Opinions et débats n°9

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OPINIONS & D É B AT S N°9 - Février 2015

Taxes sur les transactions financières : Théorie, expériences et implémentation Financial Transactions Taxes: Theory, Evidence and Design Jean-Edouard Colliard & Peter Hoffmann


SOMMAIRE CONTENT

I.

Introduction

II.

Pourquoi taxer les transactions ? Les arguments théoriques

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2.1 Les origines : les propositions de Keynes et de Tobin 2.2 Des externalités sur les marchés financiers : les arguments modernes en faveur des taxes sur les transactions 2.3 Les impacts ambigus des taxes sur les transactions financières 2.4 Des TTF considérées sous l’angle de perception de revenus fiscaux

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III. Etudes empiriques sur les TTF

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3.1 3.2 3.3 3.4

Taxinomie des taxes sur les transactions Enjeux méthodologiques Les résultats “historiques” L’expérience française de 2012

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IV. Conclusions pour les décideurs publics

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4.1 4.2 4.3 4.4

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Une taxe pour deux objectifs ? La TTF européenne Un avenir pour des TTF pigouviennes ? La prochaine étape : dépolluer le débat public

Notes Annexe Bibliographie

Opinions & Débats N°9 - Février 2015 Publication de l'Institut Louis Bachelier Palais Brongniart - 28 place de la Bourse 75002 Paris 䉬 Tél. : 01 73 01 93 40 䉬 www.institutlouisbachelier.org http://www.labexlouisbachelier.org DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Jean-Michel Beacco 䉬 CHEF DE PROJETS : Cyril Armange CONTACT : cyril.armange@institutlouisbachelier.org CONCEPTION GRAPHIQUE : Vega Conseil 01 48 85 92 01 䉬 IMPRIMEUR : IRO 05 46 30 29 29

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I.

Introduction

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II.

Why taxing transactions? Theoretical motivations

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2.1 2.2 2.3 2.4

The origins: Keynes and Tobin’s proposals Externalities in financial markets: modern rationales for transactions taxes The mixed impacts of financial transactions taxes FTTs as revenue-generating taxes

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III. The empirical evidence on FTTs

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3.1 3.2 3.3 3.4

A taxonomy of transaction taxes Methodological issues The “historical” evidence The French experiment of 2012

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IV.

Policy Conclusions

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4.1 4.2 4.3 4.4

One tax for two objectives? The European FTT A future for Pigovian FTTs? The way forward: cleansing the political debate

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Notes Appendix References

Les articles publiés dans la série “Opinions & Débats” offrent aux spécialistes, aux universitaires et aux décideurs économiques un accès aux travaux de recherche les plus récents. Ils abordent les principales questions d’actualité économique et financière et fournissent des recommandations en termes de politiques publiques. The Opinion and Debates series sheds scientific light on current topics in economics and finance. Bringing together several types of expertise (from mathematicians, statisticians, economists, lawyers, etc.) this publication makes recommendations in the formulation and implementation of government economic policies.

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EDITO

Par Jean-Michel Beacco Directeur général de l'Institut Louis Bachelier Confronter théorie et pratique, en tirer des conclusions et des recommandations, voici la tâche à laquelle se sont attelés Jean-Edouard Colliard et Peter Hoffmann au sujet de la taxe sur les transactions financières. Une taxe dont l’idée est ancienne, elle avait été suggérée par Keynes puis par James Tobin à la fin des années 1970, mais dont la mise en pratique soulève toujours diverses questions. Quels sont les effets d’une telle taxe sur la volatilité et la liquidité du marché ? Sur les prix ? Comment affecte-t-elle les intervenants ? A quels produits financiers doit-elle s’appliquer ? Est-elle source de revenus conséquents pour l’Etat ? Il est d’autant plus difficile de répondre à ces interrogations que le contexte est complexe : il n’existe pas un type de taxe sur les transactions financières, mais plusieurs. Il n’existe pas un marché unique sur lequel elle a été appliquée, mais une multitude de marchés mondiaux aux caractéristiques diverses. Il est cependant essentiel d’apporter aujourd’hui des réponses à ces problématiques, alors que 11 pays européens réfléchissent à la mise en place d’une taxe commune. Des pistes de réponses apparaissent grâce à l’étude des taxes déjà instaurées dans le monde, mais les scénarios diffèrent parfois fortement. Ainsi, il ne parait pas judicieux d’appliquer à l’Europe les leçons tirées des taxes appliquées dans les pays émergents. En revanche, les expériences anglaises et françaises semblent plus proches des objectifs européens, quoique de moindre envergure. L’ambition européenne d’une taxe globale sur les transactions financières semble être une erreur, et ce quel que soit son objectif. Certains ambitionnent de réduire la volatilité du marché, d’autres sont plus intéressés par les recettes potentielles. Mais dans un cas comme dans l’autre, il est fort incertain que la taxe sur les transactions financières remplisse les objectifs assignés. Il n’est pas question d’abandonner ces objectifs, mais de trouver les outils adéquats. Les recommandations des chercheurs pointent plutôt en faveur de droits de timbre si le but est de collecter de l’argent. S’il s’agit de limiter la volatilité, la solution passe par la régulation et non pas par la taxation. Finalement, la taxe sur les transactions financières serait-elle obsolète avant même sa mise en place à une échelle européenne ?

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The task that Jean-Edouard Colliard and Peter Hoffmann set themselves involves comparing theory and practice, and from this drawing conclusions and making recommendations, on the subject of a tax on financial transactions. The idea of a such a tax was first suggested by Keynes and was subsequently revisited by James Tobin in the late 1970s, but putting it into practice still raises a number of questions. What are the effects of such a tax on the volatility and liquidity of the market? And on prices? How does it affect market participants? To which financial products should it apply? Is it a substantial source of revenue for the state? Providing answers to these questions is made even more difficult by the complexity of the situation. There is not just one type of tax on financial transactions, but many. It has been applied not simply in a single market, but in a variety of markets throughout the world, each of them with different characteristics. Nevertheless, it is now essential to address these questions, given that eleven European countries are considering the introduction of a common tax. Possible answers come from the study of transaction taxes already in place in the world, but the scenarios sometimes differ widely. Thus it does not seem appropriate to apply to Europe the lessons learned from taxes introduced in emerging countries. On the other hand, the British and French experiments appear to be more in line with European objectives, despite their smaller scale. Europe's intention to introduce an overall tax on financial transactions does seem to be ill-conceived, whatever its purpose. Some seek to reduce the volatility of the market, others are more interested in potential revenue. But in both cases, it is highly doubtful whether a tax on financial transactions would achieve the objectives targeted. For a given objective, it is essential to find the right tool. If the goal is to raise money, the researchers thus recommend stamp duties. If it is to limit volatility, the solution lies in regulation, not taxation. It is in any case important not to base political choices on poorly defined objectives and obsolete arguments.

Prochain Numéro Opinions & Débats / Next publication Perception, risque et décision de long terme Perception, risk and long-term decision-making Elyès Jouini (Université Paris-Dauphine)

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BIOGRAPHIE

Jean-Edouard Colliard est professeur assistant de finance à HEC Paris. Ses principaux thèmes de recherche incluent la microstructure des marchés financiers et l’économie bancaire. Il a travaillé en particulier sur la taxe sur les transactions financières française et sur le rôle des commissions de bourse sur les marchés financiers, sujet sur lequel il a publié un article dans la Review of Financial Studies en Jean-Edouard Colliard is an assistant professor of finance at 2012. Ancien élève de l’Ecole HEC Paris. His main research interests include the Normale Supérieure (Ulm), il a microstructure of financial markets and the economics of obtenu son doctorat à l’Ecole banking. He has worked in particular on the French financial d’Economie de Paris. transactions tax and on trading fees in limit order markets, on which he published a paper in the Review of Financial Studies in 2012. Colliard graduated from Ecole Normale Supérieure in Paris and holds a PhD from the Paris School of Economics.

Peter Hoffmann est économiste dans la division recherche financière de la Banque Centrale Européenne à Francfort, Allemagne. Ses travaux de recherche couvrent différents aspects des processus d’échange sur les marchés financiers et ont été publiés dans des revues académiques de premier plan comme le Journal of Financial Economics. Il a obtenu son doctorat à l’Université Pompeu Fabra (Barcelone, Espagne). Peter Hoffmann is an economist in the Financial Research Division of the European Central Bank in Frankfurt, Germany. His research deals with various aspects of trading in financial markets, and has been published in top academic journals such as the Journal of Financial Economics, among others. He holds a PhD from Universitat Pompeu Fabra (Barcelona, Spain).

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Les taxes sur les transactions financières : Théorie, expériences et implémentation

Les positions exprimées dans cet article sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de la Banque Centrale Européenne ou de l’Eurosystème. En conséquence, elles ne doivent pas être présentées comme des opinions officielles ou non-officielles de ces institutions. Nous remercions l’Institut Louis Bachelier pour son soutien financier. Cet article est partiellement fondé sur un projet de recherche séparé sur la taxe sur les transactions financières françaises, projet pour lequel nous avons profité de nombreuses remarques et suggestions formulées par les participants de divers séminaires et conférences. Nous sommes par ailleurs très reconnaissants des discussions extrêmement enrichissantes avec l’Autorité des Marchés Financiers, la Direction générale du Trésor et le European Institute of Financial Regulation. Enfin, nous adressons tous nos remerciements à Emmeline Travers pour la traduction française.

I. Introduction

La récente crise financière a ravivé l’intérêt pour le concept déjà ancien de taxe sur les transactions financières (TTF). Après plusieurs décennies de dérégulation financière, ce type de prélèvement a retrouvé un rôle comme moyen vers différentes fins : faire contribuer le secteur financier aux recettes publiques en guise de compensation des renflouements et des garanties étatiques, restaurer une justice sociale (“taxe Robin des Bois”), faire pencher la balance du côté des “investisseurs de long terme” par opposition aux “spéculateurs de court terme”, réduire la “volatilité excessive” des marchés financiers etc. C’est dans l’Union européenne que la volonté d’avancer dans cette direction se manifeste le plus fortement, avec l’adoption formelle par onze États d’un accord en vue d’une TTF commune, dont l’assiette et les modalités restent en débat. Si elle devait se matérialiser conformément à la proposition faite par la Commission européenne, cette taxe pan-européenne serait la TTF la plus ambitieuse jamais mise en place, dans la mesure où seraient concernés la quasi-totalité des instruments financiers et des transactions, pratiquement sans exception. Même une implémentation plus circonscrite constituerait déjà une évolution très significative : la première introduction par plusieurs pays d’une TTF commune. Les adversaires de ce projet signalent cependant les coûts, comme la baisse de liquidité, qui mettraient en péril l’investissement et la croissance dans des économies qui commencent à peine à se remettre de la pire récession depuis la Seconde Guerre mondiale. Il n’est donc pas surprenant que les négociations sur les modalités de la taxe n’avancent qu’à pas plutôt lents.

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La place de la recherche universitaire dans ce débat est assez étrange. Si, pour les soutiens de la taxe, il est routinier d’en appeler à l’autorité de John Maynard Keynes (1936) et James Tobin (1978), la recherche récente est à peine mentionnée dans le débat. Pourtant les marchés financiers ont évolué de façon considérable depuis leurs travaux fondateurs, et la littérature académique a cherché à les enrichir ou à les dépasser. Il reste que le manque d’expériences grandeur nature de TTF ambitieuses ainsi que celui de données fiables sont autant de facteurs qui rendent difficile l’évaluation empirique de ces taxes. Notre objectif est de fournir un panorama à jour des clarifications offertes par la recherche académique sur le débat quant aux avantages et aux coûts des TTF. Nous soulignons en particulier à quel point il importe de prêter attention aux modalités effectives de la taxe. L’impact d’une TTF est sensible tant à la microstructure, ou organisation du marché, qu’aux acteurs qui le composent et aux caractéristiques de l’actif échangé. Autant d’éléments qui varient selon les pays et les époques. Finalement, les TTF ont toutes été effectivement mises en place de façon différente, d’où des impacts hétérogènes sur les différents acteurs de marché et des fortunes diverses. Le manque de précision et de consensus quant aux objectifs qu’elles sont censées remplir est une première source d’obscurité dans le débat sur les TTF. En conséquence, nous commençons notre analyse par un aperçu des arguments théoriques en faveur des TTF, depuis Keynes et Tobin jusqu’à des contributeurs plus contemporains, sans négliger leur objectif de collecte de revenus fiscaux ; bien que ce dernier motif ait moins attiré l’attention du monde académique, il semble souvent aussi important pour les gouvernants, sinon plus, que l’idée de corriger les imperfections du marché. Nous décrivons également l’impact théoriquement attendu des TTF sur un certain nombre de variables observables afin de mieux comprendre les résultats des études empiriques. Ces dernières s’intéressent à l’impact des TTF, en pratique généralement mises en place sous forme de “droits de timbre” (stamp duty) payables en cas de transferts de la propriété de titres financiers (ce qui exempte de facto les échanges intrajournaliers). De telles taxes sont relativement fréquentes, surtout dans les marchés émergents, mais également dans des économies développées comme au Royaume-Uni. On résume souvent ces études comme offrant des résultats “ambigus” sur l’impact des TTF. Notre thèse est au contraire qu’il n’existe pas une seule TTF dont nous souhaiterions estimer l’impact probable, mais bien toute une variété d’implémentations plus ou moins bien adaptées à des circonstances ou à des marchés particuliers. La diversité des expériences passées et présentes peut en réalité être utilisée pour en apprendre davantage sur les mécanismes que de telles taxes mettent en œuvre. Nous analysons plus en détail la TTF mise en place en France en août 2012, qui représente une opportunité exceptionnelle d’étudier les conséquences d’une telle taxe dans un marché moderne et sur lequel de riches données sont disponibles.

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Enfin, nous utilisons les enseignements de la littérature tant théorique qu’empirique pour établir quelques conclusions importantes pour la conception de TTF, notamment le projet européen. Notre leitmotiv est que les objectifs de rendement fiscal et de correction des imperfections de marché devraient être séparés et poursuivis au moyen d’outils différents. Si l’objectif est de collecter des revenus, la TTF ne devrait pas avoir en même temps un impact négatif significatif sur l’activité du marché et le comportement de ses acteurs. Réciproquement, des instruments spécialement conçus pour décourager les comportements néfastes seraient plus ciblés et donc plus efficaces qu’une TTF générale. Même si une telle TTF pouvait avoir des impacts positifs, ce n’est pas ce que suggèrent les études empiriques disponibles. Nous considérons qu’une telle séparation des objectifs permettrait d’y voir plus clair, dans la réflexion sur les TTF, quant à leurs coûts et leurs bénéfices. Des objectifs explicitement définis facilitent la discussion des mécanismes économiques à l’œuvre et de leur ordre de grandeur, permettant ainsi de mieux fonder un débat trop souvent terni par des croyances et des arrière-pensées idéologiques.

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II. Pourquoi taxer les transactions ? Les arguments théoriques II.1. Les origines : les propositions de Keynes et de Tobin Pour comprendre le débat sur les TTF, il est nécessaire de revenir aux deux plus célèbres avocats du concept, à savoir John Maynard Keynes et James Tobin, dont les arguments, différents à la fois l’un de l’autre et de justifications plus contemporaines, sont souvent déformés dans le débat public. II.1.1 Keynes : la liquidité au banc des accusés Keynes fait brièvement allusion à la possibilité d’une taxe sur les transactions au Chapitre 12 de sa Théorie Générale. Dans ce chapitre, connu pour être selon certains le plus original de son chef-d’œuvre, Keynes développe une analyse des marchés financiers si subtile qu’elle en apparaît parfois contradictoire. D’après Keynes, la fonction des marchés financiers devrait être d’allouer le capital issu de l’épargne aux projets et aux entreprises disposant des meilleures perspectives de succès à long terme. C’est le rôle du marché primaire. Le marché secondaire, en permettant aux investisseurs primaires de revendre leurs actions à d’autres, leur apporte de la liquidité. Dans le langage même de Keynes :1 “C’est comme si un fermier, après avoir tapoté son baromètre au repas du matin, pouvait décider entre dix et onze heures de retirer son capital de l’exploitation agricole, puis envisager plus tard dans la semaine de l’y investir de nouveau. […] Les investissements qui sont “fixes” pour la communauté sont ainsi rendus “liquides” pour l’individu.” Pour Keynes, des marchés liquides sont illusoires, dans la mesure où les investissements réels sont eux-mêmes nécessairement illiquides : si une entreprise subit un choc négatif, quelqu’un doit en supporter les pertes ; il est impossible que tous les investisseurs vendent leurs parts sans que quiconque achète.2 En outre, il considère que la liquidité a un coût important car elle permet de réaliser des plus-values à court terme en essayant d’anticiper les fluctuations des prix, même quand celles-ci sont dues à des effets de psychologie des foules, plutôt que de se concentrer sur les perspectives à long terme d’une entreprise. Pour reprendre le vocabulaire de Keynes, la spéculation devient plus profitable que l’entreprise. Les investisseurs tentent de deviner les pensées les uns des autres comme dans un “concours de beauté”, l’objectif d’un spéculateur n’étant pas d’acheter aujourd’hui une action sous-évaluée et d’en percevoir les dividendes, mais bien de la revendre demain à un prix plus élevé.3 Le prix futur dépend du comportement des spéculateurs le lendemain, qui lui-même dépend du comportement spéculatif du jour suivant.4 L’énergie des investisseurs se concentre sur un jeu absurde, alors que “L’utilité sociale des placements habiles devrait être de vaincre les forces obscures du temps et de percer le mystère qui entoure le futur.” Des marchés moins liquides pourraient réduire l’ampleur de ces mouvements de prix imputables à la psychologie ou aux modifications de l’atmosphère du marché en

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forçant les investisseurs à attendre avant d’acheter et vendre des actions au lieu de le faire en hâte. Ce raisonnement inspire à Keynes la justification d’une taxe : “Il est généralement admis que, dans l’intérêt même du public, l’accès des casinos doit être difficile et coûteux. Peut-être ce principe vaut-il aussi en matière de Bourses. […] L’écart des “jobbers”, les courtages onéreux des brokers, les lourdes taxes d’État sur les transferts, qui accompagnent les transactions à la Bourse de Londres, diminuent suffisamment la liquidité du marché […] pour en éliminer une grande partie des opérations qui caractérisent Wall Street. La création d’une lourde taxe d’État frappant toutes les transactions se révèlerait peut-être la plus salutaire des mesures permettant d’atténuer aux États-Unis la prédominance de la spéculation sur l’entreprise.” Poursuivant ce raisonnement, Keynes va jusqu’à suggérer que les transactions secondaires pourraient être carrément interdites, rendant l’investissement “aussi définitif et irrévocable que le mariage”. Comme pour une taxe, cette augmentation des coûts de transaction rendrait les marchés moins liquides, réduirait la spéculation et concentrerait les efforts des investisseurs sur les valorisations à long terme. Cet exemple extrême montre cependant clairement qu’une taxe pourrait décourager “l’entreprise” plus encore que la “spéculation”. II.1.2 Tobin : quand les marchés fonctionnent trop bien C’est durant son discours présidentiel lors de la conférence de l’Eastern Economic Association en 1978 que James Tobin donna son nom à l’idée d’une taxe sur les transactions financières.5 Ce contexte est important : le système monétaire international fondé sur le dollar s’était effondré sept ans plus tôt pour céder la place à un nouveau système de changes flottants à peine plus stable que le précédent, et conduisant à un jeu non-coopératif entre les États. Pour restaurer la stabilité, Tobin proposa une taxe mondiale sur toutes les transactions sur le marché des changes, et uniquement celles-ci. Si le raisonnement tenait compte de l’idée que la spéculation à court terme sur les devises rendait les économies plus vulnérables aux forces déstabilisatrices, l’argument principal de Tobin était autre : le problème n’est pas que les marchés financiers fonctionnent mal - mais qu’ils fonctionnent trop bien. Au sein d’un seul pays, les marchés des biens, du capital et du travail, tout comme le cadre fiscal, sont intégrés. Si le coût de production d’un bien particulier baisse dans la région A relativement à la région B, travail et capital pourront librement circuler de B à A, A exportera les biens produits à B, et les effets néfastes sur l’économie de B pourront être rééquilibrés via des transferts publics. Si tous ces mécanismes d’ajustement fonctionnent correctement, il n’y a aucune raison de chercher à les freiner. Au niveau international en revanche, point d’intégration fiscale ni de réelle mobilité du travail. Les biens sont échangés avec des frictions modérées, mais les marchés de capitaux sont de loin les plus rapides à s’adapter, particulièrement du fait de la suppression progressive des contrôles des capitaux au cours des décennies 1970 et 1980. Si un espace présente plusieurs frictions, la réduction de l’une d’elles isolément n’est pas forcément bénéfique. En particulier, la rapidité des flux de capitaux empêche les décideurs publics de suivre des politiques autonomes. Alors que des contrôles des capitaux empêcheraient les économies de s’ajuster aux changements de long terme de l’offre et de la demande considérés au niveau mondial, ce qui aurait un impact regrettable sur la croissance, une taxe permettrait simplement de rendre ces changements plus graduels et de les lisser, éliminant les dysfonctionnements temporaires.6

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Pour citer Tobin: “Deux chemins s’offrent à nous. L’un conduit vers une monnaie commune, une politique fiscale et monétaire commune, et l’intégration économique. L’autre vers davantage de segmentation financière entre les nations ou les zones monétaires, laissant plus de latitude à leurs banques centrales et leurs gouvernements pour conduire des politiques adaptées à leurs objectifs et leurs institutions économiques spécifiques. La première direction, toute séduisante qu’elle soit, n’est clairement pas une option viable pour le futur proche, i.e. le XXe siècle. Je dois donc, et à regret, recommander d’aller dans la seconde, et ma proposition est de jeter un peu de sable dans les rouages trop bien huilés des marchés monétaires internationaux.” La proposition originelle de Tobin est assez ambitieuse : elle doit être imposée au niveau mondial, et exige donc une forte unanimité entre les différents pays. Elle n’a, notamment pour cette raison, jamais été mise en place, et toutes les autres TTF ou autres taxes “dites Tobin” qui l’ont été s’en éloignent fortement, tant dans leurs modalités que dans leurs objectifs. L’un des principaux arguments en faveur des TTF, à savoir qu’elles pourraient réduire la volatilité, était en effet identifié par Tobin comme un possible corollaire bénéfique, mais secondaire par rapport à l’objectif principal.

