Cette histoire a commencé dans les coulisses…
La danse est le plus élevé, le plus émouvant et le plus beau de tous les arts, non seulement parce qu’elle est une interprétation ou une abstraction de la vie, mais aussi parce qu’elle est la vie elle-même.
Havelock Ellis
J’ai découvert le monde de la danse alors que j’étais à peine plus âgée que vous. Depuis, la danse n’a jamais cessé de me passionner. Tout a commencé grâce à ma sœur qui prenait des cours dans une école très prestigieuse. J’étais alors une toute jeune fille mais j’ai aidé en de très nombreuses occasions pour les spectacles de fin d’année. Simplement pour le bonheur d’être là, je prêtais main-forte un peu partout, en tant que maquilleuse, costumière ou couturière. J’aidais les solistes à changer rapidement de costumes, les élèves des premières années à bien attacher leurs chaussons (imaginez s’ils s’étaient détachés devant les yeux des spectateurs !) et je leur faisais signe pour entrer sur scène au bon moment. Je me rendais utile de toutes les manières possibles et j’y prenais un immense plaisir.
Ce qui me fascinait le plus était d’assister aux répétitions. Luciana Novaro, la directrice de l’école et l’une des plus grandes ballerines italiennes au XXe siècle, concevait le spectacle dans les moindres détails, de la chorégraphie aux costumes, trouvant des solutions inédites pour remédier au manque de décor. Par exemple, pour obtenir un effet dramatique, elle faisait appel à un « œil-debœuf », un projecteur dirigé sur la soliste alors que la scène était totalement plongée dans le noir. Il suffisait alors de changer le filtre de couleur placé devant le projecteur pour que tout devienne différent…
Cachée dans les coulisses, j’ai appris à distinguer le zapateado andalou de la jota aragonaise, la mazurka polonaise de la czarda hongroise, les pas d’une danse
perse de ceux d’une danse arabe. J’ai vu des numéros catastrophiques devenir, comme par magie, féeriques le soir de la représentation. J’ai appris une quantité de détails techniques surprenants comme le nom du mouchoir blanc entouré de dentelle que les danseuses de tarentelle portent sur la tête. Madame Novaro se tenait toujours là, au milieu de la salle, pendant les répétitions et chaque scène était recommencée jusqu’à ce qu’elle soit parfaite. Et planait toujours la menace suprême, les paroles redoutées qui résonnaient parfois dans le théâtre : « Je retire ma signature de ce spectacle ! » C’était ainsi qu’elle exprimait son profond mécontentement.
Voir un spectacle depuis les coulisses ne retire rien à la magie, bien au contraire. Le plus beau film sur le monde de la danse, Le Tournant de la vie, se passe justement en grande partie dans les vestiaires et les coulisses.
Le ballet tel que nous le connaissons aujourd’hui est né en France au XVIIIe siècle. Le vocabulaire de la danse, d’ailleurs, est français même s’il est rapidement devenu international. N’importe quelle ballerine au monde est capable de s’exécuter si un chorégraphe lui demande un pas de basque ou un entrechat quatre. C’est Jean-Georges Noverre, le maître de ballet de la reine Marie-Antoinette, qui a fixé les fondements théoriques du ballet moderne dans son livre Lettres sur la danse en 1760. C’est également en France que furent créés certains des plus célèbres ballets comme Coppélia. Cependant, à la fin du XIXe siècle, l’art du ballet s’est déplacé en Russie, à la cour du tsar. C’est là qu’ont travaillé les plus grands chorégraphes de l’histoire parmi lesquels le marseillais Marius Petipa, à l’origine de ballets immortels comme Le Lac des cygnes ou La Belle au bois dormant. C’est également grâce au russe Serge de Diaghilev, fondateur de la compagnie des Ballets russes en 1909, que l’art de la danse est revenu au centre de la culture européenne. On lui doit notamment d’avoir fait appel à de grands musiciens comme Claude Debussy ou Igor Stravinski (compositeur de L’Oiseau de feu) et d’avoir commandé des décors et des costumes à des artistes comme Pablo Picasso, Henri Matisse ou Joan MirÓ. Les illustrations de ce livre rassemblent les moments clés de six ballets qui constituent l’histoire de la danse. Ils mêlent poésie et histoire, beauté de la musique et perfection de la chorégraphie. Deux d’entre eux sont comiques
(Coppélia et Don Quichotte), deux s’apparentent à des fables (La Belle au bois dormant et L’Oiseau de feu), l’un est fantastique (Casse-Noisette) et le dernier est tragiquement romantique (Le Lac des cygnes). Cela montre la diversité de cet art.
