Vivre avec un TSA

Élise Couval @vivre.avec.un.tsa

Relecture médicale du Docteur Corinne Fréville

Illustrations de Élise Couval

UN TSA –Vivre avec–

UN TÉMOIGNAGE SAISISSANT

DES CONSEILS

- LES ÉMOTIONS -

Toutes les émotions ont le droit d’exister et toutes ont le droit de s’exprimer. Les contenir, c’est finir par exploser sans ne plus rien contrôler. J’ai le droit d’être en colère, j’ai le droit d’être triste et de ressentir de la joie. Vouloir à tout prix lisser les émotions, c’est retirer l’essence même de notre existence, nous ne sommes pas des robots. La vie est un ensemble de nuances colorées où toutes les émotions ont leur place. Le reste n’est qu’une question d’équilibre et d’écoute de soi. Si vous êtes triste du matin au soir depuis que vous êtes né, il y a lieu de s’inquiéter. Sinon, écoutez vos émotions et ne les refoulez pas, elles existent pour une raison, elles sont là pour vous sauver et pas pour vous pourrir la vie. Elles sont là pour vous aiguiller, vous aider à avancer.

Comprendre et décrypter ses émotions, c’est dur pour beaucoup de monde. Pour les personnes avec un TSA, c’est plus difficile encore. Pour vous y aider, je vous conseille de lire les excellentes bandes dessinées d’Art-mella : Émotions : enquêtes et mode d’emploi. Tout y est, de façon simple et illustrée. Cela m’a énormément aidée et je ne me prive pas de les relire aussi souvent que j’en ai besoin. Nous ne sommes pas dénués d’empathie, bien au contraire. C’est un préjugé qui a la vie dure. Nous ne comprenons pas l’expression des émotions chez les autres, c’est différent. Il existe deux types d’empathie.

L’empathie cognitive consiste à reconnaître les émotions que vont ressentir les autres, par les expressions du visage ou les variations de ton de la voix. Je ne suis pas ou peu capable de cette empathie, ce qui entraîne énormément de quiproquos dans la vie de tous les jours. Je passe mon temps à demander à mon mari ce qu’il ressent : « Tu es en colère, là ? » « Tu es triste ou tu es fatigué ? » La communication non violente (CNV) peut beaucoup aider dans ces moments, parce que l’autre écrit ou dit ce qu’il ressent, ce qui évite toute erreur d’interprétation. C’est nettement moins épuisant pour moi et plus équilibrant pour le couple. Si vous voulez en savoir plus sur la CNV, une fois encore, consultez les bandes dessinées d’Art-mella.

Et il y a l’empathie émotionnelle. Si je n’ai pas vécu moi-même une situation similaire, je ne vais pas ressentir et comprendre les émotions des autres. Il est primordial de me l’expliquer pour que je trouve un point de comparaison dans ma vie. Quand je comprends enfin l’émotion en question, c’est alors tout l’inverse qui se produit : je deviens une vraie éponge émotionnelle et je ressens tout. Tout se mélange en moi et je suis alors noyée dans mes émotions. Je ne sais plus ce qui m’appartient et ce qui appartient à l’autre. Je suis triste alors que je ne l’étais pas, en colère alors que j’étais apaisée…

Quand je ressens des émotions, je les ressens de manière puissante : quand je pleure, je pleure ; quand je ris, je ris ; mes émotions sont explosives, soudaines et expressives. La joie me fait sautiller partout comme un petit lapin et me fait frapper des mains. Je tourne, je danse, je rigole toute seule, je sautille, je piétine de bonheur. L’excitation me crispe le corps et me fait parler fort et vite. La colère peut me faire jeter des objets par terre ou alors me faire parler avec conviction dans un flot continu de paroles. Je ressens la souffrance animale comme si je la vivais moi-même. Cela me déchire, me brûle de l’intérieur. Le dégoût me donne des nausées et me déforme le visage. Je vis mes émotions avec force et rapidité, mais j’ai énormément de mal à mettre des mots dessus. C’est d’ailleurs peut-être pour cette raison que je les exprime de façon aussi visible physiquement. Le souci, c’est que ressentir plusieurs émotions puissance 1 000 en l’espace d’une minute est extrêmement énergivore. En 2 secondes, je passe de 0 à 130 km/h, je vide considérablement mon stock de carburant. Après une bonne ou une mauvaise nouvelle, je suis donc très souvent épuisée et c’est l’effondrement autistique qui me guette (p. 70).