II.2. Des externalités sur les marchés financiers : les arguments modernes en faveur des taxes sur les transactions Bien que les marchés aient changé depuis que Keynes, puis Tobin, ont suggéré de taxer les transactions financières, leur idée qu’une telle taxe soit nécessaire pour canaliser les marchés financiers demeure. Ses promoteurs considèrent aujourd’hui que, pour utiliser les termes de la théorie économique, une TTF pourrait contribuer à la réduction des externalités négatives infligées par certains acteurs de marché sur d’autres, de la même manière qu’une taxe carbone peut réduire la pollution. II.2.1 Les acteurs de marché : aperçu stylisé Les théoriciens ont étudié plusieurs mécanismes du fait desquels les actions de certains acteurs de marché peuvent être nuisibles. Pour mieux les appréhender, il faut dans un premier temps s’intéresser à une typologie stylisée de l’ensemble des acteurs. • les émetteurs créent les valeurs mobilières qui sont échangées sur le marché secondaire : les entreprises cotées en constituent un exemple direct. Quoiqu’elles soient peu souvent actives sur le marché secondaire, la qualité du marché est tout de même un enjeu pour elles. Si leurs titres sont moins liquides ou plus volatils, ils seront émis à une valeur plus faible, ce qui augmente le coût du capital pour l’entreprise. • les opérateurs de marché (traders dans la suite de cet article) informés échangent sur la base d’informations qui ne sont pas encore reflétées dans le prix de l’actif. Fonds d’investissement actifs échangeant sur la base d’analyses fondamentales... ou initiés bénéficiant de leur situation au sein d’une firme, ils achètent lorsque le prix leur semble trop faible, et vendent lorsqu’il est trop élevé. Ils réalisent ainsi des plus-values aux dépens de ceux qui échangent avec eux. Ils jouent un rôle-clé pour lier le prix d’un actif à sa valeur fondamentale. A l’autre bout du spectre se trouvent logiquement les traders aléatoires, dont les transactions sont “aléatoires” au sens où elles ne sont pas directement en lien avec les données fondamentales de l’entreprise. On peut eux-mêmes les classer en deux types :7

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- les demandeurs de liquidité échangent pour des motifs de liquidité ou de couverture, et non dans l’espoir de réaliser des plus-values. Les investisseurs individuels peuvent par exemple avoir besoin de vendre une partie de leur portefeuille pour s’acquitter de frais médicaux ou acheter un bien immobilier. Les fonds de pension doivent vendre ou acheter en fonction de leurs entrées et sorties de trésorerie, et pour rééquilibrer leurs portefeuilles régulièrement. Les fonds indiciels doivent vendre et acheter pour suivre les pondérations des éléments de l’indice qu’ils répliquent. - les traders comportementaux espèrent réaliser des plus-values, mais sans avoir d’information privée sur les actions qu’ils échangent. En conséquence, ils réalisent en moyenne des pertes, mais dans un marché liquide ces pertes sont limitées, de sorte qu’ils peuvent mettre du temps à sortir du marché. Les investisseurs individuels sont un exemple typique de traders comportementaux.8 Des études sur les fonds à gestion active ont également mis en doute leur capacité à acquérir et utiliser à bon escient de l’information fondamentale, ce qui les rangerait également dans cette catégorie. La description la plus pittoresque de ces traders est donnée par Stiglitz (1989) : “Il existe un troisième groupe d’individus, appelés des traders aléatoires, qui croient comprendre le fonctionnement de la Bourse, qui peuvent avoir des théories sur l’influence des taches solaires ou de toute autre variable observable sur les prix des actions. Il s’agit typiquement des dentistes et autres médecins du Midwest ou des retraités de la Sunbelt, dont l’un des passe-temps favoris est de “suivre” leurs actions préférées. Il faudrait probablement ajouter à cette catégorie un grand nombre des courtiers qui les conseillent (et une bonne partie des gérants de portefeuille qui gèrent des fonds autres qu’indiciels).” 9 • les spéculateurs sont des acteurs qui échangent afin de réaliser des plus-values, tentant de prédire les prix plutôt que les dividendes futurs. Ils visent généralement à profiter de fluctuations temporaires dans les prix, dues par exemple à des ordres pour de gros volumes, motivés par des chocs de liquidité. A la différence des traders informés, ils ne disposent pas d’information privée sur la valeur fondamentale de l’actif, mais tirent plutôt avantage des frictions de marché. Les arbitrageurs, qui tentent d’exploiter les différentiels de prix entre actifs proposant des paiements escomptés similaires, ou entre actifs identiques sur des plates-formes de marché distinctes, constituent une sous-classe de spéculateurs. “L’arbitrage triangulaire” sur le marché des changes en est un exemple typique. • les intermédiaires (par exemple les teneurs de marché) facilitent les échanges entre les autres types de traders en prenant des positions temporaires (cf. Grossman et Miller, 1988). Un demandeur de liquidité A voudra par exemple vendre une action, tandis qu’un trader B souhaitera acheter, mais seulement dix minutes plus tard. Un intermédiaire peut acheter à A à un prix (appelé le bid) légèrement inférieur à la valeur actuelle de l’action, et vendre à B dix minutes plus tard à un prix (ask) légèrement supérieur. La marge entre les deux prix (la “fourchette des prix” ou bid-ask spread) constitue le revenu de l’intermédiaire, et couvre notamment le risque qu’il prend en restant propriétaire du titre pendant dix minutes. Les intermédiaires ont beaucoup évolué au fil des changements des structures de marché et de la technologie. Dans les marchés actions électroniques modernes, les traders à haute fréquence ont largement remplacé les teneurs de marché traditionnels (comme par exemple les spécialistes du New York Stock Exchange).

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II.2.2 En quête des externalités Nous pouvons, à l’aide de cette typologie stylisée des acteurs de marché, étudier un certain nombre d’effets grâce auxquels chaque type de trader peut impacter les autres, en bien ou en mal. Comme nous le verrons, il est très difficile d’identifier des types de traders qui seraient uniformément nuisibles ou bénéfiques. Keynes plaidait en faveur de la TTF pour décourager la spéculation. Savoir si la spéculation est bénéfique, ou non, aux marchés financiers, est l’objet d’un débat académique nourri. Friedman (1953) a formulé en sa faveur un argument de poids, pour ou contre lequel la littérature subséquente s’est positionnée : un spéculateur tente d’acheter les titres dont le prix va augmenter, et de vendre ceux dont le prix va diminuer. Par définition il contribue ainsi à rapprocher le prix d’aujourd’hui de celui de demain, et stabilise les prix.10 Dans un article à fort retentissement, De Long et al. (1990a) exposent une vue plus critique. Ils s’intéressent à une économie dans laquelle des traders comportementaux tendent à acheter après une augmentation des prix et à vendre après une baisse (“positive feedback trading”, ou stratégie à rétroaction positive), un comportement qui pourrait s’expliquer par des biais comportementaux mais aussi par des contraintes institutionnelles ou des stratégies de type stop-loss. Alors que les spéculateurs devraient échanger dans la direction opposée pour profiter des prix erronés, ils réalisent en réalité un profit plus important en se montrant suivistes : en effet, acheter à la suite des traders comportementaux se traduira par encore plus d’achats ; les prix continuent à augmenter, jusqu’à ce que finalement les spéculateurs vendent et réalisent de larges plus-values, ce qui exerce une externalité négative sur le marché. La quête de plus-values à court terme par les spéculateurs peut aussi avoir un impact direct sur l’économie réelle. Shleifer et Vishny (1990) avancent que le court-termisme des investisseurs peut conduire les entreprises à privilégier des projets présentant de meilleures perspectives à court terme aux dépens d’autres plus profitables, mais à plus long terme. Les traders comportementaux sont la deuxième cible principale des TTF. Leurs échanges influent sur les prix sans contenir d’information nouvelle, ce qui augmente l’incertitude non-fondamentale et diminue la valeur informative des prix. Ceci représente une externalité négative sur les autres acteurs de marché, confrontés au risque d’échanger à de “mauvais” prix. La capacité des arbitrageurs à corriger les prix erronés est également affectée par ce que De Long et al. (1990b) appellent le “risque de trader aléatoire” : si le titre est constamment frappé par des chocs négatifs, un arbitrageur qui achète un titre sous-évalué risque d’avoir à attendre longtemps avant que les prix ne convergent vers la valeur de l’actif. D’un autre côté, le fait que les échanges faits pour motif de liquidité sont non informés limite un problème d’information asymétrique : les demandeurs de liquidité profitent de la présence d’acteurs prêts à être leur contrepartie sans avoir d’information privée. Ils permettent aussi aux intermédiaires de prendre des positions sans craindre de n’avoir face à eux que des contreparties mieux informées. Cette augmentation de la liquidité profite bien sûr aux demandeurs de liquidité eux-mêmes, mais également aux traders informés qui peuvent échanger à de meilleurs prix et mieux rentabiliser leur information. De fait, aucun échange ne serait possible s’il n’y avait que des traders informés, comme le résume le célèbre “théorème du non-échange” (Milgrom et Stokey, 1982). Dow (2004) montre que cette externalité positive sur la liquidité exercée par les traders non

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informés peut mener à plusieurs équilibres : si peu de traders aléatoires sont actifs sur le marché, les intermédiaires sont fortement exposés au risque d’échanger avec des traders informés, ce qui les conduit à proposer une fourchette de prix élargie et donc décourage les achats et ventes par les traders aléatoires. Au contraire, si de nombreux traders aléatoires sont actifs sur le marché, la fourchette est étroite, ce qui correspond à un équilibre à forte activité. Parmi les traders aléatoires, les traders comportementaux sont une cible classique des TTF car leur activité sur le marché est néfaste pour eux-mêmes. En cohérence avec la théorie selon laquelle ils augmentent la volatilité, Foucault et al. (2011) montrent qu’une réforme du marché actions français en 2000 augmentant le coût relatif du trading spéculatif pour les investisseurs individuels a conduit à une baisse de 25% de la volatilité quotidienne des rendements. Cependant, bien que cette catégorie théorique de traders soit certainement la source d’une externalité négative, il n’est pas évident qu’ils soient faciles à identifier en pratique. Barrot et al. (2014) montrent que les traders individuels peuvent en réalité fournir de la liquidité, en particulier durant des périodes de stress sur le marché. Kavajecz et Odders-White (2004) montrent également que des stratégies de trading technique, que la recherche académique a longtemps considérées comme inintéressantes, peuvent involontairement capturer des changements dans la liquidité, de sorte que les investisseurs ayant ces stratégies se comportent comme des intermédiaires. • les traders informés ont un impact ambivalent sur la qualité du marché. Du côté positif, ils fournissent de l’information au marché, rapprochant les prix des actifs de leurs valeurs fondamentales. Ceci crée de la valeur tant pour les émetteurs que pour les demandeurs de liquidité, qui sont moins confrontés au risque d’échanger au “mauvais” prix. D’un autre côté, ils exercent une externalité négative les uns sur les autres : chaque trader informé fait évoluer les prix dans une direction défavorable pour son voisin également informé. Surtout, ils exposent les autres traders et les intermédiaires à un effet de sélection adverse : chaque acteur de marché sait qu’il est potentiellement en train d’échanger - à son détriment - avec une contrepartie qui sait mieux que lui combien vaut l’actif. Ce problème d’asymétrie d’information est une source typique d’illiquidité, engendre un écart entre les prix auxquels les acteurs non informés sont prêts à acheter et vendre, et peut être interprété comme une externalité négative (Glosten et Milgrom, 1985 ; Kyle, 1985). Ces deux effets interagissent : si l’information est reflétée très rapidement dans les prix, l’asymétrie d’information disparaît et il n’existe plus d’impact négatif. • Même les intermédiaires peuvent être la cause d’externalités négatives. Menkveld et Yueshen (2013) montrent par exemple que, lorsque la proportion du volume d’échanges dû aux échanges entre intermédiaires augmente, ce volume d’intermédiation crée un effet de brouillage du signal qui se rapproche de l’impact des traders aléatoires. Qui plus est, lorsque un intermédiaire entre sur le marché, il peut “connecter” l’un avec l’autre deux traders qui sans son entrée ne seraient pas entrés en contact - mais peut également intermédier des échanges qui auraient pu avoir lieu directement entre deux autres traders. Atkeson et al. (2014) proposent un tel modèle avec trop d’entrée des intermédiaires à l’équilibre.

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Figure 1: Quelques interactions entre les acteurs de marché

Le diagramme (non-exhaustif) résume les interactions complexes entre les acteurs des marchés financiers. Les flèches rouges (resp. bleues) correspondent à des effets néfastes (resp. bénéfiques).

Tous ces effets ne constituent ni forcément, ni entièrement, des externalités. Ainsi les traders informés réalisent un profit grâce à leur information, qui est reflétée dans les prix. Cependant ils ne récupèrent généralement pas la totalité du surplus engendré par leur meilleure information, exerçant ainsi partiellement une externalité positive sur d’autres acteurs. Il ne s’agit que de quelques exemples des impacts “classiques” des principaux types d’acteurs de marché les uns sur les autres. Cependant, les frontières traditionnelles entre ces types sont devenues moins prononcées, ce qui ajoute un degré supplémentaire de complexité : les traders pour motif de liquidité emploient des stratégies d’exécution qui leur permettent de récupérer une partie des bénéfices de leur fourniture de liquidité, la démarcation entre information fondamentale et nonfondamentale est de plus en plus dure à tracer, et les stratégies des traders à haute fréquence sont difficiles à classifier, de l’intermédiation à grande vitesse jusqu’à la spéculation néfaste comme le momentum ignition (Breckenfelder, 2014) ou “l’arbitrage toxique” (Foucault et al., 2014). II.2.3 Le marché sait-il gérer les externalités ? Une externalité est par définition l’impact qu’un agent exerce sur un autre sans payer, ou recevoir, le prix correspondant. S’il est possible de mettre en place ces prix sous formes de taxes ciblées, les acteurs privés peuvent également mettre en place des mécanismes de prix similaires. De fait, de même que les sites de rencontres facturent habituellement des prix différents aux hommes et aux femmes, les plates-formes d’échange et les bourses utilisent des structures de frais complexes qui différencient entre les types de traders, par exemple des réductions si les volumes d’échanges sont importants ou des prix spéciaux réservés aux teneurs de marché inscrits comme tels.

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De nombreuses plates-formes utilisent une structure de commission asymétrique (“make-take fees”) : les ordres consommant de la liquidité sont payants, tandis que ceux en fournissant sont subventionnés, ce qui s’approche d’un système pigouvien de taxes et de subventions sur la liquidité. Leur impact, cependant, n’a rien d’évident : comme les utilisateurs et les fournisseurs de liquidité échangent ensemble, il n’est pas impossible que les subventions à la fourniture de liquidité soient en réalité empochées par les consommateurs de liquidité. Colliard et Foucault (2012) montrent ainsi qu’une telle structure est en réalité neutre en l’absence de frictions à l’échange (comme par exemple l’obligation de coter des prix sur une grille discrète - Foucault et al. 2013). Plus généralement, il n’existe pas de raison pour laquelle les plates-formes devraient forcément utiliser des taxes et des subventions pour corriger les externalités diverses que les acteurs exercent les uns sur les autres. Entreprises privées, les plates-formes ne cherchent pas à maximiser le bien-être de leurs utilisateurs, mais bien leur propre profit. Ainsi, favoriser l’intermédiation et le trading à haute fréquence est un moyen d’augmenter les volumes échangés et donc le chiffre d’affaires. Plusieurs platesformes appartiennent, au moins en partie, à de grandes banques ou d’autres intermédiaires financiers qui peuvent les utiliser pour obtenir des conditions d’échange plus favorables. On pourrait cependant s’attendre à ce que la concurrence entre les plates-formes, intense aux États-Unis et, depuis MiFID, en Europe, conduise à des systèmes de prix plus optimaux socialement. Colliard et Foucault (2012) montrent dans un cadre théorique que la concurrence peut en fait conduire à implémenter des prix trop bas qui ne découragent pas les comportements non-optimaux. Dans une veine similaire, Cespa et Foucault (2014) montrent que les bourses peuvent vendre de l’information sur les prix selon des modalités qui distordent le processus de découverte des prix. Plus généralement, la recherche sur les marchés bifaces montre que, dans beaucoup d’environnements, la concurrence entre plates-formes ne mène pas à des résultats socialement optimaux (voir Rochet et Tirole, 2004, pour une synthèse). Bien que cela constitue en général un argument fort pour une intervention étatique, la définition de mesures qui amélioreraient la qualité du marché de façon non-ambiguë est extrêmement ardue. Une taxe sur les transactions classique appliquée également sur tous les échanges décourage aussi bien les échanges socialement désirables que ceux socialement néfastes. Quant à savoir si l’impact total est positif ou négatif, cela dépend de l’élasticité du volume de chaque type d’échange par rapport à son coût, une question empirique dont la réponse peut considérablement varier selon les marchés et les époques.

II.3. Les impacts ambigus des taxes sur les transactions financières Nous présentons dans cette partie les prédictions de la littérature théorique quant à l’impact d’une taxe sur les transactions financières en fonction de la structure et de la composition du marché financier. Ces prédictions, utiles d’un point de vue normatif, peuvent être confrontées à la recherche empirique disponible. II.3.1 Des impacts qui diffèrent selon les acteurs de marché Traders aléatoires et traders informés Comme une TTF impacte tant les traders informés que les non-informés, son effet global sur la volatilité est ambigu. Un des premiers modèles à étudier formellement

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cette question est celui de Kupiec (1996). Si dans ce modèle une taxe fait baisser le volume et la volatilité, elle conduit aussi à une baisse des prix, l’actif devenant plus coûteux à détenir. En conséquence, la volatilité du rendement de l’actif augmente. Kupiec considère ainsi qu’une TTF est un outil relativement imparfait : elle réduit le volume d’échange, qui dans son modèle est un symptôme, mais non la cause de la volatilité excessive. Dow et Rahi (2000) adoptent une position plus nuancée. Dans leur modèle, la présence de spéculateurs informés peut détruire des opportunités d’échanges mutuellement profitables entre des traders non informés. Une taxe limitée au seul “trading spéculatif” peut conduire à une amélioration au sens de Pareto : les demandeurs de liquidité peuvent échanger plus et, de façon plus étonnante, les spéculateurs réalisent également des profits plus élevés car ils sont moins en concurrence les uns avec les autres. S’il est impossible de différencier entre les échanges spéculatifs et les échanges non-informés, une taxe sur toutes les transactions peut tout de même conduire à une amélioration au sens de Pareto si les spéculateurs sont plus sensibles à la taxe que les autres acteurs de marché. Song et Zhang (2005) développent un modèle relativement général pour étudier sous quelles conditions relatives à la composition du marché une taxe peut aider à réduire la volatilité. Dans leur cadre, les traders aléatoires déstabilisent les prix mais améliorent la répartition des risques et donc la liquidité, ce qui peut indirectement faire baisser la volatilité. Si la volatilité est déjà élevée, c’est le deuxième effet qui domine, alors que si elle est basse c’est le premier. En outre, l’impact d’une taxe dépend du type de risque présent dans le marché : lorsque l’incertitude fondamentale sur la valeur de l’actif domine, une taxe a un effet positif, alors que l’impact est négatif quand l’incertitude sur les facteurs de liquidité est plus importante. Ainsi des taux de taxation différents devraient s’appliquer aux différentes classes d’actifs : les obligations présentant un risque de crédit limité sont typiquement plus affectées par l’incertitude sur la liquidité que par celle sur la valeur fondamentale, et c’est le contraire pour les actions les plus liquides. La spéculation comme facteur de déstabilisation Un article récent de Di Maggio (2013) propose un modèle dans lequel les spéculateurs peuvent avoir un rôle déstabilisant dans des marchés illiquides. Quand un “choc d’incertitude” se produit, i.e. quand tous les agents apprennent que des chocs négatifs peuvent se produire dans le futur (par exemple dans une période de crise), les spéculateurs peuvent vendre dans des volumes disproportionnés avant que ces chocs négatifs ne se réalisent, augmentant la pression à la baisse sur les prix, et racheter après la matérialisation des chocs. Une TTF réduit la profitabilité de telles stratégies et décourage ainsi le comportement manipulatif des spéculateurs. Cependant elle réduit aussi la liquidité de marché. Or, comme la stratégie de manipulation est plus profitable dans un marché illiquide dans lequel quelques échanges suffisent à influencer le prix, cet effet indirect peut au contraire augmenter la profitabilité de la spéculation. Ce résultat souligne qu’il faut rester particulièrement prudent si une TTF doit être mise en place dans des marchés peu liquides. Les traders comportementaux Davila (2013) propose une analyse extensive des TTF optimales dans un cadre dans lequel les traders sont partiellement fondamentaux et partiellement comportementaux : ils poursuivent des objectifs de couverture mais échangent également en fonction de leurs croyances – différentes et irrationnelles – quant à la valeur de l’actif. Les échanges