Chacun de ces noms est associé, pour moi, à des souvenirs indélébiles, alors que j'étais perchée en haut du théâtre de la Scala. J’y ai vu des dizaines de danseuses interpréter le double rôle d’Odette-Odile dans Le Lac des cygnes, chacune de manière différente selon sa personnalité. J’ai assisté à tant de représentations de Coppélia que j’en connais par cœur tous les détails. Et j’ai eu la chance infinie de voir danser le mythique Rudolf Noureev dans La Belle au bois dormant, durant les dernières années de sa carrière.
La danse offre ces moments inoubliables qui s’inscrivent en nous pour toujours. Aujourd’hui encore, après tant d’années, j’en suis émerveillée comme, lorsque, enfant, j’attendais que les lumières de la Scala s'éteignent et que se lève le rideau. Je souhaite que ce livre vous donne, à votre tour, le désir d’aller admirer ces ballets. Ils sont des portes ouvertes sur la magie et l’émerveillement.
Un peu d' histoire
Aujourd’hui, Le Lac des cygnes est sans doute le ballet le plus connu. Pourtant, en 1877, lors de sa première représentation au célèbre théâtre Bolchoï de Moscou, il est passé presque inaperçu. Même si la musique de Tchaïkovski était splendide, cet échec est probablement dû à la mauvaise chorégraphie et à la danseuse médiocre qui interprétait le rôle principal.
Près de vingt ans plus tard, le grand chorégraphe Marius Petipa est chargé de monter à nouveau ce ballet. Ainsi, à l'âge de
77 ans, il crée son chef-d’œuvre avec l’aide de son assistant, Lev Ivanov. Le Lac des cygnes nécessite une danseuse étoile à la technique très sûre, mais aussi au grand talent scénique. Elle doit, en effet, interpréter de manière crédible deux personnages opposés : la tendre Odette et la diabolique Odile. Lors de la première de ce ballet de Marius Petipa, en 1895 à Saint-Pétersbourg, le double rôle fut confié à la prodigieuse et incomparable danseuse italienne Pierina Legnani.
Il était une fois un royaume si petit que, par temps clair, on pouvait en apercevoir les frontières en montant sur la plus haute tour du château royal. Dans ce royaume, vivait un beau prince nommé Siegfried. Le jour de son 21e anniversaire, la reine mère lui offrit une splendide arbalète de chasse en lui disant : « Mon fils, il est temps pour toi de te marier. Demain soir, toutes les jeunes filles nobles du royaume assisteront à un grand bal et, parmi elles, tu devras choisir ton épouse. » Siegfried fut alors très triste. Il avait toujours pensé qu’il se marierait par amour, même s’il ignorait encore tout de celle dont il tomberait amoureux. Pour lui changer les idées, son précepteur lui montra alors un vol de cygnes à l’horizon et lui proposa une partie de chasse qui lui permettrait d’essayer sa nouvelle arbalète.
