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Portrait • Mythes • Symboles



Emmanuelle Grundmann

Portrait • Mythes • Symboles


SOMMAIRE Portrait d’une espèce........ 6 À travers le monde........................................................ 8 Un manteau contre les éléments. . ....................... 8 Des traces dans la neige. . ......................................... 10 La fausse solitude du loup....................................... 11 Au cœur d’une tanière.............................................. 14

Mythologies et légendes..28

Devenir loup..................................................................... 15

Oupouaout, passeur des âmes mortes.. ....... 30

La grande famille des canidés............................... 17

Apollon et Artémis, enfants d’une louve.. ... 30

– Le fantôme de l’Arctique.......................................... 17

Romulus et Rémus...................................................... 30

– L’hôte de l’île continent. . .......................................... 18

Fenrir, le loup des sagas scandinaves.. ............. 36

– La grâce du loup d’Abyssinie.................................. 22

Amarok ou l’Esprit du loup chez les Inuits. . ............................................................... 38

Le loup et l’invention du chien........................... 23 – Le paradoxe du chien................................................. 23 – La double invention du chien................................ 23

Le dieu-loup passeur d’âmes des Indiens d’Amérique du Nord...................... 38

– Les rouages d’une domestication réussie........ 26

Le rituel du loup. . ......................................................... 44

– Amours canines............................................................ 27

Le Loup bleu des steppes...................................... 44

Le grand méchant loup.. 46 Un monstre assoiffé de sang............................... 48 La lycanthropie.. ............................................................. 52 La porte de l’Enfer....................................................... 53 Les loups-garous.. ......................................................... 54 La louveterie................................................................... 62 Des loups à Paris !. . ...................................................... 66 La bête du Gâtinais.. ................................................... 69 La bête du Gévaudan. . .............................................. 70 Les loups et la rage.. .................................................... 74 Profession : montreur de loup............................. 77 �4


Un héros des contes et des fables..................... 80 Le Roman de Renart. . ................................................ 82 Les Fables de La Fontaine.. ..................................... 84 – Le loup devenu berger. . ............................................. 86 – Le Loup et l’Agneau................................................... 88 – Le Loup et le Chien.................................................... 90

– Le Loup et la Cigogne.. ............................................... 93

Le loup et le retour à la vie sauvage.............. 122

Le Loup et les Sept Chevreaux de Jakob et Wilhelm Grimm.. ............................... 94

L’enfant-loup, mythe ou réalité ?. . .................... 124

– Le Loup, la Mère et l’Enfant................................... 92

Tom Pouce de Jakob et Wilhelm Grimm.. .... 98 La Chèvre de M. Seguin......................................... 106

Amala et Kamala, une escroquerie en règle.............................................................................. 124

Les Trois Petits Cochons.......................................... 113

– Civiliser la bête qui est en nous.......................... 124

Le Petit Chaperon rouge......................................... 114

– Des enfants sacrifiés................................................ 126

Pierre et le Loup.. .......................................................... 119

– Une page blanche...................................................... 126

Parler du loup.... . ............................................................ 119

Survivre avec les loups............................................ 127

La France du Loup. . ..................................................... 121

Le Livre de la jungle.. ................................................. 127 Croc-Blanc, Jack London........................................ 137 L’Appel de la forêt, Jack London.. ...................... 146 Never Cry Wolf (1963).............................................. 156

Index.............................. 158

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PREMIÈRE PARTIE

Portrait

d’une espèce

Bien avant d’être une bête de mythes et de légendes, le loup est un mammifère parmi tant d’autres. Un carnivore, certes, mais faisons-nous autant de cas d’autres espèces mettant la viande à leur menu tels la loutre, le renard, le blaireau, la belette ou le phoque ? Bien que moins stigmatisés que le loup, il s’avère que nous ne les aimons guère, les voyant tour à tour comme des concurrents, des nuisibles ou encore des vecteurs de maladies. Une méfiance voire une aversion qui se trouve poussée à son comble chez le loup gris. Loin des fantasmes, cet animal est avant tout un canidé, lointain ancêtre de tous ces chiens qui partagent désormais nos vies et nos maisons.

