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Les stations vertueuses : I

Des montagnes de plus en plus vertueuses

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

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“ Ce ne sont pas de petits gestes à la marge. Les destinations de montagne sont vraiment en train de repenser et de changer leurs modèles.”

Green stations

sur la piste du flocon vert

LA MONTAGNE, QUI FAIT PARTIE DES PREMIÈRES VICTIMES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE, N’A JAMAIS AUTANT ATTIRÉ. LES TAUX D’OCCUPATION RECORDS DEPUIS DEUX ANNÉES, TOUTES SAISONS CONFONDUES, LE MONTRENT. ALORS COMMENT CONCILIER DÉVELOPPEMENT DURABLE, PROTECTION DE ZONES (DE PLUS EN PLUS) SENSIBLES ET AFFLUX CROISSANT DE TOURISTES ? CETTE QUESTION, LES DESTINATIONS CONCERNÉES S’EN SONT EMPARÉES DEPUIS LONGTEMPS, DEPUIS PLUS DE DEUX DÉCENNIES POUR CERTAINES. DÉSORMAIS, ELLES ONT MÊME LEUR SIGNE DE RALLIEMENT : LE FLOCON VERT. DEUX PETITS MOTS QUI CACHENT DE GRANDES ET SURTOUT TRÈS RÉELLES RÉUSSITES.

TEXTE STÉPHANIE SCARINGELLA

Le Flocon Vert est là pour saluer l’engagement d’un territoire. C’est la reconnaissance de sa "démarche" environnementale, explique Claire Tollis. Plus qu’un "niveau" ou un "nombre" satisfaisants de mesures écoresponsables, c’est bien la marge de progression et la dynamique durable qui comptent. » Trop souvent ramenée au simple statut de label (et donc de critères à cocher à un instant T), cette qualification se révèle donc bien plus complexe et intéressante puisqu’elle rend compte de la prise de conscience d’une destination et des efforts réalisés pour s’améliorer.

© Raj Bundhoo

Le funiculaire des Arcs, récemment rénové.

Des actions pérennes

Porté depuis 2011 par l’association Mountain Riders (association engagée pour un état des lieux de la transition en montagne) et plus de 70 structures indépendantes (professionnels, universités, organismes spécialisés dans le climat, dont l’ADEME, la Fondation pour la nature et l’homme, Terre d’initiatives solidaires…), le Flocon Vert concerne aujourd’hui une trentaine de territoires. « Tous ont suivi ou suivent actuellement le même parcours, à savoir un premier diagnostic environnemental de la destination, puis une année entière d’ateliers en présentiel, poursuit la responsable du projet au sein de Mountain Riders. Ces temps de travail et de réflexion sont communs à tous les acteurs (économiques, touristiques, politiques) : l’office de tourisme, la mairie, les sociétés de remontées mécaniques, l’ONF, le Parc naturel s’il y en un, les hébergeurs, loueurs, hôteliers, commerçants… À partir de là, un plan d’action solide est établi pour les trois années suivantes. Pour l’ensemble du territoire : le domaine skiable et la station bien sûr, mais aussi les espaces pastoraux et forestiers. Et, très important pour nous, pour les habitants. Les mesures ne doivent pas concerner uniquement le volet saisonnier ou touristique, mais bien toucher au «mieux vivre» à l’année. » Largement présentes sur le terrain, les équipes de Mountain Riders sont unanimes : les changements engagés depuis la dernière décennie sont impressionnants. « Ce ne sont pas de petits gestes à la marge. Les destinations de montagne sont vraiment en train de repenser et de changer leurs modèles. Nous restons en contact régulier avec les territoires, grâce à des audits intermédiaires et nos Éductours (séminaire regroupant plusieurs destinations sur le territoire de l’une d’entre elles pour des journées d’échanges et de présentation des actions engagées sur le terrain, NDLR). La quantité de projets réalisés, d’expérimentations menées ne sont plus de l’ordre de l’anecdote ou du cas particulier. C’est une prise de conscience collective, massive. »

Des critères précis

L’association et 70 structures partenaires (expertes du tourisme, du développement durable et de la montagne) ont défini plus de 20 critères, selon 4 thématiques, pour l’obtention de ce label d’excellence. En termes de destination, tout d’abord, les territoires doivent doit s’engager pour : une stratégie de diversification 4 saisons, une adaptation au dérèglement climatique (en été comme en hiver), une réduction de leur empreinte paysagère. La deuxième sphère d’évaluation porte sur l’économie : soutien aux initiatives respectueuses de l’homme et de la nature, conditions de travail équitables (perspectives de carrière, qualité d’accueil des saisonniers, prise en compte du handicap), soutien à l’économie locale (agriculture et sylviculture, artisanat, commande publique responsable). Troisième volet examiné : le volet social et culturel. La destination met en avant et protège le patrimoine local pour ses visiteurs comme ses habitants. Cela englobe les efforts portés à l’éducation, à la sensibilisation des visiteurs aux enjeux climatiques en montagne et aux loisirs adaptés dans le cadre du handicap. Le dernier critère, le plus conséquent, porte bien évidemment sur les ressources naturelles et la réduction des risques pour l’environnement : engagement pour la biodiversité et le respect des zones sensibles, adoption d’une stratégie Énergie responsable (développement des énergies locales, régulation de l’éclairage public…), priorisation des mobilités douces, gestion la plus vertueuse possible de l’eau potable, des eaux usées et des déchets. Avec un focus essentiel sur une utilisation raisonnée de la neige de culture.

