Symposium 2019

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H I T L a bu d

Métropoles du S

SY M PO SI UM RE CH ER CH E & PRA TIQ UE Positionn ement de la recherch e en architectu re

SE M IN AI RE SC IE NT IF IQ UE Eneko URANGA Clara MEJIA VALLEJO, Christophe BOYADJIAN,

SYM POSIU M Positionnement par Régis OLIVES LAVIGNE, Graham CRIST, Samuel BERNIER ULT A B I H T e r r e i P , A S U A G l e u n Ma



INDEX ......................................................................

Page :

007_ Ouverture Séminaire Scientifique

Alain Derey, Valérie Wathier, Élodie Nourrigat

013_ Panel 01

Pratique de la recherche en architecture

027_ Panel 02

Place de la recherche dans la pratique

045_ Panel 03

L’expérimentation outil de recherche

061_ Positionnement thématique

Régis Olives

071_ Manuel Gausa

Répondant : Jérôme Lafond

085_ Samuel Bernier Lavigne

Répondante : Coline Giardi

101_ Graham Crist

Répondante : Coline Giardi

109_ Pierre Thibault

Répondant : Jérôme Lafond

123_ Bourse d’études MDS 2018 Stella Buisan

129_ Synthèse Séminaire Scientifique Laurent Duport & Jérôme Lafond

135_ Clôture

Élodie Nourrigat

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MĂŠtropoles du S

SE M IN AI RE SC IE NT IF IQ UE Rec her che & Pra tiqu e hite ctur e 01 Pra tiqu e de la rec her che en arc tiqu e pra la 02 Plac e de la rec her che dan s che her rec 03 L'ex pĂŠr ime ntat ion outi l de



SY M PO SI UM 2019

Séminaire Scientifique HITLab / Métropoles du Sud :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::: Introduction Intervenants : Alain Derey (Directeur de l’ENSAM) Valérie Wathier (Adjointe à la Cheffe du BRAUP - Ministère de la Culture) Élodie Nourrigat (Architecte, Professeur ENSAM, Responsable Scientifique HITLab)

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Alain Derey Bonjour à tous, je suis le directeur de cet établissement et à ce titre je m’empresse de vous souhaiter la bienvenue. Je ne vous cacherai pas plus longtemps l’extrême plaisir qui est le mien de voir que ce symposium fait salle comble, ce qui ne me surprend pas. Je suis ravi d’accueillir les personnalités présentes, vous me permettrez de saluer la présence de Madame Valérie Wathier qui représente le Ministère de la Culture et le Bureau de la recherche architecturale, urbaine et paysagère (BRAUP). Nous sommes très heureux que vous ayez pu faire le déplacement et de pouvoir ainsi bénéficier de votre expérience. Vous me permettrez aussi d’avoir une pensée particulière pour ceux qui sont devenus de vrais amis et avec lesquels les échanges se renforcent d’année en année. Je veux parler de ses relations privilégiées avec l’Espagne, mais plus particulièrement du côté du Pays Basque. L’Université du Pays Basque, avec laquelle nous avons un diplôme en partage, répond toujours à nos nombreuses sollicitations. L’excellence que vous développez à travers votre cursus ne manque pas de nous influencer et j’ai bon espoir que grâce à vous nous allons encore nous

améliorer et continuer à proposer des projets menés de concert.

Je voudrais aussi insister sur la présence de l’Université de Valencia, Université de grande qualité avec laquelle nous souhaitons nous engager dans un partenariat similaire. Cette ambition de développer les relations avec notre pays voisin se justifie par la diversité des approches qui existent dans les universités espagnoles et par leur esprit d’ouverture qui ne peut que rencontrer une vraie volonté de l’ENSAM d’être présente à l’international. Je veux aussi saluer la présence de Christophe Boyadjian, enseignant à l’ENSA de Lyon. Mon cher Christophe j’ai lu sur ta biographie que tu avais été fait docteur honoris causa de l’Université d’Erevan en Arménie. Je me permets –7–


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tout d’abord de te féliciter, de manière un peu rétroactive, pour cette distinction à laquelle tu ne peux qu’être sensible compte tenu de tes origines arméniennes. Mais surtout cela me donne l’occasion de souligner l’intérêt des relations internationales et des relations interpersonnelles que font naître les projets et les personnes rencontrées. Ce projet avec l’Arménie avait été monté du temps où j’étais l’humble directeur de l’ENSA de Clermont Ferrand. C’est pourquoi je suis heureux de cette distinction qui correspond à une reconnaissance du travail effectué par les architectes et enseignants français investis dans leur école. Merci d’avoir porté ce projet, d’y avoir cru et de l’avoir poursuivi. Je veux aussi saluer la présence de Manuel Gausa et de Clara Mejia, de belles personnalités du monde de l’architecture, qui petit à petit nous accompagnent dans l’émergence d’une nouvelle école issue de quelques changements imposés par nos ministères de tutelle. Vos expériences nous seront précieuses dans le cadre des comités de recrutement auxquels vous allez très prochainement participer.

le seuil et créant ainsi des disparités qui sont toujours regrettables dans une école. Nous avons cette chance d’avoir un intérêt partagé qui s’est manifesté à travers le HITLab et plus particulièrement les enseignants du champ disciplinaire TPCAU. C’est cette complémentarité de forces propre à l’école de Montpellier qui se met en place et qui finalement permet le Symposium et nous assure de votre présence.

Ce symposium est le premier à être organisé par le HITLab, tout nouveau groupe de recherche et formation. C’est donc un moment essentiel pour notre école et d’autant plus important qu’elle sait s’entourer d’établissements étrangers ou voisin, l’ENSA de Marseille, dont les expériences sont précieuses notamment en matière d’innovation pédagogique. La recherche, on le sait, joue un rôle particulier et de premier plan dans les écoles. À ce titre je veux remercier les enseignants qui ont vu l’intérêt, sinon la nécessité, dans le cadre des nouveaux décrets et de la réforme, de mettre l’accent sur la recherche mais surtout de l’associer étroitement à l’enseignement, parce que le pire qui puisse arriver dans une école c’est que des gens de grand talent, d’une belle intelligence, puissent dissocier leur travail de l’enseignement en laissant les étudiants sur

Valérie Wathier

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Je voulais insister sur ce point et remercier chaleureusement Le HITLab d’avoir vu l’intérêt de travailler avec l’université, conscient de l’apport de notre discipline architecturale et dans les conditions les plus complémentaires possible. Je forme des vœux de pleine réussite à ce symposium qui trouvera sa complémentarité naturelle dans la deuxième journée de demain en plein cœur de ville, il était naturel de trouver un prolongement et de sortir de l’école pour aller à la découverte du Musée Fabre. Merci pour votre présence et excellente journée.

Bonjour, je suis très contente de pouvoir ouvrir ce symposium et d’être présente à vos côtés. Les questions de recherche et pratique sont vraiment au cœur de l’action du service de l’architecture notamment dans le cadre de la réforme des écoles d’architecture. On souhaitait effectivement accompagner la mise en œuvre de la réforme avec la question d’une meilleure articulation de la recherche avec la pratique selon la stratégie nationale pour l’architecture de 2015 au sein de l’axe C « Articuler formation-recherche-métiers et rapprocher les univers professionnels de l’architecture, de la construction et du cadre de vie ». Donc je rappellerai juste quelques mesures qui traitent de ce sujet, évidemment la première


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mesure phare est celle du nouveau statut d’enseignant-chercheur qui est effectivement commun, l’important est de le faire vivre, ce n’est pas juste un titre d’être enseignant-chercheur, c’est comment, effectivement, les enseignants intègrent, de plus en plus dans leurs activités, la recherche et que les chercheurs qui sont dans des unités de recherche s’adaptent et créent des chantiers communs avec les enseignants pour qu’on ait effectivement un enrichissement commun de part et d’autre. Ce qui n’est pas toujours évident, il y a des écoles qui le réussissent plus ou moins bien donc ça c’est important que ce soit un objectif et que ce soit réellement mis en œuvre.

Le deuxième sujet est celui du développement du doctorat et plus particulièrement des CIFRE convention réunissant entreprise, unité de recherche et l’ANRT. L’objectif est de 100 CIFRE dans les écoles d’architecture, on n’y est pas tout à fait, ça reste encore un objectif à atteindre. Je pense qu’il y a de plus en plus d’unités de recherche qui sont intéressées par ce dispositif, certains directeurs de recherche n’étaient pas vraiment au courant du dispositif donc on a produit une plaquette CIFRE à destination des unités de recherche et notamment des agences d’architecture. Cette plaquette est diffusée par le CNOA pour faire connaître ce dispositif. Certaines collectivités locales, CAUE, ou même certains bailleurs connaissent mieux le dispositif CIFRE. Un autre sujet de l’axe C de la SNA, mesure

17, est de favoriser la création de chaires partenariales. En 2016 le ministère a labellisé cinq chaires. Nous sommes en train de réfléchir à un nouveau dispositif. Les premières chaires se sont avérées être des chaires très scientifiques, et n’ayant pas suffisamment de partenariat extérieur, notamment financiers. Le ministère finance en partie ces chaires de l’ordre de 15 000 euros par an sur trois ans. Ce financement permet une forme d’incubation pour établir un programme d’actions avec des partenaires financiers notamment privés, des collectivités locales. Cet outil de recherche partenariale doit encore être développé dans certaines écoles et auprès des unités de recherche. Le prochain appel ne sera donc pas un appel à projets mais sera plutôt un appel à candidatures. L’idée c’est que, notamment dans le cadre de la réforme avec une logique d’autonomie des établissements, les chaires sont à l’initiative des écoles et n’ont pas besoin de labellisation scientifique du ministère, on change un peu de posture de tutelle. Par contre le ministère souhaite connaître les chaires portées par les ENSA et souhaite mettre en place un plan de communication pour que ces chaires puissent être connues à l’extérieur. Un deuxième dispositif permettra d’élaborer un partenariat avec le Ministère de la Culture. Ainsi le ministère de la culture sera un des partenaires financiers dans le cadre d’un montage de partenariat avec des partenaires institutionnels et privés. Vous aurez cet appel à candidatures en ligne sans doute pour début juin. Ce sont les trois mesures qui faisaient parties de la stratégie nationale de l’architecture que l’on met en place et que l’on modifie aussi, au fur et à mesure, parce que cette stratégie, évidemment vit, elle s’adapte, elle se modifie surtout avec la mise en place de la réforme des écoles et leur autonomisation. Le service de l’architecture développe une vision un peu moins tutelle et un peu plus accompagnateur. Un autre chantier est devant nous, c’est la –9–


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stratégie nationale de la recherche. Nous sommes plutôt en phase de réflexion en interne, le BRAUP est pilote de cette affaire. L’objectif est que la recherche architecturale soit mieux adaptée aux attentes sociétales et là on rejoint la question de l’articulation recherche et pratique. Dans le cadre de la réforme, les écoles sont amenées à faire des expertises auprès des acteurs et travaillent plus avec le réel, le terrain, les collectivités, l’ensemble des acteurs qui traite des questions d’architecture. C’est un axe fort pour nous, la recherche et l’enseignement sont capables de produire de l’expertise et de s’adapter au terrain. Le BRAUP mobilise aussi les enseignants chercheurs grâce à des programmes incitatifs depuis plusieurs années. Le programme incitatif en cours est sur le patrimoine XXème siècle matière à projet pour la ville durable du XXIème siècle. Un quatrième appel à projet portera des visées opérationnelles du programme de recherche. Les équipes de recherche ont passé beaucoup de temps sur la partie connaissance, la partie acquisition de corpus sur le patrimoine XXème et ont proposé quelques préconisations. L’objectif du quatrième appel est que les équipes se confrontent aux acteurs de terrain dans la mise en œuvre de leurs préconisations. L’autre réflexion serait de mobiliser les communautés de chercheurs sur des sujets sociétaux prioritaires notamment au travers d’appels à manifestation d’intérêt ou en mobilisant les réseaux scientifiques et thématiques. Ainsi on est en train de réfléchir à comment mieux travailler avec nos réseaux, le BRAUP soutient dix réseaux aujourd’hui avec une logique de financement au fil de l’eau. Nous souhaitons faire évoluer le dispositif et financer certaines actions du réseau en fonction de nos priorités de politiques publiques. Je serai parmi vous jusqu’à samedi midi et je vais écouter avec beaucoup d’intérêt vos échanges 10–10–

afin de nourrir notre réflexion. Merci.

Élodie Nourrigat C’est un plaisir de vous accueillir à l’ENSAM pour la 1ère journée de la 1ère édition du Symposium HIT Lab associé au Domaine d’études Métropoles du Sud. En 2018, nous avons mené à terme un programme de recherche Européen de Knowledge of Alliance que nous avons porté durant 3 ans. Ce sont des programmes importants dont l’ENSAM est la seule école d’architecture en France à y avoir pris part. Ils portent de nouvelles synergies pour établir d’autres modèles de recherche en construisant des liens entre les milieux de Enseignement / Recherche / Entreprise. Fort de cette expérience et ayant mesuré ce qu’une recherche en architecture, dans une dynamique de projet, est en capacité de porter, nous avons souhaité créer une nouvelle unité de recherche à l’ENSAM, se positionnant au côté du laboratoire LIFAM déjà existant. Ainsi en Octobre 2018, le BRAUP a reconnu le Groupe de Recherche en Formation HIT Lab (Habiter Innover Transformer), et nous avons intégré en décembre dernier l’ED 544 INTERMED de l’Université de Perpignan, nous permettant maintenant d’inscrire de futurs doctorants. HIT Lab regroupe aujourd’hui une vingtaine


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d’enseignant et architectes, certains d’autres ENSA, qui ont fait le choix de s’engager dans un processus de recherche collectif, afin de porter une culture collaborative et créatrice comme identité du groupe. Ceci permet de mutualiser les aptitudes et compétences pour s’inscrire une dynamique de recherche renouvelée. Mettre le projet au centre de la recherche dans un processus de « research by design », « recherche par le projet », tel est notre ambition. La mise en réseau des architectes et architectesenseignants au sein du GRF HIT Lab a également pour ambition de fabriquer une synergie interprofessionnelle nécessaire. Notre volonté est de venir, en complément d’une recherche peut-être plus académique, portée par d’autres enseignants, ouvrir de nouveaux horizons dans une dynamique collective et autour d’une méthodologie innovante. La dimension pratique est revendiquée afin de changer les paradigmes de conception et de production des projets. Ainsi le BRAUP nous a demandé d’étayer notre positionnement dans ce lien entre Pratique et Recherche, et recherche par le projet. C’est pourquoi nous vous présentons ce 1er Symposium dont l’objectif est d’interroger les rapports entre Recherche et Pratique propre à la discipline architecturale. Pour ce faire deux journées sont organisées associant un séminaire scientifique et un symposium. Deux formats pour partager des interrogations, exposer des méthodes et expériences que ce soit en France où à l’étranger. La première journée s’articule autour de trois panels dans lesquelles les membres de HIT Lab sont mobilisés ainsi que des personnalités extérieures invitées à apporter un éclairage et introduire le débat.

Nous débuterons avec la « pratique de la recherche » interrogeant la posture de chercheurs architectes et enseignants dans une école d’architecture. Y a-t-il une pratique spécifique ? Quels projets de recherche sont portés ? En quoi s’inscrivent-ils et portent-ils spécifiquement la discipline ?... La seconde table ronde explorera « la place de la recherche dans la pratique » avec le témoignage d’enseignants praticiens. Il sera alors exploré la triade : enseignement/ recherche/pratique. Comment l’articulation se fait ? Existe-il des structures ou entités spécifiquement dédiées à la recherche au sein des agences ? Comment est intégrée la dimension de recherche dans une pratique ? Est-ce un outil de valorisation de la pratique ? Quels moyens y sont consacrés ?... Enfin, nous interrogerons les outils, notamment au travers de « l’expérimentation comme outils de la recherche ». De quel type d’expérimentation parlons-nous ? Quelle place pour les FabLab ? Comment se créer une commande expérimentale ? La deuxième journée, présentera des expériences diverses, portées par des architectes, des professionnels, impliqués dans la recherche au sein de leur établissement. De la « recherche par le projet », des « PHD by design », des explorations et expérimentations présenteront, la diversité des postures vues depuis l’Australie, l’Italie, et le Canada. –11–


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Ceci nous permettra de produire une connaissance spécifique et de poser les bases d’un état de la discipline.

l’association de l’école Archipel, l‘association Métropoles du Sud. Et à notre directeur pour le soutien apporté à cet engagement commun.

L’objectif de ce symposium est d’explorer des possibles et de démontrer que la recherche en architecture ne doit plus se faire par défaut, hors du champ de la conception ou contre la pratique, mais au contraire qu’elle soit en capacité d’attirer les meilleurs jeunes diplômés et les meilleurs architectes. Réconcilier Pratique & Recherche passe par de tels engagements auxquels chercheurs, enseignants, doctorants, et même étudiants sont conviés.

Je vous souhaite à tous une excellente journée.

En ce moment nous avons l’exposition des 50 ans de l’ENSAM et en relisant un journal qui date d’il y a plus 25 ans il y était écrit : « Des chercheurs qui cherchent, ça se trouve. Des chercheurs qui trouvent on en cherche » ! Nous allons donc tenter de faire mieux au travers de ces deux journées ! Pour finir, je voudrai remercier tous les intervenants qui vont prendre part aux différents panels et à la journée de demain.

Remercier également tous ceux ont activement participé à l’élaboration de ce symposium, et un grand merci à nos partenaires : Le Ministère de la Culture au travers du BRAUP, Montpellier Méditerranée Métropole, Arts Hélio, l’ADAGP, 12–12–


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Panel de discussion 01 Pratique de la recherche en Architecture :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::: Participants : Élodie Nourrigat (ENSAM, responsable scientifique HITLab) // Laurent Duport (ENSAM, membre du conseil HITLab) // Florence Sarano (ENSA Marseille, membre du conseil HITLab) // Eneko Uranga (Université du Pays-Basque, San Sebastian, Espagne) // Clara Mejia Vallejo (Université Polytechnique, département architecture, Valence, Espagne)

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Clara Mejia Bonjour, je suis docteure en architecture et enseignante à l’Université Polytechnique de Valencia. Avant tout je voudrais remercier les membres du HIT Lab et de l’ENSAM de m’avoir invité à prendre part à ce symposium et je voudrais les féliciter pour cette initiative qui nous offre la possibilité d’aborder un sujet de grande importance pour tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, sont impliqués dans l’architecture. En tant qu’enseignante-architecte je me vois de jours en jours confrontée à plusieurs questions en relation avec la recherche en architecture néanmoins une question de base pourrait être : est-ce possible de faire de la recherche une architecture ?

sont plus ou moins contrastées, dans d’autres cas je réponds aux questions avec d’autres interrogations. Ces questions seraient : Pourquoi faire de la recherche en architecture ? À quoi sert cette recherche ? Quels sont ses objectifs ? Par quelles voies peut-elle se mener à bout ? Quels sont les agents qui interviennent ? Envers qui elle se dirige ? Comme est-ce qu’on évalue sa qualité ? Quelles sont les conditions qui font qu’un travail d’architecture soit susceptible d’être considéré comme une recherche ? Et bien entendu la question qui préoccupe beaucoup d’entre nous : est-ce que la pratique professionnelle peut être considérée comme de la recherche ?

De nombreux auteurs se sont penchés sur ce sujet et ont offert des perspectives diverses ils aboutissent tous néanmoins à la conclusion commune que la recherche en architecture est susceptible d’être considérée comme un territoire épistémologique de plein droit. Une fois énoncée la discussion de base, il surgit d’autres thèmes vers lesquels il me semble pertinent de se pencher. Je vais lancer une série de questions, les réponses, dans certains cas, –13–


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Je lance ces questions et me permet de proposer des réponses non pas comme des certitudes mais comme un prétexte pour en discuter. J’aimerais peut-être essayer de développer le suivant énoncé : à travers la recherche en architecture, il est possible de contribuer à faire avancer de façon réelle le savoir dans notre domaine. En laissant en suspend ces réflexions je vais me permettre de présenter brièvement comment la recherche s’organise au sein de l’Université Polytechnique de Valencia à laquelle j’appartiens. Pour cela je vais commencer en présentant comment est structurée la recherche au sein de notre université puis je vais me centrer sur le cas du département architecture, auquel j’appartiens, en finissant par la présentation des lignes de travail du groupe de recherche. L’UPV, de même que le fait le ministère sciences innovation et université en Espagne, établit deux catégories de production de savoir : la recherche et l’innovation. La recherche est concentrée dans les départements universitaires, les groupes, les instituts et les centres de recherche. L’innovation se développe par le biais de startups et de spin off. La différence avec les structures précédentes réside dans le fait que les écosystèmes d’innovation engagent le développement d’un modèle de l’entreprise avec tout ce que cela implique. L’école doctorale fonctionne en parallèle à cette structure et centralise la gestion de toutes les thèses doctorales, tantôt académiques comme industrielles, qui sont menées au sein de l’UPV et qui sont dirigées par un de ses membres quelle que soit la discipline auquel elles appartiennent. Le groupe de recherche PAR a été créé en 2017, c’est un groupe officiel de l’université et qui est composé d’enseignants, appartenant au département de projets de construction et de structure, et d’un membre de l’administration. Ce groupe est né avec la volonté de promouvoir une recherche interdisciplinaire à propos du projet d’architecture et pour ça on a décidé 14–14–

d’orienter aussi, avec une grande coïncidence avec le HITLab, en trois axes qui sont donc : projet mémoire, projet & action et projet & innovation.

À travers ces trois lignes interdépendantes et complémentaires, le groupe a l’intention de mener à terme une recherche, de type académique comme appliquée, et de promouvoir le transfert du savoir et de l’innovation en relation au projet d’architecture. « Projet mémoire » part de l’idée que le projet s’alimente d’imagination et de mémoire et que c’est à partir de ces deux concepts que se forment les bases de la création artistique. « Projet mémoire » se base sur le processus de la conception de l’architecture de tous les temps. En ce moment sont ouvertes plusieurs lignes de travail et le résultat se présente sous forme de livres, d’articles, de revues, de participation dans des congrès. C’est une ligne qui explore ce que nous pourrions appeler la voie académique. « Projet action » vise la condition du projet comme moyen d’action sur le milieu physique, social et culturel. Projet action s’implique dans des processus artistiques et éducatifs qui contribuent au progrès social et à promouvoir des entourages durables, sûrs et inclusifs. En ce moment cette ligne se concrétise sur l’intervention physique dans certains milieux en particulier dans des espaces en relation avec l’éducation, le travail et sur la relation entre architecture et enfance. Elle s’appuie sur la réflexion autour du sujet de la formation


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de l’architecte, l’organisation de congrès, workshops, séminaires, et la préparation de publications de diffusion. Cette voie pourrait s’inscrire dans ce qu’en Espagne on appelle transfert. En dernier instant « projet et innovation » s’oriente vers l’innovation à partir des matériaux de notre temps. « Projet et innovation » promet une recherche sur la question technique, sur les processus de production et les qualités du bâti, au travers d’une chaire d’entreprise en relation aux matériaux céramiques. Il y a plusieurs projets en marche qui vont depuis la création de pièces nouvelles et l’expérimentation sur le matériel jusqu’à la diffusion. Aussi est ouvert un champ sur la définition structurelle et création d’espaces et un autre sur l’architecture vernaculaire. Vu qu’il s’agit d’un groupe de création relativement récent, les projets en cours sont encore la somme de projets individuels, notre objectif futur est de pouvoir proposer en tant que groupe de recherche des objectifs communs, suffisamment solvables et capables d’obtenir un financement externe. Revenons sur l’Université Polytechnique à Valencia, et la recherche en architecture nous pouvons affirmer que celle-ci s’organise dans 11 départements universitaires qui sont ceux qui interviennent dans les études d’architecture. Actuellement dans le programme de doctorat académique en Architecture Bâtiment, Urbanisme et Paysage il y a 153 élèves inscrits et dans le doctorat industriel nous n’avons aucun étudiant. Néanmoins le département d’architecture ne possède que deux groupes officiels de recherche et sa recherche se développe dans un seul institut de recherche. L’indice qui évalue la recherche au sein de la UPV, nommé VAIP, se trouve parmi les plus bas de l’université dans les départements en relation avec l’architecture. Ces données sont inquiétantes, vu qu’elles montrent une santé fragile de la recherche en architecture dans l’UPV qui, par ailleurs, est un centre de

recherche important dans d’autres domaines. S’interroger sur les possibles causes de cette retraite peut être d’intérêt pour le sujet qui nous occupe. Dans un premier temps, je voudrais parler des mécanismes de contrôle de la qualité de la recherche qui sont employés. Fondamentalement nous avons deux types d’indicateurs, il y a un indicateur interne dans l’université qui s’appelle le VAIP et un indicateur externe qui est assuré par une commission nationale qui s’appelle le Sexenios qui en même temps est divisée en deux branches. Une branche qui est en relation avec la recherche et une autre branche qui est en voie d’expérimentation vu qu’elle a été mise en place cette année et qui tend à évaluer la transférence. En ce qui concerne les voies d’évaluation de la recherche, nous pourrons dire que tant l’indice interne que l’indice national évalue les mêmes paramètres, c’est-à-dire qu’ils évaluent la publication dans des revues indexées, la publication de livres et chapitres de livres de recherche, la participation dans des comités d’édition, le développement artistique (mais en entendant par ça le commissariat d’expositions), les brevets, copyrights et développements technologiques. Donc en voyant ces points nous voyons que le projet tel quel est un grand absent, bien que dans l’indice national il y a un point qui s’appelle « projets d’architecture singuliers » qui pourrait tenir compte de notre production architecturale. Néanmoins ne sont considérés dans ce cas que des projets qui ont eu des prix équivalents à un prix national d’architecture, ce qui est très rare ou qu’ils soient publiés dans des revues de haute diffusion. Si on s’intéresse à l’évolution interne de l’université, nous pouvons voir que les départements en relation avec l’architecture sont ceux qui sont marqués en jaune c’est à dire ils se situent plus ou moins en bas de l’échelle. Si nous regardons aussi quel type de recherche est mené à bout dans l’université, nous pouvons voir que 26 % sont en relation avec des projets –15–


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en ARCHITECTURE Universitat Politècnica de València (UPV)

de recherche qui sont inscrits dans le cadre de projets de recherche financés et 46 % d’articles dans des revues indexées.

En revenant sur le département d’architecture nous voyons que l’indice est bas mais aussi en regardant le schéma qui montre le type de production c’est aussi assez intéressant, nous voyons que le type de production est beaucoup plus divers que la production qui se réalise au sein de l’université. Nous voyons que la proportion qui équivaut à des projets de recherche financées passe donc de 30% à 6 %, que le pourcentage d’articles de recherche se trouve à 12 % et que le créneau qui a le pourcentage le plus élevé se trouve on de la Recherche dans les productions artistiques comme je vous RCHITECTURE l’ai dit auparavant il s’agit de la préparation ojets (end’exposition. Architecture)_UPV En comparant avec la structure de recherche qui a l’indice le plus élevé de notre université nous

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pouvons voir que l’indice en soit est 28 fois plus élevé que le nôtre aussi en voyant le schéma du type de production nous voyons que la partie correspondante aux projets de recherche se situe dans les 35 %, 41 % d’articles. Le déséquilibre est inquiétant. Nous pourrons voir que la voie la plus solide c’est à travers le plan Estatal de Recherche (Plan Estatal de Investigación Científica y Técnica y de Innovación) qui est développé par le ministère des sciences, recherche et universités. Ce plan est articulé en 4 branches : une première branche qui dédiée à l’emploi (c’est-à-dire des bourses pour des contrats pré et post doctoraux et dans la mobilité) ; après il y a un axe qui est production de savoir qui est surtout orienté aux disciplines de la recherche fondamentale ; une autre branche qui est leadership et entreprise et finalement il y a une branche qui est nommée défis de la société. Par ces spécificités notre discipline ne peut se trouver que dans la première et la dernière branche. Si on s’intéresse à cette dernière branche en relation aux défis de la société nous pouvons voir que parmi les 8 défis et 57 points seulement 9 points semblent susceptibles de pouvoir accueillir une recherche en relation avec l’architecture. Donc après cette présentation qui, comme je le disais, ne va pas être très positive je poserais plusieurs questions. Une première question pourrait être : comment pouvons-nous voir notre travail de recherche reconnu et quels sont les moyens susceptibles de nous permettre de réaliser nos recherches dans des conditions optimales ? On peut voir que les défis de la société sont coïncidents dans plusieurs milieux de recherche et je me demande est-ce que notre approche de l’architecture pratique et recherche est en accord avec ces défis ? Estce que la culture du spectacle qui imprègne de nos jours certains des paramètres de succès de l’architecture et qu’un secteur de la société semble demander, peut coexister avec le besoin de promouvoir l’attitude responsable pour


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laquelle prônent les entités de recherche au nom de la société ? Est-ce que la tendance à dériver la recherche en architecture vers d’autres champs de connaissances plus facilement publiables est-elle réversible ? Ce point peut-être peut s’expliquer en relation avec notre cas concret en Espagne, car comme vous l’avez vu, l’évaluation de la recherche c’était surtout par la publication d’articles dans des revues indexées, qui dans le champ du projet sont très limitées. Est-ce possible que l’importance de l’architecture soit suffisamment prise en considération par les entités qui définissent les paramètres de la recherche (qualité et orientations) ? Et sur ce point je suis très contente d’avoir entendu les paroles de la représentante du ministère parce que je vois qu’en France vous êtes sur cette voie et j’espère que vous pourrez parler avec vos collègues espagnols.

Après ça, j’ai vu que la recherche, c’est très intéressant, personnellement, mais aussi pour l’enseignement je pense que c’est important et le chemin que je vais raconter maintenant je crois qu’il a de l’intérêt, pas seulement parce que c’est personnel, mais dans notre école à San Sébastian la plupart des chercheurs enseignants ont fait un peu le même parcours. Et sur les sujets de la recherche, de l’enseignement et aussi de la pratique, je vais donner quelques pistes de ce qui arrive à San Sebastian. J’ai commencé mes études à San Sebastian et je les ai finis à Barcelone, ensuite j’ai travaillé dans une agence pendant 12 ans. Et c’est en 2008 que j’ai voulu enseigner et que j’ai eu une place à l’université et c’est à ce moment là que je me suis rendu compte qu’il était nécessaire de ne pas être seulement enseignant mais aussi de faire de la recherche.

Merci. Eneko Uranga Bonjour à tous je m’appelle Eneko Uranga, je viens de San Sebastian, de l’Université du Pays Basque. Je voudrais d’abord remercier l’ENSAM et le HITLab, surtout Alain, Élodie, Jacques et Laurent. On travaille ensemble depuis un moment et c’est toujours un plaisir de revenir ici et cette fois ce n’est pas avec les études, c’est avec la recherche, chose qui est très intéressante. D’abord je dois dire que quand ils m’ont appelé pour venir ici, je ne suis pas un spécialiste dans les statistiques de la recherche et tout ça. Donc je vais vous présenter un peu mon parcours, je suis un chercheur et je sais ce que je fais et c’est donc le plus simple pour moi. Je dois dire aussi que ce n’était pas dans mon plan de faire de la recherche, j’ai commencé par être enseignant et après quand je suis rentré dans l’école j’ai vu que c’était nécessaire de faire de la recherche si je voulais continuer à être enseignant.

Un an après mon entrée à l’université, j’ai commencé un master mais c’était un master professionnel, je rentrais dans un mauvais moment, c’était les changements de plans et les études conduisant à un doctorat avaient disparues donc ils devaient mettre en place –17–


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d’autres études. Alors j’ai fait un master professionnel qui pouvait se convertir en master officielle, qui lui mène au doctorat. En 3ème année, j’ai donc fait ce master officiel en efficience énergétique et construction durable. Après j’ai fait ma thèse de fin de master sur le même sujet, c’était dans les quartiers de Gros de San Sebastian et mon point d’intérêt était : La nécessité de l’efficience énergétique dans le patrimoine. San Sebastian, je ne sais pas si vous connaissez, mais c’est une ville un peu comme Montpellier et beaucoup de villes en Europe, c’est une ville qui a de l’intérêt dans son architecture patrimoniale et mais il y avait un besoin d’obtenir de meilleurs résultats d’efficience énergétique. Après ça j’ai fait ma thèse qui devait durer 3 années et elle a finalement durée un peu plus longtemps, cinq années et c’est normalement ce qui arrive aussi. Il se passe un peu la même chose avec d’autres enseignants. Quand ils rentrent à l’école soit ils sont en temps partiels, dans ce cas ils peuvent mener leur enseignement avec leur agence ou leur pratique professionnelle, soit ils sont en temps complet et ça devient de plus en plus difficile parce qu’ils ont besoin de temps pour faire de la recherche et de l’enseignement. C’est à ce moment que j’ai décidé de faire de la recherche. En Espagne, comme l’a expliqué Clara, on a une exigence pour être chercheur et on dit que la thèse n’est qu’un commencement pour devenir chercheur comme ça on a une stabilité dans l’université. Mais par contre il n’y a pas trop, dans le domaine de l’architecture, de lignes établies pour faire de la recherche. Nous nous sommes trouvés quelques enseignants et moi dans la nécessité de faire un peu notre propre chemin. Nous sommes maintenant quatre enseignants dans l’école d’architecture, un seul étant titulaire, les autres nous sommes à temps complet mais pas sur une posture établie. Nous essayons de faire un groupe de recherche mais c’est toujours difficile parce que si tu veux faire 18–18–

de la recherche il te demande d’avoir un poste et un parcours, et c’est difficile si tu ne trouves pas. Nous sommes quatre enseignants aujourd’hui accompagnés d’autres collaborateurs et vous voyez ce n’est pas un parcours qui a commencé quand j’ai fini ma thèse, c’était pendant mes études qu’on a commencé. On a fait différents projets, des recherches et partenariats du gouvernement Basque et des universités, parfois avec les autres départements de l’université. Pour l’instant nous avons fait ces neuf projets après des contributions au congrès mais qui sont de moins en moins mis en valeur. Nous avons fait quinze contributions au congrès avec des publications de chapitres de livres et nous avons fait dix articles dans des magazines. Dans la situation actuelle, le problème c’est l’emploi du temps parce que si on est en temps complet, on doit faire : l’enseignement, la recherche, la gestion aussi qui prend beaucoup de temps et on devrait ajouter la pratique mais c’est difficile. Il n’y a pas d’enseignants dans l’école d’architecture qui font l’enseignement, la recherche, la gestion et ils ont leurs propres chances, je pense que c’est un peu difficile, mais par contre c’est nécessaire, on a pu en discuter hier c’est nécessaire d’avoir l’enseignement, la recherche, peut-être la gestion mais surtout la pratique, et on peut tout lier sinon on reste dans la théorie. Finalement j’ai mis un peu les aspects positifs et négatifs dans cette façon de fonctionner. Dans le négatif c’est le commencement de la recherche en architecture, comme l’a dit Clara, il n’est pas trop développé. À l’université du Pays-Basque il y a un groupe de recherche mais il est toujours plus technique que projectuel. Par contre ça peut être positif aussi parce que ça donne des schémas plus ouverts, il est possible de choisir des lignes plus ouvertes de recherche. Le temps est, je pense, le problème principal pour tout le monde, comment faire tout ça dans une journée en ajoutant la gestion et la pratique avec le


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travail en agence ? Dans les cours ordinaires c’est positif pour les étudiants mais par contre c’est embêtant, c’est vrai, parce que tu dois dédier tes meilleures heures de la journée à ce qui est le plus important, maintenant c’est la recherche. Moi ce que je vois de plus en plus comme exigence des agences officielles du Pays-Basque ou de l’Espagne, c’est un peu la méthode du bâton et de la carotte comme on dit, on te donner des coups de bâton pour faire de la recherche avec la carotte au bout, mais je vois que cette carotte elle est de plus en plus loin et parfois on ne la voit pas et c’est un problème. En revanche tu acquières des connaissances sur l’architecture et tu peux les appliquer, nous sommes déjà entrain de le faire, nous allons donner des cours l’année prochaine sur les conclusions d’une étude que nous sommes en train de faire. C’est également un plaisir, et ce n’est pas ce que je pensais quand j’ai commencé, mais c’est très plaisant de faire de la recherche. Je vais vous montrer un peu ce sur quoi nous sommes en train de travailler pour savoir ce que l’on fait et avec qui on le fait. Dans le milieu de l’efficience énergétique on continue à travailler, et maintenant nous travaillons sur un projet qui en est à son commencement avec Technalia. Nous n’avons pas encore de subvention, mais nous continuons à travailler sur cette ligne au Pays-Basque. Merci. Laurent Duport Je voudrais juste reprendre un petit point de démarrage. Notre groupe de recherche est un groupe naissant et ce que j’ai beaucoup apprécié dans ta présentation, Clara, c’est que tu parles de ligne de recherche. Je pense qu’il y a aussi ça qui est important c’est de bien savoir quelles sont les lignes de travail sur lesquelles on va organiser à la fois la journée mais peutêtre aussi le futur dans nos ambitions.

On voit aussi qu’il y a une similitude que tu as mentionné dans une espèce de tripartie qui rassemblait dans votre cas : projet et mémoire, projet et action, projet et innovation et est-ce que ces trois éléments ne sont pas finalement le tabouret de base de la question de la recherche ? Alors nous c’est un petit peu différent mais c’est pas si différent que ça puisqu’on a pris des thématiques qui sont liées aussi à des questions sociétales et il ne faut pas le négliger et là où je voudrais qu’on essaie de discuter ensemble c’est sur la question de la transdisciplinarité, puisque Elodie mentionnait qu’effectivement la recherche en architecture se positionnait parmi d’autres recherches dans d’autres disciplines et quelle pourrait être finalement notre spécificité, notre autonomie autour de la question du projet ?

Alors qu’est-ce que c’est le projet dans la recherche en architecture ? Ou on peut inverser la phrase en disant qu’est-ce que c’est la recherche sur le projet en architecture ? Voilà c’est un peu les bases que je voulais mentionner. J’ai aussi été très touché, très intéressé par le parcours d’Eneko qui indiquait que finalement sur une ligne de travail que tu t’es fixé, il y a des choses qui ont un peu évolué et donc je pense que c’est important de nous retrouver sur une notion finalement de plaisir. Cette notion je pense qu’elle doit aussi nous transcender à travers nos différences, c’est peut-être des choses qui doivent nous rapprocher afin qu’on puisse ensemble essayer d’avancer dans ce questionnement et ce qui est très important –19–


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c’est le cas de la recherche comme tu l’as posé en tout début de ta présentation Clara. Est-ce que le plus important comme en philosophie ce sont les questions ? Mais est-ce qu’il y a des réponses à ces questions ? C’est ce que je pense qu’on va travailler aujourd’hui donc je lance une première bouée qui est évidemment la place du projet dans la recherche. Florence Sarano Moi ce qui m’a frappé à la fois dans les propos au préalable et puis dans les présentations c’est une chose qui est importante : la notion de défi par rapport aux enjeux contemporains et une de mes thématiques de recherche c’est justement le rôle des architectes dans ces défis contemporains. On est plus dans les architectes modernes qui vont changer le monde, le rendre meilleur qui ont une certaine image de l’Homme etc. On a basculé vers des architectes qui doivent participer, répondre aux défis d’aujourd’hui or ces défis ils demandent quoi ? Ils demandent du projet justement il demande à la fois des connaissances, une prise de conscience des complexités dans lesquelles on s’inscrit de toutes les interrelations et il demande aussi de projeter et donc je pense que les architectes justement en même temps peuvent participer parce qu’ils ont une certaine pratique du projet mais en même temps ils ont aussi à évoluer sur ce projet, sur la manière de faire, sur leur démarche. Ça veut dire aussi les engagements, prendre des postures et que par rapport à ce projet si on sortait de l’école avant avec un modèle, on sent bien que tous les modèles ne sont plus adaptés, qu’il y a beaucoup de choses à reprendre. Même dans les écoles on est en train de construire le projet et que cette mobilité là c’est ce dont on a besoin pour l’avenir. La première chose c’est le projet, la deuxième ça serait cette mobilité d’esprit, la troisième ce serait l’interdisciplinarité or toujours pour répondre à ces défis sociétaux et 20–20–

environnementaux, etc, l’architecture a cette capacité d’être à l’interface de plusieurs disciplines. On n’est pas les seuls mais on est quand même parmi ceux qui ont le plus cette capacité-là donc je me demande pourquoi avec toutes ces compétences de projet et toutes ces questions qui se posent pour répondre aux défis contemporains, les architectes ne sont pas plus au cœur des paramètres qui permettent d’évaluer, qui peut répondre aux défis ou pas, voilà l’importance du projet évidemment associée à la recherche.

