Frontières, Des confins d'autrefois aux murs d'aujourd'hui

Olivier Zajec Préface de Michel Foucher

Olivier Zajec

Pourquoi les murs prolifèrent-ils à la surface de la planète ? Y a-t-il des frontières sur la Lune, à la surface des océans ? Qui a dessiné les limites des fuseaux horaires ?

Quelles frontières pour l’Europe ? Pour répondre à ces interrogations, il faut envisager le temps long de l’histoire et de la politique. Filtres des identités, garantes des souverainetés, à la fois ponts et forteresses, les frontières ne se limitent pas à un poste de douane ou une ligne de barbelés. Si elles existent, ce n’est pas seulement parce que les hommes les ont arbitrairement décrétées, mais surtout parce qu’elles permettent aux cultures humaines de concilier pacifiquement le local et le global, le spécifique et l’universel.

Au travers de soixante chapitres thématiques, du limes romain du ier siècle jusqu’au mur américain dressé à la frontière mexicaine au xxie siècle, de l’espace Schengen au silence des espaces intersidéraux, ce livre doté d’une riche iconographie et de nombreuses cartes géopolitiques originales permet de comprendre pourquoi les frontières effectuent un retour si violent au cœur de notre modernité.

Des confins d’autrefois aux murs d’aujourd’hui

Cartes de Jean-Philippe Antoni

PRIX : 34,95 €

ISBN : 978-2-36602-573-6

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SOMMAIRE PRÉFACE : MICHEL FOUCHER - P.7 INTRODUCTION : FRONTIÈRES DE L’HISTOIRE, FRONTIÈRES DANS L’HISTOIRE - P.8 PARTIE I - FRONTIÈRES DES POUVOIRS : BORNES, PONTS ET FORTERESSES - P.12 1 AUX MARCHES DE L’EMPIRE : LE LIMES ROMAIN, ARCHÉTYPE DE LA FRONTIÈRE DÉFENSIVE - P.14 2 FACE AUX TRIBUS CALÉDONIENNES : LES MURS D’HADRIEN ET D’ANTONIN - P.18 3 LES MARCHES DE L’EMPIRE CHINOIS : GRANDE MURAILLE ET INVASIONS NOMADES - P.20 4 LA VILLE GARDÉE DE DIEU : CONSTANTINOPLE À LA FRONTIÈRE DES MONDES - P.24 5 JANISSAIRES CONTRE PANDOURES : AUX CONFINS MILITAIRES DE L’EMPIRE DES HABSBOURG - P.28 6 ACHEVER LE PRÉ CARRÉ : LA FRONTIÈRE DE FER DE M. DE VAUBAN - P.30 7 LA CONFÉRENCE DE BERLIN (1885) : DES FRONTIÈRES COLONIALES POUR L’AFRIQUE - P.32 8 FRONTIÈRES DES OCCUPATIONS MILITAIRES : LA LIGNE DE DÉMARCATION - P.34 9 FRONTIÈRES IDÉOLOGIQUES : LA MÉMOIRE TOUJOURS VIVANTE DU RIDEAU DE FER - P.36 10 LES ARBITRAGES FRONTALIERS : APAISER, DÉLIMITER, DÉMARQUER - P.38 11« ES SAHARA, MA TECLA IL AHOUAD » : LE CLIMAT COMME FRONTIÈRE ENTRE LES POUVOIRS - P.42 12 LA PLUS LONGUE FRONTIÈRE DU MONDE : 5 000 KM À LA RÈGLE ENTRE CANADA ET ÉTATS-UNIS - P.44 13 MAR PARA BOLIVIA ! QUAND LA FRONTIÈRE ENCLAVE - P.50 14 DES ÎLES QUI SE DÉPLACENT : LA CONTROVERSE FRONTALIÈRE ENTRE CHINE ET RUSSIE SUR L’AMOUR-OUSSOURI - P.54 15 LE BERM DU SAHARA OCCIDENTAL : UNE FRONTIÈRE-DUNE ÉRIGÉE PAR LE MAROC - P.58 16 LES ÎLES SENKAKU, ENTRE JAPON ET CHINE : DU GUANO AUX NAVIRES DE GUERRE - P.60 17 LA DERNIÈRE FRONTIÈRE DE LA GUERRE FROIDE : LE NO MAN’S LAND ENTRE LES DEUX CORÉES - P.62 18 LA PIPE DE STALINE : DES VILLAGES COUPÉS EN DEUX - P.68 19 STABLES, IMMUABLES : QUELLES SONT LES PLUS ANCIENNES FRONTIÈRES DU MONDE ? - P.70 20 DE LA TUNISIE À L’ARABIE SAOUDITE : LA RENAISSANCE DES CONFINS MILITAIRES AU XXIe SIÈCLE - P.72

PARTIE II - FRONTIÈRES DES IDENTITÉS : LE MÊME ET L’AUTRE - P.78 21 AU-DELÀ DES SYRTES : LA TRANSGRESSION FRONTALIÈRE COMME FASCINATION DE L’AILLEURS ET DE L’AUTRE - P.80 22 SIRÈNES, HYPERBORÉENS, CYCLOPES : LES CONFINS DE LA TERRE CHEZ LES GÉOGRAPHES GRECS DE L’ANTIQUITÉ - P.82 23 SACRIFICES ET LUSTRATIONS RITUELLES : LA FRONTIÈRE SACRÉE - P.84 24 UN HÉMISPHÈRE POUR MADRID, UN POUR LISBONNE : LES TRAITÉS DE TORDESILLAS ET DE SARAGOSSE, 1494-1529 - P.86 25 SAUTE-FRONTIÈRE AU TEMPS DES LUMIÈRES : LES AVENTURES COSMOPOLITES DU CHEVALIER DE SEINGALT - P.90 26 RÉVOLUTION IDÉOLOGIQUE ET FRONTIÈRES DES IDENTITÉS HISTORIQUES : LE PLAN SIÉYÈS-THOURET DE 1789 - P.92 27 LA « FRONTIER » DANS LA FORMATION DE L’IDENTITÉ NATIONALE AMÉRICAINE - P.94

