Eaux-Vives — Annemasse Maître d’ouvrage:  canton de Genève ; CFF Architecture des gares:  Ateliers Jean Nouvel, Paris, et Éric Maria Architectes Associés, Genève Ingénieurs civils des gares:  Ingphi Concepteurs d’ouvrages d’art, Lausanne Procédure: concours sur invitation regroupant six bureaux, 2004 Coût total du CEVA:  1,57 milliard de francs ( pour 14 km sur le sol genevois ) Financement:  56 % par la Confédération, 44 % par le canton de Genève

Genève-Champel: un vaste espace légèrement incurvé et inondé de lumière, enterré sous la ville.

Architecture de lumière en sous-sol Le concept d’aménagement défini par Jean Nouvel et Éric Maria donne une unité architecturale aux cinq gares de la ligne ferroviaire genevoise CEVA, maillon central du Léman Express. Texte: Werner Huber

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Genève-Champel: l’espace au-dessus de la gare sera recouvert d’une chênaie. Cahier thématique de Hochparterre, juin 2021 —  Le début d’un nouveau chapitre — Architecture de lumière en sous-sol

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Genève-Eaux-Vives: l’arrêt de tram est situé directement à l’entrée de la gare. Au second plan se dresse le nouveau bâtiment de la Nouvelle Comédie de Genève.

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Genève-Eaux-Vives: les briques de verre diffusent lumière et reflets. Photo: Werner Huber

La liaison ferroviaire Cornavin – Eaux-Vives – Annemasse ( CEVA ) se déploie en un grand S légèrement déformé autour de la ville de Genève. En raison de la petite échelle politique du canton, la ligne traverse le territoire de quatre communes, Genève, Lancy, Carouge et Chêne-­Bourg, pour finir à Annemasse dans le département français de la Haute-­S avoie. Réalisée il y a un siècle déjà, comme c’était initialement prévu, elle aurait traversé un territoire très peu bâti. Mais aujourd’hui, son tracé passe par une agglomération genevoise très dense, c’est pourquoi il a fallu enterrer une grande partie du tronçon ainsi que quatre des cinq nouvelles gares.

face, que se trouvait depuis 1888 le terminus provisoire de la ligne Annemasse – G enève: comme le dit le proverbe, il n’y a que le provisoire qui dure ! La nouvelle gare est située au même endroit, mais deux niveaux plus bas. L’avant-projet prévoyait quatre voies et deux quais centraux. Toutefois, seul un quai encadré de deux voies sera finalement réalisé. Il est recouvert sur toute sa longueur par une galerie commerciale, partiellement développée, qui s’ouvre sur le parvis et l’arrêt de tram. La cinquième nouvelle gare, Chêne-Bourg, est elle aussi souterraine, mais à une faible profondeur. Les escaliers et les ascenseurs mènent directement à la surface depuis les deux quais latéraux.

Cinq variations sur le même thème Les cinq nouvelles gares se démarquent les unes des autres par leur situation dans la ville et la nature du terrain. La gare aérienne de Lancy-Pont-Rouge est située sur un tronçon construit dans les années 1940, sur un remblai. Un passage souterrain permet aux passagers d’accéder au quai central à deux voies. Équipée de voies centrales et de quais latéraux, la gare de Lancy-Bachet se trouve à l’entrée du tunnel, qui est dans le même temps à l’intersection avec l’autoroute A1. À une extrémité de la gare, des escaliers à claire-voie et des ascenseurs relient la ligne aux quartiers environnants, tandis qu’à l’autre extrémité, la mezzanine avec ses escaliers ventile les flux de passagers vers le quartier et l’arrêt de tram. Genève-Champel, la troisième gare, est située sur la commune de Genève, au cœur du quartier résidentiel de Champel et à proximité des Hôpitaux universitaires. Ses deux quais latéraux se situent à 25 mètres sous la surface du sol. Aucune des autres gares n’atteint cette profondeur. Escaliers, escalators et ascenseurs mènent aux niveaux inférieurs par une large ouverture. Un long tunnel équipé d’une chaussée roulante relie la gare à l’hôpital. Genève-­Eaux-­Vives est, quant à elle, considérée comme la gare principale du CEVA. C’est ici, en sur-

Une architecture de ligne Même si les gares souterraines sont également monnaie courante en Suisse et que les usagers les empruntent le plus naturellement du monde, de Paris à Moscou et de New York à Tokyo, les déplacements sous terre se heurtent encore à des réticences. L’aménagement de ces espaces publics n’en revêt que plus d’importance. Deux approches sont possibles: donner une individualité propre à chaque station ou appliquer les mêmes principes à tous les arrêts d’une ligne, voire d’un réseau. Les stations du métro de Moscou, en particulier les fameux ‹ palais du peuple › qui datent de l’époque stalinienne, sont l’exemple le plus connu de la première approche. La seconde a prévalu à Vienne, où le groupe d’architectes U-Bahn entourant Wilhelm Holzbauer a élaboré dans les années 1970 un concept d’aménagement qui, même s’il y a eu des adaptations et des évolutions, reste d’actualité. Le système entier acquiert ainsi une forte identité spatiale et visuelle. Les deux approches présentent des avantages et des inconvénients: les stations personnalisées peuvent tisser une relation avec chaque ville, contribuer à l’identifica­ tion du citadin avec « son » arrêt et le guider durant son trajet sous terre. Additionnées, ces stations de conception →

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Genève-Champel: coupe transversale de la gare et des vastes locaux techniques.

Genève-Champel: étage du quai

→ unique sont autant d’étapes d’une ‹ promenade architecturale › souterraine. En revanche, une architecture unifiée renforce l’idée de ligne et de réseau, par exemple lorsqu’un nouveau tronçon entraîne la réorganisation complète des transports publics. L’inauguration en 2007 de la ligne M 2 du métro a ainsi marqué le début d’une ère nouvelle à Lausanne. Grâce à des éléments architecturaux peu nombreux mais précis, les architectes ont réussi à créer une architecture de ligne reconnaissable entre toutes et à ancrer ce nouveau moyen de transport dans l’esprit des Lausannois. Des briques de verre À Genève aussi, le CEVA, maillon central du réseau Léman Express, modifiera en profondeur les transports publics de l’agglomération. C’est ici moins la station prise individuellement que la ligne entière, comblant une lacune dans le réseau, qui est mise en exergue. Il est donc logique que les cinq nouvelles gares, aussi différentes soient-elles, suivent un concept homogène. Ce concept, les architectes Jean Nouvel et Éric Maria l’ont défini. 2,70 sur 5,40: c’est l’étalon de l’architecture de ces cinq gares. Ce sont aussi les dimensions d’une brique de verre, le module de base qui fonde leur identité. Ces ‹ briques de

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verre CEVA › ne sont pas des briques ordinaires, mais des éléments préfabriqués en verre et métal spécialement conçus pour le tronçon CEVA. Elles sont composées de cinq éléments: un cadre en aluminium de teinte sombre, d’environ 40 centimètres d’épaisseur, est habillé d’un verre de sécurité sur les deux côtés. Deux verres de type ‹ Karolit › à surface texturée quadrillée ont été positionnés dans l’intervalle, ventilés pour ne laisser pénétrer aucune salissure, à égale distance de l’enveloppe extérieure et de l’un à l’autre. La structure multicouche présente une image pixélisée de l’environnement. Ces 660 briques de verre couvrent une surface de plus de 20 000 mètres carrés au total, dont près de la moitié à la gare des Eaux-­Vives. Les architectes ont joué du contraste entre ces modules aux arêtes vives, de facture très précise, et le gros œuvre sous ses diverses formes. La lumière est l’élément déterminant du concept de Jean Nouvel et d’Éric Maria. Elle lie les briques de verre au gros œuvre: la lumière du jour se réfracte sur les briques à Lancy-Pont-Rouge, des éclairages linéaires ont été insérés entre les briques et le gros œuvre à Lancy-Bachet, Genève-Champel et Chêne-Bourg, et la surface brute de la paroi moulée est éclairée derrière les vitrages à Ge­nève­Eaux-­Vives. La lumière naturelle s’infiltre p ­ artout, →

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Genève-Champel: la lumière naturelle, les éclairages sur les surfaces en béton et les briques de verre rétroéclairées créent une ambiance lumineuse dans la gare souterraine. Cahier thématique de Hochparterre, juin 2021 —  Le début d’un nouveau chapitre — Architecture de lumière en sous-sol

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Chêne-Bourg: la voie verte, chemin piétonnier et piste cyclable, couvre le tracé de la ligne ferroviaire en direction d’Annemasse.