Élodie Nourrigat C’est vrai que ce que tu dis est intéressant et je pense qu’en fait aussi on en arrive peut-être à une sorte de paradoxe comme tu le dis, les architectes en tous les cas dans la formation et la formation par le projet et moi c’est ce qui me semble effectivement, comme toi, totalement essentiel, ce qui fait la spécificité, c’est la capacité à être transversale, à construire et à produire du projet. Une fois je discutais avec quelqu’un qui était énarque il disait « c’est quoi la spécificité d’un architecte » je disais « il faut avoir une grande capacité de synthèse » il me dit « oui comme nous », « non nous on est meilleur, vous vous faites des rapports, nous on fait des projets » donc voilà c’est vraiment dans cette dimension de conception en fait et c’est ça qui fait la spécificité. En même temps on se retrouve


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finalement face une sorte d’absurdité du système qui est qu’aujourd’hui, dans le système actuel, la recherche reconnue est celle des spécialistes. C’est à dire si on n’est pas spécialiste, on est pas reconnu comme chercheur or le rôle d’architecte c’est d’être un grand généraliste mais au sens noble du terme et je pense que cette posture est essentielle, si on veut produire du projet, si on veut concevoir, il y a cette nécessité de connaître suffisamment tous les champs qu’on va appréhender pour pouvoir les transcender et pour pouvoir produire un projet ce qui est totalement antinomique avec le fait d’être un grand spécialiste dans un champ particulier. Je pense qu’on pâtit un peu de cette dimension là que naturellement le projet est transdisciplinaire et la production du projet est transversale et la volonté en fait d’aller chercher des spécialistes qui répondraient à une recherche académique. Maintenant, par contre, cette dimension-là, si on la reprend au regard des défis sociétaux, certes, on a besoin de spécialistes mais on attend et aujourd’hui la société attend des gens qui sont capables de rompre cette dimension de silos et dans ce cas-là oui il y a un rôle à reprendre et si en tant qu’architecte on arrive à défendre cette position de projection effectivement de conception, j’allais dire par le projet, je crois qu’on a un rôle effectivement à rejouer. Après un autre point qui est essentiel c’est aussi qu’aujourd’hui effectivement on a différentes ruptures qui se mettent en place, des ruptures environnementales, des ruptures numériques et qui changent notre pratique même. La pratique en agence est en train d’évoluer et je crois que pour les architectes de demain, les étudiants en tous les cas qui sont en train de se former il faut effectivement qu’ils aient cette maîtrise du projet mais il va falloir qu’ils aillent chercher autre chose parce qu’on attend plus des architectes dans la société qui répondent juste un programme pour faire un bâtiment, on attend d’eux qu’ils aient effectivement un apport sociétal, une réflexion sociétale et d’autant plus avec l’air du numérique ou finalement produire

juste un bâtiment il y a pleins de logiciels qui vont être capables de le faire à notre place donc si on ne sait faire que ça on va aller compter les billes ailleurs et en ce sens-là l’investigation dans le champ de la recherche, même pour être un praticien, à l’avenir va être important mais il ne faut pas qu’on tombe dans le fait de devenir des hypers spécialistes d’un champ connexe à l’architecture. Clara Mejia Dans la présentation que je fais à un moment donné quand je me demandais si la pratique en architecture peut être considérée comme de la recherche, les images que j’ai choisies sont des images qui appartiennent à ma propre pratique professionnelle que j’ai développé avec une certaine intensité pendant plusieurs années et qui n’est pas de la recherche. Je ne dis pas ça avec de l’ironie. Je me suis demandé plusieurs fois est ce que c’est de la recherche ou non. Bien évidemment c’est de l’architecture, de l’architecture à travers notre projet, néanmoins je me demande si cette pratique professionnelle telle que nous l’avions abordée, elle réunissait certaines conditions pour être considérée comme de la recherche. Je me pose la question par exemple, est-ce que les résultats sont attestables ? Est ce qu’ils sont susceptibles d’être reproduit ? Est-ce qu’ils sont susceptibles d’être transmis ? Oui à travers des publications en architecture mais nous savons que nos publications en architecture montrent l’objet fini mais elle n’incite pas sur une possible recherche qui aurait pu être menée à bout dans le projet. Donc la diffusion de toute notre pratique professionnelle est celle du résultat fini et je pense qu’en soit un bâtiment fini n’est pas un objet de recherche. Donc c’est aussi une question que je me suis posée plusieurs fois parce que, comme disait Eneko, c’est notre façon de s’approcher de la recherche, notre façon d’approcher aussi le métier d’enseignant, à penser que certaines dynamiques changent. –21–


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Pour ça dans notre groupe de recherche, on veut conserver ses trois lignes parce qu’on pense que la recherche sur le projet depuis un point de vue académique c’est à dire qu’est ce qui a été fait jusque-là comment ça s’est fait mais non pas seulement depuis un point de vue historiographique, mais sinon le point de vue de la propre discipline, c’est à dire quels sont les mécanismes qui ont été mis en place pour produire ces projets à un moment donné et ça c’est extrêmement intéressant je pense qu’on peut apprendre des projets qui ont été faits à toutes les époques. Donc ça on veut le laisser et cette voie est celle qui nous permet une approche plus encadrée avec ce qui est attendu de nous du point de vue de l’évaluation mais on voulait aussi exister sur le point qu’on appelait action qui est en relation avec ce que Laurent tu appelais peutêtre sociétal. Action qui est la possibilité de l’architecture de se faire visible. Donc ça je pense que c’est très important même si je ne sais pas si on peut dire que c’est exactement une recherche, parce que les résultats ne sont pas nécessairement contrastés, ne sont pas nécessairement les bons, je pense que c’est une façon d’alimenter notre pensée vers le projet. Finalement la voie innovation c’est la voie la plus canonique, enfin c’est une recherche qui est inscrit dans des domaines plus habituels. En préparant la présentation, en voyant que dans notre programme de doctorat nous avons 153 étudiants inscrits sur la voie académique et que nous n’avons aucun étudiant inscrit dans la voie industrielle pour moi c’est inquiétant parce que la voie industrielle ce serait l’équivalent un peu de ce que vous étiez en train de présenter, c’est à dire la possibilité de développer le doctorat dans le cadre d’une agence. Ce qu’on demande c’est qu’une entité, soit une industrie, soit une agence, s’engage à payer, à co-financer cette bourse pré-doctorale et que les résultats prévus soit disons depuis le moment initial bien clair. Qu’est-ce qu’on attend de cette recherche ? Quelle est la ligne du travail ? 22–22–

Laurent Duport Je veux rebondir sur ce que tu dis, est-ce que tu sais si dans les autres villes universitaires en Espagne c’est configuré ou structuré de la même manière ? Et est-ce qu’il y a aussi cette disproportion sur les 153 doctorants dans la voir académique et zéro dans la voie industrielle ? Clara Mejia Non le doctorat industriel est un doctorat national et j’ai fait une petite recherche et j’en ai trouvé deux à Barcelone à l’UPC. Élodie Nourrigat Mais c’est vrai par rapport à ce que tu dis. Le dispositif CIFRE, pour expliquer aux personnes, c’est en fait un système de cofinancement où l’état finance une partie du salaire de la personne qui va travailler dans une entreprise et donc bien sûr s’applique aux champs des agences d’architecture, ce qui fait qu’un doctorant peut mener son doctorat en travaillant dans une agence d’architecture sur un temps donné et l’agence d’architecture lui paye un salaire et l’état rembourse une partie du salaire donc on est vraiment dans un dispositif gagnantgagnant. Pour moi ça reste vraiment la voie a initier pour les étudiants aujourd’hui parce que ça permet aussi de ne pas se retrouver dans ce que tu évoquais, c’est à dire que si on veut s’engager dans la recherche ça prend beaucoup de temps et en fait on se déconnecte complètement du champ de la pratique parce que de toute façon on n’a pas d’espace de travail dans ce champ-là or là ce dispositif permet de rester connecté avec la pratique, aux agences d’apporter une plus-value en termes de positionnement de recherche, une valeur ajoutée à l’agence elle-même et effectivement au doctorant. Une fois qu’il aura son doctorat aussi d’avoir un champ professionnel, c’est à dire que la problématique c’est qu’il ne faut


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pas que les docteurs soient juste des futurs chômeurs ou de futurs enseignants parce que ça aussi c’est une voie qui peut être problématique, cette déconnexion arrive aussi par ce champ là et si les futurs docteurs sont également inscrits dans les agences d’architecture et qu’ils peuvent enseigner et transmettre aussi cet élément là, ça sera un champ à mon avis positif et constructif c’est pour ça que de travailler sur ce triptyque enseignement, recherche et pratique est très intéressant. Il y a aussi cette dimension entreprise, quand on a travaillé sur le programme avec Manuel sur le KAAU (Knowledge of Alliance for Advanced Urbanism) puisque c’est la thématique qui avait été posée, derrière on a des étudiants qui se sont engagés dans des doctorats à expérimenter ce triptyque en fait de voir qu’est-ce qu’une entreprise peut apporter mais aussi qu’est-ce que la recherche peut apporter à l’entreprise. Il faut des espaces d’expérimentation où chacun apprend à se connaître aussi et ces éléments là je crois que les écoles d’architecture sont un terrain favorable et dans les différents projets qui sont mis en place vous évoquez dans votre présentation le fait que les écoles doivent plus répondre avec le réel, je crois qu’il y a beaucoup aujourd’hui d’expérimentation qui sont faites en tous les cas à Montpellier et Florence tu pourras en parler aussi de ce que tu fais à Marseille, à Montpellier dans le cadre des studios euxmêmes il y a des conventions partenariales qui sont passées avec des collectivités, avec des entreprises. On a travaillé pour ma part avec le département de l’Hérault sur la question des bureaux du futur et des étudiants de troisième année se sont emparés de ce sujet. Jérôme tu pourras aussi parler du travail que tu fais sur la question de la ruralité des centres bourgs en collaboration avec des villes où les étudiants présentent même au conseil municipal où il y a ce dialogue et je crois que très tôt initié ce dialogue et ce triptyque, et d’insuffler aussi une dimension de recherche portée par l’enseignant, qui n’est bien sûr pas produite par les étudiants

à ce niveau-là, c’est une première étape à mon avis pour ouvrir des champs possibles et commencer à instaurer cette dynamique. Eneko Uranga Ça serait parfait parce que maintenant ce qui m’arrive et à Valence je pense que c’est la même chose, moi j’ai passé un mois dans une agence, mais maintenant les étudiants qui finissent veulent faire un bout de chemin à parcourir la recherche. Normalement il y a une bourse mais elle ne leur permet pas de travailler s’ils en bénéficient. Alors ça les mène à faire de la recherche et pas plus. Et cette recherche est très instable, ça ne peut pas devenir un parcours professionnel ni une profession parce que tout dépend de si les projets sortent ou non. Alors ces chercheurs deviennent enseignants s’ils y arrivent. Dans certains cas ils peuvent aller dans une entreprise de recherche-innovation, il y a quelques cas mais ce sont seulement les deux chemins possibles. Cela n’a rien à voir avec la pratique dans une agence. Alors ce qu’Élodie indique serait très bien pour avoir différentes possibilités pour continuer la profession, mais ce n’est pour le moment pas le cas chez nous. Florence Sarano Pour rebondir sur ce que tu disais sur les territoires, parce qu’on parlait des agences par rapport au contrat CIFRE. Il me semble qu’il y a d’autres acteurs qui sont les territoires à tous les niveaux et il y a des territoires qui sont particulièrement démunis en termes d’ingénierie territoriale et ses territoires là il y a une attente, il y a des possibilités, il y a un vrai territoire d’exploration aussi pour les architectes c’est à dire que c’est un peu dans les deux sens. Moi je pense témoigner donc avec les ateliers de master où on va dans des territoires ruraux et des petites communes et quand on y va donc en immersion avec les étudiants, on invite avec nous justement des chercheurs donc les –23–


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chercheurs viennent avec nous sur le territoire, ils le découvrent, ils donnent une conférence aux habitants donc ça donne des rencontres assez improbables entre le petit maire de la commune et un chercheur qui n’a pas du tout l’habitude d’intervenir dans ces situations là, avec des échanges et des habitants, des questions plutôt inattendues mais souvent pertinentes et intéressantes et l’objectif est d’élargir leur regard et puis nous aussi de nous nouer à ce qui amène finalement une médiation sur les territoires, sur les connaissances sur le territoire. Les étudiants en architecture se retrouvent dans le rôle de médiateur, de tisser des liens parce qu’ils écoutent d’abord donc ils développent leurs capacités d’écoute, ils apprennent aussi à être écoutés, à transmettre et donc chacun élargi son champ de vision. On n’est pas l’architecte qui vient qui dit voilà ce qu’il faut faire sur votre commune mais plutôt « par contre peut-être vous pourriez faire attention à tel endroit, tel bâtiment, tel partie oubliée etc » et eux aussi ils apprennent. Je crois aussi à ces dimensions de la recherche pas obligatoirement fermées mais aussi en déplacement et finalement cette rencontre entre les habitants, les acteurs, les maires, les élus, tous les acteurs du territoire, les étudiants et les enseignants, ça ouvre des envies, des désirs de se dire « on n’imaginait pas ça, on ne le pensait pas ». Je reviens sur cette notion de projection, se projeter ce n’est pas que faire du projet c’est aussi se jeter en avant, c’est aller dans l’avenir, c’est ça aussi le rôle du médiateur, c’est d’ouvrir les horizons mais aussi de tisser des possibles et après il y a des envies d’aller plus loin. On a eu beaucoup d’expériences où quand on est arrivé ils se disaient qu’est-ce qu’ils viennent faire là etc et puis finalement ils nous ont écoutés, ils nous ont appris des choses, on a pu échanger et là le projet de territoire il peut se constituer aussi et il rassemble les étudiants, les architectes, les chercheurs de différentes disciplines et c’est 24–24–

quand même ce dont on a besoin pour répondre à nos défis. Donc je pense que la question de la recherche et du projet elle ne se pose pas, elle est une évidence, elle est une nécessité, c’est juste quels moyens on se donne pour y arriver et ils sont multiples les moyens donc c’est peut-être ça le sujet de la recherche. Clara Mejia Ce que tu dis me parait très intéressant et pertinent mais m’inquiète en un point parce que je pense que l’architecte doit avoir bien évidemment ce rôle de médiateur, ce rôle de mettre en relation plusieurs choses, ça c’est évident. Et surtout l’architecte doit avoir une attitude responsable que pendant des années nous n’avons pas eu, peut-être que nos écoles n’ont pas insisté sur ça. Ça je suis absolument d’accord mais aussi je pense qu’il y a un côté disciplinaire qui est inhérent à la pratique du projet, de fabrication du projet qu’on ne doit pas non plus laisser de côté. Ça peut constituer aussi une recherche en soit. C’est un métier, le fait de la réalisation concrète du projet, non seulement le document projet, mais aussi la pratique et tout ce qu’elle doit incorporer mais aussi la pratique en elle-même. Et je pense qu’on doit continuer à penser que cette pratique doit s’alimenter et peut en elle-même constituer une ligne de recherche. Manuel Gausa Une petite anecdote mais que je trouve très intéressante liée à l’intervention d’Élodie moi j’étais pendant dix ans le vice-président d’un conseil de la Catalogne, c’était un conseil pour le développement durable pour le gouvernement. Il y avait des physiciens, des écologues, des géologues, tous les scientifiques possibles, des experts dans l’eau, et beaucoup de physiciens liés à l’énergie, à l’eau, etc. Ils m’ont fait vice-président par ma capacité


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d’enthousiasme, parce que le scientifique il a la capacité de douter. Mais ce que tu as expliqué c’est très intéressant pour moi, parce qu’on leur montrait des projets, et il répondait « Ah oui les architectes, vous vous amusez c’est incroyable comment vous vous amusez » et un jour ils m’ont expliqué « On vous comprend Manuel, le fait est que nous sommes jaloux, parce nous nous travaillons avec des rapports, avec des chiffres ». Nous les architectes on a besoin d’une vision, c’est pas seulement les chiffres, il faut projeter, créer des visions parfois qui sont des stratégies et des recherches converties en vision spatiale. Là commence le problème de l’architecture parce qu’il est entre la recherche et la création et ça c’est notre problème et en même temps notre richesse. Et donc ce que tu disais effectivement, la synthèse elle est dans plusieurs disciplines, la synthèse spatiale, pas tellement, la synthèse spatiale visionnaire un peu, le design peut le faire effectivement, la publicité aussi, mais la publicité fait la publicité, elle vend, nous nous ne vendons pas nous expliquons, nous montrons et nous démontrons. Donc pour moi je suis fière d’être architecte, et j’ai toujours été fière d’être entre l’Art, la création et la science. Et en Italie c’est pratiquement semblable, on se retrouve dans les mêmes situations. Si tu fais de la recherche, elle doit être validée par les publications, etc. Et le doctorat effectivement c’est la recherche scientifique en théorie. Mais là nous sommes des architectes, donc recherche scientifique dans un doctorat veut dire aussi recherche culturelle. Et donc c’est compliqué. C’est vrai qu’en Italie par exemple il faut avoir 6 bourses payées pour créer un cycle nouveau de doctorat, pour mettre en place une nouvelle année de doctorat. Le ministère de la culture ou le ministère de l’éducation paye 4 ou 5 bourses parce que sinon c’est difficile. Mais il faut toujours trouver la 5ème ou la 6ème bourse, qu’on cherche soit dans l’administration publique, c’est-à-dire les territoires, qui pendant longtemps avant la crise économique étaient

capables de créer des recherches payées par eux pour créer des prospections territoriales. Et pour nous ça serait une entreprise qui payerait pour avoir une bourse industrielle, cependant avec la crise économique beaucoup de groupes d’entreprises ne peuvent pas payer 50 000 / 60 000 € en trois ans pour avoir cette bourse.

Donc à la fin le problème c’est que les gens qui entrent en doctorat en Italie, font une opposition forte pour avoir très peu de place, et celle qui ne sont pas payées sont très mal vues et en général pas très bien considérées pour nous. Quand j’étais à Barcelone, on payait nous même pour faire des doctorats. Chaque pays a sa logique, en France aussi ça sera une autre logique, mais finalement le problème c’est que l’évaluation de la recherche est une évaluation chaque fois plus scientifique, plus démonstrative et nous nous sommes toujours au milieu entre la science, la technologie et la création. Alors moi je suis assez d’accord qu’on a probablement passé une époque où les écoles étaient positionnement culturel et les professeurs également à une époque économique reflétant le XXème siècle, et probablement le futur sera plus social espérons-le, que ce soit plus un autre genre d’interactions, interaction sociale, interaction avec l’environnement, avec l’idée d’interaction complète, mais tout cela est entrain de changer, nous sommes dans une époque de transition.

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Élodie Nourrigat

Florence Sarano

On arrive à la fin de cette table ronde et de cette matinée juste et j’aimerais vous relater cette anecdote mais qui est ancienne et qui est l’expérience qu’avait fait un architecte ingénieur inventeur qui est Buckminster Fuller qui était hors des clous puisque quand même il a été sorti deux fois de Harvard pour à la fin y enseigner donc ce qui était plutôt une belle récompense et Buckminster Fuller à l’époque où en fait les théories d’Einstein n’étaient pas encore vérifiée, Einstein commençait à émerger et on s’interrogeait sur ce qu’il faisait. Buckminster avait écrit un ouvrage ou un chapitre d’ouvrage qui s’appelait le monde selon Madame Murphy dans lequel il prenait toutes les théories d’Einstein et il regardait comment serait le monde si Einstein avait raison et donc il écrit cet ouvrage, il le publie, son éditeur lui dit « Mais tu as quand même eu l’aval de Einstein » il lui dit oui, c’est un architecte, il a appris à mentir très tôt, il dit « oui pas de soucis j’ai l’aval de Einstein ». Il sort cet ouvrage et un an plus tard il était à New York et son éditeur lui dit formidable Einstein va faire une conférence tu vas pouvoir le rencontrer. Bien sûr il n’avait jamais rien demandé à Einstein et donc il commence à avoir un peu peur et on lui organise donc un rendezvous ,il était dans une salle et il attendait un peu fébrilement Einstein qui rentre dans la salle et il lui dit « c’est vous monsieur Buckminster Fuller » il répond oui et Einstein lui dit « écoutez je voudrais vous remercier parce que ce que vous avez fait j’en suis personnellement incapable je n’ai pas la moindre idée de savoir à quoi vont servir mes inventions » et je crois qu’il est là le rôle de l’architecte, c’est en cela qu’il a véritablement été architecte dans cette capacité de prendre et de transformer des choses dans le réel et pour moi cette anecdote est assez impressionnante dans ce que doit être effectivement la recherche en architecture dans cette captation de spécialistes, de spécificités et dans la capacité de le réinjecter dans le réel.

Au contraire je trouve que c’est très motivant parce que le réel il nous demande de relever des défis aujourd’hui et donc je pense qu’il y a une double recherche et c’est une manière aussi de vous répondre c’est qu’il y a à la fois la recherche sur la discipline elle-même mais l’architecte maintenant il est encore plus dans la conscience avec ce que nous donnent les scientifiques, on va dire en termes de données etc, mais qui sont de plus en plus nombreuses, d’où aussi cette question de la gestion des données d’architectes qui produisent moins de plans et qui manipulent plus les données, tous les diagrammes et ça c’est intéressant aussi de voir l’évolution de ce qu’on produit, plus seulement les plans et donc je pense qu’il y a un double niveau de recherche sur cette conscience du monde, nous quel rôle on peut jouer là-dedans et sur la conscience de notre discipline en elle-même, sur ses spécificités mais pour moi n’y a pas d’opposition entre les deux, tout ça est lié au réel qui est de plus en plus complexe.

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Panel de discussion 02 Place de la recherche dans la pratique ::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

Participants : Jacques Brion (ENSAM, membre du conseil HITLab) // Guillaume Girod (ENSAM, membre HITLab) // Nicolas Lebunetel (ENSAM, membre HITLab) // Pierre Soto (ENSAM, membre HITLab) // Christophe Boyadjian (ENSA Lyon)

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Christophe Boyadjian Je suis architecte diplômé de l’école polytechnique de Lausanne. J’ai enseigné dix ans à l’ENSA Clermont Ferrand et depuis 2011 à l’ENSA Lyon. Parallèlement avec mon associé, Patrice Prével, nous avons fondé une agence il y a 20 ans, l’Atelier de Ville en Ville. Sa particularité est de questionner en même temps le territoire de l’architecte et celui de l’architecture. Nous intervenons à la fois dans les études et stratégie urbaine, l’architecture des édifices et des vides, la valorisation ou transformation du paysage. À partir de cette position personnelle, je vais donc essayer de vous présenter la manière dont nous concevons, en tant que praticien, le rapport avec la recherche. La question des situations nous interpelle en premier lieu. Nous entendons par situation, l’ensemble des propriétés physiques et immatérielles du contexte du projet. Nous intégrons alors des questions sociétales, politiques et plus encore les rapports toujours plus importants entre local et global. Comme architecte, nous allons chercher les conditions de l’architecture. Avant l’acte de concevoir, avant l’acte de construire, il y a les conditions de l’architecture. Comment l’architecture va pouvoir s’assimiler à un acte conscient de

transformation du territoire ? Les questions posées à la recherche sont aussi, peut-être comme dans la pratique, à interroger de la même manière. Comment crée-t-on dans le projet, dans la pratique de l’architecture, les conditions de la recherche ? Mais aussi comment les conditions de l’architecture et de la recherche peuvent être liées ? Nous nous sommes très tôt intéressés à des situations témoins, interrogeant ces rapprochements, ces conditions de l’architecture et de la recherche de manière consciente et lisible.

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RECHERCHE ET PRATIQUE, DANS LA CULTURE ARCHITECTURALE : LE MODÈLE DES IBA Il y a un sujet de recherche mais aussi d’expérimentation qui est à l’origine de nos réflexions sur ce sujet. J’ai eu la chance de bien connaitre Berlin dans les années 90. J’ai fait mon diplôme après la chute du mur, dans une ville en reconstruction, à la recherche de modèles urbains, de gouvernances, d’équilibres économiques. Historiquement, Berlin est un laboratoire pour l’architecture et l’urbanisme. Les situations extrêmes auxquelles la ville s’est confrontée durant le XXème siècle, ont été les fondations d’expérimentations, de recherches et de réalisations déterminantes pour les disciplines architecturales et urbaines. Nous pouvons citer la politique du logement sociale accompagnant le développement démographique et industriel avec les Siedlungen (les lotissements par exemple des frères Taut, Hans Sharoun…), puis la confrontation des idéaux modernes après-guerre entre Est et Ouest (Hansa Viertel versus Staline Allee), la ville sur la ville de Ungers et Koolhass ou enfin les projets de reconstruction des années 90 (Postdamer Platz, Friedrich Stadt…). Dans ce contexte, un modèle a été particulièrement innovant, l’Internationale Architektur Bauausstellung, les expositions internationales d’architecture (IBA). La première exposition est le Weißenhof Siedlung de 1927 à Stuttgart. Ce mode opératoire a irrigué depuis plus d’un siècle les paysages, l’histoire de l’urbanisme et de l’architecture en Allemagne. En 1957, le mouvement moderne a réalisé un quartier témoin à Berlin avec ce modèle, l’INTERBAU dans le quartier de la Hanse (Hansa Viertel). Dans les années 80, Le mouvement Postmoderne a de nouveau profité de l’IBA pour reconstruire la ville sur la ville dans plusieurs quartiers de la capitale allemande. Le premier principe est une unité de temps de 10 ans. Le deuxième est une unité de lieu, une échelle, une mesure, du lotissement à la 28–28–

région. Le troisième, celui qui nous intéresse particulièrement aujourd’hui est un adossement à des thématiques de recherche et d’innovation. La méthode, par l’évidence de l’entrelacement des trois principes, revient à faire converger l’ensemble des acteurs sur des objectifs de transformation. Pour le mode opératoire, on crée une structure qui n’est pas étatique, ni régionale. Cette structure indépendante a une obligation de résultat sur la période. Elle a pour objet d’animer et d’organiser les transformations. Les théories des années 70 et 80 ont totalement été intégrées dans les réalisations. J’ai découvert ces expériences urbaines et architecturales au début des années 90. Cela m’a particulièrement intéressé puisqu’on avait un lien extrêmement ténu entre la théorie et les réalisations. Il s’agit d’un temps où l’ensemble des questions, recherche, théorie, pratique se trouvent réunies pour la transformation d’un territoire. J’ai découvert la théorie de l’architecture en pratique en visitant les quartiers de l’internationale Bauausstellung de 87 (Rossi, Hungers, Koolhaas, les frères Krier…). J’ai découvert ensuite Emscher Park dans la Ruhr, interrogeant l’écologie à l’échelle du territoire dès 1990. Le territoire post-industriel a été transformé avec l’ensemble des acteurs politiques, sociaux, culturels, économiques mais aussi universitaires. En 2001, notre agence a participé au premier concours pour l’internationale Bauausstellung Niederlausitz dans l’ex-Allemagne de l’Est. Nous avons eu un prix et ce fut une expérience de collaboration très enrichissante avec de jeunes architectes et paysagistes installés à Halle. Il s’agissait de la transformation du triangle noir, la plus grosse catastrophe écologique européenne entre la République Tchèque et l’Allemagne. Enfin comme enseignant, j’ai participé à l’internationale Bauausstellung Basel 2020 qui est toujours en cours. Je détaille ce processus parce que la recherche est intégrée dans l’histoire de ces projets. Pour l’IBA Basel,


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il a été créé un laboratoire des universités. L’organisation de l’IBA Basel a demandé à un certain nombre d’enseignants de différentes écoles de participer à des colloques, de proposer des sujets d’études, de diplômes, de recherche. Il s’agissait de comparer les résultats qui provenaient de la TU de Stuttgart, de L’ENSA de Lyon, de Strasbourg, de l’école de paysage de Blois, d’universités Suisse. Pendant le temps de la transformation, les conditions de la recherche sont liées à celles de la pratique. À partir de ce questionnement j’ai mis en place une série de cours magistraux qui racontent cette histoire ville après ville, pour des situations pratiques et théoriques entrelacées. Ces cours de master à l’ENSAL Lyon décrivent ce questionnement sur l’interaction entre les théories, la recherche et les transformations en situation. Quels modèles et ambitions pour la recherche dans le projet ? Pour Emscher Park dans la Ruhr, le sujet de la réindustrialisation dans les années 90 a définitivement besoin de la recherche. Il était indispensable pour rendre crédible cette ambition manifeste sur dix ans, de trouver de nouveaux modèles qui vont être reproductibles, des processus pour recréer l’activité du postcarbone, des nouvelles formes pour le lien social dans ce territoire en déshérence. Ces ambitions pour la recherche en architecture sont indispensables et incontournables dans les conjonctures extrêmes. Ce qu’on apprend de ce modèle allemand, ce qui fait projet et ce qui a uni pendant dix ans l’ensemble des acteurs, c’est la complexité et la conjoncture extrême de Berlin des années 80 avec la suite de l’embargo, la ville qui se dépeuple. Ce qui fait projet collectif plus tard, c’est la conjoncture extrême de Emscher Park avec le déclin industriel, la catastrophe écologique. La recherche participe du processus. Au moment, du cataclysme écologique, du choix contemporain pour continuer d’habiter le milieu, la recherche urbaine et architecturale est partie

prenante d’une espérance pour la conscience collective. RECHERCHE ET PRATIQUE, L’EXPÉRIENCE DE DEUX SITUATIONS Pour illustrer l’apport décisif de la recherche dans la pratique, Je vais maintenant prendre comme exemple deux projets de notre atelier, pour les villes de Saint Etienne dans la Loire et de Feyzin dans le Rhône, au sud de Lyon. À Saint Etienne, la situation au début des années 2000 est diamétralement opposée à celle de Montpelier. L’une a la plus forte progression démographique alors que l’autre possède le solde négatif le plus important. Nous avons travaillé pour la rénovation et la recherche de nouvelles attractivités pour Saint Etienne pendant 14 ans. Dans cette conjoncture extrême, l’État a décidé d’implanter un établissement public d’aménagement. Quatre grands projets structurants ont été mis en œuvre traitant chacun d’une thématique, mobilité, le quartier de la gare, commerce l’entrée de ville, activité et culture, l’ancien site de la manufacture et enfin le quartier ancien dégradé de Jacquard pour lequel nous avons été choisi avec Jean-Michel Savignat. Nous avons travaillé sur la question du faubourg, la ville sur la ville, que l’on a évoqué dans le Berlin des années 80. Nous avions un contrat initial de 10 ans (le temps d’une IBA allemande) ce qui a permis d’établir des liens avec l’ENSA Saint-Etienne et l’école d’art et de design. Des actions en résonance avec la recherche sur les usages, sur l’occupation des rez-de-chaussée ont été menées conjointement avec un collectif pluridisciplinaire, « la Cartonnerie ». Dans ce temps long et dans ce cadre complexe, les solutions et les méthodes académiques n’étaient pas efficientes. La maîtrise d’ouvrage et surtout les habitants et usagers avaient cette conscience que l’expérimentation et la recherche d’un nouveau corpus méthodologique pour –29–


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transformer la situation étaient indispensables. Il est intéressant de noter que cela a été rendu possible par un cadre pratique particulier, l’accord cadre, qui nous a permis de penser et d’agir sur le temps long.

Le sujet porte donc une part théorique assumée. En même temps, l’accompagnement des habitants, des bailleurs et des promoteurs fait partie de notre mission. La recherche universitaire sur le sujet est donc une ressource primordiale mais l’application doit être concomitante pour la mise en œuvre du projet. Le temps court et le temps long doivent être entrelacés. Ils doivent apprendre l’un de l’autre comme recherche et pratique. La recherche se développe souvent à partir de sujets issus de la pratique architecturale et urbaine, tout comme la pratique ne peut que se valoriser en testant, en prenant l’hypothèse de recherches développées dans le cadre universitaire.   LES HYPOTHÈSES : L’ENTRELACEMENT ET LE TEMPS LONG À partir de ces exemples, nous pouvons proposer deux hypothèses pour décrire une situation favorisant les relations entre recherche et pratique.

Notre engagement pour la ville de Feyzin depuis 2006 est un autre exemple d’une implication sur le long terme, favorisant la construction de liens avec la recherche urbaine et architecturale. L’explosion de la raffinerie de Feyzin en 1966 a été la première grande catastrophe industrielle française, faisant 18 morts. 40 ans après, en 2006, nous avons été sélectionné pour établir une stratégie d’intervention pour le centre-ville de Feyzin. Nous avons travaillé sur la question de la résilience dans l’objectif de valoriser les paysages naturelles et agricoles qui ont été éludés par la forte présence des infrastructures et l’omniprésence du risque industriel. La résilience est un sujet extrêmement développé aujourd’hui dans les laboratoires de recherche. 30–30–

L’entrelacement des échelles. La première hypothèse repose sur l’entrelacement des échelles. Quand la transformation de la situation nécessite des réflexions concomitantes à plusieurs échelles, la démarche de recherche permet d’établir des hiérarchies et une méthodologie scientifique nécessaire à la prise en compte de la complexité. L’entrelacement des échelles s’oppose à une méthode linéaire de la conception architecturale et urbaine. Le passage systématique d’une échelle à l’autre, définissant un niveau de détail et de résolution des questions peut s’avérer inopérant dans des situations nécessitant des itérations. Celles-ci peuvent s’enrichir d’attentions transcalaires, d’une vision concomitante des problématiques et des solutions à plusieurs échelles. La petit interroge le très grand tout comme la très grande dimension s’exprime par la mesure d’éléments directement appréhendable.


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Nous pouvons prendre pour exemple le projet de renouvellement urbain pour les quartiers nord de Vaulx en Velin. Certains se rappelleront les émeutes de 1990 qui ont été un déclencheur sur le plan politique et ont permis de structurer le renouvellement urbain en France. La naissance du ministère de la ville, de l’ANRU, l’amplification de la médiation sont liés à ces émeutes. Le projet urbain pour le renouvellement de l’ensemble des quartiers a fait l’objet de différentes phases depuis 1990. Nous avons travaillé sur deux quartiers, à peu près 3 000 logements essentiellement en copropriété. Les moyens d’action sont beaucoup plus complexes que pour les résidences sociales, qui sont d’utilité publique et peuvent être subventionnées directement. Les outils ne sont pas évidents, les moyens à mobiliser conséquents mais juridiquement complexes à justifier. Le projet dépasse l’application de savoir-faire techniques. La plus grande culture urbaine et architecturale n’est plus suffisante. Les outils de l’urbanisme d’opération des ZAC ne sont pas adaptés. Le projet nécessite une recherche patiente utilisant souvent la méthodologie scientifique permettant de hiérarchiser et d’objectiver les informations. Le temps long. Nombreux projets que nous suivons s’inscrivent dans le temps long des transformations. Ce dernier est souvent nécessaire à la démarche même si l’action de court terme est indispensable et indissociable de la mission d’architecte. Suite à Europan 6, en 2001, nous développons un projet urbain à Clermont-Ferrand dont la première tranche a été livrée début 2019. La réflexion était liée à la thématique de la session d’Europan 6, l’Entreville. Nous avons interrogé cette thématique de recherche théorique (cf. Thomas Sieverts et la Swichenstadt) dans le dispositif spatial des faubourgs. Dans ce type de processus, il y a deux possibilités. Dans un premier cas, le projet s’arrête au bout d’un an face à la complexité du sujet. Dans un second cas, la volonté

politique affirmée nécessite un temps long. Il faut patiemment trouver des réponses à chaque enjeu sectorisé tout en conservant l’essence du projet et ses fondements théoriques. Il a fallu intégrer en 18 ans, un nouveau plan de prévention des risques d’inondations, des fouilles archéologiques, une modification des règlementations sismiques… L’assise culturelle du projet, la stabilité et l’ancrage des principes théoriques ont permis une permanence du processus, une interrogation continue, en mouvement, évoluant avec la conjoncture. La recherche préalable devient l’archéologie du projet. Les fondations intangibles qui vont permettre de résister au temps. EST-CE QUE LA PRODUCTION ARCHITECTURALE FAIT PARTIE DE LA RECHERCHE ? LES SITUATIONS DE CONVERGENCE. Cette question pourrait être : que se disent recherche et architecture ? Nous pensons que les deux domaines se nourrissent de ressources (corpus, culture, tradition…) et surtout de situations communes. Le projet architectural comme processus créatif peut se lier à la recherche plus fondamental quand certaines conditions sont remplies. Ces temps de convergences sont précieux et valorisent à la fois les sujets de recherche et les réalisations architecturales. L’exemple de Berlin, énoncé en début de cet exposé, est évident. Berlin apparait comme un manifeste de cet entrelacement fécond de la recherche et de la pratique. Nous cherchons des situations de projet propices à cette convergence. Nous avons été sélectionnés en 2012 pour une étude urbaine et la réalisation d’une place à Lyon dans un quartier de faubourg extrêmement recherché aujourd’hui mais qui demeure le quartier le plus populaire de la ville. Ce projet a fait apparaître de grandes tensions entre des associations qui considéraient le sol public comme un espace collectif, d’autres habitants qui aspiraient à la création d’espaces plus normatifs et ouverts à tous. De nombreux –31–


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mémoires, des thèses de doctorats se sont intéressés à la fois au processus de projet et aux revendications collectives. Le temps du projet a permis de faire des choix, de réaliser un espace le plus adaptable possible. La recherche a nourri le projet et surtout le fait vivre encore en interrogeant les usages et son adéquation avec les évolutions du quartier. La recherche comme espace de critique, représente une manière intelligible d’interroger l’acceptation et l’adaptabilité du projet architectural. Des concours ou appels à idées sont fondés sur la convergence entre projet et recherche. REHA (concours à l’initiative du PUCA, plan urbanisme, construction, architecture) représente parfaitement cette pensée entrelacée. Pour la deuxième édition de ce concours, nous avions choisi le site de la muraille de Chine de Clermont-Ferrand. La recherche que nous proposons, porte sur la réhabilitation de bâtiments modernes par amplification de leurs qualités plutôt que par superposition de nouveaux procédés et langages architecturaux indifférents à l’essence de l’œuvre. Les industriels et ingénieurs que nous avions réunis ont testé avec nous les applications pratiques et scientifiques de cette recherche théorique. L’ENSEIGNEMENT, LA GENÈSE DES LIENS Pour finir, le cadre pédagogique que nous proposons à l’ENSA Lyon se rapproche de celui de Métropoles du Sud de L’ENSA Montpelier. L’espace métropolitain européen permet de lier les enjeux globaux de la planète et les effets mesurables des transformations dans les situations locales. Les métropoles européennes représentent des situations ouvertes pour l’analyse, la critique, l’engagement, les transformations et la recherche. Nos enseignements peuvent être à l’origine des liens durables entre recherche et pratique que les futurs architectes seront amenés à formaliser. La normalisation des doctorats comme un 32–32–

espace accessible aux architectes est en mesure d’enrichir l’enseignement et la pratique architecturale.

Jacques Brion La présentation de Christophe très intéressante. Je rebondis sur ce que tu as dit, d’abord sur la question du temps long qui en fait n’est pas forcément le temps de structure d’agence mais qui est plutôt le temps de la recherche et donc en fait le travail que toi tu as et que certains d’entre nous, dont Nicolas, ont sur la question des projets urbains qui peuvent être effectivement un point d’entrée pour la recherche dans le cadre d’une activité professionnelle mais à mon sens il n’y a pas forcément que celle-là. Par exemple la question des matériaux, je pense Gilles Perraudin sur la question de la pierre qui est quand même un travail très pertinent et depuis longtemps. Il y a aussi peut-être la question du travail sur les thématiques liées à un projet, ça peut être la question des façades, la question des ambiances, la question du contrôle de l’énergie ou des apports solaires. Je pense que tout ça ce sont des questions qui doivent interroger des architectes et qui peuvent être aisément pertinentes sur des questions de recherche. Alors c’est bien évidemment un peu plus confortable, on va dire, sur la question des projets urbains que sur la question même du bâti, puisque que sur la question du bâti la problématique c’est l’intensité et la courte durée sur lequel on doit réaliser un projet, le concours quand vous l’avez gagné, pour la réalisation bien sûr le temps a l’air très long, des fois c’est 2 ans ou 3 ans mais en même temps c’est très court pour les phases de conception, les phases de réalisations étant elles plus importantes mais quand même ce sont des éléments un peu complexes à mettre en œuvre. Sur les questions de projet urbains, peut être Nicolas tu souhaites prendre la parole ?


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Nicolas Lebunetel Je voulais rebondir sur ce que tu évoquais sur la question du temps, notamment sur le bâti, parce qu’on en parle très souvent, on considère le temps du bâti du moment du concours jusqu’au moment de la livraison mais en fait y a tout le temps avant. Tout à l’heure quelqu’un disait que le projet aussi a capacité à faire évoluer la programmation et ce temps qui est avant, en fait aujourd’hui, il est un peu exclu et il est très organisé, très structuré de manière très technocratique aussi par rapport aux différents items et quelque part il est très spécialisé aussi, il n’embrasse pas la totalité des critères et des disciplines qui participent de la résilience ou de la modification de la fabrication du projet. Donc déjà ça serait l’intégrer ce temps-là de manière plus transversale et plus partagée dans la fabrication du projet bâti. Après c’est vrai que pour revenir au projet urbain qui se déroule sur des durées entre 20 ans et 30 ans minimum, c’est une chance pour les architectes et les urbanistes de pouvoir justement par nécessité aussi s’inscrire dans cette durée faire évoluer la programmation avec néanmoins un risque parce que tout à l’heure tu parlais de modèle, moi je pense qu’il n’y a pas forcément de modèles parce que chaque situation, chaque contexte est différent, on a éprouvé et on éprouve encore en architecture. Ce qui tend à venir aussi dans la fabrication du projet urbain c’est « la marginalisation » de l’urbaniste ou de l’architecte par tout un tas de spécialistes qui en viennent à leur donner le rôle de chef d’orchestre et d’organisateurs dans le meilleur des cas et dans le pire des cas un rôle de designers mais au sens péjoratif du terme si je peux me permettre. Et que justement les questions d’actualité sur le comment estce qu’on fabrique le projet urbain, à la fois le sujet du gouvernement du projet urbain et la question des dynamiques du projet urbain, sont l’essentiel pour pouvoir inscrire la question de l’universalité, de la pensée, des réflexions pas

forcément d’utilitarisme qui sont des raccourcis auxquels on est tous confronté et tout ce qui est les questions de la smart city, de la ville demain etc. Il y a un aspect dans la fabrication du projet urbain qui émerge depuis quelques années c’est la question de l’urbanisme transitoire que je trouve intéressante dans le sens où ça questionne comment est-ce qu’on peut fabriquer un projet urbain pour l’inscrire dans une durée longue en acceptant le fait que la programmation est évolutive et donc ça veut dire que la programmation elle-même est réinterrogée avec un apport de tout un tas d’acteur donc ça c’est quelque chose qui est intéressant et qui mène forcément aussi la recherche, on le voit alors de manière peutêtre un peu caricatural avec l’intervention d’acteurs économiques privés qui travaillent sur la smart city et différentes thématiques mais je pense que ça c’est un peu l’âge 2 ou l’âge 3 du projet urbain qui est en train d’émerger depuis quelques années et sur laquelle il faudrait pouvoir rebondir justement pour davantage associer la recherche de manière transversale à toutes ces compétences.

Christophe Boyadjian J’ai présenté ce travail sur le projet urbain, il est évidemment valable sur différents aspects de la discipline. Ce qu’il se passe c’est que, par exemple, sur le travail sur un matériau il y a forcément l’idée de récurrence et on se retrouve finalement dans la même situation de comment créer les conditions d’architecture, –33–


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travailler avec un matériau, avec une recherche sur l’évolution, sur ses capacités de manière transversale, comment l’architecte peut arriver à faire qu’il faille absolument construire en pierre en référence à un autre confrère. Alors ensuite par rapport à ces questions sur le temps, c’est très factuel dans ma présentation je ne vais pas dans le cas de la manière dont on a traité les projets mais c’est de se dire par exemple on a aujourd’hui un contrat sur un projet, notamment urbain, d’une ville en périphérie de Lyon voilà aussi en dépression industrielle etc. On sait qu’on a un contrat de six ans c’est à dire qu’à un moment donné on peut se projeter avec des outils forcément pour fabriquer le projet, on a une dimension transitoire etc mais on sait que sur ce temps de 6 ans on peut développer une recherche spécifique et par exemple sur ce projet on a une dimension transitoire mais on porte la question sur l’idée de cours communes en ville. Il faut aller chercher dans les différentes vies, dans les modes de fabrication du projet urbain d’où ça vient, comment le transformer c’est impossible on sait par contre sur ce tempslà, ce contrat qui nous a été donné dans le long terme on a organisé quelque part la réflexion, les ressources etc pour pouvoir aboutir dans trois ou quatre ans sur un règlement de comment partager un espace c’est en cela qu’on avait les conditions de la recherche qui pouvaient être liées à celui du projet.

je prends la pierre et quel que soit le programme je fais de la pierre, si tu veux à un moment donné il y a de l’incohérente là-dedans qui fait que je pense peut-être qu’il faut passer au-delà de ça et voir ça différemment. Juste un petit point moi sur les contrats CIFRE parce que quand j’étais directeur des études pendant trois ans ici en fait on avait pas mal de réunions avec des architectes et des agences d’archi, tu étais venu une fois Nicolas sur ces contrats-là. C’est vrai que c’est quelque chose qui est totalement méconnu des agences, il faut vraiment le marteler et arriver à ce que les gens comprennent, par contre c’est vrai que la question souvent qui ressort de ça c’est ok mais qu’est-ce qu’il va faire, c’est quoi le sujet en fait dans les agences et pourquoi on le prendrait et sur quel sujet alors c’est vrai que des fois on a la chance d’avoir un étudiant qui a un sujet mais si ce sont structures et agences qui doivent apporter des sujets là ça devient beaucoup plus compliqué et ça n’apporte rien.

Jacques Brion Nicolas Lebunetel Par rapport au projet urbain, il me semble que la question des projets urbains permet plus la recherche à cause de la question de temps. Elle permet plus aussi peut-être la question de l’intégration dans des structures d’agence de contrat CIFRE sur ces questions-là justement parce que quelqu’un va pouvoir travailler sur une longue durée sur cet événement-là. Beaucoup plus difficilement je dirais sur le reste, sur les matériaux sauf s’il y a une récurrence et c’est très compliqué en tant qu’architecte de se dire 34–34–

Et puis sans être vénal y a toujours la question du financement de la recherche et à l’articulation de ce qui est développé dans les écoles d’architectes avec le monde professionnel comme on l’avait dit à l’occasion de ces réunions, il n’y a pas assez de relations entre les agences et les écoles d’architecture. Nous, agences, on ne sait pas qui sort de l’école telle année, quelle est sa ligne de travail, de réflexion et comment est-ce qu’on peut valoriser ça.