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28 UN ÉTAT SUR ROULETTES : APPARITIONS ET DISPARITIONS DES FRONTIÈRES POLONAISES - P.96 29 LES FRONTIÈRES RÊVÉES DE LA PANEUROPE : LA VISION DE RICHARD COUDENHOVE-KALERGI - P.99 30 WHO ARE WE ? ENTRE LE MEXIQUE ET LES ÉTATS-UNIS, UN NOUVEAU LIMES SUR LA TORTILLA BORDER - P.101 31 LES PEACE LINES DE BELFAST : DES FRONTIÈRES URBAINES ENTRE CATHOLIQUES ET PROTESTANTS - P.104 32 UNE FRONTIÈRE ENGLOUTIE DANS LA JUNGLE : LES SEPT BORNES PERDUES DES MONTS TUMUC HUMAC - P.108 33 ENTRE CHYPRIOTES GRECS ET TURCS, LA VILLE FANTÔME DE VAROSHA - P.111 34 LA FRONTIÈRE LINGUISTIQUE EN BELGIQUE - P.112 35 LES FRONTIÈRES GIGOGNES DES PROVINCES FRANÇAISES - P.114 36 CLASH ! LES CIVILISATIONS ONT-ELLES DES FRONTIÈRES ? - P.120 37 QUELLES FRONTIÈRES POUR L’EUROPE ? - P.122 38 REDÉCOUPER LE MOYEN-ORIENT : LES FRONTIÈRES DE SANG DE RALPH PETERS - P.125 39 LES FRONTIÈRES IDÉALES DE L’ÉTAT ISLAMIQUE : LA LONGUE MÉMOIRE DU DJIHAD - P.128

PARTIE III - FRONTIÈRES DES NOUVEAUX ESPACES : RETOUR DES NATIONS OU GESTION COMMUNE DU GLOBE ? - P.132 40 COMMENT L’ANTARCTIQUE FUT PARTAGÉ… ET POURRAIT L’ÊTRE ENCORE - P.134 41 LE TEMPS DU MONDE : DES FRONTIÈRES SYMBOLIQUES ET POLITIQUES - P.138 42 ET LA RADIOACTIVITÉ S’ARRÊTA À LA FRONTIÈRE : LE NUAGE DE TCHERNOBYL EN 1986 - P.140 43 LA THÉORIE DES FRONTIÈRES MOUVANTES : QUAND LE BRÉSIL ANNEXERA LA MOITIÉ DE LA BOLIVIE - P.142 44 LE MAQUEREAU A FRANCHI LA FRONTIÈRE : LA DÉLIMITATION MONDIALE DES ZONES DE PÊCHE - P.144 45 DES FRONTIÈRES AU FOND DES MERS : NOUVELLES REVENDICATIONS, NOUVELLES LIMITES - P.146 46 HYDROCARBURES, SOUS-MARINS, CONTENEURS : L’ARCTIQUE ET SES NOUVEAUX ENJEUX FRONTALIERS - P.148 47 LES ORBITES SPATIALES, DES FRONTIÈRES COMPLEXES…ET ENCOMBRÉES - P.150 48 MOUSTIQUES SANS PASSEPORTS : LES FRONTIÈRES MOUVANTES DES ÉPIDÉMIES - P.155 49 LA TRIPLE FRONTIÈRE D’IGUAZÙ : MONDIALISATION ET CONTREBANDE - P.157 50 LE CONSERVATOIRE DU LITTORAL FRANÇAIS, À LA CONQUÊTE DE L’INTERFACE TERRE-MER - P.158 51 SANS FRONTIÈRES, LE CYBERMONDE ? LA GÉOPOLITIQUE DES CÂBLES INTERNET - P.160 52 FORÊTS ET BANDES ENHERBÉES : LONG USAGE ET AVENIR DES FRONTIÈRES ÉCOLOGIQUES - P.164 53 LE SYSTÈME FRONTALIER DE SCHENGEN : LA LIBERTÉ EUROPÉENNE DE CIRCULATION EN SURSIS - P.166 54 LES FRONTIÈRES SOCIALES DU VILLAGE GLOBAL : CENTRES MONDIALISÉS, PÉRIPHÉRIES OUBLIÉES ? - P.170 55 NO BORDERS? - P.174

CONCLUSION - LE BEL AVENIR DES FRONTIÈRES - P.177 BIBLIOGRAPHIE - P.180 5

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INTRODUCTION FRONTIÈRES DE L’HISTOIRE, FRONTIÈRES DANS L’HISTOIRE

«

DÉLIMITER, BORNER, être chez soi, les États recherchent obstinément cette sécurité2. » Rappelé en 1986 par Fernand Braudel dans son ouvrage L’Identité de la France, ce constat politique garde toute sa valeur. En ce début de xxie siècle, la frontière, « ligne exacte de rencontre des espaces où s’exercent respectivement les pouvoirs et droits souverains » selon la Cour internationale de Justice (CIJ)3, reste l’un des piliers centraux de toute compréhension des relations internationales.

Les limites politiques interétatiques n’existent pourtant pas de toute éternité.

Comme le précise Michel Foucher, qui parle à ce propos d’« horogenèse », c’est-à-dire, littéralement, d’une « fabrication des horizons »4, les frontières ont été « inventées ».

Jamais complètement fermées, parcourues de circulations de tous ordres, ces « cicatrices laissées par l’histoire » (François Terré) apparaissent et disparaissent au gré des changements de la géopolitique mondiale. Certaines ne datent que de quelques années seulement : ainsi de celle, fragile et contestée mais désormais officielle, apparue en 2011 entre le Soudan et la jeune République du Soudan du Sud. Pacifique ou sanglante, la dynamique des délimitations territoriales ne cesse de déborder les catégories du droit international, parce qu’elle ne cesse de renvoyer au temps long de la formation des nations, et à la mémoire des peuples. Pour saisir la complexité des fonctions frontalières, il ne suffit pas d’interroger les superstructures visibles qui les matérialisent (barrières, postes de douanes, tracés rectilignes des cartes officielles) ou les flux qui

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les traversent (statistiques des circulations des biens, des hommes ou des capitaux). Encore moins de vouloir à toute force opposer ces deux classes de phénomènes. La sagesse et la prudence suggèrent plutôt de chercher les fondations historiques, qui ont fait qu’un simple espace s’est peu à peu transformé en un territoire, c’est-à-dire « un espace géographique produit affectivement, socialement, culturellement et symboliquement5 », humainement distinct de ceux qui l’entourent, et cadré par des limites. « En matière d’étude des frontières, rappelle ainsi l’historien de la géographie Paul Claval, l’intérêt apparaît surtout lorsqu’on se donne un peu de profondeur historique et qu’on découvre en perspective les conditions dans lesquelles les limites se sont formées, la manière dont elles ont évolué et le rôle qu’elles ont joué dans la géographie humaine6. » À qui souhaite saisir toute la complexité de cette notion de limite (du latin limes, « chemin bordant un domaine, sentier entre deux champs ») la sagesse impose donc de retrouver, sous le palimpseste des définitions juridiques, les traces à demi-effacées mais jamais oubliées des négociations, des cultures et des pouvoirs. « L’histoire et la géographie des frontières – celles des eaux, des rochers et des lignes de sommets, des usages et des droits, publics et privés – qui les constituent, sous quelque forme que ce soit, doivent être incluses, avertit à raison Daniel Nordman, dans une histoire culturelle dense et une histoire attentive aux représentations7. » Dès lors peuvent apparaître les contours paradoxaux du cadastre du monde, dentelle de vides et de pleins tissée de tragédies et de retrouvailles, de coopérations et d’oppositions, d’appropriations et de dépossessions.

