Les aumôniers militaires

d’auteurs passionnés par l’histoire militaire, cet ouvrage est un hommage vibrant

Grégoire Mabille • Yvon Bertorello • Alban Guillemois

À travers une série de portraits vifs et élégants, portés par la plume et le pinceau

Grégoire Mabille

Yvon Bertorello

Alban Guillemois

à ceux dont la vocation est de porter la lumière du Christ jusqu’au cœur de la violence extrême. Partageant la condition de vie des soldats, connaissant tout de l’angoisse de la mort, de l’attente de l’assaut, de l’horreur des combats, les aumôniers militaires, en plus de faire montre d’un courage au feu souvent admirable, dévouent toute leur personne – parfois jusqu’au sacrifice suprême – pour que survivent les âmes autant que les corps.

Publié en partenariat avec le diocèse aux armées cet ouvrage est préfacé par Mgr Antoine de Romanet

14,90 € France TTC www.mameeditions.com

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Aumôniers militaires Textes : Grégoire Mabille et Yvon Bertorello Illustrations : Alban Guillemois

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Direction : Guillaume Arnaud Direction éditoriale : Sophie Cluzel Direction artistique : Armelle Riva Édition : Vincent Morch Compositeur : Facompo Rouen Direction de fabrication : Thierry Dubus Fabrication : Sabine Marioni © Mame, Paris, 2018 www.mameeditions.com ISBN : 978‑2-7289‑2573‑5 MDS : 531832 Tous droits réservés pour tous pays.

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Ce livre est un hommage aux prêtres catholiques qui se dévouent et se sont dévoués au service de l’aumônerie militaire. Nous ne dressons ici le portrait que de quelques grandes figures d’aumôniers. Il en est des centaines d’autres, tout aussi admirables, qui auraient mérité de figurer dans cet ouvrage. Mais il nous a fallu faire un choix. Dès lors, nous devons nous excuser auprès de nos lecteurs de la part d’arbitraire qui, nécessairement, y présida.

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Préface La tradition fait remonter les premiers aumôniers militaires au temps de Charle‑ magne, autour de l’an 800. La réalité des conflits armés renvoie immédiatement aux questions fondamentales du sens de la vie et de la mort. La dimension spi‑ rituelle est d’emblée convoquée. Au service de tous, l’aumônier militaire offre une présence de gratuité, un soutien hors hiérarchie, au-delà de toute finalité opérationnelle. Sans ce témoignage, il y aurait à craindre l’apothéose d’un maté‑ rialisme déshumanisé menant droit à la barbarie. L’homme porte infiniment plus que ses instincts, il est habité par plus grand que lui-même. Au cœur de cette mis‑ sion, il y a l’homme, tout l’homme, le tout de l’homme. L’Évangile nous donne à comprendre chaque être humain comme une personne, non reproductible, non interchangeable, non instrumentalisable. Il s’agit de proposer une rencontre de personne à personne, une écoute à la fois authentique, discrète et bienveillante.

L’aumônier délivre une vision intégrale de l’homme. Dans les armées, la cohérence du corps, de l’âme et de l’esprit est cruciale. Elle crée une force de rési‑ lience. Si ces dimensions constitutives ne sont pas réunies, l’homme finalement se désagrège. Certaines situations peuvent ébranler les repères les plus profonds. Où est le bien ? Le mal ? À quoi est-ce que je participe ? Seul l’esprit garde à l’homme sa part de liberté qui lui permettra d’échapper à la prison intérieure de ses bles‑ sures. Où puiser l’énergie pour renaître et pardonner sinon dans la vie spirituelle ?

C’est elle qui permet à l’homme de rester homme au moment même où grande serait la tentation de se comporter comme une bête.

