Paul et Colombe
Les petits rabatteurs Les petits rabatteurs



Paul et Colombe
Les petits rabatteurs

Editions du Triomphe

À Cécile, tout simplement... À la mémoire d’Alix.
Avec l'aimable participation de Sixtine pour le dessin d'Hubert...
Marion
Les trophées
– C’est lui, c’est Hubert !


Le nez collé à la vitre de la voiture, Colombe secoue l’épaule de son cousin Paul avec enthousiasme. Ses nattes frétillent de plaisir à la vue du garçon qui leur fait de grands signes depuis le perron de la maison.
Philippe et Marie, les parents de la fillette, emmènent les deux cousins passer les vacances de la Toussaint dans le Pas-deCalais. Ils y retrouvent de très bons amis, Yak et Cécile Jervaise, à Royon, la demeure des parents de Cécile.

Leur arrivée est saluée par un concert mêlant de joyeuses salutations et les aboiements excités d’Eole, le chien de la maison.
–Chic, vous êtes enfin là !
Un grand garçon de sept ans, aux cheveux frisés châtain clair, se précipite à leur rencontre. Hubert, le fils aîné de Cécile et Yak, attendait l’arrivée de ses cousins avec impatience.
–Hubert, je te présente mon cousin Paul, annonce la petite fille au visage rond et aux yeux verts en le poussant devant elle.
Les deux enfants se jaugent du regard.
Une lueur éclaire le regard bleu de Paul tandis qu’un large sourire s’étale sur le visage bronzé d’Hubert.
–Tu es dans quelle classe ? attaque d’emblée ce dernier.
–CE2..., et toi Hubert ?

–Je suis en CE1 ! Vous venez ? !
Le trio s’engouffre dans la maison. Ils saluent au passage Tante Cécile, encadrée de Gonzague et Marion, les frère et sœur d’Hubert. Un baiser rapide à Oncle Yak qui porte Vérène, la petite dernière, dans ses bras, et les petits disparaissent.
–Vous n’oubliez rien ? !
Philippe, le papa de Colombe, désigne les valises des cousins abandonnées dans le coffre de la voiture.
Les étourdis se précipitent et, dans un même élan, se saisissent de leur bagage avant de galoper derrière leur ami.
–C’est ici.
Suivi de Marion, Hubert ouvre en grand la porte de sa chambre.
–Posez tout ça par terre, on rangera plus tard.

Laissant à peine le temps à ses amis de poser leurs affaires, il les entraîne dans une visite guidée du logis.
–Marion, va voir maman... commande le garnement dans l’espoir de se débarrasser de la fillette qui ne fait pas le poids du haut de ses quatre ans.
–Non !
La réponse paraît sans appel.
–Écoute, reprend son frère en se penchant, j’ai une mission importante à te confier.
Flattée, la brunette tend une oreille attentive.
–C’est l’heure du goûter, mais j’ai bien peur que Bonne-Maman oublie...
–Je vais lui dire, je vais lui dire ! crie la petite ambassadrice en filant.
–Ne restons pas là !
Hubert entraîne les cousins d’un étage à l’autre avant de se diriger vers le bureau de son grand-père.
–Vous allez voir ! annonce-t-il triomphalement en poussant la porte. Et d’un geste large il désigne les murs.
De superbes trophées de chasse toisent les enfants de leurs yeux fixes et brillants.
Paul va de l’un à l’autre en poussant des cris d’admiration.
–Il est beau ce sanglier ! Et ça ? C’est un cerf ? Ils sont vrais ?
–Oui, bien sûr, ce sont tous les animaux que nous avons chassés, se vante leur guide.