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Tout ça c’est pour les contrats CIFRE après y a tout une autre partie où peut-être les chercheurs vont avoir les cheveux qui vont se hérisser sur la tête mais quand on utilise, de temps en temps, pour nous aider à financer nos recherches qu’on sait pas financer avec des contrats, même des contrats de projet urbain qui sont sur 20 ans, c’est le crédit impôt recherche ou en fait quand on s’aperçoit qu’on épuise nos fonds, nos ressources, etc on sollicite l’état il y a plein de gens qui font appel à ça, c’est plutôt du côté industriel en général que s’est sollicité il y a beaucoup d’agences d’architecture qui sollicitent ce crédit d’impôt recherche auprès de l’état et financent ces recherches internes avec. Alors jusqu’il y a pas longtemps il fallait même pas monter le dossier ça se passait très facilement et c’est d’ailleurs un peu bizarre mais depuis quelques années maintenant il faut monter des dossiers sérieux etc. Nous on l’a fait et c’est une aide importante dans le financement de cette recherche à développer au sein des agences et chacun peut le faire, il y a des sociétés qui s’occupent de vous accompagner à monter ça donc ça existe aussi et c’est important parce qu’aujourd’hui l’économie financière de cette recherche est très difficile à trouver et puis les durées de projets sont courtes plus c’est compliqué ou alors on fait de la pierre à chaque projet pour valoriser ça. Christophe Boyadjian Alors juste pour la question du CIFRE, tu as raison il y a cette question de sujet, les contrats CIFRE qu’on a pu faire à l’ENSAL c’est avec des agences du patrimoine parce qu’il y a la question de la récurrence et des questions en fait pour intéresser évidemment les doctorants et c’est parce qu’on est là dans un milieu très spécifique en termes de travaux, de sollicitations financières, etc. Donc là on en a plusieurs qui fonctionnent plutôt très bien et les agences du patrimoine lyonnaises en fait participent bien à ce système.

Guillaume Girod Peut-être du coup pour rebondir sur le temps court qui est peut-être le temps qui a le plus d’incompatibilité avec la recherche dans la pratique. C’est vrai que c’est un peu l’anti dieu de la recherche le temps court, un projet c’est une chaîne de décisions accumulées et ces décisions elles appartiennent à la recherche souvent elles sont instinctives. C’est vrai que la pratique sur le bâti c’est quand même compliqué dès qu’on sort du matériau de dire qu’on a des pratiques de recherche effectivement c’est plutôt sur les méthodologies. Quelle méthodologie on pourra appliquer, quel outil sur le projet ? Ce matin il était mis en avant qu’on sortait de l’époque des postures, on est dans l’époque de la concertation c’est peut-être vers ces éléments là qu’ils vont trouver. Est-ce qu’il ne faut pas réarmer des dispositifs narratifs ? Comment ça se construit ? Comment on refabrique du récit dans les projets même sur les projets courts ? Comment on réarme les éléments de récit ? Moi j’ai l’impression que c’est plutôt effectivement sur les projets courts, le bâti, les petits ouvrages effectivement dès qu’on sort de la question de la matérialité ou des matériaux on ne voit pas où va être le lieu de la recherche puisque le temps court referme le sujet. Est-ce que c’est plutôt des outils à développer sur le temps long ? Du coup pour revenir sur ce que disait Nicolas, probablement dans une économie autofinancée, donc c’est peut-être une recherche comme ça qui est sur le temps long, d’outils qui s’accumulent. Est-ce qu’on peut dédier dans une structure quelqu’un qui va sérieusement réfléchir aux outils de projets ? Oui, après la taille critique de la structure évidemment elle rentre en compte. Probablement que le dispositif de recherche est plutôt dans les outils développés pour les architectes, pour fabriquer effectivement les projets dont on parlait ce matin. Pour peut-être contrecarrer ce qui était énoncé ce matin, on est a priori les gens les plus disposés à fabriquer des projets, quand on est –35–


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entre nous on trouve ça évident que c’est aux architectes de faire les projets et à priori à peu près maintenant le reste du monde pense que ça se fait sans nous. Donc peut-être qu’il faut réarmer les dispositifs qui passent par un outil pour montrer qu’il y a quand même des outils dans la pratique du quotidien qui amènent une plus-value et qui décrochent effectivement de la génération de la posture. La posture c’est sûr que c’est un peu l’anti recherche puisque c’est un système par adhésion qui n’est pas du tout un système par réflexion. Et après le pendant de Perraudin c’est peut-être Ricciotti sur le matériel et là on voit bien que c’est pareil, il est quand même très sévèrement armé avec le système industriel français ce qui est légitime mais quelle est la place de Ricciotti dans les bétons fibrés ultra hautes performances ? En fait le travail de recherche il est fait depuis très longtemps avant de lui, eux ils sont dans une mise en application finale dans le cadre des ouvrages accueillant du public. Pierre Soto Moi je vais vous parler de mon parcours de ma recherche. Au départ je voulais être ingénieur et puis j’ai fait une rencontre, on a tous fait des rencontres pour être architecte et cette rencontre est extraordinaire parce que j’ai rencontré un tracteur et ce tracteur m’a transformé et je suis devenu paraplégique, je me déplace en fauteuil roulant. Donc à partir de là je suis rentré à l’école d’archi et cette transformation est allée très loin parce que dès le début j’ai mis toute ma réflexion à changer ou à faire évoluer la situation des personnes handicapées. Alors comme vous je suis sensible aux émotions parce que nos bâtiments nous interrogent et la première chose qui arrive lorsqu’on visite une nouvelle architecture, lorsqu’on la rencontre, on est submergé par une émotion mais en plus j’ai une vision qui est complètement décalée de la vôtre parce que de suite que je vais m’intéresser au côté fonctionnel et au confort d’usage. Et ce 36–36–

côté-là m’a permis de pousser cette réflexion sur des points particuliers. Je vais prendre un exemple, on vient de finir un projet et on avait été retenu parce qu’on avait une spécialité sur l’accessibilité et l’adaptation d’un projet conforme donc on a un label Socotec, on a tous les agréments mais à la fin on avait pas du tout pensé à la question des handicaps cognitifs donc comment la question nous est posée maintenant, on doit modifier notre projet, l’adapter, parce qu’on n’a pas pensé à ce que les personnes qui ont des troubles mentaux puissent avoir des accidents donc on doit anticiper cette situation d’accident. Comment on peut s’inscrire et aller vers des projets de plus en plus fins de plus en plus aboutis et même si on est spécialisé on ne va pas jusqu’au bout, il manque toujours quelque chose. Aujourd’hui ça devient très compliqué, comment on peut arriver à des projets de plus en plus aboutis, ce n’est quand même pas simple de pouvoir répondre à la fonctionnalité, à l’émotion et aux particularités des uns et des autres. Et le matériau humain, Le Corbusier nous a tous mis à 1m83 donc pour certains c’est plus difficile que pour d’autres mais il a oublié qu’on pouvait être enfant, qu’on pouvait être âgé, qu’on pouvait être handicapé, vous pouvez avoir un handicap temporaire et à partir de là on n’a pas les mêmes perceptions et on ne vit pas notre environnement de la même manière. Je vais vous montrer un exemple de recherche, c’est la recherche de ma vie évident que j’ai laissé tomber parce que sinon je devenais fou. J’ai imaginé un fauteuil roulant évidemment il y a très longtemps. J’étais étudiant quand j’ai mis au point ce projet donc il y a des images explosées dans le pavillon des cinquante ans de l’ENSAM. À l’époque quand j’ai eu mon accident les fauteuils roulants pesaient 22kg donc c’était des fauteuils en acier et il fallait qu’on prenne la voiture avec un fauteuil roulant en un seul morceau et que l’on rentrait dans sa voiture donc il fallait soulever 22kg. Aujourd’hui je suis assis sur un fauteuil qui fait 4kg. J’en parlais


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avec Jacques l’autre jour, je disais ne m’appuie pas sur l’épaule je peux tomber en arrière c’est vrai. Il est tellement léger que si on vient juste perturber un petit peu l’équilibre le centre de gravité change et on tombe. Donc aujourd’hui le matériel a évolué et ce fauteuil-là si je n’avais pas été architecte je ne l’aurais jamais mis au point. Notre formation d’architecte qui fait qu’on peut aller à l’essentiel et retenir ce qui est essentiel quand on se pose la question, donc là la question c’était de faire un fauteuil qui se plie, qui se démonte et qui se range. C’est le premier véhicule où il n’y a pas de châssis parce que jusqu’à maintenant tous les véhicules ont des châssis et on pose les éléments dessus.

Les voitures ont évolué, on a optimisé la carrosserie mais là il n’y a pas de châssis il y a quatre morceaux et la difficulté ça a été de rendre ces quatre morceaux solides et rigides. Si c’est pas rigide dès que vous allez pousser sur un élément l’énergie se perd dans l’articulation et n’arrive pas au sol et donc ça c’était en gros travail de recherche et de transfert de technologie parce que la technologie que j’ai emprunté ailleurs sur les roues, il m’a fallu l’adapter aux fauteuils roulants donc le premier

à l’avoir mis au point c’était Franco Sbarro avec une moto dans les années 90 il avait fait une voiture avec une roue évidée et il avait un problème de frottement, il a compensé en mettant des joints à lèvres sur ses roulements et le frottement il s’en fichait tant qu’il arrivait à faire tourner la roue. Moi mes premières roues il y avait des problèmes de frottements j’avais des joints à lèvres et les roues ne tournaient pas. Donc les premières roues que j’ai monté ne marchaient pas. Ensuite j’ai fait d’autres roues en matières plastiques aussi parce qu’on était persuadé que ça marcherait et puis quand je me suis assis sur le fauteuil et j’avais des billes plein le bureau, ça c’était déformé et ensuite on a continué à mettre au point le système on a trouvé d’autres matériaux et on est arrivé à faire un roulement qui est acceptable qui pourrait fonctionner. J’avais fait aussi prototype en fibre de carbone mais à l’époque c’était très coûteux et on a basculé sur l’aluminium et puis entre temps d’autres fauteuils plus performants sont sortis. Moi j’ai eu des aides, des sponsors privés et publics mais il a fallu que j’arrête sinon je me ruinais complètement. Donc vous avez les sponsors à hauteur de 50 % pour ajouter les autres pour 50 % finalement c’est l’argent de la famille qui y passe donc il a fallu que je m’assagisse mais je vais reprendre le projet parce qu’un projet ça s’inscrit dans le temps vous parliez de 18-20 ans en même temps moi ça va faire beaucoup plus et le fauteuil est intemporel parce que le design n’a pas changé et il n’a pas changé parce qu’il est pensé pour être manipulé par des personnes tétraplégiques donc pratiquement pas de force dans la main. Dans notre projet je crois que la recherche c’est aussi s’intéresser au détail, pousser le détail et plus on va pousser le détail plus on va voir des projets ou des réponses qui vont nous permettre d’être dans le juste c’est ce juste qu’on doit chercher et ce juste ne vieillit pas, ce juste est intemporel. Pour la petite histoire, quand je suis sorti de l’école je me suis rendue compte qu’ici on –37–


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parlait pas d’accessibilité et je comprenais pas que dans une école d’architecture on ne parle pas d’accessibilité, on ne parle pas des usagers, ce n’était pas normal. À l’époque, Georges Frêche était maire de Montpellier et lorsque j’étais architecte j’ai mis au point une notice technique accessibilité que tous les architectes connaissent et c’est Georges Frêche qui l’a expérimenté à Montpellier. À l’époque je l’ai présenté à Michel Gillibert qui était conseiller technique de Mitterrand et c’est à ce momentlà que la notice technique accessibilité est devenue obligatoire. Ça a permis de comprendre la réglementation parce que personne ne la comprenait. Aujourd’hui avec l’informatique c’est plus facile de caler un bâtiment, on a des relevés topographiques précis et on arrive à caler précisément nos projets, à l’époque le projet était dessiné à la main, il y avait un plan, c’était collée sur le terrain et puis à la fin on faisait quatre marches devant, c’était le joint, on faisait des marches et on reliait le bâtiment au sol sauf qu’avec ces quatre marches on ne passait pas. Il n’y avait qu’un local qui était accessible c’était le local poubelles parce que les poubelles avaient des roulettes donc je rentrais toujours dans les immeubles par le local poubelles. Après il y a eu les supermarchés, ça a été un progrès énorme c’était extraordinaire, mais ce n’était pas fait pour nous c’était fait pour les caddies. Et si je peux faire une conclusion parce que je ne peux pas trop vous ennuyer avec mes difficultés de mobilité, si on prend des situations extrêmes de mobilité ça profite à tout le monde, dans l’aménagement urbain, dans l’architecture c’est l’essentiel de s’intéresser aussi à ces situations extrêmes. Tout à l’heure je parlais d’handicap cognitif jusqu’à maintenant je ne m’y étais pas intéressé, je m’étais intéressé aux formes, aux matériaux, aux couleurs pour pas que ce soit agressif mais je ne me suis jamais posé la question si ces personnes pouvaient générer des risques d’accident même si on était dans le cadre de la réglementation. 38–38–

Nicolas Lebunetel Ça m’amène à rebondir sur la question des usages parce que tout ton parcours, tes expériences, tes recherches sont basées sur l’usage et c’est quelque chose qu’en architecture on aborde peut-être un peu trop des fois, sous la question de la gestion de par les contraintes de programmation, qu’on aborde peut être un peu différemment dans le cadre du projet urbain, parce qu’on est sur un temps long et la multiplicité d’acteurs mais qui est importante et qui est aussi révélée aujourd’hui par toute cette démocratie citoyenne participative. Donc ça peut être aussi comme tu le disais un moyen de répondre à ça mais il y a aussi un volet recherche dans les usages qui est intéressant et qu’on ne valorise pas forcément. Il y a un ensemble de start up aujourd’hui dans toutes les métropoles qui travaillent sur des projets ciblés, qui sont très « utilitaristes » même si c’est de la prospection et qui pourraient aussi participer à la co-construction, la co-élaboration des projets urbains, architecturaux ou de design et qu’il serait intéressant de pouvoir solliciter. On touche une nouvelle fois cette fracture entre le monde de la conception de la production et le monde industriel où la réflexion prospective sur la fabrication des choses et je pense que c’est à la fois dans le design, dans l’architecture, dans la production, dans la fabrication de la ville. Il y a cette nécessité d’élargir le spectre des acteurs de la transversalité, des acteurs économiques on voit bien aussi aujourd’hui qu’ils devaient être de plus en plus important dans la fabrication de tout soit via des sponsors où des fondations et ça nécessite de sortir un peu du cadre conventionnel académique dans lequel on est. Alors ça comporte aussi un certain niveau de risque pour l’architecte tel qu’on le connaît mais peut-être que c’est aussi une chance quelque part il faut savoir y réfléchir et le construire comme ça.


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Jacques Brion On parlait tout à l’heure de la question des matériaux, tu viens de parler de la question des usages, la question du projet urbain mais peut être que la question liée à des spécificités par exemple la question du handicap peut être effectivement des lieux et des éléments qui permettent d’avoir des recherches dans des agences. Tout à l’heure c’est vrai qu’on parlait de la pierre par contre la question du handicap ou la question de l’accessibilité elle touche tous les projets et ça effectivement c’est peut-être des choses que l’on doit porter ou sur lequel on peut avoir une recherche dans les agences parce qu’effectivement on est sur un temps beaucoup plus long. En fait ça touche tout y compris l’espace public dont on parlait tout à l’heure mais aussi le bâti ou les projets urbains mais au-delà de ça peut-être que la question de la mobilité aussi peut être un sujet que les agences d’archi doivent se saisir sur ces questions-là, sur la question des déplacements peut-être que là aussi la question des contrats Cifre peut arriver et ça peut être aussi un travail là dessus bien évidemment peut-être que ce n’est pas lié à une commande mais plutôt lié à un sujet propre à une agence, c’est vrai que sur ces questions-là il peut arriver ces éléments-là.

base d’un modèle plus ancien aujourd’hui sur la conception même du logement il y a des choses à faire alors c’est vrai qu’on est confronté à tout un tas de choses qui sont toutes calées sur le plus petit dénominateur commun mais il y a des choses à faire et ça peut se faire dans le cadre d’une agence avec une antenne laboratoire, avec un CIFRE, un contrat crédit impôt recherche ou autres pour faire évoluer, aujourd’hui on a perdu 30 % de surface par rapport aux années 70 mais sinon c’est toujours pareil. Jacques Brion Moi j’ai juste une question pour Christophe. En fait ce que tu nous a présenté tout à l’heure, il n’existe pas de modèle identique ailleurs qu’en Allemagne ?

Christophe Boyadjian Nicolas Lebunetel Sur la fabrication du logement dans les années 30 ou 40 il y avait ce modèle de la cuisine de francfort qui était une révolution de la manière d’organiser la cuisine. C’est une articulation de design d’architecture lié à la fonctionnalité de ce moment de fabriquer la cuisine mais c’est quelque chose d’absolument génial et depuis ce temps-là dans la conception du logement on n’a quasiment pas évolué. Et là y a un vrai sujet, aujourd’hui on vit de manière complètement différente, je dirais que les asiatiques sont un peu plus on en avance que nous sur ce sujet-là même si c’est sur la

C’est un modèle qu’on essaye à beaucoup d’aménageurs en France qui ont étudié ce système. La problématique c’est qu’elle est de l’ordre de la gouvernance et c’est pour ça que ça fonctionne si bien, c’est que la personne publique accepte de déléguer quelque part l’éditorial thématique et la stratégie urbaine à un tiers. Moi dans toutes les recherches que j’ai fait sur ces systèmes, je suis allé voir les sites et les organisateurs des plus récentes. En ce moment l’IBA qui est en cours est assez intéressante et c’est encore une tri nationale entre l’Allemagne, la Suisse et la France et là il y a des choses incroyables qui sont en train –39–


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de se faire, ils sont en train de mettre en place deux tramways tri nationaux et donc ils font des choses en terme d’organisation spatiale qui sont intéressantes. Et la problématique qu’on rencontre, par exemple quand je faisais partie du laboratoire des universités de Bâle, c’est lors de la première réunion, la ville Bâle délègue, à cette organisation tiers, l’organisation de cette exposition sur dix ans sur le territoire, première question on va demander aux acteurs de venir donc tous les maires allemands sont venus, tous les acteurs suisses sont venus on était dans la grande salle qui était prévue à cet effet et il y a eu uniquement côté français un adjoint à l’urbanisme de la ville de Saint Louis qui s’est intéressé. Ensuite nous on a travaillé avec les étudiants, le contrat qu’on nous a donné c’est de convaincre des maires français de participer à ce travail commun à la grande échelle d’urbanisme. Donc on a travaillé pendant un an, on a convaincu une ville de sa troisième couronne qui s’appelle Bartenheim donc j’y suis allé avec 50 étudiants, on a fait des projets sur place, on leur a fait rencontrer des chercheurs et à la fin ils ont signé le contrat. Donc il y a des choses intéressantes aussi dans les écoles et c’est ça qui est bien aussi je trouve avec la manière dont ils l’organisent c’est qu’il y a besoin d’avoir cet intermédiaire entre le très opérationnelle et puis le système théorique. Alors ça va même très loin sur Bâle par exemple puisqu’ils ont un comité scientifique comme un laboratoire on va dire dans lequel il y a forcément les grands architectes bâlois mais il y a aussi des philosophes etc ils ont les laboratoires des universités et puis ils ont des cellules travaux. Il y a beaucoup de projets urbains français qui se réclament de ce système, on a voulu faire un plus grand pari sauf qu’en fait les politiques français n’ont pas voulu déléguer à un organisme on va dire non étatiques et non lié aux intérêts politique.

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Guillaume Girod Sur les modèles avec l’exemple de l’Allemagne c’est en fait des dérivés de cette action là et aussi pour répondre à la question de Nicolas finalement ils règlent le logement en mettant la promotion de côté ? Christophe Boyadjian Pour ceux qui connaissent un peu Berlin la moitié se passe avec tous les architectes du postmodernisme, le premier bâtiment de Peter Cook c’est un bâtiment sur lützowplatz à Berlin, alors c’est complètement incroyable parce qu’on a Peter Cook, Mario Botta, Christian de Portzamparc, c’est les années 80 mais l’autre côté très intéressant c’est la question de la réhabilitation et là en fait on a inventé les architectes de bâtiments. Ils ont mis en place un système à ce moment-là extrêmement intéressant où il y a les architectes d’îlots qui devaient convaincre tous ceux qui habitaient, souvent parce qu’ils étaient obligés, parce ce que vous savez principe en Allemagne dans les années 70 soit vous faisiez le service militaire soit vous alliez habiter durant deux ans à Berlin, payés par l’état donc y avait beaucoup de jeunes qui habitaient à Berlin, il y avait des immigrés qui arrivaient. S’ils voulaient la carte ou le permis de séjour, il fallait repeupler Berlin donc ça sera Berlin. C’est comme ça que Berlin est devenue la deuxième ville en population turque au monde parce que c’était obligatoire. Donc les architectes d’îlots devaient coordonner des actions à faire dans les différents bâtiments et ensuite il y avait un architecte de bâtiments qui habitait dans le bâtiment et qui lui organisait. Il y a des choses très intéressantes qui ont été faites et qui se sont développées sur ce principe. Laurent Duport Est-ce que ça ne serait pas intéressant dans les agences de pouvoir bénéficier d’architectes qui


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viendraient de pays étrangers et de bénéficier d’un dispositif financier économique qui permettrait justement ce brassage de culture et d’échanges d’expériences qui pourraient constituer une sorte de recherche finalement au sein des agences. Que ce soit des architectes pas encore diplômés ou qui aient un statut peut être particulier qui permettrait cet accueil dans des structures françaises. Mais peut être que ça existe déjà.

n’a pas de statistiques sur les agences d’archi pouvant accueillir des étudiants avec des bourses Erasmus venant d’autres pays que ce soit d’Allemagne, de Grèce ou autres. On n’a absolument pas de visions sur ce point. Mais je ne pense pas que ce soit ces bourses qui fabriquent la recherche.

Christophe Boyadjian Je me retourne vers Jacques est-ce que vous avez beaucoup de stage ERASMUS ? Moi j’ai accueilli une jeune espagnole avec un sujet de recherche de Las Palmas. Donc je pense que c’est quelque chose qui peut être extrêmement intéressant alors ça nécessite quelque chose de complexe dans les écoles parce que soit on est sur des stages longs soit on est dans des années de césure donc pour trouver un moyen d’articuler avec ce système-là. Nicolas Lebunetel Pour répondre à ta question Laurent nous on a eu une demande d’une étudiante grecque qui a fait son diplôme et son mémoire et je pense qu’ils ont un équivalent HMO aussi là-bas et qui souhaite faire un stage long en France de 6 ou 8 mois et qui reçoit une bourse Erasmus pour ça. Je ne sais pas exactement les détails administratifs de la construction du sujet apparemment ça a l’air d’être possible au moins dans le sens vers la France. Jacques Brion Sur ce fonctionnement-là, Erasmus attribue des bourses, nous on doit être entre 7 et 8 bourses au sein de l’école et c’est essentiellement dédié aux Master par contre on n’a pas de vision de gens qui peuvent venir faire des stages d’abord, l’école n’en accueille pas. Par contre nous on

Laurent Duport C’est se trouver un dispositif qui permettrait d’accueillir un architecte étranger qui nous permettrait de fabriquer une recherche un peu différente. L’apport d’un architecte de nationalité étrangère pourrait être un plus pour une recherche à l’intérieur d’une agence. Pierre Thibault On reçoit bien sûr des étudiants d’un peu partout en France, j’enseigne principalement –41–


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en troisième année en fait qui correspond ici à la quatrième année plus ou moins donc on a un statut particulier dans cette année-là, la majorité de nos étudiants ne sont pas québécois. Cette année-là nos étudiants sont partis à l’étranger donc j’enseigne constamment à des français, des suisses, des belges, des allemands, des tchèques, donc nombreux d’entre eux vont rester pour faire des stages, le nombre que j’ai depuis que je suis à l’école, y en a qui vont dans la période estivale comme décalage par rapport à leur pays. Nous on termine très tôt, fin avril, donc l’étudiant reprend en septembre donc à ce moment-là il peut facilement faire un stage. Aussi les éléments intéressants pour avoir quand même un transfert de savoir c’est souvent d’en avoir plusieurs au lieu d’avoir un stagiaire, en avoir deux ou trois qui sont ensemble avec leurs savoirs spécifiques, ils vont travailler comme une cellule si on veut au sein de l’agence. Je trouve cette situation-là extrêmement stimulante autant pour la cellule que pour les gens au sein de l’agence. Il y a une dynamique qui permet de faire des projets et du coup on arrive à une mini équipe qui surgit c’est très intéressant plusieurs reviennent ensuite et terminent leur scolarité, c’est pas rare qu’il y en ait qui reviennent pour faire un an, deux ans, trois ans parce qu’ils ont aimé la dynamique mais pas nécessairement dans un but de s’y installer et j’en parlerais demain on a créé un laboratoire où beaucoup de ces étudiants même pendant cinq ou six mois ont contribué énormément au laboratoire, donc y a des décalages comme ça qui permettent de créer de véritables stages et où les étudiants sont quand même rémunérés par l’agence ou les laboratoires. Y a donc un échange qui est extrêmement stimulant. Jacques Brion Juste moi pour revenir un peu sur les contrats Cifre aussi parce que je pense que c’est aussi un des gros sujets qui peut permettre dans les agences de promouvoir et de porter la recherche 42–42–

mais je m’adresse plutôt à toi Christophe, en fait nous je crois qu’on en a peut-être un ou deux, aucun dans une structure d’agence, ils sont plutôt dans des collectivités. Vous vous en avez un peu plus à l’école de Lyon il y a eu un retour ? Il y en a qui ont soutenu déjà ou pas encore sur leur doctorat ? Christophe Boyadjian La première est en poste à La Réunion. On l’a eu en tant que doctorante, elle a fait son doctorat sur la question de projet urbain, qui était dans une société d’équipement mixte donc elle a fait son doctorat cofinancé par la société mixte ensuite forcément en accompagnement elle a enseigné aussi à Lyon en plus de son travail comme les doctorants ont vocation à enseigner et puis elle a pris un poste à La Réunion. Une autre a passé un doctorat et là j’avais fait un tripartite, on avait fait CIFRE, doctorat et HMO avec le même sujet et ça a super bien fonctionné. En fait on avait une agence d’architecture qui recevait cette étudiante alors c’est un peu particulier c’est parce qu’elle avait été lauréate du solar decathlon et le programme c’était de construire le modèle du solar decathlon donc on avait mis en place autour d’elle la structure pédagogique et on allait trouver l’agence cible pour pouvoir organiser ça et ça a très bien fonctionné après quand je dis qu’on en a beaucoup, on n’en a pas tellement je sais qu’à Paris aujourd’hui c’est vraiment le point qui développe. La question qu’on peut se poser sur les CIFRE c’est jusqu’où il y a nécessité d’adéquation entre le sujet des doctorants et l’agence parce que l’agence quelque part elle participe financièrement à l’exercice puisque en fait elle emploie, elle rémunère pour partie, on est sur trois cinquièmes de mémoire mais donc du coup même si le sujet n’est pas exactement le même, on peut avoir un sujet qui pour partie va permettre d’être une ressource pour le doctorant et puis l’agence peut faire un autre pas à travailler sur d’autres sujets et les deux


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cinquièmes lui permettent de mener à bien son doctorat. Valérie Wathier Donc le financeur c’est la MRT, c’est essentiellement des conventions scientifiques la plupart du temps, donc l’architecture commence à être un peu repérée mais effectivement y a assez peu convention signée mais normalement quand même avec de fait c’est une convention tripartite avec l’unité de recherche et l’activité du doctorant devrait être à 100% sur sa thèse c’est quand même le principe de la convention. Ce qui n’est pas le cas dans la réalité de fait quand on interroge les doctorants qui seront en CIFRE, ils sont obligés de terminer leur thèse après les trois ans parce qu’ils n’ont pas consacré un temps plein à leur activité de doctorat ce qui n’est normalement pas la règle du jeu. Jacques Brion Ça veut dire que dans le cadre d’un contrat CIFRE à l’intérieur d’une structure d’agence il faut vraiment que le sujet soit super bien défini et qu’il colle vraiment.

pas très bien qui est en situation de définir dans les stages, on est quelques fois sur un régime de quasi commandes et en réalité quand je dis définir l’objet à trois c’est à la fois l’étudiant mais aussi son encadrement pédagogique et un correspondant dans l’entreprise ou la société dans laquelle il travaille. Et même là souvent on n’est pas certain que tout le monde soit sur la même longueur d’onde, sur la même compréhension des choses et le gros travail c’est dans cette discussion. J’ai vécu des expériences avec le master de Grenoble où l’enseignant venait rencontrer l’entreprise, expliquer les objectifs pour des masters en discutant avec l’étudiant et ensuite revenait, il y avait cet échange permanent ça c’est une situation un peu idéale parce que ça veut dire qu’il y a une certaine exigence pour les trois parties. Jacques Brion Si on revient sur les contrats CIFRE parce que je pense que c’est quelque chose d’assez important. Ça veut dire que l’unité de recherche, en gros le laboratoire, définit un sujet ?

Valérie Wathier Ça peut être une idée de recherche, parfois l’agence n’a pas la capacité à définir le sujet de recherche. Et puis là l’idée de recherche a tout son rôle à jouer, c’est proposer des sujets aux agences. Y a une convention donc on est bien dans une idée de partenariat. Question Je pense que là justement le rapport aux travaux que peuvent faire des étudiants quand ils sont en stages ou en contrat CIFRE, les ajustements supposent qu’il y a une définition des objets de travaux, très souvent on ne sait

Valérie Wathier Comme on est dans une convention il faut coconstruire le sujet, il faut que ça intéresse chaque partie : l’étudiant, l’unité de recherche et l’agence. Il ne faut pas boucler son sujet et l’apporter à l’agence, sinon ça marche rarement. Jacques Brion –43–


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Toujours dans la continuité est-ce qu’en fait notre « problème » nous dans l’école d’archi française en fait c’est pas le fait qu’on puisse pas porter le doctorat seul aujourd’hui ? On est d’accord que si on a des doctorants ils sont d’abord inscrit à l’université ensuite ils sont deuxièmement inscrits dans notre école et la personne qui porte le doctorat est un enseignant de l’université avec un HDR ou un enseignant de chez nous mais dans ce cas-là qui est inscrit dans le laboratoire de l’université et qui a une HDR et est-ce que c’est pas aussi ce système-là qui réduit un peu la question des doctorants ou des étudiants qui voudraient s’engager dans un doctorat ? On parlait ce matin de la recherche par le projet en supposant ou en imaginant qu’en allant à l’université ils perdent ce lien avec l’architecture. Christophe toi qu’est-ce que tu en penses ? Christophe Boyadjian La structuration des laboratoires est un peu différente selon les écoles. C’est vrai qu’on a peut-être un rôle dans les écoles d’aller à la fois promouvoir dans les agences et auprès de nos associés universitaires parce que le problème c’est comment faire accepter à un conseil universitaire un sujet qui peut paraître un peu délié de la pratique académique parce que c’est ce qu’on va trouver souvent. La question de ce doctorat dont je parlais tout à l’heure, il y avait le côté communication du solar decathlon mais ce n’est pas toujours le cas. Après je pense que nous on peut aller dans les agences en tout cas on le fait par exemple beaucoup, on arrive à faire un type avec la coordination Auvergne Rhône-Alpes, on a une coordination au niveau HMO avec l’ordre et les quatre écoles où on essaye d’interpeller la profession sur ces différents sujets mais là aussi pour être très clair quand on organise une réunion ordre écoles on n’est quand même beaucoup d’architectes on réserve un bureau pour accueillir les 5 ou 6 000 invités. Les besoins ils sont là c’est à dire 44–44–

qu’on a forcément des agences qui vont être demandeuses, on a aussi les crédits impôt où là aussi il y a des beaux sujets à faire. On peut coordonner des sujets à l’école avec les agences qui ont cette possibilité mais comment arriver à donner l’information et à partager ça avec la profession, ça c’est complexe. Jacques Brion Je suis d’accord avec toi, même si on a fait quelques réunions sur les contrats CIFRE sur Montpellier, Nicolas était là on était quatre agences dans le meilleur des cas, c’est compliqué. Et encore dans les quatre ou cinq agences il y avait des enseignants qui ont des structures qui sont eux déjà au courant. Après vraiment des agences externes à l’enseignement il y en avait peut-être deux dans le meilleur des cas, donc ça c’est vrai que cette histoire liée au contrat CIFRE c’est extrêmement compliqué de les mettre en place dans les injonctions, on aimerait bien en tous les cas, pour ce qui concerne le premier, y arriver parce que c’est un des objectifs qu’on s’était fixé mais ce n’est pas forcément évident. Dans la stratégie, il y avait cette dimension qui était à prendre en compte.


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Panel de discussion 03 L’expérimentation outil de recherche ::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

Participants : Thomas Dalby (ENSAM, membre HITLab) // Brice Lebouvier (ENSAM, membre HITLab) // Johan Laure (ENSAM, membre HITLab) // Malek Dahbi (ENSAM réunion, membre HITLab)

:::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::: Thomas Dalby C’est vrai que j’ai une pratique architecturale plus classique, cette activité sur l’architecture éphémère est une pratique que l’on a à côté de notre agence et on souhaite que ce soit bien séparé. Donc je vais essayer d’introduire cette table ronde en vous montrant quelques-uns de nos projets en rapport à notre expérience. Il y a quelques années avec mes collaborateurs, on a souhaité créer un outil d’expérimentation qui s’appelle l’Atelier Vecteur qui va s’intéresser, justement, aux projets éphémères et qui nous permet d’expérimenter la fabrication du projet au travers de l’étude de la forme, de l’espace, du matériau et de la méthodologie. Donc ces expérimentations sont rendues possibles aujourd’hui uniquement dans le cadre d’installations éphémères in situ, ceci nous permettant de se libérer des contraintes de solidité dans le temps et de se libérer de la majorité des contraintes réglementaires. Afin de mener à bien nos expérimentations nous avons établi plusieurs conditions de création et de fabrication du projet. Tout d’abord l’utilisation du module de base simple et unique qui nous permet de revenir à l’essence même de la fabrication de la forme. Le matériau unique est jusqu’à maintenant le bois qui est un matériau facile d’emploi, putrescible

ce qui renforcera le côté justement éphémère de nos interventions. Enfin la conceptionréalisation de la majorité de nos réalisations va nous permettre de valider et réfuter sur site directement les hypothèses de conception qu’on aura pu édicter en amont. Donc je vais tenter de présenter rapidement la manière dont on essaie d’expérimenter au travers de quelques une de nos réalisations.

Donc tout d’abord l’expérimentation formelle et spatiale donc avec un premier projet qu’on a fait dans le cadre du Festival des Architectures Vives –45–


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à Montpellier qui se soustrait complètement des contraintes de solidité qui nous a permis de réaliser cet élément uniquement avec des tasseaux et d’élever les volumes sur une hauteur de 6 mètres. Il s’agissait là d’une double expérimentation, la première qui était la collaboration sur la conception à distance avec des artistes québécois et la seconde sur le questionnement de la relation intérieureextérieure, du visible et de l’invisible.

usagers. Donc aussi bien pour les jeunes qui s’en servent comme refuge que pour les pêcheurs qui s’en servent comme support pour leurs activités. L’expérimentation a été le dialogue entre l’objet figé et le paysage naturel vivant.

01 .

Terminologie

Initiation au projet Architecturale _ S2 WORKSHOP

Architecture Expérimental / Ephémère : - absence d’impératifs de solidité FESTIVAL DES CABANES FAVERGES I LE NID I 2016

On conçoit et réalise la majeure partie de nos installations expérimentales ce qui nous permet de contrôler le processus du début à la fin et d’en tirer des conclusions pour les expérimentations futures. On réalise in situ l’ensemble des installations avec à chaque fois des gabarits particuliers, des installations particulières qu’il faut réinventer sans cesse. Pour revenir à la question de tout à l’heure des stages, nous, c’est vrai, que sur chaque projet, on essaie justement d’intégrer des stagiaires, des étudiants des écoles qui sont proches du projet que l’on réalise donc là c’était à Nantes on avait des étudiants de Nantes et de Versailles. L’expérimentation suivante est une terrasse qui a été réalisée dans le cadre du festival voyage à Nantes donc cette terrasse a pris place sur les berges inoccupées et inaccessibles d’un canal sur lesquels l’accumulation de cadres de bois nous a permis de réaliser cette terrasse en équilibre. C’est pareil sur l’ensemble des réalisations, il n’y a aucun ancrage, d’où l’expérimentation permanente sur savoir comment on peut réutiliser un simple module de bois, le multiplier et de réussir à le faire tenir. Donc cette installation a vocation à être utilisée de manière publique parce qu’elle peut être utilisée comme belvédère sur le canal et de manière privative parce que c’est une terrasse pour le bar restaurant qui est juste à côté. ATELIER VECTEUR

FESTIVAL DES ARCHITECTURES VIVES I PAVILLON D’ACCUEIL I PRISME I 2018

Donc un second projet, Wood Pearls, sur les remparts d’Aigues-Mortes, une ville fortifiée à quelques kilomètres de Montpellier. Ici l’expérimentation a été la confrontation entre le patrimoine architectural et l’intervention éphémère avec le grand paysage. À l’occasion de cette intervention, on a travaillé sur les vides laissés dans la pierre, les traces historiques d’anciens éléments en bois de la construction médiévale. ATELIER VECTEUR

REMPARTS AIGUES MORTES I WOOD PEARLS I 2015

Ça c’est un troisième projet que on a réalisé en Haute Savoie donc c’était la réinterprétation de l’idée de cabanes dans le cadre d’une réserve de pêche artificielle. Ce projet nous a permis de créer des espaces dédiés à différents publics et ATELIER VECTEUR

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FESTIVAL LE VOYAGE A NANTES I TERRASSE FELIX I INTERMEDE I TERRASSE RESTAURANT I 2018 ATELIER VECTEUR

C’était une réelle problématique parce que justement les problématiques d’accès en permanence sur le site ce ne sont pas les mêmes que si on pouvait fermer cette terrasse la nuit donc il a fallu jouer avec les contraintes réglementaires pour pouvoir éviter d’avoir à fermer le site la nuit. Ce belvédère est devenu aujourd’hui un lieu de rencontre et plus uniquement un lieu de passage. Donc ça c’est le premier projet qu’on a réalisé dans le cadre déjà du Festival des Architectures Vives donc c’est vraiment le point de départ de l’aventure Atelier vecteur et de la création de cet outil c’est la première fois qu’on utilisait le bois et on sortait tout juste de l’école donc c’est vraiment le projet qui a marqué le début des expérimentations qu’on fait depuis maintenant presque huit ans.

Notre pratique a pour objectif aujourd’hui de créer des expériences uniques pour les usagers comme par exemple sur ce projet-là réalisé dans le cadre du Festival de Chaumont sur Loire pour lequel il nous avait été demandé de proposer une installation inspirante pour le visiteur afin qu’il puisse puiser des idées et qu’ils puissent le reproduire chez lui dans son jardin. On a utilisé comme un module la planche de palettes qui est si chère à nos étudiants aujourd’hui et d’expérimenter les multiples assemblages et formes réalisables simplement.

FESTIVAL INTERNATIONAL DES JARDINS DE CHAUMONT SUR LOIRE I LA RIVIERE DES SENS I 2013

L’installation suivante Oscillation, elle prend place entre des anciens chantiers navals et un ancien centre de maintenance électrique. ATELIER VECTEUR I OUTIL DE REALISATION I LE MODULE

01 .

Terminologie

Initiation au projet Architecturale _ S2 WORKSHOP

Type de projets d’architecture éphémère : - lié au contexte de la fête

FESTIVAL VOYAGE A NANTES + COGEDIM I PROTECTION CHANTIER I OSCILLATION I 2016

Cette intervention a permis à la fois de réaliser une protection de chantier donc sur 150 m pour un chantier de logements collectifs sur une durée de deux ans et une expérience nouvelle de déambulation sur le trottoir pour les usagers donc on a fait cette fois-ci évoluer les connaissances acquises lors des expérimentations précédentes comme les techniques d’assemblages qui nous ont permis de nous engager sur une responsabilité de ATELIER VECTEUR

FESTIVAL DES ARCHITECTURE VIVES I PAVILLON D’ACCUEIL I WOODBOX I 2012

Donc on vient interroger ici le contraste entre un volume de bois posé au milieu d’un environnement patrimonial minérale et le contraste des courbes de l’intervention et la rectitude de ce bâti existant. Notre projet avait pour objectif d’interpeller le visiteur pour l’inciter à pénétrer dans la forme. ATELIER VECTEUR

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solidité de l’ouvrage pour une durée de deux ans, chose que les BET à l’époque ne pouvaient pas justifier en l’état. L’utilisation d’un matériau unique nous permet de nous concentrer sur la forme, le volume et l’espace créé et non pas sur l’esthétisme qui serait uniquement lié à un choix du matériau plutôt qu’un autre. Au-delà des expérimentations formelles et constructives, on essaie aussi, au travers des différentes installations, d’expérimenter la méthodologie de fabrication d’un projet donc notamment sur le projet Blitz qui a été mené dans la ville de Québec en 2017.

BLITZ I EXPERIMENTATION

L’idée était de rencontrer deux artistes québécois de mener une réflexion et de réaliser une œuvre en sept jours donc ça c’est on va dire la première partie l’expérimentation et la deuxième partie c’était le premier projet vous avez vu, donc c’était la réciprocité, c’est à dire que si ce projet était validé, dans le sens si l’expérience fonctionnait, on se devait de réaliser un projet en France avec ces artistes québécois. Donc le site, le thème et le budget ont été connus le jour de la rencontre et au-delà de l’œuvre construite, c’est surtout le processus de cocréation qui a été mis en place dans cette expérimentation. On réalise actuellement une expérimentation sur une période d’un an à Aigues Mortes qui a été commandé par le centre des monuments nationaux. Il a été demandé de mettre en place un projet éphémère afin d’expérimenter et de tester la cour d’entrée du logis. L’objectif étant, ATELIER VECTEUR I LABORATOIRE D’IDEES

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qu’en décembre 2019, il soit possible de tirer les conclusions de cette expérience et que le maître ouvrage soit capable avec nos orientations de programmer et d’aménager un lieu pérenne. On a démarré nos études par de multiples enquêtes observations in situ de comportement, en rencontrant le personnel, les cadres et agents du centre des monuments nationaux, les associations aussi d’Aigues-Mortes afin de comprendre le lieu dans son fonctionnement et la manière dont il est pratiqué. Nos enquêtes de terrain nous ont permis de faire des constats de fréquentation d’usage et de comportement nous permettant d’émettre des hypothèses. A la suite de ça on a mis en place une série d’événements et d’interventions, comme la création d’un concours étudiants, l’organisation de différents workshops avec des école de design, avec des collégiens de d’Aigues-Mortes pour essayer de valider nos différentes hypothèses. On a essayé de créer des workshops, des activités dans les lieux que l’on pensait stratégiques notamment dans ce concours étudiants on a identifié qu’au-delà de créer un événement dans la cour, il fallait déjà créé un appel chose que les monuments nationaux n’avaient pas forcément jusqu’ici identifié donc on a essayé de mettre en place ce concours de manière à tester pendant 15 jours cet appel et essayer de comptabiliser, de vérifier si justement les visiteurs étaient plus attirés peut-être par le lieu qui existe derrière donc une fois ces hypothèses validées nous avons pu compléter le programme pour enfin proposer un projet éphémère d’aménagement de la cour 01 . d’entrée susceptible de répondre au mieux aux Expérimentation problématiques du lieu. Outil de recherche _ De la Conception

SYMPOSIUM 24_05_2019


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Et donc à la suite de cette intervention on relancera une campagne d’enquête sur les comportements des visiteurs afin de corriger ou valider en l’état notre intervention et apporter une conclusion au centre des monuments nationaux. Aujourd’hui l’ensemble de ces expérimentations nous permettent de se fabriquer une base de données sur la fabrication du projet de la conception à la réalisation et l’ensemble des informations récoltées lors des différentes réalisations vont nous permettre de nourrir les expérimentations futures. Malek Dahbi On peut peut-être commencer par une première interrogation pour revenir au titre de la table tonde qui est l’expérimentation outil de recherche j’ai tendance à penser que c’est l’autre pendant de la recherche. C’est à dire la question du pourquoi et du comment.