Cette dimension spirituelle que l’homme découvre en lui élève le militaire vers une dimension supérieure où son équilibre s’inscrit dans un élan de trans‑ cendance et d’infini. Qu’attendre de l’aumônier ? Qu’il soit un donneur de sens, un expert en humanité, et qu’il incarne le Christ. Il s’agit depuis toujours d’éclai‑ rer l’homme, d’humaniser la guerre et d’ouvrir le ciel. Chaque visage présent dans ce magnifique album en est une incarnation, chacun selon les appels de son époque et les richesses de son charisme. Puisse la découverte de ces vies données pour leurs frères nous inspirer respect, admiration, inspiration, vocation… au ser‑ vice de ce que l’homme porte en lui de meilleur, dans l’engagement d’une vie en semence d’éternité.

Antoine de Romanet,

évêque aux armées françaises.

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L’aumônerie militaire à travers les siècles

S’il est vraisemblable que des hommes d’Église se soient associés à l’armée dès l’époque de l’empereur Constantin, la première mention historique de ce phé‑ nomène remonte au concile germanique de Ratisbonne, qui s’est tenu en 742, sous l’égide de Carloman et de saint Boniface. Son premier capitulaire précisait : « Pour toute circonstance, nous interdisons absolument à tous les serviteurs de Dieu de porter armure ou de combattre ou même de se rendre à l’ost ; sauf toute‑ fois ceux qui, pour les besoins du ministère divin – à savoir l’accomplissement des solennités des messes et le port des reliques des saints – auront été choisis pour cela. C’est-à-dire que le prince aura avec lui un ou deux évêques assistés de chape‑ lains prêtres et chaque préfet un des prêtres capables de juger des péchés pour les hommes qui se confessent et d’en indiquer la pénitence1. » Depuis ce jour, il y eut toujours, d’une manière ou d’une autre, officiellement ou officieusement, des prêtres et religieux qui se vouèrent au service spirituel des soldats. La première organisation concrète d’une aumônerie militaire française remonte au xvie siècle lorsque, en 1543, est instituée la charge de grand aumônier de France. Ce dernier, qui a pour juridiction les hôpitaux et collèges royaux, est également à même de nommer les aumôniers militaires. Deux ordonnances d’Henri II, en 1555 et 1558, prévoient que « chaque régiment ait un prêtre et qu’il y ait un prédicateur à la bataille et un autre à l’avant-garde ».

Lors des guerres d’Italie, au cours du xvie siècle, la présence d’aumôniers mili‑ taires permanents est attestée. En 1645, le pape Innocent X émet un bref apos‑ tolique intitulé Cum sit majestatis. Il prévoit qu’un prélat puisse être spécialement désigné pour le soin des troupes. Sous le règne de Louis XIV, tandis que Vauban 1. Pierre Riché, Les Carolingiens, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1983, p. 65‑66.

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fait ériger ses citadelles aux frontières du royaume, il s’y trouve systématiquement une chapelle.

Après la Révolution française et durant l’Empire, l’aumônerie militaire dis‑ paraît officiellement. Elle ne sera rétablie qu’à la Restauration de la monarchie, sous Louis XVIII puis Charles X. C’est ainsi que le premier statut détaillé pour l’aumônerie de l’armée de terre française est promulgué avec l’ordonnance royale du 24 juillet 1816.

Mais l’aumônerie militaire connaîtra encore bien des vicissitudes avant de trouver un statut durable. Au cours du xixe siècle, elle subit de multiples réformes dictées par l’orientation religieuse et politique des différents régimes qui se suc‑ cèdent.

Le texte législatif de base organisant cette aumônerie date de 1880 et n’a pas été abrogé lors de la séparation de l’Église et de l’État. Il est donc toujours la base légale des aumôneries protestante, juive et catholique des armées françaises. Mais il faudra encore attendre la première moitié du xxe siècle pour qu’une institution permanente soit établie1.

1. Vicariat aux armées françaises, L’Aumônerie militaire française, numéro spécial de Croix de guerre, p. 14‑15.

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Deux saints et deux symboles de l’aumônerie militaire

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Remi de Reims (437‑533)

Si Remi de Reims ne fut pas, à proprement parler, un aumônier militaire, il peut pourtant être considéré comme le plus illustre de leurs ancêtres. N’est-ce pas lui qui baptisa Clovis et son armée entière, donnant ainsi naissance à la royauté franque, héréditaire et chrétienne, et liant, du même geste, l’armée à l’Église ?

