ABC d’une collaboration authentique : Principes et actions pour orienter les projets [...]

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ABC d’une collaboration authentique

Principes et actions pour orienter les projets d’architecture et d’aménagement en territoires autochtones

Habiter le Nord québécois

Par : Geneviève Vachon, Élisa Gouin, Samuel Boudreault, Florence Gagnon avec Myriam Blais, Lyna Chambaz, Anthony Présumé

Nos remerciements à Hugo Lavallée, Annie Beaudoin, Vickie Lefebvre, Norman Matchewan et aux étudiants concepteurs.

©2024 Habiter le Nord québécois

École d’architecture de l’Université Laval

Québec (QC) Canada G1R 3V6

Guide soumis dans le cadre du contrat R855.2 avec le ministère des Transports et de la Mobilité durable du Québec, en collaboration avec la communauté des Algonquins de Barriere Lake – ABL (réserve de Rapid Lake)

Aquarelles (2023) Anthony Présumé

Photos aériennes (2023) Pierre Lahoud

Couverture (2023) Florence Gagnon, Alice

Corrivault-Gascon et Justine Morin

Algonquins of Barriere Lake Mitchikanibikok Inik
ABC d’une collaboration authentique Principes et actions pour orienter les projets d’architecture et d’aménagement en territoires autochtones Introduction 4 Partie 1 Vers une collaboration authentique 6 ‘Do your homework !‘ 7 Conditions gagnantes de l’authenticité 11 Partie 2 Principes d’architecture et d’aménagement autochtones 17 Ménagement du site 18 Écosystèmes résilients 26 Programmes innovants 24 Architecture identitaire 42 Conclusion 51 Références 52 Précédents 54

* Mitchikanibikok Inik : Algonquins de Barriere Lake dans la langue algonquine, « ce qui veut dire ‘les gens du barrage de pierre’, à cause de la petite barrière de roches érigée pour attraper les poissons sur le bord du réservoir Cabonga » (Pasternak 2017, 85).

Kitiganik : Rapid Lake, réserve où habite aujourd’hui la majorité des membres de la communauté des Algonquins de Barriere Lake.

Introduction

Intention et défis

Ce guide illustré traduit de manière synthétique les résultats d’un projet de recherche collaborative financé par le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) impliquant des chercheurs de l’École d’architecture de l’Université Laval et des représentants de la communauté anichinabée des Algonquins de Barriere Lake (ABL). Il remplit deux objectifs :

• fournir les bases ou « l’ABC » d’une collaboration authentique impliquant des représentants des Premières Nations, à la lumière d’activités menées au sein d’un espace partenarial;

• présenter des principes et moyens d’action culturellement appropriés pour orienter la discussion concernant de possibles projets d’architecture et d’aménagement en territoires autochtones, en prenant appui sur l’expérience anichinabée.

Les défis de la recherche étaient de deux ordres. D’abord, il s’agissait d’amorcer une nouvelle collaboration avec la communauté des ABL afin de discuter de visions d’aménagement soutenable pouvant potentiellement inclure la construction et la co-gestion d’une aire de service située à proximité de la réserve sur la route 117. Il fallait ensuite comprendre les réalités et les aspirations de la communauté des ABL à travers des exercices de recherche-création collaborative faisant émerger des pistes de design.

*

De ces activités découlent des principes d’architecture et d’aménagement adaptés à la vision du monde autochtone qui pourraient éclairer les discussions entre le MTMD et les ABL, mais aussi avec d’autres communautés autochtones.

L’intention du guide est d’alimenter les acteurs au sein des instances publiques en amont d’un processus collaboratif impliquant des communautés autochtones. Il découle d’une expérience assez représentative de partenariats impliquant des consultants (universitaires dans le cas présent) et les représentants d’une communauté autochtone. Le guide vise aussi à orienter les décisions concernant la conception / réalisation de projets financés par les fonds publics qui sont d’une grande qualité architecturale, pertinence culturelle et utilité sociale tant pour les communautés autochtones concernées que pour les Québécois. Il contribue surtout à illustrer une démarche qui s’inscrit dans le processus de réconciliation avec les Premières Nations qui veulent participer au développement soutenable et autodéterminé de leur milieu de vie et de leur territoire.

Approche

La méthode de recherche collaborative s’appuie sur le concept d’espace partenarial qui se situe à la convergence des intérêts et connaissances d’acteurs des milieux universitaires, des communautés et des professionnels impliqués dans le processus. Elle relève aussi de la recherche-création en architecture pour élaborer des propositions concrètes (ou projets) selon un processus itératif de conception, de

synthèse et de validation à partir desquelles orienter le questionnement. La recherche-création est une « approche de recherche combinant des pratiques de création et de recherche universitaires et favorisant la production de connaissances et l’innovation grâce à l’expression artistique, à l’analyse scientifique et à l’expérimentation » (Williams-Jones, Lapointe, et Gauthier 2018, 20). Elle contribue à la production « de nouveaux savoirs esthétiques, théoriques, méthodologiques, épistémologiques ou techniques » (Paquin et Noury 2018) en imaginant des réponses architecturales appropriées aux problématiques exprimées par les communautés. Les ateliers de design menés par l’École d’architecture adoptent cette approche, en mettant en place des « laboratoire[s] de collaboration et de création qui “opérationnalise[nt]” les connaissances dans l’action pour résoudre des problèmes concrets liés à l’habitat, aux infrastructures ou à d’autres besoins exprimés par la communauté » (Belleau et al. 2011, 25-26).

Le guide comporte deux sections.

La première partie présente les conditions gagnates – l’ABC -- de tout travail de collaboration impliquant les Premières Nations.

La deuxième partie identifie les principes d’architecture et d’aménagement culturellement appropriés pour réaliser des projets qui cadrent avec les valeurs des communautés autochtones. Des moyens d’action sont illustrés par des précédents et des projets de design imaginés à l’École d’architecture de l’Université Laval en collaboration avec la communauté des ABL pour Kitiganik (réserve de Rapid Lake).

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Vers une collaboration authentique

La littérature est riche en ‘toolkits’ pour guider les collaborations avec et pour les communautés autochtones (IPCA s.d.; Gentelet et al. 2018). Le présent guide se distingue en puisant au domaine de la recherche-création menée dans l’action en aménagement et en architecture. Cette somme d’expériences est passée au crible de la réflexivité, cette capacité des designers à analyser leurs propres comportements et à les ajuster / améliorer en continu au cours d’un processus collaboratif (Schön 1984). La réflexivité fait appel à l’intersubjectivité qui mise sur la reconnaissance des savoirs et visions du monde autochtones au même titre que les savoirs professionnels ou scientifiques (Després et al. 2004). C’est sous cet angle que s’articulent les recommandations qui suivent afin d’éclairer la mise en place de collaborations authentiques avec les communautés autochtones.

Partie 1

‘Do your homework !‘

Les collaborations fonctionnent mieux lorsque la confiance est établie entre tous les partenaires, y compris les membres de la communauté. La meilleure façon d’y parvenir est de comprendre le lieu et le contexte naturel, historique et culturel des personnes avec lesquelles vous établissez des relations.

Indigenous Protected and Conserved Areas –IPCA (s.d., traduction libre)

redonner un pouvoir politique aux premiers peuples et supporter, notamment, la régénération (ou la résurgence) de l’utilisation des langues autochtones, des cultures orales, des traditions et des systèmes traditionnels de gouvernance (Simpson 2014). Chaque action entreprise en relation avec les Premières Nations s’inscrit dans l’atteinte de cet objectif, au bénéfice d’un environnement inclusif et juste, où la reconnaissance des droits ancestraux fait partie intégrante des partenariats qui les concernent.

Comprendre les réalités et le contexte culturel des Premières Nations relève d’un effort soutenu qui n’est pas leur responsabilité ! Même si les communautés autochtones sont diversifiées et se définissent chacune à partir de leurs propres histoires et vérités, les interlocuteurs allochtones ont le devoir de comprendre ces particularités afin de saisir l’origine des biais qui peuvent influencer le dialogue. Les enjeux systémiques qui ont déterminé les conditions de vie actuelles des Autochtones doivent être pris en compte dans le développement d’une collaboration authentique et de sincère réconciliation. Les communautés l’affirment : faites vos devoirs, do your homework! (IPCA s.d.).