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nés de ce deuxième motif n’apportent aucun gain en termes de bien-être : dès lors que deux traders ayant des croyances différentes ne peuvent pas avoir raison simultanément, l’un fait un gain, égal à la perte de l’autre. L’auteur montre que, si ces motifs comportementaux sont suffisamment forts pour que les traders “optimistes” soient les acheteurs et les “pessimistes” les vendeurs, une petite taxe sur les transactions améliore forcément le bien-être total, car l’impact sur les “échanges fondamentaux” est de deuxième ordre comparé à celui sur ces échanges “comportementaux”. On notera que dans ce cadre, une taxe est recommandée pour les marchés dans lesquels les traders ont des croyances hétérogènes, et non fausses mais semblables. Par exemple, si tous les traders sont trop optimistes, comme durant une période “d’exubérance irrationnelle” (Shiller, 2000), une taxe ne sert à rien car aucun échange n’est motivé par des différences entre les croyances. La force de cet argument en faveur d’une taxe qui corrigerait le comportement des traders irrationnels est donc limitée, car l’autorité fiscale devrait être en possession de beaucoup d’information quant aux croyances des acteurs. Les intermédiaires En principe, l’impact d’une TTF devrait être particulièrement marqué sur les intermédiaires. Supposons qu’un acteur A est prêt à acheter un actif pour 10 euros, tandis que B est prêt à vendre à 9,90 euros, mais que la transaction est taxée. Si A et B rentrent directement en contact, ils échangeront à un prix compris entre 9,90 et 10 si la taxe est inférieure à 10 centimes. Il peut arriver que A et B ne soient pas simultanément sur le marché, en quel cas B vend à un intermédiaire, qui revendra ensuite l’actif à A. Mais ce n’est possible que si la taxe est inférieure à 5 centimes. Si l’intermédiaire a lui-même besoin de revendre à un autre intermédiaire, la taxe devra être inférieure à 3,33 centimes, etc. Une TTF optimale devrait donc prendre en compte que l’échange de différents actifs repose sur différents niveaux d’intermédiation. Un actif donné est typiquement échangé dans le cadre de divers mécanismes d’échange avec plus ou moins d’intermédiaires. Sur les marchés d’obligation de gré à gré, par exemple, les négociants (dealers) échangent l’actif entre eux jusqu’à ce que l’un d’entre eux trouve des investisseurs prêts à le détenir, ce qui crée des chaînes d’intermédiation comprenant de 2 à 7 négociants (Li et Schuerhoff, 2012). Dans une stricte perspective de revenu fiscal, si une chaîne de 10 intermédiaires est nécessaire pour mettre en relation un vendeur et un acheteur, une taxe sur les transactions aura un impact bien plus fort puisque l’échange entre les deux investisseurs finaux aura nécessité 11 transactions. Sur les marchés action modernes, les traders à haute fréquence (THF) sont souvent qualifiés de “nouveaux intermédiaires” (Jovanovic et Menkveld, 2011), encore que tous les THF ne soient pas des intermédiaires (et que tous les intermédiaires ne soient pas des THF). Brogaard et al. (2014) montrent qu’environ 40% du volume d’échange total sur les actions du NASDAQ les plus liquides est dû aux THF, ce qui suggère qu’une large proportion du volume d’échange s’explique par l’intermédiation. Effets réels La plupart des études se sont focalisées sur l’impact d’une TTF sur la qualité du marché, sous l’hypothèse implicite qu’un marché fonctionnant mieux conduit in fine à des situations économiques meilleures. Certains auteurs contestent cette position, considérant que le sujet principal est ainsi laissé de côté : à vrai dire, l’idée de Tobin

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était précisément que les marchés financiers ne marchaient que trop bien. Pour Shiller (2000), les marchés financiers sont extrêmement micro-efficients, au sens où les prix individuels sont très difficilement prévisibles, mais cependant très “macro-inefficients”, des bulles irrationnelles ou des krachs pouvant toujours affecter des classes entières d’actifs (par exemple l’immobilier). La façon dont une taxe peut prévenir la formation de bulles n’est pas claire. Scheinkman et Xiong (2003) développent un modèle dans lequel les acteurs ont des croyances différentes mais où les contraintes sur la vente à découvert signifient qu’il est plus difficile pour les pessimistes de vendre que pour les optimistes d’acheter. En fait, la seule façon de vendre l’actif est d’abord de l’acheter, une “option de revente” qui augmente les incitations à l’achat. Des bulles de prix se forment sur ce marché, et la volatilité est trop élevée. Une TTF ne résout cependant pas le problème : elle peut réduire le volume d’échange de façon spectaculaire, mais n’affectera pas la cause fondamentale de la bulle. Cette position est cohérente avec l’observation que les bulles de prix affectent de nombreux marchés immobiliers, alors même que l’ordre de grandeur des coûts de transaction est nettement plus élevé que sur les marchés de titres financiers. Stiglitz (1989) ou Summers et Summers (1989) posent qu’une inefficience fondamentale des marchés financiers repose dans le sur-investissement dans l’information, qui détourne des ressources économiques qui seraient utilisées à meilleur escient dans le secteur réel. Les profits dus à une bonne information reflètent partiellement le surcroît d’information apporté par un acteur dans le marché, ce qui doit être encouragé, et partiellement un avantage informationnel par rapport à d’autres participants, qui transfère de la richesse des moins informés vers les mieux informés sans qu’il y ait de gains au total. Les incitations à acquérir de l’information peuvent ainsi être trop élevées. 11 La meilleure illustration des arguments de Stiglitz et Summers et Summers à l’heure actuelle est probablement le trading à haute fréquence : être marginalement plus rapide que d’autres acteurs procure des gains importants et conduit à une “course à l’armement” et au sur-investissement (Biais et al, 2014, Hoffmann, 2014). Avant même la montée du trading à haute fréquence, Subrahmanyam (1998) avait montré comment une TTF pouvait réduire ces incitations à acquérir de l’information à court terme avant d’autres acteurs de marché, permettant de diminuer la sélection adverse et d’améliorer la liquidité. II.3.2 Impact sur les variables observables Une synthèse des résultats de la littérature théorique quant à l’impact d’une TTF sur les mesures empiriques de la qualité d’un marché peut aider à mieux comprendre les résultats de la littérature empirique. Si l’impact sur le volume est prédit comme négatif par la quasi-totalité des articles théoriques, l’impact sur la volatilité est fondamentalement ambigu. Une TTF semble avoir plus de chances de faire baisser la volatilité s’il existe de nombreux traders aléatoires sur le marché, mais que ce dernier n’est pas trop illiquide. Ce résultat est difficile à tester dès lors que les marchés les plus développés à la fois sont typiquement plus liquides et présentent une proportion plus faible de traders comportementaux. L’ambiguïté demeure pour ce qui est de la découverte du prix et de l’efficience informationnelle. Les arbitrageurs n’agissent pas sur les erreurs de prix plus faibles

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que la taxe dont ils doivent s’acquitter : les prix sont ainsi moins informatifs en présence d’une taxe. Mais si l’arbitrage est réduit, la baisse dans le trading aléatoire associée à la taxe peut limiter les erreurs de prix elles-mêmes ; en outre, la réduction dans le risque associé aux traders aléatoires peut également faciliter l’arbitrage. Une taxe devrait ainsi réduire le contenu informatif des prix si celui-ci est déjà élevé, mais son impact peut être plus ambigu s’il est faible. L’impact sur la liquidité dépend typiquement du mécanisme de fourniture de liquidité, le critère majeur dans la microstructure d’un marché. Dupont et Lee (2007) étudient l’impact d’une TTF sur un marché dans lequel la liquidité est fournie par un monopoliste confronté à un risque de sélection adverse. Si ce risque est faible, le monopoliste récupère la quasi-totalité des gains à l’échange ; en conséquence, il réagira à une TTF en annonçant une fourchette de prix plus étroite afin de maintenir l’activité du marché, et supportera donc in fine la taxe. Si au contraire les offreurs de liquidité sont en concurrence, comme dans le modèle de Parlour et Seppi (2003), l’impact sur la liquidité d’une TTF sera complètement à l’opposé : comme les demandeurs de liquidité affectés par la taxe soumettent moins d’ordres, la probabilité que les ordres à cours limité ne soient pas exécutés augmente, ce qui les décourage. Bien que la fourchette de prix soit déterminée par la probabilité d’arrivée d’un ordre marginal (pour un faible volume), la profondeur du marché dépend de la probabilité d’arrivée d’échanges portant sur des volumes plus importants. Ces derniers sont typiquement les plus sensibles à une taxe, et il faut donc s’attendre à ce que la profondeur soit particulièrement touchée. Enfin, la mise en place d’une taxe a un impact différencié sur les acteurs en fonction de leurs stratégies de trading. Un fonds dont la période moyenne de détention de titres est une année est douze fois moins affecté par une taxe qu’un fonds dont cette même période est un mois. Amihud et Mendelson (1986) montrent qu’en présence de coûts de transaction les actifs sont davantage détenus par des acteurs avec un taux de rotation plus faible. L’introduction d’une taxe devrait donc avoir deux effets : tous les acteurs devraient adopter des stratégies à rotation plus faible, et les acteurs avec des stratégies à rotation élevée devraient vendre à ceux ayant des stratégies à rotation faible.

II.4 Des TTF considérées sous l’angle de perception de revenus fiscaux L’importance des TTF comme source de revenus Les TTF sont souvent “vendues” aux électeurs comme des outils permettant de guérir les marchés financiers de la spéculation ou d’autres excès. Les chercheurs sont également principalement intéressés par leur potentiel de correction des imperfections de marché. En revanche, la fonction principale des différentes taxes qui existent aujourd’hui dans le monde semble plutôt être de lever des recettes substantielles, en particulier dans les marchés émergents. Parmi ces taxes, les plus importantes sont passées en revue par Matheson (2011). En Inde, par exemple, la TTF a produit des revenus fiscaux annuels correspondant à 0,2% du PIB en 2007. Tout en haut de la distribution, la taxe hongkongaise correspondait à 2,1% du PIB en 2008, ce qui s’explique par la dimension particulièrement élevée de l’activité financière par rapport à l’économie du pays.

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Coûts et avantages Dans une perspective de collecte de recettes fiscales, une TTF peut être analysée comme n’importe quel autre type de taxe. A recettes données, elle devrait autant que faire se peut limiter les distorsions économiques, ce que l’on mesure généralement par l’élasticité des quantités échangées par rapport à la taxe. Si une taxe limitée à 1 point de base conduit à une baisse importante du volume échangé, non seulement il sera difficile de lever des recettes substantielles, mais en outre l’impact sur l’économie peut être si fort que les coûts sociaux seront plus élevés que les bénéfices. La mesure standard des coûts liés à une taxe est la proportion des acteurs de marché qui seraient prêts à payer pour l’éviter. Elle peut être estimée à l’aide des deux graphiques ci-dessous. Les deux courbes du premier graphique représentent l’offre et la demande d’un actif donné, par exemple une action. Comme toujours sur les marchés financiers, un coût de transaction (c0), la fourchette de prix par exemple, introduit une friction dans la rencontre entre l’offre et la demande. Hors de toute taxation, les gains totaux de tout échange doivent être au moins de c0, sans quoi il n’y aurait pas d’échange. Réciproquement, tous les échanges qui seraient mutuellement avantageux mais n’engendreraient qu’un surplus inférieur à c0 ne sont pas effectués, et l’ampleur de cette perte sociale est mesurée par l’aire grisée. Supposons qu’une taxe t est mise en place sur les transactions, et qu’en conséquence le volume diminue de Q0 à Q1, comme le montre le deuxième graphique. Les nouveaux coûts de transaction totaux sont égaux à c0+t.12 L’aire grisée en foncé représente les pertes sèches supplémentaires, notées DL, imputables à la mise en place de la taxe, tandis que l’aire en jaune clair est égale à Q1*t, i.e. la recette fiscale. Selon la forme des courbes d’offre et de demande, DL peut valoir de c0*(Q1-Q0) à (c0+t)*(Q1 -Q0). On peut ainsi calculer les bornes inférieure et supérieure de la perte de bien-être. Intuitivement, chaque transaction “disparue” du fait de la taxe aurait apporté des gains inférieurs à c0+t, sinon elle aurait quand même été effectuée. Mais elle aurait apporté des gains supérieurs à c0, sans quoi elle n’aurait pas effectuée avant mise en place de la taxe. L’impact de la taxe est plus proche de sa borne inférieure si l’offre et la demande sont très élastiques, et plus proche de la borne supérieure dans le cas contraire.

Figure 2 : Impact théorique d’une taxe et pertes sèches

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Il faut souligner que les pertes sèches sont les pertes de bien-être telles que les acteurs de marché les perçoivent, mais ne constituent pas nécessairement une perte sociale. En présence d’externalités, ces pertes peuvent être plus que compensées par des gains réalisés par d’autres acteurs économiques. Cependant, si les pertes sèches sont nettement plus importantes que les recettes fiscales t*Q1, cela implique que les acteurs de marché seraient prêts à payer forfaitairement t*Q1 + DL plutôt que de s’acquitter d’une taxe rapportant t*Q1 au gouvernement ; il y a donc un ensemble de mécanismes plus efficaces pour faire payer des taxes aux acheteurs et aux vendeurs. Si ce n’est pas le cas, ce même résultat peut être interprété comme la preuve que les acteurs de marché seraient prêts à dépenser DL en lobbying, évasion fiscale etc. pour échapper à la taxe. Une “bonne” taxe est donc une taxe dont le coût caché, ici égal au ratio de l’aire grise sur l’aire jaune, est faible. Pour mesurer l’efficience d’une TTF, il est donc intéressant de calculer son coût caché et de le comparer à celui d’autres taxes. Stiglitz (1989) par exemple suggère que l’introduction d’une TTF peut être compensée par une baisse de l’impôt sur les sociétés, ce qui permet à la fois d’augmenter les recettes fiscales et de faire baisser les coûts pour le secteur privé. Nous donnons une telle estimation du coût caché d’une TTF en III. 4. Enfin, une bonne mesure dans une stricte perspective de recettes fiscales est l’élasticité à la taxe du volume d’échanges. Comme le revenu fiscal est égal à Q*t et que Q est décroissant en t, une augmentation marginale de la taxe dt se traduit par un revenu supplémentaire tant que (t/Q)*(dQ/dt) > -1, c’est-à-dire tant que l’élasticité à la taxe du volume est plus grande que -1. Une valeur plus basse (plus négative) indique une taxe particulièrement sous-optimale, car le taux d’impôt est trop haut même sans prendre en compte la perte sèche due à la taxation. Collecte de la taxe et évasion fiscale Un autre critère décisif pour évaluer une taxe est sa simplicité de collecte, et le coût supporté par les agents pour lui échapper. Or, un fait statistique frappant lorsqu’on examine les pays qui ont eu ou ont encore une TTF est que les économies émergentes ont conservé des taxes, alors que de nombreuses économies développées en ont abandonné le concept (avant de le ressusciter à la suite de la crise financière). Les droits de timbres présentent la caractéristique importante, spécialement pour les économies émergentes, d’être aussi faciles à collecter que difficiles à éviter : comme les transferts de propriété doivent être officiellement enregistrés pour être effectifs, il est virtuellement impossible d’échanger les actifs “au noir” et d’éviter la taxation. La collecte de la taxe ne demande pas d’administration particulièrement étendue, ni une armée d’inspecteurs pour empêcher la fraude. Pour des raisons similaires, les taxes sur les transactions immobilières sont également un outil très répandu de génération de revenus fiscaux. Les arbitrages associés aux TTF peuvent évoluer à mesure que l’économie se développe. Une administration plus large sera plus à même d’utiliser des formes plus complexes et plus efficientes de taxation pour percevoir des recettes, comme la TVA. En parallèle, les marchés financiers deviennent plus sophistiqués et mettent au point des outils additionnels pour éviter la taxation. “Contrats sur différences”, “paris sur spreads” et “principaux sans risque” permettent de prendre des positions sur le marché boursier sans être taxé. Parallèlement au développement financier, les infrastructures financières se sont complexifiées, ce qui peut rendre la collecte de la taxe plus difficile. En outre, le secteur financier peut avoir acquis de l’influence dans

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le jeu politique, de l’importance économique, et la capacité de faire du lobbying contre toute TTF. Pour toutes ces raisons, il n’est pas étonnant que les TTF soient devenues plutôt rares dans les marchés modernes, et que les académiques se soient plus concentrés sur leur impact sur la qualité du marché plutôt que sur leurs recettes potentielles.

III. Etudes empiriques sur les TTF III.1 Taxinomie des taxes sur les transactions Une revue des différents acteurs de marché et de leurs rôles comme potentielles sources d’externalités (positives ou négatives) suggère qu’une taxe “sur mesure” qui prendrait soigneusement en compte les coûts et avantages d’un prélèvement sur les échanges financiers est probablement préférable à une taxe uniforme affectant tous les acteurs. Comme par ailleurs les modalités optimales d’une taxe sur les transactions financières sont peu consensuelles, les solutions effectivement mises en place font montre d’une grande hétérogénéité. Dans cette section, nous distinguons brièvement trois types principaux. III.1.1 Les “pures” taxes sur les transactions Dans sa forme la plus pure, l’assiette d’une TTF doit inclure chaque transaction ; en d’autres termes elle est prélevée indépendamment de l’identité des traders, du lieu où s’effectue l’échange (via une plate-forme ou de gré à gré), et de la raison de l’échange (intermédiation ou investissement). Ceci correspond à l’exemple classique que Keynes et Tobin avaient en tête, respectivement pour les actions et pour les transactions sur devises. En pratique, il est difficile de trouver une telle implémentation car les régulateurs prévoient fréquemment un certain nombre d’exemptions, que ce soit pour protéger des segments de marché ou des activités considérées comme vitales pour le fonctionnement des marchés (comme la tenue de marché ou l’émission de titres sur le marché primaire) ou parce que les taxes seraient difficiles à collecter faute d’un degré suffisant de transparence (par exemple sur le marché de gré à gré). En conséquence, c’est plutôt dans des économies en développement ou émergentes que l’on rencontre des taxes sur les transactions relativement strictes – ces économies ayant elles-mêmes des marchés financiers strictement réglementés (par exemple l’Inde ou Taïwan). Cependant, la première mouture de la TTF pan-européenne13 se rapproche extrêmement d’une telle TTF “pure”, car elle vise à taxer toutes les transactions impliquant soit un instrument financier européen, soit une institution financière européenne (double principe d’émission et de résidence), sans prévoir d’exemptions. III.1.2 Les droits de timbre Cette forme de TTF, probablement la plus répandue, consiste en un prélèvement sur les transferts effectifs de propriété d’un actif financier, le plus souvent une action. Une telle taxe est généralement baptisée “droit de timbre”, d’après la version britannique

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en vigueur depuis 1891 (encore que les taux aient varié depuis). Par définition, toutes les activités de trading ne conduisant pas à des transferts de propriété sont exemptes de cette taxe, en particulier le trading intrajournalier et (sauf si ils sont nommément désignés comme sujets à la taxe) les échanges sur dérivés actions. Il appert ainsi un contraste marqué entre l’exemption du trading de court terme et des activités à effet de levier et la vision d’une TTF comme instrument de correction des externalités négatives issues de l’activité spéculative. Cependant, comme signalé ci-dessus, les droits de timbre sont relativement faciles à collecter lors du règlement (largement centralisé) des transactions, et peuvent également être facilement imposés sur les transactions exécutées à l’étranger, ce qui rend une évasion fiscale plus difficile pour les investisseurs qui ne peuvent substituer des actifs entre eux. L’assiette de la taxe peut donc rester très significative. Ainsi, le droit de timbre britannique a rapporté des recettes annuelles d’environ 0,25% du PIB britannique entre 2000 et 2008 (Matheson, 2011). En pratique, certains détails des droits de timbre peuvent différer d’un pays à l’autre : par exemple, la taxe récemment mise en place en Italie prévoit un taux aggravé pour les transactions de gré à gré, tandis que la TTF française applique un taux unifié. III.1.3 Les autres approches En principe, il est également possible de taxer l’activité de trading indirectement, par exemple en imposant une surcharge sur la consommation de ressources nécessaires à l’échange. Un bon exemple d’un tel prélèvement est la TTF suédoise introduite en 1984, dont l’assiette était l’utilisation de services de courtage domestiques pour les échanges d’actions14. Le succès de telles mesures par rapport aux approches plus directes dépend de la capacité des investisseurs à substituer aux ressources taxées des alternatives qui leur permettent tout de même de mener leurs activités. Dans le cas particulier de la Suède, les investisseurs étrangers ont simplement fait appel à des courtiers étrangers, ce qui détruisait largement l’effet de l’approche. Il est intéressant de noter que la taxe répondait principalement à la demande d’une opinion publique irritée par la déconnection entre les rémunérations dans le secteur financier et l’économie réelle, sans objectif de diminution de l’activité de trading ni de collecte de recettes pour un Trésor aux abois (voir Campbell et Froot, 1994). On est ici assez proche du débat en cours en Europe, où la TTF est aussi fréquemment présentée comme une “Taxe Robin des bois” visant à restaurer une justice sociale.

