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MEURTRE AU LOUVRE

SA U RAS-TU DÉMASQUER LE COUPABLE?

PROLOGUE

La visite tourne mal

C’est bien ma chance ! Pour une fois qu’on fait une sortie inté ressante, il faut que ce soit au Louvre.

Ne vous méprenez pas, j’adore ce musée. Je sais très bien que c’est l’un des plus beaux au monde. Je connais parfaitement la partie sur les antiquités, en particulier la salle 44 de la galerie Campana V.

Et pour cause : mon père m’y emmène tout le temps. Une fois, on a même fait une visite la veille de ma rentrée en cinquième. Aujourd’hui, je suis en troisième et c’est déjà la sixième fois que je viens ici.

On peut se demander pourquoi mon père est aussi obsédé par le Louvre et les antiquités gréco-latines. Eh bien, il faut savoir qu’il enseigne les langues anciennes à l’université de la Sorbonne. C’est le professeur Ponchon.

En plus de ses cours, il est assez régulièrement appelé sur des chantiers de fouilles pour traduire des manuscrits retrouvés. Par exemple, il était encore récemment en Égypte, dans l’oasis d’alKharga, pour authentifier des papyrus fort anciens comportant des passages inédits du Satyricon, un roman latin vieux de deux mille ans.

Bref, il est obnubilé par son travail et il n’est pas souvent là.

Pendant ses absences, je dois me débrouiller tout seul. Je me fais à manger, je fais mes devoirs, je vais au collège. Bon, j’avoue, je me laisse entraîner parfois dans de longues sessions de jeux vidéo puisqu’il n’y a personne pour me surveiller. Mais comme j’ai d’excellentes notes, cela ne pose pas de problème.

On aura remarqué que je ne parle pas de ma mère. Elle est morte quand j’étais très jeune et, depuis, mon père et moi, on ne vit que tous les deux. Ça n’a pas toujours été facile. Mon père, je l’ai déjà dit, ne vit que pour l’Antiquité. C’est sa seule passion. Et

il a un peu de mal à s’intéresser à… tout le reste.

Pour qu’on se rende compte de l’étendue de son obsession, je dois avouer que je parle couramment le grec ancien et le latin.

Oui, mon père m’a enseigné ces deux langues et il arrive parfois qu’on ait des conversations entières comme des contemporains de Cicéron ou de Platon.

J’ai l’air de me plaindre mais ce n’est pas vraiment le cas.

Certes, mon père est un peu dans la lune, incapable de parler

d’autre chose que de gens morts depuis des milliers d’années, mais il fait de son mieux, je le sais.

Par exemple, mon prénom. Avec son goût pour les Anciens, il aurait pu m’appeler Anaximandre ou Garanus. Au lieu de cela, il m’a simplement baptisé Hugo (oui, il aime aussi Victor Hugo).

De cela, je le remercie tous les jours.

Bon, ce n’est pas pour autant que les choses se passent bien à l’école.

Les profs ont très vite remarqué que je connaissais par cœur la mythologie gréco-latine. J’ai eu tort, en sixième, de lever le doigt pour répondre à des questions. C’était il y a quatre ans. Depuis, à chaque fois qu’on parle d’Athènes ou de Rome, toute la classe se tourne vers moi. J’ai beau essayer de me taire, de disparaître sous la table, de faire semblant de ne pas connaître la réponse, les profs adorent m’interroger.

Du coup, je traîne une réputation d’intello qui me poursuit partout, alors que je ne suis même pas le premier de ma classe !

Comme les classes sont presque identiques d’une année sur l’autre, je me retrouve toujours avec Kylian. Cet imbécile à crête n’arrête pas de me harceler et de se moquer de moi à la moindre occasion.

Heureusement que personne ne sait que je parle latin et grec ! Ce serait la fin de ma vie sociale.

J’avais presque réussi à faire oublier ma « différence » quand Mme Paireau, la prof d’histoire-géo, a annoncé qu’on irait visiter le Louvre.

Bien sûr, Kylian s’est déchaîné. Il n’en pouvait plus. Mais il est allé trop loin. Des camarades de la classe lui ont même dit d’arrêter. J’ai eu droit à un peu de répit.

Hier, la prof a donné la composition des groupes de travail. Évidemment, je suis dans celui de Kylian ! Je n’ai pas osé lui demander pourquoi elle avait fait ça mais je pense qu’elle a dans l’idée que travailler ensemble va nous rapprocher.