La réconciliation se fonde sur une prise de conscience des histoires des Premières Nations et de leur relation avec l’état canadien. Elle s’ancre dans l’application d’efforts pour

Les Autochtones ne sont pas que des collaborateurs mais bien des détenteurs de savoirs et des décideurs. Le développement de collaborations entre professionnels allochtones et communautés autochtones permet aux deux parties d’échanger des savoirs, voire d’en coproduire, à l’intérieur d’un processus d’apprentissage mutuel (Sanderson et Kindon 2004). Cet échange permet d’élargir leur vision respective du monde. Le principe du two-eyed seeing réfère à l’idée d’apprendre à « voir simultanément » les savoirs des communautés autochtones d’un œil, et les savoirs issus de la culture occidentale de l’autre (Bartlett, Marshall & Marshall 2012). Cette manière d’appréhender un environnement collaboratif ouvre la voie au dialogue entre les façons de penser, d’être et de faire, sans nier l’identité des partenaires de la collaboration (Bussières 2018; Caillouette et Soussi 2017; Dumais 2011; Gillet et Tremblay 2017). Elle mène vers un terrain de compréhension mutuelle – un espace partenarial – où se déploient une diversité de forces visant à améliorer les conditions actuelles tout en évitant de compromettre le futur des prochaines générations.

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« Faire ses devoirs » en vue de tels échanges équilibrés devrait tenir compte de trois grandes valeurs partagées par les nations autochtones: le caractère sacré du territoire, l’importance des relations avec ce dernier, et la pertinence des histoires et des récits (storytelling) pour à la fois en témoigner et discuter du futur.

1.1

Territoire sacré

Le territoire est un sujet sensible, il faut faire attention. Quand on parle du territoire à un Innu, c’est comme si on parlait à une mère de son enfant. C’est le même niveau d’intensité. On sent encore que le territoire est bien ancré, même pour ceux qui ne montent jamais dans le bois.

Gaëlle André-Lescop, ingénieure innue, qui cite une participante à sa recherche (2019, 70)

Les peuples autochtones partagent une façon unique de penser et de voir le monde qui est profondément liée au territoire (Matunga 2013). Pour Norman Matchewan, membre de la communauté des ABL, le mode de vie anichinabé est indissociable du territoire (Barriere Lake Solidarity 2011). Plusieurs familles partagent leur temps entre la communauté et la forêt où elles pratiquent la chasse, la pêche, la trappe, la cueillette, l’artisanat et la médecine traditionnelle. En plus d’assurer la subsistance, le territoire est le lieu où se vit et se transmet la culture. Toujours selon Matchewan : « c’est notre maison. […] C’est ainsi que notre identité survit, en tant que Mitchikinabikok Inik » (Pasternak 2017, 85).

À l’échelle des nations, les savoirs traditionnels autochtones sont directement issus de l’expérience vécue du territoire, de génération en génération. Loin d’être statiques, ces savoirs s’actualisent et s’adaptent aux conditions changeantes du territoire, incluant celles imposées par les changements climatiques (Nursey Bray et al. 2022; Vachon et al. sous presse).

Le territoire joue un rôle central dans les décisions d’aménagement des collectivités (Matunga 2013). Aussi, pour développer une approche de collaboration sensible dans ce domaine, il importe de comprendre les caractères inhérents au territoire (toponymie, marqueurs, ressources, animaux) et leur importance pour les communautés (pratiques, savoirs, légendes, spiritualité) dans le processus d’affirmation identitaire.

Relationalité

Plutôt que de nous considérer comme étant en relation avec d’autres personnes ou d’autres choses, nous sommes les relations que nous entretenons et dont nous faisons partie Shawn Wilson, chercheur cri (2008, 80, traduction libre)

La relationalité est un concept ontologique fondateur du monde autochtone. Elle adresse le caractère fondamental des relations avec et entre les individus, l’environnement, le monde, les esprits, le territoire. Selon Shawn Wilson (2008), la relationalité traduit le sens

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1.2

que donnent les peuples autochtones à l’environnement et au territoire sur la base de relations réciproques. Cette réciprocité se fonde sur l’idée de responsabilité (caretaking) envers les ressources, selon une conception holistique ou écocentriste du monde où l’individu est en égale relation avec ce qui l’entoure et l’habite. Les relations unissent une communauté à son territoire.

Ontologie autochtone liée au territoire, Gouin (2024)

La temporalité est étroitement associée à la relationalité. Le temps est une notion construite et perçue différemment par les communautés autochtones qui comprennent et vivent leurs relations au territoire au rythme des cycles saisonniers (Gentelet 2009). Elles ont conscience que les actions sur l’environnement d’aujourd’hui influencent l’avenir, au même titre que les actions passées. C’est ce que le concept des sept générations affirme: les actions et savoirs du passé éclairent ceux du présent et, ensemble, construisent une vision d’avenir (Jojola 2013). Les relations au temps et aux saisons, rythmées par l’observation fine des écosystèmes, font partie du système de savoirs traditionnels en évolution.

Elles influencent les pratiques de subsistance et la transmission des savoirs (Hatfield et al. 2018). La récente sédentarisation imposée aux peuples semi-nomades a modifié leur rapport aux saisons et leurs déplacements. Malgré tout, les liens au territoire perdurent, dans le quotidien comme dans l’imaginaire et ce, même si les pratiques contemporaines se vivent au gré de modalités temporelles hybrides pas toujours faciles à concilier (André-Lescop 2019).

Histoires et récit (storytelling)

La narration [storytelling] en tant que méthode de recherche contribue à saisir la polyphonie des différentes voix qui s’élèvent durant le processus d’aménagement.

Catalina Ortiz (2022, 6, traduction libre)

Dans les processus collaboratifs d’aménagement, le storytelling est une approche qui reconnaît et travaille à partir des expériences subjectives des acteurs impliqués. Par exemple, pour comprendre un contexte d’intervention, il invite les professionnels à sortir du cadre de l’analyse objective ou technique, sans la nier, et propose de mettre en évidence les histoires autochtones pour saisir leur milieu de vie avec plus de nuances (Sandercock 2003).

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1.3

La communication interculturelle est ellemême une forme de récit puisqu’elle inclut les voix, les histoires, les expériences et les savoirs de la communauté, auxquels les professionnels ajoutent leurs apports. Le storytelling est avant tout une discussion animée et ouverte qui tient compte des deux visions du monde, à la manière du two-eyed seeing. Il fait écho aux traditions orales et aux discours imagés des Autochtones pour exprimer leur appartenance au territoire. Pour eux, les protagonistes d’un récit peuvent prendre la forme de forces incontournables, comme les legs de la colonisation, les relations au territoire. Dans un contexte où l’identité culturelle joue un rôle important, l’art, la musique et la poésie contribuent puissamment au récit (Sandercock 2003). D’ailleurs, les professionnels de l’aménagement ont tout intérêt à inclure les artistes dans le processus collaboratif qui mise sur le storytelling, en plus des décideurs et des citoyens locaux.

L’approche du storytelling invite les protagonistes – Allochtones et Autochtones, professionnels et citoyens – à trouver des fils conducteurs parmi les histoires pour raconter mais aussi orienter le projet. En valorisant la parole et l’imaginaire autochtones, le storytelling peut aider à cerner, voire atténuer des déséquilibres de pouvoir au sein de la collaboration, et désamorcer les a priori (Sioui et Marceau 2023). Il peut même renforcer l’adhésion au projet qui en résulte puisque ce dernier découle, au fur et à mesure du travail collaboratif, de l’interprétation du sens donné aux lieux (Sandercock 2003). Bref, le storytelling offre une manière alternative de penser et de faire le projet en permettant aux acteurs d’imaginer ensemble une vision du futur enracinée dans l’expérience.

Visitez ‘Let’s have a yarn !’ An Illustrated narrative to reveal and imagine Kitiganik (2023) pour mieux comprendre le potentiel du ‘storytelling’ appliqué au design urbain.

https://storymaps.arcgis.com/sto ries/b782a970cfb94ec88d7425f 82c0626b7

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Conditions gagnantes de l’authenticité

J’ai toujours été fière de collaborer, mais surtout, de faire participer les gens de ma communauté. […] Je ne regarde plus nos maisons de la même façon. Je me replonge dans ma culture grâce à ces échanges. Avant [nos projets avec l’école d’architecture], je ne me sentais pas obligée d’émettre des opinons […]. [Maintenant], j’invite tous mes voisins à le faire. Participer aux réflexions derrière l’aménagement de nos communautés, c’est essentiel à notre bienêtre – à la construction d’un avenir qui nous ressemble. Peux-tu me faire un dessin de ce dont tu parles ? Je veux le voir dessiner. Je veux comprendre. Je suis venue ici pour apprendre.