III.2 Enjeux méthodologiques Un large corpus de recherche académique examine l’effet de taxes sur les transactions financières, ou plus généralement de coûts de transaction (commissions boursières, commissions de courtage etc.) sur diverses composantes de la qualité de marché. Il faut cependant souligner que nombre de ces études souffrent de problèmes qui rendent leurs résultats difficiles à interpréter en termes de causalité. D’abord, un grand nombre d’études comparent simplement le comportement du marché avant et après l’introduction d’une taxe en attribuant la différence au changement de politique. Cependant, cette approche passe à côté de la possibilité que la modification observée soit due à d’autres facteurs non liés à la taxe sur les

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transactions (par exemple des facteurs macroéconomiques) et peut donc conduire le chercheur à tirer des conclusions incomplètes, voire erronées. En conséquence, des approches plus robustes de l’évaluation d’interventions publiques exigent de mesurer des contrefactuels, c’est-à-dire que le chercheur doit mettre en place une stratégie lui permettant d’évaluer comment le marché se serait comporté en l’absence d’intervention. Un outil aussi simple que puissant est l’estimateur dit de “différences de différences”, qui repose sur la comparaison entre d’une part les changements des caractéristiques de marché autour de l’introduction d’une TTF, d’autre part ces mêmes changements sur la même période pour des actifs similaires mais non assujettis à la taxe. Malheureusement, il y a eu relativement peu d’exemples par le passé dans lesquels des données fiables étaient disponibles pour un tel “groupe de contrôle”. Ensuite, les politiques financières sont rarement annoncées et/ou adoptées isolément, ce qui rend difficile d’isoler l’effet d’une composante individuelle. Par exemple, les modifications du droit de timbre britannique et la taxe sur les transactions suédoises furent annoncées en même temps que les budgets annuels, ce qui peut contaminer les estimations des effets dus à l’annonce. De même, la déréglementation des commissions d’échanges au Japon eut lieu quasiment simultanément à l’abolition d’une TTF. Un exemple plus récent est la TTF italienne, introduite une petite semaine après une élection parlementaire assez peu tranchée. Troisièmement, les données sur l’activité des acteurs de marché individuels sont rares. Cependant, comme discuté dans la section II.3.1., les taxes sur les transactions affectent probablement les différents acteurs de marché de façon différente, et l’analyse des données agrégées ne permet pas de faire la lumière sur les canaux précis via lesquels la TTF affecte les diverses composantes de la qualité du marché. Si la théorie montre que les effets globaux des taxes sur les transactions dépendent largement de la répartition des acteurs de marché, ce n’est que récemment que les chercheurs ont pu obtenir des données suffisamment détaillées pour tester cette théorie. In fine, les critiques développées ci-dessus s’appliquent à une proportion significative des travaux empiriques sur les TTF. En outre, une bonne partie des résultats disponibles sont issus d’expériences sur les marchés émergents et/ou remontant à avant 2000. Depuis, les marchés financiers ont subi des changements spectaculaires (mondialisation financière, fragmentation des marchés, émergence du trading à haute fréquence) et il est difficile d’évaluer dans quelle mesure ces expériences passées s’appliquent à la réalité des marchés contemporains. Pour illustrer l’importance croissante du trading à court terme et de l’intermédiation, la figure 3 représente les recettes du droit de timbre britannique par rapport au volume d’échange sur les marchés organisés entre 2001 et 2012.15

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Figure 3 : Revenu du droit de timbre britannique en proportion des volumes échangés sur les marchés organisés

Bien que ces estimations ignorent l’activité sur le marché de gré à gré (qui est d’ordinaire considérable), elles soulignent la tendance générale à la baisse de l’activité de trading taxable, ce qui est cohérent avec la hausse du trading haute fréquence, en particulier avant le début de la crise financière en 2008. Heureusement, la mise en place de la TTF française en 2012 a conduit à de nouveaux projets de recherche fournissant des résultats très à jour sur les effets des TTF dans une structure de marché moderne. Ainsi, après avoir présenté un survol des résultats “historiques”, nous concluons cette section avec une revue détaillée de l’expérience française.

III.3 Les résultats “historiques” Nous passons ici en revue la littérature empirique qui existe sur les impacts des TTF sur la qualité du marché. Pour plus de simplicité, le Tableau 1 en Annexe compile les effets essentiels ainsi que l’information sur la méthodologie et les données utilisées (période, type d’actifs et pays). III.1.3 Volumes échangés Comme le montre ce sous-chapitre, il existe des désaccords significatifs dans la littérature académique qui s’intéresse aux effets des TTF sur la qualité du marché. L’impact sur le volume d’échange constitue une exception notable : quasiment toutes les études documentent un déclin dans l’activité après l’introduction de tels prélèvements ou plus généralement une augmentation des coûts de transaction. Le consensus est cependant bien moindre quant à l’ordre de grandeur de cet effet, car les estimations de l’élasticité du volume d’échange aux coûts de transaction diffèrent considérablement selon les études et les instruments. Ceci est joliment illustré par les résultats de Wang et al. (1997), dont les estimations d’élasticité aux modifications dans

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la fourchette de prix pour le volume d’échange de futures américains s’étendent de presque zéro (produits agricoles) à environ -3 (métaux et devises). Des estimations plus anciennes et basées sur les coûts de transaction totaux pour les marchés d’actions trouvent généralement des élasticités plus proches de -1 (voir par exemple Lindgren et Westlund, 1990, Jackson et O’Donnell, 1985 et Baltagi et al., 2006). Campbell et Froot (1994) soulignent que la recherche de substituts non taxés peut mener à des erreurs potentiellement importantes quand on estime les élasticités. En examinant en détail le cas suédois, ils défendent la thèse qu’une bonne partie du net déclin de l’échange d’obligations après la taxe de 1989 sur les titres à taux fixe s’explique par le mouvement des investisseurs vers des débentures exemptées. Le même raisonnement s’applique à une substitution des futures vers les forwards. En outre, ils montrent que les investisseurs institutionnels n’ont supporté de forts coûts fiscaux à l’échange d’actions suédoises que directement après l’augmentation de la taxe en 1986, avant de réduire rapidement leur exposition à la taxe sans réduire fortement leur volume d’échange effectif, soit en échangeant off-shore sur le marché londonien, soit en passant par des courtiers non suédois. En accord avec eux, Umlauf (1993) documente qu’environ 60% de l’activité sur les actions suédoises a migré à Londres. Il n’existe pratiquement aucun résultat empirique direct sur la façon dont l’activité de trading de différents groupes d’acteurs de marché est affectée par une TTF. C’est regrettable, notamment car plusieurs des arguments en faveur d’une taxation des transactions sont fondés sur l’hypothèse que les traders aléatoires se montrent plus réactifs que d’autres acteurs de marché, comme l’a par exemple conjecturé Stiglitz (1989). Bloomfied et al. (2009) répliquent dans une expérience de laboratoire un marché avec des traders informés et des traders aléatoires pour résoudre ce problème. Leurs résultats, cependant, suggèrent que traders aléatoires et acteurs informés sont peu ou prou également sensibles à la taxe, ce qui peut être interprété comme infirmant la thèse de Stiglitz.

III.3.2 Volatilité des prix Comme discuté au chapitre II.3.2., la littérature théorique est divisée sur les effets d’une TTF sur la volatilité. Bien que la littérature empirique n’ait pas été capable de régler pleinement cette controverse, l’essentiel des résultats disponibles est du côté des sceptiques. C’est particulièrement vrai des études qui se rapprochent d’une estimation de l’effet causal d’une TTF “pure”, alors que les résultats relatifs aux prélèvements de type “droits de timbre” indiquent une relation plus neutre. Jones et Seguin (1997) étudient la déréglementation des commissions aux États-Unis en 1975, qui conduisit à une baisse des coûts de transaction pour les actions cotées sur les bourses nationales comme le NYSE et l’AMEX. Il faut noter que les actions cotées sur le NASDAQ ne furent pas affectées par la déréglementation, ce qui leur donne le statut de groupe de contrôle valide. Les estimations par différence de différences indiquent que la baisse des coûts d’échange conduisit à une baisse significative de la volatilité des prix. Les résultats présentés par Hau (2006) vont dans la même direction. En utilisant des données sur des actions françaises de 1995 à 1998, il exploite le fait que le pas de cotation (tick size) régulé par la Bourse de Paris change lorsque le prix d’une action dépasse un seuil pré-spécifié (500 F), ce qui conduit à une augmentation exogène de la fourchette de prix. En utilisant ces “traitements” au niveau de chaque action individuellement, il montre que les coûts de transaction plus élevés

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conduisent à une volatilité des prix plus forte. On remarquera que les deux études examinent un cadre dans lequel le changement des coûts de transaction affecte virtuellement tous les acteurs de marché et peut donc être perçu comme une preuve directe de l’effet d’une TTF “pure”. C’est particulièrement important car il n’existe pas de travaux sur l’introduction dans le monde réel d’une taxe sur toutes les transactions. Umlauf (1993) analyse les actions suédoises échangées à Stockholm et Londres et conclut que l’augmentation de la taxe de 1986 a conduit à une augmentation de la volatilité sur le marché local. Cependant, son échantillon ne comprend que onze actions, ce qui ne permet pas de tester formellement ses hypothèses. La thèse qu’une érosion de l’activité de marché due à une migration des investisseurs off-shore peut mener à une augmentation de la volatilité des prix est également renforcée par une expérience conduite récemment en laboratoire par Huber et al. (2014). Baltagi et al. (2006) et Pomeranets et Weaver (2011) sont d’autres exemples d’études documentant une relation positive entre taxation des transactions et volatilité. Bien qu’il y ait peu de travaux empiriques sur des données provenant d’autres marchés, Fu et al. (2014) est une exception notable qui s’intéresse au marché immobilier. Cette étude considère le marché prévente des immeubles résidentiels à Singapour et documente une augmentation dans la volatilité des prix à la suite de la suppression d’une possibilité de retarder le paiement d’une taxe, suppression qui peut être interprétée comme une augmentation des coûts de transaction au sens large. Comme ce marché est particulièrement dominé par les spéculateurs, ce résultat est cohérent avec la thèse de Friedman de spéculation stabilisatrice (1953). Il existe peu de résultats plaidant en faveur de la TTF réduisant les fluctuations de marché. Un exemple ancien est l’étude multi-pays de Roll (1989), mais la relation négative qu’il trouve entre volatilité et coûts de transaction n’est pas statistiquement significative. Plus récemment, Liu et Zhu (2009) étudient la déréglementation des frais au Japon en 1999, élément de la réforme financière extensive du pays (le fameux “Big Bang”). En utilisant des American Depositary Receipts japonais et d’autres actions asiatiques comme groupes de contrôle, ils trouvent que la réforme a conduit à une augmentation statistiquement significative de la volatilité des prix, ce qui va directement à l’encontre de l’étude de Jones et Seguin (1997) conduite dans un cadre très similaire pour les États-Unis. Un troisième ensemble d’articles rapporte que les TTF n’affectent pas directement la volatilité. Phylaktis et Aristidou (2007) examinent l’introduction de la TTF grecque en 1998 et des modifications de taux subséquentes sans trouver d’effet sur la volatilité. Ils examinent également séparément des marchés haussiers et baissiers sans trouver de relation stable. Saporta et Kan (1997) étudient les changements du droit de timbre britannique sans trouver davantage d’impact significatif sur la volatilité. Un article récent de Deng et al. (2014) propose une perspective intéressante en lien avec notre typologie d’acteurs de marché et la conclusion que l’impact d’une TTF dépendra ultimement de la composition de la population de traders d’un marché. Les auteurs étudient sept modifications dans la taxe sur les transactions prélevée sur le marché des actions A chinoises de 1996 à 2009.16 Il faut noter que ce marché n’est ouvert qu’aux investisseurs domestiques, et en conséquence a connu une transition rapide d’une bourse typique d’un pays en développement et dominée par les épargnants locaux à une plate-forme relativement moderne où la plupart des transactions sont dues aux investisseurs institutionnels. En utilisant des actions H cotées à Hong Kong comme groupe de contrôle, ils montrent que les augmentations de TTF avant 2006 ont conduit à des diminutions dans la volatilité du prix des actions,

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alors que les modifications suivantes ont conduit à des augmentations de la volatilité. Dans l’ensemble, ces résultats sont cohérents avec une vision des TTF qui ne seraient un outil de correction efficace que dans des marches peu développés, en cohérence avec l’observation que les TTF, spécialement les plus larges, se rencontrent plus fréquemment dans les économies en développement ou émergentes.

III.3.3 Liquidité de marché, efficience, et effets d’annonce Il existe peu de résultats robustes sur les effets des TTF sur la liquidité de marché et les mesures de l’efficience informationnelle, ce qui s’explique au moins partiellement par la faible qualité des données dont souffrent la plupart des études plus anciennes. Baltagi et al. (2006) et Frino et West (2003) sont des exemples d’études qui font apparaître une relation négative entre efficience des prix et coûts de transaction, mais les résultats soit sont fondés sur un simple estimateur de différences (sans groupe de contrôle), soit n’utilisent aucun événement exogène. Liu (2009) fournit des résultats similaires plus probants avec la divergence entre l’efficience des prix d’actions japonaises par rapport aux ADR américains après des réductions de coûts de transaction dues à des réformes réglementaires. Chou et Wang (2006) étudient les effets d’une réduction de la TTF taïwanaise en 2000 sur la liquidité du marché des futures et trouvent une réduction faible (mais statistiquement significative) de la fourchette de prix. De même, Pomeranets et Weaver (2011) rapportent en utilisant les fourchettes imputées et la mesure d’illiquidité d’Amihud (2002) que les taxes sur les transactions plus élevées de l’État de New York sont associées à une liquidité de marché plus faible. Là encore, il faut rester prudent dans l’interprétation causale de ces résultats, faute de groupe de contrôle. Enfin, un certain nombre d’articles examinent les effets de l’annonce d’une TTF sur les prix des actifs. Intuitivement, les taxes font baisser le rendement net attribué aux investisseurs, qui exigent donc des rendements bruts plus élevés en compensation, i.e. des prix d’achat plus bas. Dans l’ensemble, les résultats empiriques sont largement cohérents avec cette intuition. Par exemple, Umlauf documente un rendement indiciel de -2,2% le jour de l’annonce de la TTF suédoise en 1983. Bond et al. (2004) et Saporta et Kan (1997) font apparaître des résultats similaires pour les augmentations des droits de timbre britanniques, mais dans les deux cas il existe un doute concernant la “pollution” au moins partielle de leurs estimations par des annonces simultanées sur le budget de l’état et le groupe de contrôle fait défaut. Cette dernière critique s’applique aussi à Hu (1998), qui observe des rendements principalement négatifs lors d’annonces dans plusieurs pays asiatiques.

III.4 L’expérience française de 2012 Le 1er août 2012 est entré en vigueur en France un prélèvement de 20 points de base sur l’achat d’actions émises par des entreprises françaises ayant une capitalisation boursière de plus d’un milliard d’euros17. Cet événement constitue une expérience intéressante et bien placée pour enrichir le débat public en cours. En particulier, des données d’excellente qualité sur l’échange d’actions françaises sont disponibles, et d’autres actions européennes (ainsi que des actions françaises plus petites) représentent un groupe de contrôle valide permettant l’identification nette des effets

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causaux de la taxe. En outre, et c’est encore une différence par rapport au passé, cet événement se situe dans le cadre d’une structure de marché moderne et très liquide (marché fragmenté, trading à haute fréquence) qui ressemble à celle de la plupart des pays industrialisés ; il peut donc être considéré comme une expérience “pilote” utile, permettant une évaluation empirique des impacts qui évite certaines des limites mentionnées plus haut. Dans l’ensemble, la TTF française est relativement similaire au droit de timbre britannique dans la mesure où les transferts de propriété constituent l’élément taxable, quel que soit le lieu où se déroule l’échange. Les ADR étaient initialement exemptés, mais ajoutés à l’ensemble des instruments affectés le 1er décembre 2012. Un certain nombre d’exemptions sont prévues, principalement pour la tenue de marché et les émissions primaires. Ainsi, la principale différence par rapport au droit de timbre britannique est un taux considérablement plus faible (le Royaume-Uni prélève 50 points de base pour l’achat de n’importe quelle action). Simultanément furent implémentées des taxes supplémentaires sur les annulations d’ordre excessives par les traders à haute fréquence ainsi que sur les ventes à découvert “à nu” des CDS souverains. En conséquence, un certain nombre d’études récentes étudient en détail l’expérience française. Colliard et Hoffmann (2013) fournissent un survol extensif qui examine l’impact de la taxe sur le volume d’échange, la volatilité des prix, la liquidité et l’efficience du marché (déviations aléatoires des rendements à court terme). En outre, ils s’intéressent également aux échanges effectués sur les plates-formes alternatives, les enchères, les dark pools et les marchés de gré à gré. Tout considéré, ils concluent que la TTF a conduit à une baisse du volume d’échange sur Euronext (par rapport à un groupe de contrôle principalement néerlandais) d’environ 10%, après prise en compte du ralentissement régulièrement constaté sur le marché des actions françaises en août (voir Figure 4a). Sur la base d’une fourchette de prix moyenne d’environ 10 bps avant traitement, ce résultat prouve une élasticité étonnamment faible du volume d’échange par rapport aux coûts de transaction, puisque la TTF signifie une augmentation de 200% pour un ordre au mieux marginal.18 Il faut toutefois se rappeler qu’une large proportion du volume d’échange sur les marchés contemporains est intrajournalier et échappe ainsi à la taxe. En appliquant la méthodologie expliquée en II.4., l’estimation des pertes sèches due à la taxe est 10% du volume fois une fourchette de prix moyenne avant la taxe de 10 bps, soit une perte représentant environ 1 bp du volume d’échange. Sur le marché organisé le volume avant la taxe était en moyenne de 25,8 millions d’euros par jour pour chacune des 86 actions affectées par la taxe ; ainsi la taxe implique une perte de bien-être d’environ 2,27 millions d’euros par jour d’échange, soit encore une perte totale de 243 millions d’euros sur la période août à décembre 2012, à comparer à des recettes fiscales de 200 millions d’euros. Bien que la volatilité des actions françaises ait décliné significativement début août 2012, cette baisse n’est pas attribuable à la TTF française elle-même mais plutôt à un effet généralisé sur plusieurs marchés et essentiellement motivé par des développements associés à la crise des dettes souveraines (voir Figure 4b). De façon intéressante, ce résultat de neutralité se rapproche des résultats de plusieurs études antérieures qui s’intéressaient aux effets des TTF de type “droit de timbre” (par exemple Phylaktis and Aristidou, 2007, Saporta and Kan, 1997), ce qui indique que ce type de taxe est au moins à même d’éviter les augmentations de volatilité que l’on observe pour des augmentations plus générales des coûts de transaction (voir Jones et Seguin, 1997, Hau, 2006). Cependant, l’hypothèse d’une réduction de la volatilité

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est clairement infirmée ; avec un groupe de contrôle différent, Capelle-Blancard et Havrylchyk (2014) aboutissent au même résultat. En outre, Colliard et Hoffmann (2013) documentent des baisses peu significatives économiquement de la profondeur, de la résilience et de l’efficience du marché, alors que les fourchettes de prix demeurent essentiellement inchangées. Ces résultats, qui sont similaires à ceux de Meyer et al. (2013), indiquent que les mesures implicites et explicites de sauvegarde de la liquidité ont réussi à préserver le fonctionnement des marchés. Parmi les autres études, seuls Haferkorn et Zimmermann (2013) présentent une vue légèrement plus négative sur la base d’un sous-échantillon des actions les plus liquides.

Figure 4a : Logarithme du volume d’échange sur Euronext relativement à la moyenne de juin et juillet 2012, pour les actions françaises impactées par la taxe (rouge) et les actions néerlandaises non affectées (bleu)

Figure 4b : Volatilité réalisée relativement à sa moyenne sur juin et juillet 2012 pour les actions françaises impactées par la taxe (rouge) et les actions néerlandaises non affectées (bleu)

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Un autre désavantage des expériences “historiques” est qu’il existe relativement peu de résultats sur l’effet des TTF sur les différents types d’acteurs de marché (avec l’exception notable de Campbell et Froot, 1994). Cependant, la disponibilité de données sur les portefeuilles d’investisseurs institutionnels peut éclairer cette question importante. La figure 5 ci-après détaille plusieurs estimations de l’impact de la TTF sur l’activité de trading des fonds d’investissement présents dans la base de données de Factset. Pour chaque portefeuille reporté, le volume d’échange spécifique à chaque action aux deuxième et quatrième trimestres 2012 sont estimés comme le changement absolu par rapport à la position antérieurement reportée.19 En agrégeant les volumes sur tous les fonds, on obtient un estimateur de l’activité d’échange de chaque titre, qui peut ensuite être utilisé pour mener une analyse de différence de différences en comparant l’activité sur les actions françaises à un échantillon de contrôle d’autres actions cotées sur Euronext. Cette activité indique que le volume d’échange des investisseurs institutionnels a décru d’environ 20% en moyenne pour les actions françaises affectées par la taxe, soit une proportion considérablement plus élevée que les estimations pour le volume d’échange sur les marchés organisés, ce qui est cohérent avec l’hétérogénéité selon les différents segments de marché mise en lumière par Colliard et Hoffmann (2013). Grâce à des données supplémentaires sur les investisseurs, on peut calculer l’impact sur le volume d’échange pour différents types d’acteurs de marché, par exemple des institutions ayant des vitesses moyennes de rotation du portefeuille différentes. Comme le suggère la théorie (Amihud et Mendelson, 1986), on peut voir que le volume d’échange des fonds ayant une rotation lente n’a décru que faiblement (environ 10%) tandis que le volume provenant des investisseurs les plus actifs a décru dans la proportion ébahissante de 65%.