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Chêne-Bourg: dans la gare construite à faible profondeur, la lumière naturelle le dispute à la lumière artificielle. Photo: Werner Huber

→ jusqu’aux quais des gares souterraines. Même dans la partie centrale de la gare de Genève-Champel, à 25 mètres de profondeur, de larges secteurs des étages intermédiaires sont en verre épais pour rendre sensible, au soussol aussi, à l’alternance du jour et de la nuit. Architecte de la lumière et de la transparence, Jean Nouvel n’a eu de cesse de créer des ouvrages remarquables, tels l’Institut du monde arabe ( 1987 ), la Fondation Cartier ( 1994 ) ou le Musée du quai Branly ( 2006 ) à Paris. Le théâtre Granit à Belfort ( 1984 ), l’une de ses premières réalisations, mais aussi le Monolithe de l’Expo.02 à Morat mettent en scène le contraste entre le brut et le raffiné. En un geste architectural fort, Jean Nouvel et Éric Maria associent les deux thèmes dans les gares du CEVA. Risque de vibrations La planification et la construction du CEVA ont placé le bureau d’ingénieurs Ingphi de Lausanne, chef de file du projet, et les entrepreneurs face à des défis majeurs. Le chantier s’étendait en effet sur près de 14 kilomètres, en plein cœur d’une agglomération urbaine. Le manque de place était manifeste, tout comme l’impact sur le trafic urbain. La nouvelle ligne ferroviaire circule par conséquent sous des bâtiments existants. Plus un tunnel est situé en profondeur et plus le travail des constructeurs en est facilité. Pour les passagers en revanche, il importe que la gare soit plutôt proche de la surface. Le mot d’ordre des planificateurs a donc été de concilier profondeur nécessaire et hauteur maximale. Le tunnel passe aujourd’hui sous des fondations d’immeubles à tout juste 5 mètres de profondeur. Les riverains craignaient que les trains du Léman Express ne fassent trembler leurs logements. Pour l’éviter, une dalle flottante a été prévue, reposant sur une couche de néoprène, une technique éprouvée depuis des décennies sur d’autres sites. Avant de lancer les travaux, les ingénieurs ont étudié les éventuelles répercussions sur

le bâti environnant. Après les excavations, des camions vibreurs ont été amenés pour mesurer les impacts dans le tunnel et sur les bâtiments. Les relevés ont servi de base aux mesures définitives, renforcées au-delà des normes légales par le canton de Genève qui a alloué un crédit supplémentaire. La Suisse a peu d’expérience dans la construction de gares souterraines sur une ligne entière et dispose de peu de normes auxquelles les ingénieurs auraient pu se référer. Ils ont dû par conséquent les élaborer en travaillant avec les autorités, notamment en matière de protection contre les incendies. Alors que la gare de Chêne-Bourg est très proche de la surface et a bénéficié d’un système de désenfumage naturel, les installations de ventilation de Genève-Champel ont exigé un important volume bâti, aujourd’hui indétectable. Passages de frontière Le Léman Express est le plus grand RER transfrontalier d’Europe. Des trains suisses comme des trains français, équipés pour les deux systèmes d’alimentation électrique, y circulent. La frontière ferroviaire se situe à Annemasse: si le système électrique suisse s’étend jusqu’au quai, la signalisation suisse disparaît, quant à elle, dès le début du quai. Ensemble, les deux pays ont mis au point une solution en cas de dysfonctionnement ou de catastrophe. Si un accident ou une panne technique se produit, un train spécial peut intervenir aussi bien de Genève que d’Annemasse. Les voyageurs relèvent cependant de subtiles différences entre les CFF suisses et la SNCF française. Elles dépendent moins de la frontière que du matériel roulant: les CFF ont acheté 23 rames Flirt au constructeur Stadler Rail, la SNCF a de son côté opté pour 17 voitures Coradia Polyvalent d’Alstom. La solidité suisse versus l’élégance à la française.

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Genthod-Bellevue

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Le Léman Express d’un coup d’œil 1 Concept d’aménagement urbain A Cornavin 2 Gare de Cornavin 3 Restructuration Cornavin 4 E xtension du nœud ferroviaire de Genève-Cornavin B Lancy-Pont-Rouge 5 Ensemble immobilier Pont-Rouge 6 A dret Pont-Rouge, étape 1 ( A ) 7 A dret Pont-Rouge, étape 1 ( B , C ) 8 Adret Pont-Rouge, étape 2 ( D, E ) 9 Alto Pont-Rouge 10 Immeuble commercial Esplanade 3 11 Siège principal Banque Pictet C Lancy-Bachet 12 Quartier Grosselin ( étude ) 13 P rojet Porte Sud ( étude ) 14 Immeuble de bureaux Stellar 15 Immeubles Bachet-de-Pesay D Genève-Champel 16 E spaces publics de Champel E Genève-Eaux-Vives 17 C omédie de Genève 18 E spaces publics de la gare des Eaux-Vives 19 O ’Vives: O’Centre et O’Parc F Chêne-Bourg 20 Voie verte 21 Tour Opale 22 Jussy 34 23 B âtiments Saphir et Tourmaline 24 B elle-Terre – Les Communaux d’Ambilly G Annemasse 25 Pôle d’échanges multimodal 26 I lot des Trois Places 27 L a Canopée 28 Transformation et extension du Château Rouge

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Annemasse

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Chêne-Bourg 26

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H Autres ouvrages 29 The Hive 30 Les Hauts-du-Château 31 S iège principal Lombard Odier 32 Grand-Puits

Zones de développement

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Z imeysaver ( 1 0 000 emplois ) L es Vergers ( 1 250 logements ) Bernex ( environ 5700 logements ) Cherpines ( 4 000 logements ) Vernier – Meyrin – Aéroport ( environ 2500 logements ) Châtelaine ( 2 300 logements ) G rand-Saconnex ( 1300 logements ) Praille-Acacias-Vernets (  PAV, affectation mixte, 1200 logements ) L a Chapelle – Les Sciers ( 1 300 logements ) J ardin des Nations ( organisations internationales ) G rands Esserts ( 1 200 logements ) Communaux d’Ambilly ( 2400 logements )

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frontière nationale limites communales lignes du Léman Express CEVA

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Une série de projets: ouvrages et projets le long du Léman Express 1  Concept d’aménagement urbain, 2013 La valorisation des secteurs autour des nouvelles gares en centres urbains repose sur le concept d’aménagement urbain. Les planificateurs ont développé un système de paramètres et de prototypes sur trois échelles, la ville, la périphérie et la gare, afin de coordonner les interventions des différents acteurs du projet: les CFF, les sociétés de transport, la Ville de Genève et les investisseurs. Un plan guide dynamique tient compte des différentes échéances et les coordonne. Mandant:  canton de Genève, Office de l’urbanisme Équipe de planification:  Van de Wetering Atelier für Städtebau, Zurich ( urbanisme, développement urbain ) ; Metron, Brugg ; MRS Partner, Zurich ; DeLaMa, Genève ; Atelier Descombes Rampini, Genève ( étude préliminaire 2003 – 2006 ) A Cornavin 2  Gare de Cornavin, 2014 Cinq ans avant l’inauguration du CEVA, la transformation de la gare de Cornavin, la gare centrale de Genève, donnait un avant-goût de la nouvelle ère ferroviaire. Remanié à plusieurs reprises, abimé,

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l’édifice construit en 1934 par l’architecte Julien Flegenheimer avait une substance fortement altérée. Il a été en grande partie dénoyauté et seul le vaste hall central a été conservé. La façade en pierre de Savonnières abrite une nouvelle construction dotée d’un mall central formant le nouveau cœur de la gare. Un granit Madura Gold aux reflets scintillants jaunes, bruns et dorés définit l’image de la nouvelle gare. Maître d’ouvrage:  CFF Immobilier, Développement Ouest, Lausanne Architectes:  Itten + Brechbühl, Lausanne Artiste:  Carmen Perrin, Genève Coûts:  110 millions de francs 3  Restructuration Cornavin, 2031 Les espaces publics autour de la gare de Cornavin font triste mine. Voitures, bus et trams coupent les voies piétonnières et le périmètre de la gare est mal inséré dans le tissu urbain environnant. Le projet lauréat des mandats d’étude parallèles propose pour ce secteur un réseau ouvert et perméable de rues et de places. Les espaces publics bénéficieront d’un remodelage homogène et se forgeront ainsi une solide identité. Sur l’arrière, Place de Montbrillant, la gare accueillera une nouvelle façade grâce à une galerie couverte. L’intervention architecturale repose sur l’exclusion du trafic automobile sur les deux places bordant la gare.

Place de Cornavin, Place de Montbrillant, Genève Maître d’ouvrage:  Ville et canton de Genève Planification:  Consortium Pôlecornavin ( Guillermo Vázquez Consuegra, Séville ( E ) ; FRAR – Frei Rezakhanlou, Lausanne ; Emch +  Berger, Berne ) Type de mandat:  mandats d’étude parallèles, 2016 – 2018 4  Extension du nœud ferroviaire de Genève-Cornavin, 2032 Selon les bureaux d’études, le nombre de passagers devrait doubler d’ici 2030 dans la gare centrale de Genève, qui devrait absorber 100 000 voyageurs par jour. Il est impératif de l’agrandir. La proposition d’extension latérale s’étant heurtée à une levée de boucliers, une gare souterraine à deux voies sera réalisée. Le projet architectural doit créer des espaces qui amélioreront les conditions de toutes les formes de mobilité. Les flux de circulation seront dissociés pour simplifier la traversée de la gare. Gare de Cornavin, Genève Maître d’ouvrage:  CFF Infrastructures Ingénieurs:  BG Ingénieurs Conseils, Lausanne ( direction ), Egis, Pringy ( F ) Architectes:  dl-a, Genève Type de mandat:  appel d’offres 2017 – 2018 Coûts:  600 millions de francs