Carmen Rock, ex-professionnelle Innue de l’habitation (dans HLNQ 2019, 13) Après avoir « fait ses devoirs », la construction d’un espace partenarial impliquant des professionnels allochtones et des communautés autochtones en fait un espace de relationalité. De fait, l’espace partenarial se situe à la convergence des intérêts et des connaissances détenus par les acteurs impliqués dans le processus (Gouin 2021). Dans le contexte d’une collaboration avec les Autochtones, les visions du monde et les paradigmes de pratique ou de recherche, ancrés dans des histoires souvent adverses, s’y frottent. L’espace partenarial

est un espace de dialogue. Les échanges qui y prennent place permettent de définir les attentes respectives des parties prenantes et leurs a priori ancrés dans un historique d’interrelations parfois houleux. Ils révèlent des opportunités de convergence ou des traits d’union sur lesquels fonder une démarche collaborative authentique et durable (Gentelet 2009; Gouin 2021). Cet espace de confiance mutuelle évoque le wampum à deux rangs, ce traité de coexistence pacifique entre les colons et les Premières Nations (Viswanathan 2019).

L’espace partenarial permet aussi de comprendre le rôle des « portiers » au sein des groupes d’acteurs. Les portiers voyagent entre les paradigmes occidentaux et autochtones, et facilitent la médiation en contexte interculturel. Clément et al. (1995, 155) les désignent comme des intermédiaires aptes à tisser des liens entre les collaborateurs . Leur rôle est primordial, car ils facilitent la création d’une relation de confiance et permettent d’outrepasser les limites ontologiques, épistémologiques et culturelles. Ces portiers peuvent appartenir à l’un ou l’autre des groupes d’acteurs. Ils entretiennent généralement des relations privilégiées antérieures au projet avec certains participants : relations professionnelles fructueuses, amitié de longue date, etc.

Les démarches partenariales authentiques, sont l’occasion de de croiser différents types de savoirs au profit de projets de transformation des milieux de vie qui sont acceptables, réalisables et durables. La prochaine section s’appuie sur les clés de réussite de la recherche partenariale (Gouin 2024) pour faire des recommandations concrètes.

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Les clés de l’authenticité

L’authenticité partenariale caractérise la légitimité et le succès d’un processus de recherche collaboratif. Elle s’appuie sur des facteurs tan-

gibles et intangibles résumés au tableau 1. Ces facteurs ont été validés auprès d’acteurs innus, professionnels et universitaires impliqués dans un partenariat de recherche (Gouin 2024).

Pour la pratique en aménagement et en architecture (publique ou privée), ces facteurs mènent à six recommandations pour orienter ou mesurer l’authenticité d’une collaboration, en partenariat avec une communauté autochtone (tableau 2).

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Tableau 1 : Facteurs de succès tangibles et intangibles de la recherche partenariale selon une recension des écrits exploratoire réalisée en 2020 (Gouin 2024) Tableau 2 : Basées sur les facteurs de succès tangibles et intangibles de la recherche partenariale : six recommandations en vue d’une collaboration authentique en aménagement et architecture

Recommandations pour une collaboration authentique

• Priorités fondées sur une entente claire

Peu importe son mode de financement, le démarrage et les fondations d’une collaboration authentique s’établissent à partir des attentes des parties prenantes et, surtout, des priorités identifiées par la communauté autochtone impliquée. Clarifier ces attentes et priorités mène à l’élaboration d’une entente ou d’un accord qui définit clairement, tel un wampum, les rôles, responsabilités et implications des participants jusqu’à la réalisation du projet, le cas échéant. Cette entente s’établit avant même d’amorcer la programmation ou la conception du projet à développer. Elle découle d’une considération objective de possibles déséquilibres entre les pouvoirs en présence et identifie les moyens de les éviter. L’entente devrait s’articuler dans un document de référence concis et illustré dont le vocabulaire et la langue rejoignent tous les participants, incluant les citoyens. La traduction des éléments clés de l’entente est un levier de sécurisation culturelle en prévenant les malentendus et en confirmant les attentes. Les aller-retours conceptuels qu’elle induit peut s’avérer un précieux outil de validation.

Le wampum, symbole d’une entente entre parties prenantes servant notamment à définir les rôles et responsabilités. Dessin : A Présumé, 2023.

• Projet en adéquation avec la culture

La partie 2 du présent guide s’attarde à identifier des principes et des moyens d’action pour concevoir et réaliser un tel projet (voir plus loin).

• Confiance et réflexivité dans l’action

La confiance entre les partenaires d’une collaboration authentique se construit en y mettant du temps et en multipliant les occasions d’échanges, notamment au moyen du storytelling. Concrètement, la confiance des Autochtones envers les professionnels a plus de chances de se solidifier si ces conditions sont au rendez-vous : des rencontres en personnes plutôt qu’à distance et au sein de la communauté, une écoute active, la valorisation des histoires et des savoirs partagés, la stabilité parmi l’équipe de professionnels, et le temps investi par ces derniers (incluant des échanges dans un contexte social comme un repas ou des activités traditionnelles sur place).

La capacité de réflexivité des professionnels de l’aménagement ou de l’architecture permet

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d’ajuster leurs aptitudes relationnelles en continu et dans l’action. La méthode du codesign met la réflexivité à l’épreuve. Au-delà de la consultation, elle favorise la délibération autour des différents savoirs, expériences et intérêts en co-présence (intersubjectivité). Les participants visent à construire, graduellement, un consensus autour d’une solution commune ou d’une vision partagée qui répond aux besoins, aspirations, valeurs et capacités locales. Le co-design augmente les chances que la communauté adhère à la solution et en devienne même l’ambassadrice auprès des instances (locales et gouvernementales). Même s’il demande plus de temps et de ressources, le processus de co-design mobilise les membres de la communauté dans le cadre de « charrettes » de conception ou le storytelling peut prendre place.

• Trait d’union pour coconstruire des solutions

Le trait d’union est en fait une posture, une attitude face à quelque chose de fondamentalement différent. […] Les perspectives resteront différentes quoi qu’il arrive parce qu’elles sont déterminées par l’histoire des peuples autochtones mais aussi par leur identité. (Gentelet 2009)

La gestion des pouvoirs joue un rôle majeur dans un processus participatif. En ce sens, un climat de réciprocité entre les parties prenantes renforce la confiance et l’écoute. Toutes les instances multiplient les appels à une plus grande réciprocité et à une meilleure reconnaissance des apports autochtones dans la collaboration. On y vise des relations équitables entre les partenaires, de type « gagnant-gagnant » (Koster et al 2012). Le processus mène à des bénéfices clairs pour la communauté par rapport à leurs attentes, à leur investissement et à la reconnaissance de leurs savoirs .

En opérationnalisant la réciprocité, la posture du trait d’union implique de travailler à partir des différences d’interprétations ou d’opinions. Plutôt que d’essayer de les supprimer, la collaboration authentique visera à construire un pont pour relier / rallier les différentes perspectives, autochtones et allochtones (Gentelet 2009).

Le processus de co-design mobilise les parties prenantes autour d’un projet commun, en mode délibératif.

Dessin: F Gagnon et A Corriveault-Gascon, 2023.

Il existe plusieurs moyens de concrétiser une posture de trait d’union, comme la coopération entre professionnels et membres

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de la communauté dans la réalisation d’un projet, de la conception à la construction. La co-construction qui implique les Autochtones – penseurs, décideurs, faiseurs – rend possible le partage et la transmission de savoirs et de savoir-faire pour renforcer les compétences locales. Les professionnels allochtones impliqués acquièrent des connaissances en matière de techniques constructives traditionnelles et d’actions misant sur le respect des ressources du territoire. L’autoconstruction facilitée en tout ou en partie par un processus de collaboration entre partenaires (comme des programmes de formation) peut encourager le développement des aptitudes et l’autonomie d’une communauté.

La co- ou l’auto-construction sont des opportunités de coopération entre plusieurs types d’intervenants : professionnels, entrepreneurs, formateurs, membres de la communauté. Dessin: A Présumé, 2023.

impératifs que ceux des instances allochtones. La prise en compte des temporalités locales est primordiale dans le maintien de relations partenariales respectueuses. Par exemple, le ‘timing’ des activités collaboratives doit tenir compte du cycle des élections au Conseil de bande et des modes de vie saisonniers. Les calendriers autochtones composent avec les activités saisonnières et traditionnelles sur le territoire, ce qui influence le calendrier des rencontres collaboratives.

• Respect des temporalités et du ‘timing’

Collaborer avec des partenaires autochtones signifie souvent une intrusion dans leur calendrier qui s’organise selon des cycles et des priorités tout autres. Leur cadre de gouvernance et leurs instances répondent aussi à d’autres

Les modes de vie saisonniers et les calendrier

• Gestion inclusive et autodétermination

Parmi les facteurs intangibles de succès d’une relation partenariale figurent les réalisations ou les moyens menant à l’autodétermination des communautés autochtones. Dans le contexte de l’aménagement et de l’architecture, la mise en place de modes de gestion coopérative ou inclusive pour des équipements communautaires (comme une aire de service) mise sur la prise de contrôle par la communauté: décisions, responsabilités, risques (dont ceux perçus par la communauté).