Figure 5 : Impact de la TTF française sur le trading institutionnel pour des investisseurs ayant différentes vitesses de rotation du portefeuille. Les estimations se fondent sur les changements de détention de titres aux T2 et T4 2012

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IV. Conclusions pour les décideurs publics IV.1 Une taxe pour deux objectifs ? A côté de l’objectif pigouvien de maîtrise de formes d’activité de marché s’apparentant à de la pollution financière, le débat public actuel insiste fréquemment sur le potentiel additionnel d’une TTF comme source de recettes fiscales. Tant des ONG que des personnalités publiques en appellent à une “taxe Robin des bois”, et la Commission européenne la perçoit comme un outil “pour faire en sorte que le secteur financier apporte une contribution juste et substantielle aux finances publiques”.20 Il est cependant important de souligner qu’il n’est généralement pas optimal qu’un seul instrument doive répondre à un double objectif. Une taxe purement corrective vise à changer le comportement des agents et, si elle est correctement implémentée, ne produira que des revenus relativement modestes. Par contraste, une politique visant à soulager les finances publiques devrait essayer de modifier aussi peu que possible les comportements afin de maximiser les recettes. En outre, le rôle des exemptions (par exemple pour des segments et / ou activités de marché spécifiques) n’est pas le même dans les deux cas. La coexistence de deux objectifs séparés (limiter le trading spéculatif et lever des recettes pour faire face aux déficits publics) appelle donc l’utilisation de plusieurs instruments. De fait, l’expérience française de 2012 combine une TTF de type “droit de timbre” avec une taxe sur les annulations d’ordres excessives. Ce “paquet” fiscal peut être interprété comme une taxe génératrice de revenus sur les transferts de propriété d’actions associée à un prélèvement correctif qui vise les traders à haute fréquence en tant que source d’externalités négatives. Cependant, la deuxième mesure semble avoir eu assez peu d’effet en pratique, du fait de sa restriction aux entreprises de trading françaises.21 Une interprétation relativement similaire s’applique à la taxe italienne lancée récemment, qui comprend un taux plus élevé sur les transactions conduites hors des marchés réglementés (voir Coelho, 2014). Dans la mesure où les échanges de gré à gré sont associés à des externalités négatives (par exemple car ils affectent la découverte des prix en réduisant la transparence), cette taxation duale peut être considérée comme visant des objectifs séparés.

IV.2 La TTF européenne Dans sa proposition originelle, la TTF européenne est envisagée comme une TTF “pure” sur toutes les transactions, dont le périmètre est donc considérablement plus large que les prélèvements de type droit de timbre appliqués en France, en Italie, au Royaume-Uni et ailleurs. De plus, elle doit s’appliquer non seulement aux actions, mais aussi aux échanges de titres à taux fixe et de dérivés, ce qui étendrait son action sur un territoire encore “vierge”. Sans rentrer dans des considérations sur le conflit entre différents objectifs, il paraît clair qu’une TTF dotée d’un périmètre relativement large et sans exemption devrait avoir un impact considérablement plus spectaculaire sur la qualité du marché que les

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effets plutôt modérés en termes de liquidité que nous avons observés à la suite de l’expérience française plutôt restreinte de 2012. Ce qui est beaucoup moins clair, en revanche, est la différence de potentiel de recettes entre ces deux extrêmes. L’expérience indique que les recettes projetées sont typiquement frappées du sceau de l’optimisme, le cas suédois constituant un exemple particulièrement alarmant des effets néfastes de l’évasion et de la substitution. Cependant, un calcul à la serpe sur la base des recettes de la taxe française donne des premiers aperçus très intéressants. Colliard et Hoffmann (2013) estiment qu’une extension à tous les autres États membres de l’UE de la TTF française (20 bps sur les achats d’actions quand la capitalisation boursière est au-dessus d’1 milliard d’euros) engendrerait des revenus d’environ 3,4 milliards d’euros sur la base de la distribution des volumes échangés dans le continent. Par comparaison, la Commission européenne estime pouvoir lever de 4,8 à 6,5 milliards d’euros avec une TTF “pure” sur les actions. Ce simple calcul permet de voir que le potentiel de recettes supplémentaires associé à un périmètre plus étendu est relativement limité, et que le coût de protection de la liquidité de marché en termes de renonciation à des recettes semble relativement modeste. Si l’objectif d’une TTF européenne est de rapporter des revenus substantiels, les études disponibles suggèrent qu’il n’y a pas beaucoup à perdre en commençant par une mise en place selon les modalités prudentes retenues par la France, en se laissant la possibilité d’étendre l’assiette fiscale progressivement par la suite. Le potentiel de recettes supplémentaires issues d’une taxation des échanges sur les actions d’entreprises plus petites semble limité, l’activité de marché étant concentrée de manière disproportionnelle sur les actions les plus liquides. En outre, l’expérience française montre que les marchés financiers modernes sont suffisamment résilients à une telle taxe pour éviter des distorsions majeures, dès lors que la fourniture de liquidité est protégée. Après avoir calé à plusieurs reprises, les négociations sur les détails de la mise en place pan-européenne semblent converger vers un droit de timbre pan-européen en guise de première étape, ce qui représenterait également une solution politiquement séduisante puisqu’une telle mesure est déjà en place dans plusieurs des onze pays qui se sont engagés sur le principe d’une TTF.22 Toujours du point de vue de la collecte de revenus, il n’est pas clair qu’une TTF soit la meilleure solution pour faire contribuer davantage aux comptes publics le secteur financier. D’abord, parce que cela néglige la question de l’incidence fiscale : un fonds impacté par la taxe peut réduire sa marge, moins rémunérer ses investisseurs, ou demander des commissions plus élevées. Une partie significative de la taxe peut par exemple être supportée indirectement par les épargnants ayant souscrit à des fonds de pension ou des assurances-vie. Ensuite, parce qu’il peut y avoir des moyens plus directs et plus efficaces d’atteindre le même objectif. Plusieurs pays, y compris la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont mis en place en 2011 des taxes bancaires, ce qui présente le double avantage de collecter les fonds directement auprès du secteur bancaire (ou plutôt de ses actionnaires) et d’être plus transparent dans la raison d’être de la taxe. En termes de recettes, il est intéressant de remarquer que la France disposait jusqu’en 2008 d’une TTF baptisée “Impôt de Bourse”, qui fut supprimée en compensation d’une hausse de l’imposition des plus-values. Il y a clairement une forme de substituabilité entre ces deux impôts, et il n’est pas aisé de déterminer la plus efficace en termes de collecte de recettes.

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IV.3 Un avenir pour des TTF pigouviennes ? Comme discuté aux chapitres III.3 et III.4, les études empiriques ne corroborent guère l’idée que les TTF constituent un outil efficace de correction des externalités négatives, par exemple en réduisant la volatilité – ce qui n’est pas forcément surprenant au vu des modifications considérables des marchés depuis les premières propositions de TTF. Avec la montée de la gestion de portefeuille déléguée, le nombre d’investisseurs non-professionnels présents sur les marchés financiers a fortement baissé, ce qui réduit leur potentiel à favoriser des fluctuations irrationnelles dans les prix des actifs (nonobstant la possibilité que les investisseurs professionnels soient également sujets à des attaques d’irrationalité). Les marchés d’actions sont plus liquides et donc plus difficiles à manipuler même à court terme. En outre, ils sont devenus plus résilients aux chocs provenant des demandeurs de liquidité, ce qui jette des doutes sur l’utilité d’empêcher ces derniers de rééquilibrer leurs portefeuilles aussi souvent que nécessaire. Ceci est élégamment résumé par la démonstration par Deng et al. (2014) que la TTF chinoise réduisait la volatilité avant 2006, mais l’aggrave depuis. L’architecture moderne des marchés pose de nouvelles problématiques dont les solutions potentielles sont souvent plus ciblées que des TTF : • l’argumentation traditionnelle à l’encontre de la spéculation ou du trading excessif vise aujourd’hui le trading à haute fréquence. Si celui-ci peut être fortement affecté par une TTF (encore que pas par un droit de timbre), une taxation des annulations fréquentes ou de la technologie de trading à haute vitesse aurait l’avantage de minimiser les effets collatéraux sur d’autres acteurs de marché ; • le débat sur la prise de risque excessive des investisseurs professionnels et traders constitue l’équivalent moderne de l’idée qu’il y a trop de spéculation à court terme. Plusieurs mesures ciblées ont été proposées pour résoudre ce problème, par exemple sous forme de réglementation des bonus ; • enfin, l’idée que le secteur financier pourrait drainer trop de ressources, qui seraient utilisables de façon plus productive dans l’économie “réelle”, est probablement plus présente que jamais dans l’opinion publique. Plusieurs réformes réglementaires qui visent à réduire les subventions publiques implicites dont bénéficient les banques s’attaquent nettement plus directement qu’une TTF à la cause de cette inefficacité potentielle. De façon alternative, les TTF pourraient facilement être conçues dans une direction qui se rapprocherait d’objectifs pigouviens. Un exemple simple en serait d’imposer les ventes plutôt que les achats et d’appliquer des taux plus faibles en fonction des périodes de détention (comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays pour l’imposition des plus-values).

IV.4 La prochaine étape : dépolluer le débat public Enoncer que le débat politique sur les TTF est parfois obscur est un euphémisme. La confusion entre les différents arguments en faveur des TTF conduit à une opacité quant à leurs objectifs : les TTF sont proposées dans des époques où les gouvernements cherchent des recettes fiscales supplémentaires et où le soutien politique à une

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taxation du secteur financier est déterminé, mais elles sont aussi popularisées comme des outils pour résoudre divers types d’inefficacités. Afin de clarifier le débat sur la TTF européenne, nous suggérons l’utilisation d’outils différents pour atteindre des objectifs définis avec précision : • si le but est d’utiliser une taxe sur les transactions pour lever des fonds, la solution la plus prudente semble être l’introduction d’un droit de timbre commun sur les actions, avec des exemptions pour la tenue de marché et les petites entreprises, i.e. essentiellement d’étendre les modalités françaises au niveau européen. Idéalement, ceci devrait être fait de façon à estimer avec précision les impacts, par exemple via une entrée en vigueur échelonnée pour différents titres d’une même classe d’actifs au sein d’un même pays. Selon le résultat, la taxe pourrait être étendue à d’autres classes d’actifs dans un second temps, probablement en utilisant des taux différents pour refléter les élasticités hétérogènes des transactions dans les différents marchés ; • si le but est de corriger des inefficacités ou de contrôler des risques potentiels sur la stabilité financière associés à certaines formes de trading, encore plus de prudence et d’expérimentations s’imposent. Bien que la réticence envers les THF dans le débat public ne fasse que croître, il n’y a actuellement pas de consensus au sein du monde académique ou chez les régulateurs quant aux externalités négatives effectives qu’ils engendrent. En outre, les traders à haute fréquence utilisent des stratégies diverses (voir par exemple Hagstromer et Norden, 2013) et il existe un risque d’affecter les bénéfiques comme les néfastes. La taxe THF mise en place au même moment que la TTF française, par exemple, décourage en réalité la soumission d’ordres à cours limité et encourage celle d’ordres au mieux, ce qui revient à décourager relativement les stratégies qui procurent de la liquidité. Plus généralement, il est difficile de concevoir une taxe pigouvienne sans savoir ce qu’elle est censée corriger. Des expérimentations peuvent se montrer très éclairantes sur ce sujet. Plusieurs propositions comme des limites sur les ratios entre les ordres et les échanges, la taxation des annulations rapides ou la substitution d’enchères collectives fréquentes à un trading en continu pourraient être des moyens d’améliorer la qualité de marché. Pour conclure, nous pensons que, 36 ans après la proposition de Tobin et 78 ans après la Théorie générale de Keynes, les études théoriques et empiriques sur les taxes sur les transactions financières sont suffisamment mûres pour permettre au débat d’entrer dans une nouvelle phase moins primitive. Nous avons aujourd’hui une meilleure compréhension des mécanismes précis à travers lesquels les TTF peuvent aider les marchés financiers, ou au contraire leur nuire. Plus important encore, nous disposons maintenant de données et de méthodologies empiriques pour quantifier leurs impacts. Il ne manque plus qu’une réelle volonté des partisans et des détracteurs de la taxe de quitter le monde des postures de principe au bénéfice d’une approche à la fois plus pragmatique et plus scientifique. Une telle approche devrait définir précisément les objectifs assignés à une TTF, conduire des expériences pilotes à petite échelle calibrées pour permettre une évaluation ex-post précise, et mettre en place plus largement les modalités fructueuses (s’il en existe). Le projet européen serait une opportunité parfaite pour donner l’exemple à grande échelle d’une telle approche pragmatique.

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NOTES 1 La traduction des passages tirés de Keynes est celle de Jean De Largentaye dans “Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie”, Editions Payot, 1942 (NdT). 2 La théorie financière contemporaine considèrerait plutôt qu’un des bénéfices d’un marché liquide est qu’il permet à un investisseur qui ne peut plus détenir ses actions pour une période longue, par exemple à la suite d’un choc de liquidité, de les vendre rapidement à quelqu’un d’autre. 3 Notons ici que les “concours de beauté” de Keynes n’ont pas grand-chose à voir avec ceux que nous connaissons : les votants pouvaient eux-mêmes gagner des prix s’ils votaient pour le gagnant final. L’incitation n’était donc pas à voter pour son premier choix, mais bien pour le candidat dont on s’attendait à ce qu’il soit le favori des autres votants. 4

Allen, Morris et Shin (2006) proposent un modèle étudiant ce type de comportement et montrent qu’une telle spéculation résulte généralement en des bulles de prix.

5

Tobin avait avancé la même idée dans un autre discours en 1972, sans beaucoup d’écho.

6

Dans un article postérieur de 1995, James Tobin, Barry Eichengreen et Charles Wyplosz suggèrent qu'une taxe peut aussi être utile lors de la transition vers une monnaie européenne commune. 7

Suivant la recherche sur la microstructure des marches financiers, nous définissons comme traders aléatoires les agents qui ne possèdent pas d’information privée. Dans les études sur les limites à l’arbitrage, les traders aléatoires non seulement n’ont pas d’information mais aussi échangent pour des motifs comportementaux. Nous dénommons traders comportementaux les agents relevant de cette catégorie. 8 Dans un marché sans frictions il n’y a pas de coûts de transactions et le prix d’une action a autant de chances d’augmenter que de décroître. Dès lors, une stratégie d’échange aléatoire rapporte des profits nuls en moyenne, et donc également des pertes nulles. Cependant la volatilité de ce rendement est sous-optimale. 9

Notre traduction (NdT).

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Hart et Kreps (1986) montrent que de fortes hypothèses sont nécessaires pour être sûr que cet argument “intuitif” soit toujours valable dans un modèle formel. 11 Cette argumentation n’est cependant pas évidente, car Grossman et Stiglitz (1980) ont montré au contraire que puisque un trader informé révèle son information en échangeant, les profits issus de l’information pourraient être trop bas, ou même nuls en l’absence de traders aléatoires. 12 On peut facilement étendre le raisonnement au cas dans lequel les coûts de transaction bruts sont également impactés par la taxe. 13

Tant la proposition initiale sur un périmètre UE de la Commission européenne (septembre 2011) que la proposition de février 2013 dans le contexte de la coopération renforcée entre onze États membres.

14

Le taux de la taxe fut augmenté en 1986. Une taxe supplémentaire sur les échanges de titres à revenu fixe fut introduite en 1989. Les deux taxes ont été abandonnées dans les années 1990.

15 Source des données : Bourse de Londres (LSE). Pour rendre compte de la fragmentation des marchés après la mise en place de MiFID, nous supposons que la part de marché du LSE est de 90% pour l’année fiscale 2008-09, de 80% pour 2009-10 et 70% par la suite. Cet ajustement n’affecte pas les résultats qualitativement. 16 Le marché des actions chinoises est fortement segmenté. Si les actions A échangées en Chine continentale sont réservées aux investisseurs domestiques, les actions H échangées à Hong Kong ne sont ouvertes qu’aux investisseurs étrangers. 17

La liste des actions sujettes à la taxe est mise à jour chaque année sur la base de la capitalisation boursière de l'entreprise à une date donnée (1er décembre 2011 pour la première année).

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Clairement, les gros ordres peuvent subir d’autres coûts comme l’impact sur le marché, conduisant à des élasticités plus négatives.

19 La taxe a été introduite durant le 3e trimestre, qui est donc omis. Il est clair qu’on ne peut pas juger sur la base de portefeuilles à la fin du trimestre quelle proportion du volume d’échange a été effectuée avant et après le 1er août. 20

Voir le site web de la Commission européenne : http://ec.europa.eu/taxation_customs/taxation/other_taxes/financial_sector/index_en.htm

21 Il faut noter que le périmètre plutôt restreint de la taxe sur le THF s’explique essentiellement par des considérations extraterritoriales. 22

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Voir “France and Germany in push for ‘Robin Hood’ tax deal”, Financial Times, 19 février 2014.

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Financial Transactions Taxes: Theory, Evidence and Design

The views expressed in this paper are the authors' and do not necessarily reflect those of the European Central Bank or the Eurosystem. Accordingly, they should not be represented as official or unofficial opinions of these institutions. We gratefully acknowledge the financial support of Institut Louis Bachelier. Part of this paper draws on our separate research project on the French Financial transactions tax, for which we received extensive feedback from various seminar and conference participants. In addition, we are very grateful to the Autorité des Marchés Financiers, the Direction Générale du Trésor and the European Institute of Financial Regulation for helpful discussions and feedback.

I. Introduction The recent financial crisis has renewed interest in the long-standing idea of a financial transactions tax (FTT). After several decades of financial deregulation, this levy is considered anew as a means to achieving various objectives: making the financial sector contribute to public finances as a compensation for bail-outs and state guarantees, restoring social justice ("Robin Hood tax"), tilting the balance in favor of "long-run investors" as opposed to "short-term speculators", reducing "excess volatility" in financial markets etc. The desire to move into this direction is particularly strong in the European Union, where 11 countries have formally agreed to adopt a common FTT whose exact tax base and design is still debated. If adopted in the current state of the European Commission's proposal, this pan-European levy would be the most ambitious FTT ever imposed, seeking to cover all financial instruments and tax all transactions with virtually no exemptions. Even a more restrictive implementation would already be a significant step, as it would be the first time that several countries agree on a common FTT. However, opponents point to likely costs such as reduced liquidity, which would hurt investment and growth in economies that are just starting to recover from the deepest recession since World War II. It is thus not surprising that negotiations on the design of the European FTT are proceeding at a rather slow pace. The role of academic research in this debate is rather odd. While proponents of the tax routinely appeal to the authority of John Maynard Keynes (1936) and James Tobin (1978), more recent research is hardly part of the debate. But financial markets have evolved considerably since these early arguments were made, and the academic literature has tried to update or challenge them. However, the scarcity of real-world experiences with far-reaching FTTs as well as a lack of reliable data have frequently been limiting factors to the empirical evaluation of transactions taxes.

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Our aim is to provide an up-to-date overview of what the academic literature can offer to clarify the debate on the merits and costs of FTTs. In particular, we emphasize the necessity of devoting more attention to the actual tax design. The impact of an FTT is sensitive to the composition of the trader population, the characteristics of the asset traded, and the market organization or microstructure. All these elements vary across countries and across time. Finally, actual FTTs are all different in their implementations, leading to different impacts on various market participants and thus to different outcomes. A first source of obscurity in the debate on FTTs is the lack of precision and agreement on the objectives they are supposed to fulfill. We thus begin our analysis with a review of the theoretical arguments that can support FTTs, from Keynes and Tobin to more contemporary contributions. We do not neglect the revenue-generating function of such taxes, which has attracted less interest among academics but often seems as important or even more important to governments than correcting financial market imperfections. We also describe the impact that FTTs can be expected to have on various observable variables, so as to better understand the findings emerging from the empirical literature. Some empirical studies have looked at the impact of real-world FTTs, which are most frequently implemented as so-called "stamp duties" payable on transfers of security ownership (thus implicitly exempting intraday trading). Such taxes are relatively widespread, particularly in emerging markets, but also in developed economies such as the United Kingdom. The associated evidence is often summarized as offering a "mixed view" on the impact of FTTs. We argue that there is not one single FTT of which we would like to estimate the likely impact, but a variety of designs more or less adapted to particular market circumstances. The diversity of experiments can in fact be considered as a useful way to learn more about the channels through which such policies impact markets. We analyze the French FTT implemented in August 2012 in greater detail, as it forms an exceptional opportunity to study the consequences of a tax in a modern market structure for which rich data is available. Finally, we use the insights from both the theoretical and the empirical literature to draw a few important conclusions for the design of FTTs, including the European project. Our leitmotiv is that the objectives of raising revenue and correcting market imperfections should be separated and achieved through different tools. An FTT whose goal is to bring revenues should not at the same time have a significant negative impact on traders' behavior and market activity. Conversely, instruments aimed at discouraging harmful behavior could be much more targeted and efficient than a general FTT. Even if an FTT could have desirable impacts, the available evidence does not support this idea. We think that such a separation of objectives would allow discussing the design of FTTs with a clearer view of their costs and benefits. With explicit objectives, it is easier to discuss the economic mechanisms at play and their magnitude, leading to a bettergrounded debate on a topic too often marred by ideological beliefs and ulterior motives.

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II. Why taxing transactions? Theoretical motivations II.1. The origins: Keynes and Tobin’s proposals To understand the debate on FTTs, it is necessary to come back to the two most famous promoters of this idea, namely John Maynard Keynes and James Tobin. Their arguments in favor of such a tax, very different both from each other and from more contemporary rationales, are often distorted in the public debate.