D’ailleurs, demain, il y a une partie de chasse, et on y participe.
–Sans blague ? ! Génial !
–Bon-Papa a dit que nous étions assez grands pour nous joindre aux rabatteurs.
Et le garçon se lance dans de savantes explications.
Tout à leur discussion, les compères ne remarquent pas le silence anormal de Colombe.
La fillette s’est immobilisée devant une tête de chevreuil au regard doux et triste.
Elle retient ses larmes à grand-peine.
Paul finit par noter le malaise de sa cousine.
–Ça ne va pas ?
–C’est trop triste...
L’incompréhension se lit sur les visages de ses compagnons.
–Ah, bon...

De gros sanglots secouent la poitrine de la petite fille.
–Je déteste qu’on fasse du mal aux animaux.
Interloqués mais touchés par la peine évidente de Colombe, les garçons l’entourent avec sollicitude.

–C’est pas grave... –Si !

Le chagrin noie ses yeux verts.
–Je ne veux pas qu’on les tue demain.
Ses chevaliers servants sont prêts à n’importe quoi pour consoler la fillette et lui rendre sa bonne humeur habituelle.
–Allons dans ma chambre, tranche Hubert, on va tenir un conseil de guerre...
Assis en rond sur le tapis, les trois coquins discutent ferme.
–On pourrait saboter les cartouches en les vidant de leurs plombs, propose Paul en brandissant son couteau suisse.
–C’est une bonne idée, approuve Hubert. D’autant que Madame Duval sera là.
–Madame Duval ? s’enquiert Colombe qui sent qu’elle la déteste déjà.
–Oui, elle met des plumes sur son chapeau et des pompons à ses chaussettes mais c’est un bon fusil.


–Des pompons ? s’exclame Paul.
–C’est quoi un bon fusil ? l’interrompt sa cousine.
–C’est quelqu’un qui tire très bien... Elle vient d’arriver et a rangé son fusil et ses cartouches dans le bureau de Bon-Papa.
–Alors, allons-y tout de suite !
Les comploteurs se glissent dans l’escalier et entrent discrètement dans la pièce aux trophées.
Sans perdre une minute, Hubert se dirige vers l’armurerie et tente d’en ouvrir les portes. Peine perdue ! Tout a été soigneusement verrouillé...
Les trois conspirateurs échangent un regard consterné. Que faire ? 13

– Ça y est ! C’est prêt !
L’arrivée en fanfare de Marion, qui les a enfin dénichés, les fait sursauter jusqu’au plafond.
–Marion ! Que fais-tu là ? !

–Ben... C’est l’heure de goûter, pardi !

La
veillée
d’armes
– À table !
L’appel de Tante Cécile retentit comme une trompette, rassemblant toute la maisonnée autour du dîner.

Précédés d’un bruit de troupe chargeant l’ennemi, les enfants se regroupent au bout de la table.
L’ambiance est joyeuse, conversations et plaisanteries fusent d’un convive à l’autre. Mais un petit groupe ne partage pas l’allégresse générale.
Trois conspirateurs chuchotent avec passion au-dessus de leurs assiettes.

–Non, ce n’est pas possible..., rétorque Hubert à une proposition de Colombe. En bon conseiller technique, il examine puis rejette les différentes idées avancées par ses complices pour saboter la chasse.
–Alors, on pourrait...
Un coup de coude suspend la phrase de Paul. Son compère roule des yeux et désigne son père à grands renforts de clignements d’yeux.
Arborant un air faussement détaché, Oncle Yak tend une oreille indiscrète.


Cet homme élégant tient de ses ancêtres soudanais un port de prince. Son calme et sa gentillesse font merveille dans le service médical qu’il dirige.
Pour le quart d’heure, les chuchotements peu discrets du trio allument une lueur amusée dans ses yeux noirs.
–Tout va bien, les enfants ?
Des hochements de tête, aussi vigoureux que peu crédibles, renforcent ses soupçons.
L’arrivée d’une superbe tarte aux pommes sauve momentanément les comploteurs.
–Hum ! ça a l’air bon ! s’exclame Colombe avec un enthousiasme exagéré.
Tandis que l’assemblée quitte la table, Cécile et Marie envoient les petits au lit. Yak en profite pour prendre à part son 17

ami Philippe et l’informer des propos qu’il a surpris. Les deux médecins décident de surveiller les coquins de très près pendant la partie de chasse.
Dans l’obscurité de la chambre d’Hubert, des murmures bruissent. Malgré l’heure tardive, les trois fripouilles débattent toujours sur le thème du sabotage.
Un hurlement s’élève soudain :