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PREMIÈRE PARTIE

À travers le monde Rares sont ceux qui, comme le loup, mais aussi le rat ou l’Homme, ont investi autant de géographies et d’écosystèmes différents, des toundras arctiques aux forêts en passant par les steppes, prairies, montagnes et espaces semi-désertiques. Présent dans l’essentiel de l’hémisphère nord, le loup arpente les vastes étendues sauvages depuis l’Arctique jusqu’au 20e parallèle sud, des Amériques jusqu’en Asie en passant par l’Afrique. Seuls l’Antarctique et l’Australie n’ont pas vu passer le canidé, même si l’île continent, paradis des marsupiaux, abrite désormais l’un de ses lointains cousins prénommé dingo. Pourtant, ce mammifère autrefois abondant et omniprésent a vu son aire de répartition rétrécir de deux tiers, et ses effectifs chuter après de vastes campagnes de persécution et d’éradication qui perdurent encore de nos jours bien que l’espèce soit intégralement protégée dans beaucoup de pays l’abritant. Cet animal qui a bercé les récits de nos enfances, endossant le rôle de la brute sanguinaire, s’est lentement effacé de nos paysages européens. Disparu également au Mexique et dans l’essentiel des États-Unis, il faut désormais s’aventurer dans les rares espaces sauvages qui subsistent pour rencontrer ce carnivore au port majestueux. Avancer un chiffre… difficile tant le recensement de cet animal reste complexe et sujet à de bien nombreuses approximations. Ils seraient environ 100 000 en Russie, environ 2 500 en Espagne, 120 à 140 en Finlande et moins de 300 en France, essentiellement cantonnés aux Alpes, pour n’égrainer qu’une poignée de chiffres.

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Les représentations picturales du conte du Petit Chaperon rouge, comme celle ici de Gustave Doré, renforcent la figure du loup sanguinaire.

Qui est né loup ne sera jamais renard. Proverbe russe

Un manteau contre les éléments Affichant 130 à 160 centimètres de la pointe de la truffe noire et luisante à l’extrémité de la queue, le loup emmitoufle son corps puissant de 25 à parfois 60 kilos d’un épais manteau dont l’épaisseur varie au gré des saisons et de mues. Blanc comme la banquise, noir comme la nuit, ce pelage varie selon les populations et leurs habitats mais affiche le plus souvent cette teinte grise qui a valu au loup son nom vernaculaire. Très fourni, ce pelage offre à l’animal une protection sans faille contre les éléments et, ainsi paré, il peut braver les bourrasques gelées de l’Arctique et tutoyer le ciel, à flanc de montagne, jusqu’à 2 400 mètres d’altitude.


PORTRAIT D’UNE ESPÈCE

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PREMIÈRE PARTIE

Des traces dans la neige Discret si ce n’est craintif vis-à-vis de ces bipèdes que nous sommes et qui l’avons trop traqué et persécuté, le loup se laisse rarement observer. Seules les traces de pattes dans la neige révèlent le passage d’une meute. Soigneusement alignées, ces empreintes témoignent de l’habitude du canidé à avancer en file indienne, donnant à notre langue française l’expression « à la queue leu leu ». Ne voyez point dans cette

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habitude une lubie, mais une extraordinaire manière d’économiser de l’énergie. En plaçant soigneusement les pattes là où leurs prédécesseurs les ont posées, les loups ne s’enfoncent que peu dans la neige moelleuse et avancent ainsi rapidement, de 6,5 km/h jusqu’à 45 voire 70 km/h lorsqu’il faut rattraper une proie par exemple. L’eau ne les effraie pas et ils plongent dans les rivières pour les traverser, mais, ne leur demandez pas de grimper à un arbre, ils en sont totalement incapables.


La fausse solitude du loup Si le loup solitaire est rentré dans notre vaste répertoire des expressions puisant leur origine dans le monde animal, le canidé est un animal sociable. Il vit en meutes très hiérarchisées. À la tête de celles-ci, un couple dominant, mâle et femelle alpha, les seuls du groupe à se reproduire, puis, outre les rejetons des années précédentes, un mâle bêta endossant le rôle de nourrice pour les louveteaux. Un aspirant au titre de mâle dominant, titre qui outre la reproduction exclusive (avec toujours quelques exceptions) lui permet d’être le grand organisateur des chasses avec un accès prioritaire au festin.