L’expérimentation est dans le comment et dans une vision beaucoup plus ascendante que celle qu’on appréhende très souvent c’està-dire qu’on fait de la recherche théorique fondamentale et puis après on applique puis

bon ça marche et après on corrige un petit peu mais l’expérimentation sur des intuitions que savent bien faire des architectes peut être un formidable moteur de recherche. Alors peutêtre citer un exemple réunionnais puisque c’est le seul que je connaisse bien c’est ouvert de 2005 à 2015 une formidable époque, on va dire, d’expérimentation sur le projet avec des inconvénients dont on a parlé tout à l’heure sur le temps de la recherche et le temps court du projet architectural. Suite à une prise de conscience écologique, à peu près comme dans tout le monde entier et qui s’est un peu cristallisée sur comment concevoir un habitat au sens large, confortable pour les habitants et peu énergivore et dans un climat tropical humide. Il y avait bien un peu de littérature, des gens du CSTB avaient travaillé dessus depuis les années 70. Ils restaient relativement vagues mais avec le milieu tropical humide faut bien comprendre la variable humide quand on parle en termes d’immeuble. Donc des architectes qui étaient pionniers sur ce sujet-là à La Réunion ont expérimenté pour certains sur leurs propres deniers, ça c’est surtout cristallisé sur la ventilation naturelle. Si on veut faire des logements peu énergivores donc se dispenser de la climatisation, il faut absolument de la ventilation naturelle. Donc sur cette question un peu pointue, des architectes ont expérimenté sur leurs propres intuitions en sortant l’argent de leur poche. Certains architectes ont loué une piste d’aérodrome et un 4x4 puissant par exemple pour la mise en place de girouette Venturi et ont roulé à différentes vitesses donc il fallait qu’ils soient intimement convaincus que ça valait le coup. Donc après les effets qu’on a pu voir se mettre en place très vite pour cette réévaluation des premiers écrits sur la ventilation naturelle, sont qu’on s’est aperçu que les modèles numériques déjà ne fonctionnaient plus très bien donc il a fallu réévaluer des modèles et on s’est rendu compte que c’est assez peu présent dans la littérature, ça paraît comme une évidence –49–


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aujourd’hui mais on était assez peu renseigné et puis d’autres effets sur l’aspect nourrir la recherche qui était plus théorique bien sûr. On sait qu’il y a des laboratoires locaux qui sont très demandeurs d’expérimentation parce qu’il faut qu’ils alimentent aussi leurs recherches et qu’il faut viser des objets d’étude et aussi on a une école d’ingénieurs qui est très demandeuse sur ce type de sujet donc on a pu expérimenter une espèce de cercle vertueux où il n’y a pas qu’un effet ascendant descendant mais l’un alimente l’autre et puis on va dire tout le monde s’en porte mieux. Après cette période c’est un peu éteinte parce qu’expérimenter veut dire prendre des risques donc se tromper et de moins en moins de maîtres d’ouvrages suivent parce que, si on se trompe sur des choses anodines ce n’était pas très grave mais après on a des habitants donc les maitres d’ouvrages qui sont de plus en plus frileux à expérimenter à nouveau mais l’expérimentation nourrit la recherche.

un jour, la réalisation c’est une semaine, c’est donc quelque chose qui va très vite alors là on est sur une temporalité beaucoup plus longue ce qui vous permet d’interroger des éléments beaucoup plus profond et on se rapproche finalement beaucoup plus du schéma classique de la fabrication d’un projet que l’on a pu décrire précédemment, donc c’est vrai c’est facilité sur les installations éphémères mais c’est vrai qu’on peut commencer à tirer certaines conclusions on pourrait peut-être essayer d’appliquer sur la structure.

Thomas Dalby

Malek Dahbi

Mais c’est vrai que dans la pratique qu’on a tous nous architectes, de matière plus conventionnelle, cette expérimentation est peut-être plus difficile à mettre en place alors que là on parle d’éléments beaucoup plus légers où l’expérimentation effectivement peut être beaucoup plus facile à mettre en place et beaucoup moins onéreuse aussi. On parlait tout à l’heure de trouver ces financements pour le coup on n’a pas souvent ce genre de problème nous, mis à part le dernier projet que j’ai pu présenter justement et là on revient sur l’aspect temporel de l’expérimentation de la recherche, c’est la première fois qu’on nous demande une expérimentation sur une durée beaucoup plus longue parce qu’effectivement ces installations éphémères à l’opposé de tout ce qu’on a pu écouter à la table ronde précédente, ce sont des éléments qui sont fabriqués très rapidement, c’est à dire que la conception doit être faite en

Un autre aspect qu’on a pu aussi constater c’est comment on est rentré un peu ténu comme ça sur la ventilation naturelle, ça a permis de questionner plein d’autres domaines notamment sur la forme architecturale liée à la ventilation naturelle, on sait qu’au-delà de certaine épaisseur ça marche plus très bien donc l’organisation spatiale ça a aussi posé des questions dans le champ des sciences sociales donc on a des bâtiments très poreux nécessairement et donc ça réinterroge des modes d’habiter un peu plus ancestraux qui avaient disparus sous un modèle imposé. Ça interroge également la physique du bâtiment, c’est un sujet très petit qu’on peut re ouvrir à nouveau grâce des expérimentations.

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Johan Laure Alors après la question de l’expérimentation


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finalement dans la question du concours d’architecture, je trouve qu’il y a cette condition de recherche, c’est à dire qu’à la limite, on a pu parler ce matin que l’objet final n’est pas valable comme étant de la recherche mais quand on se retrouve dans des états de conception ou un moment de concours, on se retrouve à essayer des outils qu’on utilise pas forcément tous les jours : la question du diagramme, la question de la synthèse de programme, d’organigrammes, de maquettes. Je trouve, pour ma part, que la recherche démarre dès les premières idées, on essaie de développer un récit donc finalement on va essayer de créer une sorte de recherche culturelle, appropriation parfois mais en tout cas, à travers les outils architecturaux durant parfois des périodes qui peuvent être assez longues, on développe une question de la recherche, du lieu, de la fabrication du lieu. En fait, la recherche ça va être approfondir ou élargir nos connaissances d’un certain sujet. Finalement chaque lieu devient un sujet à part entière mais quand on élargit la connaissance d’un lieu ou qu’on le révèle est-ce qu’on n’a pas fait notre part de recherche déjà en tant qu’architecte ? Et ensuite tous les dispositifs qu’on va mettre en place pour venir créer de nouveaux espaces où on va essayer, comme tu disais Malek, des fois on peut se tromper mais en tout cas on peut essayer. Je me rappelle notamment de la conférence de Pierre Thibault justement qui parlait de cette recherche autour du scolaire, de comment on crée des lieux sensibles pour un nouvel apprentissage et de ne plus laisser apprendre comme on le faisait auparavant ou en tout cas comme quoi la fonction du lieu et sa forme faisait aussi un travail sur la façon d’apprendre et quel sujet on donnait à apprendre aussi, l’acceptation des enfants entre eux, ce genre de choses donc au final pour moi je pense que des recherches peuvent être assez justifiées en architecture comme celle du concours et de la pensée du récit qui est fait devant les connaissances qu’on

peut en extraire et celle après peut-être de l’expérimentation du bâtiment qui, peut-être lui-même, n’est pas un objet de recherche, mais est-ce que finalement l’analyse et les nouveaux usages qui vont être créés ou la modification à un point donné d’habitude sociale ou la création de nouveaux événements, n’est pas finalement aussi un outil de recherche. Finalement ce n’est peut-être pas le bâtiment physique en lui-même mais plutôt ce qu’il va créer et ce qu’on peut en retirer qui va apporter cette expérimentation, cette recherche. Brice Lebouvier Alors c’est intéressant que tu ais parlé des concours parce que moi la façon dont je travaille aujourd’hui est essentiellement sur la petite échelle, sur l’habitat individuel avec des particuliers, je le dois à une décision que j’ai pris pour mes 30 ans suivie d’une grosse expérience de concours en architecture que je faisais en agence et sur lequel petit à petit j’ai accumulé des frustrations qui étaient d’abord : l’impression de ne pas arriver à pousser un sujet vraiment au bout et d’avoir tendance par le jeu des concours d’architecture à toujours rester un peu en surface ou en tout cas sur un raisonnement qui restait quand même toujours non abouti pour moi, où chaque fois même si dans l’agence où j’étais on faisait beaucoup de lycées ou de collèges, des programmes chaque fois un peu équivalent. On se rendait compte qu’il fallait chaque fois quasiment réinventer un nouveau concept de collège ou de lycée et qu’on avait énormément de mal à mutualiser des recherches qu’on avait fait sur le concours précédent et quand on basculait d’une commune à une autre c’était très difficile de considérer qu’on allait pousser une idée qu’on avait eu sur un premier projet sur un autre concours. Et ça à force ça m’a beaucoup gêné. Donc moi je m’intéressais beaucoup au périurbain dans les années 80 et donc je me suis rendu compte que ça allait être très difficile –51–


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pour moi de travailler sur ce sujet-là par le biais des concours et j’ai décidé donc un jour d’arrêter de faire des concours, je suis parti de l’agence dans laquelle je travaillais pour aller travailler finalement sur la thématique qui me plaisait mais du coup à partir du moment où je ne travaillais plus sur les concours moi ce qui m’a intéressé c’est d’aller travailler avec les gens sur le terrain et d’avoir une pratique de l’architecture où j’avais plus l’impression d’aller travailler avec le sujet qui m’intéressait et finalement c’est un peu comme si j’avais décidé d’engager un travail de recherche sur le très long terme, c’est à dire qui était ma vie d’architecte et de considérer que j’allais faire mon métier de ce travail sur la petit échelle. Donc on a monté une agence, on a inventé des nouveaux outils et méthodes pour pouvoir travailler sur cette échelle. On était très seul en tant qu’archi à faire notre métier de ce travail.

La notion d’expérimentation est arrivée naturellement par le fait d’avoir une agence qui est nourrie quasiment au quotidien par le chantier. Quand vous travaillez sur la petite échelle sûr on va dire dix clients vous allez faire huit réalisations. C’est-à-dire qu’il y a très peu d’échecs dans notre travail de conception et réalisation. Dans une agence d’architecture je m’étais rendu compte que pour gagner un concours on en faisait quinze, et ce qui me manquait énormément, c’était le retour d’expérience du chantier sur la conception et qu’il y avait une coupure nette entre l’équipe de conception qui entretenait finalement un travail 52–52–

de création mais dans un univers qui était assez virtuel puisqu’on travaillait sur des référents qui n’étaient pas les référents de la construction et quand on gagne un concours d’architecture le projet bascule sur une autre équipe qui était l’équipe de réalisation, de maîtrise d’œuvre ou autres sans qu’on ait vraiment de retour sur ce qui allait se passer après. Moi j’ai eu la chance avec Jacques Brion d’avoir une expérience sur un chantier, c’était leur premier lycée on n’avait jamais fait de chantier on s’est retrouvé à suivre un chantier alors qu’on était encore étudiant. Là j’ai découvert vraiment l’envers du décor et y a eu la continuité du projet jusqu’au bout c’est ce qui m’a poussé à considérer qu’il fallait que j’ai cette notion d’expérimentation au quotidien, qu’elle soit présente pour nourrir mon travail de conception et à partir de là ce qui m’a beaucoup intéressé et qui m’intéresse toujours c’est de voir comment le travail de maîtrise d’œuvre sur le chantier nourrit au quotidien le travail de recherche que ce soit en terme de conception ou en terme de pratique du métier, la façon dont on travaille avec un client, un particulier. Donc là moi j’ai vraiment l’impression de baigner au quotidien dans un travail de recherche par l’expérimentation, par beaucoup de projets autour des méthodes participatives et collaboratives. Je dis souvent aux architectes que ces pratiques collaboratives elles existent depuis la nuit des temps, c’est le métier d’architecte, c’est quand vous faites votre projet avec votre client, vous fabriquez avec lui, il est là en permanence, vous êtes en permanence obligé d’expliquer pourquoi vous faites ça, pour quelles raisons, combien ça coute, comment vous allez faire, avec qui vous allez le faire ? Donc la participation des intervenants extérieurs elle est constante dans ces cas-là. Aujourd’hui j’ai 52 ans et l’idée c’était de savoir si ça avait du sens de s’engager dans une thèse actuellement, suite au travail que je fais depuis 25 ou 30 ans. C’est vrai que moi ce qui me


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gêne le plus à l’école d’archi aujourd’hui c’est le format universitaire de la recherche, c’est d’arriver à faire entrer notre pratique du métier dans le format universitaire qui va être une thèse qui a ses codes, qui a ses références au timing. Aujourd’hui je me pose beaucoup de questions à ce niveau-là de savoir si c’est réellement adapté, s’il ne faut pas en tant qu’enseignant en école d’archi faire évoluer ce modèle. Moi j’ai vécu la bascule entre la réforme avant et après par rapport au fait qu’on soit le modèle universitaire actuellement dans les écoles d’archi et j’ai vu quand même la différence et j’ai vu qu’on avait bien plus de liberté quand même sur le modèle d’avant qu’actuellement pour pouvoir expérimenter comme ça pendant nos études, faire une autre expérience autour de l’enseignement aujourd’hui c’est bien plus cadré, c’est bien plus difficile pour les étudiants d’acquérir des expériences comme ça surtout autour de cette notion de construire et de faire d’abord une pratique expérimentale autour de la fabrication et ça aujourd’hui c’est un gros problème au sein des écoles d’archi. Il y a une coupure nette quand même entre la discipline de l’architecture et l’apprentissage du métier d’architecte. On a énormément de mal à faire rentrer ces logiques de fabrication de population dans l’apprentissage autour du faire dans les écoles d’architecture et ça pose un vrai problème parce que j’ai vraiment l’impression que ce cercle vertueux propre aux études d’archi qui est de considérer que la construction nourrit la conception et inversement, dans l’enseignement on est quand même beaucoup dans la conception et quasiment plus de construction et j’ai l’impression que la profession l’assume actuellement en considérant qu’une partie du travail va être réalisée par des sociétés de maitrise d’œuvre d’exécution ou autres qui vont assumer une partie de ce qu’on peut faire. Donc aujourd’hui moi je pense qu’il y a un vrai travail qui a du sens autour des expérimentations et aujourd’hui c’est très difficile de faire exister ça

au sein de l’université, des écoles d’architecture parce que cette pratique est difficile à mettre en place au niveau de la pédagogie. Malek Dahbi Sur la disparition ou l’évanescence de la question du faire, pour le coup à La Réunion à l’école ça ne change pas grand-chose effectivement c’est un peu la question que peut-être tu poses ici. C’est un peu l’enjeu aussi du HITLab et des questions que se pose le ministère sur comment on peut faire aujourd’hui, parce que tu parles d’adapter le modèle académique et justement c’est déjà la recherche par le projet. J’ai pu écouter une conférence au Collège de France en 2015 et devant un parterre de chercheurs et cette question était relativement sensible. C’est encore une fois l’objet du HITLab et effectivement cette partie d’expérimentations est à valoriser.

Valérie Wathier Oui sur la recherche par le projet on est un peu en balbutiement, je pense que vous savez que l’école de Versailles est en train de travailler sur un doctorat par le projet notamment avec l’école d’art de Cergy Pontoise. Donc la recherche par le projet rejoint la question de la recherche création qu’on abordera peut-être demain avec la personne qui vient du Québec. Depuis 15 ans la recherche en architecture s’est adossée à la recherche académique sur les idées et les cycles universitaires. Une des spécificités –53–


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ça serait de développer de la recherche par le projet donc tout est à faire mais je pense que les deux peuvent cohabiter, c’est à dire la recherche académique d’un côté et la question de la recherche par création, qu’on pourrait appeler recherche création de l’autre. Par contre il faut en définir les contours, le contenu, les exigences scientifiques. Le ministère de la culture est évidemment intéressé par cette démarche d’autant qu’il y a aussi un rapprochement des écoles d’arts et des écoles d’architecture et les écoles d’arts sont en train de s’interroger sur qu’est-ce que la recherche dans le domaine de la création justement donc tout ça est quand même quelque chose qui peut faire l’objet, à mon avis, d’une réflexion mais qui prendra du temps et il faudrait éviter d’opposer recherches académiques et recherches créations.

à définir pour l’instant ressemble un peu plus à des limites, c’est à dire à priori, savoir à quel moment on peut faire entrer cette pratique ou cette façon de faire de l’architecture dans un cadre de recherche et ensuite réussir à trouver la façon de définir un peu mieux les exigences par rapport à ces attendus là, mais à mon avis ce qui est assez intéressant finalement c’est que le rendu final est tout de même physique. L’architecture est faite pour être utilisée pour être vécue donc de toutes façons on recherche toujours des espaces à habiter ou habitables et c’est là-dessus aussi qu’il y a une certaine diversité puisqu’on peut réussir à penser la recherche dans la façon de créer l’objet et on peut aussi penser la recherche dans la façon de l’utiliser après.

Johan Laure Pour le coup je pense que les deux peuvent fonctionner ensemble, de toute façon il faut qu’elles fonctionnent ensemble puisque l’une sans l’autre ça va être assez dommageable. La question du faire avec, c’est ça qui est un peu plus complexe, c’est à dire faire l’architecture ce n’est pas uniquement faire du chantier, ça s’est transformé depuis pas mal d’années mais certaines personnes deviennent architectes et ne sont jamais sur un chantier ce n’est pas pour ça qu’ils ne sont pas architectes non plus. C’est la pluralité de possibilités qu’on a à exercer le métier d’architecte en somme. Donc chacun peut avoir une expérience différente et une expérimentation aussi très différente. Je pense que par exemple nous avons tous une expérimentation très différente de ce qu’est l’architecture du métier, après sur l’architecture en elle-même on peut avoir des points d’accords et des choses sur lesquelles on va pouvoir discuter ensemble et encore ce n’est pas dit qu’on ait la même façon de le réaliser au final. Donc c’est vrai que sur la question de cette recherche en architecture je pense que le cadre 54–54–

Donc je pense qu’il y a une certaine dualité là aussi mais qui peut être multiple, il peut y avoir plusieurs façons de le faire et je trouve ça assez intéressant à développer finalement à travers la recherche. Thomas Dalby C’est vrai qu’il y a une multitude de façons de d’exercer, de pratiquer le métier d’architecte de la même manière qu’il y a plusieurs manières de faire de la recherche et est-ce que cette recherche là il faut la mettre dans une case ? Est-ce qu’il faut définir des limites de qu’est-ce qu’est la recherche en architecture ou où doit-on commencer ou s’arrêter dans le sens où on peut exercer et avoir une pratique très diversifiée.


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Peut-être que la manière d’exercer la recherche peut aussi s’appliquer à la multitude de facettes qu’à la pratique de l’architecture et s’adapter à cette pratique là et au métier d’architecte. Brice Lebouvier Par contre cette idée de faire un lien entre expérimentation et recherche moi plus que le faire c’est plutôt la confrontation au réel, c’est à dire se mettre en situation où tu vas confronter la recherche à la réalité et pouvoir remettre en cause et faire avancer ton travail par ce retour d’expérience de la réalité. Alors ça peut être le chantier ou les usagers, ça peut être les utilisateurs, c’est à dire c’est d’aller voir ce qui se passe une fois que le projet est fait et voir comment il est approprié. Moi ce qui m’a beaucoup manqué c’est cet aspect-là. Sur des concours j’avais l’impression que le projet il disparaissait. Quand on livre un chantier on n’a un peu l’impression que le jour où on a livré le chantier, le projet disparaît et puis on passe à autre chose puis tu repars sur une autre problématique. Alors moi ce qui me plaît en maison c’est que le projet on a l’impression qu’il démarre à la livraison, il y a une espèce de lien avec le client qui peut durer des années, mais c’est intéressant parce que ça nous permet de voir comment notre projet va être approprié, comment il va se transformer et ça nourrit aussi énormément le travail de conception et la façon dont on appréhende après le projet. Au-delà du faire, le chantier, la maîtrise d’œuvre c’est plus par rapport à ça, on tient quand même une habilitation à construire donc travailler sur qu’est ce qui se passe une fois que c’est construit ça me parait être aussi vraiment très important et dans cette logique d’expérimentation pour moi c’est primordial. Question Je voulais revenir à la fois sur ce qu’avait dit Brice

puis un autre intervenant avant sur le temps long de la recherche et sur le fait que ce temps il allait depuis le moment de la conception à la livraison donc j’étais pas tout à fait d’accord dans la mesure où en plus on est quand même soumis à certaines responsabilités qui durent moins de dix ans, en fait la recherche se poursuit au-delà et puis la recherche elle se poursuit aussi après dans le cadre des expertises qui peuvent être amiables ou judiciaires et où là on va décortiquer aussi le projet d’une autre manière et on va faire aussi une recherche sur un certain nombre de questions qui nous sont posées et auxquelles on va devoir répondre, ces questions pouvant être d’ordre technique mais aussi de tout autre ordre sur la façon dont les occupants se sont appropriés les différents bâtiments qu’on a pu concevoir, construire et modifier, du coup leur apporter certaines pathologies à ses bâtiments et en retour apporter aussi des pathologies aux occupants eux même. Donc la recherche elle va largement au-delà du moment de la livraison elle va au moins dans les dix années qui suivent et donc on peut la retrouver aussi dans tout ce qui est de l’ordre de l’activité liée à l’expertise. Christophe Boyadjian Merci vraiment pour ces exemples et ce travail extrêmement puissant sur l’expérimentation. On va voter pour les élections européennes ce week-end et je me questionne sur l’interopérabilité des doctorats et des méthodes de recherche en Europe, on vient de parler de la question du doctorat by design. On a eu une expérimentation à l’ENSAL pendant trois ans avec l’école de Las Palmas et sur la question du doctorat by design ils sont venus à l’école en fait comme enseignants invités mais la méthode avec laquelle ils travaillent à Las Palmas depuis de nombreuses années sur le doctorat by design, ce qui fait qu’on a pu avoir au niveau master la possibilité d’avoir au niveau du PFE la mention recherche by text ou by design déjà c’est le petit point qu’on a pu avoir. –55–


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Donc les étudiants peuvent choisir entre les deux approches, c’est une méthode scientifique qui a été utilisée par de nombreuses universités. Et donc pour revenir à la question européenne puisque on a chacun des associations, des accréditations de diplôme avec différentes écoles européennes. Je me pose la question de l’acceptation de ces questions de méthodologie de recherche qui sont pratiquées ailleurs en Europe. Je vous invite à aller lire des thèses de différentes écoles qui travaillent sur ces questions. Aujourd’hui on a des collègues qui ont fait des doctorats dans différents pays européens et qui sont des doctorats par le projet et en quoi on n’arrive pas à voir l’acceptation de ces méthodologies ? Jacques Brion Je suis d’accord avec toi Christophe, je ne sais pas si ça pourrait se faire mais je pense que c’est un problème universitaire. Nous c’est notre problème parce qu’on est capable de leur expliquer ce qu’on veut mais ils n’ont pas envie de l’entendre, aujourd’hui la question universitaire y a un blocage là-dessus. Après il existe d’autres types de doctorats, y a les doctorats européens qui eux sont codifiés, je crois que Manuel est là et je crois qu’il a un doctorat européen et qu’il pourra nous en parler. En tous les cas à Montpellier ce qu’on avait envisagé aussi à un moment c’est un coencadrement des doctorats sur l’international, juste le petit problème qu’on a là-dessus c’est la rédaction, c’est-à-dire qu’en gros non content de devoir le soutenir en espagnol ou en anglais il faut le rédiger en espagnol ou en anglais ce qui est quand même très complexe. Tu ne peux pas le rédiger en français et avoir une traduction parce qu’en fait tu perds le sens des fois de l’écrit. Moi ça m’intéresserait d’avoir des éléments pour aller voir l’université et discuter avec eux mais c’est très compliqué. 56–56–

Moi ça m’intéressait parce que peut-être que nous avec HITLab et en étant rattaché à l’école doctorale à Perpignan, eux qui sont transfrontalier, peut-être que là on pourrait faire quelque chose avec eux, alors ce sera toujours difficile pour nous sur Montpellier, parce que Montpellier c’est une grosse machine et le futur des universités y est très compliqué comme à Lyon et comme j’imagine partout d’ailleurs. Mais peut être que sur Perpignan on pourrait regarder ça. Élodie Nourrigat Par rapport à ça je voudrais compléter ce que tu dis, effectivement Manuel Gausa est là et en tant que directeur de doctorat à Gênes en fait il a ouvert une section particulière qui est une section internationale qui permet à des étudiants étrangers de venir soutenir des doctorats mais dans un dispositif particulier. Ce que tu disais par rapport à la HDR, c’est très franco-français parce que par exemple moi ici en France je n’ai qu’un doctorat et je ne peux pas encadrer par contre j’ai intégré leur école doctorale et je suis habilitée à encadrer des doctorats en Italie. Leur dispositif et la dimension du projet est bien plus présente dans les doctorats portés et encadrés par Manuel à Gênes et aujourd’hui on s’est retrouvé avec des jeunes diplômés qui voulaient s’engager dans ce type de doctorat, mais impossible de trouver un HDR en France qui voulait les encadrer et l’école doctorale voulait les inscrire. On n’a une de nos anciennes étudiantes une jeune architecte qui a postulé à Gênes alors elle pour le coup elle est très européenne elle vit Copenhague, elle travaille chez Cobe, elle suit son doctorat avec Manuel et co-encadré par moi-même. On se dit c’est quand même une absurdité quelque part qu’un architecte qui veut faire un doctorat où il y a la dimension de projets, soit obligé de s’exiler et elle est obligée de la rédiger en anglais. Donc c’est la force de ce qu’a créé Manuel à


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Gênes c’est qu’il y a au moins la langue unique de l’anglais qui est plus simple des fois que l’italien mais on se rend compte qu’on est en train de devenir un peu européen donc c’est peut-être nous qui allons faire l’Europe en tous les cas on en a fait un morceau dans ce cadre-là mais néanmoins on se dit qu’on pourrait aussi porter cette force-là. Et ce que disait Jacques est tout à fait vrai, peut-être qu’à Perpignan y a une dimension plus ingénieurs aussi là les ingénieurs sont bien plus présents dans cette dynamique et Régis Olives demain présentera ça aussi et eux sont au contraire très favorables à ce genre de choses avec des codes minimum bien sûr de production de connaissances et c’est pas parce qu’on travaille par le projet qu’on ne produit pas de la connaissance au sens rédactionnel aussi de la chose et au sens scientifique de la chose.

pas très appliquée en générale, de fait il y a Montpellier merci parce que vous avez été pionnier, il y a Barcelone, et bon continuons parce que c’est assez intéressant. Ils sont obligés de venir deux fois chaque année pour présenter leur recherche, ils peuvent le faire à l’extérieur avec une co-direction à l’extérieur ce qui est très bien. Ils viennent également profiter de voir des collègues, échanger, créer des échanges méthodologiques, des échanges culturels. Moi j’ai toujours trouvé ça très intéressant, à Madrid, à Barcelone c’est difficile d’entrer dans des doctorats parce que les thématiques sont toujours les mêmes. Élodie Nourrigat Merci à vous.

Manuel Gausa C’est une figure qui existe par le ministère ce n’est pas moi qui l’ai inventé parce que les doctorats sont des doctorats ministériels. Mais c’est vrai que ce sont des figures qui ne se mettaient pas en place par tradition ou par mégarde. Comme je vous ai dit le doctorat en Italie c’est plutôt une opposition pour avoir une bourse, mais c’est pas cette idée en Espagne où c’était la première étape pour faire ta carrière académique. Mais ça pourrait être aussi la façon de finir une étape sur tes propres obsessions de recherche. Beaucoup de gens en Espagne finissent leur doctorat à 45, 46, 47 ans. Des professionnels qui voulaient simplement avoir un doctorat pour expliquer leur recherche, des gens qui sont maintenant des chaires ou titulaires, moi-même j’ai fini mon doctorat à 41 ans. En Italie par contre oui il y a toujours eu cette idée que c’est la première étape pour le monde académique et tu as une opposition pour avoir une bourse qui te permet de rentrer dans l’université. Donc cette figure un peu internationale n’était –57–



H I T L a bu d

Métropoles du S

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Graham CRIST, Samue l BERNIER LAVIGNE, Manuel GAUSA, Pierre TH IBAULT Positionnement par Ré gis OLIVES


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Positionnement

.......................................................... Présentation : Régis Olives

Régis Olives. Ingénieur Enseignant-chercheur, Directeur de Sup’EnR, Université de Perpignan Via Domitia

R égi s Olives

Bonjour à tous. C’est un peu particulier pour moi parce que je suis plutôt du domaine des sciences physiques, ce qu’on appelle typiquement sciences de l’ingénieur et j’ai beaucoup d’accointances avec l’architecture. Outre la direction de l’école d’ingénieurs, où on a aussi beaucoup de ponts avec la partie bâtiment et donc l’architecture de façon

générale, j’ai été responsable d’un diplôme universitaire pendant quelques années sur le management qualité environnementale du bâtiment qui était essentiellement dédié à des architectes, donc j’ai côtoyé cette communauté très fortement pendant quelques années et j’ai trouvé ça très enrichissant et c’est pour ça que ça me faisait aussi plaisir de venir ici partager mon expérience. Alors j’ai repris les questionnements que vous –61–


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aviez lors de la précédente journée et ceux d’aujourd’hui et pour essayer de répondre de façon très modeste mais apporter un regard peut être un peu parfois orthogonal à ce que vous avez l’habitude de faire et je vais présenter les pratiques que l’on a. Donc si je reprends « la pratique de la recherche », je vais essayer de voir l’interaction entre la recherche ainsi que le côté pratique et donc d’arriver aussi à faire émerger la dimension de la recherche dans tous ses aspects, alors essentiellement liés à la pratique de la recherche mais aussi avec des aspects plus sur le positionnement financier par exemple. Donc essayer de répondre à toutes ces questions c’est très ambitieux, surtout pour moi aujourd’hui, mais j’essaierai d’apporter quelques éléments de réponse.

Alors je vais l’illustrer forcément avec mon domaine de prédilection donc les sciences de l’ingénieur de façon générale et quand on pratique la recherche dans ce domaine il s’avère que c’est essentiellement réalisée 62–62–

par les thésards, cette recherche est aussi réalisée par les chercheurs du CNRS, je suis dans un laboratoire CNRS aussi mais c’est essentiellement soutenue par les doctorants. Donc on a une double mission là-dedans : former les doctorants à la recherche par la recherche et dans le cadre d’un projet bien souvent puisque maintenant les programmes de recherche sont essentiellement basés sur des projets dont il y a très peu de recherches qui se font sans finalité à priori. Pour nous une thèse c’est essentiel dans la pratique de la recherche et c’est aussi apporter au thésards un certain nombre de savoir : de savoir technique, savoir-faire, savoir être, savoir penser et puis des compétences bien sûr, aussi bien scientifiques que des compétences en termes organisationnels par exemple, de gestion de la complexité d’un projet, de la compréhension aussi globale et synthétique d’un problème. La particularité là-dedans c’est qu’on est toujours à faire des moutons à cinq pattes pour faire simple, c’est à dire des choses qui n’existent pas, c’est l’innovation certes, mais ça ne rentre pas dans des normes, ça ne rentre pas dans des réglementations, c’est toujours des choses avec un regard très particulier et donc il y a une prise de risque à voir et c’est ce que l’on demande aussi aux thésards, c’est ce qu’on nous demande et forcément il y a de la gestion de la difficulté qui va s’ensuivre avec tout un panel de problématiques qui s’entourent de ça qui sont parfois uniquement liées aux programmes de recherche mais aussi à des problématiques type réglementaires et normatives ou autre. Quand on veut utiliser de nouveaux matériaux qui ne sont pas référencés, donc qui ne sont pas soumis à certaines normes, on se retrouve dans des situations assez exotiques. Donc c’est quand même pour arriver à apporter aussi une expertise scientifique et méthodologique et là on est automatiquement dans le cadre des sciences de l’ingénieur en lien étroit avec le monde industriel et socioéconomique de façon


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générale. Une thèse c’est aussi répondre à une problématique qui est bien souvent exprimée par un industriel, par une entreprise, par une collectivité et ça va demander aussi tout un cadre. Un cadre au niveau juridique, pour arriver à avoir durant trois ans une activité reconnue et qui se passe bien et donc ça demande un contrat doctoral. Le contrat doctoral c’est relativement récent, ça a 10 ans pile et ça fixe droits et devoirs du doctorant certes mais aussi droits et devoirs de l’encadrant, ça fixe aussi un salaire, un cadre financier. Déjà il y a un cadre et on n’envoie pas un doctorant pendant trois ans dans la nature sans garantie de pouvoir réaliser le travail correctement. Donc ça veut dire que derrière il y a des allocations doctorales, c’est des allocations qui peuvent venir du ministère directement via les écoles doctorales, et/ou de la région et puis ça peut être aussi des supports financiers provenant de projets que l’on a déposés auprès de l’agence nationale recherche, de l’ADEME, il peut y avoir des bourses aussi type Eiffel, … Après en terme de montage de projets puisque c’est bien souvent réalisé avec d’autres laboratoires à l’étranger ou des entreprises, on peut avoir des problèmes de réglementation qui ne sont pas forcément identiques selon les pays même si ça tend à l’uniformisation ; et puis un autre support on va dire financier ce sont les conventions CIFRE donc qui sont un contrat au final entre le laboratoire, l’entreprise et le doctorant et c’est en lien forcément très étroit avec une demande d’une entreprise qui a énormément d’intérêt à faire ce genre de convention puisque ça leur coûte à peu près 20% du salaire d’un doctorant en bénéficiant aussi de crédit d’impôt donc c’est extrêmement intéressant. À partir de là, on a fixé le salaire, il faut souvent un complément financier pour arriver à mener à bien un certain nombre d’activités type expérimentations et autres donc c’est ce

qui coûte le plus cher chez nous, ce n’est pas tellement le salaire c’est plutôt tout le reste et ça quand on a des allocations doctorales type région ou autres on est obligé d’aller chercher ce surplus ailleurs. Dans le cadre des programmes ANR on l’intègre dedans. Donc je ne vais pas m’étendre plus là-dessus, on pourrait en parler plus mais je trouve que c’est plus intéressant d’essayer d’illustrer ça par quelques tests que j’ai eu l’occasion d’encadrer. Par exemple une thèse qui a été financée ADEME qui a été une réponse à un problème plutôt issu du monde socio-économique dans le secteur du bâtiment, il fallait arriver à proposer de la climatisation solaire de petite puissance dans des bâtiments de surface relativement réduite. La problématique est purement technique au départ mais avec un grand nombre d’éléments liés à la réglementation donc c’est un sujet qui a été proposé par l’ADEME et auquel on a apporté une solution. Dans ce cadre-là on voit qu’on a toute une problématique certes technique mais en parallèle on va aussi apporter un certain nombre d’éléments de formation aux thésards durant ces trois années donc il faut arriver à coupler le côté recherche pure avec la partie plutôt formation qui peut être aussi dédiée à de l’enseignement puisque ces doctorants peuvent ensuite prétendre à des postes de maîtres de conférences par exemple, on le développe de plus en plus haut niveau dans l’université de Perpignan avec tout un panel de formation à la pédagogie pour amener le doctorant à la fin de ces trois ans à réellement acquérir un certain nombre de compétences aussi bien au niveau de la recherche qu’au niveau de l’enseignement. Autre exemple qui a été là une question issue d’un industriel où on a apporté une solution donc on a monté un projet ANR avec le laboratoire PROMES-CNRS dans lequel je suis, associé à un autre laboratoire à Pau le LaTep et puis une entreprise Cristopia qui avait une problématique. Ils fabriquent des réservoirs –63–


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qui sont destinés à de la climatisation pour des bâtiments, c’est de la climatisation qui est bien souvent installée dans les pays asiatiques où on a la problématique de la consommation d’électricité durant la journée, une électricité qui est très erratique, très aléatoire et pour arriver à satisfaire ces besoins on a nécessité de mettre en place du stockage de froid donc c’est essentiel pour la climatisation de bâtiments. Vous avez des grandes cuves dans lesquelles on a mis au point un certain nombre de matériaux et des améliorations au niveau procédé pour arriver à satisfaire les besoins. Dans le cadre de cette thèse, on a tout un cadre qui est fixé au départ dans le projet ANR mais il s’est avéré qu’on a débouché vers d’autres voies, d’autres perspectives. Si vous regardez dans l’objectif de cette thèse la première partie c’était vraiment une réponse à un industriel et il s’est avéré qu’au cours du temps on a fait émerger une nouvelle solution pour des systèmes qui ne sont pas forcément identiques c’est l’exemple que vous avez tout au fond : ces deux grosses cuves qui servent à stocker l’énergie thermique dans des centrales solaires à concentration.

Lors de cette thèse on a été confronté à une problématique issue de l’agence internationale de l’énergie qui, lorsqu’elle a fait le bilan et vu les perspectives sur la technologie solaire à concentration pour la production d’électricité, s’est rendue compte que les matériaux qu’on utilise là-dedans sont problématiques au niveau environnemental en termes de disponibilité, en termes de coût et qui fait que ça va poser problème dans le développement de ce type de technologie.

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Là on a par hasard avec un collègue eu une idée suite à une discussion avec le concepteur de ce genre de cuves et on a commencé à travailler durant la fin de cette thèse sur un matériau issu de déchets qu’on va valoriser en tant que matériau de stockage et qui va coûter beaucoup moins cher que ce que l’on met dans ces cuves et ça fait l’objet de divers projets qui ont suivi. Si je reprends cette thèse là ça a été vraiment pour répondre à une problématique d’un industriel qui est là pour l’intensification des transferts du procédé énergétique qui couple le solaire et la géothermie donc c’était une manière aussi que l’on avait en parallèle entre le laboratoire PROMES, le BRGM et une société spécialisée dans la géothermie. L’idée était d’améliorer tout ce qui se passe au niveau du sous-sol donc les sondes géothermiques et le transfert entre les sondes géothermiques et le sol. Et là on a apporté une solution qui a permis de réduire nettement la profondeur à laquelle on va installer ces sondes donc au lieu d’avoir des profondeurs typiquement de 80 à 100 mètres, on peut arriver à faire des choses de 40 à 50 mètres de profondeur pour avoir les mêmes performances à la sortie et ce qui permet aussi de coupler le solaire et la géothermie et de combiner les avantages des uns et des autres typiquement le solaire est plutôt intermittent alors que la géothermie est quelque chose de beaucoup plus lissée, beaucoup plus stable, par contre on a des puissances relatives qui sont très différentes et donc on arrive de cette façon par exemple à stocker de l’énergie dans le sous-sol pour alimenter avec un déphasage très important. Suite à ça on s’est dit mais pourquoi pas utiliser ces sondes géothermiques pour évacuer la chaleur de nos centrales électro-solaire qui doivent en évacuer, vous avez des turbines pour pouvoir produire l’électricité et ses turbines relarguent de la chaleur à température quasi ambiante. Quand on se trouve dans des régions plutôt semi désertiques où on rencontre ce genre de centrales, c’est très difficile d’évacuer


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cette chaleur et là on s’est dit mais pourquoi pas utiliser le sol pour évacuer cette chaleur et donc c’est à la suite de cette thèse qu’on a fait émerger une nouvelle problématique, une nouvelle solution à un problème, ça a été un peu profiter d’un programme pour faire émerger de nouvelles choses. Cette thèse s’est suivie d’une autre donc on a redéposé un projet ANR qui a été retoquée au premier coup parce qu’on n’arrive pas à faire comprendre, à faire passer un message, on manque un peu de pédagogie. Sur le second coup ça allait beaucoup mieux parce que l’idée c’est de réduire la consommation d’eau pour le refroidissement de ce type de centrale donc puisqu’on se trouve dans des régions plutôt semi désertiques pour ce type de procédé et c’est ce qui a fait d’ailleurs l’objet de refus pour l’installation de certaines centrales solaires aux États-Unis typiquement dans le Nevada, Las Vegas ou autre et donc pour arriver à développer ce type de centrale, il faut arriver à avoir un système de refroidissement plus efficace, moins consommateur d’eau.

On a repris l’idée précédente et on a aussi imaginé utiliser toute la surface de miroirs que l’on a pour évacuer cette chaleur vers le ciel. Au départ quand on a expliqué ça personne ne nous a compris, comment on va évacuer la chaleur par ces miroirs ? Ça peut paraître surprenant mais on arrive à faire ça et on a montré la faisabilité de cette technique donc évacuer la chaleur vers le ciel et par le sous-sol, on arrive à refroidir ce type de centrale sans consommer d’eau et ça c’est un progrès essentiel dans le domaine. Tout ça est venu d’une thèse précédente et qu’on a pu mettre en avant là-dedans. Je vous le montre ça pour voir aussi qu’un projet

n’est pas une identité propre encapsulée c’est aussi la possibilité là-dedans d’aller sur d’autres thématiques. Je reviens sur la thèse précédente où on a imaginé utiliser des matériaux issus de déchets pour en faire des matériaux de stockage ce qui permet de réduire énormément le coup de ces centrales, l’idée donc provenait d’une thèse précédente et là l’objectif de ces tests était de passer du caillou à la plaque aux matériaux vraiment optimisés pour ce genre de système. On est au-delà d’une réponse pure à un industriel, on est sur une thèse qui a pour objet de répondre à des enjeux qui sont beaucoup plus globaux, de type environnementaux ou énergétiques, donc c’est pour montrer qu’on ne va pas juste faire du pratico-pratique et répondre à une question d’un industriel mais parfois ça peut permettre d’amener des réponses à des enjeux plus globaux et je pense que dans votre domaine c’est essentiel. Vous êtes amenés à concevoir des ouvrages qui n’ont pas uniquement la fonction d’ouvrage mais vous avez des usagers, un environnement autour et on passe facilement à cette échelle, ça veut dire qu’on a des enjeux qui sont forcément beaucoup plus globaux là-dedans. Je finis sur une autre illustration qui a été une thèse encore plus proche de vos préoccupations parce que c’est à la base une réponse à un industriel mais qu’on a voulu aussi être en phase avec les enjeux sociaux économiques et environnementaux et donc c’est d’apporter une approche assez différente là-dedans, qui n’est pas purement technologique mais d’arriver à avoir un regard un peu plus profond et d’anticiper aussi ce qui va forcément arriver dans les années à venir. C’était une thèse qui était en financement CIFRE. Donc l’idée était d’optimiser les solutions pour diminuer la dépense énergétique, en particulier en période estivale, pour une maison prototype en ossature bois donc avec derrière des notions aussi bien de consommation d’énergie mais aussi d’énergie grise donc de consommation d’énergie pour –65–


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la construction du bâtiment et aussi pour sa déconstruction. Ça a amené un certain nombre d’outils pratico-pratique à l’entreprise en termes de sélection de matériaux par exemple, d’indices de performances comparés, pour pouvoir assez facilement s’orienter sur certaines familles de matériaux, pour réaliser par exemple la partie inertie thermique du bâtiment, améliorer le confort, etc. On est passé aussi dans le cas de cette thèse sur des systèmes pour faire du rafraîchissement passif avec l’utilisation de surfaces en toiture pour évacuer la chaleur, c’est ce qu’on appelle refroidissement radiatif nocturne et donc utiliser les surfaces de toits pour évacuer la chaleur de ce bâtiment et avec toujours en trame de fond la nécessité de répondre à la réduction de l’impact.

Puis on a passé un cran au-dessus où on est allé voir aussi ce qu’on pouvait mettre comme système plutôt actif là-dedans en utilisant d’autres choses. Dans la climatisation bien souvent on utilise des fluides frigorigènes qui ont un certain impact environnemental, et là on est parti sur de l’air et d’utiliser comme vecteur énergétique de l’air comprimé qui peut être produit à partir de panneaux photovoltaïques par exemple via un compresseur, stocké dans des cuves et d’arriver après, avec certains systèmes, à produire du froid pour le confort estival. On a pu montrer les intérêts qu’on pouvait avoir avec en passant sur des détecteurs énergétiques totalement différents et d’arriver, après, à proposer des solutions réelles et concrètes pour réellement intégrer ce système dans des maisons plutôt basse consommation. Tout ça pour vous montrer que c’était un projet avec une idée au départ qui s’est poursuivie 66–66–

avec des problématiques qui ont permis de faire grandir ce projet et d’aboutir à des choses qui intéressaient réellement le constructeur.