B Lancy-Pont-Rouge 5  Ensemble immobilier Pont-Rouge, 2018 / 2019 De part et d’autre de la nouvelle gare de Lancy-Pont-Rouge, CFF Immobilier réalise un ensemble marquant de plusieurs immeubles. En bordure du quartier Praille-­ Acacias-Vernets en développement, les cinq bâtiments de Pont 12 Architectes balisent l’entrée menant à Genève. Le rezde-chaussée accueille des commerces et des restaurants, tandis que les étages sont consacrés à des bureaux. Suivant une trame rigoureuse, les corps de bâtiment revêtus de granit s’articulent à l’horizontale et à la verticale pour faire émerger divers espaces publics. Esplanade de Pont-Rouge 2 / 4 / 6, Place de Pont-Rouge 1 / 2, Lancy Maître d’ouvrage:  CFF Immobilier, Développement Ouest, Lausanne Entrepreneur total:  Implenia Suisse, Onex Architectes:  Pont 12 Architectes, Chavannes-près-Renens Paysagistes:  Raderschallpartner, Meilen ; La Touche Verte, Genève Commercialisation:  SPG Intercity, Genève 6  Adret Pont-Rouge, étape 1 ( A ), 2020 Le nouveau quartier d’habitation Adret Pont-­Rouge alimenté par 90 % d’énergie renouvelable occupe une ancienne friche ferroviaire de six hectares acquise par

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la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l’habitat coopératif ( FPLC ), qui a assuré la coordination générale de sa réalisation. À l’entrée du quartier, les quatre bâtiments ont été réalisés par des fondations communales et proposent des logements d’utilité publique. La FCLPA a construit 150 logements destinés aussi bien à des personnes en âge AVS qu’à des étudiants, deux logements communautaires ont été également réalisés. La FCIL a construit 96 logements destinés aux personnes à revenus modestes. Une cour avec terrain de pétanque et jeux offre un espace de rencontre généreux et convivial. Place de Pont-Rouge 2 – 12, Lancy Maître d’ouvrage:  Fondation communale de la commune de Lancy pour le logement de personnes âgées ( FCLPA ), Fondation communale immobilière de Lancy ( FCIL ) Architectes:  Tribu, Lausanne Paysagistes: Interval, Chavannes-près-Renens Coordination générale:  FPLC, Genève Type de mandat: concours 7  Adret Pont-Rouge, étape 1 ( B, C ), 2020 La FPLC a réalisé quatre bâtiments de 96 logements en propriété par étages sur droits de superficie. Dos aux voies ferrées, deux autres bâtiments comprenant des logements d’utilité publique ont été réalisés, l’un par la Fondation Nicolas Bogue-

ret qui loge 183 étudiants et l’autre par la coopérative Cooplog Pont-Rouge. Celui-ci compte 64 logements en coopérative d’habitation. Les rez-de-chaussée de ces deux bâtiments accueillent des activités. Les aménagements extérieurs ont bénéficié d’une attention soutenue par la plantation d’arbres majeurs en pleine terre. Chemin des Mérinos 2 – 14, Lancy Maître d’ouvrage:  Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l’habitat coopératif ( FPLC ), Fondation Nicolas Bogueret, Société Coopérative Coop­log Pont-Rouge Architectes ( projet ):  Lopes & Périnet-Marquet, Genève Architectes ( exécution ):  Lopes & Périnet-Marquet, Genève ; dl-c, Genève ; In Situ ( paysagistes ), Montreux Coordination générale:  FPLC, Genève Type de mandat: concours 8  Adret Pont-Rouge, étape 2 ( D, E ), 2022 Les cinq bâtiments en cours de construction proposeront un large éventail de catégories de logements. La FPLC construit 47 appartements en propriété par étages sur droits de superficie. La Fondation HBM Camille Martin proposera 62 logements destinés aux personnes à revenus modestes tandis que la coopérative Cité Derrière offrira également 62 logements, ces 124 logements seront d’utilité publique.

L’immeuble de la FCIL comprendra 23 logements d’utilité publique, un magasin d’alimentation, des espaces sociaux et le service du logement de la Ville de Lancy. Chemin de l’Adret, Lancy Maître d’ouvrage:  Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l’habitat coopératif ( FPLC ), ­Fondation HBM Camille Martin, Coopérative Cité Derrière Architectes:  Tribu, Lausanne ; Fondation communale immobilière de Lancy ( FCIL ) ;  Consortium jbmn, Lausanne, et Favre & Guth, Genève Paysagistes:  Interval, Chavannes-prèsRenens Coordination générale:  FPLC, Genève Type de mandat: concours 9  Alto Pont-Rouge, 2023 S’insérant dans le pôle urbain de la gare Lancy-Pont-Rouge, l’immeuble Alto Pont-Rouge jouxte l’esplanade qui le relie à celle-ci. Il renferme un atrium qui se déploie du premier au cinquième étage. Son langage architectonique se démarque, dans sa forme et sa matérialité, de l’extérieur assez rude. Les angles biseautés et les matériaux chauds ont pour fonction de créer un cadre propice à la rencontre. En forme de Z, la base de quatre niveaux dessine des espaces extérieurs différenciés. Comme les cons­t ruc­

tions voisines des CFF, une grille marquée régit les façades, mais au sommet, la modénature réunit deux niveaux à ­chaque fois, laissant paraître les bâtiments plus spacieux. Esplanade de Pont-Rouge 9, Lancy Maître d’ouvrage:  Swiss Prime Site Immobilien, Genève Architectes:  Brodbeck Roulet, Carouge Ingénieur:  Ingeni, Carouge Type de mandat:  mandat direct Coûts:  186 millions de francs 10  Immeuble commercial Esplanade 3, 2023 Constitué de plusieurs parties, le bâtiment clôt au sud-ouest le grand ensemble immobilier de la gare de Lancy-Pont-Rouge. Des commerces sont prévus au rez-dechaussée, tandis que les étages accueilleront des bureaux et qu’un hôtel occupera le plus élevé des deux immeubles. Entièrement vitrée, la façade articulée par une trame métallique filigrane s’appuie sur la géométrie des bâtiments environnants. Esplanade de Pont-Rouge 1 / 3 / 5, Lancy Maître d’ouvrage:  Caisse de Prévoyance de l’État de Genève Entrepreneur total: Halter, Zurich / Lausanne Architectes:  Richter Dahl Rocha & Associés, Lausanne Gestion de projet:  M 3, Genève

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11  Siège principal Banque Pictet, 2025 Le siège principal de la Banque Pictet bénéficiera d’une extension à côté du bâtiment actuel de Charles Pictet. Les nouvelles réalisations prendront la forme d’un bloc et d’une tour de 90 mètres de haut. En plus des activités bancaires, ce site abritera un centre de conférences, un auditorium, des logements et des surfaces commerciales. Route des Acacias 66, Carouge Maître d’ouvrage:  Groupe Pictet, Genève Architectes:  dl-a, Genève Type de mandat:  concours, 2020 C Lancy-Bachet 12  Quartier Grosselin ( étude ) Ce projet urbain accueillera des logements et des activités, de l’artisanat et des commerces, tout en étant proche du futur grand parc et du Vieux-Carouge. Le quartier, avec un terrain de HIAG au centre, déploiera une succession d’espaces publics parcourus par la Drize qui offrira un parcours de mobilité douce. Accompagnée d’une démarche participative, cette planification met l’accent sur l’environnement avec la volonté de mettre en place un quartier sans voiture à faible impact climatique. Avenue Vibert, Rue Jacques-Grosselin, Rue de St-Julien, Carouge Planification ( direction ):  canton de Genève, Ville de Carouge

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13  Projet Porte Sud ( étude ) Au sein de l’agglomération, Porte Sud est prêt à déployer, sur 120 000 mètres carrés, un programme novateur principalement destiné aux entreprises et organisations, ainsi qu’aux équipements sportifs et culturels. L’occupation actuelle éphémère du site veut assurer une transition douce et le transformer en une destination animée. En pleine reconversion, le site accueille le ‹ village du soir › et bientôt ‹ Airloop ›, une nouvelle salle de loisirs acrobatiques, lieu d’échanges, de partages et de fun. Route des Jeunes 20 – 26, Carouge Maître d’ouvrage:  HIAG, Genève Type de mandat:  mandats d’étude parallèles 14  Immeuble de bureaux Stellar, 2020 L’immeuble de commerces et de bureaux Stellar est situé à proximité du futur quartier Cherpines qui abrite 4000 habitants et 2500 emplois. Il déploie ses 32 000 mètres carrés sur six niveaux souterrains et quatre niveaux supérieurs. Deux atriums articulent le bloc en trois parties qui fonctionnent de façon autonome, mais peuvent fusionner. La hauteur sous plafond de 3,38 mètres permet des utilisations variées. Le bâtiment jouit d’une excellente desserte avec la jonction autoroutière proche et l’arrêt de tram.