Étienne Balibar, Europe, Constitution, Frontières, Éditions du Passant, coll. « Poches de résistance », 2005, p. 15.

2

Fernand Braudel, L’identité de la France. Espace et histoire, Paris, Arthaud, 1986, p. 279.

3

Plateau continental de la mer Égée (Grèce c. Turquie), arrêt du 19 décembre 1978, C.I.J. Recueil 1978, p 36, §85.

4

Michel Foucher, Fronts et Frontières, un tour du monde géopolitique, Paris, Fayard, 2004.

5

. Blanc-Pamard et L. Quinty-Bourgeois, « Introduction », dans J. Bonnemaison et al. (dir.), Le territoire, lien ou frontière ?, C t. 1. « Les territoires de l’identité », Paris-Montréal, 1999.

6

Paul Claval, « L’étude des frontières et la géographie politique », Cahiers de géographie du Québec, vol. 18, n° 43, 1974, p. 9.

7

Daniel Nordman, « Des frontières. Au miroir de la France », Annales. Histoire, Sciences sociales, n° 5, 2003 (58e année), p. 1053.

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La détermination des territoires, des frontières, des divisions administratives, et au bout du compte la façon dont on conçoit la différence de « l’intérieur » et de « l’extérieur » ne sont évidemment pas des questions secondaires par rapport aux questions de l’identité politique et de la constitution1. Étienne Balibar

Ce sont quelques-uns des points de cette dentelle que donne à voir ce livre. Il le fait d’une manière délibérément impressionniste, du limes romain du ier siècle jusqu’au mur israélien du xxie, des remparts de Constantinople à Check-Point Charlie, du fond des océans au silence des espaces intersidéraux, des délicats festons frontaliers de la Vieille Europe aux perspectives vertigineusement rectilignes de certaines délimitations postcoloniales, en passant par les marches imparfaitement arpentées des continents neufs.

Frontières n’est ni un traité, ni une étude académique. Il constitue, beaucoup plus modestement, un guide de voyage en forme d’introduction, buissonnière et illustrée, à l’univers contrasté des délimitations politiques, culturelles et stratégiques, dont la fonction protectrice aussi bien que la fragilité nous obsèdent de nouveau, en ces jours incertains.

Les quelque soixante chapitres proposés à la curiosité du lecteur sont autant de coups de projecteur sur la complexité des limites édictées par les hommes, qu’elles soient vivantes ou évanouies, fortifiées ou béantes.

Dispersées dans l’espace et le temps, ces évocations arbitrairement sélectionnées s’égrènent dans trois parties mêlant le diachronique et le chronologique (« Pouvoirs », « Identités », « Nouveaux espaces »). Ce découpage permet d’opérer des comparaisons suggestives, comme le recommande Daniel Nordman : « Chaque cas [frontalier], local, régional, national, continental, évoque une situation qui est attestée au loin, ailleurs ; ou un concept, une image qui rappellent d’autres concepts, d’autres images. »

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La Table de Trajan (Tabula Traiana), près des Portes de Fer du Danube. « L’empereur César, fils du divin Nerva, Nerva Traianus Augustus, vainqueur des Germains, grand pontife, investi quatre fois de la puissance tribunicienne, père de la patrie, consul pour la troisième fois, a entaillé les montagnes et placé des poutres de soutènement pour la réfection de cette route. » En ce lieu, l’empereur Trajan, vainqueur des Daces en 100-103, repousse les frontières du limes de l’empire en établissant un immense pont sur le Danube.

PARTIE I

FRONTIÈRES DES POUVOIRS BORNES, PONTS ET FORTERESSES

Les frontières politiques qui séparent les puissances du monde présentent des fonctions extrêmement diverses. Elles peuvent se faire barrières (la frontière-mur), interfaces (la frontière-pont), ou territoires (la frontière-zone). Elles peuvent aussi constituer un espace trouble, celui des confins, où se confondent les différences, et dont on ne sait vraiment où il commence et où il finit. Au-delà de cette diversité, le fait est qu’aucune ère de l’histoire, aucun espace de l’activité humaine ou presque n’échappe à la distinction spatiale entre pouvoirs politiques. « Partout où les intérêts de deux éléments se portent sur le même objet, écrit Georg Simmel, la possibilité de leur coexistence dépend de la délimitation de leurs domaines respectifs par une frontière au sein de cet objet – que celle-ci soit une frontière juridique qui marque la fin du conflit, ou une frontière de puissance qui en indique peut-être le début. » Forteresses ou ponts, coupures et coutures : avec cette première partie débute un Voyage aux frontières le long des lignes de contact des empires, des nations, et de leurs rêves séculaires d’arpentage.

La Muraille de Chine

Une frontière mobile, des Royaumes combattants à la Dynastie des Ming Chronologie de la Grande Muraille -400 -300 -200 -100 0

Royaume combattants Dynastie des Qin Dynastie des Han

QI

YAN

HAN

ZHAO QIN

CHU WEI

Désert de Go

100 200 300 400 500 600 700

Steppes

Dynastie des Wei du Nord

Ningxia Wuwei

Dynastie des Qi du Nord Dynastie des Sui

800

Guyuan

900 1000 1100 1200 1300 1400 1500

Y

Dynastie Liao des Khitan

1600 Ville antique

Limite approximative des Royaumes combattants

Xianyan

QIN

Bassin du Sichuan

Dynastie Jin des Jurchen Dynastie des Ming

C

Neuf garnisons des Ming

Frontière actuelle de la Chine

XIONGNU HU

obi

Yulin

Xuanfu Datong

Ji

Taiyuan

ZHAO

Liaodong Jizhou

YAN

Bohai

QI

Linzi

WEI

Chengzhou Xinzheng ng

HAN

Daliang

Mer du Japon

Qutu

Mer jaune

CHU Juyang

Souchum

Ying

n

Mer de Chine

Collines du Sud 500 km

12 LA PLUS LONGUE FRONTIÈRE DU MONDE 5 000 KM À LA RÈGLE ENTRE CANADA ET ÉTATS-UNIS

À

LA SURFACE COLORÉE DU PLANISPHÈRE, le regard s’attarde volontiers sur les échancrures méandreuses des « vieilles » frontières saturées d’histoire, où chaque pouce de terrain, payé de pintes de sueur et de flots de sang, semble avoir fait l’objet d’interminables négociations. L’attention glisse en revanche paresseusement sur les frontières rectilignes, simples traits a priori sans personnalité. Banalement droites, ennuyeusement régulières, on les soupçonne volontiers de ne pas avoir d’histoire, ou bien aussi artificielle que leur tracé.