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Moyennant des opportunités de formation continue, la participation à l’administration, au fonctionnement, à la maintenance des équipements renforce autonomie et fierté

La gestion coopérative agit surtout comme un levier dans la création d’emplois de proximité, favorisant la résilience des individus et de la collectivité. Une telle stratégie alliée à la réalisation de projets d’architecture reconnaît l’autodétermination. Elle va aussi dans le sens d’une décolonisation des pratiques d’aménagement et d’architecture en rétablissant l’équilibre des pouvoirs et du contrôle en faveur de la communauté utilisatrice.

Visitez ‘Innuassia-um’ Aménager les communautés innues (2016), un outils illustré d’accompagnement des professionnels innus dans leur réflexion face aux besoins urgents en matière d’agrandissement de leur territoire et de rénovation de leur parc résidentiel.

La co-gestion d’équipements réalisés dans le cadre d’un partenariat avec les communautés valorise l’expertise autochtone et l’autodétermination.

Dessin: A Présumé, 2023.

www.innuassia-um.org

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Principes d’architecture et d’aménagement autochtones

Cette section présente des principes d’architecture et d’aménagement potentiellement utiles dans la conception et la réalisation de projets culturellement appropriés en territoires autochtones.

Ces principes découlent d’une synthèse de recherches et d’échanges menés avec des communautés anichinaabées et innues au fil des dernières années. Ils traduisent des savoirs et des valeurs partagés qui pourraient servir d’amorce à un dialogue ou à un processus de co-conception d’équipements communautaires (dont des aires de service) avec une communauté autochtone concernée par un projet qui transformera son territoire. En appui des principes, quelques moyens d’action concrets sont illustrés par des exemples d’ailleurs et des projets de design réalisés à l’École d’architecture de l’Université Laval (2022-2023) en collaboration avec la communauté des ABL.

Les 12 principes s’organisent en fonction de 4 thèmes correspondant à des domaines ou des échelles d’intervention complémentaires :

Ménagement du site

1. Territoire et communauté

2. Paysage

3. Ancrage

Écosystèmes résilients

4. Forêt

5. Eau

6. Sol Programmes innovants

7. Flexibilité

8. Mixité

9. Faisabilité

Identité architecturale

10. Marqueurs

11. Figures et symboles

12. Matières

Les précédents illustrés ci-après peuvent être consultés dans plus de détail aux liens listés à la fin de la partie 2. Les projets sont disponibles dans plus de détail sur le site Ideas for Kitiganik (habiterlenordquebe.wixsite.com/ ideas-for-kitiganik).

17 Partie 2

Ménagement du site

Principe 1

Territoire et communauté

Principe 2

Paysage

Principe 3

Ancrage

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Partie 2
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« »

Nous aurions besoin aujourd’hui, mal pris comme nous le sommes, de plus de pensées sauvages, de plus d’espaces sauvages, d’une bonne dose de liberté sauvage.

Les manières d’habiter des peuples autochtones se fondent sur le concept de relationnalité selon lequel les milieux humains, l’environnement naturel et le monde spirituel sont inextricablement liés. L’insertion de constructions ou d’aménagements sur un territoire autochtone a des conséquences sur les relations que les communautés entretiennent avec lui. Aussi, toute stratégie d’aménagement ou de « ménagement » (frugalité, réparation) devrait contribuer à maintenir, voire à renforcer, cet ensemble de relations respectueuses afin de permettre à la communauté et aux générations futures d’y pratiquer les activités nécessaires au bien-être des individus et au renouvellement des savoirs (Commune frugale 2022). Les actions visant un aménagement durable et culturellement approprié devraient tenir compte de la vision du monde autochtone envers le territoire, du dialogue avec les paysages et de l’ancrage aux milieux de vie.

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Serge Bourchard Un café avec Marie, 2021

Principe 1

Territoire et communauté

Les relations au territoire comme clés d’une planification communautaire durable

Selon la vision du monde des Autochtones, le territoire est un important lieu de pratique et d’expression de la culture, de même qu’une source d’approvisionnement et de bien-être.

De fait, les dynamiques relationnelles avec le territoire sont déterminantes dans le maintien de l’identité, de la spiritualité et des valeurs au sein des communautés. Sur la base du concept de responsabilité réciproque, les relations au territoire jouent un rôle central dans les décisions d’aménagement durable des communautés. Elles offrent des opportunités pour la conception de projets qui sont respectueusement ancrés au paysage culturel et naturel.

Moyens d’action

1.1 Empreinte: limiter l’empreinte des aménagements et des bâtiments afin de minimiser leur impact sur les écosystèmes.

1.2 Activités communautaires: contribuer aux activités communautaires, sur la réserve et sur le territoire, en tenant compte des réalités, des pratiques et des savoirs locaux.

École sur le territoire du Nitassinan

Uashat mak Mani-utenam, Quebec Architecture sans Frontières + Université Laval, 2022

Ce projet d’école au cœur du territoire innu (Nitassinan) vise à préserver, à transmettre et à promouvoir la culture de la communauté par une réappropriation du territoire. L’implantation du bâtiment au cœur de la forêt renforce le contact des jeunes avec leur culture ancestrale et avec le territoire, tout en soutenant les différentes activités d’apprentissage quotidiennes.

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L’implantation favorise une forte relation au territoire. Un espace intérieur propice au partage des savoirs.

Zoom sur Rapid Lake

La culture de résistance et de sauvegarde des Anichinabés de Rapid Lake est le fruit d’une longue histoire marquée par les combats identitaires et les occasions d’ententes entre les différents acteurs impliqués dans la gestion du territoire. Plusieurs revendications de la communauté concernent les délimitations, l’aménagement et les infrastructures afin de préserver son mode de vie et de permettre à tous ses membres de s’épanouir sur son territoire ancestral.

Mitchikanibikok Inik

Algonquins of Barriere Lake

Wampum (emblème) de Rapid Lake

Été: rassemblements familiaux

Carte de Rapid Lake, 2022.

Construction de barrages sur le lac Cabonga, inondant «des domiciles, un cimetière et un territoire important» (Beaudet, 2017)

Signature de l’Accord Trilatéral

Protection de la culture et amélioration de la gestion du territoire et de ses ressources pour le bénéfice de tous

La majorité du territoire est prêté à des compagnies forestières

Hiver: retour au territoire de chasse familial Création de la réserve de Rapid Lake

Le gouvernement fédéral invoque la section 74 de la Loi sur les Indiens

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Jalons dans l’histoire de résistance de la communauté de Rapid Lake.

Principe 2

Une architecture et des aménagements en dialogue avec le paysage

Même s’il a souvent été imposé, le milieu bâti des réserves autochtones s’est adapté aux réalités et aux caractéristiques physiques et naturelles de l’environnement d’accueil. Plus loin sur le territoire, dans les campements familiaux, les pratiques d’architecture vernaculaire ou d’autoconstruction se sont affirmées et développées à travers un processus d’essais et d’erreurs. Les chalets et les camps se démarquent par leur intégration harmonieuse au site et au paysage qui les entourent (Demeule 2020; André-Lescop 2018). Cette relation s’appuie sur différentes considérations dont le passage des saisons. Un dialogue ouvert avec la communauté est essentiel pour saisir l’importance de lieux, de caractéristiques ou de marqueurs qui sont des manifestations du sens donné au territoire, en toutes saisons.

Moyens d’action

2.1 Gabarit : concevoir des bâtiments qui adoptent un gabarit, une volumétrie et une implantation faisant écho au paysage ‘sans parler plus fort que lui’.

2.2 Topographie : situer les bâtiments de manière à préserver des vues dégagées vers les repères naturels, notamment en épousant la topographie.

2.3 Transparence : prévoir des seuils, des ouvertures et des prolongements extérieurs qui maintiennent une relation significative avec le paysage.

Squamish Adventure Centre

Squamish, Colombie-Britannique

Iredale Architecture + Dennis Maguire Architect, 2006

Ce carrefour touristique comprend une boutique, un café et un amphithéâtre. Construite avec du sapin de Douglas local, la volumétrie évoque le relief montagneux et des aigles prenant leur envol, deux éléments phares du paysage naturel et culturel.

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La volumétrie reprend le profil des montagnes. La fenestration abondante offre des vues profondes.

Zoom sur Rapid Lake

Let’s have a yarn!

Alice Corriveault-Gascon et Florence Gagnon Université Laval, 2023

Une architecture en dialogue avec le paysage mise sur des bâtiments qui cohabitent harmonieusement avec la forêt, avec des formes, ouvertures et des prolongements qui « communient » avec les milieux naturels environnants. L’échelle et l’empreinte des bâtiments sont relativement restreints, laissant place à la forêt qui participe à l’ensemble. Ici, l’aire de service s’insère « doucement » dans le paysage routier tout en marquant sa présence et celle de la communauté anichinabée.