Route de la Galaise 32 – 36, Plan-les-Ouates Maître d’ouvrage:  Stellar Immo A, Genève Entrepreneur total:  Hestia, Genève Gestion de projet:  M 3, Genève Architectes:  RDR, Lausanne ; M 3, Genève 15  Immeubles Bachet-de-Pesay, 2022 L’ancien ensemble immobilier s’élève à proximité immédiate du vaste quartier en développement de Praille-­AcaciasVernets. Le projet global prévoit la construction de 229 logements. 163 sont réservés à la fondation de placement Turidomus. Les surfaces des logements d’utilité publique prescrits par le droit de la construction, près d’un tiers, sont restreintes: moins de 90 mètres carrés pour un quatre-pièces, environ 50 mètres carrés pour un deux-pièces. Les unités destinées au marché ‹ semi-contrôlé › sont sensiblement plus importantes. Chemin de Pesay, Lancy Maître d’ouvrage:  fondation de placement Turidomus, Zurich Architectes:  Jaccaud Spicher, Genève Représentant du maître d’ouvrage:  M & R, Morges / Genève D Genève-Champel 16  Espaces publics de Champel, 2020 Planter une chênaie au cœur du plateau de Champel était l’idée forte et structurante du projet de concours de 2013. Les

ilots arborés ont des formes libres, même l’avenue de Champel a vu son tracé mo­ difié en courbe. 135 chênes de six variétés différentes ont été plantés. Ils formeront à moyen terme un épais toit de verdure. Plateau de Champel, Genève Maître d’ouvrage:  Ville de Genève Architectes:  Bureau A, Genève ( Leopold Banchini, Daniel Zamarbide ) Concepteur lumière:  Concepto, Arcueil ( F ) Coûts:  16,2 millions de francs E Genève-Eaux-Vives 17  Comédie de Genève, 2020 Bien plus qu’un simple théâtre: il s’agit tout d’abord d’un bâtiment public, un équipement destiné à s’ouvrir à la population. Mais la Nouvelle Comédie de Genève, c’est aussi et surtout un projet culturel, une vision de société. Le bâtiment articule dans un équilibre représentativité et banalité, espaces publics et locaux de travail, magie de la nuit et vie quotidienne. Il comprend deux salles complé­mentaires: une salle de 500 places et une salle modulable de 200 places. Esplanade Alice-Bailly 1, Genève Maître d’ouvrage:  Ville de Genève Architectes:  FRES ( Laurent Gravier, Sara Martin Camara ) Type de mandat:  concours international ouvert Coûts:  98 millions de francs

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18  Espaces publics de la gare des Eaux-Vives, 2020 La construction du nœud multimodal avec la nouvelle gare des Eaux-Vives a donné l’impulsion à la création d’un quartier composé de logements, de commerces et d’institutions culturelles comme le nou­veau théâtre. La Ville de Genève a organisé un concours pour l’aménagement des espaces publics de la gare des Eaux-Vives. Dans le projet lauréat, trois bandes étirées structurent les lieux. L’avenue de la Garedes-Eaux-Vives devient un boulevard urbain qui prend en charge la desserte principale des transports publics. Le cœur du site est occupé par un vaste espace piétonnier: l’esplanade Alice-Bailly devient l’épine dorsale qui relie les différents accès à la gare sont bordés de cafés et de boutiques, et aux bâtiments environnants. Des places généreuses marquent les sorties des stations. Maître d’ouvrage:  Ville de Genève Architectes:  MSV, Genève Coûts:  42 millions de francs ( projet global )

long, présente des retraits de façades qui mettent en évidence sa stratification programmatique. La faible profondeur des étages de logement ( 12,5 m ) offre aux appartements les qualités d’un espace traversant ouvert. En façade, la teinte calcaire d’un béton finement strié et une fenestration à la française. Le bâtiment E, 55 mètres de long, assume une plus grande banalité formelle en adéquation avec une situation plus en retrait. Son pa­ral­lé­ li­pi­pè­de est plus profond ( 16,5 m ) et les distributions au centre libèrent des façades aux fenêtres panoramiques, les appartements s’organisent de façon plus conventionnelle. Avenue de la Gare des Eaux-Vives 3 – 1 1, 19 – 2 1, Genève Maître d’ouvrage:  CFF Immobilier Entreprise totale:  HRS Real Estate, Saint-Sulpice Architectes:  Aeby Perneger & Associés, Carouge Type de mandat:  concours, 2013 Coûts:  100 millions de francs

19  O’Vives: O’Centre, 2019, O’Parc, 2021 Le projet pour la tête sud du nouveau quartier de la gare des Eaux-Vives comporte cinq objets: deux bâtiments mixtes, O’Centre et O’Parc, une galerie commerciale au rez inférieur, un parking souterrain et une vélostation. Le bâtiment D, 100 mètres de

F Chêne-Bourg 20  Voie verte, 2018 La voie verte est un axe de mobilité douce prévu pour circuler à travers Genève. Au terme des travaux, elle s’étirera sur 22 kilomètres. Le tronçon le plus long à ce jour est situé au-dessus du tunnel du

CEVA, entre les gares des Eaux-Vives, de Chêne-Bourg et d’Annemasse. Un ruban d’asphalte, séparé par une bande de ballast du revêtement conçu pour l’allée piétonnière, a été créé pour les vélos. Des gabions offrent un habitat bienvenu, en particulier aux lézards. Eaux-Vives, Chêne-Bourg, Annemasse Maître d’ouvrage:  canton de Genève ; CFF 21  Tour Opale, 2020 La nouvelle tour marque l’extrémité de la plateforme au-dessus de la gare de Chêne-­­Bourg. Au rez-de-chaussée se trouvent le parking à vélos ouvert, l’entrée dans le parking souterrain voisin, l’espace fitness, le salon de coiffure et le café. Des bureaux aux cinq premiers étages et ­quatorze niveaux accueillant 101 appartements au-dessus. Les logements sont ­organisés selon une distribution succincte et la structure réduite au strict minimum, avec des poteaux en béton supportant des dalles du même matériau. Les balcons transformables en jardins d’hiver typiques d’Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, lauréats du prix Pritzker 2021, enveloppent le bâtiment. À travers les baies vitrées, on distingue le chatoiement ­argenté des rideaux. Le ‹ Guide d’usage bioclimatique › explique aux résidents comment utiliser correctement leur jardin d’hiver et ses couches climatiques.

Chemin de la Gravière 5 a, Chêne-Bourg Maître d’ouvrage:  CFF Immobilier, Lausanne Architectes:  Lacaton & Vassal, Paris ; Nomos, Les Acacias Type de mandat:  concours de projets sur invitation, 2014 Coût total ( CFC 1 – 9 ):  83 millions de francs 22  Jussy 34, 2022 La fondation de placement Swiss Prime construit sur la commune de Thônex cet ensemble résidentiel de 78 appartements sur six niveaux. La zone ne permettant pas de construire des immeubles d’habitation de plusieurs étages, il a fallu élaborer un plan de quartier et déposer une demande d’autorisation de construire, tous deux acceptés sans opposition. Le bâtiment est construit selon la norme de très haute performance énergétique. Des panneaux photovoltaïques produiront suffisamment de courant pour couvrir les besoins du bâtiment. L’eau de pluie s’infiltrera de manière contrôlée dans le sol. Route de Jussy 34, Thônex Maître d’ouvrage:  Swiss Prime fondation de placement Entreprise totale:  Edifea, Genève Architectes:  Urbanité( s ), Genève / Marseille Type de mandat:  appel d’offre Coûts:  40,5 millions de francs

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24 23  Bâtiments Saphir, 2023, et Tourmaline, 2022 Les deux bâtiments jouxtent la gare de Chêne-Bourg. Leur structure modulaire fait écho à la grande échelle de la trame réticulée des émergences d’acier et de verre de Jean Nouvel. Les nouveaux immeubles sont conçus comme des ‹ étagères urbaines ›, des dalles minces sur des poteaux massifs, légèrement tournés et ainsi indépendants. Tourmaline compte environ 70 logements sociaux, dont 15 appartements pour personnes âgées. Quant à Saphir, il offre 50 unités d’habitation vendues en propriété par étages. Le rez-­dechaussée est occupé par des commerces et des prestataires de service. Rue des Charbonniers 1 / 3 / 5 / 7 / 9 / 11, Chêne-Bourg Maître d’ouvrage:  Valorisation immobilière Éthique, Genève ( Saphir ) ; Fondation Nicolas Bogueret, Genève ( Tourmaline ) Architectes:  Group 8, Carouge Entrepreneur total:  Pillet, Genève ( Saphir ) Artiste:  Gianni Motti, Genève ( Saphir ) Type de mandat:  concours, 2013 24  Belle-Terre – Les Communaux d’Ambilly, 2021 ( étape 1 ) à 2030 Le projet Belle-Terre – Les Communaux d’Ambilly consiste à urbaniser un secteur d’environ 36 hectares en trois étapes. Ce nouveau quartier, en harmonie avec son

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environnement entre ville et campagne, offre la possibilité de vivre et travailler dans le respect de la nature. La première étape prévoit la réalisation d’environ 670 logements ainsi que des commerces et services de proximité, un groupe scolaire avec des salles de sport et polyvalentes et de vastes espaces publics. L’ensemble s’organise autour d’un mall central arboré, agrémenté de 180 arbres à hautes tiges. Allée Belle-Terre, Thônex Maître d’ouvrage:  Batima - C 2 I, Genève ( étape 1 ) ; commune de Thônex ( espaces publics et groupe scolaire ) Architectes:  Atelier Bonnet, Bassi Carella Marello, Jaccaud Spicher, groupement LRS & BLSA ( tous à Genève ) Promotion:  Comptoir Immobilier, Genève Type de mandat:  études parallèles, 2008 G Annemasse 25  Pôle d’échanges multimodal, 2020 La maîtrise d’ouvrage a engagé une refonte intégrale de la gare d’Annemasse dans la perspective de l’ouverture du Léman Express. Un quatrième quai a été cons­t ruit et un nouveau passage souterrain des­sert la zone située derrière la voie ferrée. Accueillant des commerces, l’édifice de 1880 disparaît derrière une façade vitrée. Un nouveau bâtiment héberge les services aux voyageurs. Pour parachever l’ensemble, le parvis a aussi été transformé.