La vie de Remi de Reims nous est connue grâce au récit qu’en firent deux saints évêques, Venance Fortunat et Hincmar. Si la première Vie de saint Remi est considé‑ rée par les historiens comme crédible, la seconde relève bien plus de l’hagiographie que de la biographie. Mais l’une et l’autre se mêlent fatalement lorsqu’il s’agit de dresser le portrait d’une figure aussi symbolique que celle de saint Remi.

Remi naît vers l’an 437, aux environs de Laon. Il semble issu d’une grande famille gallo-romaine de riches propriétaires terriens, faisant partie de l’élite séna‑ toriale. Selon le testament de Remi, dont l’authenticité est discutable, il était luimême, au jour de sa mort, possesseur de terres agricoles, principalement de vignes aux environs de Reims. Il a un frère, Principe, qui deviendra évêque de Soissons et sera, tout comme lui, canonisé par l’Église catholique.

Remi vient donc au monde à une époque charnière, oscillant entre paganisme et christianisme. Après la conversion de l’empereur Constantin, vers l’an 312, l’Empire romain d’Occident est officiellement proclamé chrétien en 380 par l’em‑ pereur Gratien. Mais le paganisme et l’arianisme1 sont encore florissants dans ces riches contrées du nord-est de la Gaule où naît Remi. Childéric Ier, qui y règne alors, est un roi païen.

Si Remi reçoit une bonne éducation, maîtrise le latin, la rhétorique, et v­ ersifie, il n’a pourtant pas fait d’études supérieures et sa formation demeure assez ­limitée.

1 L’arianisme est une hérésie issue de la doctrine professée par un prêtre d’Alexandrie, nommé Arius, entre 315 et 318. Ce dernier niait la divinité du Christ en remettant en cause la consubstantialité du Fils avec le Père et considérait Jésus, le Fils de Dieu, comme une nature inférieure, subordonnée. Cette hérésie, bien que condamnée lors du concile de Nicée en 325, continua à séduire nombre de peuples, dont les Germaniques, qui s’y convertirent massivement. L’arianisme disparut dans la seconde moitié du viie siècle.

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Cela ne l’empêche pourtant pas de monter sur le siège épiscopal de Reims vers l’âge de 22 ans. Encore une fois, nous n’avons que très peu de sources capables de nous éclairer sur son action1. En tant qu’évêque, il est responsable du diocèse de Reims ; en tant qu’archevêque, il est responsable de la bien plus large province ecclésiastique qui en dépend. Son rôle est d’œuvrer à la christianisation de ce vaste territoire qui occupe tout le nord-est de la Gaule. Pour ce faire, Remi consacre des évêques, organise la création de paroisses rurales et forme un clergé séculier com‑ pétent. Sa vie semble exemplaire, si bien que, dès avant sa mort, il acquiert une réputation de sainteté aux alentours de Reims.

Mais son rôle ne se limita pas à cette activité pastorale. En effet, Remi fut l’acteur et le témoin du passage de la royauté franque au christianisme. Il ne fait aucun doute qu’il connaissait Clovis bien avant de le baptiser, qu’il connaissait même son père et prédécesseur, le roi Childéric. En témoigne la lettre qu’il écrivit à Clovis pour le féliciter de son avènement comme roi de Tournai en 4812. Évêque métropolitain de la province ecclésiastique de Reims, Remi était par conséquent l’interlocuteur privilégié d’un roi qui régnait sur ces mêmes contrées. Il semble donc que le baptême de Clovis soit l’aboutissement d’une longue relation entre Remi et le roi. Quoi qu’il en soit, Remi catéchisa et baptisa le roi le 25 décembre d’une année que les historiens situent entre 496 et 509, dans la ville de Reims où il siégea comme évêque durant soixante-dix ans.