A service station close to the water Maude Boulay, Université Laval, 2022

Le lac est visible depuis tous les espaces importants

Les volumes détachés s’intègrent à la forêt

Les bâtiments forment un ensemble qui épouse le rivage

Ce projet d’aire de service à proximité de Rapid Lake sur la route 117 s’insère dans la forêt aux abords d’un lac. Ces éléments marquants du paysage font partie intégrante de l’ensemble et en influencent la configuration. Tous les espaces intérieurs et extérieurs sont en interaction avec ces marqueurs naturels significatifs pour la communauté.

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Principe 3

Ancrage

Symbiose entre les interventions et le milieu d’accueil

Afin d’y intervenir en harmonie avec le milieu d’accueil, le site d’un projet doit être compris en tenant compte des dynamiques relationnelles qui agissent sur lui en plus des éléments qui le constituent, incluant ses habitants, leurs façons de vivre et leurs valeurs.

Le développement d’un projet d’architecture fait donc appel à une analyse sensible des éléments qui composent et influencent le site à plusieurs échelles (du territoire au village, jusqu’à l’habitation). Cette compréhension des attributs formels, organisationnels, environnementaux, sociaux et culturels permet d’orienter des stratégies d’aménagement qui répondent véritablement au contexte.

Moyens d’action

3.1 Échelles: développer une stratégie d’aménagement du site qui tient compte de toutes les échelles d’influence, du voisinage jusqu’au territoire.

3.2 Orientation: implanter et orienter de manière à répondre au voisinage, à l’environnement et aux saisons, dans la continuité des pratiques locales.

3.3 Espaces extérieurs: prévoir des espaces extérieurs significatifs et appropriables, notamment en extension des bâtiments communautaires.

Gloucester Services

Gloucester, Royaume-Uni

Glenn Howells Architects, 2014

Le bâtiment principal de l’aire de service se démarque par une volumétrie linéaire qui borde un milieu humide. La proximité de l’étang, le toit vert et les grandes ouvertures atténuent la limite entre l’intérieur et l’extérieur, augmentant ainsi le contact des usagers avec le site. Il accueille des commerces et des aires de restauration qui servent exclusivement des produits locaux.

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Terrasse de l’aire de service près d’un milieu humide. Les espaces extérieurs et intérieurs répondent au site.

Zoom sur Rapid Lake

Let’s have a yarn!

Alice Corriveault-Gascon et Florence Gagnon Université Laval, 2023

Le cœur du projet d’extension de la réserve anichinabée s’articule autour d’un grand cercle, figure significative pour les Autochtones. Les bâtiments communautaires sont orientés pour se faire face, pour former un ensemble à l’identité forte et pour encadrer un grand espace de rassemblement « ménagé » afin de préserver la forêt. Les percées entre les bâtiments permettent d’apprécier la relation avec le territoire tout en y donnant accès.

Youth Center

Charlie Wenger, Université Laval, 2022

La cour extérieure naturelle est entourée d’espaces « entredeux »

La forme circulaire permet de profiter de la course du soleil

Ce centre d’hébergement pour les jeunes Anichinabés offre des ressources à ceux qui requièrent soutien et ressourcement dans un contexte autre que la réserve. Les espaces sont interconnectés en formant un grand cercle rassembleur. Le centre optimise le site en permettant une connexion quotidienne au territoire. Ensemble, bâtiment et site participent au bien-être des usagers.

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Le projet se vit à l’échelle du couvert forestier et à l’échelle humaine

Écosystèmes résilients

Principe 4

Forêt

Principe 5

Principe 6

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Eau
Sol Partie 2

«Nous avons besoin d’actes de restauration, non seulement pour les eaux polluées et les terres dégradées, mais aussi pour notre relation au monde. Nous devons restaurer l’honneur dans notre façon de vivre, afin que lorsque nous traversons le monde, nous n’ayons pas à détourner les yeux de honte (...).

»

Les modes de vie autochtones sont indissociables du territoire. Aussi, les activités comme la chasse, la pêche, la trappe, la cueillette ou la médecine traditionnelle dépendent de la préservation de l’environnement et des écosystèmes. La forêt et les animaux, les sources et les plans d’eau, de même que les sols et les couverts végétaux sont autant de ressources qui soutiennent les pratiques, la subsistance et le bien-être des communautés et des générations futures. Plusieurs réserves et communautés autochtones se sont développées dans ou à proximité de milieux naturels sensibles qui abritent aussi les campements familiaux. Leur transformation responsable dépend de principes et d’actions respectueux de trois composantes écosystémiques vitales du territoire : la forêt, l’eau et la terre.

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Principe 4

Forêt

Une architecture en connivence avec les écosystèmes forestiers

La forêt fait partie intégrante de la vie quotidienne des membres de plusieurs communautés autochtones, sur les réserves ou sur le territoire. Au cœur de l’imaginaire et des manières de vivre autochtones, la forêt est à la fois un lieu sacré, un écosystème nourricier et un havre de ressourcement. Pour les Premières Nations, la forêt évoque des histoires, des mythes et des esprits associés à des sites naturels précieux. Cette vision « holiste » de la forêt se rapproche d’une éthique « écocentriste » respectueuse de l’intégrité des écosystèmes et qui s’éloigne des postures occidentales « extractivistes » (Bellefleur 2019). Les Premières Nations se considèrent les gardiennes du territoire en encourageant des pratiques de cueillette responsables qui visent à conserver la richesse et l’équilibre écologiques.

réutiliser et/ ou assurer le renouvellement des ressources impliquées dans l’aménagement ou la construction.

4.2 Cohabitation : favoriser une cohabitation harmonieuse avec la forêt par les pratiques hérités : coupe partielle, connectivité entre espèces, etc.

4.3 Préservation : Préserver les composantes forestières fragiles comme les arbres anciens et les milieux humides afin de maintenir les activités culturelles importantes.

Totest Aleng Indigenous Learning Centre Surrey, Colombie-Britannique O4 architecture, 2022

Ce centre d’échanges et d’expression culturels comporte un atelier et un espace de rassemblement semi-extérieurs visant à promouvoir la culture et les arts. Plusieurs artistes prennent part à des représentations au sein du bâtiment composé de murs-écrans en bois aux motifs variés, à l’image de la diversité des espèces locales.

Les éléments de bois verticaux composent une trame qui évoque la forêt.

Le centre fait partie d’un site forestier préservé qui participe aux ambiances.

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Let’s have a yarn!

Alice Corriveault-Gascon et Florence Gagnon Université Laval, 2023

Le rapport d’un projet architectural à la forêt peut se renforcer à la fois par l’usage et par son emplacement. Ici, l’atelier de menuiserie implanté au cœur de la réserve fait partie d’un pôle de formation qui mise sur l’utilisation écoresponsable des produits de la forêt. L’équipement communautaire fait à la fois écho aux pratiques de subsistance de la communauté anichinabée et à son désir de préserver durablement son territoire forestier.

A healing center on the territory

Maude Senay, Université Laval, 2022

Les milieux humides sont préservés et enrichissent le projet

Le centre s’intègre harmonieusement à la forêt

Les arbres d’âge avancé sont préservés de la coupe

Ce centre de guérison s’insère au cœur de la forêt qui joue un rôle tout aussi important dans le quotidien des usagers. Au même titre que les autres matériaux, la forêt est indispensable au fonctionnement puisqu’elle participe au processus de guérison des usagers et offre une occasion de ressourcement.

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L’eau comme vecteur d’identité et de bien-être

Les plans et les cours d’eau sont d’une importance considérable dans le maintien des activités culturelles des communautés autochtones. Les lacs et les rivières permettent aux membres de se rendre sur le territoire pour y chasser, pêcher et cueillir petits fruits ou plantes médicinales. Ces activités témoignent de la relation étroite avec le territoire. La construction de barrages, la pollution par contaminants et les changements climatiques ont profondément affecté la relation que plusieurs communautés entretiennent avec les cours d’eau qui sont aussi des sources d’eau potable. L’érosion des berges de réservoirs, de lacs ou de rivières peut avoir un impact sur l’aménagement sécuritaire (et le sentiment de sécurité) des communautés.

Moyens d’action

5.1 Perméabilité : réaliser des aménagements qui maximisent les surfaces naturelles afin de maintenir la santé des eaux souterraines.

5.2 Bassins : intégrer des bassins de récupération et de filtration naturelle des eaux de ruissellement.

5.3 Végétation : conserver la végétation indigène et re-végétaliser pour contrer l’érosion des berges et maintenir l’intégrité des sols.

Aire de la baie de Somme

Sailly-Flibeaucourt, France

Bruno Mader architecte, 1999

Implantée en marge d’un bassin de rétention, cette halte routière s’insère dans l’écosystème de la baie de la Somme située à proximité. Le bassin fait partie intégrante des espaces extérieurs qui incluent une terrasse en prolongement de l’aire de restauration abondamment fenestrée. L’ensemble architectural valorise les attraits / atouts naturels du territoire tout en respectant l’intégrité de l’écosystème.

