Stéphanie Dreyfuss, diététicienne-nutritionniste
Préface du Dr Sophie Rivier, pédiatre
Illustrations : Amélie Garcin

Basé sur les données scientifiques et les recommandations de l’OMS
Stéphanie Dreyfuss, diététicienne-nutritionniste
Préface du Dr Sophie Rivier, pédiatre
Illustrations : Amélie Garcin
Basé sur les données scientifiques et les recommandations de l’OMS
Allaitement, biberon, diversification et repas de grand de 0 à 2 ans
Les légumes, mission : exposition, acceptation
Fait-maison ou petits pots ?
Les aliments non adaptés aux bébés
Les allergènes alimentaires
Les allergènes alimentaires majeurs 145
Manger les allergènes alimentaires pour les tolérer 146
Reconnaître une allergie alimentaire 147
Les allergies qui n’en sont pas ! 148
Combien ? Les quantités et la fréquence 151
Les quantités : un mécanisme d’autorégulation complexe et très performant 151
À tout âge, proposer sans jamais forcer 152
Une alimentation fréquente, en quantités adaptées 152
Comment ? Les textures, les morceaux, la DME
L’importance de la mastication
Dès que possible, autre chose que du lisse 158
Accompagner l’apprentissage des textures
Le risque d’étouffement
Les diversifications végétariennes et végétaliennes 168
Végétarisme, végétalisme : de quoi parle-t-on ?
Alimentations végétariennes et végétaliennes adaptées à l’enfant : pas de consensus
Les difficultés de la diversification
Quelques difficultés courantes de la diversification
Quand consulter un professionnel ?
Les recommandations alimentaires après un an
De la variété, plus que jamais !
à limiter le sucre libre
4 à 5 repas par jour
La composition des repas (familiaux !)
Pas de quantités prédéfinies, mais basées sur les sensations
La grande question du lait
Un environnement propice au développement des compétences alimentaires
C’est quoi « avoir des compétences alimentaires » ?
La sélectivité et la néophobie alimentaires
À table, chacun ses responsabilités
Le cerveau humain aime être guidé. Les règles étroites, ça le rassure. Ça le rassure d’autant plus lorsque ledit cerveau est celui d’un parent, qui par définition ne veut que le meilleur pour son enfant. Mais sur la diversification, la plupart des règles encore vues, lues, entendues (voire vendues…) aujourd’hui sont désuètes. Elles n’ont pas (plus ?) de justification scientifique à jour et de raison d’être.
Lorsque je reçois en consultation les familles pour les accompagner en diversification, je peux observer deux types de réactions :
⚫ la plupart des parents sont ravis car ils perçoivent l’immense liberté et le terrain de jeu culinaire qui s'ouvrent à eux et à leur bébé comme un soulagement ;
⚫ une autre partie ressent en revanche une forme d’inquiétude pendant quelques instants. Les parents se rendent compte que leur tout petit bébé, finalement plus si petit que ça, est plein de compétences qui ne demandent qu’à grandir et qu’il pourra vite manger « comme les grands ».
Depuis le début de ce livre, nous avons probablement déjà tordu le cou à pas mal d’idées reçues. Accrochez vos ceintures, cela risque d’être encore plus vrai dans cette partie dédiée à la diversification !
Voilà quelques mois maintenant que Petit Homo sapiens partage votre vie. Il s’épanouit gaiement dans son univers lacté. Vous avez trouvé un semblant de rythme et êtes désormais habitués tant à la couleur de ses couches qu’à la fréquence de lavage de ses barboteuses !
Jusqu’au jour où vous sortez d’une visite de contrôle planifiée autour du quatrième mois de votre chérubin avec ce message en tête : « goooooooooooooooooooo diversification ! ». Votre cœur s’emballe et vous voyez défiler sous vos yeux l’entièreté du rayon « petits pots » avec pour seule crainte : « va-t-il manger assez et accepter la carotte ? ». À ce stade, j’ai plutôt envie de vous dire : « stop, on respire, on a le temps ».