Mais laissons désormais la parole à Grégoire de Tours, dont l’Historia Francorum est la principale source historiographique que nous possédons sur le règne de Clovis. « La reine Clotilde ne cessait de supplier le roi de reconnaître le vrai Dieu et d’abandonner les idoles ; mais rien ne put l’y décider, jusqu’à ce qu’une guerre s’étant engagée avec les Allemands, il fut forcé, par la nécessité, de confesser ce qu’il avait jusque-là voulu nier. Il arriva que les deux armées se battant avec un grand acharnement, celle de Clovis commençait à être taillée en pièces ; ce que voyant, Clovis éleva les mains vers le ciel, et le cœur touché et fondant en larmes, il dit : “Jésus-Christ, que Clotilde affirme être Fils du Dieu vivant, qui, dit-on, donnes du secours à ceux qui sont en danger, et accordes la victoire à ceux qui espèrent en toi, j’invoque avec dévotion la gloire de ton secours : si tu m’accordes la victoire sur mes ennemis, et que je fasse l’épreuve de cette puissance dont le peuple, consacré à ton nom, dit avoir reçu tant de preuves, je croirai en toi, et me ferai baptiser en ton nom […].” Comme il disait ces paroles, les Allemands, tournant le dos, commencèrent à se mettre en déroute ; et voyant que leur roi 1. Pour un excellent état des lieux concernant les connaissances actuelles sur Remi, on se reportera au travail de Marie-Céline Isaia, Remi de Reims, Paris, Éd. du Cerf, 2010.

2. Nous ne possédons que quatre lettres de sa main dont l’authenticité est indiscutable. Celle-ci en fait partie.

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était mort, ils se rendirent à Clovis, en lui disant : “Nous te supplions de ne pas faire périr notre peuple, car nous sommes à toi.” Clovis, ayant arrêté le carnage et soumis le peuple rentra en paix dans son royaume, et raconta à la reine comment il avait obtenu la victoire en invoquant le nom du Christ.

Alors la reine manda en secret saint Remi, évêque de Reims, le priant de faire pénétrer dans le cœur du roi la parole du salut. Le pontife, ayant fait venir Clovis, commença à l’engager secrètement à croire au vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et à abandonner ses idoles qui n’étaient d’aucun secours, ni pour ellesmêmes, ni pour les autres. […] Le roi pria le pontife de le baptiser le premier. Le nouveau Constantin s’avance vers le baptistère, pour s’y faire guérir de la vieille lèpre qui le souillait, et laver dans une eau nouvelle les taches hideuses de sa vie passée. Comme il s’avançait vers le baptême, le saint de Dieu lui dit de sa bouche éloquente : “Sicambre, abaisse humblement ton cou : adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré.” […]

Le roi, ayant donc reconnu la toute-puissance de Dieu dans la Trinité, fut baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et oint du saint chrême avec le signe de la croix ; plus de trois mille hommes de son armée furent baptisés1. » En portant sur les fonts baptismaux une armée entière, Remi se fait aumônier et noue, dans ce geste sacré et historique, le destin de l’armée à celui de l’Église.

Remi mourut probablement en 533 et fut canonisé le 1er octobre 567. Depuis lors, la Saint-Remi est célébrée dans le diocèse de Reims le premier dimanche d’octobre. Durant la neuvaine qui précède cette fête, la châsse qui contient ses reliques est exposée dans le chœur de la basilique qui porte son nom. Le jour dit, douze hommes la portent en procession dans l’enceinte sacrée de l’église, avant de la replacer dans son somptueux tombeau.

1. Grégoire de Tours, Histoire des Francs, Paris, Éd. J.-L.-J. Brière, Paris, 1823, trad. F. Guizot, t. I, p. 91‑92.

Pour une traduction du latin plus littérale que littéraire, on pourra consulter le travail de Robert Latouche, Paris, Les Belles Lettres, 1963, p. 119‑121.