En suivant les oiseaux, Siegfried parvint sur les rives d’un lac mystérieux. Là, il crut soudain voir un cygne. Il tira en visant sa proie. Mais, devant ses yeux ébahis, apparut une belle jeune fille en robe blanche avec une couronne de plumes et de diamants sur la tête. Elle était entourée d’une foule de jeunes femmes également vêtues de blanc. « Je suis la princesse Odette, lui dit la jeune fille, et voici mes compagnes. Le terrible sorcier von Rothbart nous a transformées en cygnes et nous garde captives. C’est uniquement à la tombée de la nuit que nous reprenons notre apparence humaine. Seul l’amour sincère d’un homme au cœur pur pourrait rompre ce terrible sort mais, attention, si tu venais à me trahir après m’avoir promis fidélité, je serais condamnée à rester un cygne pour toujours. » Le prince la serra dans ses bras, lui jurant un amour éternel. Et voici qu’apparut le sinistre sorcier qui rappela les cygnes à lui d’un geste brusque.
Le soir du grand bal au château arriva, mais le prince était distrait. Ses pensées étaient toutes tournées vers Odette. Lorsque le chambellan annonça l’arrivée du baron von Rothbart et de sa fille Odile, Siegfried fut stupéfait. Par un habile sortilège, l’odieux sorcier avait rendu Odile identique à la princesse Odette. Troublé par cette extraordinaire ressemblance, le prince dansa avec Odile, sans se rendre compte que cette inconnue vêtue de noir avait, en réalité, un regard glacial et méchant. À la fin de la danse, complètement subjugué par la jeune fille, le prince lui demanda de l’épouser. Ayant réussi à tromper toute la cour, le sorcier et sa fille éclatèrent d’un rire moqueur et disparurent à la surprise générale. Siegfried comprit alors qu’il était tombé dans un piège et, pris de remords, il se précipita vers le lac des cygnes.
Au bord du lac, Odette s’était évanouie de chagrin, entourée de ses demoiselles. Siegfried accourut, désemparé, et la prit dans ses bras. Il lui demanda pardon de s’être laissé tromper et lui répéta qu’il n’aimait qu’elle. Au son de sa voix, Odette se réveilla et jeta ses bras autour de son cou. Mais il était trop tard. En rompant son serment, le prince l’avait condamnée à rester un cygne pour toujours. Le baron von Rothbart réapparut et, d’un signe de tête, déclencha une violente tempête. Celle-ci emporta Siegfried dans les eaux tumultueuses du lac. Odette, ne voulant pas quitter son amour, se jeta dans les flots avec lui. Le sorcier, désormais privé de sa captive, disparut dans un violent geste de colère. Ainsi, l’amour d’Odette et de Siegfried avait été plus fort. Désormais, leurs deux âmes sont unies à jamais, flottant dans la brume du lac des cygnes.
Coppélia
Un peu d' histoire
Lorsque Coppélia débuta à l’Opéra de Paris, en mai 1870, la guerre contre la Prusse se profilait déjà à l’horizon. Le déclenchement du conflit, deux mois plus tard, allait rapidement entraîner la fermeture de tous les théâtres. Le rôle du personnage principal du ballet avait été confié, pour la première représentation, à une extraordinaire interprète de dix-sept ans à peine.
L’histoire de Coppélia, tout comme celle de Casse-Noisette, est inspirée d’un récit de l’écrivain allemand Hoffmann : Le Marchand de sable. Cependant, rien de l’atmosphère sinistre et effrayante
du texte d’origine n’a été gardé. L’histoire de Coppélia est amusante, pleine de quiproquos. Les spectateurs en savent plus que les personnages eux-mêmes ! Il s’agit du dernier chef-d'œuvre et du plus grand succès du chorégraphe Arthur Saint-Léon. C’est lui qui a donné au compositeur Léo Delibes des instructions très précises comme celle d’inclure dans la partition plusieurs danses folkloriques de différents pays, afin de rendre le ballet plus vivant et plus brillant. Le ballet comprend ainsi un boléro espagnol, une gigue écossaise, une mazurka et une csárdás hongroise.
Les lumières s’éteignent, le rideau se lève...
Les plus belles histoires de ballet entrent en scène au fil des pages, racontées et illustrées pour tous les enfants passionnés de danse.
17,90 € France TTC www.mameeditions.com
Coppélia
Quichotte
Le Lac des cygnes
Don
Casse-Noisette La Belle au bois dormant
L’Oiseau de feu