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

La Savoie et la Haute-Savoie largement présentes

Aujourd’hui, sur les 14 destinations saluées par le Flocon Vert, les deux départements s'illustrent : 4 stations en Savoie (Les Belleville, Bourg-Saint-Maurice Les Arcs, Val Cenis, Saint François Longchamp) et 6 en Haute-Savoie (Morzine-Avoriaz, Megève, Vallée de Chamonix-Mont Blanc, Combloux, Châtel, Grand Bornand). Des caractéristiques similaires se retrouvent : encouragement aux mobilités douces, valorisation du tri des déchets et du recyclage, logique de développement durable pour le domaine skiable, réflexions sur l’habitat écologique, etc. Localement, chaque station promeut aussi des initiatives vertes. Par exemple, la construction d’un chalet à haute performance énergétique au pied d’un télésiège aux Arcs, qui se sont aussi engagés dans la lutte contre le plastique (depuis 2020) en installant des fontaines à eau sur le domaine skiable. L’enjeu était de taille : près d’un million de bouteilles plastiques étaient consommées chaque année sur la station. La communauté de communes de Chamonix-Mont Blanc (Chamonix, Vallorcine, les Houches et Servoz) a, elle, mis la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre au cœur de ses priorités : gratuité des transports en commun à l’intérieur de la station et mise en place de la carte « Via Cham - gens du pays, résidents, saisonniers, carte d’hôte, carte scolaire » pour circuler librement par train ou en bus dans toute la vallée, panneaux photovoltaïques dans plusieurs refuges, premier territoire de montagne à rejoindre le Plan Climat Énergie Territorial en 2012), etc. Toujours dans le même massif, Combloux se distingue par sa démarche de diversification 4 Saisons et, particulièrement, pour les efforts portés à l’année pour proposer une vie plus écoresponsable à ses administrés. De son côté, la société des remontées mécaniques de Châtel a été labelisée ISO 14 0001, qui certifie un « management environnemental » visant la réduction de son empreinte écologique. La station s’est aussi transformée pour permettre aux skieurs de rejoindre les deux domaines skiables (Super-Châtel et Le Linga/Pré-la-Joux) avec les skis aux pieds. Labelisée Flocon Vert en mars dernier, la destination Saint François Longchamp produit, elle, plus d’énergie qu’elle n’en consomme grâce à sa production d’énergie hydraulique et solaire ! Et cette station de la Vallée de la Maurienne se distingue aussi par son attention aux personnes en situation de handicap. Dans cette liste non exhaustive, impossible de passer à côté de Tignes. La mairie a carrément inscrit sa volonté de développement durable dans son PLU, en allant plus loin que la réglementation de base. Désormais, toute nouvelle construction doit se prévaloir d’utiliser au minimum 80% d’énergie renouvelable (photovoltaïque ou géothermique) et d’intégrer un raccordement possible à un éventuel réseau de chaleur. Quant aux permis d’extension, ils ne sont accordés qu’en cas de rénovation thermique incluse dans les travaux.

Chamrousse, la voisine iséroise

En plus de ses opérations récurrentes « Chamrousse propre » (visant à ramasser les déchets en montagne), en 2018, la station s’est retrouvée lauréate du Trophée des Cimes, à la suite de son opération réussie de recyclage de matériel de ski (chaussures, paires de skis, bâtons, casques etc.) auprès des particuliers, des écoles et des magasins de ski. Depuis, les commerçants ayant participé au Trophée des Cimes arborent sur leur devanture le logo « Tri-Vallées » pour permettre aux touristes du coin de connaître leur démarche. La commune de Chamrousse s’est aussi largement engagée dans le groupement pastoral. Elle est ainsi actrice d’un nouveau dialogue entre les bergers, l’exploitant du domaine skiable et les instances territoriales. L’objectif est de gérer conjointement les besoins d’aménagements pastoraux pour concilier préservation de la faune et flore locales (dont l’espèce protégée du Tétras-Lyre) et enjeux de fréquentation touristique. « Chamrousse est aussi très dynamique dans l’exploration de nouvelles initiatives et l’expérimentation, souligne Claire Tollis. C’est un territoire où naissent régulièrement beaucoup de projets collaboratifs et transversaux pour plus d’inclusion, plus de préservation. Elle fait partie de ces destinations qui tirent toute la communauté montagnarde vers le haut. » 6

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