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Jean de Capistran (1386‑1456)

Jean de Capistran vint au monde dans une très bonne famille. Il est le fils d’un baron nordique qui suivit le duc d’Anjou en Italie, lors de sa campagne pour secourir le roi de Naples, et d’une noble italienne, originaire de Capistran. C’est dans cette petite ville des Abruzzes que Jean naît, le 24 juin 1386. Ses parents prirent soin de l’élever dans la religion et de lui donner une bonne éducation. Son père mourrut alors que Jean était encore bien jeune, et il se fit alors un devoir de soutenir sa mère dans cette épreuve.

Jean fit ses humanités et étudia brillamment la rhétorique avant de rallier l’université de Pérouse. Durant dix ans, il y étudiera le droit canonique et le droit civil, et y recevra enfin la dignité doctorale en jurisprudence et en droit canon.

Dûment diplômé, Jean devint assistant au tribunal de Naples puis, jouissant de la confiance du roi Ladislas, fut nommé juge en 1412, et même quelque temps gouverneur de la ville de Pérouse. Il ne tarda donc pas à devenir l’un des notables les plus en vue du royaume de Naples.

Au cours d’une guerre intestine entre Pérouse et le condottiere Malatesta, Jean fut fait prisonnier. C’est lors de sa captivité que, sous le coup de visions, cet homme rompit complètement avec le monde et, en 1415, entra chez les frères franciscains du couvent observant de Monteripido, à Pérouse. Ordonné prêtre en 1417, Jean entame une mission de prédication qui l’amènera, durant près de quarante ans, à voyager à travers l’Europe. Il prêche au moins une fois par jour et rassemble sous sa chaire des foules immenses. Il profite de sa popularité pour organiser des œuvres de charité et ouvrir des hôpitaux. Sa grande science, doublée d’une profonde sagesse, valut à Jean d’être le conseiller personnel de trois papes.

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En 1451, il se rend en Autriche à la demande de l’empereur Frédéric III. Il part avec douze de ses confrères afin de prêcher, durant un an, en Moravie et en Bohême. Il poursuit ensuite son périple pour prêcher en Bavière, en Saxe, en Silésie puis en Pologne. Sur sa route, les guérisons se multiplient, tout comme les conversions.

En 1453, les Turcs prennent Constantinople et anéantissent l’empire des chré‑ tiens d’Orient sans que cela suscite une grande réaction de la part des chrétiens d’Occident. Si bien que lorsque les troupes musulmanes menacent la Hongrie, Jean de Capistran se fait un devoir de convaincre les Occidentaux de l’imminence du danger. En 1454, il prêche la croisade aux diètes impériales de Francfort et de Wiener Neustadt puis se rend en Hongrie en 1455. Joignant le geste à la parole, Jean se joint à l’armée hongroise qui parvient à stopper l’avancée des Turcs à Belgrade, en juin 1456. Voici le récit de cette victoire qui, d’une hagiographie à l’autre, nous est parvenu : « À la tête de ses Croisés, il sort de la ville et s’avance, intrépide, jusqu’au camp des infidèles. Les Turcs s’étaient rangés en bataille ; ils attaquent les Croisés. À la voix de Capistran qui les commande, les chrétiens acclament le nom de Jésus et se précipitent avec rage sur les musulmans. Un effroyable choc se produit ; une épouvantable mêlée s’engage. Le saint, se jetant au plus fort du combat, répète mille fois ce cri : “Victoire ! Jésus ! Victoire !” Avec l’élite de ses soldats, il pénètre jusque dans le camp musulman et s’empare des batteries. Mahomet II est blessé ; son armée taillée en pièces. Elle s’enfuit en laissant sur le champ de bataille trois cents canons et vingt-quatre mille morts1. » La critique historique reconnaît à Jean de Capistran un rôle prépondérant dans cette victoire qui fut le salut de l’Europe2. Jean sut entretenir la vaillance et le courage des soldats en les appelant à placer leur espérance en une ardente dévo‑ tion à la Sainte-Croix et au nom de Jésus.

Atteint par la peste, Jean de Capistran mourut peu de temps après la victoire de Belgrade, le 23 octobre 1456, à Ilok, sur les rives du Danube. Sa tombe, qui ne tarda pas à devenir un lieu de pèlerinage, fut détruite par les Turcs en 1526.