Ainsi en est-il de la frontière américano-canadienne, la plus longue délimitation terrestre du monde. Elle mesure 8 891 km au total, dont plus de 4 000 km totalement rectilignes, qui suivent très précisément le 49e parallèle entre le lac des Bois, à l’ouest des Grands Lacs, et le détroit de Juan de Fuca, sur le Pacifique. Un deuxième tronçon la complète, lui aussi presque entièrement rectiligne : calé sur le tracé du

141e méridien ouest, il file sur 2 475 km en direction du pôle Nord et sépare l’Alaska, acheté par les Américains aux Russes en 1867, du Yukon canadien. Simple tracé mathématique poliment convenu entre deux puissances cousines, anglophones, démocratiques et développées, ayant toujours entretenu des relations pacifiques ? C’est tout le contraire, et l’histoire de ces immenses coups de règle, « plus longue frontière non défendue au monde » (P-A Beylier), ressemble à un vrai roman.

Les premières relations entre le Canada et les États-Unis ont été hostiles. Suite à la victoire de la France et des insurgés américains sur l’Angleterre dans la guerre de l’Indépendance, le traité de Versailles de 1783 définit une frontière nouvelle entre la jeune république, tout juste émancipée, et les loyalistes des colonies anglaises d’Amérique du Nord, qui deviendront le « Canada » en 1867. Au fur et à mesure du développement territorial des deux cousins ennemis, les querelles frontalières ne vont pas manquer, parfois jusqu’à la guerre : en 1812, bien avant Pearl Harbor ou les Tours jumelles, les Britanniques n’hésitent pas à débarquer à Washington… et à incendier le Capitole.

Les relations bilatérales se normalisant par la suite, il s’agit de tracer plus précisément la limite entre les deux puissances. Non sans mal, ni poussées de fièvre. Entre 1775 et 1842, la frontière entre le Québec et les États américains du Vermont, de New York et du New Hampshire, rectiligne sur une partie de son tracé (elle suit le 45e parallèle entre

américano-canadienne a longtemps fait l’objet de contestations et de disputes. C’est aujourd’hui une artère vitale: : tous les jours, environ 400 000 personnes et des biens et services d’une valeur

«

L’ÂME CANADIENNE ET LA « WILDERNESS » « Même si le Canada s’est bien approprié la longue tradition des «voyageurs» et des «coureurs des bois», il ne se démarque pas vraiment des États-Unis. En revanche, la spécificité canadienne serait d’avoir toujours conservé la perspective d’une exploration et d’une mise en valeur des vastitudes inoccupées et inexploitées du Nord. L’espace infini, vide et non exploré a créé dans la conscience collective canadienne le concept très fort de «wilderness», indissociablement lié à la nordicité. Autour des territoires nordiques englobés sous le vocable de «pays d’en haut» s’est polarisée une quête acharnée dans la littérature du Canada. Plus qu’un simple lieu géographique, le Nord est donc devenu pour beaucoup d’écrivains un véritable état d’âme. »

de plus de 2 milliards de dollars la traversent.

Jean-Michel Lacroix, « Le Canada, pays des frontières ou pays sans frontières ? », dans J.-R. Rougé, Frontière et frontières dans le monde anglophone, Paris, Pups, 1991, p. 163.

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«

La frontière

LA « DESTINÉE MANIFESTE » Le terme de « destinée manifeste », au strict sens historique, est utilisé pour la première fois par le journaliste John O’Sullivan en 1845 dans la Democratic Review, puis en 1846 dans un article retentissant du New York Morning News. O’Sullivan, partisan convaincu d’une expansion territoriale, déclare au sujet de la domination « naturelle » des États-Unis sur tout le continent américain que « […] notre destinée manifeste [est] d’occuper et de posséder la totalité du continent que la Providence nous a donné ». Au départ, cette notion de Manifest destiny est territoriale et se réduit donc au Nouveau Monde. La Première comme la Seconde Guerre mondiale vont en élargir le sens : peu à peu émerge l’idée que l’Amérique est également destinée à « éduquer » le monde en contribuant à ce que la civilisation américaine transcende les frontières internationales pour y étendre son influence et ses bienfaits, au nom du droit et de la morale.

Le président Wilson à Versailles, en 1919, puis Henry Luce et son concept de « Siècle américain », en 1945, sont des exemples de cet élargissement moralisant et bienveillamment orgueilleux.

Beecher Falls et le Saint-Laurent), fait ainsi l’objet de discussions acerbes, et se voit sans cesse remise en cause. À partir de 1818, une commission est chargée de tracer une limite précise entre le lac des Bois et les montagnes Rocheuses : prenant appui sur d’anciennes délimitations antérieures à l’indépendance des treize colonies, elle choisit de suivre tout simplement le 49e parallèle. Mais Canadiens et Américains vont s’apercevoir à cette occasion que les arpenteurs Valentine et Collins, qui avaient été chargés de tracer la frontière méridionale du Québec en 1774, ont commis une série d’erreurs astronomiques, aux deux sens du terme : leur tracé, légèrement bombé, s’écarte du 45e parallèle. Une partie du territoire américain… est donc en réalité canadien !

Les Britanniques proposent à leurs voisins de rectifier la frontière. Ce que les Américains refusent en 1827 : « […] le bilan territorial net de cette rectification de la frontière comportait un bilan négatif pour les États-Unis, et obligeait ceux-ci à céder l’emplacement stratégique du fort Montgomery. Obligés de renoncer à armer le fort, les Américains le surnommèrent Fort Blunder [Fort « Gaffe »] et ne purent reprendre les travaux qu’en 1846, après que le traité Webster-Ashburton de 1842 ne reconnaisse l’intangibilité du tracé de Valentine et Collins »….