–Aaaaah ! Ya quelque chose ! Colombe a senti un frôlement sur sa main et, dressée d’horreur sur son sac de couchage, se tortille dans tous les sens.
–Au secours, aidez-moi !

Paul saisit sa lampe de poche et la dirige sur le visage de sa cousine.
–Pas comme ça, tu m’aveugles ! braille la fillette.
–Où alors ? !
–En bas ! gémit l’infortunée en désignant ses pieds.
Le faisceau lumineux
dévoile une pauvre petite araignée plus morte que vive.
Rassurés sur l’identité de l’intrus, les garçons ne peuvent retenir leurs éclats de rire.
Ils vont même jusqu’à se rouler par terre de rigolade à la vue de la pantomime exécutée par Colombe.


–Ce n’est pas drôle !
–Non... Ah, ah, ah, hoquette cousin Hub en se tenant les côtes.
–Du tout, renchérit son ami entre deux gloussements mal maîtrisés.
–Tuez-la ! ordonne la fillette en sautillant sur place.
Ses chevaliers servants allument le plafonnier et se saisissent de leurs oreillers.
–Prends ça ! rugit Paul en abattant son arme improvisée.
Dans une envolée de plumes, les garçons attaquent de front.
–À l’attaque ! ne peut s’empêcher de beugler Hubert.
Tout à la fièvre du combat, le vaillant chevalier ne contrôle plus ses gestes.


D’un mouvement maladroit, il fauche Colombe. Souffle coupé, la petite fille reste assise sur le tapis.
Les garçons la fixent d’un regard inquiet.
Mais elle se remet bien vite de ses émotions, et, attrapant un coussin, engage le combat à son tour.
Oubliant le monstre qui l’a tirée de son lit, elle dirige son courroux vers les deux guerriers.
–Vous allez voir !
La bagarre devient générale. Rires et cris s’élèvent de la mêlée dans une discrétion toute relative.
–Sus à l’ennemi ! clame Paul avec enthousiasme.

–Quel ennemi ? ! s’enquiert une voix dont la froideur pourrait faire geler le soleil.
Dans la cohue de la bataille, les enfants n’ont pas entendu la porte s’ouvrir.
Flanquée de Cécile, Marie foudroie les combattants d’un œil furieux.
–C’est comme ça que vous dormez ? ajoute son amie sur le même ton, provoquant un court mais pesant silence...
Puis, dans un concert à deux voix parfaitement orchestré, un sermon terrifiant s’envole au-dessus de la tête des trois chenapans.
–... et maintenant, couchez-vous immé-dia-te-ment !

–Si vous recommencez, on vous sépare, compris ?
Sur cette dernière menace, les mamans désignent les lits d’un doigt autoritaire.
Penauds, les petits se recouchent sans piper mot.
Puis la porte claque sans douceur sur le calme revenu.


Marion Raynaud de Prigny
Née en Béarn d’un père montagnard, commandant de... sous-marins, et d’une mère peintre, descendante des Croisés. Une enfance à manger des pinceaux qui l’amène, de port en port, aux Arts-Déco à Paris. Diplôme en poche, elle illustre alors livres et revues, et triomphe aujourd’hui avec Paul et Colombe !


Paul et Colombe, deux cousins inséparables... Mais Colombe a le chic pour agacer Paul et l’entraîner dans ses bêtises...
Invités à la chasse chez leur cousin Hubert, nos deux compères ne sont pas vraiment dans le ton !...
