Cahier Louis Bachelier n°1

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Transitions démographiques, transitions économiques. Partenaires de la chaire

L’épargnant n’est pas qu’un calculateur ! VERS UNE MEILLEURE COMPRÉHENSION DES PLACEMENTS FINANCIERS D’après un entretien avec André Masson et ses articles “La vie pour l’épargnant ne se réduit pas à un exercice de calcul” (Revue Française d’économie, Vol XXV, n°1, Juillet 2010, et n°2, Octobre 2010).

A RETENIR ■ Le cycle de vie d’un épargnant a une influence déterminante sur ses

choix de placements. ■ En particulier, le rapport de l’épargnant à sa propre mort (qu’il a tendance

à occulter), contribue à expliquer sa désaffection pour la rente viagère ; et le contexte situationnel où il se trouve, ainsi que ses projets du moment, orientent souvent ses choix vers des placements peu risqués.

BIOGRAPHIE André Masson

■ La différence dans les choix d’investissements des ménages entre les

pays s’explique aussi par l’importance que chaque culture accorde aux différents projets de la vie, notamment immobiliers et familiaux. Contrairement à ce que sous-entendent les économistes, l’individu ne peut effectuer de calculs rationnels affranchis des projets et événements qui influencent son existence. Cette “rationalité subjective” est l’élément moteur de l’approche existentielle, qui a pour but d’expliquer l’imperfection des prévisions économiques en matière de choix de placement des épargnants.

André Masson, ancien élève de Polytechnique, est directeur d’études à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales) et directeur de recherche au CNRS. Il est économiste spécialisé dans les choix inter-temporels des ménages et leur préférence pour le présent. Dans ce cadre, il a choisi d’étudier l’épargnant, une “bête curieuse” qui défie les prédictions des modèles de cycle de vie standard et comportementalistes.

LES CAHIERS DE L’ILB - 8

André Masson est un économiste hors norme qui dénonce les concepts de “rationalité limitée” et d’“aversion pure au risque”, selon lui, souvent inadaptés au cas de l’épargnant. Il explique que si ces hypothèses, que les économistes incorporent aux modèles standards de type “maximisation de l’utilité espérée”, peuvent être pertinentes pour les prédictions à grande échelle, elles sont pour lui loin d’être suffisantes lorsqu’il s’agit d’étudier les cas individuels, “ceux de la vraie vie”. Raison invoquée : l’individu n’est pas un calculateur capable de “s’extraire de sa propre existence”. Dans ses décisions de longue portée, l’épargnant ne peut faire abstraction de son contexte situationnel (projets et événements de sa vie), qui conditionne inévitablement ses besoins actuels et futurs.

Les limites des modèles économiques standards André Masson montre qu’aucun modèle prenant en compte des paramètres objectifs (comme l’âge, le niveau d’éducation ou l’aversion au risque) ne débouche sur une explication satisfaisante de la réalité. “Par exemple, selon ces modèles, les personnes âgées, réputées plus averses au risque, devraient détenir moins d’actions. Par ailleurs, le portefeuille des ménages devrait être beaucoup plus diversifié et homogène entre les différents pays de l’OCDE”. Or, aucune de ces idées ne se confirme empiriquement. En France, à peine un quart de la population possède des actions (directement ou indirectement) et la moitié des montants est détenue par les retraités. Et les courants comportementaux


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