Les ouvertures généreuses favorisent un contact avec le bassin.

Le bassin fait partie d’un milieu humide préservé et valorisé.

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Principe 5

Zoom sur Rapid Lake

Nin Takim - Ecotourism rest area and anishinaabe management of the territory Claudel Poirier, Université Laval, 2022

Ce projet de halte routière avec centre écotouristique en bordure de la 117 agit en portail d’accueil de visiteurs intéressés par le territoire et la communauté. Les bâtiments abritent des services essentiels (station-service, épicerie) en plus d’une boutique d’artisanant, et forment une infrastructure écotouristique (espaces d’interprétation et de rassemblement, bureaux) gérée par la communauté anichinabée.

Le couvert forestier protégé filtre le ruissellement vers les nappes phréatiques

Les berges végétalisées permettent de lutter contre l’érosion

La forme du bâtiment d’accueil, avec son grand espace d’échanges, s’inspire d’éléments naturels avoisinants et s’ouvre généreusement vers le réservoir qui joue un rôle important dans le rapport des Anichinabés au territoire. Des sentiers et installations sillonnent le site forestier vers la berge. L’eau fait ainsi partie intégrante de l’ensemble et de l’expérience des usagers.

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Principe 6

Sol

La terre comme support des activités au rythme des saisons

La terre nourricière et régénératrice joue un rôle central dans le maintien des relations entre les différentes composantes du territoire. Elle est aussi le témoin de nombreuses mutations et migrations des communautés autochtones qui le sillonnent et l’habitent à travers les générations et au rythme des cycles saisonniers. Son omniprésence dans la perception du territoire s’appuie sur l’intégrité et l’épanouissement des écosystèmes naturels, une priorité dans tout projet de développement mobilisant les communautés autochtones.

Moyens d’action

6.1 Sols fragiles : prévoir des aménagements légers et réversibles avec un minimum de pavage imperméable pour préserver les sols/végétaux fragiles.

6.2 Réutilisation : réutiliser les terres et autres matières excavées ou déplacées pour les nouveaux aménagements et constructions.

6.3 Topographie : respecter le relief et les pentes naturels en évitant les ouvrages de terrassement ou de soutènement excessifs.

Saugeen Creator’s Garden and Amphitheater Southampton, Ontario Brook McIlroy Inc., 2021

Cet amphithéâtre extérieur, attenant à un pavillon d’accueil touristique, fait partie d’un parc-jardin géré et entretenu par la communauté anichiinabée Saugeen. Le travail du sol et la pierre locale racontent l’histoire du lieu qui fut un ancien champ de bataille et l’endroit de la signature d’un traité impliquant la nation Saugeen. Le jardin est un parcours jalonné de « salons » connectés par un ruisseau.

La topographie définit le parcours sur un site sacré.

L’amphithéâtre est créé à même la topographie.

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Let’s have a yarn!

Alice Corriveault-Gascon et Florence Gagnon Université Laval, 2023

L’aire de service met à profit les atouts du sol pour mettre en lumière sa valeur symbolique pour la communauté. L’ensemble, qui inclut une auberge, un restaurant, une épicerie, un espace d’interprétation, prend la forme d’un oiseau, autre élément important dans l’imaginaire anichinabé. Les sentiers et les paliers topographiques menant au parc (tête de l’oiseau réalisée avec la terre excavée) amplifient l’expérience des visiteurs.

Les murets de pierre locale soutiennent le sol sans le dénaturer

Le monticule est créé à partir de la terre excavée / déplacée pendant la construction

Les paliers sont des espaces appropriables pour apprécier le territoire

La manipulation respectueuse et réparatrice du sol contribue à raconter une histoire tout en guidant les visiteurs vers des endroits significatifs comme la pinède voisine ou l’espace d’interprétation du mode de vie de la communauté.

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Programmes innovants

Principe 7

Flexibilité

Principe 8

Mixité

Principe 9

Faisabilité

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Partie 2

« »

Il ne s’agit pas encore d’une consultation. Afin de sensibiliser l’opinion, de soutenir les capacités locales, et de générer une croissance économique, il faut d’abord faire partie du processus menant aux changements au sein de notre communauté.

La mise en valeur et le renforcement de la richesse culturelle des communautés passe par la conception d’équipements communautaires et d’habitations qui répondent aux besoins et aux aspirations des résidents, pour une variété de contextes. Cette adéquation se traduit par des programmes fonctionnels qui sont à l’écoute des savoirs et des expériences, des réalités et des capacités, de même que des pratiques traditionnelles et quotidiennes. Penser « en dehors de la boîte » offre des opportunités de co-produire des programmes nouveaux ou innovants qui s’éloignent des modèles standards qui ne conviennent ni aux perspectives, ni aux modes de vie autochtones. Les programmes innovants pour des équipements communautaires reflètent les façons de penser et de faire autochtones, comme la solidarité et la coopération, pour renforcer l’autodétermination et l’autonomie.

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Norman Matchewan Rapid Lake, 2023

Principe 7

Flexibilité

Une architecture et des aménagements qui s’adaptent aux besoins

Les Premières Nations affirment et valorisent leurs savoirs et leurs cultures. Les activités traditionnelles, héritées d’un passé semi-nomade, côtoient celles du quotidien qui prennent place dans des milieux souvent urbanisés et « branchés » sur le monde. Les Autochtones naviguent entre tradition et modernité dans l’actualisation constante des savoirs à transmettre.

L’architecture vernaculaire s’est toujours démarquée par une capacité d’adaptation aux contraintes ou aux situations changeantes. Elle incite à créer des cadres de vie souples et flexibles qui s’adaptent aux besoins en évolution. L’architecture et l’aménagement autochtones contemporains devraient s’adapter aux dynamiques changeantes et aux manières variées d’occuper l’espace en accueillant une diversité d’activités dans le temps.

Moyens d’action

7.1 Rassemblement : concevoir des espaces de rassemblement flexibles (intérieurs/extérieurs) qui actualisent la culture et la transmission des savoirs.

7.2 Multifonctions : privilégier la co-habitation harmonieuse d’usages compatibles pour différentes clientèles, selon des horaires et cycles appropriés.

7.3 Espaces transformables : prévoir des espaces peu « spécialisés » qui s’adaptent facilement aux situations ou aux occupations changeantes.

Hoop Dance Gathering Place

Hamilton, Ontario

Brook McIlroy Inc., 2016

Ces jardins traditionnels et espaces de rassemblement honorent l’héritage des différentes nations ayant successivement occupé le lieu. La structure en billes de bois permet la rencontre, l’expression culturelle, la contemplation et bien plus. La forme et l’expression reprennent des éléments de la tente ou de la maison longue.

Forme circulaire et ouverte propice au rassemblement.

Aménagement simple permettant différents usages.

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Alice Corriveault-Gascon et Florence Gagnon Université Laval, 2023

L’espace central du grand cercle communautaire de l’extension de Kitiganik est un lieu d’échanges flexible qui se transforme au gré des activités et des saisons. Il agit en trait d’union entre une résidence pour aînés et une école, situées de chaque côté du cercle, en offrant des espaces de transmission de savoirs entre les générations. L’absence d’aménagements fixes permet d’en faire un espace polyvalent, facilement adaptable, à l’image de la communauté.

La saisonnalité et l’adaptabilité aux nombreux évènements qui rythment la vie communautaire sont des critères essentiels à considérer dans la conception d’un projet en milieu autochtone. Ici, la configuration de l’espace central extérieur permet plusieurs scénarios et occasions de rassemblement en fonction des saisons. Le caractère boisé et « ménagé » de l’épicentre favorise différentes utilisations, comme l’installation de tipis temporaires ou la tenue d’ateliers d’artisanat traditionnel.

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Principe 8

Mixité

Une variété d’espaces judicieusement disposés

Les activités quotidiennes au sein des communautés autochtones, comme partout ailleurs, sont nombreuses et changeantes en fonction des trajectoires de vie : habiter, se rassembler, travailler, apprendre, se divertir, se soigner, créer, etc. En réponse, une variété et une mixité de bâtiments et d’espaces abritant différents usages, dont l’habitation, offre aux résidants de tous âges plusieurs choix d’occupation. À l’échelle des collectivités, l’épanouissement des citoyens repose sur la possibilité d’avoir facilement accès à des services quotidiens à proximité de leur lieu de résidence et qui répondent à leurs besoins et désirs. Cette mixité s’organise judicieusement sur le territoire selon les visées de groupes et d’individus qui partagent ou partageront l’espace.