Esplanade François Mitterrand, Annemasse Maître d’ouvrage ( partenaire de projet ):  Région Auvergne-­Rhône-Alpes, Département de Haute-Savoie, Annemasse Agglo, SNCF, État français, Confédération suisse, canton de Genève Coûts:  50 millions d’euros 26  Ilot des Trois Places, 2022 Cet ilot est situé au droit de trois places publiques, la place du Marché, la place Clémenceau et la place de la Libération, qui forment un ensemble d’espaces publics de grande dimension. La place Clémenceau, actuellement à usage de parking, sera transformée en espace végétalisé, ce qui renforcera les qualités de ce triptyque urbain. Le projet propose une requalification urbaine de cet ilot notamment grâce à la réalisation d’une traversée piétonne et paysagère entre ces trois places et les quartiers situés au sud. L’opération s’inscrit dans le programme de renouvellement urbain du quartier de Château Rouge avec la démolition de 102 logements locatifs. Les nouveaux bâtiments devront permettre d’accueillir les habitants des immeubles démolis dans un souci de maîtrise des loyers et des charges pour une population au revenu très modeste. Le projet propose un complexe de façade avec une isolation répartie intérieure-extérieure, associé à un pare-

ment métallique, la structure du bâtiment étant en béton armé ( mur, dalle et refend ). Ce parement est constitué de cassettes en aluminium laqué qui assure une pérennité à l’ouvrage et une matérialité noble sur l’espace public. Place du Marché, place Clémenceau, place de la Libération, Annemasse Maître d’ouvrage:  Dinacité, Bourg-enBresse Architectes:  Atelier Régis Gachon, Lyon Coûts:  9,1 millions d’euros 27  La Canopée, 2023 Situé à la douane de Mon-Idée, le bâti ouvre de belles perspectives sur le Foron et sur la ville, la ligne architecturale épouse le sol et flirte avec le cours d’eau. Les échelles volumétriques plurielles se fondent dans le parc, comme autant de jardins suspendus. Un décor de canopée dans lequel la famille sous toutes ses formes saura se retrouver pour vivre, grandir et s’épanouir. Rue de Mon-Idée, Ambilly Maître d’ouvrage:  Groupe Batima, Genève Architectes:  Camp, Annecy 28  Transformation et extension du Château Rouge, 2021 Situé au cœur d’Annemasse, le Château Rouge est un centre culturel multidisciplinaire et un pilier important de la scène

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29 théâtrale régionale et nationale. Le bâtiment a été édifié en 1980. Pensée à l’origine comme un espace polyvalent, la grande salle n’avait encore jamais été rénovée. La scène n’était désormais plus adaptée à bon nombre de spectacles, la ventilation était devenue bruyante et les sièges étaient usés. L’intervention améliore les conditions et le confort pour le public comme pour les artistes. Trois configurations ont été étudiées pour la salle, avec un nombre de places assises et debout variant selon les spectacles, théâtre ou danse, représentations de cirque ou concerts. Route de Bonneville 1, Annemasse Maître d’ouvrage:  Ville d’Annemasse Architectes:  Z Architecture, Lyon ( direction ) ; AER Architectes, Annecy Coûts:  8,4 millions d’euros H Autres ouvrages 29  The Hive, 2017 – 2027 The Hive ( ‹ la ruche › ) se situe au cœur du pôle d’innovation et de recherche de Meyrin. Conçu comme un campus high-tech et situé à côté du CERN et du campus horloger, ce site abrite un réseau stimulant d’entreprises dans un environnement naturel de grande qualité. En connexion directe avec l’aéroport et la gare de Cornavin, son positionnement stratégique est un atout majeur. Le concept de ‹ forêt habitée ›

est l’un des éléments fondateurs du campus, ce site étant pensé comme un écoparc, avec comme fil conducteur le développement durable et l’innovation. Ponctué de lieux de rencontre et de services, The Hive accueille déjà les sociétés HPi, HPe, Régus et la Luigia Academy. Le bâtiment Hive 8 sera le nouveau siège de la société LEM dès 2022. D’autres développements sont prévus, le site offrant des opportunités de surface et de bâtiments sur-mesure pour les sociétés, de la startup locale aux sociétés internationales. Route du Nant d’avril 150 – 158 Maître d’ouvrage:  HIAG, Genève Architectes:  CCHE ( Hive 2, 2017 ; Luigia Academy, 2021 ; Hive 8, 2022 ); TJCA ( rénovation Hive 1 ), 2018 30  Les Hauts-du-Château, 2022 À Bellevue, aux portes de Genève, le domaine Champ-du-Château est l’un des derniers grands terrains du canton situé à proximité de la ville. La gare du Léman Express Les Tuileries est à deux pas. Le complexe résidentiel prévu, Les Hauts-­du­Château, marquera la région de son empreinte et symbolisera l’entrée dans la ville. 287 appartements se répartiront dans deux bâtiments offrant de belles échappées sur le lac Léman, le massif du Mont-Blanc ou celui du Jura. Les plans ouverts permettent des utilisations variées.

Les façades vitrées des appartements s’ouvrent sur des espaces extérieurs privés. Le vaste parc dans lequel les deux bâtiments sont enchâssés est conservé et sera réaménagé. Route des Romelles 1 – 25, Bellevue Maître d’ouvrage:  Allianz Suisse Immobilier, Lausanne Architectes:  Favre & Guth, Genève Entrepreneur total:  Perret, Satigny Promotion:  Comptoir Immobilier, Genève Coûts:  200 millions de francs 31  Siège principal Lombard Odier, 2023 Le nouveau siège de la banque privée Lombard Odier est situé à Bellevue, près du Jardin botanique et de nombreuses organisations internationales. La parcelle choisie offre une vue panoramique sur le lac et le Mont-Blanc. Lombard Odier souhaite une construction durable à tous égards. Elle sera composée d’un seul bâtiment, sans avant ni arrière, et pourra accueillir 2600 collaborateurs sur des postes de travail modernes. Un auditorium de 600 places et un restaurant compléteront le programme. Route des Romelles, Bellevue Maître d’ouvrage:  Lombard Odier, Genève Stratégie immobilière:  SPG Intercity, Genève Architectes:  Herzog & de Meuron, Bâle Promotion:  Comptoir Immobilier, Genève Visualisation:  © Herzog & de Meuron

32  Grand-Puits, 2024 Porte d’entrée du grand projet de développement des zones industrielles, le bâtiment Grand-Puits se positionne comme signal d’un nouveau pôle d’attractivité. Dans ce secteur déjà irrigué d’industries, l’objectif est de développer un écosystème pour une nouvelle identité de quartier. Le bâtiment de la parcelle de HIAG Immobilier n’est autre que l’ancienne usine Ulhmann-Eyraud datant des années 1960. Il s’agit ici de retravailler le langage architectural d’époque: toitures en shed, forme en U avec cour centrale, bandeaux vitrés et structure filigrane. Le programme de rénovation et d’extension vise à adapter l’objet aux besoins d’aujourd’hui, à doubler la surface bâtie. En conservant les ailes latérales en shed, les architectes se concentrent sur la reconstruction de l’aile arrière du bâtiment, jouant ainsi sur l’épaisseur pour densifier la zone bâtie. Côté gare, la notion de parvis est utilisée pour valoriser l’arrivée sur le site. Le projet propose une revalorisation des extérieurs comme espaces partagés de type campus avec la construction d’un volume à l’avant qui vient recadrer la cour et en orienter les flux tout en maintenant la perméabilité. Chemin du Grand-Puits 28, Meyrin Maître d’ouvrage:  HIAG, Genève Architectes:  FdMP Architectes, Genève Type de mandat:  mandat direct

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Si proche du monde, si loin de ses voisins La politique des transports et de l’urbanisme s’efforce de mieux relier Genève à la France voisine. L’histoire complexe de cette région peut expliquer les difficultés rencontrées. Texte: Christophe Büchi

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tite ville d’Annecy en Haute-Savoie, au bord du lac du même nom. Le territoire genevois n’englobe donc qu’une partie du pays genevois. La frontière politique sépare ce qui en réalité a une même appartenance. Pour imager le Pour comprendre les relations complexes entre Genève, propos: l’agglomération de Genève est sanglée dans un son canton et la France voisine, il est conseillé de jeter un corset qui l’empêche de respirer. Les efforts déployés ces coup d’œil sur la carte. Une chose frappe immédiatement: dernières décennies en matière d’urbanisme et de poli­ topographie et carte politique ne coïncident pas. Genève tique des transports ne sont qu’une seule et même tenta­ forme une sorte de tête de pont en Suisse, largement en­ tive de se défaire de ce corset – ou du moins de le desser­ tourée par le territoire français. Le canton a une fron­tière rer – et d’assurer une meilleure connexion entre Genève commune de cent kilomètres avec la France, alors que et la France voisine. seuls quatre kilomètres le relient au reste de la Suisse. La ville de Genève est située au bord d’une cuvette, délimitée L’histoire d’un éloignement au nord-ouest par le Jura et au sud-est par les Alpes. Le Le passé, qui se résume pour une bonne part en un Rhône traverse cette plaine en direction du sud-ouest, se éloignement continu entre Genève et ses environs, revient fraie un chemin entre deux parois rocheuses, puis bifur­ pourtant sans cesse contrarier les efforts des Genevois. que vers le sud et traverse Lyon pour aller se jeter dans la La cité implantée au débouché du lac Léman était initiale­ Méditerranée. En résumé, Genève tourne le dos à la Suisse ment le centre d’une région qui comprenait des territoires et regarde en direction de la France. aujourd’hui genevois, français et vaudois. Le diocèse sur Le tracé de la frontière est encore plus insolite: le lequel régnait l’évêque de Genève au Moyen-Âge, à la fois Genevois est divisé par une frontière politique dont la lo­ chef spirituel et prince séculier, s’étendait à l’ouest jusqu’à gique est tout sauf évidente. Nulle part, elle n’atteint la Annecy. Progressivement, les comtes, devenus les ducs de crête des montagnes et des collines environnantes. Elle Savoie ( et qui porteront plus tard le titre de rois de Sar­ se faufile plutôt en slalomant à travers la plaine, suit une daigne ) étendirent leur emprise sur une grande partie de route principale ou un cours d’eau et coupe plus ou moins la région. Ils tentèrent également de s’implanter à G ­ enève, le site d’origine de la commune de Veyrier ou le CERN, l’Or­ nourrissant les craintes de la cité épiscopale et de sa ganisation européenne pour la recherche nucléaire. La bourgeoisie dynamique pour leur autonomie. commune de Soral est épargnée, mais entre le village et la La Réforme en 1536 marque une rupture dans l’his­ frontière, il ne subsiste qu’une étroite bande de terre qui toire de Genève. Le parti genevois favorable à la R ­ éforme, suffit tout juste pour cultiver quelques jardins potagers. dont les partisans sont qualifiés d’‹ Eidguenots › ( dont est Le journaliste romand Alain Pichard n’a-t-il pas écrit que dérivé ‹ Huguenots › ), prend le dessus, abolit la messe et Genève possédait la frontière la plus absurde d’Europe ? chasse l’évêque qui nourrissait des sympathies pour la En réalité, les environs de Genève s’étendent en maison de Savoie. Le réformateur français Jean Calvin France voisine et incluent les communes françaises de bouleverse la cité-État pour instaurer une théocratie réfor­ Saint-Julien ou d’Annemasse. En balayant plus large, on mée. Genève se transforme rapidement en ‹ Rome protes­ pourrait même compter dans la région de Genève la pe­ tante › et en une ville cosmopolite petite, mais ­raffinée →