JAMES KNOX POLK : « 54-40 OU LA GUERRE ! » En 1844, concourant pour l’élection présidentielle américaine, un homme politique du Tennessee, inconnu jusquelà, enflamme l’électorat démocrate au cri de « 54-40 ou la guerre ! ». En réclamant l’annexion de la portion la plus large possible de l’Oregon (du 42e parallèle au sud jusqu’à 54°40’ de latitude nord), James Polk sait qu’il se fait le porte-parole de nombreux Américains, qui souhaitent ardemment le rattachement à leur pays de ce territoire prometteur coincé entre les frontières de l’Amérique du Nord britannique, de l’Alaska encore russe, de la Californie encore mexicaine, et qui ouvre surtout sur la façade Pacifique. Polk annonce ainsi la notion de « destinée manifeste » qui sera bientôt popularisée par le journaliste John O’Sullivan. La manœuvre est payante : élu 11e président des États-Unis, Polk entretient une certaine tension avec Londres, pour finalement transiger : l’Oregon est annexé par les États-Unis, mais jusqu’au 49e parallèle seulement. Les Anglais sont satisfaits.

Washington a les mains libres pour se tourner vers le Mexique : sous la présidence expansionniste de Polk, les Américains vont arracher à ce dernier le Texas, la Californie, le Nouveau-Mexique, l’Arizona, le Nevada, l’Utah, une partie du Colorado et le Wyoming…

Les choses se compliquent encore davantage dès lors qu’il devient question de tracer la frontière à l’ouest des Rocheuses, pour atteindre l’océan Pacifique. Les Américains, portés par une intense campagne de presse exploitée par certains responsables politiques, souhaitent s’émanciper du trait du 49e parallèle, pour atteindre la frontière russe de l’Alaska à 54° 40´ de latitude nord. En 1844, le candidat démocrate à la présidentielle, James Polk, est même élu dans l’enthousiasme à la présidence des États-Unis au cri de « 54-40 ou la Guerre ! ». Finalement, au traité de l’Oregon de 1846, la raison l’emporte et la frontière canado-américaine sera tout simplement prolongée le long du 49e parallèle, jusqu’au Pacifique.

James Polk (1795-1849).

Onzième président des Etats-Unis, ce démocrate, partisan d’une politique expansionniste, va enlever au Mexique près de la moitié de son territoire dans les années 1840.

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Deux Irlande inconciliables ?

William Boyd, protestant de Belfast, pose en 2012 devant le mur de sa maison de Cuan Place, à Belfast Est, près du barrage qui le sépare du quartier catholique. Photo Cathal McNaughton pour Reuters.

PARTIE II

FRONTIÈRES DES IDENTITÉS LE MÊME ET L’AUTRE

Si le xxe siècle a sans conteste été celui de la création juridique des frontières, le xxie pourrait bien être celui de leur blindage sécuritaire.

Ce phénomène conduit à s’interroger sur les relations qui peuvent exister entre le concept d’identité et le phénomène frontalier. Quels rapports la frontière entretient-elle avec la notion d’altérité, qu’elle soit psychologique, ethnique, religieuse ou culturelle ? Du mythique rivage des Syrtes à la frontière américano-mexicaine actuelle, en passant par la ville fantôme de Varosha, cette deuxième partie de Confins et frontières ouvre sur un tour d’horizon des limites établies par les hommes entre le Même et l’Autre. Que ces frontières soient considérées positivement, comme un indispensable critère de distinction. Ou négativement, en tant qu’insupportable critère de séparation.

26 RÉVOLUTION IDÉOLOGIQUE ET FRONTIÈRES DES IDENTITÉS HISTORIQUES LE PLAN SIÉYÈS-THOURET DE 1789

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LES ARGUMENTS DE MIRABEAU

J’ai pris des cartes géographiques, j’ai tracé ces surfaces égales de trois cent vingt-quatre lieues carrées, et qu’ai-je aperçu ? Là, une surface entière n’était composée que de landes, de déserts ou de hameaux ; ici, dans la même surface, plusieurs grandes villes se trouvaient rapprochées ; partout j’avais le même territoire, mais je n’avais nulle part ni la même valeur, ni la même population, ni la même importance. J’ai tenté vainement de refaire les divisions de mille manières ; j’ai mis les mêmes surfaces tantôt en triangles, tantôt en carrés, tantôt en rectangles, mais c’est en vain que j’ai épuisé toutes les figures géométriques ; la distribution inégale de la population, des richesses et des traditions se jouait de mes efforts (…) Ce n’est pas le royaume que je veux faire diviser, mais les provinces ; et cela seul fait déjà disparaître une grande partie des difficultés (…) le résultat d’une pareille division est facile à prévoir : les départements ne seront formés dans mon plan que par les citoyens de la même province, qui déjà la connaissent, qui sont déjà liés par mille rapports. Le même langage, les mêmes mœurs, les mêmes intérêts ne cesseront pas de les attacher les uns aux autres (…) Je voudrais une division matérielle, et de fait, propre aux localités, aux habitants, aux circonstances, et non point une division mathématique, presqu’idéale, mais dont l’exécution paraît impraticable (…) ce n’est pas par l’effet du hasard que les hommes sont distribués sur la terre. La population suppose des subsistances, les subsistances désignent des valeurs, les valeurs règlent les impôts. La seule donnée de population tient donc lieu de beaucoup d’autres.

D

EPUIS LES ORIGINES du royaume de France, les anciens fiefs, duchés ou comtés, devenus provinces, en composent la géographie politique. Les diocèses, hérités de l’Empire romain, structurent quant à eux sa géographie religieuse. Mais au fur et à mesure de l’action des « quarante rois qui, en mille ans, firent la France » (J. Bainville), le centralisme royal est peu à peu monté en puissance.

Dès lors, d’autres ressorts se sont superposés, sans les effacer, aux provinces et aux diocèses : généralités pour l’ordre financier, baillages ou sénéchaussées pour l’ordre juridique, intendances pour l’ordre civil, gouvernements pour l’ordre militaire. À la veille de 1789, toutes ces limites qui s’entrecroisent rendent l’administration du Royaume des lys particulièrement complexe, et dans certains cas – celui par exemple des frontières de la gabelle, l’impôt sur le sel – aussi illisible qu’inégalitaire.

Lorsque survient la Révolution, la réforme de la structure administrative du royaume est l’une des priorités de l’Assemblée constituante. Au bout du compte, par un décret du 22 décembre 1789, la France est entièrement redécoupée. Toutes les paroisses du royaume sont transformées en communes.