Moyens d’action

8.1 Complémentarité : mettre en relation une variété de bâtiments et d’espaces aux fonctions complémentaires pour répondre aux besoins variés.

8.2 Échanges : encourager les interactions sociales en maintenant une proximité entre les différents lieux d’activité et avec les milieux résidentiels.

8.3 Transferts de savoirs : inclure des espaces qui renforcent les relations entre les générations et le transfert des savoirs.

Marché Bonichoix et salle communautaire de Lac-Simon Lac-Simon, Québec ARTCAD Architectes, 2014 L’épicerie et le centre communautaire font partie du même bâtiment à l’entrée de la réserve de Lac-Simon. Ensemble, ils sont des moteurs de la fierté et de l’autonomie de la communauté anichinabée. L’épicerie est une coopérative gérée par les membres et la salle, qui comprend aussi une cuisine collective, peut accueillir plus de 600 personnes à l’occasion de rassemblements intergénérationnels.

Épicerie et salle communautaire sous un même toit.

La salle communautaire peut acceuillir différents événements intergénérationnels.

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Alice Corriveault-Gascon et Florence Gagnon Université Laval, 2023

L’organisation du pôle communautaire pour l’extension de Kitiganik s’appuie sur la roue traditionnelle de la médecine pour localiser judicieusement les bâtiments. Les services aux adultes, aux aînés, aux jeunes et aux enfants se complètent et sont en dialogue avec le territoire, les saisons et les mythes. La programmation sort du cadre en empruntant aux manières anichinabées de voir le monde.

A service station close to the water Maude Boulay, Université Laval, 2022

Plusieurs fonctions cohabitent dans le même ensemble géré localement

Des espaces intérieurs et extérieurs favorisent les échanges

Ce projet d’aire de service combine plusieurs usages en plus du poste d’essence dont une épicerie, une boutique d’artisanat, un restaurant, des bureaux, une auberge et des activités de plein air. Cette mixité programmatique rejoint l’esprit de souplesse et d’adaptabilité des équipements en plus d’offrir diverses opportunités d’emploi local.

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Principe 9

Faisabilité

Des aménagements en écho des ingéniosités locales

Moyens d’action

La faisabilité d’un projet d’architecture ou d’aménagement repose sur un ensemble de paramètres, de visées et d’indicateurs qui s’ajustent selon les commandes et les acteurs. Elle s’attarde surtout aux moyens d’atteindre des objectifs réalistes et ce, dans des conditions gagnantes aux plans politique, financier, social. La faisabilité des projets durables avec et pour les communautés s’appuie donc sur une approche qui tient compte des capacités et des perspectives locales. Par exemple, comprendre le rapport au temps et aux saisons permet de développer des échéanciers efficaces et adaptés. Aussi, viser des façons de construire qui s’appuient sur des ressources et des savoir-faire locaux, permet de réaliser des équipements plus faciles à entretenir, à transformer, à habiter, à apprécier.

9.1 Collaboration : évaluer les priorités de construction ou d’aménagement et établir les objectifs de design avec la communauté.

9.2 Matériaux abordables : privilégier des matériaux résilients, naturels, locaux et techniques constructives simples.

9.3 Formation : encourager l’émergence concepteurs et de constructeurs locaux au moyen de stratégies variées (mentorat, coop de construction, etc).

Rénovations de maisons à Kitcisakik

Kitcisakik, Québec

Guillaume Lévesque +ASF Québec, 2009-2015

Cette initiative impliquant activement la communauté a permis de rénover 30 maisons. Le projet dépasse le cadre de l’architecture en donnant accès aux membres à une formation au métier de charpentier. La communauté tire des bénéfices à long terme, au-delà de la rénovation, qui incluent le renforcement des capacités d’autodétermination et la fierté.

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Maison individuelle rénovée avec la main d’œuvre et le bois locaux. Rénovation inclusive appuyée par un « chantier-école ».

Zoom sur Rapid Lake

Making our Homes

Sarah-Lou Gagnon-Villeneuve, Université Laval, 2022

Ce projet de rénovation des maisons du « vieux » Kitiganik mise sur des stratégies constructives simples et facilement reproductibles. L’intégration de techniques de construction en bois utilisées sur le territoire (cabanes, tentes, sheds, canots) renforcerait l’appropriation tout en encourageant la transmission et la valorisation de savoir-faire anichinabés.

Au cœur des îlots et entre les maisons, des espaces de partage (ateliers communautaires) et de rassemblement traditionnel complètent le milieu de vie. Combinés à du financement approprié, ces moyens permettent à la communauté de décider et d’agir à son rythme et en ses termes.

La simplicité constructive favorise l’implication de la communauté

Structure de pin local, toile réutilisable

Former des jeunes assure une relève en construction

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Identité architecturale

Principe 10

Marqueurs

Principe 11

Figures et symboles

Principe 12

Matières

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Partie 2

«Nous ne sommes pas les choses que nous accumulons. Nous ne sommes pas les choses que nous jugeons importantes. Nous sommes une histoire. Nous tous. Ce qui devient important alors c’est la création de la meilleure histoire possible pendant que nous sommes ici: toi, moi, nous, ensemble.

»

Historiquement, plusieurs bâtiments, infrastructures et aménagements des communautés proviennent de modèles imposés, avec peu ou sans collaboration. Conséquemment, le milieu bâti des réserves contribue peu à l’affirmation expressive de la culture, des valeurs et de l’identité. Désormais, les communautés prennent le contrôle des projets qui répondent mieux à leurs visions d’avenir et qui leur ressemblent. L’adoption de processus collaboratifs d’aménagement et de co-design offre l’opportunité de remettre en question les cadres et les systèmes de pensée occidentaux en intégrant les façons autochtones de voir, de penser et de faire les milieux de vie. Cette posture qui emprunte au ‘two-eyed seeing’ met l’autodétermination et les voix autochtones à l’avant-plan des décisions de design.

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Richard Wagamese Medicine Walk (traduction libre), 2014

Principe 10

Marqueurs

Expressivité d’éléments culturellement significatifs

Moyens d’action

Au sein des milieux bâtis, la manière de s’orienter dans l’espace et de s’en construire une image mentale claire repose sur la présence de repères. Ces éléments se distinguent souvent par leur forme distinctive (un monument), leur hauteur (un clocher), leur position relative (au bout d’un axe) ou leur importance symbolique (un lieu de mémoire) (Lynch 1960).

En contextes autochtones, de tels marqueurs présentent des caractéristiques identitaires clairement identifiables et familières pour la communauté. Les marqueurs racontent des histoires à l’échelle des paysages. Loin des stéréotypes, ils sont porteurs de sens, de mémoire ou d’identité et témoignent d’une présence affirmée.

10.1 Visibilité : concevoir une architecture et des aménagements dont l’image affirme l’identité de la communauté et la « visibilise ».

10.2 Formes autochtones : mettre en valeur et intégrer de nouveaux repères sur le territoire afin de marquer / révéler lieux, évènements, parcours locaux.

10.3 Contacts : favoriser les contacts entre Autochtones et Allochtones au sein d’espaces culturellement significatifs afin de renforcer les échanges et d’actualiser la réconciliation.

Institut culturel cri d’Oujé-Bougoumou Eeyou-Istchee, Québec Douglas Cardinal, 1989

L’expression architecturale évoque l’identité crie et en fait un marqueur significatif dans le quotidien des résidents et un repère pour les visiteurs. La communauté a collaboré étroitement avec l’architecte autochtone pour imaginer une structure apparente qui reprend la forme et les caractères des maisons longues et des shaputuans, selon une interprétation contemporaine.

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Structure et parement reprennent des formes et constructions ancestrales. Espace muséal: l’architecture intérieure évoque la tente.

Zoom sur Rapid Lake

Nin Takim - Ecotourism rest area and anishinaabe management of the territory Claudel Poirier, Université Laval, 2022

L’aire de services, combinée à un centre écotouristique, intègre des éléments formels et matériels de la culture anichinabée. Elle devient un marqueur identitaire dans le paysage routier, annoncant une expérience spécifique au lieu et à la culture, un carrefour d’échanges interculturels.

Par exemple, les murs de pierre évoquent le passé territorial des Algonquins de LacBarrière ou communauté Mitchikanibikok Inik qui veut dire « les gens du barrage de pierre » (Beaudet 2017). Les bâtiments ont des formes qui rappellent le bâti traditionnel autochtone. L’aire de services devient un marqueur identitaire de la communauté anichinabée.