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Vue sur l’ensemble immobilier Pont-Rouge ( Pont 12 Architectes ) et la zone de développement Praille-Acacias-Vernets ( PAV ). Cahier thématique de Hochparterre, juin 2021 —  Le début d’un nouveau chapitre — Si proche du monde, si loin de ses voisins

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Le CEVA enjambe l’Arve à l’intérieur d’un pont vitré.

→ dont la réputation et l’influence rayonnent dans toute l’Europe. Elle devient ainsi un refuge pour des milliers de protestants persécutés qui fuient la France, l’Italie et d’autres pays. La Réforme modifia en profondeur le rap­ port de Genève avec sa voisine. La fière république se re­ trancha derrière ses remparts, se séparant de ses envi­ rons restés catholiques. C’était désormais un bastion cerné de toutes parts par le territoire savoyard, avec le­ quel elle avait coupé les ponts et qu’elle percevait comme une menace. Les voisins étaient devenus des étrangers. Mais la Réforme signa aussi le début de l’ouverture de la ville et de cet ‹ esprit de Genève › qui verrait plus tard la naissance de la Croix-Rouge, de la Convention de Genève, de la Société des Nations et du siège de l’ONU. Un paradoxe qui scelle encore aujourd’hui le destin de cette cité-État: Genève, si proche du monde, mais si loin de ses voisins. L’Escalade et l’occupation française Après la Réforme, les ducs de Savoie essayèrent à plu­ sieurs reprises d’annexer la cité-État rebelle. Une der­ nière tentative fut lancée en décembre 1602, repoussée massivement par les Genevois. Si l’on en croit la légende, une matrone genevoise, portant le nom fort peu républi­ cain de Mère Royaume, aurait vidé une marmite remplie d’une soupe de légumes bouillante sur les Savoyards ( en grande partie des mercenaires italiens ) qui escaladaient les murailles avec des échelles. C’est ainsi qu’elle donna le signal de la riposte. Baptisé l’Escalade, cet événement his­ torique est aujourd’hui encore célébré le 12 décembre par une grande fête populaire. À cette occasion, on entonne l’hymne de Genève, composé de pas moins de soixantehuit strophes relatant ces faits héroïques en patois local. La victoire contre les Savoyards continue d’être enseignée dans les écoles genevoises. Alors que les enseignants s’ef­

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forcent de sensibiliser les enfants à d’autres cultures, on leur instille dans le même temps la peur des méchants Savoyards. Mais gardons-nous bien sûr de monter ce genre d’histoires en épingle: les professeurs bien inten­ tionnés se donnent beaucoup de peine pour leur expli­ quer que c’est de l’histoire ancienne. Le récit patriotique laisse cependant des traces. Un jour, un ami genevois m’a raconté que lui et sa petite fille avaient failli être renver­ sés par un véhicule immatriculé en France. Très effrayée, la fillette lui aurait demandé si c’était un Savoyard.  Les relations avec les voisins savoyards s’apaisèrent progressivement. Le danger principal pour l’indépen­ dance de Genève revêtit par la suite le visage de la France. En 1601, le pays de Gex, situé au nord de Genève, est inté­ gré au royaume de France et la cité-État réformée est gra­ tifiée d’un nouveau voisin, puissant et peu commode. La Révolution française est pour Genève synonyme de catas­ trophe: en 1793, les troupes françaises occupent la ville ainsi que le royaume de Savoie-Sardaigne. L’ancienne Cité de Calvin devient le chef-lieu du département fran­ çais du Léman, qui englobe une bonne partie de la région. L’unité entre la ville de Genève et ses environs est réta­ blie, mais à quel prix ! Genève est ravalée au rang de ville de province française. Genève entre dans la Confédération La chute de Napoléon marque un autre tournant his­ torique. C’est au Congrès de Vienne en 1815 qu’est décidé le ralliement de Genève à la Confédération. L’helvétisa­ tion alla de pair avec une extension du territoire de la ville: certaines communes de la rive droite du lac Léman et du Rhône, comme Versoix, furent rattachées au nouveau can­ ton. Grâce à cette petite ville située entre Nyon et Genève, le canton obtint un corridor la reliant au canton de Vaud. Pour des raisons de stratégie militaire aussi, on voulut

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s’assurer une liaison terrestre à la Suisse. Afin d’étendre son territoire, Genève se vit en outre octroyer une série de communes savoyardes de la rive gauche du lac, comme Carouge, bâtie par le roi de Sardaigne pour fâcher les Ge­ nevois. L’extension du territoire cantonal resta dans l’en­ semble plutôt modérée, pour la bonne raison que les Ge­ nevois réformés se refusèrent à accueillir un trop grand nombre de catholiques. C’est ainsi que la singulière fron­ tière qui fragmente aujourd’hui la région vit le jour. Les années 1815 – 1816 eurent de lourdes conséquences. Genève perdit son identité de ville exclusivement protes­ tante et devint un territoire multiconfessionnel. Le canton, qui compte depuis 45 communes, ne coïncidait plus avec la cité-État. Genève n’était plus une enclave cernée d’en­ nemis, mais le croissant à l’ouest de la Suisse. La ville gar­ da toutefois une relation distante avec la France voisine. En se tournant vers la Suisse, Genève se distancia encore plus des régions qui l’environnaient. Au 19e siècle, l’industriali­ sation très rapide entraîna une forte immigration, surtout depuis les cantons catholiques du Valais, de Fribourg et de Lucerne. La Cité de Calvin s’éloignait de son passé calvi­ niste. Avec la création de l’État fédéral en 1848, le canton dominé par des courants libéraux poursuivit son ‹ helvéti­ sation ›: Genève regardait désormais vers l’est. En 1860, la Savoie est annexée par la France. Un évé­ nement aux conséquences graves pour le canton, qui se retrouve non plus avec deux, mais avec un seul voisin, puis­ sant, la France. Pour rendre cette annexion un peu plus supportable aux yeux des Savoyards et des Genevois, une partie de la Haute-Savoie et une partie du pays de Gex sont déclarées zones franches. Une décision qui allait fa­ ciliter les échanges économiques. Les paysans français purent venir vendre leurs marchandises à Genève sans payer de droits de douane. En échange, les industriels ge­ nevois ouvrirent plusieurs établissements dans les ‹ zones franches › afin de pallier le manque de place en ville. Le village savoyard d’Annemasse devint ainsi une cité indus­ trielle périurbaine. Un trafic pendulaire dynamique se mit progressivement en place entre Genève et la France. Quand, à la fin de la Première Guerre mondiale, celle-ci abolit les zones franches, le flux de frontaliers se tarit. Ces dernières décennies, le développement fulgurant de la ville internationale et de sa place financière a inversé le rapport: aujourd’hui, plus de 80 000 frontaliers font quoti­ diennement la navette entre la France et Genève.

pourrait laisser penser qu’ils parlent la même langue. Pourtant, l’usage, le rythme, l’accent et le débit de parole sont foncièrement différents. La barrière linguistique est presque aussi haute qu’entre les Suisses alémaniques et les Allemands. Disons, pour forcer le trait, que les Gene­ vois et les Français sont séparés par leur langue commune. Même les différences de culture politique demeurent pro­ fondes entre la France et Genève, voire toute la Suisse ro­ mande, et compliquent le dialogue et, à plus forte raison, la collaboration régionale en dépit de la bonne volonté af­ fichée de part et d’autre.