Je vais finir par illustrer aussi quelques éléments qui me semblent intéressants, qui sont émergents actuellement en relation entre le domaine dans lequel je suis et votre domaine. Je trouvais intéressant de se poser la question de comment on pouvait faire ce lien, je vous montre quelques exemples alors certains pourront reconnaître des bâtiments de l’Île de La Réunion où on a des interactions très fortes entre les éléments architecturaux qui ont été installés et leur impact sur le confort thermique et en particulier pour éviter d’utiliser de la climatisation, d’essayer d’avoir une surventilation on va dire et puis l’utilisation typiquement de la végétation dans ce type de bâtiment pour améliorer le confort thermique. D’autres exemples où on va utiliser les éléments architecturaux pour proposer d’offrir des surfaces à la production d’électricité par exemple en faire des bâtiments à énergie positive pour réduire les intrants solaires en plein été et donc de travailler sur les doubles enveloppes qui certes technologiquement peuvent être bien abouties mais qui demandent d’avoir un regard de l’architecte pour réellement pouvoir intégrer ce genre de système de façon intelligente.


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Ça peut être développer des outils d’aide à la voir comment l’écoulement d’air se fait en cas conception pour les architectes, là on le voit de vent, on va avoir une idée de comment se c’est quelque chose que vous connaissez : passent les pressions et dépressions et donc où google sketchup qui permet de simuler on pourra mettre les ouvertures pour arriver à l’ensoleillement. Vous avez la comparaison avoir de la ventilation naturelle par exemple. entre ce qui a été prévu au départ par le modèle et la réalité sur la photo en dessous donc c’est assez parlant et ça c’est des choses qui permettent assez facilement d’imaginer des éléments architecturaux vont àaussi avoir Développement d’outilsqui d’aide la conception cette fonction en termesarchitecturaux de confort du bâtiment. d’éléments

Je connais principalement l’aspect thermique où on voit apparaître les problématiques d’îlots de chaleur typiques et l’intégration de la végétation donc ça peut permettre à partir de ces outils d’avoir des outils pour mieux concevoir le bâtiment intégré dans un quartier. Autre exemple c’est d’utiliser certains algorithmes pour voir quand on va modifier la forme, quel impact ça va avoir sur, par exemple, la collecte du rayonnement solaire sur les ombrages et après proposer des gammes de solutions à l’architecte pour concevoir et imaginer son bâtiment.

Ça c’est au niveau pur bâtiment mais ça peut l’être aussi à l’échelle du quartier où on va pouvoir apporter un certain nombre d’éléments à l’architecte pour imaginer son bâtiment dans un quartier, le repositionner, lui changer sa forme pour vraiment l’intégrer, donc ici le cas d’une maquette mise en soufflerie pour

Je me suis inspiré d’un collègue qui a réalisé un certain nombre de systèmes basés sur des sondes géothermiques pour améliorer le confort thermique dans ces bâtiments et on voit de suite que ça un impact forcément sur, non seulement, la construction du bâtiment mais aussi, en amont, sur la conception de ce bâtiment puisque là vous avez un couplage atypique entre les sondes géothermiques et tous les problématiques de ventilation dans ce bâtiment. –67–


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dimensionnement issus de sciences de l’ingénieur et les problématiques que vous avez au quotidien et sur les réflexions que vous pouvez avoir lors de la conception de bâtiments ou d’un ensemble de bâtiments.

Autre exemple lié à la géothermie, quand on va commencer à vouloir implanter différents bâtiments basés sur la même ressource, on va avoir une interaction forte entre les sondes géothermiques placées dans des bâtiments qui sont voisins donc on va peut-être aller puiser de la chaleur que le voisin voulait. Pour éviter de lui prendre cette chaleur, ils vont peut-être concevoir les bâtiments à l’échelle du quartier. On sait les problématiques qui commencent à arriver et voyez que ça a forcément une influence sur l’architecture, là on va avoir une influence aussi réciproque, lorsqu’on va vouloir accéder à ces ressources énergétiques, on parle maintenant de cadastre solaire où on va orienter les bâtiments aussi pour donner plus facilement accès à l’énergie solaire, on va orienter et placer la végétation pour bénéficier des masques pour éviter la surchauffe en été mais éviter d’avoir des masques sur les panneaux solaires sur le toit des maisons et donc c’est ce qui va après induire une réflexion sur l’organisation et donc un critère supplémentaire sur l’organisation de quartier. Donc il y a une interaction très forte entre des outils purement technologiques de 68–68–

J’ai essayé de répondre à un certain nombre de questions de façon très modeste mais pour vous montrer aussi les pratiques qui sont peut-être un peu spécifiques mais avec un regard certes très techno mais très pratique, c’est ce qui fait un peu la particularité du domaine des sciences de l’ingénieur où on a toujours des applications. Ce que l’on veut aussi c’est d’arriver à impulser non pas juste une réflexion sur l’objet techno mais sur aussi l’ensemble, tenant compte des aspects environnementaux socioéconomiques et puis des aspects qui peuvent être aussi dépendant de la géographie du lieu où on veut implanter cette technologie donc à la fois avec ces derniers exemples et puis les exemples de tests que j’ai l’occasion d’encadrer, de voir que les pratiques que l’on en avait peuvent peut-être vous apporter un regard différent et partager ces éléments. Élodie Nourrigat Merci pour votre intervention et présentation et c’est vrai qu’on voit bien au travers de ce que vous avez établi, des pistes directes qui nous amèneraient à travailler ensemble. Effectivement pratique et recherche sont assez ancrées dans votre champ disciplinaire, c’est aussi pour nous une manière de se rassurer parce qu’en général on rapproche plus, et on l’a vu hier, la dimension sciences architecturales et sciences sociales. Il y a des choses qu’on a l’impression d’inventer alors qu’il y a des choses qui existent depuis un certain temps dans d’autres disciplines donc inspirons-nous en travaillant ensemble et c’est vrai que notamment au travers des derniers exemples que vous avez montré on voit très


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bien, comme vous le dites, autant la partie compétences techniques et que la maîtrise des dispositifs. C’est vrai qu’on se dit en tant qu’architecte qu’il y a aussi des dispositifs architecturaux qui favorisent ou défavorisent ces questions environnementales auxquelles tous on va être amené à être confronté. Il faut savoir comment les gens vivent aussi et quels espaces on leur donne à vivre au-delà du fait et on le sait aujourd’hui avec l’arrivée de la RT 2020 où les bâtiments vont devoir être eux-mêmes producteurs d’énergie puisqu’on dépasse le stade du passif, il ne faut pas oublier qu’effectivement au-delà de rendre les bâtiments comme des piles électriques, il y a des gens qui vont habiter dedans, et comment en associant nos compétences on peut produire des espaces où il fait bon vivre et qui répondent aussi à tous nos engagements environnementaux ? Donc merci pour cette présentation.

Élodie Nourrigat Merci en tous les cas, ce sera un plaisir effectivement comme vous le dites, si on fait baisser le coût énergétique, il ne faut pas que les habitants se sentent mal donc on va essayer de travailler, d’intégrer l’indice du bonheur et de trouver de nouveaux indices. Merci de votre venue.

Regis Olives On a une approche c’est vrai très ancrée sur le côté environnemental on parlait de RT 2020 et c’est aussi la prise en compte de l’énergie qui va falloir pour construire le bâtiment en regard de ce qu’il va nécessiter et de ce qu’il va peut-être produire mais ça c’est purement technologique, l’essentiel c’est quand même l’humain au milieu, qui va y vivre, qui va y passer du temps. Je pense que quand on commence à aborder ces aspects aussi sciences humaines de façon générale, on commence à l’intégrer dans nos modèles pour éviter de proposer des solutions qui ne sont pas viables, qui ne sont pas du tout intéressantes et on préfère proposer des solutions que l’on va réellement implanter plutôt que des solutions peut-être technologiquement super intéressantes mais qui n’ont aucun intérêt humainement. Donc c’est aussi ce que l’on vient rechercher quand on va travailler avec vous sur ce genre d’aspects.

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Photos : 1 // Logements au Mont Hacho - Ceuta, Espagne, 1999. 2 // Partageons l’eau - Saragosse - Espagne 2006. 3 // Projet de 145 logements - ZAC Clichy- Batignolles - Paris 4 // Logements rue des Poissonniers - Gausa + Raveau Architectes - NBJ Architectes - Paris 2010.

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Manuel GAUSA ..........................................................

Manuel Gausa Architecte, Pr. et Dr École Doctorale en Architecture UNIGE, Gênes, Italie

R épon dant : Jérôme Lafo n d - Arc h it e c t e , M C F .A. E N SA M , me mb re H I T L a b

Membre fondateur de l’agence Gausa+Raveau actarquitectura et de la maison d’édition Actar Editorial, Manuel Gausa est un architecte catalan articulant sa production entre théorie et pratique. Ainsi, il s’implique dans les champs de la production architecturale et urbaine, de l’enseignement, de l’édition, des expositions et des recherches prospectives et critiques sur la ville contemporaine. Il définit son travail comme une série d’expériences et de propositions qui favorisent la configuration et la redéfinition de l‘espace contemporain ainsi

que sa connexion avec les nouvelles conditions formelles, sociales, techniques, économiques et environnementales composant les métropoles d’aujourd’hui. Son engagement dans le processus de recherche se traduit par son implication dans la publication de nombreux ouvrages, il a été rédacteur en chef de la revue « Quadrens d’Architectura i Urbanism » de 1985 à 1991 et fondateur du groupe « Metapolis » qui vise à développer de nouveaux outils de recherche pour l’architecture et le territoire. Il a également pris part à la création de l’IAAC - institut avancé d’architecture de –71–


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Catalogne - dont il a été le Dean de 2012 à 2015. Manuel Gausa, s’investit également dans l’enseignement. Après avoir été professeur à l’ESTAB-UPC de Barcelone et directeur du programme « Architectures avancées et villes digitales » de la fondation polytechnique de Catalogne, il devient professeur titulaire et directeur de l’école doctorale en architecture de l’université de Gênes. Enfin, l’agence Gausa+Raveau Actarquitectura a livré récemment un projet de 145 logements dans la ZAC Clichy Batignolles à Paris.

Jacques et Élodie, il y a déjà quelques années, la dimension culturelle de l’architecture était vraiment très importante. Depuis toujours j’ai pensé que l’architecture faisait partie de l’univers culturel et j’ai des gros problèmes avec le mot recherche parce que depuis toujours j’ai pensé que l’architecture (l’architecture innovante) était liée à une certaine idée de recherche en commun.

Manuel Gausa Celebrating Architecture, enjoying research : a multiformat project ou une nouvelle architecture pour une nouvelle logique... COMPLI-CITÉS Tout d’abord merci. Je suis un assidu de Montpellier et de ce symposium qui pour moi représente toujours partager des beaux instants avec des amis : évidemment Jacques, Élodie, merci Alain aussi pour votre sens de l’ironie, je l’aime beaucoup. Il paraît que les français ont l’esprit, les anglais l’humour et les espagnols le sarcasme… enfin l’important c’est de percevoir la réalité et de la revoir ensemble. J’aime être entre des amis. Je crois en une certaine idéologie mais cette idéologie aujourd’hui se fait par des complicités et parfois – si on sait lire entre les lignes – on peut, plus ou moins, repérer certaines cohérences ou mieux, conséquences convergentes : des lignes d’action qui se croisent et se retrouvent ; on peut repérer certaines interprétations partagées, certaines expériences relationnelles, certaines formes de comprendre le projet architectural, le projet urbain, les nouveaux challenges, etc. Je crois que le Symposium, Métropoles du Sud et évidemment le nouveau groupe de recherche HITLab ont une grande complicité avec beaucoup de choses que nous avons tâché – à Barcelone – d’impulser depuis longtemps. C’est vrai que quand nous nous sommes connus avec 72–72–

Je me rappelle quand nous, un jeune groupe d’architectes de Barcelone, avons fondé la ESARQ-UIC, la première école privée d’Architecture de Barcelone : un collègue de la Direction Collégiale que nous avions mise en place me disait toujours « il faut faire plus de recherche Manuel, il faut faire plus de recherche ». – Mais bien sûr ! je répondais : ce qui nous a pousser à fonder ce centre a été la recherche…. le besoin d’innover notre pratique, notre profession, notre pensée, notre logique… dans


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ce nouvel âge qui s’ouvre à des nouveaux paradigmes ; nous tâchons de chercher et de transmettre de nouvelles règles et des nouvelles façons de faire… – « mais non Manuel…. Moi je parle de recherche scientifique et toi tu parles d’exploration ; moi je parle de recherche officielle, nationale ou européenne et toi tu parles de recherche culturelle » Et c’était peut être vrai : moi je parlais d’explorer un nouveau monde et mon ami parlait de faire de la recherche institutionnelle, au sens de la recherche scientifique, du doctorat, des appels officiels, etc. Pour une école qui était en train de naître, évidemment la Recherche, avec R majuscule, était quelque chose de très important. Moi je dois dire que cette duplicité du mot recherche, avec tous ses synonymes, exploration, investigation, pourquoi pas engagement, prospection, a provoqué toujours une situation un peu floue : je me suis, disons, un peu basculé entre plusieurs de ces interprétations et donc sûrement mon intervention aura aussi quelque air de ce genre. RECHERCHE ET EXPLORATION 1990 Je suis d’une génération qui maintenant commence à avoir déjà 60 ans (et ça m’embête terriblement !) très liée aux années 90 où – en pleine postmodernité ou post-postmodernité – nous avons compris qu’un changement incroyable dans notre environnement socioculturel était en cours, et en particulier dans la ville mais aussi dans nos propres outils de travail et d’approche au projet ; un changement dans les territoires de relation ; un changement dans nos scénarios de vie ; un changement lié à la logique de nouvelles formes d’organisation, aux propres géométries de nos espaces urbains ; à une nouvelle pensée, en définitive, liée à l’avènement de l’information et une nouvelle

capacité d’interagir avec un nouveau univers matériel/logiciel propre de l’âge digital. Et cette combinaison information/interaction (information non pas uniquement comme donnée reçue mais comme donnée « inter-active ») annonçait une révolution qui se prolonge encore aujourd’hui, mais très embryonnaire à ce moment ; nous avions 30 ans et nous étions formés dans des écoles qui pensaient encore au mouvement moderne (et même à la composition classique ou rétro-classique, ergo postmoderne) et cet avènement d’une nouvelle logique qui était liée à la capacité de travailler avec des ordinateurs personnels et des softwares, inouïs jusqu’á ce moment, avec les premiers laptops et les premiers systèmes windows ou les premiers systèmes personnels de manipulation logicielle avaient quelque chose d’absolument révolutionnaires qui germinaient précisément aux années 90. Tout à coup nous sommes capables de comprendre que la ville n’est plus une ville-forme mais une ville-système : un système dynamique, non linéaire ; un système de relations et d´interactions entre couches d´informations et réseaux de relations/interactions : virtuel, matériel et immatériel à la fois. Tout à coup nous comprenons que la Ville (cette ville « référentielle » qui avait marqué les générations précédentes) est quelque chose de beaucoup plus complexe et dynamique : une n-Ville, une multi-ville ; que les anciennes conditions de l’architecture (stabilité, positions fixes, ordres composés, processus linéaires) allaient se substituer par des conditions plus dynamiques, évolutives, hétérogènes, impures, interactives) ; les géométries fermées allaient laisser la place à des géométries plus ouvertes et irrégulières : les modèles linéaires à des modèles non linéaires ; les ordres formels à des ordres informationnels ; les formes « alignées » à des formes agencées. Dans ce premier moment beaucoup d’entre –73–


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nous ont tâché de comprendre ce nouveau Plan de Bataille qui s’ouvrait devant ces nouvelles circonstances. Pratiquer, Faire, Parler, Réfléchir, Diffuser. Tout un nouveau monde en Espagne, en France, aux États Unis, etc., (Élodie, Jacques, vous connaissez bien ce moment avec vos activités avec Champ Libre) a essayé d’analyser avec des formats plus ou moins conventionnels, les clés émergentes de ce nouveau temps : Quand à nous (quand je dis nous, je parle des plusieurs intégrants du groupe Métapolis) nous avons travaillé dès la revue Quaderns, nous avons fondé la maison d’éditions Actar et nous avons impulsé plusieurs publications toujours collectives et fondées sur le projet (Housing, Operative Optimism, Architecture Aujourd’hui Géograhie, HyperCatalunya, etc, et surtout le Dictionnaire Métapolis de l’Architecture Avancée dont les mots clés étaient dynamicité, complexité, transversalité, diversité, mixité, interactivité, Responsivité, etc) : la grande révolution était liée à cette idée de complexité, de simultanéité d’informations en relation qui étaient capables d’interagir ; ces mots n’étaient pas les mots du monde moderne, ni du monde postmoderne (ni du monde classique) : c’était les mots d’un nouveau monde plus complexe relié à la capacité d’interagir avec l’information. Evidemment tout cela a crée des « rébellions substantielles » dans notre capacité de comprendre l’architecture (il y a toujours eu cette idée de rébellion dans les avant-gardes) : l’ordre informationnel n’était plus un ordre contrôleur mais un ordre agencé ; la forme n’était plus une forme composée mais formulée ; l’idée d’organisation devenait beaucoup plus souple ; les structures n’étaient plus des structures figées mais adaptables et différentielles ; les géométries devenaient des topologies ; Cet univers de changements « indisciplinés » était celui qui méritait d’être exploré et tout une décade (celle des 74–74–

années 90) s’est basée sur une idée de la recherche liée à cette idée d’exploration en cours : exploration de nouvelles capacités, de nouvelles aventures de pensées projectives où l’idée de composition linéaire classique – substituée pendant presque tout le XXème siècle par l’idée de position neo-linéaire moderne– laissait la place à un nouveau facteur (l’information dans l’espace-temps) associé à l’idée de disposition/dispositif ouverte, capable de répondre à une nouvelle logique non linéaire. Et toute cette nouvelle aventure avait besoin d’un autre genre de Regard : un regard holistique et particulier, lointain et proche à la fois ; global et local ; virtuel et matériel ; pur et impur ; linéaire et non linéaire. Opératif et paradoxal (parce qu’évidemment quand on multiplie la capacité d’interagir entre informations, les systèmes dynamiques créent des paradoxes et donc des situations anti-typologiques, « impures »). Voilà une bonne nouvelle : nous sommes impurs : bons et mauvais, beaux et laids, idéalistes et pragmatiques, conceptuels et matériels, singuliers et pluriels, surfaces légères et volumes denses, en même temps ; nous sommes capables de penser de façon


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beaucoup plus tolérante, beaucoup plus ouverte ; pas éclectique mais souple, beaucoup plus adaptable à des situations plus complexes. Alors tous les Grandes Vérités de la Discipline Architecturale commencent à bousculer : il fallait regarder, voir, parler et agir avec des nouvelles clés. La génération de cette époque a cette volonté de voir, de faire, de parler, de diffuser, de communiquer, d’explorer ce monde avec une recherche très liée à cette idée – comme je vous disait – d’exploration : production, diffusion, transmission, communication, faisaient partie d’une nouvelle bataille idéologique en cours destinée à expliquer cette nouvelle logique de pensée informationnelle, digitale, transversale, complexe, avancée (dans le sens de l’action, de l’avancement, de l’anticipation, de la prospection, de la recherche aussi) ; une bataille contre une certaine inertie du monde académique, du monde politique, du monde de la recherche officielle, du monde aussi des commandes ; de ce monde encore très lié aux paradigmes antérieurs. RECHERCHE ET PRODUCTION Une nouvelle pratique, une nouvelle production, s’ouvrait devant nous ; un projet innovant est aussi (et surtout) recherche… quand il tâche d’expliquer tout un nouveau univers de potentiels, de visions, de stratégies converties en formulations spatiales. Une nouvelle logique opérationnelle et une nouvelle génération tâchait de comprendre les potentiels de cette nouvelle aventure culturelle, spatiale, environnementale, et surtout sociotechnologique et de les convertir en projet : un projet capable de synthétiser des systèmes multiples : ville, architecture, environnement, société et nouveaux dispositifs, nouveaux instruments associés aux nouveaux paradigmes liés à cette révolution. En 1990 apparaissent les premiers logiciels

GIS ; le scan arrive en 93 (nous les utilisons aujourd’hui de façon naturelle mais c’était des nouveaux outils qui permettaient de voir, de comprendre, d’analyser, espaces, villes et territoires à partir de données multi-couche et des séquences de compréhension. Photoshop se diffuse en 91, un modèle graphique qui devient un instrument de manipulation formelle : ces premiers softwares nous donnent des nouveaux instruments qui permettent de créer de nouvelles architectures ; de comprendre des géométries qui pouvaient topologiquement être déformées, adaptées ; de créer de nouveaux maillages qui travaillent avec des nouvelles formulations spatiales beaucoup plus souples, beaucoup moins figées, beaucoup plus liquides – si vous voulez – beaucoup plus adaptatives d’un côté, et fluctuantes de l’autre. Les architectes qui étions intéressés à ces recherches nous voulions essayer toutes ses possibilités liées à une certaine idée/idéologie nouvelle, de géométrie, d’organisation, de fluctuation, d’hybridation, d’accouplement entre ville et paysage, paysage et infrastructures, territoire et architectures ; logiques très liées à la capacité de créer des couches complexes (paysages, architectures, infrastructures, villes) dans tous les sens. L’idée de diagramme et d’idéogramme comme concept stratégique multi-niveau, la capacité de voir la ville de façon systémique mais pas puriste, l’abstraction compressive (synthétique) face à la l’abstraction dépurative (essentialiste) moderne, seraient les clés d’une certaine génétique architecturale nouvelle et innovante à la fois. Cette première grande époque de recherche/ exploration allait être très liée à l’idée de complexité, et de transversalité. L’idée immédiate de penser que si la ville était un système complexe, un système hybride et impur (avec des géométries absolument irrégulières associées à des situations irrégulières à la fois), les projets pouvaient peut-être créer des –75–


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résonances entre échelles diverses avec des rôles symbiotiques (en synergie) constituaient une première phase d’approche à la logique systémique informationnelle (j’ai écrit un livre, Open, Space, Time and Information, qui tâche d’expliquer cette première période d’exploration). Un deuxième moment fascinant allait être celui d’explorer une nouvelle capacité de travail liée à l’irrégularité, à la discontinuité : un nouveau genre de configurations, de géométries, de formulations et d’approches où le concept de paysage (comme surface active plus que comme espace botanique) commence à être très important (un vide lié au plein, pas un vide résiduel, mais un vide enchevêtré dans des géométries dendritiques, rhizomatiques, fractales : la capacité de travailler avec vide et plein en même temps, se rencontre dans l’architecture, dans la ville et aussi dans un territoire perçu comme une mosaïque maillée plus que comme un patchwork ou accumulation de fragments. Des « lieux et entre lieux » entrelacés par des systèmes souples déclinés entre paysage, ville et matrices de liaison. Plusieurs projets internationaux reflètent cette époque : à Barcelone ce moment devient assez important pour nous, pour le groupe Métapolis, un collectif initialement de 20 architectes qui se mettent d’accord pour faire une grande exposition et expliquer des nouvelles idées, des nouvelles stratégies pour la ville de Barcelone (des idées, des concepts plus que des noms). Communiquer avec les citoyens, sortir de l’école et des milieux traditionnels professionnels (à l’époque j’étais professeur à l’ETSAB et directeur de la revue Quaderns) unissaient des acteurs qui avaient des inquiétudes culturelles innovantes reflétées dans une exposition performative et un livre un peu iconoclaste, hétérodoxe (Barcelona Métapolis 2.0, Actar 1998) avec des images qui n’étaient pas des illustrations mais des stratégies visuelles. Je parlais dans les paragraphes précédents de 76–76–

cette capacité de visualiser : les architectes nous visualisons, parfois nous illustrons notre projet, mais surtout, quand il s’agît d’architectes impliqués avec la recherche, nous visualisons des stratégies spatiales. Des stratégies visualisées, pour ainsi dire, où une infrastructure peut générer de nouveaux paysages opérationnels où une ville peut être aussi une géographie, où une surface peut être un volume, etc. Evidemment là réside notre faiblesse parce que nos collègues scientifiques – physiques, ingénieurs environnementaux, géographes, etc.– font des rapports et des calculs mesurables et nous nous ajoutons des images de synthèse (dans tous les sens) qui immédiatement peuvent être critiquées. Une image crée immédiatement une espèce de choc mental, un plan/réaction mental… et nous nous travaillons avec ça. En tout cas, c’est une époque où Greg Lynn, Markos Novak, Karl Tschu, Neil Denari, commencent à travailler aux États-Unis avec des logiciels issus de l’industrie des jeux-vidéos et des effets spéciaux des films, liés à une nouvelle génétique de la forme ; en Europe, en Espagne, c’est une époque plus liée à une nouvelle stratégie de la forme, plus liée au matériel plus qu’au virtuel. L’idée de lier ville et nature, nouveaux logiciels et environnement est une notion très présente à l’époque. Mais aussi la volonté de comprimer la complexité dans des « plans de bataille », des diagrammes évolutifs capables de se transformer de façon ouverte mais capables aussi de conserver une information stratégique (conceptuellement stratégique) de base : diagrammes ou idéogrammes pas comme des croquis (formes schématiques) mais comme des inducteurs adaptables et évolutifs (formulations génétiques). RECHERCHE ET DIFFUSION L’autre grand champ de bataille de la recherche,


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comme je vous annonçais précédemment, serait celui de la diffusion des idées innovantes : cette équation recherche = diffusion était à l’époque très lointaine des actuelles contraintes pseudoscientifiques (indexation, peer reviews, listes de revues notables, etc.). La recherche liée à une certaine idéologie ou avant-garde culturelle se faisait par la complicité d’expériences en résonance avec une idée d’expérimentation commune. Et dans ces premiers moment la diffusion entendue comme communication était très importante et il fallait la changer : en Espagne il y avait tout un réseau de nouvelles publications multi-format (revues, fanzines, manifestes, etc.) qui tâchaient d’expliquer ce nouveau monde. En France Archilab a joué un grand rôle. Le plus grand projet pour nous a été le Dictionnaire The Metapolis Dictionary of Advanced Architecture (Actar, 2003) qui était une espèce de manifeste hybride en format classique (encyclopédique) avec des mots-clés liés à cette recherche en cours.

En

même

temps

que

nous

faisions

ce

dictionnaire collectif nous pensions qu’il fallait IS le célébrer avec les gens loin des traditionnelles Metapolis, Barcelona 1998 présentations des livres académiques ou des

livres cultistes : nous pensions à des formats expérientiels, événementiels, à des espaces de

célébration avec les personnes (et à Montpellier vous avez été des pionniers aussi avec le Festival des Architectures Vives, les activités de Champ Libre, etc.) : communiquer la créativité avec des format capables d’être célébré par/avec les citoyens. RECHERCHE ET TRANSMISSION Mais immédiatement nous avons compris aussi qu’il y avait un challenge obligé, lié à la transmission des idées, liée à l’idée d’école comme laboratoire : il fallait faire de la recherche, mais il fallait la faire « ensemble », avec des jeunes énergies, avec des nouveaux acteurs et des nouvelles forces émergentes ; une idée d’école capable de créer des « associés de recherche », une école où le professeur serait plus qu’un « maître », un responsable, collaborateur à la fois, associé avec des élèves qui voudraient apprendre – évidemment – mais apprendre en cherchant ensemble (apprendre et, en même temps, non seulement recevoir des instructions mais aussi s’engager dans des expérimentations, des inductions, des questions, des doutes…). Alors avec beaucoup des acteurs réunis autour de Métapolis nous avons voulu forcer cette nouvelle situation de recherche partagée, concrétisée en « format école ». Les grandes écoles traditionnelles de Barcelone (ETSAB et ETSAV) étaient très figées au « bien faire » du projet-design. L’aventure était presque impossible et moi, personnellement, j’étais un privilégié car j’étais professeur à l’ETSAB (la grande école publique de Barcelone). Cependant l’émergence en Espagne, à la fin des années 90, des écoles privées a permis à ces 25 architectes – qui avaient été capables de s’unir et de créer une exposition, un livre et surtout, un nouveau débat socio-politique, d’être à la base de la fondation d’un nouveau centre associé à une université privée, la première à Barcelone (l’ESARQ-UIC) : maintenant il y en plusieurs mais –77–


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à l’époque c’était la première université privée et cette situation n’a pas été facile à cause de la prééminence et le prestige de l’école publique et des liens confessionnels de l’ESARQ-UIC. Cependant nous avons eu pendant les premières années une énorme liberté et (avec ce groupe fondateur décidemment jeune) les grandes recherches étaient très liées à la qualité de projets très liés aux notions de complexité, de dynamicité, de diversité et à l’émergence de nouveaux phénomènes et de nouvelles sensibilités. Toute une structure complexe de professeurs mais aussi d’experts – des chercheurs pas figés – ; de programmes flexibles, en maille, avec des cours intenses et des workshops multi-format ; de pensées multidisciplinaire (écrivains, phylosophes, scientifiques, créateurs, étaient des collaborateurs associés) ; mais aussi le cosmopolitisme combiné avec le localisme ; la combinaison de rigueur et de fraîcheur ; une innovation associée à une certaine iconoclastie générationnelle ; l’idée de croisement liée à un nouveau phénomène, les réseaux informationnels : tout cela formait la base du projet.

fondateur très lié à l’exploration d’une recherche basée sur la connectivité, la mixité et la mise en réseau.

2000.

Le projet Hi-CAT ou Hyper-Catalunya permet créer un nouveau système d’exploration prospective pour une ville géo-urbaine, ou les visions holistiques à grande échelle se combinent avec des visions architecturales que ne se présentent plus comme des des objets-commandes mais comme des processusdemandes. Des icones, oui, mais des icones comprises comme des stratégies plus que comme des « élégies ». HiCat reprend beaucoup des idées de Barcelona Met 2.0 mais d’une façon plus sophistiquée. Les échanges en réseau sont plus efficaces et les projets plus complets et travaillés. Cependant l’idée d’unir prospection, exposition, diffusion et célébration/discussion des idées continue à être la même. Presque en parallèle une autre recherche plus techno-scientifique associée au MIT de Boston

Nous arrivons maintenant aux années 2000 qui marquent une deuxième phase dans la recherche dans ce nouveau temps associé au développement d’INTERNET. Si, tel que nous l’avons signalé, le premier moment est lié à l’émergence des premiers logiciel multi couche et multi échelle, aux ordinateurs personnels, aux systèmes windows, à la capacité de surmonter la perception classique picturale, compositionnelle, mais aussi la moderne planificatrice, positionnelle, par une perception simultanée et multi-niveau, dispositionnelle, à l’idée de d’explorer une nouvelle organisation capable d’intégrer des systèmes à partir de matrices multi structurelles, l’accès à Internet marque un deuxième moment 78–78–

L’éclosion d’internet a lieu dans les années 2000 et cette capacité d’utiliser le web 2.0 et de comprendre facilement internet comme – évidemment – un moyen qui nous connecte rapidement et virtuellement, se traduit dans une certaine vision de nos villes et de nos territoires comme des systèmes en réseaux multiples, pas uniquement infrastructurels mais relationnels, qui peuvent être entrelacés et connectés à plusieurs niveaux, au delà des premiers essais d’entrelacements plus physiques. À ce moment-là les fondateurs du groupe Métapolis sommes appelés à diriger une consultation prospective liée au développement futur du territoire de la Catalogne, une consultation capable de d’enchevêtrer plusieurs systèmes, de les intégrer en réseau, à plusieurs échelles partant du territoire et arrivant à des architectures-hypothèse qui se présentaient comme des questions/visions de futur. 25 architectes internationaux sont appelés à répondre à cette aventure.


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et dirigés par Neil Gershenfield avec Vicente Guallart explore les capacités de la web 3.0 (Internet of things) pour créer des espaces de vie interconnectés en temps réel. Le projet et celui de créer une structure-habitat (une maison) capable de recevoir des informations et de les échanger elle-même dynamiquement, en changeant la propre forme, selon les sollicitations du milieu, de l’habitant et de l’environnement. Le projet est un challenge trop ambitieux et ne fonctionne pas tout à fait du point de vue de la construction réelle – au delà du concept – parce la technologie n’est pas encore perfectionnée. Mais il s’agît d’un grand prototype 1/1 qui montre des possibilités de recherche TIC.

En 2003 quelques uns d’entre nous (Vicente Guallart, Willy Muller, et moi même) nous abandonnons la UIC pour fonder l’IAAC comme un centre de recherche postgraduate. Je continue à avoir des rapports de sympathie avec l’ESARQ-UIC mais nous voulions plus de liberté erlage Institut,et de capacité d’action. Lab Boston.

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C’était le moment propice pour fonder cet TIVITY - REACTIVITY) ntation and fabrication. institut, l’IAAC, plus lié (comme vous le voyez) associated with a responsive optimization of non seulement aux ofnotions de complexité, ological capabilities and the generation nced prototypes) dynamicité et diversité mais aussi aux idées de transversalité, interactivités et de façon chaque fois plus importante à la conditions réactive et responsive de la matière ; à la capacité de celle-ci de réagir avec l’information. Un institut où l’expérimentation, la fabrication digitale, l’innovation matérielle (biomatériaux,

nanotechnologie, senseurs, etc.) marque l’agenda éducationnelle dans une espèce de grand garage capable de se transformer constamment. Le premier programme que nous avons mis en place avait une importante partie associée à la prospective urbaine (à un certain Urbanisme Avancé) issue du projet HiCAT. Une ligne qui, à cause de la volonté politique de se concentrer sur la fabrication digitale, disparaît très rapidement en 2006. C’est le moment où je pars pour Gênes et abandonne temporellement le projet IAAC . Mon intérêt de recherche se base sur la ville en synergie avec l’Architecture et le Paysage : pas seulement sur la ville territoire « vers l’extérieur » et la prospective à grande échelle – en réseau(x) – mais aussi sur la ville « vers l’intérieur » et le recyclage urbain ; la capacité de renforcer et ré-informer les systèmes urbains en liaison, de recycler, de reconnecter, de renaturaliser la ville et de favoriser les relations à tous les niveaux, entre matrices relationnelles et entre espaces relationnels. Une recherche liée à la capacité de réinventer nos villes comme des multi villes géo-info-urbaines, Analyse et synthèse, recherche et prospective, associées à une ré-information sensible et innovante à la fois (afin de conserver les valeurs référentiels et d’anticiper les possibilités futures, pas à partir de l’idée de contrôle planificateur mais à partir de l’idée de vecteur inducteur comme orientation stratégique) impulse des paris « para-stratégiques et protoesthétiques »). Dans la chaire d’Urbanisme que je dirige à Gênes (où je suis professeur dès 2008) nous travaillons avec cette notion de diversité agencée et de transversalité multi-échelle de recherche et d’interaction, intégrative, entre systèmes ; avec une approche holistique (depuis le territoire jusqu’au projet architecturale et la performance activiste). Nous n’arrivons jamais –79–


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dans mon cours jusqu’à un niveau détail 1 :1 mais jusqu’à un niveau de proto-projet associé à toute une démarche de « passage de témoins » entre territoriale, ville, paysage et architecture .

En 2016 et 2017 nous avons organisé à Gênes plusieurs symposium internationaux liés à la recherche européenne KAAU (Erasmus Alliance) où l’ENSAM de Montpellier était présente avec le groupe Métropoles du Sud et où il s’agissait de définir le concept d’ « urbanisme avancé » aujourd’hui. Montpellier travaillait sur le patrimoine et la ville, l’IAAC sur la technologie et les espaces publics et à Gênes nous avons travaillé avec la résilience et le paysage, une résilience liée aussi aux nouvelles technologies et à la capacité de travailler avec une nouvelle intelligence urbaine. Cette agenda est aussi celle du Doctorat de Recherche en Architecture et Design que je dirige à la UNIGE. Un doctorat multi-disciplinaire divisé en quatre aires thématiques (Politiques, Villes et Territoires, Théorie du Projet, Stratégies et technologies eco-systémiques, représentation et communication) et 14 lignes de recherche qui partent du projet comme base de travail commune pour explorer les défis de notre contemporanéité. RECHERCHE = INNOVATION. 2010.

ANTICIPATION

ET/OU

L’idée qu’une certaine pensée avancée est 80–80–

liée forcément à la révolution informationnelle – mais pas uniquement aux nouvelles technologies sinon, plutôt, à une nouvelle logique plus complexe, irrégulière et interactive – me convoque constamment. Cependant, en 2012, sans abandonner Gênes, je reviens à l’IAAC comme Dean et j’aperçois que cet espace de recherche anticipatrice a changé depuis que j’étais parti. Rappelons nous qu’en 2007 se lance l’I-phone avec l’éclosion des smart-phones et surtout des apps, des réseaux sociaux et des data-bases. En 2012 c’est le plein essor des smart-cities et des senseurs liés à la capacité croissante de recueillir des données grâce à l’évolution d’Internet, des apps. et des real-time data. La recherche à l’IAAC se dirige à la capacité d’interagir avec l’environnement de façon optimisatrice en prenant des datas et en les transformant en des processus performatifs, en travaillant avec des nouveaux dispositifs et de prototypes matériaux à vocation chaque fois plus réactive. La capacité d’interaction entre les dispositifs processeurs progressivement intégrés dans notre corps et une culture de nos espaces de vie et relation « augmentée » commence à être chaque fois plus évidente. Je parle, évidemment, d’une certaine Intelligence artificielle mais surtout d’une nouvelle intelligence collective. J’ai toujours été très individuel mais probablement le futur demande cette interaction croisée entre personnes, technologies d’interéchanges de communions temporelles dirigés à des buts et intérêts communautaires concrets. Comme notre propre intelligence individuelle une nouvelle intelligence collective concrétisée à travers des paramètres statistiques (majorités déterminées en temps réel) sera capable de reconnaître, relier, réagir, adapter et structurer, et changera nos habitudes pour « performer » des actions spatiales, urbaines et politiques, de façon collectivement « empathique » et « expérientielle » ; et là la parole interactivité


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plus qu’interaction prendra chaque fois plus le relais. RECHERCHE = CÉLÉBRATION Pour finir j’insiste que dans ce nouveau temps de révolution(s) en cours la communication devient aussi célébration : si une autre pensée a besoin d’un autre genre de pratiques, elle a besoin aussi d’un autre type de communication ; dans tous les grands moments de révolution des idées il y a eu la « grande fête » comme célébration des idées, comme transmission des potentiels, avec des formats multiples ou l’architecture se transformait non seulement en structure mais aussi en scénographie, en performance éphémère, en espace actif et activiste ; en carnaval, en film, en musique, etc. Le FAV par exemple a été pour nous une occasion de travailler avec cette idée géniale de permettre au patrimoine d’accueillir des performances infiltrées, pour se transformer dans des espaces de célébrations créatives et citoyennes. Nous sommes dans un temps d’exploration et évidemment de recherche mais l’architecture doit être surtout une grande aventure culturelle. La culture c’est cela : rechercher, créer et partager. La recherche actuelle liée au développement technologique exige chaque fois plus des réponses scientifiques mais elle doit se transformer aussi en une une culture qui puisse être compréhensible pour les citoyens : comme architectes nous avons cette capacité de créer une culture spatiale propre de époque, et de la transmettre par la recherche de ses propres capacités mais aussi par la célébration de ses propres idées : pour créer un nouvel espace habité « meilleur » ; une certaine idée d’habitat en résonnance avec notre propre temps. Un grand philosophe, Fernando Sabater, disait : « il y a des choses qui nous permettent de vivre,

qui nous sont nécessaires pour vivre et d’autres qui nous donnent envie de vivre » et je pense que pendant longtemps l’architecture a le devoir de combiner cette double mission : faire des espaces qui nous permettent vivre (mieux) mais aussi des espaces qui nous donnent envie de vivre (plus). Jérôme Lafond Merci beaucoup il y a quand même une créativité prolifique dans un même homme en tout cas on voulait vous remercier parce que c’était vraiment une analyse extrêmement précise sur le monde d’hier, le monde d’aujourd’hui, le monde du contemporain ou celui qui va être celui de demain. Il y a beaucoup d’étudiants dans la salle je pense qu’ils ont aimé cette idée de l’engouement que vous avez aussi à donner ou faire passer un savoir, je pense que c’est une belle leçon aussi de structuration des choses en disant que si on ne sait pas ce qu’il s’est passé hier et qu’on analyse pas ce qui se passe aujourd’hui, on ne peut pas anticiper les choses de demain. C’est une filiation que les architectes savent faire plus ou moins bien s’ils n’ont pas abandonné cette notion de projet d’architecture aussi. L’idée aussi que nous ne sommes plus renfermé dans l’objet architectural en tant que tel mais que nous avons une pensée avec l’entrelacement justement des pensées, pas que métrique, mais aussi sur la globalité du social de la technologie et de toutes les pensées qu’on peut avoir sur projet donc il y a une espèce de travail d’ouverture extrêmement importante voir illimité c’est ce qui est un peu à mon avis la problématique aussi de pouvoir raconter les choses peut-être dans un temps limité parce qu’il y a trop de choses à raconter. Je voulais vous remercier je trouve que la question que je retiens en partie c’est que la recherche est vaste, il faut se donner une méthode, un regard, une vision mais ce que je –81–


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trouve aussi dans votre exposé, ce qui est très intéressant, c’est la question de l’art information, tout ce qu’on voit aujourd’hui c’est un prétexte pour renseigner l’homme dans le monde, où il est aujourd’hui, où il sera demain et ça c’est quand même quelque chose de très important parce qu’on a l’impression, aujourd’hui que l’homme ne s’habitue pas à son monde et qu’on est soit dans une espèce d’ancrage limitée avec des pensées limitées ou soit justement dans l’inverse l’extrême vous nous montrez où on peut avoir un champ illimité et tout est possible et je trouve que montrer ça à des étudiants ou même à des jeunes architectes qui sont en cours de formation ou encore en cours d’évolution dans leurs pensées, ça donne vraiment envie de sortir d’ici, d’aller dans les ateliers, de produire des projets et de dire que tout est possible à l’échelle de l’homme dans son territoire et dans les données qu’on a aujourd’hui et qu’on aura probablement demain. Donc je voulais vraiment vous remercier parce que c’est vraiment une belle leçon de ce qui est potentiellement un lieu savoir : la recherche et puis le faire parce que on a vu que c’est possible et qu’on sait faire donc c’est la question de la pratique la recherche. Merci Manuel. Question C’est juste une petite remarque, à la fin le mot qui plaît beaucoup ici c’est créativité. Je pense que c’est essentiel dans nos métiers et je parle en tant que chercheur et c’est je pense une des plus grandes difficultés que j’ai, d’arriver à transmettre ça aux étudiants et comment vous vous arrivez à le réaliser hormis votre fort engouement et votre fort enthousiaste pour le faire ? Manuel Gausa Pour ceux qui aimons la transmission des idées et la recherche des « possibles » la relation avec 82–82–

les étudiants est toujours riche et enthousiaste. Il y a cependant deux grandes « approches » et donc deux types de professeurs. La première donne beaucoup d’importance à l’instruction : il faut faire comme ça… Il y a quelque chose d’apprentissage du métier dans tout cela. L’autre approche préfère suggérer et induire : faire extraire aux étudiants ce qu’ils veulent faire et exprimer et qu’ils ne savent pas très bien orienter : là il faut être capable de donner plus que des instructions, des orientations ouvertes…. Des horizons de recherche. Des suggestions projectuelles diverses et diversifiées. Les étudiants doivent pouvoir exprimer ce qu’ils veulent de la façon la plus libre. Ils doivent perdre la peur à l’échec. L’échec est possible : je vous ai montré dans ma conférence plusieurs échecs personnels. L’important c’est de s’impliquer dans le projet avec toute la créativité, la volonté et la sincérité. Avec toute l’intensité possible. Certaines architectures sont plus intellectuelles, d’autres plus passionnelles, d’autres plus matérielles ou structurelles. Personnellement j’aime beaucoup travailler en groupe : dans ma vie, j’ai toujours travaillé en synergie, mais pour cela la complicité est essentielle. Et l’important est de créer cette complicité. Ni compétitivité ni permissivité. Complicité et diversité. Aux étudiants je leur dis toujours « Tâchez de travailler en complicité, vous devez avoir entre vous un certain feeling si vous êtes des « rivaux internes » c’est fini ». La créativité, finalement, c’est une synergie innovante qui veut se projeter. Nous sommes des architectes : je voulais être architecte depuis que j’étais très petit : j’aimais l’idée de projet à cause de cette capacité de synthétiser création et technique, subjectivité et objectivité, rigueur et élan : de comprimer des informations, de les transformer, de les manipuler, de les reconvertir et de les visualiser


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comme des espaces créatifs : cette vision spatiale (qui est une vision synthétique mais qui parle de tout un univers de données analytiques visualisées en forme des paris expressifs, visuels, perceptifs), est notre force. Cependant, et pour finir, un grand débat s’ouvre aujourd’hui (nous l’avons chaque jour à l’IAAC), pour savoir si dans notre futur immédiat la notion de pari comme « vision ouverte » (stratégique) devra se substituer par la « visualisation » (simulation) de plusieurs scénarios optimisés et possibles, indifférents les uns des autres : possibilités liées à une certaine paramétrisation spatiale, en faisceaux multiples, sans choix « esthétiques » car il dépendront, en bonne partie, de cette intelligence collective dont nous parlions au préalable. Je n’ai pas de réponse mais je continue à défendre une certaine orientation éthique/esthétique de la création architecturale. En tout cas les architectes, j’espère, nous aurons la capacité de travailler avec le sens expressif de l’espace et la capacité de donner réponse aux questions de notre propre habitat ; sans perdre cette capacité qui est la notre.