Tu parles ! Cela fait quatre ans qu’il me déteste ! Cela ne va pas changer en quelques heures de visite. Il va s’en donner à cœur joie.

Heureusement, c’est un peu mieux pour le reste du groupe. Déjà, il y a Nawel. C’est la seule qui soit gentille avec moi. Il faut dire qu’elle a aussi été harcelée par Kylian en sixième, alors elle comprend. Je ne sais pas comment elle a fait pour que ça s’arrête, hélas.

Et puis, il y a Thomas, qui est arrivé cette année. C’est un intello, comme moi. Toujours tiré à quatre épingles. C’est le seul troisième au monde qui porte des chemises. Avec un peu de chance, Kylian va reporter son attention sur lui. Je dis ça mais je n’y crois pas vraiment : le truc de Thomas, ce sont les maths et la physique. Il ne sera sans doute pas content d’être au Louvre. Et Kylian n’aime rien tant que d’abîmer ce qu’on aime.

L’avant-dernier membre de mon groupe est Chora. Avec son look gothique, ses longs cheveux noirs, elle doit impressionner Kylian. C’est la seule à parvenir à le calmer. Elle aime bien la littérature et la poésie. Je trouve que c’est une bonne personne.

Et puis, il y a Jennifer. Elle se cache dans des pulls trop grands, ses cheveux blonds décolorés tombant en mèches devant ses yeux. Jennifer ne va pas bien. De temps en temps, elle a des crises et se roule par terre mais c’est de plus en plus rare maintenant. Sinon, elle ne prend presque jamais la parole.

En bref, avec le groupe concocté par la prof, la visite ne pouvait être qu’un désastre.

Ah oui, j’oubliais un détail : comme on manquait de surveillants, mon père m’a annoncé qu’il allait accompagner la classe au Louvre !

* * *

Nous y voilà ! C’est aujourd’hui.

Étrangement, il ne semble pas y avoir beaucoup de monde aujourd’hui. On nous donne un passe qui permet d’entrer et de sortir à notre guise. Mme Paireau nous indique de bien rester à l’intérieur du musée.

Pour l’instant, j’ai surtout envie de m’enfermer dans un sarcophage pour attendre tranquillement la fin de la journée. Bien vite, la prof d’histoire-géo nous distribue un devoir en nous disant de travailler en groupe.

Les autres groupes restent… en groupe. Normal ! Dans le mien, on se divise et on se répartit les tâches. Je sais qu’il ne faut pas compter sur Kylian, qui a un poil dans la main, ni sur Jennifer, qui a déjà beaucoup de choses à gérer de son côté.

J’essaie de m’entendre avec Thomas, Chora et Nawel.

Thomas prend un des papiers.

Je m’occupe de la partie sur la peinture, décrète-t-il.

Et il part du côté de l’aile Denon.

Jennifer, elle, s’éloigne en direction des antiquités égyptiennes, suivant Mme Paireau qui a déjà des élèves accrochés à elle pour lui soutirer des informations.

Chora n’a pas l’air très motivée.

Choisissez ce que vous voulez. Je me servirai à la fin.

Je me tourne alors vers Nawel. Toujours bienveillante, elle rajuste ses lunettes et me propose :

On peut commencer par les antiquités romaines, je sais que c’est ta partie préférée.

Je commence presque à apprécier cette visite. J’aime bien Nawel, elle est cool. Et elle est super-sérieuse. C’est la seule de

la classe qui a déjà prévu son stage en entreprise pour la fin de l’année scolaire alors qu’on n’est qu’en novembre. C’est dire ! Elle sait qu’elle ira dans la tour Eden, à La Défense.

Bien sûr, Kylian a essayé de nous embêter en laissant entendre qu’on sortait ensemble. Je dois dire que ça ne m’a même pas troublé. Nawel et moi, on est amis, c’est tout. Il n’y a pourtant rien de difficile à comprendre.

D’ailleurs, voyant que ça n’avait aucun effet sur Nawel non plus, Kylian a arrêté ses commérages. Ainsi, je me prépare à suivre la longue tresse brune de mon amie quand, soudain, mon père arrive.

Il a un air assez timide avec sa couronne de cheveux noirs et son collier de barbe. On a les mêmes lunettes. J’essaie de ne pas penser au fait qu’un jour je perdrai sûrement mes cheveux comme lui.

Salut, papa.

Il me dépose une bise sur la joue. Je me félicite que Kylian ne soit pas dans les parages pour voir ça. Mon père sourit.