II.1.1 Keynes: the case against liquidity Keynes briefly refers to the possibility of a transactions tax in the Chapter 12 of his General Theory. This chapter, famous for being arguably the most original in Keynes’ masterpiece, develops a subtle view of financial markets, perhaps to the point of being sometimes self-contradictory. According to Keynes, financial markets should be a mechanism to allocate capital, which originates from savings, to the projects and companies with the best long-run prospects of success. This is the role of the primary market. The secondary market then makes investments liquid by allowing primary investors to sell their shares to others. In Keynes’ formulation: “It is as though a farmer, having tapped his barometer after breakfast, could decide to remove his capital from the farming business between 10 and 11 in the morning and reconsider whether he should return to it later in the week. [...] Investments which are “fixed” for the community are thus made “liquid” for the individual.” For Keynes, liquid markets are an illusion because actual investments themselves are not liquid: when companies are hurt by negative shocks someone has to bear the losses; it cannot be the case that all investors are able to sell their shares without anyone buying.1 Moreover, liquidity comes at an important cost for Keynes. It brings the possibility to realize short-term capital gains by trying to anticipate short-run price movements, perhaps due to mass psychology, instead of considering only the longterm prospects of a company. In Keynes’ words, speculation becomes more profitable than enterprise. Investors try to second-guess each other in a “beauty-contest” game: the goal of a speculator is not to buy an undervalued stock today and then get the dividends, but to buy today and sell tomorrow at a higher price.2 The future price depends on the speculators’ behavior tomorrow, which itself will depend on speculative behavior the day after, and so on.3 The investors’ energy is focused on playing a silly game, whereas “The social object of skilled investment should be to defeat the dark forces of time and ignorance which envelop our future.” Less liquid markets could reduce massive price movements due to psychology or changes in market sentiment, by forcing people to wait to sell and buy stocks instead of rushing to the market. This would then reduce speculation. This reasoning leads Keynes to justify a tax: “It is usually agreed that casinos should, in the public interest, be inaccessible and expensive. And perhaps the same is true of Stock Exchanges. [...] The jobber’s “turn”,

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the high brokerage charges and the heavy transfer tax payable to the Exchequer, which attend dealings on the London Stock Exchange, sufficiently diminish the liquidity of the market [...] to rule out a large proportion of the transactions characteristic of Wall Street. The introduction of a substantial Government transfer tax on all transactions might prove the most serviceable reform available, with a view to mitigating the predominance of speculation over enterprise in the United States.” Following the same reasoning, Keynes goes as far as suggesting that secondary transactions could be banned altogether, making investment “permanent and indissoluble, like marriage”. As with a tax, the goal is to increase transactions costs in order to make markets less liquid, reduce speculation and focus the investors’ efforts on long-term valuations. However, the extreme case of banning transactions makes it clear that the tax could end up discouraging “enterprise” even more than “speculation”.

II.1.2 Tobin: when markets work too well James Tobin gave his name to the idea of financial transactions taxes during a famous presidential address at the 1978 conference of the Eastern Economic Association4. The context is important: the international monetary system based on the dollar had broken down 7 years before, resulting in a new system of floating exchange rates which did not bring much more stability than the old one, and led to an uncooperative game between governments. To bring stability, Tobin proposed a global tax on all foreign exchange transactions, and those transactions only. While the possibility that short-term speculation on currencies may expose an economy to destabilizing forces is part of the argument, Tobin’s main idea is different: the problem is not that financial markets do not function properly, but that they are working too well. In a single country, the markets for goods, capital and labor as well as the fiscal framework are integrated. If the cost of producing a particular good decreases in region A relative to region B, labor and capital can freely move from B to A, A will export the produced goods to B, and adverse effects on the economy of B can be compensated with fiscal transfers. If all these adjustment mechanisms work properly, there is no point in slowing down any of them. Things are different at the international level: there is no fiscal integration, and labor is not very mobile. Goods are exchanged with fewer frictions, but capital markets are by far the fastest to adapt, especially with the gradual abolishment of capital controls in the 1970s and 1980s. In a world with several frictions, it is not clear that reducing one of them in isolation is beneficial. In particular, fast capital movements make it impossible for policy-makers to follow autonomous policies. Whereas capital controls would prevent economies to adjust to long-term changes in the distribution of demand and supply at the global level, with a significant impact on growth, a tax may simply make these changes more gradual, and smooth out temporary disruptions. The other option, too optimistic for the 20th century according to Tobin, is more integration.5 To quote the author: “There are two ways to go. One is toward a common currency, common monetary and fiscal policy, and economic integration. The other is toward greater financial segmentation between nations or currency areas, permitting their central banks and governments greater autonomy in policies tailored to their specific economic institutions and objectives. The first direction, however appealing, is clearly not a viable option in the foreseeable future, i.e., the twentieth century. I therefore regretfully

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recommend the second, and my proposal is to throw some sand in the wheels of our excessively efficient international money markets.” Tobin’s original proposal is quite ambitious: it needs to be imposed at the global level, and thus requires a high degree of unanimity across countries. For this reason, it was never put in place, and all other FTTs or so-called “Tobin taxes” that have been implemented are very different from the proposal, both in their design and in their objectives. One of the main pro-tax arguments, that an FTT could reduce volatility, was indeed seen by Tobin as a possible positive side-effect, but secondary to the main objective.

II.2. Externalities in financial markets: modern rationales for transactions taxes While markets have changed since Keynes and then Tobin suggested taxing financial transactions, their idea that such a tax may be necessary to tame financial markets remained. In the language of economic theory, some consider that an FTT could help reducing negative externalities inflicted by some market participants on others, very much like a carbon tax can reduce pollution.

II.2.1 Market participants: A stylized overview Theorists have studied several mechanisms through which the action of some types of market participants can be harmful. To understand them, it is first useful to have in mind a stylized typology of the population of financial markets. • Issuers create the securities that are traded on the secondary market, a direct example being publicly listed corporations. While they rarely participate in the secondary market, market quality is still important to them. If their securities are less liquid or more volatile they will be traded at a discount, thus increasing a company’s cost of capital. • Informed traders trade on information that is not reflected in the price of the asset. They buy when they consider the price to be too low, and sell when it is too high. As a result, they make capital gains at the expense of those trading with them. They play a key role in making prices more informative about their intrinsic value. Examples of informed traders range from investment funds relying on fundamental analysis to corporate insiders. The logical opposite of informed traders are noise traders, whose transactions are “random” in the sense that they are not related to a company’s fundamentals. They can be classified into two distinct variants:6 • Liquidity traders trade for liquidity or hedging motives and not in the hope of making capital gains. Retail investors may need to sell part of their portfolio to pay medical expenses or buy a house. Pension funds need to sell or buy depending on their cash inflows and outflows, and to periodically rebalance their portfolios. Index funds need to sell and buy stocks to track the weights of the different components of the index. • Behavioral traders hope to make capital gains, but do not have actual private information about the stocks they trade. As a result they make losses on average, but the losses are small in a liquid market, so that they may be slow to exit. Retail investors are a typical example of behavioral traders.7 Studies on active funds also cast doubt

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on their ability to acquire and use relevant information, in which case they should also be classified into this category. A most vivid description of these traders is given by Stiglitz (1989): There is a third group of individuals, called noise traders, who may believe that they understand how the stock market works, who may have theories about the connection between sunspots and stock prices, or between some other observable and stock market prices. These are the dentists and doctors in the Midwest and the retired individuals in the Sunbelt, for whom “following” their favorite stocks is a favorite pastime. We should probably include many of the stock market brokers who advise them (and many of the portfolio managers who manage unindexed funds) within this category. • Speculators are agents who trade in order to make capital gains and thus try to predict future prices instead of future dividends. They typically aim at profiting from temporary price movements, due for instance to large liquidity trades. Unlike informed traders, they do not possess private information about the asset’s fundamental value but rather trade on market frictions. A particular class of speculators is arbitrageurs, who try to exploit price differentials between assets that deliver identical payoffs or identical assets across market centers. A typical example is “triangular arbitrage” in the foreign exchange markets. • Intermediaries (e.g. market-makers) facilitate trades between other types of traders by taking temporary positions (see e.g. Grossman and Miller, 1988). A liquidity trader A may want to sell a stock, while trader B wants to buy but only ten minutes later. An intermediary can buy from A at a price (bid) slightly below the current value of the stock, and sell to B ten minutes later at a price (ask) slightly above. The margin between the two prices (the bid-ask spread) is the intermediary’s revenue, and covers in particular the risk to hold the stock during ten minutes. Intermediaries have evolved over time with changes in market structure and in technology. In today’s electronic equity markets, high-frequency traders have replaced traditional market makers (such as e.g. the NYSE specialists) to a large extent.

II.2.2 Searching for externalities Equipped with this stylized typology of market participants, we can study a number of effects through which each type of trader can impact the others, either positively or negatively. As will be apparent, identifying types of traders that are unequivocally harmful or beneficial is quite challenging. Keynes advocated an FTT to discourage speculation. Whether speculation is beneficial to financial markets or not has been the subject of much academic debate. Friedman (1953) articulated a powerful argument in favor of speculation, which the literature since then has tried to refine or to challenge: a speculator tries to buy stocks whose price will go up, and sell stocks whose price will go down. By definition he thus makes the price today closer to its value tomorrow, and stabilizes prices.8 In a very influential paper, De Long et al. (1990a) develop a more critical view. They consider an economy in which behavioral traders tend to buy after price increases and sell after price drops (“positive feedback trading”), a behavior that could be due to behavioral biases but also institutional constraints or stop-loss strategies. While speculators should trade in the opposite direction to arbitrage mispricings, they actually find it profitable to trade with the crowd: buying after behavioral traders leads to even more purchases; prices keep going up, until finally the speculators

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sell and realize large capital gains, imposing a negative externality on the market. The search for short-run capital gains by speculators can also have a direct impact on the real economy. Shleifer and Vishny (1990) argue that investors’ short-termism can lead firms to also choose projects with better short-run prospects at the expense of more profitable but more long-term ones. Behavioral traders are the second main target of FTTs. Their trades move prices without containing new information, thus increasing non-fundamental uncertainty and decreasing price informativeness. This constitutes a negative externality on other market participants, who face the risk of trading at “wrong” prices. The ability of arbitrageurs to correct mispricings is also affected by what DeLong et al. (1990b) call “noise trader risk”: an arbitrageur buying an underpriced stock may have to wait long before prices converge to the asset’s value if the stock is constantly hit by negative shocks. On the positive side, the fact that liquidity trades are uninformed weakens an asymmetric information problem: liquidity traders benefit from the presence of players willing to take the other side of the trade without having private information. They also allow for intermediaries to take positions without fearing to be trading only with better informed traders. This increase in liquidity benefits the liquidity traders themselves, but also the informed traders who can trade at better prices and derive more benefits from their information. Indeed, no trade would be possible between informed traders only, as stated by the famous “no-trade theorem” (Milgrom and Stokey, 1982). Dow (2004) shows that this positive externality on liquidity exerted by uninformed traders can lead to multiple equilibria: if few noise traders participate in the market, intermediaries are exposed to a high risk of trading with informed traders and quote high spreads, thus discouraging noise traders to participate. However, if many noise traders enter the market, spreads are on the contrary low, leading to an equilibrium with high entry. Among noise traders, behavioral traders are a classic target because their trading activity is even harmful to themselves. Consistent with the view that they increase volatility, Foucault et al. (2011) show that a reform of the French stock market in 2000 which raised the relative cost of speculative trading for retail investors decreased the daily return volatility by 25%. However, while this theoretical class of traders is certainly the source of a negative externality, one can wonder whether they can easily be identified in practice. Barrot et al. (2014) show that retail traders can actually provide liquidity, in particular in times of market stress. Kavajecz and Odders-White (2004) also show that technical trading strategies, which for a long time have been considered as futile by academics, may involuntarily capture changes in liquidity, leading the investors following them to behave as intermediaries. • Informed traders have a complex impact on market quality. On the positive side, they provide information to the market and thus make asset prices closer to the underlying companies’ fundamentals. This is valuable both for issuers and for liquidity traders, who face less risk of trading at the “wrong” prices. However, they exert a negative externality among each other: each informed trader moves prices in a direction unfavorable to the other informed traders. More importantly, they expose other traders and intermediaries to adverse selection: each market participant knows that he may be trading at a loss with someone who knows better what the asset is worth. This asymmetric information problem is a typical source of illiquidity, generates a spread between the price at which uninformed participants are willing to buy and to sell and can be interpreted as a negative externality (Glosten and Milgrom, 1985; Kyle, 1985).

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Both effects interact however: if information is reflected extremely quickly in prices, asymmetric information disappears and there is no negative impact. • Even intermediaries may be the source of negative externalities. Menkveld and Yueshen (2013) for instance show that, when more and more trading volume is due to intermediaries exchanging assets with each other, intermediation volume creates a signal-jamming effect, close to the impact of noise traders. Moreover, when an intermediary enters the market he can “connect” with each other two traders who would not have met otherwise, but may also intermediate trades that could have taken place directly between two traders. Atkeson et al. (2014) develop such a model with too much entry by intermediaries in equilibrium.

Fig. 1: Some interactions between market participants The (non-exhaustive) diagram summarizes the complex interaction between the participants of financial markets, using red arrows for negative and blue arrows for positive effects:

All these effects are not necessarily, or not entirely, externalities. Informed traders for instance make a profit on their information, which is thus priced. However, they typically do not capture the whole surplus generated by their superior information and thus partially exert a positive externality on other agents. These are only a few examples of “classical” effects imposed by the main types of market participants on each other. However, traditional definitions have become blurred in today’s markets, which adds another layer of complexity. Liquidity traders can use execution strategies allowing them to capture some of the benefits of liquidity provision, the line between fundamental and non-fundamental information is increasingly difficult to draw, and high-frequency traders use strategies that are difficult to classify, from high-speed intermediation to harmful speculation such as momentum ignition (Breckenfelder, 2014) or “toxic arbitrage” (Foucault et al., 2014).

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II.2.3 Can the market deal with these externalities? An externality is by definition the impact that one agent has on another agent without paying, or receiving, the price for it. While such prices can be introduced in the form of targeted taxes, private agents can also introduce similar price mechanisms. Indeed, just as online dating platforms routinely charge different prices to men and women, trading platforms and exchanges use complex fee structures differentiating between various types of traders. Examples include discounts for high trading volumes, or special prices charged to registered market-makers. Many platforms use a “make-take fee� structure in which trades removing liquidity are charged, whereas trades providing liquidity are subsidized, achieving something close to Pigovian taxes and subsidies on liquidity. However, their impact is not obvious: since liquidity users and liquidity providers trade together, it may well be the case that subsidies for liquidity provision are ultimately pocketed by liquidity consumers. Indeed, Colliard and Foucault (2012) show that such a scheme should be neutral in the absence of trading frictions, such as the constraint to quote prices on a discrete grid (Foucault et al., 2013). More generally, there is no reason to expect that trading platforms use taxes and subsidies in order to correct the various externalities that market participants have on each other. As private companies, their goal is not to maximize the welfare of their users but their profits. Favoring intermediation and high-frequency trading for instance is a way to increase trading volume and thus revenues. Several platforms are at least partly owned by large banks or other financial intermediaries who may use them to obtain more favorable trading terms. One could still expect competition between trading platforms, intense in the United States and also in Europe since MiFID, to lead closer to socially optimal pricing schemes. Colliard and Foucault (2012) show theoretically that competition may actually lead to fees that are too low and do not discourage suboptimal trading behavior. In a similar vein, Cespa and Foucault (2014) show how exchanges may sell price information in ways that distort price discovery. More generally, the literature on two-sided markets shows that in many environments one should not expect competition between platforms to lead to socially optimal outcomes (see Rochet and Tirole, 2004, for a survey). While there is a strong argument in favor of intervention in general, the design of measures that unambiguously improve market quality is extremely challenging. A classical securities transactions tax applying equally to all trades deters welfareenhancing as well as welfare-reducing trades. Whether the total impact is positive or negative depends on how elastic to trading costs are both types of trades, an empirical question whose answer may vary considerably across markets and time.

II.3. The mixed impacts of financial transactions taxes We review in this section the predictions of the theoretical literature regarding the impact of a financial transactions tax depending on the structure and the composition of the financial market. These predictions are useful from a normative point of view and can be confronted to the available empirical evidence.

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II.3.1 Different impacts across market participants Noise traders and informed traders As an FTT impacts both informed and uninformed traders, its total effect on volatility is ambiguous. One of the first formal models to study the question is Kupiec (1996). While in his model a tax decreases volume and volatility, it also leads to a drop in prices as the asset becomes more costly to hold. As a result, the volatility of stock returns increases. Kupiec thus sees an FTT as a rather imperfect tool: it reduces trading volume which in his model is a symptom of excess volatility, but not a cause. Dow and Rahi (2000) adopt a more nuanced view. In their model the presence of informed speculators can destroy mutually profitable trading opportunities between uninformed traders. A tax on “speculative trading” only can lead to a Pareto-improvement: liquidity traders can trade more and, more surprisingly, as speculators compete less with each other they also make higher trading profits. If it is impossible to distinguish between speculative and uninformed trades, a tax on all transactions can still lead to a Pareto improvement if speculators are more sensitive to the tax than other market participants. Song and Zhang (2005) provide a fairly general model studying under which conditions on market composition a tax can help reducing volatility. Noise traders in their setup destabilize prices but also increase risk-sharing and thus liquidity, which can indirectly decrease volatility. When volatility is already important the second effect dominates, whereas when it is low the first one prevails. Moreover, the impact of the tax depends on the type of risk present on the market: when fundamental uncertainty about the asset’s value dominates, a tax has a positive impact, whereas the impact is negative when uncertainty about liquidity factors is more important. Different tax rates should thus apply to different asset classes: bonds with low credit risk are typically more affected by liquidity uncertainty than by fundamental uncertainty, while the opposite should hold for sufficiently liquid stocks. Destabilizing speculation A recent paper by Di Maggio (2013) offers a model in which speculators can have a destabilizing role in illiquid markets. When an “uncertainty shock” hits, meaning that all agents learn that bad shocks may occur in the future (as in a crisis period), speculators may sell disproportionately before such a bad shock happens, thus driving prices downwards, and buy back after the shock realizes. A transactions tax reduces the profitability of this strategy and thus discourages the speculators’ manipulative behavior. However, it also reduces market liquidity. Since the manipulative strategy is more profitable in an illiquid market where few trades are enough to manipulate the price, this indirect effect may increase the profitability of speculation. This result calls for particular caution when imposing a tax in less liquid markets. Behavioral traders Davila (2013) proposes a comprehensive analysis of optimal financial transactions taxes in a setup in which traders are partly fundamental and partly behavioral: they have hedging motives but also trade because they irrationally hold different beliefs about the asset’s value. Trading for this second motive does not bring any additional welfare gains: since two traders with different beliefs cannot be both right, one of them makes a capital gain equal to the other’s loss. The author shows that, if these behavioral motives are sufficiently strong for “optimistic” traders to be the buyers of the asset and “pessimistic” ones to be the sellers, a small transactions tax necessarily

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improves welfare, because the impact on “fundamental trades” is second-order compared to behavioral trades. Interestingly, in this setup a tax is recommended for markets in which traders have heterogeneous beliefs, not symmetrically wrong ones. If all traders are too optimistic for instance, as during a period of “irrational exuberance” (Shiller, 2000), a tax is not useful because no trades are motivated by differences in beliefs. The support for a transactions tax to correct the behavior of irrational traders thus seems relatively weak, as it requires the tax authority to possess a lot of information on traders’ beliefs. Intermediaries In principle, an FTT should have a particularly strong impact on intermediaries. Assume that an agent A is ready to buy an asset for a price of 10 EUR, while B is ready to sell at 9.90 EUR, but the transaction is taxed. If A and B meet directly, they can find a price between 9.90 and 10 and pay the tax if it is lower than 10 cents. It is possible however that A and B are not on the market simultaneously, in which case B sells to an intermediary, who holds the asset and then sells it to A. But this is possible only if the tax is lower than 5 cents. If the intermediary also needs to sell to another intermediary, the tax should be lower than 3.33 cents, etc. An optimal FTT should thus take into account that the trading of different assets relies on different levels of intermediation. A given asset also typically trades on a variety of trading mechanisms with more or less intermediaries. On over-the-counter bond markets for instance, dealers trade the asset between each other until one of them finds investors willing to hold the asset, creating intermediation chains involving between 2 and 7 dealers (Li and Schuerhoff, 2012). From a pure revenue perspective, if each time a buyer and a seller need to be matched a chain of 10 intermediaries is needed, the tax will have a much higher impact as matching the two end traders required 11 trades. On modern equity markets, HFTs are frequently framed as the “new middlemen” (Jovanovic and Menkveld, 2011), although not all HFTs are intermediaries (and not all intermediaries are HFTs). Brogaard et al. (2014) show that roughly 40% of total trading volume in the most liquid NASDAQ stocks is due to high-frequency traders, suggesting that a large proportion of trading volume is due to intermediation. Real effects Most studies have focused on the impact of an FTT on market quality, the implicit assumption being that a better functioning market ultimately leads to better economic outcomes. Some authors may contend this view and argue that such a focus misses the point. Actually, Tobin’s idea was precisely that financial markets are working too well. For Shiller (2000), financial markets are extremely micro-efficient in the sense that individual prices are very difficult to predict, but nevertheless very “macro-inefficient” as irrational bubbles or crashes may still affect entire asset classes (e.g. real estate). It is not clear however that a tax can prevent the formation of bubbles. Scheinkman and Xiong (2003) develop a model in which agents have different beliefs but the difficulty of short-selling implies that it is more difficult for pessimistic agents to sell than for optimistic agents to buy. Actually, the only way to sell the asset is to buy it in the first place, a “resale option” that increases buying incentives. Price bubbles form on this market, and volatility is too high. An FTT does not solve the problem however: it can drastically reduce trading volume, but does not affect the fundamental cause of the bubble. Consistent with this view is the observation that price bubbles affect many

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real estate markets, even though transaction costs are orders of magnitude higher than on stock exchanges. Stiglitz (1989) or Summers and Summers (1989) argue that a fundamental inefficiency of financial markets is overinvestment in information, which diverts economic resources from a more efficient use in the real sector. The profits from being informed partly reflect the additional information brought by an agent to the market, which is to be encouraged, and an informational advantage relative to other market participants, which transfers wealth from worse informed to better informed agents without aggregate gains. Incentives to acquire information may thus be too high.9 The best illustration of the arguments of Stiglitz and Summers and Summers today may be high-frequency trading: large payoffs for being marginally faster than other market participants lead to an arms race with overinvestment (Biais et al., 2014, Hoffmann, 2014). Even before the rise of high-frequency trading, Subrahmanyam (1998) studied how a transaction tax could reduce such incentives to acquire shortterm information before other market participants, leading to lower adverse selection and increased liquidity.