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Photos : 1 // Bioluminescence - Luminothérapie - Montréal 2 // Exposition “Fabriquer l’Architecture” - Université de Laval - Mai à Septembre 2019 3// Pour une architecture de l’écume - Thèse doctorale 4 // Protéiforme - Exposition sur l’architecture paramétrique Montréal - 2013 84–84–


Samuel BERNIER LAVIGNE ..........................................................

Samuel Bernier Lavigne Architecte, Pr. l’École d’Architecture de l’Université de Laval Québec

R épon dante : C oline G iard i - Arc h it e c t e , At e l ie r V e c te ur

Samuel Bernier-Lavigne est professeur agrégé à l’École d’architecture de l’Université Laval, fondateur du FabLab ÉAUL et directeur du xFab. Il détient un doctorat en architecture (théorie, conception et fabrication numérique), en plus d’être récipiendaire de l’Henry Adams Medal of Honor (AIA), de la médaille de l’Institut Royal d’Architecture du Canada (IRAC), de la Bourse du Collège des Présidents (OAQ) et d’une bourse d’études supérieures du Canada Alexander-Graham-Bell (CRSNG).

Samuel a notamment travaillé pour Studio Cmmnwlth (New York), Gramazio & Kohler (ETH, Zurich), et enfin UNStudio (Amsterdam), sur de nombreux projets allant de l’échelle de l’objet à celle de l’urbain. Il a aussi effectué une résidence doctorale à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon en plus d’être diplômé de l’Architectural Association Visiting School Los Angeles. Ses recherches financées portent sur le développement des nouvelles technologies en architecture et la question de –85–


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la haute-résolution. Il collabore avec plusieurs firmes d’architecture au Québec, notamment par le biais de concours, fût commissaire de l’exposition et éditeur du catalogue « La bibliothèque d’Alfred Neumann (1900-1968) », en 2019 avec Georges Teyssot, et professeur responsable des installations architecturales du premier MNBAQ Gala en collaboration avec Shohei Shigematsu (OMA) en 2018. Ses travaux sont largement diffusés par le biais d’expositions, de publications et de conférences à travers le Canada, les États-Unis et l’Europe.

machines et ce qui permet soudainement d’ouvrir le champ des possibles au point de vue de la variation et au point de vue du « sur mesure ».

Samuel Bernier Lavigne Bonjour à tous. Un immense merci à Élodie et Jacques pour l’invitation. C’est un grand plaisir de participer à ce premier symposium HITLab, comme il a été mentionné dans l’introduction je suis professeur agrégé à l’école d’architecture de l’université de Laval à Québec et je voudrais vous entretenir sur les lignes que j’établis entre la recherche, la pratique et l’expérimentation comme étant les trois thèmes du symposium donc on verra d’abord en début de la présentation comment j’intègre ces choses à travers la création du Fablab et à travers mon enseignement pour ensuite regarder comment j’intègre ces choses là dans la recherche. La première chose que j’ai fait quand j’ai été engagé comme professeur en 2014, j’ai mis sur pied le laboratoire de fabrication numérique de l’école d’architecture. L’école était alors moins développée du côté numérique que les grandes écoles américaines ou l’IAAC, comme nous venons de le voir, il me fallait donc établir rapidement une infrastructure afin d’être en mesure de supporter l’enseignement, la recherche et l’expérimentation à venir. Donc je pense que vous êtes déjà un peu familier avec cette notion de fabrication numérique mais en fait ça permet de réaliser des objets qui sont initialement modélisés dans les logiciels 3D et de les réaliser de différentes façons dans différentes matérialités selon les différentes 86–86–

Une fraiseuse CNC va éliminer de la matière à partir d’un tout pour éventuellement réaliser l’objet et ensuite l’impression 3D qui est clairement la méthode la plus connue du grand public où on va inverser cette relation et on va fabriquer l’objet couche par couche en additionnant de la matière, donc que ce soit par exemple la poudre de plâtre qui va être solidifiée avec une tête d’impression avec colle et couleur ou éventuellement un fil de plastique surchauffé et imprimé. Je travaille aussi actuellement à faire l’acquisition de bras robotisés pour commencer à développer cette espèce de fabrication collaborative à plus grande échelle éventuellement dans le futur. Le Fablab comporte une dizaine de machines et continue de croître d’années en années, donc je suis parti d’une contrainte un peu bête quand j’ai voulu fonder le lab, l’école n’avait pas nécessairement les ressources nécessaires pour


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un petit groupe de recherche. J’ai cinq étudiants qui font des maîtrises de recherche en sciences de l’architecture pour exploiter les potentiels de ces nouvelles technologies de conception et de fabrication numérique donc, des fois, on fait de la recherche théorique dans la recherche technique et dans la recherche par projets en architecture.

engager par exemple des techniciens et tout mettre en place mais pour moi c’était vraiment important de ne pas être freiné par ça et de tout de suite me lancer donc la stratégie que j’ai adoptée a été de former des équipes étudiantes donc ils étaient quatre la première année, ils sont maintenant plus de trente à s’impliquer chaque année dans le Fablab pour éventuellement devenir les spécialistes de chacune des machines autant dans leur fonctionnement que dans leur maintien et qui servent aussi à faire le pont avec le reste de la population étudiante pour fabriquer éventuellement leurs différentes maquettes lors de l’évolution de leurs projets. Tout ça a permis de développer un sentiment d’appartenance très fort de la part des étudiants envers le Fablab qui assure sa pérennité à travers les années donc faut savoir en fait que la moyenne d’implication disons d’un étudiant c’est à peu près deux ans donc c’est généralement les années lorsque qu’ils sont master, donc un roulement très grand d’une année à l’autre dans le changement de l’équipe, ce qui fait en sorte qu’une espèce d’enseignement très continuelle est à faire pour s’assurer que tout cela fonctionne bien. Au-delà de ça, ça va générer une sorte d’engouement pour l’expérimentation et la recherche chez les étudiants c’est donc ce qui m’a amené éventuellement a créer l’année dernière xFab qui est une filière de recherche création et d’expérimentation architecturale alliée avec le Fablab et donc maintenant c’est

Donc avant de passer à la partie plus recherche, je vais vous montrer quelques exemples rapidement de l’intégration du numérique dans l’enseignement grâce à l’implantation du Fablab. L’enseignement numérique à l’école d’architecture débute par mon cours que j’ai fondé en deuxième année qui s’intitule « Introduction à la conception numérique » et qui explore à la fois la brève histoire du numérique en architecture mais aussi c’est un cours où les étudiants vont apprendre à maîtriser les différents outils de modélisation numérique et paramétrique mais aussi éventuellement ils vont explorer les outils de rendu sur des machines de fabrication. Donc le premier contact que j’effectue entre les étudiants et ces technologies se passe à travers l’idée d’une remodélisation de bâtiments numériques existants pour qu’ils puissent être en mesure de s’immerger dans les possibilités de l’outil sans forcément se prendre les pieds dans la conception, les problèmes conceptuels et donc ça fait en sorte aussi qu’ils arrivent à comprendre assez rapidement les qualités possibles donc la production des maquettes fabriquées numériquement. J’enseigne aussi le numérique à la maîtrise en architecture de la manière dont ça fonctionne à Québec, c’est à dire qu’on a des concentrations à la maîtrise donc les étudiants ont à choisir par exemple le projet urbain, le projet habitat et culture numérique ect… c’est donc dans la concentration numérique qu’on pose des projets donc vraiment à travers l’idée de recherche création et on essaie de développer les projets d’un peu plus grandes envergures. À l’été 2017, j’ai été contacté par la directrice du Musée National des Beaux-Arts du Québec pour mettre en place un projet collaboratif avec mes étudiants de maîtrise pour le tout –87–


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premier gala philanthropique du MNBA et donc l’idée était de poursuivre un peu la vague philanthropique qui avait mené éventuellement la réalisation de ce nouveau bâtiment qui est le pavillon Pierre Lassonde qui a été réalisé par Shohei Shigematsu de OMA à New York. Donc pour les étudiants c’est l’occasion de réaliser éventuellement un projet d’architecture éphémère à l’échelle 1:1 et de collaborer avec une grande institution qu’est le Musée National des Beaux-Arts et aussi de collaborer avec son architecte qui vient tout juste de terminer le MET Gala et de reprendre cette logique-là bien sûr à plus petite échelle et collaborer aussi avec un grand nombre d’intervenants dans le milieu artistique. Le musée souhaitait une série d’installations éphémères qui allait ponctuer donc le parcours des philanthropes lors du déroulement de la soirée du gala et donc comme premier exercice pédagogique ils ont du faire de la recherche d’idées dans l’atelier, je leur ai fait faire ce que j’appelle une purge conceptuelle, c’est à dire que dans un court laps de temps les étudiants avaient à sortir littéralement 100 idées, de les mettre sur la table et ensuite de les analyser, les critiquer et les confronter, pour ensuite créer quatre équipes dans l’atelier et faire un concours en interne.

Donc de ces 100 idées ont émergé quatre concepts qui étaient beaucoup basés sur une idée de l’expérience sensorielle des matériaux, on partait nécessairement avec un budget assez limité donc il y avait déjà une logique de réalisation très concrète. On voit par exemple les matériaux qui étaient 88–88–

mis en avant, on a soit un film miroir, soit des fins voiles transparents, soit des films dichroïques qui filtrent la lumière et qui la diffusent avec certaines couleurs, et éventuellement des éléments gonflés tout ça était bien sûr organisé en forme, en espace et en structure selon les outils paramétriques et numériques. On voit en fait aussi une série d’étapes qui allaient évoluer dans la séquence spatiale de la soirée. On entrait dans le pavillon central donc l’ancien pavillon du musée pour ensuite passer dans le tunnel qui nous mène au nouveau pavillon pour arriver dans cet escalier monumental et pour finir la soirée dans le grand hall avec la réception donc ça c’était les quatre concepts. Il y a eu une première critique intermédiaire qui s’est déroulée dans les bureaux de OMA à New York. Lors de notre voyage d’étude, les étudiants ont dû présenter devant l’architecte du projet dans lequel ils vont faire un projet, c’est toujours quand même quelque chose d’assez intéressant à voir. Tous les intervenants se sont réunis pour discuter, tester et éprouver l’ensemble des quatre projets et donc le jury a permis de déterminer les gagnants qui auront ensuite la chance de réaliser leur installation dans le musée le soir du gala. L’équipe du projet gagnant est composée de trois étudiants qui sont venus en Erasmus à Montpellier en 2016 - 2017 donc vous avez bien poursuivi leur formation. Ils proposaient de jouer avec cette idée du film miroir pour exprimer en fait l’œuvre philanthropique à travers le froissement graduelle de cette matière donc en passant d’un reflet personnel où ça représente le don vers l’œuvre philanthropique éventuellement à créer une espèce de pièce maîtresse qui à l’avenir englobe cet escalier monumental du musée donc créé une sorte d’écrin autour de cet escalier qui correspond soudainement à l’œuvre collective qui émerge en fait de l’ensemble des gestes philanthropiques donc on ne voit plus le reflet personnel, on voit une espèce de reflet flou où on sent que la collectivité a pris le dessus sur le don personnel et en fait tout ce qui était la structure était définie par des assemblages assez simples de matériaux commun avec des


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montants d’aluminium, où le positionnement des poinçons horizontaux était défini de façon paramétrique avec les outils numériques pour obtenir l’effet désiré. Donc à partir du moment où les gagnants furent déterminés, l’ensemble de l’atelier a fusionné en une sorte de méga équipe pour développer les aspects plus techniques : autant les dessins d’atelier que la production de prototypes à différentes échelles jusqu’à l’échelle 1:1 pour s’assurer que tout ça pouvait être éventuellement réalisé, testé et amélioré pour réduire le nombre de surprises en chantier. Bien que tout ça peut avoir l’air assez simple à réaliser on a découvert un peu sur place que ça reste assez complexe de construire quelque chose dans un environnement aussi pur et aussi prestigieux qu’un musée et surtout quand il faut s’assurer qu’une fois que l’installation est enlevée on y laisse aucune trace donc c’est quelque chose qui a été quand même assez complexe à gérer. Il fallait aussi gérer le fait que le musée restait ouvert pendant la construction c’est quand même quelque chose de pas si facile que ça mais au final on a tout de même mené le projet à bien. L’extérieur de l’écrin de la boîte on voulait qu’il englobe l’escalier qui est complètement en miroir, si vous voulez la spatialité qui avait été initialement prévue par l’architecte où il voulait un escalier complètement ouvert sur leur art, sur l’extérieur et là soudainement on va venir fermer, c’est comme si on venait isoler cet élément architectural là et le magnifier au point de vue de la puissance architectural. Ensuite on se trouve dans le passage souterrain de l’ancien pavillon, au nouveau pavillon qui était en fait la deuxième étape, si vous voulez, dans le parcours philanthropique de la soirée où il est suspendu cette espèce de film miroir comme ça où à chaque fois que quelqu’un passait et qui venait ça se déformait créant un espèce de froissement métallique en construisant et déconstruisant les reflets des gens qui passaient et ça générait aussi une série de reflets de la lumière sur l’architecture et donc tout ça devenait excessivement immersif très rapidement avec très peu d’efforts.

La deuxième partie de cette conférence aborde cette idée du thème de la recherche par la pratique, ou peut-être plus par le projet si vous voulez, qui sont à la fois des produits concours et des propositions de projets qui viennent par des contrats de recherche et voire même éventuellement d’exploration qui sont plus spéculatives et théoriques afin d’approfondir certains sujets de recherche. Je débute avec un premier projet de concours donc qui est intitulé fields of gold qui est développé en 2015 en collaboration avec Etienne Bernier architectes que certains d’entre vous connaissent bien et donc c’est un concours pour les paysages en dialogue à Québec, c’est un projet qui s’est mérité une mention du jury. Le point de départ était un peu cette fascination pour certaines œuvres de William Turner qui arrive à faire d’incroyables reconstruction du paysage à travers son médium donc pour Turner ce n’est pas nécessairement d’essayer de peindre selon les règles de l’art de son époque mais essayer plutôt de peindre ce qu’il voyait c’est à dire les éléments, les lumières, le vide et c’est un peu le défi qu’on s’était donné pour la conception de notre projet c’est à dire de construire avec ces éléments donc lumière, horizon, ciel, berges, eau, etc… pour entraîner les visiteurs à redécouvrir le paysage existant par une expérience multi sensorielle et spatiale.

On voit ici une image qui représente un peu la vue –89–


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du site que l’on avait donc une vue panoramique définitivement déformée mais bien sûr qui donnait ce rapport aux berges et au fleuve très présent donc là on est à marée basse si vous voulez, on avait rapidement compris en fait qu’il y a un accent particulier qui se dégageait de l’interaction entre la végétation des berges et la lumière du soleil qui nous rappelait un peu ces atmosphères des tableaux de Turner et on voulait donc par la mise en forme de cette relation architecturale déstabiliser, si vous voulez, le regard, la perception du passant pour l’amener à se construire son propre paysage et en l’éloignant des certitudes acquises parce que c’est un paysage qu’il voit tous les jours et la routine nous amène à perdre un peu de cette magie donc on essaie de ramener ça dans le projet. Le programme du concours était de proposer des belvédères pour redonner éventuellement accès à l’eau au grand public. Le belvédère proposé dans notre cas s’insérait dans l’Anse Cap rouge, sur une fine pointe de terrain qui s’avance dans le fleuve… Où les visiteurs étaient appelés à suivre cette enveloppe qui émerge du sol, pour graduellement découvrir des vues sur le Tracel (infrastructure ferroviaire très connue à Québec), ensuite une vue sur les ponts de la ville, puis sur le Fleuve et le paysage naturel environnant. L’organisation du projet génère un espace de transitions à travers une descente topographique intérieure qui nous mène au bord de l’eau. Celle-ci est recouverte d’une enveloppe poreuse, laissant graduellement apparaitre les vues.

Et donc, une grande partie du travail a été mis 90–90–

sur cette enveloppe poreuse, au point du développement de la recherche à les outils numériques donc elle vient partiellement l’horizon en s’ouvrant à des rotations paramétriques.

de vue travers révéler travers

Ça implique en fait que l’enveloppe de ce pavillon-là est subdivisée à travers une série de panneaux qui sont tous à la même largeur mais avec une hauteur variable, leur rotation est aussi variable selon s’il y a quelque chose à voir. On prend possession de ces outils là pour éventuellement jouer sur les perceptions de l’espace et il y avait tout un travail aussi au point de vue de la finition et des panneaux à travers 6 degrés de réflexion différents donc quand le panneau était à l’horizontale y avait une espèce de réflexion parfaitement miroir et plus il est en rotation plus on retrouvait les qualités des peintures de Turner à travers le jeu de cette réflexion.

Une fois à l’intérieur, l’architecture propose aux visiteurs de se construire ce nouveau paysage mental de l’environnement qui l’entoure et l’interstice qui est générée à travers ce jeu paramétrique de la façade entraine justement la lumière à pénétrer à l’intérieur et crée une série d’atmosphères à travers les ombres qui sont projetées sur cette topographie qui nous mène éventuellement à la descente à l’eau. Et donc tout ce flou visait à stimuler si vous voulez l’imagination du visiteur en faisant appel bien sûr à ses émotions afin qu’il puisse éventuellement se laisser flotter dans les champs dorés qui mènent sur le bord du fleuve Saint-Laurent. Le deuxième projet est né d’une collaboration de recherche qui s’est fait avec mon collègue Gianpiero Moretti qui est professeur à l’école


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d’architecture et deux collègues ingénieurs qui enseignent à l’université de Laval : Lucas Sorelli et David Conciatori. La ville nous a contacté en nous offrant un contrat de recherche pour réfléchir à une esquisse d’une passerelle piétonne et cycliste qui mettrait en avant les possibilités du béton fibré ultra haute performance donc une matérialité que je pense vous connaissez bien ici avec le pont de Chelsea et la gare de tgv.

D’un point de vue urbain on cherchait à connecter le quartier Limoilou avec un nouvel éco quartier qui prenait naissance dans ce parc au centre de l’image, une connexion qui se faisait par le prolongement d’une des rues en passerelle survolant la rivière saint Charles. Bien qu’à première vue ça peut sembler un peu contre intuitif que de développer une passerelle en bfup pour un éco quartier nous faisons la démonstration que sur le long terme l’utilisation d’une telle matérialité est très juste entre autres par des analyses de cycle de vie approfondie. Notre collègue spécialiste en la matière, exprimait qu’il est difficile mettre une date de péremption sur une structure de bfup, puisque c’est un matériau qui semble presque éternel de par sa résistante structurale et sa nonporosité qui le protège des intempéries (une caractéristique qui est super importante dans un climat comme celui de Québec où l’on a plusieurs périodes gel-dégel par année). Donc la stratégie architecturale suivait aussi cette voie plus écologique en tentant de minimiser l’utilisation de la matière pour arriver éventuellement à réaliser la passerelle donc j’ai

mis en place une sorte de boucle rétroactive entre l’architecture et l’ingénierie en mettant sur pied un modèle paramétrique capable de se modifier selon les efforts. Donc on débute avec une forme initiale c’est à dire le design de l’architecte si vous voulez à laquelle on venait appliquer une distribution des charges pour ensuite analyser la répartition des efforts dans la forme et éventuellement venir modifier la topologie de la structure à travers un jeu de perforation donc d’élimination de la matière et là on recrée cette boucle une deuxième fois, une troisième fois, jusqu’à temps qu’on obtienne une structure qui est à la fois performante pour l’ingénieur et à la fois intéressante pour l’architecte. Avec une analyse par éléments finis du champ des contraintes et la déformation exagérée du comportement structural, qui nous a mené peu à peu à utiliser une logique de subdivision pour venir ajuster, de façon itérative et locale, les membrures dans les losanges principaux, afin de mieux s’adapter aux besoins structuraux, tout en conservant une cohérence dans l’ensemble du projet. Donc tout ça résulte en un long tube dont la paroi en treillis se subdivise pour devenir une sorte de fin tressage de bfup blanc et dont l’arrimage sur les deux rives permettait de redonner l’accès à la rivière aux citoyens. C’est quelque chose qui était souhaité depuis très longtemps là dans la ville et la passerelle connecte aussi les deux pistes cyclables qui vont sur le long des berges ce qui permet une augmentation de la porosité et la connexion urbaine d’un quartier à l’autre qui est quelque chose qui manque définitivement de ce point de vue-là. À l’intérieur, ce même motif nous permettait aussi de filtrer, bien sûr, la lumière et de nous amener à découvrir de superbes vues sur la ville de Québec, on est rendu au centre de cette rivière et on sent aussi une certaine inspiration des ponts couverts qui étaient quelque chose qui nous inspirait beaucoup à ce moment. Ce sont des ponts qu’on retrouve dans plusieurs villages au Québec, c’est né d’une logique de protection des intempéries. Ce qui est quand même somme toute incroyable à travers cette –91–


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idée du bfup structurale c’est qu’on avait une portée de 55 mètres à faire et on était en mesure de limiter l’épaisseur de la structure à 10 cm d’épaisseur dans son treillis principal et 5 cm dans la subdivision interne qui est cette espèce de double peau qui vient simplement fusionner à travers le premier treillis.

Alors que le projet suit actuellement son cours avec les instances municipales, entre-temps j’ai été invité à joindre le CRIB (Centre de recherche sur les infrastructures en béton - regroupement de 5 Universités au Québec) afin de poursuivre le développement technique des coffrages pouvant réaliser cette passerelle. Je poursuis donc le développement d’une idée de recherche qui avait été mise en place lorsque j’étais à l’ETH chez Gramazio & Kohler - celle des coffrages complexes réutilisables grâce à l’usinage de formes en cire industrielle. On voit le fonctionnement qui est assez simple donc par cette séquence d’image il suffit de fabriquer si vous voulez par fraisage CNC, l’inverse de la forme modélisée dans une cire industrielle, l’utiliser comme forme dans le coffrage, couler de béton ou bfup, décoffrer, faire fondre la cire pour la réutiliser dans un nouveau bloc, puis ensuite recommencer. J’ai une étudiante qui exploite en fait ces possibilités et comment on arrive à définir cette technique de fabrication, comment on arrive aussi à comprendre comment la cire se comporte à travers la fabrication, le coulage et la réutilisation. On teste présentement des qualités de surface possible avec différentes transpositions de forme, de motifs, de textures et voir comment les traces, qui sont laissées 92–92–

par l’outil lors de la fabrication, affectent ou pas le résultat et comment on peut transposer cette logique-là à une plus grande échelle, à l’échelle 1:1, pour arriver éventuellement à construire cette passerelle donc on n’est pas encore nécessairement arrivé au résultat parfait mais le projet évolue quand même assez bien et on remarque aussi tout l’effort qui est mis en place lors de la fabrication pour récupérer tous les déchets, une espèce de grande bâche de plastique sur lequel la cire est déposée pour s’assurer que toutes les copeaux qui soient ensuite réutilisés donc fondus et réintégrés dans la fabrication. On arrive à générer une fabrication de coffrages qui est presque sans déchet. En parallèle des projets que vous venez de voir, qui sont un peu plus collaboratifs et concrets, j’ai des recherches qui sont un peu plus spéculatives et théoriques de l’autre côté qui me permettent d’explorer en profondeur certains termes sans forcément avoir des contraintes très déterminées mais plutôt une sorte de terrain de jeu de la recherche, qui me permet de tester des idées. Ça rejoint un peu ce que Abraham Flexner (père de l’Institute for Advanced Studies de Princeton) écrivait dans son fameux texte «The Usefullness of Useless Knowledge», c’est-à-dire de se permettre de prendre le temps d’explorer certaines avenues dont la finalité est loin d’être connue – un peu comme faire de la recherche fondamentale… parce que l’on ne sait jamais ce qui y sera découvert, et comment cela pourra éventuellement venir informer des recherches qui sont plus appliquées, un jour. Donc, la prochaine série d’images présente un projet de recherche sur l’objet architectural (à la limite de l’objet artistique) que je viens tout juste de terminer. Depuis ma thèse de doctorat en 2014 je m’intéresse beaucoup à l’idée de l’optimisation topologique donc c’est ce qu’on voit ici c’est un processus algorithmique qui permet un calcul de la répartition des charges dans un objet et qui vient éliminer graduellement la matière pour n’en conserver qu’un minimum pour que l’objet


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puisse arriver à tenir.

Donc bien que ce processus-là soit d’une puissance quand même inouïe il génère en fait habituellement des géométries au maillage assez complexe mais qui reste toujours une sorte de même langage très fluide comme on peut le voir aussi ici et j’ai donc essayé d’explorer ce potentiel à travers une méthode de conception de quatre objets qui sont à la fois similaires et à la fois différents, déposés sur des socles en dialogue avec l’objet.

Le premier explorait simplement les qualités formelles et spatiales, l’optimisation topologique pure. L’ensemble de ces objets sont inspirés de petits monolithes - dont la forme angulaire avant optimisation émerge d’un processus algorithmique de réduction géométrique graduel, par soustraction booléenne multiple... et chaque objet final tire profit d’une méthode d’impression spécifique – ici, une impression en nylon, précise et résistante.

Pour les trois autres objets le but était de réfléchir à une série de systèmes qui seraient éventuellement capables d’intégrer ces données structurales et de les exprimer autrement donc un peu comme il avait été fait dans la passerelle en bfup mais à une toute autre échelle en abordant un deuxième thème qui est celui de la haute résolution dans la conception donc vous savez maintenant quand on utilise un outil de conception numérique qu’on peut arriver à modéliser quelque chose d’une précision extrême mais c’est toujours sa matérialisation qui reste un petit peu plus complexe et donc je voulais essayer de pousser ou de repousser les limites des différences d’imprimantes 3D pour aller voir jusqu’où on peut aller chercher cette précision et cette haute résolution dans l’expression et voir ce qui pourrait éventuellement ressortir à travers une série d’objets.

On voit ici un système de voxels qui sont des pixels 3D donc extrêmement précis qui mesurent à peu près 1 millimètre par 1 millimètre et qui s’extrudent de l’objet selon s’ils doivent participer ou non à la structure donc une première optimisation topologique qui est performée sur l’objet et ensuite il y a un algorithme de géolocalisation qui est capable de comprendre le positionnement du voxel par rapport à la distribution des charges. Tout ce qui est blanc est l’élément le plus extrudé, le plus solide, le plus massif et nécessairement ça lui a donné aussi son espèce de coloris qui est appliqué ensuite à travers l’impression 3D en poudre de plâtre. –93–


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Ce troisième objet enfin intègre les flux structuraux au travers d’un monolithe donc on voit assez bien l’élément de base qui est très angulaire cette fois ci, il est transparent et lisse à l’extérieur, extrêmement travaillé de l’intérieur ce qui m’amène à qualifier ce projet ou cette série d’objets : de l’objet champ, c’est une réflexion qui émerge de l’histoire du numérique donc de l’interaction entre cette idée de l’objet et cette idée du champ plus large et donc cette fois ci l’idée des différents flux structuraux ne vient pas nécessairement influencer la forme mais bien la matérialisation de cet objet par une intégration dans un objet qui est prédéterminé donc autonome initialement. La base exprime ce rapport particulier qu’a chaque objet avec le champ de force environnant.

informations formelles extérieures de l’objet et les flux structuraux pour se matérialiser dans une dentelle extrêmement fine, à travers l’organisation complexe d’éléments linéaires simples, où chaque membrure ne fait que 0.5 mm d’épaisseur.

Sa matérialisation en résine translucide le rend encore plus évanescent. Ici, l’algorithme développé remplace la forme de base par un système cartésien où les membrures verticales définissent les limites de cette forme, alors que le positionnement des membrures horizontales est dicté selon les résultats de l’optimisation topologique, en suivant une boucle itérative de plus de 8500 loops. Ce qui vient littéralement générer sa matérialisation.

C’est comme si ces informations d’optimisation structurales c’étaient en fait dissoutes dans la conception pour réapparaître de façon un peu plus fantomatique dans sa matérialisation ce qui se fait par un travail d’épaississement de la surface intérieure et une impression 3D par stéréolithographie avec une résine qui est extrêmement transparente donc on se rapproche d’un objet presque de glace plutôt qu’un objet imprimé en plastique. Le dernier objet décompose à la fois les 94–94–

Donc ces projets m’ont aussi amené à explorer d’autres possibilités des machines de fabrication numérique que ce pourquoi elles ont été initialement conçues. Ici par exemple, il s’agit d’une fraiseuse au CNC sur laquelle on a développé une espèce de prothèse pour y joindre un crayon et on commence à dessiner numériquement les différentes résultantes du projet en traçant les lignes fournies par le modèle 3D. Les résultats sont quand même assez fascinants, comme on peut s’y attendre il y a une


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sorte d’hyper précision dans la directionalité de la ligne, bien sûr c’est la machine qui la trace mais comme c’est une machine qui en fait est pas très subtile, c’est une machine d’usine qui fait beaucoup de vibrations, on retrouve cette espèce de tremblement presque de la main dans le dessin et donc on s’éloigne de cette impression pour arriver à retrouver quelque chose d’étrangement familier à travers cette texture qui est somme toute assez riche dans le travail du dessin.

Ce projet est présentement exposé à Québec donc si jamais vous passez par-là cet été vous êtes les bienvenus à voir ça. Cette image en fait va vous permettre de mieux comprendre les formes angulaires d’où tout cela émerge et l’échelle de ces objets d’à peu près 25 cm de hauteur. Je termine en fait avec la dernière partie de la conférence qui portera sur ce que j’appelle la recherche sur la pratique. J’ai toujours été fasciné par les différentes méthodes de conception que certains architectes arrivent à mettre en place dans leurs pratiques et à développer mais en fait j’utilise un peu ma position académique c’est à dire un peu hors de cette pratique là pour me permettre certaines incursion dans l’œuvre éventuellement de quelqu’un pour mieux comprendre le processus, puis éventuellement le contexte dans lequel l’œuvre s’inscrit donc qui est parfois un contexte historique parfois théorique des fois conceptuel et naturel. Je débute ici avec le projet des chambres blanches, un projet que j’ai fait en collaboration

avec l’atelier Pierre Thibault, donc Pierre si jamais tu veux intervenir libre à toi, dans une exposition où j’étais le commissaire.

Donc dès le début c’était très clair pour nous qu’on abordait ce projet là comme étant une sorte d’expérimentation créative en laboratoire. Le but était, en quelque sorte, de distiller puis isoler les qualités des architectures de l’Atelier Pierre Thibault, pas nécessairement pour créer un descriptif très précis, mais plutôt pour en développer une compréhension approfondie, qui mènerait à la création d’architectures simples… où ces caractéristiques arriveraient à s’exprimer de façon singulière et individuelle. Donc, chaque expérimentation créative résultait en un objet spatial, matérialisant une qualité précise. On pourrait parler des résultats comme des petites architectures absolues pas dans le sens de la pureté mais bien dans le sens de leur expression au point de vue de leur autonomie au point de vue d’un objet comme étant un objet maintenant isolé autonome. Ces projets isolés s’expriment à certains moments par des gestes formels simples (le plan, la boîte, la pente, la tour), d’autres fois par des caractéristiques spatiales (contraction, ouverture, gradation, massivité, légèreté), et même, à l’occasion, par des actions (monter, regarder, entendre, se coucher, se faufiler, grimper). La démarche prend une forte cohérence à travers l’itération progressive, où chaque idée se précise et se bonifie par une sorte d’évolution. Les interventions isolées commencent à dialoguer par regroupement si vous voulez donc un dialogue par juxtaposition et on obtient une –95–


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collection de chambres blanches. L’exposition a été fait en 2015 aux jardins de Métis en Gaspésie où le dispositif d’exposition amenait à se plonger littéralement dans les détails de la maquette. Au-delà de ces maquettes certaines chambres blanches ont été sélectionnées pour ensuite être réalisées dans l’environnement naturel presque vierge du parc la rivière Métis. L’actualisation de la maquette en installation architecturale conditionne un nouveau cycle de conception et de découverte de ce que peut apporter le projet.

Par exemple ici c’était une petite chambre où on était appelé à avoir une espèce de contraction spatiale dans un environnement naturel très ouvert et là soudainement un objet artificiel qui vient, qui est comprimé, qui nous amène à s’élever dans l’espace, à avoir une vue qui était inaccessible de par la végétation et donc toute cette recherche matériel sur les détails de la menuiserie si vous voulez permet non seulement de construire cet artefact qui est à la base plus spéculatif mais vient aussi créer des dispositifs capables de produire différents effets architecturaux donc juste de rentrer dans cet environnement complètement blanc alors qu’on était entouré d’une nature luxuriante. Il y a un contraste là quand même assez intéressant à pousser et donc on se promène, on découvre par exemple sur le bord de l’eau et sur l’horizon des installations qui viennent 96–96–

complètement contraster de par leur couleur, leur forme à travers le paysage et donc ce sont des architectures qui sont assez simples mais qui sont passées d’une expérimentation en laboratoire à un petit projet implanté au milieu de la Gaspésie et qui génère ces nouveaux environnements, une sorte de contemplation très intime de la nature quelque chose qui résonne nécessairement très bien avec l’œuvre de Pierre. Finalement, le dernier projet en ce sens qui vient tout juste de se terminer à la fin avril, est «La bibliothèque d’Alfred Neumann». D’abord qui est Alfred Neumann? Il étudie dans les années 20 à l’Académie de Beaux-Arts de Vienne, d’où il provient, pour ensuite devenir un élève de Peter Behrens et d’Auguste Perret, et il est universellement connu pour ses travaux de systèmes de compactage spatial (ang. Space Packing) qui sera exprimé par sa théorie des morphologies d’agrégations modulaires. Il enseignera d’abord au Technion (Haïfa, Israël) et laissera sa marque avec ses principaux projets (en collaboration avec ses anciens étudiants Zvi Hecker et Eldar Sharon) qui incluent l’hôtel de ville de Bat Yam (1959-1963), ou les appartements Dubiner (1961-1964) en Israël. Par la suite, Alfred Neumann enseignera d’abord comme Professeur invité, puis comme professeur et directeur de maîtrise, à l’École d’Architecture de l’Université Laval à Québec, de 1962 jusqu’à sa mort en 1968.

Suite au legs de sa bibliothèque personnelle, mon collègue Georges Teyssot et moi-même


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avons mis sur pied un projet de valorisation de son œuvre. Ce projet a été catalysé par la découverte de quelques documents forts intéressants… Comme ce dessin de Neumann d’un mobilier de rangement modulaire, jamais réalisé… Ce qui nous a poussé à faire l’exposition – en réalisant un meuble inspiré du dessin… Ce meuble qui accueille les livres personnels de Neumann. Pour passer d’un dessin préliminaire à la réalisation finale du meuble, j’ai eu la chance de modéliser le tout, et continuer le travail de Neumann (ce qui est un moyen très riche de rentrer dans son œuvre) - à travers le développement des détails d’assemblages et en mettant en place un système d’éléments verticaux en plexiglas, à l’intérieur des cellules, pour à la fois mieux tenir les livres en place, et renforcer sa structure.

Comme on le voit sur cette photo de l’exposition, il y une sorte de triple mise en abîme assez intéressante, alors que le catalogue de l’exposition, intitulé La bibliothèque d’Alfred Neumann se retrouve dans le meuble de bibliothèque, avec les livres de la bibliothèque d’Alfred Neumann. Autre aspect extrêmement intéressant, l’accès à toute sa collection de livres, qui nous permet de mieux saisir d’où il vient, contextuellement parlant, par l’influence Viennoise des grandes années avec des perles rares comme ce livre d’Adolf Loos et les fameux Die Fackel de Karl Krauss. Et bien sûr sa compréhension mathématique approfondie des problèmes d’organisation spatiale complexe – avec l’important « Essai sur le Rythme » de Matila Ghyka. Un autre document d’exception, est un exemplaire du Modulor 2 dédicacé

personnellement à Alfred Neumann par Le Corbusier… Définitivement une très belle pièce de la collection. Et d’autres documents inspirant comme les diapositives avec lesquels Neumann donnait ses cours à l’École d’architecture de l’Université Laval qui deviennent de fascinants documents d’archives… et qui pour la jeune génération (dont je peux dire que je fais encore partie) est une expérience immersive incroyable que de se plonger dans l’étude minutieuse des diapositives sur une table lumineuse. Ces diapos nous permettent aussi de comprendre l’ampleur des maniements polyédriques dans le processus créatif et architectural de Neumann. Nous avons également publié un catalogue qui contient une conférence inédite de Neumann sur l’architecture de la morphologie. Et les images qui sont en fait la projection des diapositives de Neumann. On voit le Dubiner Appartment Building, en plan et une fois réalisé.

Et pour terminer, un texte de ma part intitulé : « Écumes polyédriques ; des combinaisons pré-numérique au post-paramétrique » qui explique comment Neumann et ses collègues sont à la source d’une série d’explorations d’architectures numériques basées sur les agrégations spatiales… En passant par la vague de projet utilisant l’algorithme de Voronoi, le projet Groto de Aranda Lasch qui a marqué les esprits, et voir même les explorations post-numériques très récentes de Bureau Spectacular – mais aussi des projets qui ont eu une résonnance internationale comme le Watercube à Pékin –97–


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pour les jeux Olympiques de 2008 ou plus récemment le Taichung Opéra House de Toyo Ito, qui expriment le potentiel architectural d’une telle démarche polyédrique, et comment celle-ci arrive à évoluer et s’actualiser par l’outil numérique. Merci Coline Giardi Merci beaucoup déjà pour cette présentation, c’était très riche, très varié et ça nous a permis de voir qu’au travers de cette pratique l’outil numérique permet de faire évoluer la recherche en architecture et le métier d’architecte. On peut voir ainsi que la recherche en architecture a plusieurs facettes il y a donc cet outil numérique qui permet d’expérimenter, il y a également cette pratique du métier et l’enseignement. J’aurai peut-être comme question, pour des futurs architectes, est-ce que cet outil est nécessaire ou même indispensable à la pratique actuelle du métier d’architecte ? Samuel Bernier Lavigne Bien sûr c’est un outil indispensable mais qui offre en fait différentes possibilités, c’est-à-dire que bien sûr moi j’ai fait la thèse sur l’émergence du numérique en architecture donc à travers des regards à la fois philosophiques, naturels, biologiques des systèmes complexes et comment tout ça s’intègre dans l’architecture, il y a toute une pensée derrière. Ce que j’essaie de transmettre à mes étudiants c’est que bien sûr l’outil nous permet de concrétiser cette chose mais en même temps si on n’est pas 100% dans cette conception numérique l’outil peut tout de même aider à faire énormément de choses dans une agence. J’ai eu beaucoup de mes étudiants qui vont travailler dans des agences internationales et c’est toujours l’outil qui va être mis de l’avant au niveau de l’automatisation par exemple certaines tâches sur la gestion de deux modèles assez complexes, sur les possibilités de fabriquer ces choses-là. 98–98–

Je fais tout avec cet outil maintenant ça peut bien sûr donner des formes un peu hors normes des éléments extrêmement complexes et variables en même temps, on peut à la fois l’intégrer dans des logiques hyper rigides et strictes et très minimales sur certains points donc ça peut être vu comme étant une globalité mais ça peut aussi être vu comme étant un outil qui aide à la pensée, à l’évolution de l’architecte. Florence Sarano Je voulais juste dire que ce qui apparaît clairement, pour comparer aussi avec notre école de Marseille, c’est que derrière les machines il faut des Hommes et des enseignants et que ce n’est pas juste l’outil pour faire une plus belle maquette, plus rapide, plus parfaite que celle qui serait faite à la main mais c’est aussi une réflexion derrière ces outils, sur ce qu’on veut en faire et donc l’expérimentation et la recherche sont une évidence. Vous avez mis en place aussi des moyens, vous avez parlé des réseaux, vous avez commencé en montrant le scan des étudiants qui participent et en nous montrant toutes les différentes facettes, vous nous avez montré toutes les facettes des relations entre recherche, projet et ces machines et ça c’était la première chose que je voulais dire. L’autre chose que je voulais poser comme question c’est qu’en générant un certain nombre, plus pour parler de la partie sur les volumes, vous avez du coup générer ses formes à partir de données donc c’est un énorme pouvoir par rapport à d’autres donc je pense que d’autres formes, d’autres manières, de faire du projet etc, ça peut être aussi ce qui fait peur et inquiète et dans l’usage des machines qui sont peut-être des fois aussi réduites à celui qui va savoir utiliser tout ça. Donc je pense que là aussi il y a besoin d’enseignants de recherche. Vous avez parlé par exemple du pont, il y a beaucoup de données qui sont physiques et liées à la résistance etc. Est-ce que parfois vous utilisez d’autres types de données qui seraient peut-être des données plus sensibles ou plus de l’ordre de la mécanique des forces mais sans


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dire que c’est mieux ou pas bien ? Samuel Bernier Lavigne Eventuellement quand on développe des projets dans la plus grande échelle on fait énormément d’analyses de sites avec ces outils donc ça peut être des flux urbains par exemple, en voyant la présentation de Monsieur Olives, donc ces éléments-là qui sont à la base un peu réservés à l’ingénieur, ne nous permettent de devenir, des spécialistes ça c’est clair mais on est capable de voir un peu cette logique et encore en manipulant ces données ça vient

fortune, on voit ce que ça peut faire. La première chose que vont faire les étudiants c’est faire l’inverse de ce qu’elle peut faire donc ils vont tout de suite essayer de l’amener ailleurs et donc ça n’a pas besoin, éventuellement pour avoir une sorte de d’émergence, d’avoir une infrastructure qui est très lourde simplement avec l’idée de l’imagination sur cette petite infrastructure, cette petite machine nous amène à tout de suite réfléchir un point de vue recherche et projet donc dans cette voie-là. Pierre Thibault C’est là qu’on voit que les budgets sont pas nécessairement ce qui fait qu’on arrive à aller audelà donc Samuel a cette capacité là, d’être un agrégateur des étudiants et entre eux continuer à développer et explorer, d’aller au-delà de ce que même les machines étaient prévues pour faire initialement donc je pense que par de nombreuses expositions et présentations on comprend cette démarche de recherche et les étudiants deviennent eux-mêmes je dirais presque des ambassadeurs de cette façon de faire c’est là qu’on voit que les humains derrière la machine sont encore là. Samuel Bernier Lavigne Souvent la question lorsque je présente mon cours, c’est quelle agence va m’engager pour ça ?

former à la fois la forme, l’espace, la réflexion de l’imagination de projets donc oui on essaie de viser assez large. Bien sûr personnellement les données structurelles sont l’élément dans lequel je trouve un peu plus mon compte. En fait un paramètre ça peut être n’importe quoi donc bien sûr énormément d’éléments d’information qui entrent dans ce processus-là. Sinon pour revenir dans la première partie de votre question en fait ce qui est intéressant c’est lorsqu’on achète par exemple une machine même si c’est pas une machine qui coûte une

Au Québec c’est à vous d’amener ce changement dans l’agence donc ce ne sera jamais le patron qui va dire mais il faut utiliser absolument cette nouvelle technologie. C’est souvent le jeune qui sort de l’école et qui a ces capacités qui dit mais voici ce que je peux faire avec ça et voici éventuellement comment on peut essayer de l’intégrer dans une agence.