« La personne qui n’est pas en paix avec elle-même sera en guerre contre le monde entier. » Gandhi

- S’ISOLER DU MONDE, S’ISOLER DANS SON MONDE● ÊTRE DANS SA BULLE ●

Cette fameuse bulle que tout le monde évoque quand on parle du trouble du spectre autistique. Cette bulle qui sécurise la personne avec un TSA et dans laquelle tout est possible, un monde sans limite, où le temps semble en suspens, où tout semble déconnecté.

Il existe deux formes de bulles. La première est liée aux activités en rapport avec les intérêts spécifiques de la personne avec un TSA – pour moi, ce sera dessiner, écouter les oiseaux, écrire, bricoler, jardiner… Plus rien autour n’existe, la personne est comme absorbée par son activité. Les heures défilent, elle en oublie de se nourrir, d’aller faire mes besoins. Elle sort de cette torpeur toujours étourdie et un peu désorientée.

La seconde bulle est une stratégie de décompensation liée à l’évasion de l’esprit. J’appelle cela des « bugs », quand je suis épuisée ou mal à l’aise en société. Je me mets d’un coup à fixer le vide en ouvrant la bouche (trop sexy, hein ?), ce qui m’a d’ailleurs valu le déplaisant surnom de « poisson » au collège. Quand je bugue, mes pensées et mon monde imaginaire me happent, je ne cligne quasi plus des yeux et le monde extérieur s’estompe pour ne laisser place qu’aux bruits de mon monde intérieur. Les voix se dissipent et laissent place à la musique, aux chants d’oiseaux que me diffuse mon cerveau. Mes réflexions internes sont en général très intenses et à mon image. Ainsi, ma batterie se recharge un peu, suffisamment pour faire face aux relations sociales dans lesquelles mon corps physique se trouve. L’entourage a deux réactions lorsqu’il s’aperçoit de cet état : soit il sait que j’en ai besoin et me laisse faire cette petite sieste éveillée, soit il est un peu étonné, voire inquiet et tente de me sortir de ma torpeur. En général, sans succès, je suis tellement loin que je ne réagis à aucun stimulus qui consiste à me faire revenir sur terre. Je me réfugie souvent dans cette bulle, ainsi il m’arrive d’ignorer des connaissances dans

la rue ou quand ils me posent des questions. Je donne l’impression d’être dans la lune et c’est le cas, pour mon esprit. J’aime bien ma bulle, je m’y sens en sécurité, tout y est possible. C’est mon refuge, c’est mon ami.

Les conseils d'Élise

Des codes pour sortir de sa bulle

S’il ne vaut mieux pas déranger une personne avec un TSA quand elle est dans sa bulle – ça risque de la mettre de très mauvaise humeur et de la perturber, c’est vécu comme une agression –, il n’est pas possible qu'elle y reste toute sa vie.

• On peut programmer des réveils quand la personne avec un TSA commence une activité de type intérêt spécifique, afin qu’elle n’oublie pas de manger.

• On peut mettre en place des codes lumières avec son enfant (ou même avec un adulte) pour l’aider à sortir de sa bulle. Une lumière violette, c’est l’heure de manger ; une lumière orange, c’est l’heure de faire pipi.

• On peut aussi diffuser une musique ou placer un objet particulier dans le champ de vision, quelque chose qui, en douceur, va donner le signal que la personne avec un TSA doit ramener son esprit à la réalité.

Établissez ce code avant et ensemble pour que les règles soient bien comprises et acceptées par tous.

Un témoignage illustré pour découvrir et comprendre les troubles du spectre autistique, la façon dont il a ecte la vie des personnes concernées et celle de leur entourage.

Trop souvent minimisés ou niés, les troubles du spectre autistique concernent pourtant près de 700 000 adultes en France et font partie des handicaps invisibles qui peuvent être invalidants. À travers son parcours médical et ses expériences de vie, Élise Couval livre ici son témoignage avec bienveillance et partage ses conseils pratiques pour mieux « vivre avec » au quotidien.

Dans sa démarche de sensibilisation, elle est épaulée par le docteur

Corinne Fréville pour la relecture médicale. Grâce à son expérience professionnelle, cette psychiatre apporte des réponses concrètes aux questions récurrentes des personnes qui vivent avec un TSA.

Élise Couval (@vivre.avec.un.tsa), autrice et illustratrice de 35 ans, vit avec un trouble du spectre autistique sans déficit intellectuel. Diagnostiquée tardivement, elle partage son parcours et ses émotions, notamment à travers ses illustrations colorées qui reflètent son atypie.

Corinne Fréville, ancien praticien des hôpitaux, développe un nouveau modèle de soins en psychiatrie libérale. Elle prépare le patient à sa consultation future permettant ainsi une humanisation du soin, une optimisation du temps et une rencontre e ciente.

16,95 €

www.mangoeditions.com