Le gâteau de Grand-Ma et
autres histoires
Le gâteau de Grand-Ma
Dans les prés, le soleil vient de se lever. Quelle belle journée de printemps ! Les premières pâquerettes, en robe blanche, dansent dans le vert de l’herbe fraîche.
Sur ses genoux, Maman Chien installe ses deux petits, encore tout ébouriffés :
— Mes chéris, chuchote-t-elle. Aujourd’hui, Grand-Ma fête ses cent printemps.
— Cent printemps ! répète Félix, très impressionné.
— Et pour l’occasion, continue Maman Chien, nous pourrions lui préparer ensemble une très, très grande surprise, que vous iriez lui porter tous les deux.
— Oh oui ! Je sais ! Une pièce montée qui touche le ciel, s’écrie César.
D’un même bond, Maman Chien, Félix et César se précipitent vers la cuisine. Une pièce montée ! Voilà quelque chose de spectaculaire ! Vive les pièces montées !
Les chiots enfilent toques et tabliers.
— Au travail ! lance Maman Chien.
Organisée et talentueuse, elle aide ses petits à casser les œufs, peser la farine, mélanger le sucre vanillé, manier le fouet, enfourner les petits choux, les fourrer de crème pâtissière, préparer le caramel.
En une heure, Félix et César ont le pelage tout blanc et des moustaches de sucre jusqu’aux oreilles. Et la merveille des merveilles est achevée.
Rien n’est trop beau pour Grand-Ma et ses cent printemps. Quel splendide monument ! Un château ! Avec tout en haut, une jolie bougie d’anniversaire prête à briller pour la reine de la fête.
Avec délicatesse, Maman Chien installe la pièce montée sur un plateau, puis elle pose délicatement le plateau sur une brouette.
— Et maintenant, s’écrie-t-elle, roulez jeunesse ! Allez porter ce château chez Grand-Ma !
Félix pousse la brouette sur le chemin caillouteux, César tient avec précaution la merveille qui, en équilibre, manque de se renverser, une première fois à droite, une deuxième fois à gauche. Après quelques tours de roue, les petits chiens s’arrêtent, découragés :
— Nous n’y arriverons jamais, se désespère César.
— La pièce montée va arriver en mille morceaux, ajoute Félix.
L’ânon, en chemin pour le marché, les observe depuis un moment.
— Je peux vous aider, mais pour la peine, je voudrais bien goûter quelques choux, dit-il en faisant bouger ses longues oreilles d’un air coquin.
Les poils de Félix se hérissent :
— Toucher à cette merveille ? Ah, ça non ! Tous ces choux sont pour Grand-Ma ! Tourne les sabots.
— Tant pis, se résout l’ânon, qui commence à s’éloigner.
Mais les chiots se ravisent :
— C’est d’accord, mais un seul, alors. Un tout petit, un peu creux et pas trop beau…
L’ânon est gourmet. Il s’y connaît en pièce montée. Il se régale et les petits chiots installent le plateau bien d’aplomb sur son dos. Maintenant, en avant !
Un peu plus loin, ils rencontrent le mouton, qui saute à cloche-patte. Sa patte gauche lui fait si mal qu’il ne peut plus la poser par terre.
— Qu’as-tu donc ? lui demande Félix.
— Une épine, gémit le pauvre mouton.
César retire l’épine de la patte du mouton, lui fait un joli bandage avec son mouchoir et ne résiste pas à l’envie de lui donner quelques choux, pour le réconforter.
Maintenant que la pièce montée est entamée, les petits chiots hésitent moins, même si tous les choux qui restent sont, bien sûr, pour Grand-Ma.
Un peu plus loin encore, ils rencontrent un minuscule poussin, qui pleure en appelant « Maman ».
— Qu’as-tu donc ? lui demande Félix.
— J’ai perdu ma maman, murmure-t-il. Nous nous promenions, je sautillais devant et soudain, plus de maman !
Le temps de lui donner quelques choux pour le consoler, et voilà Maman Poule qui arrive, tout essoufflée.
— Oh ! Merci, les amis, d’avoir pris soin de mon petit. Le temps de dire deux mots à ma voisine et mon poussin avait disparu. Je le cherchais partout.
Dans les plumes de Maman Poule, le poussin remercie :
— Ils sont délicieux, les choux de Grand-Ma.
La maisonnette de Grand-Ma n’est plus très loin, maintenant. Avec l’ânon, qui porte toujours ce qu’il reste de pièce montée, Félix et César y seront bientôt. Mais une volée de moineaux leur barre la route et supplie :
— Un petit chou, s’il vous plaît. Nous sortons de l’hiver et nous sommes affamés.
Les deux chiots ont pitié de cette grande famille. Attendris par la ribambelle d’oisillons qui ouvrent grand leurs becs, ils leur glissent à chacun quelques miettes.
— Comme vous êtes bons ! dit Papa Moineau.
Quand Félix et César arrivent enfin devant la maisonnette de Grand-Ma, le plateau est vide. Enfin, pas tout à fait. Il reste… la jolie bougie, prête à briller pour la reine de la fête.
Tout penauds, ils ouvrent la porte, sautent dans les bras de leur grandmère et s’apprêtent à tout lui expliquer.
Mais déjà, on frappe à la porte.
C’est l’ânon qui s’avance, esquisse une révérence et tend timidement un bouquet :
— Vos petits sont bons et généreux, Grand-Ma. Ils m’ont donné des petits choux, car je suis un fin gourmet. Une telle merveille ne pouvait passer sous mon nez sans que je donne mon avis. Pour votre anniversaire, je vous ai apporté des genêts d’or, des campanules et des violettes.
On frappe à nouveau.
C’est le mouton :
— Vos petits sont bons et généreux, Grand-Ma. Ils m’ont donné des petits choux quand j’avais mal à la patte. Pour votre anniversaire, je vous ai apporté un grand panier de carottes et de navets de mon potager.
On frappe à nouveau.
C’est le poussin :
— Vos petits sont bons et généreux, Grand-Ma. Ils m’ont donné des petits choux quand j’avais perdu ma maman. Pour votre anniversaire, je vous ai apporté de jolies graines toutes dorées.
En voilà d’autres qui entrent sans frapper ! Ce sont les moineaux qui sont passés par la fenêtre :
— Vos petits sont bons et généreux, Grand-Ma. Ils nous ont donné à manger quand nous avions faim. Pour votre anniversaire, nous allons vous offrir un beau concert.
Table des matières
La pluie dans la maison-chapeau
Une drôle de chasse aux trésors