Les antiques états provinciaux et assemblées provinciales disparaissent avec les provinces traditionnelles de l’ancienne France. À la place, le décret prévoit une nouvelle division en 75 à 85 départements. Le nombre final de ces départements (83) est fixé le 26 février 1790. Il était important, pour les hommes de la Révolution, que les noms des départements ne rappellent pas trop les traditions historiques et provinciales. La plupart d’entre eux furent donc baptisés à partir des cours d’eau ou des montagnes qui traversaient ou marquaient leur territoire. La Bourgogne disparut ainsi sous la Saône-et-Loire, le Berry dans le Loir-et-Cher, le Roussillon sous les Pyrénées-Atlantiques. Néanmoins, le découpage des départements, lui, suivit à peu près les frontières des anciennes provinces : on y retrouve les limites historiques qui séparent les Bourguignons des Lorrains, les Bretons des Normands, ou les Limousins des Auvergnats.

Et c’est toujours le cas aujourd’hui, au moins en partie. Pourtant, il a bien failli ne pas en être ainsi, ainsi que le montrent les débats passionnés qui précédèrent de quelques mois le décret du 22 décembre.

«

Mirabeau, discours à l’Assemblée constituante, novembre 1789.

92

Carte des départements de France selon le plan Thouret du 3 novembre 1789.

Chacun figure un carré de 18 lieues (70 km) de côté. Chaque « carré » est divisé en neuf districts de six lieues de côté, chacun d’eux étant à son tour divisé en neuf cantons de 4 lieues de côté. Chaque département est censé envoyer neuf députés par département, ce qui crée une Assemblée de 720 représentants nationaux. Sur le papier, ce projet, où le nombre 9 prend une importance quasi-cabalistique, a pour lui la simplicité et l’élégance géométrique. « Qu’importe l’artifice d’un découpage géométrique, s’écrie Thouret, puisque les lois, les impôts et les règles d’administration vont être les mêmes dans toutes les parties du royaume » ! Dans la réalité, il en va tout autrement : ledit royaume devient un échiquier un peu dément, sorte de caricature involontaire de la table rase révolutionnaire.

Au centre de la France, les carrés de Thouret s’alignent géométriquement. Mais les côtes et frontières françaises n’ayant rien de régulier, les unités rêvées du plan Siéyès-Thouret s’y trouvent réduites à l’état de moignons irréguliers, échancrés ou minuscules.

Portrait de JacquesGuillaume Thouret, député de la Constituante, né en 1746 à Pont-l’Evêque, mort guillotiné à Paris en 1794.

Le 7 septembre 1789, l’abbé Sieyès, auteur de la brochure Qu’est-ce que le Tiers-État ?, dont le rôle au début de la Révolution fut si important, propose à la Constituante de nommer un comité restreint chargé de préparer un « plan de municipalités et de provinces » pour que la France « puisse former un seul tout, soumis uniformément, dans toutes ses parties, à une législation et à une administration commune ». Dans cet appel, un jurisconsulte nommé Thouret va surtout retenir le mot « uniformément », et en faire une application singulière. Cet élu de Normandie, inspiré par les idées de Siéyès et La Nouvelle topographie ou Description détaillée de la France divisée par carrés uniformes publiée en 1780 par Robert de Hesseln, s’investit dans le comité restreint et présente le 3 novembre une synthèse des différents travaux devant l’Assemblée. Le plan Thouret divise la France en 80 départements, plus la ville de Paris. Le problème est la forme que sont censés revêtir ces départements.

S’il y a un homme que le découpage abstrait de Thouret et Siéyès rend furieux, c’est bien Mirabeau, l’orateur flamboyant qui domine alors l’Assemblée. Pour être révolutionnaire, il n’en est pas moins, en bon Provençal, conscient de l’histoire du pays, et attaché aux identités particulières de ses provinces. De sa voix de stentor, il n’a aucun mal à ridiculiser l’échiquier fou à l’Assemblée. La critique de Mirabeau va porter, même si sa contre-proposition en 120 départements n’est pas retenue.

Thouret doit renoncer à sa géométrie niveleuse en novembre. Juste avant que le décret du 22 décembre ne trouve, comme on l‘a vu, une solution moins raisonneuse et plus raisonnable.

Par la magie du verbe provençal, les limites provinciales françaises survécurent donc a minima, redéployées dans un découpage départemental qui assumait l’histoire, au lieu de chercher à l’abolir.

93

Mer Noire

Rome

Constantinople

Tolède

Ankara

Cordoue

Palerme Kairouan

Mer Méditerranée

Mahdia

IDRISSIDES Fès

Konya

Tripoli

TAU

Jérusalem Alexandrie

Le Caire

1 Andalousie

1

3

11

5

5 Khorasan

8

6 Kurdistan 7 Al-Sham

9 10

12

3 Anatolie 4 Caucase

6 7

13

2 Europe

4

2

ÉGYPTE

8 Irak 9 Hedjaz 10 Yémen 11 Terre d'al-Kinana 12 Terre d'al-Habasha

13 Maghreb

Fantasmes de l'âge d'o Carte apparue en 2014 sur des sites de propagande (non sourcée)

Extension maximale de la Daw promue par l'État islamique

selon certains de ses partisans

Frontières historiques des califats islamiques Mer d'Aral

Une référence majeure du djihadisme

CAUCASE

Samarkand

ARMÉNIE

Mer Caspienne

URUS Alep

Mossoul

Samarra

Damas

TRANSOXIANE

Hamadan

Hérât

Bagdad

NB : Les limites au trait blanc sont les limites actuelles des États.

Elles sont indiquées à titre de repères

Kaboul

Kandahâr

Bassora

SISTAN

Chiraz

KIRMAN

Golfe

200 km

Persique

Médine La Mecque

Mascate

r Me

DÉSERT D'ARABIE

ge

u Ro

OMAN YÉMEN

ROYAUME DE DONGOLA

or

wla al-Islamiya

Sanaa Aden

Mer d'Arabie

Califats arabes

Expansion

À la mort de Mahomet (632) Califat abbasside (750-1258)

Extension maximale du califat omeyyade (661-750)

Éclatement

Aire centrale d'influence abbasside Émirat puis califat omeyyade de Cordoue (750-929 puis 929-1031)

Califat chiite fatimide (909-1171)

Califat ottoman Expansion maximale

De la terre à l’Espace extra-atmosphérique : les horizons infinis des «espaces fluides», une nouvelle frontière pour l’espèce humaine.

PARTIE III

FRONTIÈRES DES NOUVEAUX ESPACES RETOUR DES NATIONS OU GESTION COMMUNE DU GLOBE ?

Confronté à l’accélération des circulations mondiales, le régime classique de gestion des frontières internationales fait face à des défis politiques, culturels et juridiques inédits.