Le loup solitaire entré dans nos expressions serait ce loup dit Oméga, un laissé pour compte, un paria et un souffre-douleur sur lequel se déchaînerait la meute, lorsque, frustrée, ou particulièrement stressée, le besoin d’un exutoire à toute cette violence refoulée se ferait sentir. Néanmoins, cette hiérarchie n’a été clairement observée qu’au sein de meutes captives et de plus en plus de scientifiques remettent ce modèle hautement compétitif en question. S’il a tant été plébiscité, c’est aussi car il permettait de justifier par une « organisation naturelle » une certaine vision de nos sociétés, du vivre ensemble mais aussi des relations au sein du milieu du travail. La nature et le loup ont bon dos…

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PREMIÈRE PARTIE

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PORTRAIT D’UNE ESPÈCE

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PREMIÈRE PARTIE

Hurler au loup Vivre en société implique une certaine cohésion, rendue possible, quelle que soit l’espèce, par des formes plus ou moins élaborées de communication. Chez le loup gris, le dialogue passe par une combinaison subtile de postures, d’odeurs et de vocalises. Grognements, jappements, gémissements, grondements, glapissements ou encore aboiements et hurlements composent cette partition sonore. Mais c’est probablement par le hurlement que le loup se distingue. D’aucuns lui prêtent une propension à hurler lors des pleines lunes, entretenant ces légendes de loups-garous par exemple, mais le loup hurle surtout pour rassembler sa troupe ou pour signifier l’excitation d’une découverte par exemple, ou pour faire savoir aux voisins qu’il est inutile de tenter toute intrusion sur son territoire. Un hurlement si significatif que les biologistes l’imitent pour susciter des réponses et ainsi en déduire la présence du canidé lors de recensements sur le terrain.

Il faut hurler avec les loups, si l’on veut courir avec eux. Proverbe français

Au cœur d’une tanière C’est au cœur de l’hiver que le loup courtise sa belle et de ces accouplements naîtront au printemps, cinq ou six louveteaux. À l’abri de leur tanière, souvent établie au plus profond de la forêt, loin des regards et des humains, ils ouvriront leurs yeux deux semaines plus tard. Secondés par le reste de la meute, les parents resteront au chevet de leur progéniture durant dix à douze semaines et profiteront de la nourriture régurgitée par tous les membres de la troupe. Une fois sevrés, les louveteaux vivront encore au sein de la meute familiale jusqu’à l’hiver prochain, voire du suivant. Néanmoins, les conditions de vie sont si rudes que seule une moitié de ces petits parviendront à l’âge adulte et auront à leur tour une descendance. � 14


Devenir loup L’enfance d’un loup est longue comparée à celle d’autres carnivores. La raison se cache probablement dans les nombreux codes sociaux à maîtriser avant de voler de ses propres ailes mais aussi aux techniques hautement sophistiquées de chasse déployées par les canidés. En effet, habile et fin stratège à la chasse, le loup, peut, grâce à la coopération de la meute, s’attaquer à de très larges proies telles que le cerf, le mouflon, le chamois, le sanglier ou, sur le continent américain, les élans, les bisons, les rennes ou encore même les bœufs musqués. Mais, si l’abondance fait défaut, pour satisfaire son

besoin de 4 kilos de protéines quotidien, le canidé se tourne vers les lièvres, les marmottes, les lemmings, quelques reptiles, des grenouilles, des oiseaux et parfois même des insectes et des fruits. Les moutons ? Le loup s’y attaque aussi parfois, ne nous leurrons pas. Et moins les troupeaux seront gardés, protégés, plus le risque sera grand. Ces attaques alimentent la haine vis-à-vis de l’animal et justifient ici et ailleurs des tirs bien que l’espèce soit intégralement protégée au sein de l’Union Européenne. Quand nous sommes-nous détournés de cet animal que nous avons pourtant domestiqué et dont les descendants vivent désormais en nombre à nos côtés ?

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PREMIÈRE PARTIE

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La grande famille des canidés S’il est ici question du loup, l’animal se conjugue au pluriel. Canis lupus lupus, plus communément dénommé loup eurasien, habite de l’Europe à la Chine avec peut-être une exception pour les populations ibériques et italiennes qui pourraient se voir érigées au titre de sous-espèces à part entière. 32 sous-espèces figurent sur le foisonnant arbre généalogique du loup parmi lesquelles le loup blanc de l’Arctique, le loup mexicain, le loup des steppes, le loup du Cameroun, le dingo ou encore le loup du Tibet et bien sûr Canis lupus familiaris, notre bon chien domestique. D’autres accèdent au rang d’espèces tels le loup d’Éthiopie ou encore le loup rouge nord-américain et n’oublions pas les nombreux cousins chacal, coyote, dhôle ou encore lycaon et renards. Une vaste famille ayant colonisé moult écosystèmes, des vastes toundras du Grand Nord, jusqu’aux forêts denses et aux déserts arides. Coyote, chacal ou renard figurent également en bonne place dans nos mythes, contes et légendes mais aucune autre espèce ne cristallise autant nos peurs, nos angoisses, nos fantasmes que le loup…