II.3.2 Impact on observable variables To better understand the results of the empirical literature, it is useful to summarize the findings of the theoretical literature regarding the impact that an FTT can have on empirical measures of market quality. While the impact on volume is expected by almost all theoretical papers to be negative, the impact on volatility seems fundamentally ambiguous. An FTT seems more likely to decrease volatility if the market has a lot of noise traders, but is also not too illiquid. This is difficult to test as more developed markets are typically more liquid while at the same time having a lower proportion of behavioral traders. There is a similar ambiguity regarding price discovery and informational efficiency. Arbitrageurs do not trade against mispricings smaller than the tax they have to pay, so that prices are less informative with a tax. But if arbitrage is limited, the decrease in noise trading associated with the tax may decrease the occurrence of mispricings in the first place. Reducing noise trader risk may also make arbitrage easier. A tax should thus hurt price informativeness when it is high, but may have a more ambiguous impact when it is low. The impact on liquidity typically depends on the way liquidity is provided, the defining criterion of a market’s microstructure. Dupont and Lee (2007) study the impact of an FTT on a market in which liquidity is provided by a monopolist who faces adverse selection risk. If this risk is low, the monopolist is close to extracting all gains from trade. As a result, he will react to an FTT by quoting a lower spread in order to maintain market activity and thus effectively be the one paying the tax. If liquidity provision is competitive instead, a model such as Parlour and Seppi (2003) suggests that the impact of an FTT on liquidity is the opposite. As liquidity traders affected by the tax submit fewer orders, a higher probability of non-execution discourages the submission of limit orders. While the bid-ask spread is determined by the arrival probability of a marginal (i.e. small) order, market depth depends on the arrival probability of larger trades. The latter should typically be more sensitive to a tax, so that one would expect depth to be particularly impacted. Lastly, the imposition of a tax has a differential impact on agents depending on their trading strategies. A fund whose average holding period of a stock is one year is

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12 times less affected by a tax than a fund whose holding period is one month. Amihud and Mendelson (1986) show that, in the presence of transaction costs, assets are held more by agents with a low turnover. The introduction of a tax should thus have two effects: all agents should adopt strategies with lower turnover, and agents with high turnover strategies should sell to agents with low turnover strategies.

II.4 FTTs as revenue-generating taxes Importance of the revenue-generating function FTTs are often advertised to voters as tools to cure financial markets of speculation or other excesses. Academics are also mostly interested in the potential of FTTs to correct market imperfections. However, the main function of the different taxes in application worldwide seems to be to raise substantial revenues, in particular in developing markets. The main taxes in application are reviewed in Matheson (2011). The Indian FTT for instance yielded annual tax revenues of 0.2% of GDP in 2007. At the top of the distribution, the FTT in Hong Kong amounted to 2.10% of GDP in 2008, due to a particularly high financial activity relative to the size of the country’s economy. Costs and benefits From a revenue-generating perspective, a tax on financial transactions can be analyzed as any other type of tax. For given revenues, it should distort the economy as little as possible, which is usually measured by the elasticity of exchanged quantities relative to the tax. If a small tax of 1 basis point leads to a large decrease in trading volume, is it not only difficult to raise substantial revenues, but also the impact on the economy may be so large that the social costs are higher than the benefits. The standard way to measure the costs associated with a tax is to estimate how much market participants would be willing to pay in order to avoid it. This can be done using the two graphs below. On the first graph we have two curves representing the demand and the supply of a particular asset, for instance a stock. As is typical on financial markets, a transaction cost denoted c0 such as a spread drives a wedge between supply and demand. Before the implementation of a tax, each time two market participants trade together, they must realize total gains from trade of at least c0, otherwise they would not trade. Conversely, all the mutually advantageous trades bringing a surplus below c0 are lost, and the magnitude of the loss is measured by the light grey area. Assume now that a tax t is imposed on transactions, and that as a result volume decreases from Q0 to Q1.This is shown on the second graph. The new total transaction costs are equal to c0+t.10 The dark grey area represents additional deadweight losses, denoted DL, due to the imposition of the tax, while the light yellow area is equal to Q1*t, the tax income. For any shape of the supply and demand curves, DL ranges from c0*(Q1-Q0) to (c0+t)*(Q1 -Q0). We can thus compute a lower and an upper bound on welfare losses. Intuitively, each transaction that “disappeared� because of the tax would have yielded gains from trade of less than c0+t; otherwise it could still take place. But it should also have yielded more than c0; otherwise it could not have taken place before the tax. The impact of the tax is closer to the lower bound if demand and supply are extremely elastic and to the upper bound in the opposite case.

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Fig.2: Theoretical impact of a tax and deadweight losses

It must be emphasized that DL are welfare losses as perceived by market participants; they are not necessarily a social loss. In the presence of externalities, these losses could be more than compensated by gains for other agents in the economy. Still, if DL is very large compared to the tax revenues t*Q1, this means that market participants would be ready to pay t*Q1+DL in a lump-sum way instead of paying a tax that brings t*Q1 to the government. Then there is scope to find better mechanisms to extract taxes from buyers and sellers. Failing this, the same result can be interpreted as meaning that market participants would be ready to spend DL in lobbying, tax evasion etc. in order to escape the tax. A “good” tax is thus one whose shadow cost, equal here to the ratio of the grey area over the yellow area, is low. An interesting measure of the efficiency of an FTT is thus to compute its shadow cost and compare it to that of other taxes. Stiglitz (1989) for instance suggests that the introduction of an FTT may be compensated by a decrease in corporate taxation, in a way that could both increase tax revenues and be less costly to the private sector. We provide such an estimate of the shadow cost of an FTT in section III.4. Finally, a useful measure from a pure revenue-raising perspective is the elasticity of the trading volume to the tax. Since the tax income is Q*t and Q decreases with t, a marginal tax increase of dt yields additional revenue as long as (t/Q)*(dQ/dt) > -1, that is as long as the elasticity of volume to the tax is larger than -1. A lower (more negative) number suggests a particularly suboptimal tax, because the tax rate is too high even if the deadweight loss from taxation is not taken into account. Tax collection and tax evasion Another decisive criterion to characterize a good tax is the ease with which it can be collected, and the cost for taxed agents to escape the tax. A striking regularity when looking at the list of countries that currently have an FTT or had one in the past is that emerging economies still have taxes, whereas many developed economies abandoned this concept (before reviving it after the financial crisis). An interesting feature of a stamp duty, especially for an emerging economy, is that it is easy to collect and difficult to escape: since transfers of ownership must be officially registered to be effective, it is virtually impossible to exchange assets “unseen” and

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avoid taxation. Tax collection does not require an extensive administration, nor is it required to have an army of inspectors to deter fraud. Real estate transactions are also a typical revenue-generating tool for much the same reason. The trade-offs associated with FTTs may change as an economy becomes more developed. A larger administration may be able to use more complex and more efficient forms of taxation to generate revenues, such as a VAT. In parallel, financial markets become more sophisticated and can develop additional tools to avoid taxation. “Contracts for differences”, “spread betting” and “riskless principals” allow taking positions on the stock market without being taxed. In parallel with financial development, financial infrastructures have become more complex, potentially making tax collection more difficult. Also, the financial sector may have become more influential in the political process, more important for the economy, and be able to exert pressure for the repeal of any FTT. For all these reasons, it is not surprising that FTTs have become quite rare in modern markets, and that academics have focused on their impact on market quality rather than on their potential for generating revenues.

III. The empirical evidence on FTTs III.1 A taxonomy of transaction taxes The overview of different market participants and their roles as potential sources of externalities (positive and negative ones) suggests that a uniform tax which affects all market participants is likely to be inferior to a more tailor-made solution that carefully trades off the potential benefits and costs associated with imposing a levy on trading activity. Given that there is little consensus concerning the optimal design of financial transactions taxes, there is a considerable degree of heterogeneity among the solutions implemented in practice. In the following, we briefly distinguish three main types.

III.1.1 “Pure” transactions taxes In its purest form, a financial transactions tax is imposed on every transaction, i.e. it is charged independently of who is trading, where the asset is traded (e.g. on-exchange vs. over-the-counter), and for what reason the business takes place (e.g. intermediation vs. investment). This corresponds to the textbook cases that Keynes and Tobin had in mind for equity and foreign exchange transactions, respectively. In practice, such a strict implementation of a financial transactions tax is hardly found because regulators frequently allow for a number of exemptions, either to protect market segments or activities that are deemed to be vital for market functioning (e.g. market making, security issuance on the primary market) or because taxes are difficult to collect due to a low degree of transparency (e.g. off-exchange trading). Accordingly, relatively strict transactions taxes are usually only found in developing or emerging economies that have strictly regulated financial markets (e.g. India and Taiwan). However, the initial draft of the panEuropean FTT11 came extremely close to a “pure” FTT, as it aims to tax all transactions involving either a European financial instrument or a European financial institution (issuance and residence principle) and did not foresee any exemptions.

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III.1.2 Stamp duties The probably most widespread form of a financial transactions tax is a levy on the actual transfer of ownership of a financial asset, most often applied to equities. Such a tax is frequently referred to as a “stamp duty”, based on the British implementation which is in effect since 1891 (albeit at different rates). By definition, any type of trading activity that does not lead to ownership transfers is exempt from this tax, which notably includes intraday trading activity and transactions in equity derivatives (unless specified separately). In particular, the effective exemption of leveraged and short-term trading appears to be in sharp contrast to a transactions tax as a corrective instrument against the negative externalities resulting from speculative market activity. However, as previously mentioned, stamp duties are relatively easy to collect at the largely centralised settlement stage and can also be imposed readily on transactions executed abroad, which complicates tax evasion for investors that are not able to resort to substitute assets. Accordingly, the tax base can remain considerable. For example, the U.K. stamp duty has yielded an annual revenue corresponding to around 0.25% of British GDP throughout in the period 2000-2008 (see Matheson, 2011). In practice, stamp duties may differ from country to country with respect to a number of details. For example, the recently launched tax in Italy includes an increased tax rate for off-exchange trading, while the French FTT applies the same rate to on- and off-exchange trading.

III.1.3 Other approaches In principle, it is also possible to tax trading activity indirectly, for example via imposing a surcharge on the consumption of resources which are required to transact. A prime example for such a levy is the Swedish financial transactions tax introduced in 1984, which was imposed on the usage of domestic brokerage services for equity transactions.12 Clearly, the success of such alternative measures relative to the more direct approaches depends on investors’ ability to substitute the taxed resources for alternatives that still allow them to conduct their business. In the particular case of Sweden, foreign investors could simply resort to foreign brokers, thus rendering this approach not very effective. Interestingly, the levy was introduced mainly due to public discontent with diverging wages between the financial sector and the real economy and neither as a corrective tool to curb trading activity nor as a source of revenue for the strapped Treasury (see Campbell and Froot, 1994). This closely resembles the ongoing debate in Europe, as the FTT is also frequently framed as a “Robin Hood Tax” aimed at restoring social justice.

III.2 Methodological issues There is an extant body of academic research that examines the effect of financial transactions taxes, or more generally transaction costs (such as exchange fees, brokerage commissions, etc.), on several aspects of market quality. However, it is important to stress that many of these studies suffer from a number of issues that make it difficult to interpret the resulting evidence in a causal sense. First, a large number of studies simply compare outcomes in a specific market before and after the introduction of a levy on security trading and attribute the difference to

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the policy change. However, this approach entirely ignores the possibility that the observed change is due to other factors unrelated to the transactions tax (e.g. macroeconomic factors) and therefore may lead the researcher to draw incomplete or even wrong conclusions. Consequently, more robust approaches to the evaluation of policy interventions require the measurement of counterfactuals, i.e. the researcher needs to devise a strategy that allows him to gauge how the market would have developed in the absence of any intervention. A simple, yet powerful tool is the socalled difference-in-differences estimator, which rests on comparing the change in market outcomes around the introduction of the financial transactions tax to the contemporaneous change in market outcomes for similar assets that have not been subject to the tax. Unfortunately, there were relatively few instances in the past in which reliable data for a clean “control group� was available. Second, financial policies are rarely announced and/or adopted in isolation, which makes it difficult to disentangle the effect of individual events. For example, changes in the UK stamp duty and the Swedish transactions tax were announced together with annual budgets, which is likely to contaminate estimates of announcement effects. Similarly, the commission deregulation in Japan occurred in close proximity to the abolishment of a financial transactions tax. A more recent example is the Italian FTT, which was introduced a mere week after the rather inconclusive parliamentary election. Third, data on the activity of individual market participants is scarce. However, as already discussed in Section II.3.1., transactions taxes are likely to affect different market participants in different ways, and the analysis of aggregate data is unlikely to shed light on the precise channels through which the FTT affects the various dimensions of market quality. While theory has shown that overall effects of transaction taxes will to a large extent depend on the composition of market participants, testing such theories requires detailed data that has become available to researchers only in recent years. Overall, a substantial proportion of the empirical work on financial transactions taxes is subject to the above criticisms. In addition, much of the available evidence stems from policy experiments in emerging markets and/or dates back to the time before 2000. Since then, financial markets have undergone tremendous changes (e.g. financial globalization, market fragmentation, the rise of high-frequency trading), it is not clear to what extent past experiences apply to today’s market reality. To illustrate the growing importance of short-term trading and intermediation, Figure 3 plots the revenue generated by the UK stamp duty during 2001-2012 as a fraction of on-exchange trading volume in British shares.13

Fig 3.: UK stamp duty revenue as a fraction of on-exchange trading

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While these estimates neglect off-exchange market activity (which is usually considerable), they highlight a general downward trend of taxable trading activity which is in line with the rise of high-frequency trading, especially prior to the financial crisis starting in 2008. Fortunately, the launch of the French FTT in 2012 has led to a number of new research papers that offer up-to-date evidence on the effects of financial transactions taxes in a modern market structure. Thus, after presenting an overview of the “historical” evidence, we conclude the section with a detailed review of the French experience.

III.3 The “historical” evidence In the following, we review the existing empirical literature on the impact of FTTs on market quality. For convenience, Table 1 in the Appendix compiles the main effects as well as information on the data (sample period, asset class and country) and methodology used.

III.1.3 Trading volume As the following subsections will reveal, there is a substantial degree of disagreement in the academic literature on the effects of FTTs on market quality. However, the effect on trading volume is a notable exception as virtually all studies report a decline in market activity following the introduction of such levies or a more general increase in the cost of transacting. There is considerably less agreement concerning the economic magnitude of the effect, as existing estimates of the elasticity of trading volume with respect to transactions costs differ considerably across studies and/or instruments. This is nicely illustrated by the findings in Wang et al. (1997), whose estimates of elasticities for trading volume in US index futures with respect to changes in the bidask spread range from close to zero (Agricultural products) to around -3 (Metals and currencies). More dated estimates for stock markets based on total transaction costs generally find elasticities that are closer to -1 (see e.g. Lindgren and Westlund, 1990, Jackson and O’Donnell, 1985, and Baltagi et al., 2006). Campbell and Froot (1994) point out that the search for non-taxed substitutes can lead to potentially large errors when estimating elasticities. Examining the Swedish case in detail, they argue that much of the strong decline in bond trading after the 1989 tax on fixed-income securities was due to investors switching to trading debentures that were exempt. A similar argument is made for a substitution from futures to forwards. Moreover, they show that international investors only incurred high tax costs when trading Swedish equities directly after the tax increase in 1986, but then quickly reduced their tax exposure without a large reduction in their actual trading volume by either trading off-shore in the London market or through non-Swedish brokers. Consistent with this, Umlauf (1993) reports that about 60% of the activity in Swedish stocks migrated to London. There is basically no direct empirical evidence on how the trading activity of different groups of market participants is affected by an FTT. This is unfortunate, especially because some of the arguments in favour of taxing transaction rely on the assumption that noise traders will be more reactive than other market participants, such as e.g. conjectured by Stiglitz (1989). Bloomfield et al. (2009) replicate a market with informed agents and noise traders in a laboratory experiment in order to address this issue.

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Their evidence, however, suggests that both noise traders and informed market participants are roughly equally sensitive to the levy, which can be interpreted as a rejection of Stiglitz’ argument.

III.3.2 Price volatility As discussed in Section II.3.2., the theoretical literature is divided on an FTT’s effects on volatility. While the empirical literature has not been able to fully resolve this dispute, the bulk of the existing evidence supports the view of the skeptics. This is particularly true for studies that come close to estimating the causal effect of a “pure” financial transactions tax, while the evidence pertaining to surcharges resembling the nature of a “stamp duty” suggests a more neutral relationship. Jones and Seguin (1997) study the commission deregulation in the United States in 1975 which led to a decrease in transaction costs for stocks traded on national exchanges such as NYSE and AMEX. Importantly, stocks trading on NASDAQ were not affected by the deregulation and could therefore serve as a valid control group. Their difference-in-differences estimates suggest that the decrease in trading costs led to a significant decrease in stock price volatility. The evidence presented in Hau (2006) goes into a similar direction. Using data on French equities from 1995-1998, he exploits the fact that the tick size mandated by the Paris Bourse changes once a stock price crosses a pre-specified threshold (500 Fr.), which leads to an exogenous increase in the bid-ask spread. Using these “treatments” at the individual stock level, he shows that higher transaction costs lead to higher stock price volatility. It is worth noting that both studies examine a setting in which the resulting change in transaction costs affects virtually all market participants and consequently can be seen as direct evidence on the effect of a “pure” FTT. This is especially important because there is no existing work on a real-world introduction of a levy on all transactions. Umlauf (1993) analyzes Swedish stocks traded in Stockholm and London and concludes that the 1986 tax increase led to a rise in volatility in the local market. However, his cross-section only includes 11 stocks and therefore hinders formal hypothesis testing. The argument that an erosion of market activity due to investors moving off-shore can lead to an increase in price volatility is also supported by a recently conducted laboratory experiment by Huber et al. (2014). Further evidence documenting a positive relationship between transaction taxes and volatility includes, among others, Baltagi et al. (2006) and Pomeranets and Weaver (2011). While there is little empirical work with data from other asset markets, Fu et al. (2014) provide a notable exception by studying the real estate market. They document an increase in price volatility in the presale market for private condominiums in Singapore following the abolishment of a tax payment deferral possibility that can be broadly interpreted as an increase in transaction costs. Given that this market is particularly dominated by speculators, their evidence is in line with the Friedman’s (1953) argument of stabilizing speculation. Evidence consistent with financial transactions taxes reducing market swings is relatively scarce. One early example is the cross-country study by Roll (1989), but the documented negative relationship between volatility and transaction costs is statistically insignificant. More recently, Liu and Zhu (2009) investigate the Japanese commission deregulation in 1999 that was part of the country’s comprehensive financial reform (the so-called “Big Bang”). Using Japanese American Depositary Receipts (ADRs) and other Asian stocks as control groups, they find that the reform led to a statistically significant increase in price volatility, which directly challenges the study

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by Jones and Seguin (1997) that was conducted in a very similar setting for the U.S. A third set of papers finds that financial transactions taxes do not directly affect volatility. Phylaktis and Aristidou (2007) examine the introduction of the Greek FTT in 1998 and subsequent rate changes and find no effect on volatility. They also separately examine bull and bear markets and do not find any consistent relationship. Saporta and Kan (1997) examine changes in the UK stamp duty and also find no significant impact on volatility. Finally, Hu (1998) examines 14 changes in transaction taxes in four Asian countries over an extended period of time and finds no significant relationship to market volatility. A recent paper by Deng et al. (2014) offers an interesting perspective in connection to our typology of market participants and the conclusion that the impact of an FTT will ultimately depend on the composition of a market’s trader population. The authors study seven changes to the transaction tax levied in the market for Chinese A-shares in the period 1996 – 2009.14 Importantly, this market is only open to domestic investors, and accordingly has experienced a fast transition from a typical developing country stock exchange dominated by local savers to a relatively modern marketplace where most transactions are due to institutional investors. By using H-shares trading in Hong Kong as a control group, they demonstrate that FTT increases prior to 2006 led to decreases in stock price volatility, while later changes led to increases in volatility. Overall, these findings are in line with financial transactions taxes only being a useful corrective tool in a less developed market, which is consistent with the observations that especially broader FTTs are more widespread among developing and emerging economies.