La question des migrations promet d’être l’une des plus complexes du xxie siècle, avec toutes les déstabilisations culturelles et politiques qu’elle pourrait engendrer si elle n’est pas régulée. Dans le même temps, l’espèce humaine s’approprie des espaces nouveaux, des abysses marins aux infinies perspectives de l’Espace extra-atmosphérique.

Les frontières mutent et se déplacent, prenant la forme de réseaux complexes pour s’adapter aux espaces « fluides » comme le cyber-espace.

Les nations vont-elles se disputer ces nouveaux horizons pour y établir des frontières reconnues, ou bien feront-ils l’objet d’une gestion commune et partagée ? C’est tout l’enjeu des années décisives qui s’annoncent, dans un monde polyarchique qui tient tout autant de l’agora multilatérale que de l’arène interétatique.

43 LA THÉORIE DES FRONTIÈRES MOUVANTES QUAND LE BRÉSIL ANNEXERA LA MOITIÉ DE LA BOLIVIE

E

N MATIÈRE D’HISTOIRE des théories géopolitiques, les schémas les plus couramment cités sont généralement ceux des théoriciens allemands (les Geopolitiker), ceux de l’opposition terre-mer des Anglo-saxons, ainsi que la géographie politique possibiliste des Français. Parmi les personnalités intellectuelles fondatrices les plus marquantes de ces trois groupes, émergent les noms de Rudolf Kjellén, Friedrich Ratzel, Karl Haushofer, l’amiral Alfred T. Mahan, Halford J. Mackinder, Nicholas J. Spykman, Paul Vidal de La Blache ou encore Jacques Ancel. Mais en se concentrant sur ces « géants », on néglige d’autres théoriciens, dont les contributions à la géopolitique mondiale sont tout aussi intéressantes. C’est particulièrement le cas des géopoliticiens d’Amérique latine, continent dont l’histoire a été marquée par des problématiques intenses de délimitation frontalière.

En août 2011, le Brésil a célébré le centenaire de la naissance de son géopoliticien le plus fameux, le général Golbery do Couto e Silva (1911-1987). Tête pensante du « Grupo da Sorbonne » qui prône une politique étrangère brésilienne autonome durant la Guerre froide, il publie en 1967 son maître-ouvrage, Geopolitica do Brasil. Écarté dans les années 1960, il reprend de l’influence à partir de 1974 dans l’administration Geisel, inspirant une diplomatie de « distanciation » aux accents gaulliens, marquée par la reconnaissance de l’Organisation de Libération de la Palestine, la critique du sionisme et un rapprochement avec Pékin,

Moscou et le monde arabe. Reprenant les travaux des géopoliticiens allemands, mais également la Géographie des frontières d’Ancel ou les travaux de ses compatriotes Everardo Backheuser et Mario Travassos (Projeção Continental do Brasil, 1935), il met au point la « théorie des frontières mouvantes ». Au cœur de celle-ci se trouve le principe de « l’intégration territoriale et [de] la conquête des espaces périphériques à l’échelle nationale. » Selon Golbery, le sous-peuplement des espaces frontaliers de l’État-continent brésilien fait peser une menace sur sa sécurité. S’appuyant sur une démographie dynamique (le Brésil dépasse les 100 millions d’habitants dès les années 1970), il recommande une politique de densification de l’occupation humaine des confins brésiliens par la mise en place de fronts pionniers au voisinage immédiat des frontières de l’Argentine, de la Bolivie ou du Paraguay, voire sur le territoire même de ces États, via une immigration pacifique.

Golbery appuie sa géopolitique frontalière sur une réinterprétation de l’épopée des bandeirantes, aventuriers portugais et brésiliens qui, tout au long des xviie et xviiie siècles, multiplièrent les expéditions dans la profondeur amazonienne du Brésil, repoussant toujours plus loin les frontières établies lors des traités de Tordesillas et Saragosse entre Madrid et Lisbonne, sous l’égide du pape (voir chapitre 24). Fidèle à cette tradition du front pionnier, constitutive de son histoire, le Brésil s’engagera de fait au xixe siècle dans de nom-

« LA FRONTIÈRE EST MOBILE PAR SA NATURE » : SOUS LE CONCEPT DES FRONTIÈRES MOUVANTES BRÉSILIENNES, L’INFLUENCE DE FRIEDRICH RATZEL» Le grand géographe allemand Friedrich Ratzel, dans ses travaux de redéfinition de la géographie humaine, considère la frontière comme un phénomène essentiellement bio-politique. Selon lui, « la ligne frontière n’est qu’une abstraction due au fait que lorsqu’un corps est au contact d’autres corps, il subit des altérations qui obligent à distinguer sa périphérie de son noyau. » Comme le rappelle Federico Ferretti, Ratzel s’appuie sur ce qu’il appelle le « mouvement naturel » des peuples (Bewegung), que les frontières diplomatiques ne peuvent qu’approcher virtuellement, sans jamais le représenter exactement dans toute sa dynamique. Pour Ferretti, « Ratzel, biologiste de formation, compare l’expansion des peuples à celle des essences végétales ayant des groupes et individus pionniers en dehors du territoire où leur distribution est continue. […] Le géographe allemand définit en général la frontière comme l’expression même de ce type de mouvement […] » Ces conceptions amèneront Ratzel à théoriser le concept de « frontières mobiles », qu’il explicite en 1897 dans sa Politische Geographie. On retrouvera l’influence ratzélienne chez la plupart des géopoliticiens militaires sud-américains, et en particulier chez les Brésiliens comme Meira Mattos ou Golbery, dont les « frontières mouvantes » peuvent être considérées comme un décalque des théories de l’Allemand.

142

Friedrich Ratzel (18441904). Ce géographe allemand est l’un des théoriciens fondateurs dont se réclame la méthode d’approche géopolitique. Membre de la société coloniale allemande, fasciné par le dynamisme américain, il s’intéresse aux limites spatiales dans la vie des peuples,

breux conflits, guerriers ou juridiques, qui lui permettront d’augmenter considérablement son territoire, notamment aux dépens de la Bolivie et du Paraguay. L’exemple des seringueiros montre l’une des voies de cette expansion : immigrés par dizaines de milliers dans la province bolivienne de l’Acre à la fin du xixe siècle, ces colons brésiliens exigent bientôt d’être gouvernés par leur État d’origine. Selon une technique éprouvée quelques années auparavant au Texas mexicain par les États-Unis, le Brésil vole au secours de ces « vaillants » irréguliers, s’engage en 1903 dans la guerre, et enlève bientôt définitivement cette province à la Bolivie, la privant de 220 000 km2. « Cette dynamique de conquête fut poursuivie, sur le plan diplomatique, par le baron de Rio Branco, qui jusqu’en 1910, obtint des rectifications de frontières favorables au Brésil aux dépens du Pérou, de la Colombie, du Venezuela et des Guyanes », explique J.-Y. Mérian. Face aux anciennes colonies espagnoles qui, malgré les efforts de Simon Bolivar, avaient accédé à l’indépendance dans la division, le Brésil lusophone était devenu en un siècle le « géant » du continent sud-américain.

son destin est irrémédiablement d’être mutilé, ou bien de disparaître, s’il n’a aucune capacité défensive contre les ambitions de ses voisins. […]

L’une des urgences majeures est aujourd’hui la question du débouché maritime de la Bolivie. » Dans le même temps, l’État bolivien encourage un repeuplement de ses frontières orientales. Il n’est pas certain que cela soit suffisant pour bloquer le dynamisme des « frontières vivantes » brésiliennes.

et aux circulations humaines en tant que « dompteuses d’espace » (Raumbewältiger).