— Je suis content qu’on fasse quelque chose ensemble pour une fois. Enfin, quelque chose dans le cadre de l’école.

Je hoche la tête sans rien dire. En fait, j’aimerais qu’il s’en aille, là, maintenant. Sa présence me gêne. Je ne veux pas que des gens comme Kylian le voient et en profitent pour me ridiculiser. J’avais l’impression que ses moqueries ne me touchaient plus mais je me suis manifestement trompé.

Où veux-tu aller ? demande-t-il.

On allait vers les antiquités gréco-latines, annonce Nawel sans remarquer mon malaise.

C’est parfait ! s’exclame mon père. C’est bien Nawal, c’est ça ?

Nawel n’ose pas le reprendre. De toute façon, il aura oublié dans la seconde qui suit. Tout ce qui n’a pas de rapport avec l’Antiquité a du mal à rester gravé dans sa mémoire.

On se dirige donc vers l’aile Sully. Au loin, je vois mes camarades de classe qui se poussent du coude et montrent mon père du menton. Je sens que cette sortie va détruire les derniers fragments de ma vie de collégien.

Je suis tellement décontenancé que je bouscule un homme avec une canne. Je m’excuse mais il continue sa route d’un pas de somnambule.

Sans un mot, je suis mon père qui est déjà en grande discussion avec « Nawal ». J’essaie de compter combien de fois il va massacrer son prénom. J’en suis déjà à dix quand on arrive au premier étage.

Devant les céramiques, mon père se lance dans un cours sur l’art de la poterie. Nawel fait très bien semblant de s’intéresser. Elle finit par lui dire que ce n’est pas vraiment en rapport avec ce qu’on nous demande.

Mon père ne se démonte pas et lui emprunte la feuille sur laquelle est noté notre exercice : « Choisissez un motif artis -

tique et comparez son traitement à travers les époques. » Mon père grimace.

Sans mise en contexte, cela risque d’être un exercice un peu vain.

Excédé, j’interviens.

On n’est qu’en troisième, papa ! On ne va pas non plus passer cent ans à faire de l’histoire des arts !

Il se fige. Mon ton était beaucoup plus dur que ce que j’aurais voulu. Ses yeux s’embuent un peu derrière ses lunettes. Il n’a pas l’habitude que je réagisse ainsi. Moi non plus. Si nous n’étions que tous les deux, ou seulement avec Nawel, tout irait bien. Mais il y a toujours Kylian qui rôde.

Je vais faire un tour de ce côté, indique mon père.

Il s’éloigne, à mon grand soulagement, vers l’aile Denon. Cependant, je sens le regard lourd de reproche de Nawel qui pèse sur moi.

Tu devrais garder ta mauvaise humeur pour Kylian. Lui, il mérite de se faire enguirlander, dit-elle.

Et elle a raison. La honte monte en moi comme une inondation. Je m’en veux. Mon père ne faisait rien de mal. Il essayait pour une fois de s’intéresser à ma vie de collégien. Malgré sa maladresse, malgré sa timidité, il bavardait avec Nawel.

Je me tourne vers elle.

Tu crois que… ?

Va le voir, me coupe-t-elle. Va t’excuser.

Alors je cours vers les escaliers. Je ne peux pas laisser mon père dans cet état-là. Si je réagis comme ça quand il fait des efforts, il risque d’abandonner complètement.

Je descends l’escalier Daru dont un palier accueille la Victoire de Samothrace. Avec sa tête et ses bras manquants, elle me fait penser à moi.

J’aperçois mon père de dos, au pied d’une volée de marches.

Soudain, un cri retentit. Une femme rugit, montrant mon père du doigt. Puis un visiteur l’imite, manifestement affolé. Tous les regards se tournent vers mon père.

Je m’avance. Il pivote sur lui-même et je vois deux choses : son regard halluciné et un corps étendu sur les marches, juste en dessous de lui.

A

Un crime. Cinq lieux. Cinq chapitres.

Des indices à collecter...

Et un coupable à débusquer.

I D E -MOI À LEVER LE VOILE S U R CETTE AFFAIRE !

Avez-vous déjà imaginé une sortie scolaire virant au cauchemar ? Moi, non. Surtout pas au Louvre, mon musée préféré ! Et pourtant… Un meurtre a été commis. Et mon père est accusé d’avoir fait le coup.

Avant d’être menotté, il me chuchote qu’il a entendu quelque chose… et que le véritable assassin est un enfant.

La conclusion est sans appel : le tueur est l’un de mes camarades.

Mais lequel ?

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