Le malaise genevois Bien entendu, il existe des tentatives bien intention­ nées et sérieuses de collaboration et de contacts. Le Fes­ tival de la Bâtie, une grande fête de la culture alterna­ tive genevoise, rassemble des artistes des deux côtés de la frontière. Les nombreuses institutions qui s’occupent de coopérations régionales témoignent également d’une volonté d’affronter ensemble l’avenir. Néanmoins les an­ ciennes divisions subsistent, auxquelles de nouvelles viennent s’ajouter. Le formidable développement écono­ mique de Genève depuis la Seconde Guerre mondiale a creusé le fossé entre le noyau urbain riche et la région éco­ nomiquement moins avancée, même si la France voisine s’est elle aussi fortement développée. Les communes fran­ çaises autour de Genève ne constituent pas une banlieue aisée, mais plutôt une antichambre populaire du centreville. La fracture sociale renforce la méfiance mutuelle. De nombreux Genevois méprisent leurs voisins moins for­ tunés et craignent la petite délinquance des banlieues po­ pulaires d’Annemasse. Le malaise s’exprime de manière criante dans la controverse anti-frontaliers alimentée par certains partis genevois. Les Genevois ne considèrent certes plus les habitants de la France voisine comme ils jugeaient autrefois les Savoyards menaçant leur indépen­ dance. Mais de manière générale, ils n’éprouvent guère de sympathie pour les ‹ cousins › de l’autre côté de la frontière. Pour leur part, les communes françaises manifestent un certain ressentiment envers les riches Genevois qui font grimper les prix de l’immobilier et des loyers. Les années à venir montreront si des infrastructures comme le CEVA peuvent contribuer à réduire ce malaise réciproque. Retrouvera-t-on un jour le sentiment d’appar­ tenance d’autrefois ? Lors de l’inauguration du CEVA en décembre 2019, les cheminots français étaient de nouveau en grève et les représentants des autorités genevoises ve­ Des liens sans rapprochement Les échanges économiques et démographiques se nus pour l’occasion sont restés entre eux: de quoi doucher sont accélérés durant les dernières décennies: le Grand tout espoir démesuré. La pandémie de coronavirus révèle Genève est depuis longtemps une agglomération trans­ aussi que la route est encore longue pour parvenir à une nationale. L’amélioration des voies de circulation et l’ex­ Europe aux frontières abolies et à un Grand Genève uni. pansion de l’automobile ont entraîné une hausse du tra­ Surmonter les obstacles qui ont été dressés au cours de fic transfrontalier dans les deux sens. Les Français vont cinq siècles d’histoire reste une entre­prise difficile.  à Genève pour travailler, tandis que les Genevois vont en France pour faire du shopping, du ski ou des randonnées. Une amie genevoise de longue date résume l’essentiel: « S ans la périphérie française, nous étoufferions. Nous En souvenir de Philippe sommes tellement à l’étroit. Même notre montagne, le Sa­ Gardaz ( 1947 - 2018 ), lève, est en territoire français. » D e plus en plus de Gene­ fin connaisseur de la divervois s’installent en France voisine où ils bénéficient des sité cantonale. prix moins élevés sur les marchés locatif et foncier. Christophe Büchi est jourCes liens n’ont pourtant abouti qu’à un rapproche­ naliste et écrivain. Il a ment limité des mentalités. Les différences entre les Ge­ été correspondant de la nevois et leurs voisins perdurent. Certes, les différences NZZ en Suisse romande confessionnelles, si importantes autrefois, ne jouent plus de 2001 à 2014. Il travaille aujourd’hui en tant que le même rôle qu’autrefois. Mais les Genevois et les Fran­ journaliste indépendant çais restent encore très différents, en particulier dans et vit à Lausanne et leur manière de communiquer. Une analyse superficielle à Champéry VS.

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Un accélérateur de projets La région entière bénéficie d’une nouvelle accessibilité grâce au Léman Express. Les lieux de vie et d’activités environnants font l’objet de nombreux développements. Texte: Hervé Froidevaux, Julien Thiney Graphiques: Wüest Partner

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à Anne­masse contre 0,7 % aux Eaux-­Vives. Nombreuses sont donc les personnes qui s’installent en France et passent la frontière quotidiennement. Entre 2001 et 2011, on estime que le nombre de déplacements transfrontaliers a Environ trente minutes, voilà approximativement le temps augmenté de 20 %. Ce constat se retrouve dans l’évolution qu’il fallait pour rejoindre Annemasse au quartier des Eaux-­ démographique avec une croissance annuelle de 1,8 % à Vives, il y a deux ans. Des moyens de transport différents ­Annemasse sur les dix dernières années. Selon l’Insee, la et une frontière séparaient ces territoires pourtant dis- Haute-Savoie est le département le plus dynamique de la tants de seulement 1,5 kilomètre. La mise en service du France métropolitaine. Léman Express, projet phare du Grand Genève, laisse enImpact sur le marché immobilier trevoir depuis 2019 l’avenir d’une mobilité simplifiée et Ce dynamisme influence le marché immobilier où l’anplus respectueuse de l’environnement. Aujourd’hui, la promesse est tenue puisque les gares d’Annemasse et des nonce du Léman Express a indiscutablement accéléré la Eaux-Vives sont reliées en moins de dix minutes par une construction de nouveaux projets, bien avant sa mise en ligne ferroviaire souterraine, dont l’ancien tracé en sur- service. En France, les investisseurs ont largement anticiface a été aménagé pour la fameuse voie verte dédiée aux pé l’amélioration de la mobilité, Annemasse étant la prepiétons et aux cyclistes. Une véritable révolution pour mière ville impactée avec une croissance de 2,1 % du parc la population locale et les territoires limitrophes. L’en- de logements depuis dix ans. Cette évolution s’est encore semble de la région bénéficie d’une accessibilité nette- confirmée peu avant l’arrivée du Léman Express. En 2018, ment renforcée. La réduction des temps de trajet aug- ce n’est pas moins de 4,1 % du parc de logements d’Annemente l’attractivité des zones résidentielles et des lieux masse qui a été autorisé à la construction avec des prod’activités environnants qui font l’objet de nombreux dé- jets d’importance dans le centre-ville. Les grues visibles veloppements. Mais au-delà de renforcer le poids de cer- dans le paysage français témoignent de cette effervescentains secteurs dans le maillage territorial, les réseaux de ce, rendue possible grâce à une disponibilité importante transport ont aussi cette particularité de créer ponctuel- de zones à bâtir. lement, au travers de leurs gares, de nouvelles centralités Cette croissance de l’offre a permis pendant quelques qui drainent un flux important de voyageurs. Jusqu’au dé- années de stabiliser les prix des logements en propriété but de la crise sanitaire, pas moins de 45 000 passagers qui, sur les dix dernières années, n’ont augmenté que de voyageaient quotidiennement sur le réseau du Léman Ex- 16,1 %. Dès la mise en service du Léman Express, la tenpress. Les points d’accès deviennent alors des lieux de dance à la hausse s’est sensiblement accélérée. E ­ ntre forte intensité à l’échelle de la ville et leur planification 2019 et 2021, les prix ont ainsi progressé de 7,3 %. Du côté relève d’un enjeu majeur dans la construction de la ville suisse, l’impact du projet sur la construction est plus modurable de demain. Ces microsituations gagnent sensible- déré avec une croissance de 0,6 % dans le quartier des ment en attractivité sur le marché immobilier. Eaux-Vives. Dans un territoire plus dense, les opportunités de constructions dépendaient fortement de la réalisaDéséquilibre entre les deux territoires tion des gares et des quartiers environnants. L’impact sur les marchés immobiliers est d’autant plus Malgré une légère hausse des prix en France, les intéressant que le Léman Express s’inscrit entre deux ter- écarts restent encore importants. En 2020, le prix d’un ritoires en fort déséquilibre. La région genevoise attracti- appartement en propriété dans le quartier des Eaux-­ ve pour ses salaires, sa qualité de vie et sa prospérité atti- Vives était de 15 200 francs par mètre carré, contre re de nombreux travailleurs. En 2015, avant l’anticipation 4100 francs à Annemasse. L’accessibilité des communes du Léman Express par les usagers, le revenu brut médian françaises, cumulée à des conditions de prêts plus sous’élevait à 79 000 francs dans le quartier des Eaux-Vives ples qu’en Suisse invite à penser que les prix continuecontre 25 000 francs dans la cité française d’Annemas- ront de croître parallèlement à la forte pression démose. Avec un marché immobilier encore saturé et des prix graphique, entraînant une certaine gentrification. Il est élevés, la Suisse peine à loger cette main-d’œuvre face toutefois difficile d’imaginer que l’arrivée du Léman Exà une France où le coût de la vie est moins élevé et les lo- press puisse aboutir à un rééquilibrage complet du margements sont plus abordables. En 2018, juste avant l’ou- ché immobilier. D’importantes barrières administratives verture des nouvelles lignes, le prix d’un appartement et réglementaires continueront à limiter la perméabilité en propriété équivalait à 3600 francs par mètre carré et la mobilité entre la France et la Suisse. La fermeture à Anne­masse contre 15 100 francs dans le quartier des temporaire des frontières lors de la pandémie en 2020 Eaux-­Vives. Le taux de logements vacants s’élevait à 7,5 % l’a clairement démontré.