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Photos : 1 // Shadow Cabinet - Harrison & Crist Architects 2 // Kyabram & District Health Services Health and Wellbeing Centre - Antarctica 3 // Graham CRIST - PRS. 4 // Ferrars Housing - Antarctica

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Graham CRIST ..........................................................

Graham Crist Architecte, Pr. RMIT University, Melbourne, Australie

R épon dante : C oline Gia rd i - Arc h it e c t e , At e l ie r V e c te ur

Graham Crist est un architecte basé à Melbourne, en Australie. Il est associate professor à l’école d’architecture et urbanisme de l’université RMIT, et directeur de l’atelier d’architecture « Antarctica ». Il était autrefois le directeur du programme « Master of Architecture » à Melbourne et aussi à Saigon, au Vietnam. Actuellement il est chair de la PRS Asia ; le programme de PhD par la recherche pratique dans la région asiatique. Graham a achevé son doctorat dans la même PRS programme de recherches pratiques au RMIT. Ses recherches intitulées « Sheds for Antarctica

: The Environment for Architectural Design and Practice » sont portées sur les structures d’architecture « loose-fit » et leurs capacités à s’adapter aux contextes et éventualités inconnues. Il est né en Australie Occidentale, où il a fait sa licence d’architecture et une maitrise par recherche. Pendant un sejour à Paris, il a travaillé à l’agence Mellett. La production de son agence « Antartica » se concentre sur de petites architectures publiques, surtout pour les communautés isolées et périphériques. Son projet de recherche « Supertight » va faire l’objet d’une –101–


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grande exposition au Design Hub Gallery à Melbourne en juillet. Le projet se concentre sur la valeur des espaces urbains hyper-dense, essentiellement dans les mégalopoles d’Asie. Graham Crist Bonjour à tous. Je vous remercie beaucoup pour l’invitation surtout à Élodie et Jacques, c’est un plaisir d’être ici à Montpellier et d’être invité. Mon français n’est pas parfait, je vous demanderai donc d’être compréhensif si j’ai quelques difficultés c’est la première fois que je fais ça dans cette langue et je suis vraiment anglophone. Qu’est-ce que le PRS ? Practice Research Symposium, je vais essayer de décrire et de partager les expériences du programme de PRS c’est à dire la recherche pratique doctorale au RMIT de Melbourne. C’est un programme qui essaye de reconnaître la recherche qui existe dans la pratique de l’architecture, de rejoindre la théorie et la pratique et de rendre visible les connaissances essentielles de la discipline de l’architecture. Je vais essayer d’expliquer les termes qu’on utilise souvent au RMIT les principes qui nous guident. Je ferais souvent référence à Leon Van Schaik, il a initié et a conçu ce programme, je parlerais également de ses nombreux de livres au sujet de sa recherche par le design. Il était aussi mon directeur de thèse de PhD. Je vais expliquer les termes qu’on trouve en PRS car ils ne sont pas classiques en Australie, au RMIT c’est un programme assez unique. Je vais vous montrer des études de cas du projet dans ce programme pour expliquer le contexte et le cadre de ce programme. Voici un article de ad’ (architecture design) récent, de mars 2019, de Leon Van Schaik, il emploie toujours le mot continuum, les choses qui liées les activités de l’architecte : la pratique, la théorie, le bureau etc Sa grande idée de la discipline de l’architecture est qu’on a perdu quelque chose, qu’on a oublié la connaissance unique de l’architecture qui est l’intelligence spatiale, c’est quelque chose qui est unique pour nous les architectes donc il parle toujours de Spacial Intelligence. 102 –102–

Alors ce programme existe depuis plus de 30 ans, il y a plus de 150 projets achevés vous pouvez voir beaucoup d’exemples de projets sur le site internet et actuellement il y a plus de 100 candidats au programme. Le PRS existe dans trois lieux, en Australie bien sûr mais aussi en Europe et en Asie et pour moi PRS Asia c’est mon environnement. C’est l’histoire de la création d’une communauté du monde entier et c’est pour ça qu’on a créé des programmes hors de notre pays. C’est très important de faire un comité tout près des candidats qui font de la recherche pour leur permettre de rester dans leur pays.

Il y aussi des instituts partenaires, comme je dis, c’est une communauté globale. Il y avait un grand projet ADAPTr financé par European commission pour partager, pour expliquer, pour montrer le processus du PRS et les méthodes et structures pour faire de la recherche par le design. On sait que les architectes font de la recherche sans PhD depuis longtemps et ça continue, c’est une tradition mais comme les écoles existent dans les universités c’est une question très importante de faire un PhD pour les professeurs


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et pour construire une culture de recherche. Le PhD est un instrument pour construire une culture ou construire une communauté, c’est aussi un aspect pour reconnaître la recherche en architecture à côté des autres disciplines, d’extraire, de disséminer la recherche en architecture. Chaque fois qu’il y a des projets achevés, il y a des publications de livres. Ça c’est le premier livre qui s’appelait Fin de Siècle. Ce livre est l’origine du PRS, Leon Van scheik a identifié et invité des architectes innovants dans la recherche dans la pratique pour réaliser un Master, il leur a dit « Ce que vous faites, c’est la recherche en architecture, et il faut la montrer et l’extraire ». Pour les architectes, c’était un instrument pour rendre plus claire, mieux comprendre et améliorer la pratique. Pour l’école, c’était un instrument pour reconnaitre la recherche de notre discipline à l’université.

pratiques, les étudiants peuvent choisir et c’est très important pour développer une culture de différenciation. C’est quoi la recherche ? La recherche c’est quelque chose qui produit de nouvelles connaissances, la recherche utilise aussi des connaissances pour créer de nouvelles idées, de nouvelles méthodes ou de nouveaux objets. Pour les architectes la plupart de la recherche se trouve dans la pratique du dessin, comme m’a dit un collègue « La recherche la plus importante de notre métier se passe en dehors de l’université ». Les méthodes de recherche en architecture ne correspondent ni aux méthodes scientifiques, ni aux modes et formes des sciences humaines ou de la philosophie. Il faut extraire la recherche dans la pratique elle-même. C’est important surtout à l’université où souvent la recherche fait partie du domaine des sciences. Pratiquer c’est poursuivre quelque chose pour L’origine du PRS: le développer, c’est réfléchir aux travaux afin de les améliorer. un processus qui Leon van Pratiquer Schaik a c’est identifié a une implicite. « Practice Research » et enquête invité les architectes est un mode de réflexion pour rendre explicite innovateurs pour rechercher les expériences intuitives en architecture ou en dans la pratique design. Le terme « Integrated Scholarship » décrit la connexion forte entre les activités de recherche, de pratique et d’enseignement et les projets, la théorie. Leon Van Schaik, plus récemment, a utilisé le terme des « Continnums » qui relient les connaissances, les expertises, les pratiques, les activités d’apprentissage et l’éthique. De ce point vu, la distance entre la pratique et la théorie, ou la distance entre les agences et les écoles, est tout à fait artificielle. Quand nous parlons de « Vertically Integrated Scholarship » nous essayons de lier les architectes et les étudiants à chaque étape pour valoriser la culture du design. Par exemple, nous mélangeons les étudiants de différents niveaux dans le design studio. Et en effet, les méthodes de recherche pour le PhD sont dans la même optique. Les études d’architecture jusqu’à 2008, se déroulaient dans le cadre d’un bachelor de Recherche Pratique : Practice Research Symposium RMIT Associate Professor Graham Crist Montpellier Mai 2019

Il faut aussi parler de la culture du design chez nous et sans doute de partout, l’importance de design studio, c’est l’instrument pour lier l’école et le bureau, un système de studio qui existe au RMIT et aussi dans d’autres écoles. Dans les années 70, le directeur de l’école, Graeme Gunn invitait les architectes et les praticiens a participer, c’est une structure ouverte, on peut changer chaque semestre. Ça développe une culture de différencier des

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cinq ans pour devenir architecte professionnel. Après 2008, ça a été changé, maintenant il y a trois années de Bachelor suivie de deux ans de master pour devenir architecte. Souvent dans les écoles d’architecture, les chercheurs sont des historiens en architecture ou des « building scientists », comme par exemple les chercheurs en construction, en structure, d’acoustique, d’informatique,… On trouve également de la recherche qui est au sujet du design ou pour améliorer le design mais qui n’est pas par le biais du design. Au RMIT on dit « research in the medium of design ». Si on parle de théorie en Australie on entend souvent des noms comme Deleuze, Foucault,… Des noms de philosophes et non d’architectes, comme si c’était une discipline sans sa propre théorie. Quand on pense à l’architecture, on pense souvent à une ville ou à un paysage spécifique, or les architectes portent l’espace mentale d’un lieu spécifique. Pour construire une ville d’intelligence spatiale, on doit créer une culture de la recherche par la pratique en architecture. Comment faire un PhD en architecture, The PRS Process ? Le Pratique Research Symposium est une structure et un environnement pour poursuivre

des recherches en pratique avec une communauté de praticiens de design. C’est une structure qui permet de réfléchir, de méditer et de poursuivre ses recherches dans sa pratique. Le Symposium c’est comme ce qui se déroule maintenant, c’est un week-end pour faire « peer review ». Le Symposium a lieu deux fois par an sur deux jours et c’est assez intense, on présente les progrès et on fait l’examen des recherches doctorales. On voit aussi une présentation plus formelle des progrès chaque année, deux fois par an en Asie, deux fois par an en Europe et deux fois par an à Melbourne. L’examen se déroule en trois parties. La première partie est la thèse, on dit dissertation au lieu de thèse pour le différencier de la thèse traditionnelle. La deuxième partie est l’exposition, on fait une exposition de travaux dans une galerie publique et le troisième c’est l’exégèse verbale. Ces trois parties ne sont pas la même chose mais ensemble ça constitue l’examen de recherche. Les trois parties apportent des connaissances différentes et complémentaires. Et enfin il y a le dépositaire de recherche. Il s’agit des archives de thèse, les archives en vidéo de la présentation et les travaux d’architecture (les preuves). Il faut dire qu’il y a trois choses peut-être qu’on cherche, qu’on doit trouver dans les examens. La première c’est de l’intelligence et de la connaissance dans le design. Les mots, le design et les font également Leobjets Processus du PRS: partis de l’épreuve de connaissances, sans dire un mot la recherche _La pratique de reflexion existe. structure réfléchir les idées, La _La deuxième c’estpour de différencier différencier les connaissances, se situer face aux autres et se trouver parmi les autres. Il faut trouver une unité de recherche et quelque fois contre les autres, c’est une chose nécessaire pour trouver ses recherches dans des projets qui existent déjà. La troisième est que dans chaque document on trouve un texte qui explique quelle est la contribution pour la discipline, qu’est-ce qu’on a trouvé, qu’est-ce qu’on a découvert qui contribue à la discipline ? C’est implicite mais il faut le rendre explicite. Recherche Pratique : Practice Research Symposium RMIT Associate Professor Graham Crist Montpellier Mai 2019

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Ici il s’agit d’études de cas, d’exemples de projets. Les projets d’Howard Raggatt ont transformé la culture de l’architecture à Melbourne. Il fait partie des premiers architectes à avoir fait le programme. Il a décrit et exposé le processus de composer en grand détail comme un scientifique. Il a associé ensemble les idées de l’Art, l’architecture, les sciences, la poésie, la politique, … Un autre exemple : Carey Lyon, architecte très important à Melbourne il a fait le programme deux fois, la maîtrise en 1992 et ensuite le PhD. Il est architecte du côté commercial, il est le fils d’un architecte qui dirige une grande agence commerciale. Il voulait faire une polémique autour de la ville commerciale, de la ville capitaliste. L’année dernière il a fait son PhD, il a essayé d’expliquer la vie d’un architecte en agence, il a montré le lien de la vie commerciale et de la vie d’architecte, avec notamment une exposition d’un bureau imaginaire. Il dit toujours « Ne faites jamais le design tout seul » il décrit la vie de l’équipe et non de l’individu.

: Andy Stiff qui est un cinéaste en architecture anglais et Desiree Grunewald est illustratrice en architecture Catalanne.

Je vais maintenant vous présenter mon projet. Au début de mon étude, je cherchais des bâtiments avec des qualités d’architecture qui ne sont pas raffinées, qui ne sont pas terminées mais qui peuvent évoluer, qui peuvent durer, qui peuvent exister longtemps après leurs conceptions. J’ai proposé le nom de shed pour décrire ses qualités, un shed c’est quelque chose d’inexact, qui bouge, qui est ouvert au changement et qui peut s’adapter.

Recherche Pratique : Practice Research Symposium RMIT Associate Professor Graham Crist Montpellier Mai 2019

Neville Mars était chercheur doctorant en Asie et quand il a commencé il avait déjà écrit ce livre « Chinese Dream » et en recherche doctorale il a renforcé ses idées par la réflexion du projet. Le projet s’appelle Asia Backup, il a fait une exégèse, une présentation, etc Il a expliqué qu’il avait trouvé une série de connaissances au lieu de vie asiatique et dans son livre chaque page fonctionne comme un dictionnaire au sujet de la densité extrême en Asie par exemple, les problèmes de l’urbanisme en Chine, … En ce moment il y a deux candidats au Vietnam

Recherche Pratique : Practice Research Symposium RMIT Associate Professor Graham Crist Montpellier Mai 2019

GRAHAM CRIST: SHEDS FOR ANTARCTICA 2010

En anglais le mot Shed signifie : construction dégradée. C’est aussi un verbe qui dans ce cas là veut dire jeter ce qui n’est pas nécessaire. –105–


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Pour conclure, le programme PRS est un instrument de recherches sur des projets. Mais c’est aussi un grand projet de voir et de rendre visible les modes de travail. Chacun de ces projets de doctorat sont des preuves de la recherche en architecture. Merci Coline Giardi Merci beaucoup. C’est très intéressant de voir le déroulement d’un doctorat par le design, aussi bien le déroulé de l’examen, que les différentes variétés de pratiques et d’expériences qui ont été réalisées. C’est particulièrement intéressant pour nous en France pour qui la recherche et le doctorat par la pratique n’est pas ou très peu développée donc c’était vraiment intéressant. J’ai juste une question est-ce qu’en général les doctorants sortent directement de l’école et font leur PhD ou pratiquent d’abord et reviennent ?

Souvent ils pratiquent longtemps, l’origine du problème c’est de réfléchir à la pratique qui est déjà faite. La plupart des projets de recherche au RMIT sont fait plus tard, après avoir exercé quelques années. Manuel Gausa J’ai été très intéressé d’autant plus que quand j’étais Dean à l’IAAC en 2013 j’ai connu Leon Van Schaik. À l’IAAC à ce moment là, on était très intéressé, on n’avait pas de doctorat et de fait maintenant ils continuent encore à faire des choses. Ça a été très intéressant d’abord parce que moi je crois c’est un cas exceptionnel de doctorat je sais comment vous faites mais c’est fantastique et après il y a la question que le design est dans la base du doctorat ça c’est très spécial. En Espagne une thèse de doctorat ne peut absolument pas être le projet ou le design et en Italie c’est la même chose alors c’est une lutte très compliquée. Graham Crist Je sais aussi qu’il y a de vraies hostilités contre ce programme. Elodie Nourrigat Merci de faire la présentation en français et j’ai juste une question justement comme tu dis que c’est difficilement acceptable même déjà pour des gens au sein de l’université qui sont contre ce genre de PhD : est-ce que vous avez identifié d’autres universités qui procédaient de la même manière, est ce que vous avez construit des alliances avec d’autres ? et sous quelle forme en fait se concrétisent ses alliances ? Graham Crist

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Oui ça existe avec le projet ADAPTr surtout en Angleterre. En Asie pas encore. Il y a plusieurs écoles qui ont des doctorants qui ont fait le programme et maintenant ils le continuent chez eux. En Asie c’est plus difficile je crois ça continu


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mais il n’y a pas de partenaire. Clara Mejia Merci pour la présentation je voulais simplement vous poser une question pratique comment se fait la sélection des candidats ? Graham Crist Souvent ce sont des architectes que l’on connait déjà qui sont invités. Ce n’est pas un procédé très formel, très rigide. Clara Mejia J’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’une réflexion sur leur propre travail donc il était nécessaire d’avoir exercé auparavant ? Graham Crist Oui, la pré-application c’est les travaux déjà finis, mais c’est une réflexion sur les travaux finis et sur ceux en cours.

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Photos : 1 // Le banc de Neige - Atelier Pierre Thibault. 2 // Les Jardins Flottants - Atelier Pierre Thibault. 3 // La Maison Noire - Atelier Pierre Thibault. 4 // L’atelier en Mouvement Atelier Pierre Thibault

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Pierre THIBAULT ..........................................................

PIerre Thibault Architecte, Pr. École d’Architecture de l’Université de Laval Québec

R épon dant : Jérôme Lafo n d - Arc h it e c t e , M C F .A. E N SA M , me mb re H I T L a b

Pierre Thibault est architecte, diplômé de l’Université Laval, à Québec. En 1988 il fonde l’Atelier Pierre Thibault. Il concilie ponctuellement son activité d’architecte avec celle d’enseignant à l’Université Laval et d’autres universités en Europe et aux États-Unis. Dès les années 1990, il réalise de nombreux projets d’envergure qui le distinguent au niveau international comme le Centre d’exposition de la Baie Saint-Paul (Québec) pour lequel il recevra le prix d’excellence de l’ordre des architectes du Québec.

En 1996, il est lauréat du Prix de Rome, attribué par le Conseil des Arts du Canada pour le projet du théâtre de la Dame de Cœur, réalisé en 1995. En parallèle il réalise de nombreux projets résidentiels tels que « la maison noire » ou « la résidence les abouts » sur lesquels l’expérimentation du lieu de vie devient centre de toute réflexion. Les rapports au paysage tout comme au site sont pour lui des modes de conception intrinsèques au processus de projet qu’il s’est créé. Cela se retrouve notamment dans son travail dans la –109–


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relation du bâtiment au site. Hormis l’architecture, Pierre Thibault se consacre à la question de l’occupation des territoires au travers notamment d’installations mettant en scène le rapport entre construction et lieu. Une recherche de mouvement et de dialogue qui se retrouve dans ses projets architecturaux permet l’expérimentation du lieu, sa confrontation au paysage.

Dans les vastes paysages canadiens ou bien au cœur d’une ville, l’installation permet d’établir un laboratoire expérimental entre espace et lieu. On retrouve ce travail en 2016 à l’occasion de l’événement « Passages Insolites » organisé par l’association Exmuro où l’atelier expérimente l’espace public avec son installation « Le banc des neiges » ou encore lors d’installations telles que « Territoires Habités ». Pierre Thibault Bonjour tout le monde. Merci Jacques et Élodie pour cette invitation, je reviens à Montpellier toujours avec grand plaisir surtout par une journée comme ça, incroyable, on a le goût d’y rester après les déplacements quand même un peu intenses. Merci tout le monde, on fait un voyage incroyable dans la recherche, toutes les formes de recherche, on voit que l’architecte, avec ses qualités et son énergie, est sous utilisé dans notre société, je pense que c’est formidable tout que ce qu’on a vu aujourd’hui. Alors bravo pour réunir tous ces gens, pour nous montrer cette incroyable diversité, tout en étant dans la recherche. 110 –110–

Donc effectivement on a utilisé nous plutôt le terme de recherche création à l’université, le terme nous permet de faire rentrer, si on veut, la conception comme un processus qui peut être reconnu pour des études. Le fait de travailler à différentes échelles à chaque fois, pour moi, c’est vraiment une recherche, ça prend différentes formes. Je vous présente aujourd’hui simplement un seul projet de recherche, qui est arrivé il y a quatre ans je serais venu ici, vous m’auriez parlé que j’allais faire cette recherche-là, j’en avais aucune idée. On appelle ça aussi, je dirais comme un projet qui cherche quelque part et le projet cherche je pense que ça aussi on est habitué dans cette démarche là et ça nous amène à aller plus loin. J’ai fait une petite histoire donc j’ai écrit un livre justement il y a quatre ans qui s’appelle Et si la beauté rendait heureux alors on pourrait y mettre un sous-titre, un processus créatif intéressant nous permettait de créer des meilleurs milieux de vie. J’ai expliqué à différentes échelles le processus de création avec plusieurs projets. On allait dans cinq lieux, j’étais avec un ami journaliste et à la fin on est allé passer quelques jours à Copenhague et entre autres on est allé visiter des écoles et une journée je suis allé visiter une école avec mon collègue puis le soir j’étais au restaurant à prendre un verre après une journée bien remplie, je me suis dit est-ce qu’on a rêvé il me semble que cette école là c’est l’école dont j’aurais rêvé enfant et où j’ai vu aujourd’hui tout le monde avec le sourire, j’avais presque l’impression que c’était comme une colonie de vacances. Il n’y avait pas de clôtures autour de l’école, il y avait des escaliers, on pouvait aller en classe par l’extérieur, par l’intérieur, juste à côté d’un canal, il n’y avait absolument aucune clôture. Je me suis dit, une école, ça peut être ça donc c’est ce que je disais en conclusion de mon livre. J’ai eu l’occasion à la sortie du livre de parler, et puis plusieurs m’ont posé cette question sur l’école mais ce que j’ai dit à ce moment-là c’est que c’est quand même inconcevable qu’une société comme la nôtre ait la même école depuis 50 ans donc je suis retourné voir mon école primaire un demi-siècle entre les deux et elle


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n’avait absolument pas changé, tout le monde a changé en 50 ans mais pas l’école donc je pense qu’il y a un travail sur la pédagogie qui est formidable mais c’est comme si on avait dit que l’espace, lui, devait rester rigide. Ce n’est pas possible, aujourd’hui comment veut-on susciter la créativité, la collaboration, l’échange si l’espace n’est pas un élément qui favorise ce rapport au monde ? Penser l’école de demain

lab-ecole.com

J’ai dit je vais faire le laboratoire comme un atelier dans le fond, comme un atelier qu’on fait à l’école et le thème ça va être de repenser l’école parce qu’on se rend compte à quel point l’espace induit des comportements différents. L’espace peut être bienveillant, l’espace peut nous permettre d’être plus attentif et c’est ce que l’expérience de ma vie m’avait donné même dans des simples maisons. J’ai conçu une maison il y a une quinzaine d’années pour des gens qui m’ont dit après quelques temps « mais notre vie a complètement changé depuis qu’on habite ce lieu, on est plus les mêmes personnes » ils avaient habité la maison pendant qu’elle était en construction donc ils ont découvert tout le processus de conception. C’était des gens qui s’intéressaient à l’Art contemporain, ils ont commencé à mettre des œuvres dans ce lieu et tout a changé, même leur collection parce qu’ils se sont dit « le processus est formidable, avant on regardait une œuvre comme le résultat final mais maintenant ce qui nous intéresse c’est la démarche de l’artiste pour arriver à l’œuvre ». Ils ont changé complètement, ils se sont même mis à écrire un livre sur cette collection et la pièce maîtresse de la collection c’était la maison. Ces gens-là ont créé une fondation maintenant qui devient un atelier pour artistes

donc ils accueillent des gens pour faire des présentations. Un cinéaste a commencé à s’intéresser à la maison et leur vie est devenue complètement autre chose. Ce projet de fondation c’est aussi pour inviter des enfants à venir voir des artistes qui travaillent, c’est un processus et c’est là qu’on voit l’importance de l’espace, c’est un peu ce que je disais dans le livre, pourquoi on peut le faire pour un individu pourquoi ne pourrait-on pas faire ce type d’espace pour une société, comme ces gens qui ont attendu peut-être 50 ans pour d’une certaine façon s’épanouir davantage, est-ce qu’on ne pourrait pas offrir cet épanouissement et c’est un peu ce qu’on a souhaité faire. Alors donc l’autre élément qu’on a trouvé important, c’est ce qu’on voit dans les pays scandinaves par exemple, en début de vie on donne des bonnes habitudes et on a une espérance de vie en santé plus longue. Il y avait aussi l’idée de faire en sorte qu’on favorise le fait qu’on bouge davantage et qu’il y ait un lien avec la communauté. L’autre élément qui, chez nous, n’existe pas, c’est l’alimentation donc on fait comme si on ne mangeait pas, il n’y a pas de lieu pour manger dans nos écoles donc j’ai demandé à un cuisinier qui s’implique déjà avec la tablée des chefs de faire partie du projet donc c’était l’idée d’être un peu holistique. Alors l’idée derrière ça c’est que c’est la première étape, pensez l’école de demain mais on voulait aussi réaliser les écoles et ensuite pouvoir mesurer ce qu’on avait modifié dans le programme de l’école. On a eu la possibilité de faire cette école donc on va véritablement la construire. Donc la démarche sera différente, elle va pouvoir être plus exigeante. On en voulait 7, on a eu 40 demandes donc déjà on était étonné, même le ministère disait qu’il n’était pas sûr que les gens aillent dans un lab. Alors pour chacune des écoles on a souhaité avoir, bien sûr, des parents des élèves, du personnel enseignant, on voulait des gens du quartier donc on a créé pour chacune de ces écoles un comité école. Au niveau de l’échéancier de notre laboratoire, il y a eu la recherche et l’exploration de novembre –111–


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à septembre, j’ai eu de la chance de travailler avec mon collègue Samuel Bernier Lavigne, il a été avec nous pendant plusieurs mois, au moment crucial du début. On a choisi une structure qui est peu fréquente, même chez nous, pour ce laboratoire. Au lieu d’en faire un laboratoire strictement universitaire, on a décidé d’en faire un laboratoire qui était comme une entité autonome donc l’argent est donné à ce laboratoire-là qui a son propre conseil d’administration. À ce moment-là dans notre système nous si on reçoit de l’argent avec le programme universitaire, il y a un très grand pourcentage qui va à l’université alors on a dit on va essayer une autre formule bien sûr la grande majorité des gens qui sont dans le laboratoire sont des étudiants, des jeunes diplômés mais ça nous laissait aussi une plus grande latitude. J’expliquerai un peu plus la recherche exploration qu’on a fait, on est dans l’accompagnement et la planification parce qu’on a cette école, on a créé les comités école et on a défini pour chacune des écoles des programmes spécifiques donc on en a une à Montréal, une à Québec, une à Gatineau, dans des villages, etc et on a voulu aussi être le plus représentatif possible c’est à dire la Penser de demainneuves est moitié de l’école constructions et la moitié de disponible sur notre site web reconversions d’écoles existantes. au lab-ecole.com

Ensuite nous avons commencé la conception et la construction suivie de l’ouverture et l’évaluation des projets, comme on dit on peut se tromper y a peut-être une école où on aurait mis plus d’emphase sur un des composants et elle n’aura pas eu les retombées escomptées, il y aura une efficience qui va se dégager. La recherche création je l’ai fait comme un prélat 112 –112–

dans mon atelier donc avant de concevoir le lab je suis allé voir le directeur que vous connaissez bien, je lui dis que j’aimerais faire comme un prix laboratoire donc j’aurai besoin bien sûr d’étudiants en architecture mais j’aurais aussi besoin d’étudiants en pédagogie pour qu’ils puissent, dans le cadre de l’atelier, être les intervenants. On avait besoin de répondants, de professeurs qui s’intéressent à cette problématique-là. Ils ont créé un cours donc on avait des étudiants en pédagogie et un cours qui était offert pour la formation. On a formé des équipes avec des étudiants pédagogique et des étudiants en architecture et j’ai demandé aussi qu’au lieu d’avoir un simple atelier, d’avoir un double atelier pour avoir aussi une masse critique là et il y avait déjà beaucoup de demandes de la pédagogie donc à ce moment je prends un corpus qui était assez intéressant. Comme dans tout on est allé voir les meilleures pratiques et meilleurs exemples. Des personnes du lab sont allées voir, on a donc documenté des bons exemples et dans le cas de mon propre atelier les étudiants sont allés au Japon pour aller voir aussi des exemples japonais mais c’est incroyable de voir tout ce que 30 étudiants en architecture avec 30 étudiants à pédagogie ont fait en l’espace d’une session. J’ai dès le départ pris la trame si on veut qui allait servir à porter la recherche dans mon atelier pour voir si elle apportait les résultats escomptés donc on a décidé de diviser l’école en fragments. On s’est dit qu’est-ce que c’est la classe ? Donc les équipes travaillaient sur la classe, quels sont les espaces pour bouger, la cour de récréation c’est un autre élément donc on a découpé, on a voulu comme recréer d’une certaine façon un nouveau dictionnaire même peut-être une encyclopédie parce que pour la classe n’y avait pas simplement une proposition mais il y en avait plusieurs. Alors donc on a décomposé ces fragments : les espace de transition, l’environnement de la classe, l’environnement partagé, les espaces extérieurs. Comme on l’avait fait déjà dans l’atelier, on a gardé cette même méthodologie, on a travaillé


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en maquettes donc pour pouvoir bien comparer de la recherche à la création donc on crée à chaque fois à partir des meilleures pratiques. Alors vous en avez plusieurs où on montrait des façons de modifier. Bien sûr il y a eu la visite, comme je le disais tout à l’heure, des écoles Recherche : assemblages à l’étranger, on est allé voir aussi les écoles au Québec, malheureusement, on n’a pas eu beaucoup de bons exemples. Mise en relation itérative Mise en relation différents fragements de l’école afin de faire ressortir les qualités spatiales et relationnelles

L’agora des saveurs

La bibliothèque linéaire

Le noyau alimentaire

Les saisons sportives

La cour et le préau

Autour de la cour

Nous on s’est concentré sur les écoles primaires alors on a organisé aussi des sessions de workshops où on a fait en sorte d’inviter pour l’étude de ces fragments là toute la communauté dont on a parlé tantôt, les élèves étaient là, les professeurs étaient là. Je me rappelais ma classe quand on est un élève de 10 ans et que ça fait déjà 4 ans qu’il est en classe tous les jours, on lui parle de sa classe, il répond instantanément sur ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas. Alors on a vu que rapidement il y a des modèles de classe qui satisfaisaient une grande majorité, il y avait aussi l’idée de les faire coïncider avec les pédagogies innovantes qu’actuellement on essaie d’initier mais qui ne sont pas faciles à initier dans une classe où ni l’espace ni le mobilier ne nous prédisposent à le faire. On a donc, pour comprendre notre processus, fait des capsules qu’on a mis sur le web pour montrer aussi toute la démarche. Tous ces gens-là c’était comme s’ils découvraient complètement un nouvel environnement. Ce qui est important aussi, on a fait la recherche par rapport aux études qui existaient et c’est là qu’on voit qu’on était dans une logique quantitative où on se dit : on a tant de mètres carrés et on a tant d’argent au mètre carré et on ne déroge pas de cette règle même si on sait qu’on offre un espace optimal. On a par exemple une étude qui montre que dans des conditions optimales, on réduit par exemple, le décrochage

scolaire d’une façon énorme. Les danois parlent comme si on avait un professeur assistant c’est à dire que tout le monde a de l’espace et est bienveillant ce qui prédispose l’élève à être dans les bonnes conditions et le professeur aussi, donc c’est là qu’on voit que ce n’est pas juste de faire un bâtiment à zéro énergie s’il est zéro agréable on a tout raté. Alors je pense que c’est l’idée de maximiser la capacité attractive de l’école et c’est ce qu’on a vu dans les bons exemples que l’école même souvent ne s’arrête pas à 16 heures où ça devient un hub communautaire ou le soir la fin de semaine c’est tellement agréable que pour bien des enfants c’est le lieu le plus agréable pour eux où ils sont les bienvenus. On a regardé aussi toute la littérature et les études sur le fait de bouger, alors là aussi c’est extrêmement éloquent, les enfants qui bougent sont mieux concentrés et moi c’est ce qui m’a étonné, en faisant la comparaison, en visitant énormément d’écoles avec différents types de pédagogies, c’est comment si on obligeait des enfants de sept ou huit ans à être immobiles pendant six heures dans une journée. Vous imaginez quand vous ouvrez la porte quand c’est fini c’est comme un élastique qui était tendu puis là ils n’en peuvent plus, même aujourd’hui pour nous adultes être pendant six heures ainsi c’est quasiment impossible. Tandis que dans une école avec la pédagogie différenciée, on voit des enfants qui sont sur des citations, d’autres sont en train de lire, un autre fait du jardinage, un qui prépare la nourriture donc les enfants sont dans toutes sortes de positions, il y en a qui sont assis à terre pour faire tout. Alors il y a l’entraide qui est là, on a des espaces de collaboration, on est dans un autre univers complètement. Je suis retourné dans cette école au mois de février j’ai dit au directeur excusez-moi tout me semble parfait est-ce que vous avez préparé tout le monde, il m’a dit venez n’importe quand, en plus l’école n’est même pas fermée n’importe qui peut rentrer dans l’école donc j’y suis retourné, il y a cette même joie de vivre donc avec l’espace mais on a quand même un gradin dehors, à l’intérieur des grandes tables où on peut manger mais qui deviennent des espaces de collaboration en d’autres moments. –113–


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La littérature était aussi pour l’alimentation c’est la même chose selon le type de nourriture que mange les enfants, s’ils ont pris trop de sucre, ils sont surexcités. J’avais trouvé aussi intéressant de voir des élèves de 10 ans qui sortaient de la cuisine, je leur ai demandé mais vous faites quoi dans la cuisine, ils ont répondu « c’est ma semaine cuisine ». C’est à dire pendant cette semaine-là ils sont dégagés pour faire la cuisine à tour de rôle donc un enfant qui arrive à la fin du primaire il est complètement autonome. Ils ont un jardin où ils ont cultivé, ils ont appris e : fragments que bouger c’est bien pour eux, bien s’alimenter c’était bien pour eux. Ce qu’on remarque dans ces sociétés là c’est que le budget de la santé et le budget de l’éducation sont les mêmes. Alors nts fragmentés Exploration spatiale Questionner les modèles existantsc’est et proposerdeux des espaces d’apprentissage que chez nous fois plus à la santé qui favorisent l’innovation et la créativité qu’à l’éducation. L’espace pour manger

La circulation autour d’un coeur

La classe

Le vestiaire sous le gradin

Le laboratoire a été envahi de maquettes de toutes sortes de propositions et ensuite on a fait aussi la deuxième étape c’était les assemblages. En les faisant on crée aussi des univers différents et comment parfois des combinaisons nous semblaient tout de suite porteuse. C’était assez fascinant de voir l’espace qu’on a appelé l’anti classe donc au centre on a à ce moment-là la serre, la cuisine, les petits gradins donc chaque niveau à la possibilité d’avoir ces espaces qui sont partagés et qui sont aussi reliés à un groupe d’âge parce qu’on a tendance chez nous à faire des écoles trop grandes donc au moins si on les regroupe sur des noyaux comme ça ils ont leurs entrées particulières et ils peuvent cohabiter de façon plus saine. Alors on a aussi regardé toutes les typologies bien sûr qui existaient. Nous on a qu’un seul 114 –114–

modèle depuis 50 ans : on fait un corridor avec des classes de chaque côté sans se poser de questions, c’était celui en terme semblet-il de mètres carrés qui convenait. Alors on a regardé d’autres modèles et c’est ce qu’on a fait aussi avec les écoles donc on se retrouve avec des programmes pour nos écoles avec des diversités de typologie pour montrer qu’il y a des avantages aussi. Dans la campagne, le type pavillonnaire est plus indiqué, en ville le cœur central superposé, et c’est là qu’on voit qu’en s’accompagnant de gens qui n’étaient pas du tout sensibilisés à l’architecture, ils pouvaient avoir des réponses qui étaient très pertinentes à la nécessité de leur communauté. Tout le travail depuis un an et demi on allait le rendre disponible bien sûr, on fait sept écoles mais il y en a beaucoup à réaménager, on va au moins donner ces recherches, on a reçu de l’argent du ministère d’éducation. Alors sur ces faits la majorité des éditions des étudiants en architecture, plusieurs étaient des étudiants de mon atelier qui sont entrés au lab et on a trouvé une formule pour le laboratoire : les étudiants n’étaient pas là temps plein mais ils pouvaient venir, on avait comme concentré le mardi donc une très longue journée. Le vendredi on pouvait avoir soit des jeunes architectes qui avaient fini et qui étaient dans des agences qui pouvaient venir travailler soit on avait des étudiants de la maîtrise. Ce qui permet d’avoir aussi je dirais une espèce de vitalité et une capacité si on avait voulu demander à une agence de faire autant de maquettes avec le budget qu’on avait on n’y serait pas arrivé mais il y a eu une espèce d’énergie incroyable dans cette dynamique du laboratoire. On a dit il y a douze incontournables pour montrer qu’il y a des éléments qui n’étaient pas là actuellement dans nos écoles. On parle d’abord de l’échelle humaine de l’école on a eu tendance à être trop, je suis allé visiter une école primaire de 1500 enfants c’est impensable et on voulait qu’elle soit ouverte à l’extérieur aussi pour la communauté, on va faire un lieu agréable mais on voulait plutôt l’idée d’une école dans un jardin où le jardin ou le parc doit


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être accessible à la communauté. Les autres incontournables c’est qu’on voulait des ambiances intérieures de qualité, on a vu que l’acoustique est épouvantable. Il y a un professeur qui fait les cours de sport qui a intenté une poursuite au gouvernement parce qu’à la fin de sa vie il était devenu sourd mais c’est simplement dû au taux de décibels auquel il était exposé quotidiennement dans son gymnase, il n’y avait aucune surface absorbante. L’autre c’était pour nous des zones de vestiaire fonctionnelles et libérées de circulation, on est dans une contrainte climatique assez grande avec la neige, là ce qui arrive actuellement c’est que les enfants arrivent tout sales, tout mouillés, puis apportent leurs vêtements jusque dans le corridor donc c’est mouillé, le sol est plein de neige qui va fondre, le concierge passe son temps à nettoyer donc par exemple on a dit qu’il fallait laisser les bottes dès l’entrée et mettre des vestiaires et là le corridor peut devenir une ruelle d’apprentissage où les classes vont s’ouvrir sur cette rue, elles vont devenir des lieux de collaboration donc on change complètement la dynamique pour ne plus avoir ces corridors qui sont constamment sales, sans lumière et qui sentent le mouillé. L’autre élément aussi c’était des espaces d’apprentissage innovants intérieur et extérieur qui privilégient le mouvement. C’est drôle parce que quand je suis allé faire ma deuxième visite à l’école à Copenhague, il y avait un petit amphithéâtre et tous les élèves étaient couchés. Je m’approche et je demande au professeur qu’est-ce que font les élèves, le professeur me répond « ils sont entrain de rêver », je demande s’ils rêvent souvent comme ça, il me répond quelques fois par mois et j’ai dit pourquoi vous faites ça, il m’a répondu « c’est formidable il y en a, qui, déjà depuis le début de l’année n’étaient pas capable de s’exprimer en groupe mais quand on leur demande de raconter leurs rêves, ils sont formidables. ». Comme il disait c’est plutôt la façon d’intégrer une connaissance qu’on doit présenter ainsi mais on parlait de créativité et le rêve c’est le monde la création, donc y en a qui n’étaient pas bon pour restituer une matière devant les autres mais pour décrire leur monde intérieur, tout d’un coup ils sont

formidables. L’idée aussi du petit amphithéâtre c’est qu’au lieu d’être dans une classe, un enfant qui pouvait plutôt passer pour le cancre tout d’un coup devient à l’inverse celui qui captive l’attention de tous ses collègues. C’est intéressant de voir que de changer l’enfant, de le mettre dans différentes conditions permet de révéler des qualités. L’autre c’était avoir des espaces polyvalents et flexibles à toutes les échelles. Ce qu’on voyait c’est qu’à un moment donné l’enfant avait besoin d’aller lire, et il pourra aller lire dans une petite alcôve, dans un mobilier où il va voir dehors, où on aurait mis des matériaux absorbants. On a remarqué qu’un enfant il est exposé partout à des mouvements incessants, des bruits, c’est quand même difficile de penser puis certains enfants ont des problématiques avec ça. On a mis en place aussi l’accessibilité à l’alimentation locale et de qualité qui encourage l’adoption de saines habitudes de vie, on sait que plutôt que de prendre des friandises ou des bonbons, une pomme ou une fraise c’est meilleur donc ils intègrent déjà ces éléments-là. Comme j’ai dit tout à l’heure ce gradin aussi qui devient un peu comme l’agora, la place publique où le matin quand les parents déposent leurs enfants il y a une place où aller comme sur la place du village. Alors l’idée aussi on n’avait pas de cuisine donc un espace de cuisine et de faire en sorte que dans la pédagogie les cours de cuisine soient intégrés pour aussi faire des mathématiques, des fractions mais d’une autre façon donc on intègre la cuisine aussi comme un jeu. Chose étonnante à un moment donné j’ai vu des enfants qui passaient le balai, ils ont leur tour aussi pour faire une partie de l’entretien donc ils n’ont pas le réflexe de tout jeter par terre. Et puis comme je dis tantôt investir dans les nouveaux espaces donc on a trois mètres carrés supplémentaires intérieur plus un mètre carré d’extérieur avec les élèves, effectivement intégrer l’environnement extérieur c’est important, de faire en sorte que ça devienne vraiment un extérieur donc c’est une extension de l’école et c’est des espaces qui dans le fond coûtent presque rien par rapport à l’espace interne, on n’a pas à les chauffer mais des –115–


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études ont montré aussi que des enfants qui sont proches de la nature sont moins insécures et moins malades alors c’est énormément d’impact. Bien sûr nous avons dû réviser les paramètres actuels. Le programme architectural du ministère c’était tant de mètre carré avec tant d’élèves donc on a ajouté les nouvelles composantes bouger, collaborer, manger, nature, jouer et apprendre. Vous voyez ce que peuvent être les espaces extérieurs, espaces intérieurs donc on a refait un nouveau programme, ce qu’on propose ici c’est que le programme est un élément qualitatif on ne se met pas à mesurer des mètres carrés, on regarde globalement et c’est là qu’on est arrivé avec nos mètres carrés additionnels pour une salle de repos, salle de collaboration, espace de concentration, le gradin, l’espace pour dîner, les ateliers, classes extérieurs, donc tous les éléments qui sont venus s’ajouter au programme. Grands principes Lab-École Bouger

Nature

Collaborer

Jouer

Manger

Apprendre

La maquette est un outil qui est très facile pour la consultation, sur une maquette les gens peuvent se concentrer un bon moment alors que sur un écran ce n’est pas facile. Sur une maquette, ils vont voir eux-mêmes d’un projet à l’autre. La majorité des écoles vont aller en concours donc on a changé le programme il y en a une qui va être fait à l’intérieur du lab et les autres on va faire des concours d’architecture. On ne pensait pas que ça allait prendre autant de temps à convaincre nos instances de faire des concours parce qu’il n’y a jamais eu de concours d’architecture pour des écoles. 116 –116–

Je pense que la formation d’architecte est assez exceptionnelle, cette idée de travailler en équipe, d’imaginer des choses c’est pour ça que je dis dans le cadre même d’un atelier d’école on a poussé légèrement plus loin ce travail. C’est pour ça que je me dis qu’on a cette capacité de mobiliser aussi avec des outils qui permettent aux gens de bien comprendre le travail, la valeur ajoutée qu’on veut donner à leur milieu de vie alors là les gens nous disent maintenant quand est-ce qu’on aurait ça aussi pour les maisons, les centres jeunesse pour les enfants ou les hôpitaux … J’espère que toutes les prochaines étapes seront concluantes. On démontrera, je pense, la valeur ajoutée de la création et de ce qu’on appelle la recherche création parce que bien sûr on a créé tous ces éléments à partir des meilleures pratiques. Merci. Jérôme Lafond Merci c’est une belle leçon architecturale certes mais une leçon de vie aussi qu’on apprécie toujours. En tout cas penser l’école de demain c’est aussi l’idée que la recherche création peut fonctionner aussi là-dessus. J’ai bien aimé l’idée de la recherche comme processus et donc comme résultat, en fait ce qui est intéressant c’est de discuter et être en groupe, de visionner des choses, faire participer les étudiants ou les jeunes architectes à un projet qui est un peu plus partageable et partageable aussi par les usagers du lieu qui va être entre guillemets habité au sens large du terme. L’idée aussi qu’on peut aller chercher dans d’autres pays des résonances pour nos manques à nous, vous avez dit ça fait 50 ans qu’on n’a pas changé parce que je pense que ça fait 50 ans qu’on reste sur des acquis qu’on pense très bon mais dans la question de la recherche c’est aussi d’aller chercher ailleurs notre manque et ne pas avoir peur justement de se prendre dans la tête l’idée qu’on a eu un grand manquements et il faut rebondir justement et avancer sur ces


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choses-là l’idée du processus partageable pour renseigner les usagers sur son lieu de vie c’est quand même déjà une école. Renouer le désir du lieu par l’usager c’est à dire on peut réinventer. Avec la question de la maison, ces habitants ont changé parce que ils ont changé de lieu de vie alors ils ont changé eux-mêmes intrinsèquement donc ils ont une autre vision des choses et donc ça je trouve que l’architecture c’est l’un des seuls modèle de société qui peut arriver à faire ça, c’est un moyen de changer même intérieurement et puis interpeller le bon sens je pense que là on a bien compris, il y a des fois on est face à une absurdité et il suffit juste de réinterroger le bon sens profond. Je trouve que tout ce travail est très intéressant on va se ruer pour acheter les livres c’est certain. J’ai juste une petite question par rapport à l’opérationnalité qui va venir bien évidemment il y a eu ce lab qui a fabriqué énormément d’émulsion intellectuelle et puis de résolution des problèmes, ces résolutions des problèmes là vont passer justement dans une opérationnalité qui va porter le projet ? C’est le laboratoire ? C’est Pierre Thibault ? C’est le gouvernement ? Pierre Thibault On va choisir dans un concours les projets mais on va aussi continuer à accompagner pendant le processus pour s’assurer que les éléments importants ne sont pas perdus en cours, on veut être là pendant la construction et on a donc aussi à l’intérieur du laboratoire des gens qui sont capables aussi de challenger les professionnels qui sont sur l’équipe, on voudrait effectivement avoir des écoles zéro énergie qui à un moment donné poussent tous les éléments programmatiques. C’est à dire quand on a un budget pour l’école il y a une portion qui va à l’architecture, une portion qui va à la structure, une portion qui va à la mécanique donc on veut être un peu l’arbitre de ça. Il y en a qui ont eu plus d’argent pour faire des écoles mais l’école était climatisée mais s’ils avaient fait de la ventilation naturelle ça aurait été plus efficient au niveau l’énergie donc à ce

moment-là on veut rester.