Car en réalité, la diversification n’est pas un virage à cent quatre-vingts degrés que vous prenez avec votre bébé et son bavoir à la seconde de son quatrième mois révolu.
La diversification alimentaire est une suite, une transition vers l’alimentation familiale. C’est un apprentissage et une découverte alimentaires, en douceur, au rythme de votre bébé, bercés de beaucoup de plaisir. Elle devrait se faire loin de toute pression et de toute complication.
On en parle beaucoup, de cette diversification alimentaire. On y pense parfois même avant la naissance de son bébé (surtout s’il s’agit d’un premier) en planifiant la « méthode » et en incluant même le super cuiseur-mixeurbébé-3000 à sa liste de naissance. C’est vrai qu’elle est enthousiasmante, cette diversification !
Diversifier un nourrisson, cela signifie introduire tout autre aliment ou boisson que le lait du nourrisson. Et diversifier, ça regorge d’enjeux insoupçonnés.
La diversification alimentaire est un formidable outil de prévention qui cache bien son jeu. Il s’agit avant tout d’une découverte des saveurs et des textures alimentaires, pour fonder les bases du panel alimentaire et favoriser l’acceptation d’une large variété d’aliments plus tard et tout au long de la vie.
⚫ Prévention nutritionnelle
Ce premier enjeu paraît assez évident dès lors que l’on parle d’alimentation. Avant toute chose, la diversification doit donc répondre aux besoins nutritionnels sacrément exigeants d’un nourrisson. En effet, à partir de la fin du sixième mois de vie, le lait ne suffit plus à lui seul et les aliments doivent le compléter pour soutenir les besoins très élevés de l’enfant, notamment en fer.
⚫ Microbiote intestinal
Nous y revoilà, à notre microbiote. Vous avez – normalement – assez bien compris comment la phase d’alimentation lactée façonne le microbiote intestinal (voir p. 25). L’introduction des aliments de complément poursuit ce travail, toujours dans le cadre des mille premiers jours de vie.
Ainsi, plus le nourrisson sera exposé à une large variété d’aliments, une abondance de végétaux tous plus colorés les uns que les autres et peu d’aliments transformés, plus son microbiote dévoilera tout son potentiel !
⚫ Accompagnement du développement sensoriel, moteur, masticatoire
Ce qu’il se passe en bouche, c’est toute une aventure ! Nous autres adultes n’y prêtons pour la plupart même plus attention, mais chaque bouchée est une explosion sensorielle dans notre cavité buccale ! Textures, saveurs, températures, etc. : manger est un véritable festival que l’on doit apprendre à appréhender pour l’apprécier. Le bébé découvre aussi sa langue, ses joues de façon différente.
Manger, c’est également saisir, mettre en bouche (et donc bien viser !), et surtout mastiquer. Apprendre à mastiquer dans de bonnes conditions et savoir recracher sont autant d’éléments essentiels à la prévention de l’étouffement (voir p. 164).
⚫ Prévention de la sélectivité alimentaire
Il ne mange pas encore que je vous parle déjà du refus des brocolis à venir ! On a le temps, c’est certain, mais on sait que les bases de l’acceptation et des habitudes alimentaires se posent dès le départ, se maintiennent tout au long de la vie et peuvent influencer la santé155
⚫ Favoriser la compétence alimentaire et un comportement alimentaire serein
Comprendre et respecter ses sensations alimentaires (faim, rassasiement, satiété et appétits spécifiques), encourager l’exposition et respecter la découverte alimentaire, partager en famille le plaisir de manger permettent de donner tous les outils à un enfant pour qu’il développe une relation sereine avec les aliments, tout au long de sa vie.