Jusqu’à la Révolution française, son culte était fort répandu en Occident.

Jean de Capistran a été canonisé le 16 octobre 1690 par le pape Alexandre VIII, mais il fallut attendre 1724 pour que le pape Benoît XIII rende publique cette bulle de canonisation. Enfin, le 1er avril 1984, le pape Jean-Paul II nomma saint Jean de Capistran patron des aumôniers militaires.

1. L. de Kérval, Saint Jean de Capistran, Paris, Haton, 1887, p. 140.

2.

Dictionnaire de spiritualité, Paris, Beauchesne, 1974, t. VIII, col. 316.

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Les aumôniers militaires à l’époque contemporaine

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Jean Lanusse (1818‑1905)

Jean Lanusse est né le 2 janvier 1818 à Tonneins, dans une des plus anciennes maisons de cette petite ville du Sud-Ouest, située entre Marmande et Agen, sur la rive droite de la Garonne. Sa mère meurt alors qu’il est en bas âge, et c’est son père, ancien soldat de la vieille garde sous Napoléon Ier, qui l’élèvera. Ses récits de grognards nourriront fortement l’imaginaire de l’enfant.

Sa vocation religieuse lui vient à l’âge de 13 ans. En raison de quoi, deux ans plus tard, son père l’envoie faire ses études au séminaire d’Agen. Jean est ordonné prêtre le 4 février 1844. Il est alors nommé vicaire de l’église Saint-Pierre de Ton‑ neins, sa ville natale, puis curé de Casseneuil, et enfin curé de Monheurt. Durant l’année 1855, alors que la Garonne connaît cinq grandes crues meurtrières, l’abbé Lanusse se porte au secours des populations inondées et sauve plusieurs vies. Sa bravoure lui vaudra de recevoir une médaille de première classe en argent avec un diplôme sur parchemin aux armes de Napoléon III. Ce sera là la première décora‑ tion d’une longue série à venir !

En 1859, alors que débute la campagne d’Italie, l’abbé quitte sa cure de Mon‑ heurt pour suivre l’armée française à Magenta et à Solférino. Le 1er mai 1859, il intègre l’armée d’Italie en qualité d’aumônier de la 3e division du 3e corps puis de la 5e division de l’armée d’occupation. Il revient de cette victorieuse campagne avec la croix d’aumônier agrafée à sa soutane. Il est alors nommé curé de la pauvre et petite paroisse de Béquin, située à quelques kilomètres à l’ouest d’Agen, mais n’y demeurera que peu de temps. En 1862, le père Lanusse repart en effet avec l’armée française, en Amérique centrale cette fois.

Durant la campagne du Mexique, de 1862 à 1867, l’abbé Lanusse servira suc‑ cessivement comme aumônier des hôpitaux de Veracruz, d’Orizaba, de la brigade 27

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de cavalerie, de la 2e division d’infanterie et, enfin, comme aumônier des hôpitaux établis sur la route de Veracruz. Au cours de son séjour mexicain, il aura l’occasion de nouer des liens avec l’empereur Maximilien et l’assistera lors de ses derniers jours, l’accompagnant même au pied du mur où l’empereur déchu sera exécuté.

De retour en France en 1867, l’abbé Lanusse est attaché à divers hôpitaux avant de se porter aumônier volontaire pendant la campagne de Mentana, qui durera du 6 avril 1867 au 30 octobre 1868. Il sera ensuite nommé aumônier à l’hôpital militaire Saint-Martin, à Paris. Dès le déclenchement de la guerre francoallemande de 1870, il repart au front. Il assiste alors à la terrible bataille de Sedan, où les Français sont défaits. L’abbé soigne les blessés, réconforte les mourants.

Ce sera la dernière campagne militaire à laquelle participera l’abbé Lanusse.