Le fantôme de l’Arctique Mythique, le loup blanc de l’Arctique arpente les îles du Grand Nord canadien. Est-ce son pelage aussi blanc que neige ou sa légendaire discrétion qui l’ont rendu célèbre ? Ce canidé, plus petit et léger que ses cousins septentrionaux serait apparu il y a 50 millions d’années. Isolé du reste du continent américain par le jeu des périodes glaciaires puis interglaciaires en Alaska, au Groenland ou encore sur l’île d’Ellesmere, ils auraient continué leur évolution en vase clos développant des adaptations particulières à ce milieu extrême. Des oreilles plus courtes, un pelage à deux épaisseurs ou encore des pattes recouvertes intégralement de poils pour une meilleure isolation aident ce loup à survivre à des températures très en dessous de zéro. Par ailleurs, ils ont besoin de s’alimenter moins régulièrement que leurs cousins et peuvent puiser plus aisément de l’énergie dans leurs réserves de graisse. Si les ours polaires peuvent parfois s’attaquer aux loups arctiques, ils n’ont pas de réels prédateurs hormis l’Homme. Aujourd’hui, les principales menaces pesant sur leur survie sont le réchauffement climatique qui bouleverse leur habitat et l’exploitation minière qui bat son plein dans cette région du monde.

Viktor Vasnetsov, Ivan Tsarévitch chevauchant le loup gris, 1889, huile sur toile, Tretyakov Gallery, Moscou.

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PREMIÈRE PARTIE

L’hôte de l’île continent Bien que séparée du vaste et ancien Gondwana depuis près de 96 millions d’années et isolée du reste du monde, l’Australie abrite elle aussi un cousin des loups. Habillé d’une robe couleur cannelle, le dingo a presque tout d’un chien et sa silhouette prête souvent à confusion. Mais ne vous y trompez pas, il a tout d’un animal sauvage. Arpentant tout aussi bien le bush, les forêts que le désert rouge du centre, on le rencontre également dans le sud-est de l’Asie, en Chine, en Thaïlande ou encore en Nouvelle-Guinée. Partout sauf au cœur des parcs nationaux australiens, les dingos s’hybrident avec les chiens, diluant ainsi leur patrimoine génétique. Comme chez son cousin loup, le dingo vit en groupe centré autour d’un couple dominant et reproducteur. Une dominance qui pousse la femelle alpha à parfois tuer les chiots de ses subordonnées. Ces dernières devant être toutes dévouées à seconder la dominante dans l’élevage de sa progéniture. C’est âgé de huit semaines que les chiots

devront apprendre l’indépendance. Menant tout d’abord une vie solitaire, ils pourront se regrouper épisodiquement avec des congénères afin de chasser des proies imposantes telles que des kangourous. Une manière de varier leur régime alimentaire autrement constitué de lapins, d’oiseaux, de petits marsupiaux, de reptiles mais aussi de charognes et de restes abandonnés par les humains. Opportuniste, le dingo s’approche tant des habitations notamment en Thaïlande qu’il serait aisé de le confondre avec un chien domestique d’autant qu’il se plaît à finir les casseroles de riz abandonnées par les villageois. Érigé au rang de plus gros prédateur terrestre en Australie, le dingo est à la fois honni du fait de son impact sur les populations de petits marsupiaux souvent menacés, mais vénéré également pour son rôle de régulateur des hordes de lapins qui, depuis leur introduction par les colons au xixe siècle causent de nombreux dommages sur le territoire. Un animal ambigu, tout comme son cousin continental…

Ci-dessus et double page suivante : Dingo (Australie). Ci-contre : Empreintes de pattes de dingo (Australie).

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Ivan Tourgueniev

Aussi loin que l’on remonte dans le temps, le loup a toujours fasciné l’homme. Symbole de puissance, de pouvoir et d’intelligence, le loup est devenu au cours des siècles l’incarnation de nos peurs les plus profondes, et a été associé au mal et à la sorcellerie. À travers des thématiques aussi variées que l’histoire, la littérature, l’art, les contes et légendes, la mythologie ou bien encore l’éthologie, ce livre richement illustré vous propose une véritable plongée dans l’univers mystérieux et passionnant du loup, à la découverte de cet animal méconnu et si intrigant, battant en brèche nombre d’idées reçues…

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Biologiste de formation et journaliste, Emmanuelle Grundmann parcourt la planète entière depuis de nombreuses années pour sensibiliser le public aux problématiques de la biodiversité et de la sauvegarde des forêts et des espèces, notamment des loups et des primates.

MDS : 46365

On a beau donner à manger au loup, toujours il regarde du côté de la forêt.


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