Les parents (et adultes au contact de l’enfant) jouent un rôle majeur dans le processus de la diversification alimentaire. Ils prennent des décisions sur le moment et le contenu de l’alimentation, sur la manière dont le nourrisson mange. Ils fixent des règles et des attentes, fournissent un modèle alimentaire. Cela influence les préférences alimentaires plus tard dans la vie156 et la régulation de l’appétit. Tous ces éléments contribuent à la santé de façon globale.
« On respire, on a le temps, c’est bien gentil, mais concrètement, quand commence-t-on ? Et avec quoi ? Et comment ? La DME, Tata Jacqueline me dit que c’est mieux, mais j’en sais rien moi ! »
Aux environs des années 2018-2020, les recommandations relatives à la diversification alimentaire ont fortement évolué. Elles ont évolué car de très nombreuses données scientifiques ont émergé au cours des dix années précédentes, approximativement. Et de nouvelles études continuent très régulièrement d’enrichir nos connaissances.
Tout cela, à mes yeux de professionnelle de santé spécialiste de l’alimentation et de la nutrition du tout-petit, est une excellente chose. Mes collègues et moi-même avons vraiment le sentiment que cela va dans le bon sens. Ces nouvelles recommandations, sous leur allure de presque révolution, sont donc positives !
Positives, mais sources de confusion, à juste titre, pour les parents. Pour les parents d’un premier enfant né au temps des « anciennes » recommandations, puis d’un cadet, né après, qui ont l’impression d’avoir fait n’importe quoi avec l’aîné ! Pour les parents qui reçoivent un savant mélange d’informations datant d’un peu avant et d’un peu après et qui ne savent plus qui ni quoi écouter.
Ainsi, tout comme la première partie de ce livre, je vais partager avec vous l’état des connaissances, des consensus et des recommandations à ce jour. Elles sont, j’en suis persuadée, plus pertinentes que celles d’hier. Et probablement moins que celles de demain.
Débuter quand l’enfant est prêt, entre 4 et 6 mois révolus
trop tôt ni trop tard
Avant 4 mois révolus, le système digestif du bébé n’est pas suffisamment mature pour digérer et tolérer autre chose que du lait. L’immaturité peut également encore persister sur les plans neurologique, rénal, immunitaire. Débuter avant 4 mois, c’est exposer l’intestin immature du nourrisson à des agents pathogènes et à des allergènes, ce qui peut augmenter le risque de développer des allergies157.
Après 6 mois révolus, le lait ne couvre plus certains besoins nutritionnels. Débuter après 6 mois peut entraîner un ralentissement de la croissance, des carences en micronutriments (en particulier en fer et en zinc), retarder le développement des capacités oro-motrices et augmenter – aussi – le risque de développer des allergies158.
Entre 4 et 6 mois (en âge corrigé pour les bébés nés prématurément), il n’y a pas de consensus sur l’âge idéal pour introduire les aliments de complément. Le plus probablement parce que tous les enfants sont différents et que ce qui importe, c’est que le nourrisson soit prêt d’un point de vue développemental.
« Rien ne sert de courir, il faut partir à point » : cela résume à mon sens très bien l’âge « idéal » de la diversification.
recommandations
S’il n’y a pas de consensus universel, tendre vers le sixième mois plutôt que de commencer dès le quatrième mois révolu semble judicieux. Débuter trop tôt, c’est prendre le risque de ne pas couvrir suffisamment bien les besoins nutritionnels et de favoriser le développement de maladies chroniques plus tard dans la vie159
Stéphanie Dreyfuss est diététicienne experte en nutrition pédiatrique. Depuis le premier jour de vie de votre bébé et pour toutes les années qui suivront, elle vous propose un guide global sur l’alimentation du nourrisson au sens large : allaitement maternel, biberon, diversification, repas de grand… Tout y est, sourcé et basé sur les dernières recommandations, pratique et concret.
« Qu’est-ce qu’un parent normal ? Vous. Encore mieux : vous êtes parfait ! Parfait comme vous êtes, avec toutes vos imperfections. Et expert de votre enfant. »
Stéphanie Dreyfuss