L’identité architecturale du pavillon est reconnaissable et visible

L’ensemble offre des occasions de rencontre entre les cultures

Le tipi (comme la construction de pierre) est un marqueur culturel anichinabé

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11

Figures et symboles

Éléments porteurs d’imagination et d’identité

Moyens d’action

La vision du monde des peuples autochtones se fonde sur les relations avec le territoire, incluant l’environnement naturel, les êtres vivants, les ancêtres, le cosmos. Ces relations ne font pas que marquer la réalité : elles sont la réalité. La transmission orale, les traditions et les œuvres artistiques traduisent et actualisent cette réalité relationnelle au moyen de symboles qui célèbrent les liens entre les mondes terrestres et spirituels. L’intégration de tels symboles issus de l’imaginaire des communautés autochtones contribue à une expressivité spatiale porteuse de sens et de richesse culturelle.

11.1 Références : intégrer au langage architectural des références aux outils, figures et animaux, qui font écho aux histoires, à l’art et à l’imaginaire local.

11.2 Cercle : privilégier les formes et organisations circulaires, un motif symbolique récurrent pour traduire l’esprit communautaire.

11.3 Architecture traditionnelle : puiser aux formes et manières de construire traditionnelles pour donner un sens à l’architecture contemporaine.

Canadian High Arctic Research Institute

Cambridge Bay, Nunavut

EVOQ architecture + NFOE architecture, 2019 Ce centre de recherche célèbre les manières Inuit d’occuper l’espace. Les espaces intérieurs sont conçus selon les principes d’interconnexion et d’ouverture. Le cercle et les courbes prédominent dans les volumétries intérieures et extérieures, en référence au à l’igloo communautaire. Les dessins d’artistes locaux, qui reprennent plusieurs motifs et symboles de l’imaginaire Inuit, font partie intégrante des ambiances.

L’espace circulaire rappelle l’igloo et le cercle de parole.

Plusieurs symboles, dont les animaux, font partie de l’architecture.

46
Principe

Zoom sur Rapid Lake

Let’s have a yarn!

Alice Corriveault-Gascon et Florence Gagnon Université Laval, 2023

L’aire de service est composée à partir de la figure de l’oiseau, un important symbole spirituel chez plusieurs peuples autochtones et qui est le sujet d’œuvres de l’artiste Anichinabé Norval Morisseau. La disposition de l’ensemble des équipements est dictée par la silhouette réinterprétée de l’oiseau : le pavillon de service, l’auberge, les stationnements et bassins (ailes), le parc interprétatif (tête), le rond-point sur la 117 (queue) et les sentiers (cycles de la vie).

Le travail d’interprétation symbolique à l’échelle du site s’effectue sans dénaturer le caractère du lieu, ni le sens que lui donne la communauté. Il vise à marquer l’imaginaire en adoptant une manière autochtone de voir le monde qui guide la transformation du territoire « autrement » et de manière durable.

L’oiseau suggère une manière d’aménager proche des sensibilités autochtones

Accès et sentiers convergent vers le pavillon de service de forme ovale

Espaces et bâtiments reprennent des formes traditionnelles significatives

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Principe 12

Matières

Les matières naturelles pour renforcer les relations au territoire

Dans le respect des dynamiques relationnelles avec le territoire, les matières naturelles ont une importance significative même si utilitaires. Par exemple, les arbres sont au cœur des activités de fabrication des canots, des paniers, des habitations et de nombreux autres objets du quotidien. Le sens investi dans les matières-ressources est lié au respect envers l’intégrité des écosystèmes et la responsabilité envers le territoire : on utilise ce dont on a besoin, en optimisant la transformation afin de reconnaître le « don » du territoire. L’intégration de matières locales dans la conception de bâtiments et d’aménagements offre des opportunités de « matérialiser» l’attachement au territoire tout en contribuant à la durabilité écologique du bâtiment et la réduction de son empreinte.

Moyens d’action

12.1 Matériaux locaux : privilégier l’utilisation de matériaux naturels locaux dans les bâtiments et les aménagements.

12.2 Artisanat : faire appel aux techniques de construction et d’assemblage vernaculaires, traditionnelles ou contemporaines.

12.3 Lumière naturelle : considérer la lumière naturelle comme un matériau qui renforce la relation au territoire et qui contribue au sentiment de bien-être.

Indian Residential School History and Dialogue Centre Vancouver, Colombie-Britannique Formline Architecture, 2018

Construit en plein cœur du campus, ce centre d’interprétation vise à activer la réconciliation et les échanges entre Allochtones et Autochtones sans taire les traumatismes. Il comprend plusieurs espaces pour se rassembler, écouter, apprendre, échanger. Le centre fait usage de matériaux comme le pin (« tissé » selon des techniques locales) ou le cuivre (traditionnellement associé aux grandes occasions).

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Mur rappelant les techniques traditionnelles de tissage. Lumière naturelle abondante dans la circulation.

Zoom sur Rapid Lake

Making our Homes

Sarah-Lou Gagnon-Villeneuve, Université Laval, 2022

L’usage de matériaux et de techniques typiquement anichinabés peuvent potentiellement renforcer le sentiment de chez-soi, un jalon de l’affirmation culturelle. Inspiré par la construction des chalets sur le territoire, ce projet d’habitations familiales propose d’utiliser le bois rond pour les murs extérieurs et le contreplaqué pour les cloisons.

Les murs du porche rappellent les techniques traditionnelles de tressage

L’orientation adéquate de la maison renforce l’apport d’éclairage naturel

Les savoir-faire liés à la construction en bois orientent le design

L’habitation culturellement adéquate, qui répond aux besoins et aux aspirations de ses occupants, est au centre de plusieurs enjeux anichinabés. En plus d’un financement et d’une conception adéquats, les matériaux culturellement significatifs pourraient contribuer à renforcer le rôle-clé de l’habitat dans la réalisation d’un futur autodéterminé.

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En guise de conclusion

Le guide ABC d’une collaboration authentique est une bien modeste contribution parmi les outils de réconciliation avec les Premières Nations, mais qui milite sincèrement en faveur d’une décolonisation de nos pratiques d’architecture et d’aménagement.

Les recommandations qui s’y trouvent s’appuient sur des projets de recherche participative et de création dans l’action, sur la littérature scientifique, sur des apprentissages mutuels et sur de bonnes doses d’intuition, de réflexivité, d’essais-erreurs et d’humilité. Le guide marque surtout d’une pierre blanche le récit de nos expériences avec les Innus, avec les Inuit et, plus récemment, avec les Anichinabés de Rapid Lake qui nous invitent à imaginer, ensemble, des projets qui leur ressemble et dialoguent respectueusement avec leurs terri-

toires. Ces invitations et partages se fondent sur des relations de confiance, voire d’amitié, qui prennent du temps à s’enraciner, à bourgeonner et à redonner. Les moments pour se rencontrer, s’écouter, s’ouvrir, se comprendre et ainsi établir des traits d’union pour « faire autrement » sont précieux, malgré les agendas chargés, les distances et les cadres contraignants (incluant la pandémie). Nous mesurons aujourd’hui l’importance de ces opportunités qui nous ont profondément transformés et en rapportons les fruits dans ce livret qui se veut aussi une carte postale amicale adressée à nos collègues et amis autochtones.

Voilà l’esprit dans lequel nous mettons nos « pépites » collaboratives au service de prochains partenariats mutuellement enrichissants avec les communautés autochtones, tout en continuant de faire nos devoirs.

Geneviève, Élisa, Samuel et Florence

14 février 2024

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Collaboration autentique

Principes de design autochtones

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Références

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Principe 2 | Paysage

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Principe 3 | Ancrage

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Principe 4 | Forêt

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Principe 5 | Eau

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Principe 7 | Flexibilité

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Principe 8 | Mixité

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Lac-Simon dispose maintenant d’une épicerie. Radio-Canada, 2014. https://ici.radio-canada.ca/ nouvelle/675650/inauguration-centre-multifonctionnel-lac-simon

Principe 9 | Faisabilité

Rénovation de maisons, Kitcisakik, QC Guillaume Lévesque + ASF, Québec 2009-2015 Lévesque, G (2008 à 2020) Kitcisakik Projet. Kitcisakik, Québec, Canada. https://guillaumelevesque.com/en/ projets/projet-kitcisakik/

Principe 10 | Marqueurs

Institut culturel cri d’Oujé-Bougoumou, Eeyou-Istchee, QC

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Principe 11 | Figures et symboles

Canadian High Arctic Research Institute, Cambridge Bay, Nunavut

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Principe 12 | Matières

Indian Residential School History and Dialogue Centre, Vancouver, BC Formline Architecture, 2018

Principe 6 | Sol

Saugeen Creator’s Garden and Amphitheater, Southampton, ON

Brook McIlroy Inc., 2021

Brook McIlroy (2022) Saugeen Creator’s Garden and

Ott, C (2021) Indian Residential School History and Dialogue Centre / Formline Architecture + Urbanism. ArchDaily. https://www.archdaily. com/974122/indian-residential-school-history-and-dialogue-centre-formline-architecture-plus-urbanism

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www.habiterlenordquebecois.org • @hlnq.linq
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