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Carte des prix Prix des appartements Fr. par m2 2.0 % Nyon: Fr. 10 100.— 2.0 % 1.5 %

Annemasse: Fr. 4100.—

1.5 % Genève: Fr. 14 800.— 1.0 % 1.0 % 0.5 % 0.5 % 0.0 % 0.0 %

Annemasse

Eaux-Vives

Annemasse Eaux-Vives Annecy: Fr. 5600.—

Revenu annuel brut médian en francs ( 2015 ) 90 000

Sources: Bon de Visite, Wüest Partner, Swisstopo Eaux-Vives: Fr. 15 200.—

Taux de croissance annuel moyen de la population sur les dix dernières années

80 90 000 70 000 80

2.0 %

60 70 000 50 60 000

1.5 %

40 50 000 30 40 000

1.0 %

20 000 30 10 000 20

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Centralité et mixité des activités Au-delà d’être un accélérateur de projets, le Léman Express est aussi l’occasion de repenser la trame ur­baine et de répondre aux objectifs du développement dur­able. Le gain d’attractivité donne l’opportunité de penser une ville plus intense en favorisant le développement de projets misant sur la mixité des activités et la qualité de vie en milieu urbain. Dans quelques années, le projet d’extension de la gare de Cornavin et de son parvis viendra redessiner un point stratégique du centre de Genève. Pour ­l’heure, ce sont principalement les gares de Lancy-­PontRouge, Lancy-Bachet et des Eaux-Vives qui bénéficient de cette dynamique de redéveloppement. Étendu entre Lancy-Bachet et Lancy-Pont-Rouge, le grand projet Praille-­ Acacias-Vernets accueillera dans quelques années plus de 10 000 logements, complétés par des surfaces récréatives, administratives, commerciales, artisanales et logistiques. À ces éléments viendront s’ajouter de nouveaux espaces verts et des cheminements piétonniers visant à favoriser les mobilités douces et à rendre la vie en ville plus attractive. Le futur secteur de l’Étoile, qui accueille

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déjà des entreprises internationales de renom est d’ores et déjà considéré comme le futur centre-ville de Genève. En direction d’Annemasse, le projet O’Vives est lui aussi un parfait exemple de centralité mixte, jouxtant la Nou% velle Comédie et sa place5.0centrale. Implanté au-dessus de la gare des Eaux-Vives, il offre 2785 mètres carrés d’espa4.0 % ces de bureaux, 3105 mètres carrés dédiés aux commerces ainsi que 88 logements. 3.0 % Ces nouvelles centralités mixtes ont pour conséquence d’accroître les prix des surfaces de vente et de bureau. 2.0 % Autour de la gare de Lancy-Pont-Rouge, ces dernières atteignent un prix avoisinant 1.0 %500 francs le mètre carré par an alors qu’une majorité des nouvelles grandes surfaces s’échangent pour moins 0.0de % 400 francs dans le canton. Annemasse Quant à savoir si cette mixité retrouvée permettra deEaux-Vives limiter les flux liés au shopping et aux loisirs, la question est posée. L’arrivée du Léman Express facilite les déplacements entre deux pays aux écarts économiques im­por­ tants, par conséquent, la planification mixte des secteurs centraux du Grand Genève constitue un enjeu majeur dans le renouvellement de l’offre immobilière.

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Du tram hippomobile au Léman Express L’idée du Léman Express date du 19e siècle. Enterré pendant des décennies, le projet a connu un nouvel élan lorsque la ville de Genève s’est retrouvée au bord de l’asphyxie. Texte: Dr. Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est historien. Ses publications portent principalement sur le 17 e et le 20e siècle. Il est l’auteur de « ChêneBourg. Entre passé et avenir » ( Slatkine, Genève, 2019 ). Il a également publié avec Gérard Duc une histoire du CEVA: « Du CEVA au Léman Express. Le chantier du siècle » ( Slatkine, Genève, 2020 ).

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Relier la Suisse au Chablais savoyard, en France voisine, bassin versant naturel de Genève depuis des siècles, a nécessité 169 ans. L’idée esquissée à partir des années 1850 devait connaître un premier avatar en 1876 avec la création d’une ligne de trams hippomobiles reliant la modeste gare des Eaux-Vives, au cœur de la Cité de Calvin, à Moillesulaz, aux portes de la Suisse. Des trams à vapeur vinrent rapidement remplacer les chevaux, atteignant la ville française d’Annemasse en 1888. La ligne était électrifiée en 1896. Mais si cette première ligne était créée sur la rive gauche de la ville, elle n’était pas connectée à la gare Cornavin sur la rive droite, construite en 1858, qui reliait Genève à Lyon et au reste de la Suisse. Les chemins de fer ralliant Genève restaient déconnectés de la ligne du Tonkin, au sud du lac Léman, qui avait été créée par la Compagnie française des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée entre 1857 et 1886 et qui rejoignait le Valais par Le Bouveret. Genève était ainsi devenue peu à peu une impasse ferroviaire, toutes les lignes finissant contre un heurtoir. La boucle ferroviaire Les projets pour pallier le chaînon manquant allaient alors se succéder. À une époque où le chemin de fer représentait non seulement un atout économique majeur, mais également un rôle militaire stratégique de premier ordre pour le transport de troupes, nombreux furent ainsi les scénarios ferroviaires impliquant la création de nouvelles gares et d’ouvrages d’art. Mais il fallut attendre 1907, date de l’abandon du projet de tunnel ferroviaire au Mont-Blanc par les autorités françaises, pour que la Suisse estime que le col de la Faucille, dans le massif du Jura, puisse représenter une alternative crédible comme voie d’accès au Simplon. Une convention franco-suisse fut dès lors passée en 1909 dans cette perspective, entraînant trois ans plus tard la Convention du 7 mai 1912 entre la Confédération et le canton. Cet accord constituait en effet une promesse de raccordement entre la gare principale de Cornavin et la gare des Eaux-Vives, finalisant ainsi la boucle ferroviaire à l’ouest du Léman. Les CFF s’engageaient à assumer un tiers des frais, le solde de l’investissement nécessaire devant être assuré par la Confédération et le canton de Genève, à raison d’un tiers chacun.

de son urbanisation, la croissance exponentielle du transport automobile et l’augmentation progressive du nombre de travailleurs provenant de l’extérieur du canton avaient en effet mené Genève au bord de l’asphyxie, nécessitant une refonte des principes de sa mobilité. Et l’axe fort de cette réflexion se cristallisa dans un premier temps sur le tram, un moyen de déplacement qui avait été très largement dédaigné au cours des années qui avaient suivi la Seconde Guerre mondiale. La planification des transports publics allait être ainsi entièrement tournée vers la création de nouvelles lignes de tram devant irriguer le canton. L’idée d’une liaison ferroviaire par le sud du Léman semblait ainsi oubliée, étouffée par un flot ininterrompu d’expertises et de rapports mêlant inextricablement intérêt public, volontés régionales et principes idéologiques contraires. Et à cette équation particulièrement ardue, s’ajoutait encore un aspect singulièrement compliqué, la dimension transfrontalière. Ce devait être toutefois grâce à la volonté de l’association Alprail qui avait déterré la Convention de 1912, qu’un scénario ferroviaire refit surface en 1993. Ce scénario allait progressivement convaincre tant des députés provenant de partis politiques différents que les autorités françaises régionales, ou le nouveau conseiller d’État Robert Cramer, élu en 1997. Profitant de la dynamique générée par le Projet d’agglomération défini en 2004, le scénario, intitulé alors ‹ CEVA – Cornavin – Eaux-Vives – Annemasse ›, allait progressivement s’imposer aux décideurs genevois avant d’être adopté par le Conseil fédéral, les CFF et Paris.

La naissance du Léman Express Le premier coup de pioche était donné le 20 septembre 2005, inaugurant ainsi la première étape du projet, devant de nombreux représentants politiques, et notamment la conseillère d’État zurichoise Rita Fuhrer et son homologue tessinois Marco Borradori qui s’étaient déplacés afin de marquer l’unité de l’alliance conclue l’année précédente entre les trois cantons pour la réalisation de leurs projets ferroviaires respectifs. Six ans plus tard, le 15 novembre 2011, la seconde étape du projet était entamée en présence de la Conseillère fédérale Doris Leuthard, annonçant l’achèvement du projet du CEVA et la naissance d’une nouvelle ligne ferroviaire, le Léman Express. Celui-ci entrait en activité le 12 décembre 2019, voyant 14 kilomètres de chemin de fer bâtis sur le territoire suisse, cinq nouvelles gares – dont quatre souterraines voir page 8 –, 2,5 kilomètres de tunnels excavés, 3,6 kilomètres de tranchée couverte supportant une voie Un besoin d’agir urgent verte, et six cents arbres replantés. Une révolution dont Deux guerres mondiales, la démocratisation de l’au- les effets demeurent pourtant difficiles à estimer une antomobile et l’essor phénoménal de celle-ci allaient se née plus tard puisque les mois qui suivirent l’inauguration charger d’enterrer durablement ces projets de liaison de la nouvelle ligne devaient être marqués par une panferroviaire durant des décennies. Ce n’est qu’à la fin du démie historique paralysant la société et faussant toute 20e siècle que cette idée revint sur la table. L’expansion observation statistique.

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Le tronçon souterrain du CEVA commence à la gare de Lancy-Bachet. Cahier thématique de Hochparterre, juin 2021 —  Le début d’un nouveau chapitre — Du tram hippomobile au Léman Express

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Le début d’un nouveau chapitre La ligne Cornavin – Eaux-Vives – Annemasse ( CEVA ) a été inaugurée en décembre 2019 à ­Genève. Pour cette ville où la voiture est reine, ce fut une étape majeure dans le développement des transports publics. Le CEVA comble une lacune en structurant les différentes lignes en un seul réseau, le Léman Express. Genève ouvre aujourd’hui un nouveau chapitre de son his-­ toi­re. Dans vingt ou trente ans, les Genevoises et les Genevois n’en reviendront pas de constater combien le Léman Express aura modifié et façonné leur environnement quotidien. Ce cahier part à la rencontre de la nouvelle liaison ferroviaire et de ses gares impressionnantes. Il retrace son histoire et présente les premiers ouvrages et les projets qui s’inscrivent dans la ligne directe du CEVA.

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