C’est sûr qu’on va déjà choisir et on a pris une formule de concours qui est très peu utilisée chez nous c’est dire qui est en deux étapes : la première étape est anonyme et tous peuvent participer donc on aura déjà j’imagine eu un grand nombre de propositions et la deuxième étape on va ramener à quatre équipes qui elles seront rémunérées et on s’organise pour avoir un jury représentatif et les prestations des concurrents vont se faire devant la communauté parce qu’il y a un côté pédagogique, qu’on puisse expliquer pourquoi on a choisi telle proposition pour la communauté. Il y a toute une dimension pédagogique avec la présentation de ces projets là et l’autre vous l’avez dit je pense qu’à terme si on offre des espaces publics de grande qualité, l’enfant dès son jeune âge va être exposé à ça mais il va être un demandeur par la suite c’est à dire qu’il aura vécu dans un espace attractif et qui lui aura permis de développer son plein potentiel donc c’est sûr qu’actuellement c’est presque un modèle carcéral d’école, une plaque en asphalte, on a même une clôture qui, comme celle des prisons, est autour de l’école. A ce moment-là c’est comme si l’espace te maltraitait déjà. Je me rappelle quand ma mère m’a laissé à l’école primaire j’étais le premier de la famille j’ai vu ça et je me suis dit qu’est-ce qu’on fait ici ? La clôture, on te laisse là et puis il n’y a rien et –117–


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tu pars d’un milieu un peu plus douillet mais c’est ça l’espace public donc le message est très péjoratif. En revanche si on arrive dans une belle colonie avec plein d’espace pour développer sa motricité je pense que ça aura aussi un effet bénéfique, on le voit dans les sociétés qui ont initié ça, les gens, même non architectes, ont compris que ça avait un effet positif sur leur vie.

d’un espace aussi apaisant qui favorise la contemplation et tout mais si on pouvait offrir un espace comme ça aux enfants si on pouvait leur donner ce type de lieu donc je crois que ce message a bien passé.

Florence Sarano Merci beaucoup pour cette présentation moi je n’ai pas une question, j’en ai trois. La première c’est que finalement l’école c’est le temps de la constitution de l’individu même si c’est tout au long de la vie mais enfin c’est quand même le point de départ et finalement est-ce ce que vous revendiquez d’une part et est-ce que vous l’avez dit à vos partenaires que l’architecture participe à cette constitution de l’individu ? Pierre Thibault Ça continue ce qu’on a discuté un peu ce midi effectivement l’espace est comme un révélateur de ce que nous sommes, donc l’espace comme je l’appelle : bienveillant et c’est comme s’il nous permettait aussi un regard à l’intérieur, donc je pense qu’à ce moment-là aussi ça permet de se développer. Et si l’enfant a un espace de tranquillité quand il veut se concentrer et une table quand il veut collaborer. Parce que l’école avant ce qu’elle faisait c’est qu’elle favorisait les enfants qui avait une rapidité à mémoriser puis pas nécessairement à créer mais à redonner ce qu’on leur avait donné donc c’était le principe de l’éponge, on remplissait l’éponge et après ça rien tandis qu’on sait que dans la vie ce n’est pas ça. Pour ça mes collègues je les ai amenés dans certains des projets que j’ai faits et c’est là qu’on voit que ça a un effet opérant c’est-à-dire que les gens ressentent quelque chose il y a un bienêtre quasi instantané qui fait qu’on franchit le seuil. J’ai fait un monastère il y a quelques années et j’ai eu plusieurs personnes qui m’ont dit mais c’est une communauté de moines qui bénéficie 118 –118–

Florence Sarano Je dirais qu’en plus par rapport à des adultes c’est le moment où ils mesurent les limites de leur mouvement etc et la dimension communautaire aussi entre eux et donc c’est l’apprentissage de l’espace mais c’est aussi l’apprentissage de tout ça quoi. Pierre Thibault Et c’est là qu’on comprend qu’on a des habiletés dans certains domaines et en plus c’est valorisant aussi donc c’est pour ça que je dis on prend l’exemple des finlandais chez qui tout le primaire il n’y a aucune notation, les enfants ne sont pas comparés. Moi j’allais à l’école en première année, c’était la remise des travaux et tout le monde va chercher


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son rendu, dès le départ t’es foutu, comme si t’étais nul. Tandis que l’autre il participe, il est bon dans telle chose donc on essaie plutôt d’aller chercher ces deux approches de dire tu es peut-être moins bon dans ça mais tu es bon dans autre chose, on ne te ridiculisera pas devant tout le monde pour un élément ou peutêtre t’es supérieur dans un autre domaine mais l’enfant se sent diminué en commençant l’école. L’école avait cette capacité de casser déjà une grande partie des jeunes alors qu’on doit les construire, c’est ça que je trouve intéressant avec les nouvelles pédagogies. C’est cette collaboration qui s’installe. Quelqu’un qui est un peu moins bon en maths on l’aide, au lieu de favoriser la compétition on instaure un mode de collaboration mais s’il n’y a pas de lieu pour collaborer ça va mal tu peux juste parler à celui qui est en arrière, on ne peut pas parler longtemps, on ne peut pas développer la collaboration, alors que si tu es autour d’une table ronde c’est facile tu peux échanger des éléments. Florence Sarano C’était un peu ma deuxième question c’est de quelle manière, finalement, les pédagogies alternatives Montessori ou d’autres avaient une influence sur votre travail. Pierre Thibault Je suis allé aller voir Steiner, Montessori et donc dans les visites d’écoles j’ai vu des choses formidables donc il y en a qui avaient réussi, dans une école existante, dans le quartier les plus défavorisé de Montréal, a créé une dynamique un incroyable c’est à dire qu’ils y avaient organisé un parascolaire extrêmement élaboré. C’était les parents qui venaient donner des ateliers aux enfants, les enfants avaient fait un film, un festival et ils présentaient le projet. Donc de réussir à ce que la communauté aussi par des activités offre la possibilité aux enfants de se développer. Alors j’étais dans un quartier le plus défavorisé une forte immigration je pense qu’il y avait dans l’école 52 nationalités mais tu voyais des

enfants allumés, on leur avait montré qu’ils avaient un potentiel incroyable donc on voit l’effet même dans des milieux où la famille ne peut pas apporter cet accompagnement. Ils avaient instauré ce qu’ils appellent la pédagogie différenciée chaque enfant donc à son rythme et on le suit on bonifie dans les manques mais il faut voir un enfant de dix ans qui te parle qu’il a fait son film, il est fier. Question Bonjour, merci pour votre présentation. J’ai eu le sentiment que vous retrouviez ce que l’on fait en santé publique c’est de travailler sur des environnements de vie favorables à la santé et je me demandais de quelle façon vous vous étiez rapproché, d’abord d’une évaluation d’impact santé sur des enfants et ensuite de l’institut national de santé publique du Québec, qui travaille beaucoup sur ces problèmes là et je crois que vous vous êtes rapproché de la pédagogie vous pourriez aussi vous rapprocher de l’INSPQ. Pierre Thibault On a créé pour chacun des lab des comités conseils il y avait des gens pour ce qui est de bouger, de la santé donc on a trois comités conseils. Pour les comités école on a ratissé large, on est allé voir où était l’expertise, où était l’innovation dans tous les domaines. Clara Mejia Je voulais avant tout vous remercier et vous féliciter vous avez présenté un travail qui est émouvant moi je veux dire ça montre vraiment une possibilité de pratique de la recherche dans l’architecture qui peut servir la société qui peut vraiment contribuer à faire avancer la discipline et puis depuis une grande générosité. Je voulais simplement vous demandez parce je n’ai pas bien compris peut-être ces comités écoles desquels vous parlez ils analysent chacun des sept cas d’écoles qui ont été élus sujet d’étude ?

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Pierre Thibault

actuellement.

Pour chacun on avait nous ce qu’on appelle les chantiers de l’environnement physique l’alimentation et les saines attitudes de vie il y avait un comité conseil qui était là pour guider, faire le recensement des études des bonnes pratiques et ensuite on a pour chacune des écoles un comité école mais comme les écoles sont partout à travers le Québec on a pris un comité école qui sur place. On a dû faire des changements, avant le directeur n’était pas nommé donc on a dit le directeur qui va diriger cette école-là faut qu’il participe à la conception qu’il choisisse la proposition de concours qu’il y ait des parents, des élèves et des professeurs.

Clara Mejia

Mais ce qu’on fait c’est que périodiquement on rassemble tous ces comités école pour faire état et chacun des comités école a présenté à l’ensemble des comités quelle typologie il avait choisi, quel était leur programme, quels étaient les éléments spécifiques, donc ça crée aussi une espèce de communauté pour être sûr d’une certaine façon qu’il n’y ait pas des choses qui nous échappe donc nous on est allé aussi y assister, on a fait des présentations publiques à la communauté pour expliquer, par exemple à Gatineau où on a une communauté amérindiens donc 30% des élèves sont de la communauté amérindienne, la communauté dit nous on veut passer plus de temps à l’extérieur, on veut plus de classe extérieur donc on modulait aussi un peu en fonction aussi des demandes des parents mais c’étaient des choses qui ne s’était jamais fait de dire à toute la communauté venez on va vous expliquer où on en est et on va continuer à vous présenter ce vers quoi l’école se dirige. C’est là qu’on voit pour un investissement imaginer de 2 milliards on a cette démarche-là qui va couter en fait presque rien pour avoir permis l’implication de ces communautés là pour bien définir le programme qui avait été inchangé donc je pense que c’est un processus qui n’est pas parfait, on se rend compte du fait que dans des communautés c’est plus facile que d’autres mais je pense que sur l’ensemble on va arriver des résultats qui bien au-delà de ce qu’on a 120 –120–

Donc c’est par le biais de ces conversations que vous avez par exemple réussi à convaincre ces personnes dans la municipalité qui disaient que sa meilleure école était celle qui était avec le terrain dallé ? Pierre Thibault On a fait des journées pour présenter par exemple des projets de voyage qu’on a fait, on a permis à tous ces comités écoles de venir et on a présenté toutes les écoles intéressantes qu’on avait et on a même demandé est-ce qu’il y en a qui ont dans leur communauté une école qui auraient des composantes intéressantes aussi. Presque toutes les composantes existaient mais elles n’ont jamais été réunies dans une seule école. Parfois des parents s’étaient mobilisés pour pouvoir faire un potager mais c’était des efforts communautaires individuels. C’est donc pour ça qu’on a permis à tous ces comités d’accéder à un cours je dirais accéléré d’architecture. Et les parents étaient dans la salle et demandaient quand est-ce qu’ils pourraient aller voir cette école, il y avait déjà un engouement, c’est des écoles publiques elles sont gratuites et il n’y aura pas de sélection. Question Merci aussi pour votre présentation, au niveau du budget vous disiez qu’il fallait 33% de plus d’espace pour les aménagements. Est-ce que vous évaluer la différence de coût entre l’école traditionnelle et celle que vous proposez ? Pierre Thibault C’est sûr que des gens me disent 33% plus grand 33% plus cher. Nous on a annoncé ça, les gens disaient non mais ça ne passera pas ça, donc on fait une conférence de presse pour présenter le projet et imaginer à cause de ça j’ai eu une audience du premier ministre qui était là donc je suis allé lui présenter ce qu’on faisait et


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c’est là on voit que cette publication lui a été acheminée il a trouvé quand même que c’était sérieux. Alors je pense que quand on fait une démarche qui est sérieuse c’est difficile de dire non, je lui ai dit vous n’aurez pas à faire 33% dans toutes les écoles demain matin mais à un moment donné il faut commencer. Vous imaginez l’effort que ça aurait demandé pour quelqu’un qui aurait été de l’interne. On s’est rendu compte que les médias étaient avec nous, c’est passé à la télévision partout donc c’est ça a eu comme un effet mobilisateur. On se dit qu’on est quand même société riche pourquoi se satisfaire de si peu. Le lab était à cheval sur la dernière campagne le nouveau premier ministre a annoncé qu’ils voulaient les plus belles écoles au monde. On voit que quand on a une démarche structurée et pertinente on finit par rejoindre même ceux qui ont à prendre des décisions. Je ne peux pas décider moi d’augmenter de 33% les budgets de la construction mais je peux montrer les avantages à le faire, bien sûr c’est à eux de choisir, je n’ai pas ce pouvoir mais c’est là qu’on voit quand même qu’on a un pouvoir de conviction qui est parfois plus grand qu’on le croit. Merci

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Bourse d’études MDS 2018 .......................................................... Stella Buisan

Stella Buisan “Bois”

Prés entation par C oli n e G ia rd i - P ré sid e nt e d e L’A s s o c i ati o n M D S

L’association Métropoles du Sud a attribué en 2018 une bourse de 8 000 euros à Stella Buisan afin de lui permettre de développer ses recherches et sa pratique de l’architecture sur le thème de la construction bois. Ce projet de recherche avait pour ambition de faire un état des lieux de la construction bois en France au travers de sa filière, de sa multitude d’acteurs mais aussi de son maillage territorial donc Stella est diplômée de l’école d’architecture de Montpellier et travaille actuellement dans

l’agence Dream à Paris. Stella Buisan Je vais vous présenter la recherche que j’ai réalisée durant une année, à l’aide de la bourse d’études Métropoles du Sud. Depuis quelques années on remarque au travers de toute la France la médiatisation de projets en structure bois, fait nouveau dans le paysage français très bétonné. La presse décrit ses projets –123–


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comme innovants à fort potentiel d’avenir ou même les décrit comme d’architecture du futur. Pourtant ce matériau n’est pas nouveau et est beaucoup utilisé à travers le monde notamment en Angleterre, en Europe du nord, au Québec, au Japon, … Alors pourquoi est-il si étonnant de voir apparaître en France des immeubles de moyenne à grande hauteur en structure bois ? Quelles sont les causes, les moyens et les points d’attention de l’engagement dans la construction bois en France ?

Donc c’est ce à quoi j’ai tenté de répondre au travers de ce livre. L’ambition de Bois est de dresser un portrait au présent de la construction bois en France donc au travers de sa filière, de sa multitude d’acteurs et de son maillage territorial. Son écriture a été ponctuée par des rencontres, des témoignages mais aussi des expériences professionnelles et personnelles au contact de ce matériau vivant. 124 –124–

Je vais vous faire une présentation non pas du contenu du livre mais un peu plus un résumé introduction conclusion de ce que j’ai pu en retenir. Dans un contexte de prise de conscience écologique, où les citoyens marchent dans la rue pour le climat et attaquent l’état en justice, on parle beaucoup de nouvelles mobilités ou encore d’alimentation mais trop peu des enjeux environnementaux dans la construction. Pourtant l’industrie du BTP est une des plus polluantes en Europe avec un quart des émissions de CO2 sur les territoires, elle a aujourd’hui sa place sur le banc des accusés dans l’Union Européenne, la construction et l’utilisation des bâtiments consomment environ la moitié de l’ensemble des extractions de matières premières, la moitié de la consommation énergétique ainsi qu’un tiers de la consommation d’eau et dans ce contexte la France n’a rien à envier à ses voisins européens. En effet à la sortie des deux guerres grâce à la reconstruction, elle a su développer une industrie du béton extrêmement efficace lui permettant d’assurer un rayonnement mondial de son savoir-faire mais nous avons aujourd’hui un problème, la fabrication du béton armé nécessite l’utilisation en grande quantité d’eau qui vient déjà à manquer dans certains pays du sud mais aussi de sable, de plus en plus médiatisé l’épuisement des ressources mondiales de sable est un fait avéré entraînant d’ores et déjà un certain nombre de tensions géopolitiques dû à son extraction, sans parler des conséquences de ces extractions sur l’environnement, ces pénuries provoqueront sûrement une forte augmentation du coût du béton et viendront peut-être s’y ajouter de potentiel taxe carbone même si aujourd’hui elles sont un peu controversées. Pour exemple Lafarge à lui seul produit 4.1% des émissions de CO2 en France. Malgré les apparences, les acteurs économiques


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et politiques sont bien conscients des tensions économiques encourues même si les réguliers rassemblements internationaux sont pointés du doigt pour leur inefficacité, parfois des solutions émergent dès lors qu’elles rassemblent les critères environnementaux et économiques. C’est ainsi qu’au cours du grenelle de l’environnement en 2007 l’exploitation du bois est présentée comme une solution à adopter, puis en 2015 lors de l’élaboration du projet de la nouvelle France industrielle, un certain Frank Mathis directeur d’une des plus grande entreprise de charpente française propose le projet qui impactera l’industrie de la construction : il propose de lancer de grands projets de bâtiments en bois pour obliger la filière bois construction française à se moderniser, à se structurer. Le projet est alors économiquement et écologiquement viable et adopté à l’unanimité par le gouvernement, le bois apparaît alors comme un graal et le gouvernement se lance dans ce projet sans plus attendre.

désuet, est présenté aujourd’hui comme une des solutions à adopter mais tout n’est pas si simple pour de multiples raisons l’industrie du bois française était, il y a encore peu, en déperdition, complètement abandonnée et peu industrialisée ainsi pour parler de l’évolution de la construction bois il faut d’abord parler de sa filière industrielle, de son évolution de ces dernières années, des espoirs et de ses craintes.

Un des premiers espoirs et pas des moindres ces temps-ci est la création d’emplois, en effet en France il y a beaucoup de bois, il nous faudrait continuer à grandir, il est alors facile de s’imaginer que la filière bois forêt, une fois revitalisée, pourrait être le creuset d’environ 600 000 emplois, ces emplois à forte identité non délocalisables et bien rémunérés, permettraient d’implanter des industries nouvelles dans des territoires ruraux dans ce but depuis dix ans on a complètement repensé et modernisé l’organisation de la filière bois forêt française, la tâche n’a pas été facile et le travail est encore en cours.

oi bs

Le dernier rapport du GIEC paru à la rentrée dernière enfoncera le clou en présentant l’exploitation et la plantation de forêts nouvelles comme la solution aux dérèglement climatique ainsi le bois, matériau millénaire qui nous paraissait il y a encore peu en France

Constituée de petites et moyennes entreprises alimentées par un parcellaire morcelé, la filière était très en retard face aux concurrents européens et la filière bois forêt est gérée par quatre ministères en France : Agriculture, Environnement, Logement et Économie, je vous laisse imaginer les accords de filières le –125–


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temps que ça prend pour se mettre d’accord, donc malgré tout, au prix d’un travail acharné de plusieurs de ses acteurs, la filière a su en moins de dix ans se métamorphoser on a même vu arriver depuis peu les géants du BTP : Bouygues, Vinci, Eiffage qui, avec chacun leur stratégie, apportent à la filière leur savoir-faire et leur efficacité cependant il reste encore un certain nombre de craintes à lever je vous en présente trois. Donc la première est liée au feu, le bois ça brûle effectivement mais heureusement la réglementation incendie est là pour nous sauver, il y a eu un énorme travail de ce point de vue depuis quelques années et ce travail est encore en cours mais aujourd’hui on sait construire des R+17 en s’assurant qu’ils ne partiront pas en fumée d’ici peu. De la même façon, un énorme travail est aussi en cours sur la réglementation acoustique point faible des constructions bois. La seconde contrainte et pas des moindres pour le développement de la construction bois c’est

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l’argent ; aujourd’hui une construction bois en France c’est environ 20% plus cher qu’une construction béton tant que ce chiffre ne baissera pas, le bois se cantonnera à des constructions exemplaires alors que l’enjeu principal est bien de massifier la construction pour minimiser l’impact du BTP sur l’environnement mais dans ce chiffre il y a un problème, il est biaisé de 20% supplémentaires cela correspond à un calcul construction – livraison alors que si on calcule le coût d’un bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie extraction des matières premières – construction – livraison – exploitation – recyclage alors là le bois devient concurrentiel mais pour cela il faudrait bien avoir une vision sur le long terme. Enfin cette course aux prix bas ne doit pas nous faire tomber dans les erreurs du passé qu’on a pu faire avec l’agriculture intensive et dont on connaît toutes les conséquences, oui le bois est un matériau d’avenir et vivant qui cristallise les espoirs de notre société mais non il n’est pas la solution miracle qui permettra au système de continuer impunément sur sa lancée. Il serait imprudent, par excès d’enthousiasme, de porter le bois sur un étendard sous peine de sombrer dans du good washing contreproductif. Ok nous alors architecte qu’avons-nous à faire dans tout ça ? Comme ils ont su le faire lors de l’après-guerre avec le béton armé, un chantier des plus stimulants s’ouvre aux architectes pour repenser les modèles architecturaux de demain à l’orée du jour où énergies et matières


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premières deviendront des nouveaux facteurs discriminants entre les « have » et les « have not ». Il s’agit aujourd’hui de poser les bases d’une nouvelle économie du bois qui redistribuerait les forces en présence, capitaliserait sur le savoir-faire du passé allié à l’innovation et à l’ingéniosité de l’architecture contemporaine, une architecture du bois raisonnée mais surtout humaine avec un peu plus de matière grise pour un peu moins de CO2.

textes qui sont parfois un peu techniques. Je tiens à remercier Métropoles du Sud pour cette bourse d’études qui m’a permis de monter ce projet plus particulièrement, Élodie Nourrigat qui m’a énormément soutenu dans l’élaboration de cette recherche, Dream l’agence d’architecture pour laquelle je travaille, Fanny Myon la graphiste, Daniel Amdemichael l’illustrateur et enfin les personnes qui m’ont corrigée et relue. Elodie Nourrigat

Voilà je vous présente rapidement le sommaire du livre, j’ai voulu construire ma recherche un peu à la croisée des regards pour cela je suis allée faire une vingtaine d’interview des acteurs de la filière bois forêt : du gestionnaire forestier jusqu’à la maîtrise d’œuvre en passant par la maîtrise ouvrage, les charpentiers, les collectivités, les organismes de promotion de la filière. L’ouvrage se compose d’un essai d’une vingtaine de témoignages mais aussi d’un roman graphique dont j’ai demandé à un jeune illustrateur de venir apporter un peu son imaginaire dans ces

Merci et bravo Stella pour ce travail, pour nous c’est toujours important ça fait effectivement plusieurs années que cette bourse existe, l’an prochain il n’y en aura pas, mais en tous les cas ça a permis d’initier d’autres formes de recherche, peut-être moins académiques et plus enclins avec la pratique qui du coup aussi aujourd’hui peut nous servir à nous. Ce qui est important aussi c’est qu’aujourd’hui tu as de la chance, tu es dans la pratique et de porter toujours cette interrogation, de porter toujours cette réflexion à travers une filière c’est vrai que c’est une filière que vous portez au sein de votre agence et qui permet aussi d’avoir une concrétisation pour la suite, j’espère en tous les cas. Cet ouvrage que tu as présenté, il y en a quelques exemplaires précieux ici qu’on pourra remettre sur demande expresse et vraiment intensive mais il sera également à la vente dans certaines librairies à Paris donc n’hésitez pas à la solliciter pour découvrir son ouvrage. Bravo encore et j’espère dans tous les cas que ça sera aussi pour toi un élément qui te permettra de poursuivre et d’un petit peu plus aussi se positionner en tant qu’architecte parce que c’est ce qu’on a vu aujourd’hui et c’est un peu le but des études et à la sortie des études aussi d’être en capacité de te dire : voilà mon champ de compétences de recherche qui permet d’étayer ce positionnement donc bravo encore pour ce travail mené en tous les cas nous on en est très fier. –127–


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Synthèse Séminaire Scientifique ..........................................................

Laurent Duport - Architecte, MCF. ENSAM, Membre du conseil HITLab Jérôme Lafond - Architecte, MCF.A. ENSAM, Membre HITLab

Laurent Duport Architecte, MCF. ENSAM, Membre du conseil HITLab Jérôme Lafond Architecte, MCF.A. ENSAM, Membre HITLab

Laurent Duport Je pense que nous avons eu beaucoup de chance pendant ces deux jours qui ont été vraiment très intenses, productifs, collaboratifs et il me semble que des journées comme ça vont rester dans les mémoires. Nous avons eu aussi beaucoup de chance car en introduction du séminaire scientifique d’hier, nous avons accueilli l’adjointe à la cheffe du Bureau de la Recherche Architecturale Urbaine et Paysagère du Ministère de la Culture. Il

paraît que, par exemple en Espagne, ce serait totalement inenvisageable dans un symposium d’avoir une personne représentante du Ministère donc je pense que nous avons eu pas mal de chance. Valérie Wathier nous a parlé de la place des doctorants dans les écoles d’architecture et des fameux 100 contrats CIFRE. Je rappelle que ces contrats sont les Conventions Industrielles de Formation par la Recherche. Ce but des 100 contrats CIFRE n’est pas tout à fait atteint aujourd’hui mais à l’avenir l’objectif le sera par un certain nombre d’actions. Pour une meilleure –129–


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connaissance de ce dispositif le Ministère diffuse largement auprès des différents partenaires, ce contrat entre une entreprise, un doctorant et un laboratoire de recherche qui encadre la thèse. D’autres dispositifs ont été mis en place par le Ministère de la Culture, notamment les chaires partenariales et je pense que ça peut faire écho à la dernière intervention de Pierre Thibaut, dans un cas de figure étranger, son expertise pourrait faire aussi l’objet d’une chaire partenariale. Après avoir évoqué la stratégie nationale pour l’architecture, Valérie Wathier a précisé la stratégie nationale de la recherche, avec la volonté affichée de développer une recherche architecturale mieux adaptée aux dimensions sociétales. Puis c’est au tour de Clara Mejia de nous exposer sa vision de la pratique de la recherche en architecture présentant un cas : celui de l’Université Polytechnique de Valence, non sans avoir préalablement posé quelques questions essentielles qui étaient pour elle un prétexte

à la discussion. En voici quelques-unes qui seront, comme vous le verrez finalement, le fil rouge de ces deux journées sur la question de la pratique et de la recherche en architecture. Pourquoi faire de la recherche en architecture ? À quoi sert-elle ? Quels sont ses objectifs ? Quels sont ces acteurs ? Quelle en est son origine ? Comment est évaluée sa qualité ? Et quelles sont les conditions qui font qu’un travail d’architecte est susceptible d’être considéré comme une recherche ? À l’Université de Valence, des structures de recherche sont organisées selon s’il y a une recherche avec les départements universitaires, les groupes de recherche, une école doctorale, des instituts et des centres de recherche et une autre branche dénommée innovation avec les « startups » et les « spin off ». Il y a trois manières aussi d’aborder la recherche à l’Université de Valence. Il y a la question du « projet et mémoire », « projet et action » qui s’apparente à la recherche action avec les thématiques techniques de production de recherche de qualité, et « projet et innovation » qui s’oriente vers une recherche sur les questions vraiment essentielles. On voit qu’il y a aussi des correspondances avec tout ce dont on a parlé pendant les deux jours. S’en est suivi une présentation d’Eneko Uranga sur son parcours à l’université de San Sebastian. La démonstration a été faite par Eneko, qu’il faut du temps pour faire de la recherche et ce temps il faut le trouver à la fois dans un parcours, dans une formation, mais aussi dans une pratique et que ce n’est pas toujours évident pour pouvoir s’orienter l’esprit vers la recherche en architecture. Jérôme Lafond Donc s’en est suivie la table ronde avec l’émergence d’autres questions, notamment le paradoxe de la formation par le projet qui produit du projet et donc de son évaluation au titre de la recherche : quelles sont les

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exigences, les mécanismes de contrôle, la place de la conception dans le projet et dans la recherche ? Il est nécessaire de connaître de nombreux champs. Il s’agit non seulement d’aborder celui de l’architecture mais aussi les défis sociétaux, de trouver des espaces, des territoires d’expérimentation de la recherche en relation avec la société mais aussi l’architecture comme point de rencontre entre les arts et la science. Ce qui nous mène assez intuitivement à la question de la deuxième table ronde qui porte sur la place de la recherche dans la pratique. À cette question Christophe Boyadjian, un enseignant de l’école d’architecture de Lyon, nous expose comment apprendre des situations et notamment à travers des exemples comme celui de l’International Building Exhibition (IBA) de Berlin. Les réalisations sont convoquées dans un temps d’environ 10 ans, c’est un temps qui est programmé, insufflé, durant lequel on a le temps de fabriquer les choses. Dans ces 10 ans on a le temps de se tromper, il y a le temps aussi de

pouvoir produire des choses et que cela se concrétise. Et l’on voit aussi que les conditions de la recherche sont liées étroitement à la pratique avec la mise en place de dispositifs. Ces dispositifs, Christophe Boyadjian, nous les présentent avec des projets et des notions d’entrelacement, d’exploration des échelles, de complexité, d’inventions qui correspondent à la pluralité des services de création, on fait appel à pleins de domaines mais on cristallise, on fabrique aussi la question. Nous sommes les fabricants d’une synthèse. La notion du temps long est abordée dans cette deuxième table ronde, ce temps long qui correspond plutôt à la question du projet urbain. Ce projet urbain qui évolue entre 15-20-30 ans permet de faire évoluer les programmes et de changer, d’avoir une adaptabilité maximale. En contrepartie vient aussi la question du temps court, celui du projet. Est-ce que ce temps court de projets, sur le bâti spécifiquement, peut donner les conditions de la recherche ? Cela pose la question des outils, de l’inscription d’un récit de projets où la question des matériaux spécifiques comme un travail sur la pierre, mais aussi d’autres notions sont apparues comme celui du confort d’usage avec le travail présenté par Pierre Soto sur son fauteuil roulant plus performant, plus léger, pouvant se plier, d’abord envisagé en fibre carbone puis en aluminium, qui s’intéresse aussi bien sûr au détail mais aussi au caractère intemporel de cette recherche de création et qui aujourd’hui ouvre encore une fois une nouvelle période sur, potentiellement, l’accès au handicap cognitif. Laurent Duport Ceci nous amène assez naturellement à la troisième table ronde : l’expérimentation outil de recherche avec la présentation de Thomas Dalby sur des architectures éphémères récentes au sein de son atelier, un laboratoire d’architecture aimant questionner la notion de temps court, –131–


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celui de l’expérimentation de l’éphémère mais aussi le temps long, on se rend compte qu’il y a certaines commandes qui demandent peut-être un temps plus long que celui initialement prévu. Malek Dahbi nous a parlé d’une expérimentation à La Réunion entre 2005 et 2015 et dont là aussi une période de temps assez importante. Comment concevoir un habitat dans un climat tropical humide avec une importance donnée à la question technique, notamment la ventilation naturelle, sa place dans l’habitat, son impact sur la forme ? Expérimenter c’est prendre des risques, c’est aussi parfois se tromper, mais se tromper c’est aussi faire des propositions.

Par exemple Johan Laure nous en a parlé avec les concours d’architecture, est-ce que ceux-ci peuvent-ils être considérés comme des sujets de recherche et, dans l’affirmative, sous quelles conditions ? La réalisation d’un concours gagné peut-elle constituer une recherche qui se prolonge jusqu’à la réalisation et encore audelà ? À l’opposé Brice Lebouvier qui avait, presque par dégoût des concours, choisi une autre voie : celle de la petite échelle dans le périurbain 132 –132–

avec l’invention de nouveaux outils et la notion d’expérimentation nourrie par le chantier qui peut être aussi une question de recherche. On a vu que pendant ces deux jours la pluralité du métier d’architecte et la multiplicité dans la manière de mener la recherche en architecture par le projet, la nécessité d’adaptation du métier à la recherche et peut-être de la recherche au métier. On a vu que la recherche peut se poursuivre au-delà même de son objet à travers le doctorat by design sous réserve bien sûr qu’on lui offre les conditions de son appétence par l’amélioration des dispositifs de recherche, que ce soit à travers de nouvelles modalités économiques mais aussi d’évaluation de reconnaissance et de diffusion de cette recherche. Merci.


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Clôture

.......................................................... Élodie Nourrigat - Architecte & Professeur à l’ENSAM

Réponsable Scientifique HITLab

Élodie NOURRIGAT Architecte, Docteur en architecture, Professeur à l’ENSAM Responsable Scientifique HITLab

Élodie Nourrigat

En premier lieu je souhaiterai vous dire le grand plaisir que nous avons eu de partager avec vous tous ces deux journées extrêmement enrichissantes, et résolument inscrites dans une dimension positive, et de partage. Ce fut un véritable privilège ; tel un temps suspendu ; dans le tourbillon de nos activités diverses.

Comme nous l’avons évoqué en introduction, l’objectif de ce symposium était d’explorer des possibles et de démontrer que la recherche en architecture ne doit pas se faire par défaut ou contre la pratique, dénuée de conception, mais au contraire elle doit être en capacité d’attirer les meilleurs jeunes diplômés et les meilleurs architectes. Réconcilier Pratique & Recherche pour une recherche en architecture. –135–


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Ce point nous semble essentiel et c’est le sens de notre engagement dans le GRF HITLab. Car nous sommes conscients que le monde qui nous entoure évolue avec une rapidité inédite nécessitant une adaptabilité constante. Conscient que l’urgence environnementale change profondément nos approches et nécessite une compréhension de l’interaction des éléments au travers de leurs différentes échelles. Conscient également que la disruption induite par l’ère du numérique est déjà une réalité pour un grand nombre de métiers et que l’architecture n’y échappera pas. Et qu’enfin, on nous prédit à horizon de 20 ans, 60% des métiers pratiqués n’existent pas encore…

ambitionnons meilleur. C’est en tous les cas le sens de notre engagement dans une dynamique de recherche ouverte, pour que les architectes, en tant que concepteur et créateur d’environnements habités, mesurent pleinement le monde dans lequel ils agissent. Durant ces deux jours, nous avons écouté, échangé, débattu, appris, exploré… Nous avons découvert d’autres pratiques et commençons à percevoir des possibles. Pour cela je tiens à remercier tous les intervenants d’hier et aujourd’hui : Clara Mejia, Eneko Uranga, Christophe Boyadjan, Manuel Gausa, Régis Olives, Samuel Bernier Lavigne, Pierre Thibault, Graham Crist, pour chacune de vos contributions. Je remercie aussi tous les membres de HIT Lab qui ont pris part à ces deux jours, démontrant notre volonté commune de construire et avancer ensemble. Certains, nous ont interrogés sur ce qui avait conduit nos choix pour les interventions. Pour y répondre je vais m’appuyer sur une démarche qui a été présentée par Patrick Boucheron, Il écrivait : « Osera-t-on, pour finir, avouer ce qui, le plus souvent, a guidé nos choix ? Ce fut le principe de plaisir […] Nous espérons seulement qu’un peu de ce plaisir que l’on éprouve à se créer des surprises, à se faire confiance, à échafauder ensemble un texte commun, à travailler pour ne pas trop se décevoir mutuellement, saura ici se montrer communicatif ». Je pense pouvoir m’exprimer au nom de tous car ce fut un véritable plaisir partagé, que nous comptons bien poursuivre. Ce plaisir fut multiple, car c’est à la fois l’occasion de découvrir, mais aussi de se retrouver.

Alors, face à cette déferlante, les architectes doivent se positionner pour prendre part au changement afin d’agir sur un avenir, que nous 136 –136–

Et je tenais à évoquer avec vous un plaisir qui nous est spécifique, que d’avoir le privilège d’inviter d’anciens étudiants à intervenir et de pouvoir aujourd’hui travailler avec eux.


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Agir ensemble, construire une sorte d’écosystème, ou les liens seront renforcés, nous permettra d’être plus fort ensemble. Aujourd’hui c’est collectivement, architectes, enseignants, chercheurs, étudiants, que nous avons répondu aux ambitions de ces deux journées. Cette solidarité et ce partage doit dépasser les générations et nous sommes très fiers de voir l’engagement de l’Association des Anciens de Métropoles du Sud envers les jeunes diplômés en leur offrant les moyens de porter de beaux projets et de spécifier leur champ d’action. Je félicite la qualité du travail présenté par Stella BUISAN lauréate de 2018 pour son engagement et les travaux menées. Enfin, l’organisation de cette journée n’aurait pu être possible sans le soutien de nos partenaires. Je remercie : le Ministère de la Culture et le BRAUP, Montpellier Méditerranée Métropole, Arts Hélios, l’ADAGP, l’association Archipel de l’école, et l’association Métropoles du Sud. En espérant que toutes et tous vous avez, autant que nous, apprécié le temps de ces deux journées. Nous vous donnons RDV l’année prochaine pour une nouvelle édition.

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École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

Direction scientifique : Comité scientifique :

Élodie NOURRIGAT

Élodie NOURRIGAT // Jacques

BRION // Laurent DUPORT // Florence SARANO // Pierre SOTO

Editeur : École Nationale Supérieure

d’Architecture de Montpellier

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HIT Lab & Métropole s d u S u d

Le Groupe de Recherche en Formation HITLab et l’Association Métropoles du Sud tiennent à remercier :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

Pour la mise à disposition de la salle : Le Musée Fabre Montpellier Méditerranée Métropole

P our leur soutien : Le Ministère de la Culture

Montpellier Méditerranée Métropole L’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier GRF HIT Lab Arts Hélio L’Association Archipel - association de l’ENSAM La Société des Auteurs Dans les Arts Graphiques et Plastiques Copie Privée

Partenaires de l’événement :

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Membres HITLab

Élodie Nourrigat

Axelle Bourdeau

Architecte, Pr. ENSAM Responsable scientifique GRF HITLab

Architecte, Enseignante ENSAM Membre GRF HITLab

Jacques Brion

Jane Coulon

Architecte, MCF. ENSAM Membre du conseil GRF HITLab

Architecte, MCF. ENSAM Membre GRF HITLab

Laurent Duport

Malek Dahbi

Architecte, MCF. ENSAM Membre du conseil GRF HITLab

Architecte, Enseignant ENSAM réunion Membre GRF HITLab

Florence Sarano

Thomas Dalby

Architecte MCF ENSA Marseille Membre du conseil GRF HITLab

Architecte, Enseignant ENSAM Membre GRF HITLab

Clothilde Berrou

Daniel Delgado

Architecte, MCF.A. ENSAM Membre GRF HITLab

Architecte, Enseignant ENSAM Membre GRF HITLab

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HIT Lab & Métropole s d u S u d

Guillaume Girod

Nicolas Lebunetel

Architecte, MCF.A. ENSAM Membre GRF HITLab

Architecte, MCF.A. ENSAM Membre GRF HITLab

Stéphanie Jannin

Julie Morel

Architecte Membre GRF HITLab

Architecte Membre GRF HITLab

Jérôme Lafond

Dorine Sénéchal

Architecte, MCF.A. ENSAM Membre GRF HITLab

Architecte, Enseignante ENSAM Membre GRF HITLab

Johan Laure

Pierre Soto

Architecte, Enseignant ENSAM Membre GRF HITLab

Architecte, MCF. ENSAM Membre GRF HITLab

Brice Le Bouvier Architecte MCF. A. ENSAM Membre GRF HITLab

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HITLab // Axes de recherches :::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::::

Habiter Habiter est abordé de manière large et ouverte portant ainsi un travail autour de la spécificité des modes de vie locaux propres à chaque territoire, associé à la prise en compte de l’évolution des villes et de l’habitat. Cela s’articule également sur la volonté de changer l’image du lieu par la qualité architecturale et spatiale et d’offrir la possibilité d’habiter tout type de lieu qu’il soit commercial, technique ainsi que des lieux de travail. Sera posée la question du vivre ensemble, de la mise en place des conditions de l’habiter, à l’aune des nouvelles conditions culturelles, sociologiques, écologiques, environnementales, par le prisme de dispositifs urbains et architecturaux situés.

Innover L’architecture a de tout temps su se mettre en posture d’innovation, au regard notamment des avancées techniques, technologiques et sociétales. Aujourd’hui les innovations doivent dépasser le seul champ technique pour construire des dispositifs et des conditions de production de projets innovants. Innover n’est pas inventer ou rejeter pour recréer. Nous nous attachons à la prise en considération d’un existant, d’un déjà là comme fondement. Ainsi, nous considérons l’innovation en tant qu’introduction d’un processus, où de pratiques nouvelles dans un processus ou pratiques existantes.

Transformer Au-delà du respect du passé, transformer c’est refuser d’effacer la mémoire, c’est trouver de nouveaux usages à des bâtiments et des sites existants, c’est explorer leur capacité de mutation en tenant compte de l’amélioration de la qualité d’usage, d’économie de l’existant à l’aune du développement durable. Il s’agit de s’inscrire dans une démarche instrumentée et critique permettant l‘acquisition d’une culture plaçant la réflexion sur l’évolution des idées de (ré)-utilisation, de réemploi et de réversibilité.

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