III.3.3 Market liquidity, efficiency, and announcement effects Robust evidence on the effects of transactions taxes on market liquidity and measures of informational efficiency is rather scarce, which is at least in part due to the poor data quality that has generally plagued earlier studies. Baltagi et al. (2006) and Frino and West (2003) are examples of studies that find a negative relationship between price efficiency and transaction taxes/cost, but the results are either based on a simple difference estimator (no control group) or do not make use of any exogenous event. More direct evidence in the same direction is presented by Liu (2009), who finds a divergence in the price efficiency of Japanese stocks relative to US-traded ADRs after reductions in transaction costs due to regulatory reforms. Chou and Wang (2006) study the effects of a reduction in the Taiwanese FTT in 2000 on liquidity in the futures market and find a small (but statistically significant) reduction in the bid-ask spread. Similarly, Pomeranets and Weaver (2011) find that higher NY state transactions taxes are associated with lower market liquidity using imputed spreads and the Amihud (2002) illiquidity measure. Once again, some caution is warranted in interpreting these results in a causal sense due to the absence of a control group. Finally, a number of papers examine the announcement effects of transaction taxes on security prices. Intuitively, taxes decrease the net return accruing to investors, who therefore require higher gross returns for compensation, which directly implies lower prices. Overall, the empirical evidence is largely consistent with this idea. For example, Umlauf reports a −2.2% index return on the day the Swedish FTT was announced in 1983. Bond et al. (2004) and Saporta and Kan (1997) report similar findings for increases in UK stamp duties, but in either case there is some doubt concerning

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whether these estimates are at least partially contaminated by simultaneous announcement of the fiscal budgets and in addition are not compared to a valid control group. The latter critique also relates to Hu (1998), who finds mainly negative announcement returns in a number of Asian countries.

III.4 The French experiment of 2012 On August 1st, 2012, France launched a financial transactions tax that charges 20 bps on the purchase of stocks issued by French companies with a market capitalisation of more than 1 bln EUR.15 This event constitutes an interesting policy experiment that is well suited to inform the ongoing policy debate. In particular, high quality data on trading in French equities is readily available, and other European stocks (as well as smaller French stocks) constitute a valid control group that allow for a clean identification of the causal effects of the policy change. In addition, also different from previous incidences, the event took place in a modern and very liquid market structure (market fragmentation, high-frequency trading) that resembles that of most industrialized countries and can as such be considered as a useful “pilot” experiment that allows for an empirical impact evaluation which avoids several of the empirical challenges mentioned at the beginning of this section. Overall, the French FTT is relatively similar to the UK stamp duty as ownership transfers of shares constitute the taxable event, independently of where the security is traded. ADRs were initially exempt, but added to the set of affected instruments on December 1st, 2012. A number of exemptions were put in place, most notably for market making activities and primary market issues. As such, the main difference with the UK stamp duty is the considerably lower tax rate (the UK charges 50 bps for purchases of all shares). Aside, additional taxes on excessive order cancellations by high-frequency traders as well as naked short-sales of sovereign CDS were implemented. Consequently, a number of recent studies investigate the French experiment in quite some detail. Colliard and Hoffmann (2013) provide a comprehensive overview by examining the FTT’s impact on trading volume, price volatility, liquidity and market efficiency (random walk deviations of short-term returns). In addition, they also investigate trading conducted in alternative trading venues, call auctions, dark pools, and overthe-counter markets. Overall, they find that the FTT led to a decrease in trading volume on Euronext (relative to a mainly Dutch control group) of approximately 10% after taking into account that trading activity in French stocks regularly displays a marked slowdown in August (see Figure 4a). Given a pre-event average bid-ask spread of around 10 bps, this result suggests a remarkably low elasticity of trading volume with respect to transaction costs, given that the FTT implies a 200% increase for a marginal market order.16 However, one must keep in mind that a large proportion of trading volume in today’s markets is intraday and thus exempt from the tax. Applying the methodology developed in II.4., the estimate for deadweight losses due to the tax is 10% of volume times an average bid-ask spread before the tax of 10 bps, giving a loss of around 1bps of trading volume. On the lit market the trading volume before the tax was on average 25.8 million EUR per day for each of the 86 stocks affected by the tax, so that the tax implies a welfare loss of around 2.27 million EUR per trading day. This figure translates into a total loss of 243 million EUR over the period August-December 2012, compared to revenues of 200 million EUR.

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While the volatility in French stocks declined significantly towards the beginning of August 2012, this decline is not attributable to the French FTT itself, but rather to a market-wide effect driven by developments associated with the sovereign debt crisis (sees Figure 4b). Interestingly, this neutrality result resembles the findings of some previous studies investigating the effects of “stamp duty� types of FTTs (e.g. Phylaktis and Aristidou, 2007, Saporta and Kan, 1997), which indicates that this type of levy is at least able to avoid the volatility increases found for more general increases in transaction costs (e.g. Jones and Seguin, 1997, Hau, 2006). However, the hypothesis of a reduction in volatility is clearly rejected, which is also confirmed by Capelle-Blancard and Havrylchyk (2014) using a different control group. Besides, Colliard and Hoffmann (2013) document economically slight decreases in market depth, resiliency, and market efficiency, while bid-ask spreads remain essentially unchanged. These results, which are similar to those by Meyer et al. (2013), suggest that the implicit and explicit liquidity safeguards were largely successful in preserving market functioning. Among the remaining studies, only Haferkorn and Zimmermann (2013) present a slightly more negative view based on a subsample of the most liquid stocks. Fig. 4a: Log of trading volume on Euronext relative to average over June-July 2012, for French stocks impacted by the tax (red) and unaffected Dutch stocks (blue)

Fig.4b: Realized volatility relative to its average during June-July 2012, for French stocks impacted by the tax (red) and unaffected Dutch stocks (blue)

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One additional drawback of the “historical” experiments is that there is relatively little evidence on the effect of transactions taxes on different types of market participants (one notable exception is the analysis in Campbell and Froot, 1994). However, the availability of data on the portfolio holdings of institutional investors can shed some light on this important issue. Figure 5 below details some estimates on the FTT’s impact on the trading activity of investment funds based on a dataset from Factset. For each reported portfolio, the stock-specific trading volume in the second and the fourth calendar quarters of 2012 are estimated as the absolute change to the previously reported position.17 Aggregating volumes across all funds yields an estimate for the trading activity in each security, which can then be used to conduct a difference-indifferences analysis by comparing the activity in French stocks to a control sample of other Euronext-listed stocks. This analysis suggests that trading volume by institutional investors decreased by approximately 20% for the average French stocks affected by the tax, which is considerably higher than the estimates for on-exchange trading volume and consistent with the heterogeneity across different market segments highlighted in Colliard and Hoffmann (2013). Due to the availability of additional data on investors’ characteristics, one may compute the impact on the trading volume by different types of market participants, e.g. institutions that differ in their average portfolio turnover. As suggested by theory (Amihud and Mendelson, 1986), one can see that trading volume by funds with a low turnover decreased only slightly (around 10%), while the volume coming from the most active investors decreased by a staggering 65%.

FiG. 5: The French FTT’s impact on institutional trading for investors with different portfolio turnover. Estimates are based on changes in security holdings during Q2 and Q4 2012

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IV. Policy Conclusions IV.1 One tax for two objectives? Aside from the Pigovian motive of curbing market activity that is considered some form of financial pollution, the current policy debate frequently stresses the FTT’s additional potential to generate substantial revenues. NGOs and public figures are calling for a “Robin Hood tax” and the European Commission is envisioning a tool “to ensure that the financial sector makes a fair and substantial contribution to public finances”.18 However, it is important to stress that it is in general not optimal to aim for a dual objective with a single instrument. A purely corrective tax aims at changing agents’ behaviour and, if implemented successfully, will yield only relatively modest revenues. In contrast, a policy which aims at generating relief for public finances should strive to alter behaviour as little as possible in order to maximize income. In addition, the role of exemptions (e.g. for specific market segments and/or activities) is not the same in both cases. Consequently, the existence of two separate objectives (curbing speculative trading and raising revenue to fund budget deficits) calls for the use of multiple instruments. In fact, the French experiment of 2012 combined a “stamp duty” type of FTT with a tax on excessive order cancellations. This joint policy package can be interpreted as a revenue-generating tax on stock ownership transfers together with a corrective levy aimed at high-frequency traders considered as a source of negative externalities. However, the second measure appears to have had little effect in practice due to its restriction to French trading firms.19 A somewhat similar interpretation can be given to the recently launched Italian FTT, which features a higher tax rate on transactions conducted outside regulated exchanges (see Coelho, 2014). To the extent that offexchange trading is associated with negative externalities (e.g. by being detrimental to price discovery through reduced transparency), this dual taxation policy can be considered as aiming at separate objectives.

IV.2 The European FTT In its original proposal, the European FTT is envisioned as a “pure” FTT on all transactions and therefore has a considerably wider scope than the “stamp duty” type of taxes in place in France, Italy, the UK, and elsewhere. Moreover, it is planned to apply not only to equities, but also to trading in fixed income securities and derivatives, thereby extending its reach into “uncharted territory”. Abstracting from the above considerations on conflicting objectives, it seems clear that an FTT with a relatively wide scope and no exemptions is likely to have a significantly more dramatic impact on market quality than the rather mild effects in terms of liquidity that we have seen following the rather narrow French experiment in 2012. What is considerably less clear, however, is the difference in revenue potential across these two extreme ends of taxation. Experience suggests that projected revenues are usually on the optimistic side, with the Swedish case being a particularly alerting example for the adverse effects of evasion and substitution. However, a crude calculation based on the revenues from the recent French experiment can provide

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considerable insights. Colliard and Hoffmann (2013) estimate that extending the French FTT (20 bps on purchases in equities with market capitalisation above 1 bln EUR) to all other EU countries would yield a revenue of approximately 3.4 bln EUR based on the distribution of trading activity across the continent. In comparison, the European Commission estimates to raise 4.8 – 6.5 bln EUR with a “pure” FTT on equities. Based on this simple calculation, it appears that the additional revenue potential associated with a more far-reaching implementation is rather limited and that the cost of protecting market liquidity appears rather modest (in terms of foregone revenue). If the objective of the European FTT is to yield substantial revenues, the available evidence suggests that there is not much to lose by starting with the cautious implementation used in France, with the possibility of progressively extending the tax base further. The additional revenue potential of taxing trades in shares of smaller companies seems limited as market activity is disproportionately concentrated in the most liquid stocks. Moreover, the French experience has shown that modern financial markets are sufficiently resilient to such a tax to avoid major disturbances, provided that liquidity provision is protected. After having stalled repeatedly, the on-going negotiations concerning the details of the pan-European implementation appear to be converging to a pan-European stamp duty in a first step, which also represents a politically attractive solution as it is already in place in some of the 11 countries that have committed to adopting an FTT.20 Still maintaining the revenue-generating perspective, it is not clear that an FTT is the best solution to make the financial sector contribute more to public finances. First, because it neglects the question of tax incidence: a fund impacted by the tax may reduce its profits, pay out less to investors, or demand higher fees. A significant part of the tax may for instance be paid indirectly by savers subscribing to savings plans and life insurances. Second, there may be more direct and efficient ways of attaining the same objective. Several countries, including France, Germany, and the UK, imposed bank levies in 2011, which has the advantage of obtaining funds directly from the banking sector (rather, from its shareholders) and of being more transparent in the purpose of the tax. In terms of revenues, it is interesting to notice that France had an FTT called Impôt de Bourse until 2008, which was suppressed in exchange for an increase of the tax on capital gains. There is clearly substitutability between these two taxes, and it is not obvious which one is more efficient in terms of revenue raising.

IV.3 A future for Pigovian FTTs? As discussed in sections III.3. and III.4., the available evidence does not lend much support to the idea that FTTs are a useful tool to correct negative externalities, for instance by reducing volatility. Given that markets have changed considerably since the initial FTT proposals, this is not necessarily surprising. With the rise of delegated portfolio management, the number of non-professional investors in financial markets has declined significantly, thus reducing their potential to give rise to irrational fluctuations in asset prices (notwithstanding the possibility that professional investors may also be subject to fits of irrationality). Equity markets are more liquid and thus more difficult to manipulate even at short horizons. Moreover, they have become more resilient to the shocks originating from liquidity traders, which raises doubts on the usefulness of restricting them from rebalancing their portfolios as often as needed.

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The result of Deng et al. (2014) that the Chinese FTT reduced volatility prior to 2006 but led to increases thereafter nicely summarizes this view. The modern architecture of financial markets poses new problems that very often call for more targeted solutions than FTTs: • The traditional argument against speculation or excessive trading is now made against HFTs. While they can be heavily impacted by an FTT (not by a stamp duty though), a taxation of frequent cancellations or fast trading technology would have the advantage of minimizing the effects on other market participants. • A modern counterpart to the idea that there is too much short-run speculation can be found in the debate on excessive risk-taking by professional investors and traders. Several targeted measures have been proposed to solve this problem, for instance in the form of regulations on bonuses. • Finally, the idea that the financial sector might drain too many resources that could be used more productively in the “real” economy is probably stronger than ever in the general public. Various regulatory reforms aimed at reducing the implicit public subsidies enjoyed by banks are measures that target the cause of this potential inefficiency much more directly than an FTT. Alternatively, the design of FTTs could easily be tilted more towards Pigovian objectives. A simple example would be taxing sales instead of purchases and applying lower tax rates to longer holding periods (as already done in many countries for capital gains taxes).

IV.4 The way forward: cleansing the political debate Arguing that the political debate on FTTs lacks clarity is an understatement. This is due to confusion between the different arguments in favour of FTTs, leading to opacity about their objectives: FTTs are proposed at times when governments need to find additional sources of revenues and political support for taxing the financial sector is high, but they are also marketed as tools for solving various inefficiencies. To bring clarity to the debate on the European FTT, we suggest that different tools should be used to attain precisely defined objectives: • If the goal is to use a tax on transactions to raise more revenues, the most cautious solution seems to be introducing a common stamp duty on equity, with exemptions for market-making and smaller stocks, basically extending the French design at a European level. Ideally, this should be done in a way that allows for a precise estimation of the resulting impact, for example via a staggered entry into force for different securities inside a given asset class and country. Depending on the outcome, the tax could be extended to other asset classes at a later stage, most likely using different tax rates to reflect heterogeneous elasticities of transactions in different market. • If the goal is to correct inefficiencies or control potential financial stability risks associated with some forms of trading, even more caution and experimentation is needed. While there is a growing unease about HFTs in the public debate, there is no agreement yet among academics and regulators on what the negative externalities imposed by HFTs exactly are. Moreover, HFTs use diverse strategies (see e.g. Hagstromer and Norden, 2013) and there is a risk of crowding out both harmful and useful ones. The HFT tax implemented simultaneously with the French FTT for instance

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actually discourages the submission of limit orders and encourages the submission of market orders, which may relatively discourage liquidity-supplying strategies. More generally, it is difficult to design a Pigovian tax without knowing what it is supposed to correct. Experimentation may provide useful guidance on this issue. Several proposals such as limits on order-to-trade ratios, taxing fast cancelations or frequent batch auctions as an alternative to continuous trading may prove to be possible ways to increase market quality. To conclude, we think that, 36 years after Tobin’s proposal and 78 years after Keynes’ General Theory, theory and empirical evidence on FTTs are mature enough for the debate to leave its infancy stage. Today, we have a better understanding of the precise mechanisms through which FTTs can help financial markets, or on the contrary hurt them. Even more importantly, the data and the empirical methods to quantify their impact are now available. What has been missing so far is a willingness of the proponents and opponents of the tax to leave the realm of loose argumentation and adopt a more pragmatic and scientific approach. Such an approach should define the objectives assigned to an FTT precisely, run small-scale pilot experiments designed to allow for a precise ex-post policy evaluation, and implement successful designs (if they exist), more widely. The European project would be the perfect opportunity to set an example of such a pragmatic approach on a large scale.

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NOTES 1

Modern financial theory would rather see the benefits of a liquid market in the possibility for an investor hit by a shock, and who can no longer commit to holding shares for a long time, to sell them to someone else quickly.

2 Here one must recall that Keynes’ “beauty contests” are hardly comparable to the current ones: the people who participated at the vote could themselves win prizes if they voted for the future winner. Thus the incentives were not to vote for one’s personal favorite, but for the contestant one expected to be the general favorite. 3

Allen, Morris and Shin (2006) propose a model studying this type of behavior, and show that such speculation typically leads to price bubbles.

4

He advocated the same idea in another speech in 1972, which was not widely noted.

5 A 1995 follow-up, joint with Barry Eichengreen and Charles Wyplosz, suggested that a tax may also be very helpful during the transition towards a common currency in Europe. 6 Following the market microstructure literature, we define as noise traders the class of traders who do not possess private information. In the limits to arbitrage literature, noise traders not only have no information but also trade for behavioral reasons, a category we denote by the term “behavioral traders”. 7 In a frictionless market, there are no transactions cost and a stock’s price has a 50% probability to go up or to go down. As a result, a random trading strategy brings null average profits, and hence also null average losses. However, the volatility of the payoff is sub-optimally high. 8

Hart and Kreps (1986) show that strong conditions are necessary to ensure that this “intuitive” argument always applies in a formal model.

9

This argument is not clear however, as Grossman and Stiglitz (1980) showed on the contrary that since an informed trader reveals his information by trading, profits from information may be too low, or even null in the absence of noise traders. 10

The reasoning is easily extended to the case in which gross transaction costs are also impacted by the tax.

11 Both the European Commission initial (September 2011) EU wide proposal and the February 2013 proposal in the context of the enhanced cooperation between 11 Member States. 12 The tax rate was increased in 1986. In 1989, an additional tax on trading in fixed-income securities was implemented. Both taxes were dropped in the early 1990s. 13 The data are taken from the London stock exchange. In order to account for market fragmentation after the launch of MiFID, we assume the LSE’s market share to be 90% for the fiscal year 2008-09, 80% for 2009-10, and 70% thereafter. However, this adjustment does not qualitatively affect the results. 14

The market for Chinese equities is heavily segmented. While A-shares traded in mainland China a restricted to domestic investors, H-shares traded in Hong Kong are only open to foreign investors.

15

The set of stocks subject to the tax is updated annually based on an effective date for the calculation of the market capitalisation (December 1st, 2011 for the first year).

16 Clearly, large orders can incur other costs such as market impact, which may lead to more negative elasticities. 17

The tax was introduced in the third quarter, which is therefore omitted. Clearly, based on quarter-end portfolios one cannot judge how much of the estimated trading volume has been conducted before and after the effective date August 1st.

18

See the webpage of the European Commission: http://ec.europa.eu/taxation_customs/taxation/other_taxes/financial_sector/index_en.htm

19 It is important to note that the rather narrow scope of the HFT tax was mainly due to extraterritoriality considerations 20

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See “France and Germany in push for ‘Robin Hood’ tax deal”, Financial Times, February 19th, 2014.

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ANNEXE / APPENDIX Table 1: Aperçu de la recherche empirique sur les TTF Overview of empirical research on FTTs

Effects (of increase in levy)

Levy

Sample period Volume Volatility Liquidity Efficiency Ann.Return

Authors

Market

Aliber et al. (2004)

Major Currencies

TC

1977-1999

-

+

Baltagi et al. (2006)

Chinese equities

FTT

1997

-

+

Bloomfield et al. (2009)

Experimental

FTT

-

0

Bond et al. (2004)

UK equities

FTT

1984-1990

Capelle-Blancard and Havrylchyk (2014)

French equities

FTT

2012

-

Chou and Wang (2006)

Taiwan equity futures

FTT

2000

-

Coelho (2014)

French equities

FTT

2012

-

0

Colliard and Hoffmann (2013)

French equities

FTT

2012

-

0

Deng et al. (2014)

Chinese equities

FTT

1996-2008

-

+/-

Frino and West (2003)

Japanase equity futures

TC

1998

Fu et al. (2014)

Singapore Housing

TC

1995-2010

-

+

Haferkorn and Zimmermann (2013)

French equities

FTT

2012

-

0

Hau (2006)

French equities

TC

1995-1998

Hu (1998)

Asian equities

FTT

1978-1994

Huber et al. (2014)

Experimental

FTT

Jones and Seguin (1997)

US equities

TC

1975

Liu (2007)

Japanese equities

TC

1987-1991

Liu and Zhu (2009)

Japanese equities

TC

1998-2000

Meyer et al. (2013)

French equities

FTT

2012

Phylaktis and Aristidou (2007)

Greek equities

FTT

1997-2003

Pomeranets and Weaver (2011)

US equities

FTT

1932-1981

Roll (1989)

International equities

TC

Saporta and Kan (1997)

UK equities

FTT

1974-1986

Umlauf (1993)

Swedish equities

FTT

1980s

-

Wang et al. (1997)

Financial futures

TC

1990-1994

-

NO 0

NO YES

0 0

0

YES

-

NO YES

0

-

YES YES NO YES

-

-

YES

+ +

0/-

0/-

YES 0 0/-

YES -

YES

0

YES YES

0

NO

0

-

+

-

NO

0

+

NO YES

+

-

YES

-

-

-

Control Group

NO 0

N0 YES NO

Notes : +/o/- représentent respectivement un effet positif / neutre / négatif, FTT / TC signifient Taxe sur les Transactions Financières / Coûts de transaction, Ann. Return signifie Rendement à l’annonce, et la dernière colonne indique si l’étude a utilisé ou non groupe de contrôle dans la procédure d’estimation +/o/- represents a positive/neutral/negative effect, FTT/TC denotes Financial Transactions Tax/Transaction Costs, Ann. Return denotes Announcement Return, and the last column indicates whether the study has used a control group in the estimation procedure.

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