L’occupation des confins brésiliens s’est effectivement produite. Aujourd’hui, les Brésiliens installés au Paraguay (les Brasiguaios) sont environ 500 000 (sur une population de 6 millions d’habitants). Leur poids occasionne des tensions entre Asunción et Brasilia. Il en est de même des Brasivianos, Brésiliens installés de plus en plus nombreux dans l’Est quasi-désert de la Bolivie, un État au territoire déséquilibré qui, pour certains, donne « l’impression de nager dans des habits territoriaux trop grands pour elle » (Laetitia Perrier – Bruslé), et qui ne compte que 8 millions d’habitants, pour la plupart concentrés sur l’Altiplano occidental.

Carte de l’Amérique latine dans les années 1820, aux lendemains du retrait des Espagnols.

Pour répondre aux schémas expansionnistes brésiliens, ses voisins ont développé leurs propres « géopolitismes » (J-P Charnay).

Peu connu, rarement cité, le géopoliticien bolivien Alipio Valencia Vega s’est ainsi consacré aux stratégies de désenclavement de son pays.

Dans Geopolítica en Bolivia (1982), il insiste sur le lien entre système de voisinage, puissance militaire et capacités de défense territoriale.

La Bolivie doit selon lui résister à la pression exercée par le voisin brésilien en allant chercher une fenêtre de dépressurisation maritime : « Si un État faible est entouré par des États puissants,

Des frontières floues, des conflits en germe, des territoires non attribués.

L’immense Patagonie demeure ainsi terra nullius pendant 40 ans et voit se créer entre 1860-1862 un « Royaume d’Araucanie et de Patagonie » gouverné par Orélie-Antoine 1er, un aventurier périgourdin.

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Voyages vers Mars Une odyssée incertaine

Point de Lagrange

Plessetsk Arkhangelsk

L5

Lompoc Californie

150 millions de km SOLEIL

Baïkon Kazakhs Cap Canaveral Floride

60°

L1

Point de Lagrange

56

mil

lion

Kourou Guyane sd

ek

m

6 à 10 mois

Accès autonome à l'espace

de voyage

TERRE

L3

Point de Lagrange

L2

Les principales rampes de lancement

MARS

Les orbites spatiales

Sat

(plus de 5 tirs par an)

S

MEO

Orbite terrestre moyenne

Des rails convoités

Satellites de navigation et GPS Tour de la Terre en 12 heures

Systèmes GPS

opérationnels à l'échelle mondiale

Global Positioning System depuis 1995

Lune

Glonass de 1996 à 1999 et depuis 2010

384 467 km

O 3 474 km

2 000 km

Galiléo depuis 2016 Compass (Beidou 2) à partir de 2020

Le nombre de

débris spatiaux

dans l'orbite basse est estimé à

Stations spatiales

13 500

Skylab Saliout (1 à 7) puis Mir ISS Tiangong 1 et 2

LEO

Orbite terrestre basse

Majorité des satellites et des débris spatiaux Station spatiale internationale

GEO

Orbite géostationnaire

Au-delà de 35 768 km Position synchrone avec la Terre

9

Les frontières orbitales

nour stan

Un enjeu structurant pour le futur de l'humanité

Taiyuan Shanxi

Juiquan Mongolie int.

Neptune

Tanegashima Tanegashima

Xichang Sichuan

4 500 millions de km O 49 000 km

Uranus

tish Dhawan Sriharikota

Saturne

2 900 millions de km

1 400 millions de km

O 52 000 km

O 120 000 km

1 374

Exploration du système solaire

997

Les nouvelles frontières de l'espèce humaine

Satellites lancés en service hors d'usage

Terre

150 millions de km

Vénus

O 12 750 km

Sources Swiss Space Center (EPFL) UCS Satellite Database Orbital Debris Quarterly News (NASA)

110 millions de km O 12 000 km

Premières explorations

Mercure

de la Lune

58 millions de km

Luna 2 (1959)

O 4 900 km

Apollo 11 (1969)

561

Mars

230 millions de km

O 6 760 km

Exploration

au sol en cours

Exploration Rover Science Laboratory

Missions orbitales

en cours

Mars Odyssey

180

Reconnaissance Orbiter

137 53

78

66 4

19

48

MAVEN Mars Express

57 97

28 18

Orbiter Mission

24 27

Jupiter

780 millions de km

O 143 000 km

Olivier Zajec Préface de Michel Foucher

Olivier Zajec

Pourquoi les murs prolifèrent-ils à la surface de la planète ? Y a-t-il des frontières sur la Lune, à la surface des océans ? Qui a dessiné les limites des fuseaux horaires ?

Quelles frontières pour l’Europe ? Pour répondre à ces interrogations, il faut envisager le temps long de l’histoire et de la politique. Filtres des identités, garantes des souverainetés, à la fois ponts et forteresses, les frontières ne se limitent pas à un poste de douane ou une ligne de barbelés. Si elles existent, ce n’est pas seulement parce que les hommes les ont arbitrairement décrétées, mais surtout parce qu’elles permettent aux cultures humaines de concilier pacifiquement le local et le global, le spécifique et l’universel.

Au travers de soixante chapitres thématiques, du limes romain du ier siècle jusqu’au mur américain dressé à la frontière mexicaine au xxie siècle, de l’espace Schengen au silence des espaces intersidéraux, ce livre doté d’une riche iconographie et de nombreuses cartes géopolitiques originales permet de comprendre pourquoi les frontières effectuent un retour si violent au cœur de notre modernité.

Des confins d’autrefois aux murs d’aujourd’hui

Cartes de Jean-Philippe Antoni

PRIX : 34,95 €

ISBN : 978-2-36602-573-6

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