Go Out! n°40 Avril 2016

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©François Deladerrière

on sort

théâtre

Cette nuit-là, Ida est seule chez elle. Aucune sollicitation de sa sœur ou de son amant à peine parti ne la fera changer d’avis. Face à leurs insistances, Ida trouve refuge dans l’infini du web ; une échappatoire fragile articulée par les extraits vidéo, les emails et les recherches sur Wikipédia. C’est alors au fil de ses clics que l’on accède à l’intimité d’une protagoniste isolée dans sa réalité virtuelle. Une écriture hyper- connectée

La production est une réussite tant sur le plan de l’écriture que de la mise en scène. L’écriture d’abord. Son auteure Pauline Peyrade l’a voulue fragmentée, faisant ainsi écho à l’état de tourment de l’héroïne principale, duquel rien n’est explicitement raconté.

Cyril Teste

De quelle manière est reproduite cette simultanéité sur scène ? La question est de savoir à partir de quelle fenêtre Ida regarde-t-elle le monde. Est-ce la fenêtre de son ordinateur ou celle de son appartement ? Sur scène, on retrouve l’appartement d’Ida avec une immense baie vitrée qui donne sur l’extérieur. Mais cet extérieur représente également l’écran de son ordinateur et les interfaces qu’elle utilise pour aller sur Internet. Il n’y a alors plus de dissociation entre l’espace qu’elle regarde de chez elle et l’espace qui arrive à elle par le prisme de son ordinateur.

La narration se révèle sur la toile de fond qu’Ida dessine au cours de sa navigation sur Internet. Alors qu’Ida s’abstrait de la réalité en surfant de fenêtre en fenêtre, le spectateur, témoin, reconstruit le puzzle de sa vie grâce aux bribes d’informations qu’il recueille. À cela s’ajoutent les incursions répétées de son entourage. Les outils de communication qui permettent initialement l’évasion d’Ida la reconnectent inlassablement avec la réalité qu’elle semble tour à tour fuir et désirer. Un contraste mis en exergue par les émotions qui habitent la protagoniste et habilement retranscrit dans l’écriture captivante de la jeune auteure.

D’où la nécessité d’une scénographie interactive L’équipe qui crée les interfaces sur le plateau et qui est en régie évolue en fonction des mouvements d’Ida. Certains réglages sont faits simultanément. Il y a aussi des caméras qui tournent en direct pendant le temps de la performance. On passe par exemple d’une caméra à une autre afin d’obtenir différents angles de vue de la scène. Ce projet est en réalité une expérience au cours de laquelle le spectateur est invité à rentrer dans l’intimité d’une personne à travers les outils de sa navigation.

De l’écriture au langage multimédia, entretien avec le met teur en scène Cyril Teste

L’univers hypertextuel est au cœur de Ctrl-X, comment le définissez-vous ? L’univers est hypertextuel de part tout ce qui entoure la protagoniste durant sa soirée et qui la constitue. Qu’il s’agisse d’emails, de textos ou de pop-ups, tous ces outils donnent lieu à de l’hyper-information, de la surinformation et je dirais aussi de la simultanéité. Le spectacle questionne l’organisation de l’intimité dans l’hyper-simultanéité des choses.

Comment les autres protagonistes interagissent-ils avec Ida ? Leurs intrusions envahissent l’espace d’Ida par le biais des outils de communication. Cependant, à certains moments les personnages apparaîtront également sur scène, de manière fantomatique. Ctrl-X Poche /GVE Du 11 avril au 1er mai 2016 Texte Pauline Peyrade Mise en scène Cyril Teste Rue du Cheval-Blanc 7, 1204 Genève www.poche--— gve.ch

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