Une nouvelle fois, il en sortira miraculeusement indemne. Et miraculeusement semble bien l’adverbe adéquat si l’on se figure que cet aumônier, qui participa à toutes les guerres françaises de la seconde moitié du xixe siècle, n’a jamais été blessé. Et plus encore lorsque l’on sait qu’une balle ennemie vint ricocher sur la croix de la Légion d’honneur qu’il portait à son revers, lors de la bataille de Sedan !

En 1871, l’abbé Lanusse est nommé aumônier de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr. Il le restera jusqu’au 25 octobre 1905, date à laquelle il rend l’âme, à l’âge de 87 ans.

Au soir de son existence, le père Lanusse avouait ne jamais avoir eu que deux impératifs dans sa vie : savoir prier Dieu et servir la France. Élevé à la dignité de prélat par Léon XIII, décoré militairement à plus de vingt reprises1, il semble bien que l’abbé Lanusse ait su répondre en tout point aux impératifs qu’il s’était fixés.

1.

Ses nombreuses décorations sont actuellement conservées au musée du Souvenir des écoles de Saint-CyrCoëtquidan, où se trouve également, situé à l’entrée de l’aumônerie, le buste de cet extraordinaire prélat.

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Table des matières

Préface de Mgr Antoine de Romanet ���������������������������������������������������������������� 9 L’aumônerie militaire à travers les siècles ������������������������������������������������������ 11 Deux saints et deux symboles de l’aumônerie militaire Remi de Reims �������������������������������������������������������������������������������������������������17 Jean de Capistran �����������������������������������������������������������������������������������������������21 Les aumôniers militaires à l’époque contemporaine Jean Lanusse �������������������������������������������������������������������������������������������������������27 Georges Bellanger ���������������������������������������������������������������������������������������������31 L’aumônerie militaire durant la Grande Guerre �������������������������������������������36 Ferdinand Cléret de Langavant �����������������������������������������������������������������������39 Georges Hénocque �������������������������������������������������������������������������������������������43 Charles Ruch �����������������������������������������������������������������������������������������������������47 Louis Lenoir �������������������������������������������������������������������������������������������������������51 Jules Pouchard ���������������������������������������������������������������������������������������������������55 Paul Doncœur ���������������������������������������������������������������������������������������������������59 Léon Régent �������������������������������������������������������������������������������������������������������63 René de Naurois ������������������������������������������������������������������������������������������������67 Pierre Bockel �����������������������������������������������������������������������������������������������������71 François Casta ���������������������������������������������������������������������������������������������������75

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Les évêques aux armées La création du diocèse aux armées françaises ������������������������������������������������ 83 Monseigneur Feltin �������������������������������������������������������������������������������������������85 Monseigneur Badré �������������������������������������������������������������������������������������������89 Monseigneur Vanel �������������������������������������������������������������������������������������������91 Monseigneur Fihey �������������������������������������������������������������������������������������������95 Monseigneur Dubost ����������������������������������������������������������������������������������������97 Monseigneur Le Gal ���������������������������������������������������������������������������������������101 Monseigneur Ravel �����������������������������������������������������������������������������������������103 Monseigneur de Romanet �����������������������������������������������������������������������������107 Remerciements �����������������������������������������������������������������������������������������������109

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d’auteurs passionnés par l’histoire militaire, cet ouvrage est un hommage vibrant

Grégoire Mabille • Yvon Bertorello • Alban Guillemois

À travers une série de portraits vifs et élégants, portés par la plume et le pinceau

Grégoire Mabille

Yvon Bertorello

Alban Guillemois

à ceux dont la vocation est de porter la lumière du Christ jusqu’au cœur de la violence extrême. Partageant la condition de vie des soldats, connaissant tout de l’angoisse de la mort, de l’attente de l’assaut, de l’horreur des combats, les aumôniers militaires, en plus de faire montre d’un courage au feu souvent admirable, dévouent toute leur personne – parfois jusqu’au sacrifice suprême – pour que survivent les âmes autant que les corps.

Publié en partenariat avec le diocèse aux armées cet ouvrage est préfacé par Mgr Antoine de Romanet

14,90 € France TTC www.mameeditions.com

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